Language of document : ECLI:EU:T:2022:804

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 décembre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque figurative eurol LUBRICANTS – Marque nationale verbale antérieure EUROLLUBRICANTS – Preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure – Articles 15 et 57 du règlement (CE) n° 207/2009 [devenus articles 18 et 64 du règlement (UE) 2017/1001] – Usage avec le consentement du titulaire de la marque – Absence d’altération du caractère distinctif – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑636/21,

Eurol BV, établie à Nijverdal (Pays-Bas), représentée par Mes M. Driessen et G. van Roeyen, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Ivanauskas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

August Wolfgang Pernsteiner, demeurant à Feldkirchen an der Donau (Autriche), représenté par Me J. Öhlböck, avocat,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. G. De Baere, président, K. Kecsmár et Mme S. Kingston (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Eurol BV, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 25 juillet 2021 (affaire R 2403/2020‑2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 7 mai 2014, la requérante a désigné l’Union européenne pour l’enregistrement international no 1219171 du signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels la protection dans l’Union a été demandée relèvent notamment de la classe 4 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Huiles et graisses industrielles ; lubrifiants ; huiles et graisses lubrifiantes ; huiles, en particulier huiles pour véhicules à moteur, y compris huiles synthétiques pour véhicules à moteur, huiles semi-synthétiques pour véhicules, huiles pour motocycles, huile pour tracteurs, huile pour camions, huile pour moteurs de navires, huiles pour machines et installations, huiles de course, huile monograde, gasoil, huile de transmission, huile de boîte de vitesses, huiles de direction assistée, huiles de transmission synthétiques, huile à deux temps, huiles monogrades, huiles minérales, huiles pour appareils de conditionnement d’air, huiles pour tronçonneuse, huiles pour pompes à vide, huiles hydrauliques et biohydrauliques dans la mesure où elles sont comprises dans cette classe, huiles pour boîtes de transmission, huiles pour turbines ; produits de traitement des métaux ayant des propriétés lubrifiantes ; liquides de traitement des métaux sous forme d’huiles ; huiles pour le traitement des métaux ; huiles de coupe destinées au traitement industriel des métaux ; fluides réfrigérants-lubrifiants industriels ; huiles de qualité alimentaire ; huiles non toxiques, y compris graisses non toxiques pour machines alimentaires, huiles pour compresseur, y compris huiles synthétiques pour compresseur, additifs non chimiques pour carburants, lubrifiants et graisses, y compris additifs antigels non chimiques ; huiles pour chaînes de distribution ; lubrifiants à haute température ; huiles de guidage ; huiles caloporteuses ; huiles paraffiniques ».

4        La demande d’enregistrement international désignant l’Union a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2014/195, du 17 octobre 2014.

5        Le 26 mars 2019, l’intervenant,  August Wolfgang Pernsteiner, a présenté à l’EUIPO une demande de nullité des effets de l’enregistrement international désignant l’Union pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

6        La demande en nullité était fondée sur la marque autrichienne verbale antérieure EUROLLUBRICANTS, déposée le 1er mars 1995 et enregistrée le 8 août 1995 sous le numéro 159248, désignant des produits relevant de la classe 4.

7        Les motifs de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du même règlement.

8        À la suite de la demande formulée par la requérante devant la chambre de recours, et en application de l’article 64, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, l’EUIPO a invité l’intervenant à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée à l’appui de la demande en nullité. Ce dernier a déféré à ladite demande dans le délai imparti.

9        Le 20 octobre 2020, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité sur le fondement de l’article 60, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. La division d’annulation en a conclu qu’il n’était pas nécessaire d’examiner le moyen fondé sur l’article 8, paragraphe 1, sous a), dudit règlement.

10      Le 16 décembre 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

11      Par la décision attaquée, la deuxième chambre de recours a rejeté le recours. En substance, elle a considéré, premièrement, que l’intervenant avait établi que la marque antérieure était valide au moment du dépôt de la demande en nullité ainsi qu’à la date d’adoption de la décision attaquée. Deuxièmement, elle a considéré que l’intervenant avait prouvé l’usage sérieux de la marque antérieure par rapport aux produits pertinents. En particulier, la chambre de recours a décidé que la marque antérieure avait été utilisée par des tiers avec le consentement de l’intervenant ; que l’usage de cette marque avait été fait sous des formes n’altérant pas le caractère distinctif de celle-ci dans la forme sous laquelle elle avait été enregistrée ; et que les preuves produites par l’intervenant établissaient à suffisance que l’usage de la marque antérieure était sérieux. En outre, la chambre de recours a explicitement renvoyé et souscrit au raisonnement de la division d’annulation portant sur l’usage sérieux de la marque antérieure. Troisièmement, la chambre de recours a estimé qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit d’une partie importante du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties 

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’intervenant et l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO et l’intervenant concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 64, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 47, paragraphes 2 et 3, et l’article 18, paragraphes 1 et 2, du même règlement, en ce que la chambre de recours a conclu à tort que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux et, le second, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en ce que la chambre de recours a erronément estimé qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

 Observations liminaires

 Sur l’application temporelle des règlements sur la marque de l’Union européenne

15      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement international désignant l’Union, à savoir le 7 mai 2014 (voir point 2 ci‑dessus), qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable [voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 2021, Zoom/EUIPO – Facetec (ZOOM), T‑204/20, non publié, EU:T:2021:391, point 17 et jurisprudence citée, et du 8 septembre 2021, SBG/EUIPO – VF International (GEØGRAPHICAL NØRWAY), T‑458/20, non publié, EU:T:2021:543, points 1 et 13 et jurisprudence citée], les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO 2009, L 78, p. 1), remplacé par le règlement 2017/1001.

16      Par suite, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références aux dispositions du règlement 2017/1001 faites par la chambre de recours dans la décision attaquée ainsi que par la requérante, l’EUIPO et l’intervenante dans leurs écritures comme visant les dispositions correspondantes du règlement no 207/2009.

17      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

 Sur le renvoi global aux annexes et aux écrits déposés devant l’EUIPO

18      En plus des arguments qu’elle soulève dans la requête, la requérante renvoie globalement aux écrits qu’elle a déposés devant l’EUIPO, notamment son recours du 16 décembre 2020 contre la décision de la division d’annulation (annexe A.3), et demande que tous les arguments et les preuves qu’elle avait présentés au cours de la procédure devant la division d’annulation et la chambre de recours soient considérés comme également présentés dans le cadre du présent recours.

19      À cet égard, il convient de rappeler que, si la requête peut être étayée et complétée, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, les annexes ont une fonction purement probatoire et instrumentale et ne sauraient, dès lors, servir à développer un moyen sommairement exposé dans la requête en avançant des griefs ou des arguments ne figurant pas dans celle-ci [voir, par analogie, arrêt du 31 janvier 2019, Thun/EUIPO (Poisson), T‑604/17, non publié, EU:T:2019:42, point 46 et jurisprudence citée]. En outre, il n’incombe pas au Tribunal de se substituer aux parties en essayant de rechercher les éléments pertinents dans les documents auxquels elles se réfèrent [arrêt du 17 avril 2008, Dainichiseika Colour & Chemicals Mfg./OHMI – Pelikan (Représentation d’un pélican), T‑389/03, non publié, EU:T:2008:114, point 19].

20      Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait, en l’espèce, prendre en compte les arguments que la requérante a présentés au cours de la procédure devant l’EUIPO, à moins que ceux-ci ne figurent également dans la requête.

 Sur la recevabilité des preuves produites pour la première fois devant le Tribunal

21      L’EUIPO fait valoir que la requérante n’a pas produit les pièces constituant les annexes A.4 et A.6 à A.11 de la requête au cours de la procédure devant la chambre de recours et demande que ces annexes soient par conséquent déclarées irrecevables.

22      À cet égard, il convient de relever que la requérante a produit, en tant qu’annexes A.7 à A.11 de la requête, divers documents pour soutenir que, au vu des caractéristiques du marché des lubrifiants, qui sont des produits peu coûteux de grande consommation, les ventes effectuées sous la marque antérieure auraient dû être plus importantes pour qu’il puisse être conclu à l’usage sérieux de ladite marque. Ces documents comportent des données chiffrées concernant les nouveaux véhicules motorisés immatriculés dans l’Union et en Autriche, les ménages autrichiens possédant au moins une voiture, les quantités, exprimées en tonnes métriques, de lubrifiants vendues en Autriche et les ventes de lubrifiants dans le secteur des huiles industrielles. La requérante produit également l’annexe A.4, afin de prouver l’enregistrement international de la marque figurative contestée au nom d’Eurol BV, et l’annexe A.6, dans le but de prouver l’enregistrement autrichien de la marque verbale EUROL au nom d’EUROL‑LUBRICANTS-AUSTRIA GmbH. Il ressort du dossier de la procédure devant l’EUIPO que ces éléments de preuve n’ont pas été produits devant lui.

23      Conformément à la jurisprudence, un recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours. Dans le cadre dudit règlement, en application de son article 95, ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, point 17 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait annuler ou réformer la décision qui est l’objet du recours pour des motifs qui apparaitraient postérieurement à son prononcé (arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 55, et du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 53).

24      Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de ces preuves est contraire à l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Partant, les preuves produites pour la première fois devant le Tribunal doivent être déclarées irrecevables [voir arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 22 et jurisprudence citée].

25      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter les éléments de preuve produits en tant qu’annexes A.4 et A.6 à A.11 de la requête comme étant irrecevables, au motif qu’elles ont été produites pour la première fois devant le Tribunal.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 42, paragraphes 2 et 3, et l’article 15, paragraphes 1 et 2, du même règlement, en ce que la chambre de recours a conclu à tort que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux 

26      Par le premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la marque antérieure n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux. Ce moyen s’articule en trois branches.

27      Premièrement, la requérante soutient que la marque antérieure n’a pas été utilisée avec le consentement de l’intervenant. Deuxièmement, la requérante fait valoir que l’usage allégué de deux signes figuratifs ne saurait être considéré comme un usage de la marque verbale antérieure sous sa forme enregistrée. Troisièmement, la requérante soutient que l’usage sérieux de la marque antérieure n’a pas été suffisamment établi par les éléments de preuve produits par l’intervenant.

 Considérations liminaires

28      Il convient de rappeler qu’il résulte du considérant 10 du règlement no 207/2009 que le législateur a considéré que la protection d’une marque antérieure n’était justifiée que dans la mesure où celle-ci était effectivement utilisée.

29      En vertu de la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) [devenue article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)], applicable mutatis mutandis dans les procédures de nullité en vertu de la règle 40, paragraphe 6, du règlement no 2868/95 (devenue article 19, paragraphe 2, du règlement délégué 2018/625), les preuves de l’usage sérieux se limitent, en principe, à la production de pièces justificatives comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites faites sous serment ou solennellement visées à l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009 [devenu article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001].

30      La ratio legis de l’exigence selon laquelle une marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être protégée au titre du droit de l’Union réside dans le fait que le registre de l’EUIPO ne saurait être assimilé à un dépôt stratégique et statique conférant à un détenteur inactif un monopole légal d’une durée indéterminée. Au contraire, ledit registre devrait refléter fidèlement les indications que les entreprises utilisent effectivement sur le marché pour distinguer leurs produits et services dans la vie économique [voir arrêt du 15 juillet 2015, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Recticel (λ), T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 20 et jurisprudence citée].

31      Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [arrêts du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/centrotherm Clean Solutions, C‑609/11 P, EU:C:2013:592, points 72 et 74, et du 29 novembre 2018, Alcohol Countermeasure Systems (International)/EUIPO, C‑340/17 P, non publié, EU:C:2018:965, point 90 ; voir, également, arrêt du 2 février 2016, Benelli Q. J./OHMI – Demharter (MOTOBI B PESARO), T‑171/13, EU:T:2016:54, point 68 et jurisprudence citée].

32      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).

33      C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a considéré à bon droit que les preuves présentées par l’intervenant démontraient, s’agissant des produits en cause, un usage sérieux de la marque antérieure.

34      En l’espèce, selon les constatations figurant dans la décision de la division d’annulation, auxquelles la chambre de recours a souscrit, l’intervenant était tenu de démontrer que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux en Autriche pendant la période comprise entre le 17 février 2009 et le 16 février 2014 (ci‑après la « première période pertinente ») ainsi que pendant la période comprise entre le 26 mars 2014 et le 25 mars 2019 (ci-après la « seconde période pertinente » et, s’agissant de ces deux périodes prises ensemble, les « périodes pertinentes »), ce que les parties ne contestent pas.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’absence de preuve démontrant que la marque antérieure a été utilisée par des tiers avec le consentement de l’intervenant

35      Par la première branche, la requérante fait valoir que la chambre de recours a estimé à tort que la marque antérieure était utilisée par EUROL‑LUBRICANTS-AUSTRIA et EUROLLUBRICANTS oil tec GmbH avec le consentement de l’intervenant et que l’usage de cette marque par ces sociétés pouvait ainsi être considéré comme un usage effectué par l’intervenant. Dans ce cadre, la requérante soulève, en substance, quatre arguments.

36      Premièrement, la requérante soutient que la chambre de recours s’est appuyée à tort, au point 31 de la décision attaquée, sur une présomption prétendument établie dans l’arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT) (T‑203/02, EU:T:2004:225), selon laquelle, lorsque le titulaire d’une marque antérieure fait valoir des actes d’usage de cette marque effectués par un tiers en tant qu’usage sérieux de celle-ci, il serait implicite que cet usage ait été effectué avec le consentement dudit titulaire. Deuxièmement, la requérante fait valoir que la chambre de recours a pris en compte, au point 32 de la décision attaquée, un critère arbitraire du lien économique suffisant entre toutes les parties dont émanent des éléments de preuve de l’usage de la marque antérieure pour établir le consentement de l’intervenant. Troisièmement, selon la requérante, les déclarations de l’intervenant s’agissant de la période pendant laquelle il était titulaire de la marque antérieure ne sont pas cohérentes, crédibles et suffisamment précises pour pouvoir conclure, comme la chambre de recours l’a fait, que l’usage sérieux a été établi. Plus particulièrement, la requérante avance qu’aucune preuve ne démontre qu’un consentement de l’intervenant a été donné préalablement à l’usage de la marque antérieure par les tiers concernés. Quatrièmement, la requérante soutient que le consentement du titulaire doit être exprimé de façon explicite, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce.

37      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

38      Tout d’abord, il convient de relever qu’il est constant entre les parties, ainsi qu’il ressort d’ailleurs des éléments de preuve produits, que, au cours des périodes pertinentes, la marque antérieure a été utilisée non pas par l’intervenant, mais par des tiers, à savoir EUROL-LUBRICANTS-AUSTRIA et EUROLLUBRICANTS oil tec. Une autre société, ECOINVEST Beteiligungs GmbH, était titulaire de la marque antérieure pendant la plus grande partie des périodes pertinentes. Selon un accord conclu entre l’intervenant et ECOINVEST Beteiligungs, daté du 16 août 2017 (ci-après l’« accord du 16 août 2017 »), la marque antérieure a été cédée à cette dernière société avec le consentement de l’intervenant et ce dernier a gardé le droit exclusif de sous-licencier ladite marque pendant la période comprise entre le 2 juillet 2008 et le 31 août 2018.

39      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 18, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), l’usage de la marque de l’Union européenne avec le consentement du titulaire est considéré comme fait par le titulaire.

40      Au point 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé la jurisprudence selon laquelle, lorsque le titulaire d’une marque fait valoir des actes d’usage de celle-ci par un tiers en tant qu’usage sérieux, il prétend implicitement que cet usage a été effectué avec son consentement (arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 24). En effet, si l’usage de cette marque a été fait sans le consentement du titulaire de celle-ci, et dès lors en violation du droit des marques, les entités ayant fait un tel usage auraient un intérêt à ne pas révéler les preuves de celui-ci à ce titulaire (arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 25). Il est également peu probable que le titulaire de ladite marque ait pu disposer de ces éléments et les soumettre comme preuves de l’usage de celle-ci si cet usage avait été fait contre son gré [arrêts du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 25, et du 22 mars 2017, Windrush Aka/EUIPO – Dammers (The Specials), T‑336/15, EU:T:2017:197, point 56].

41      Premièrement, contrairement à ce que la requérante maintient, en ce qui concerne la pertinence de l’arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT (T‑203/02, EU:T:2004:225), l’EUIPO souligne à juste titre que le simple fait que, au cours de la procédure devant lui, la requérante ait expressément contesté l’usage de la marque antérieure par des tiers ne suffit pas à remettre en cause le principe énoncé au point 40 ci-dessus.

42      Certes, ainsi qu’il ressort du point 27 de l’arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT (T‑203/02, EU:T:2004:225), dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la partie requérante n’avait pas contesté l’usage de la marque concernée effectué par un tiers ni émis des doutes quant au fait que le titulaire de cette marque avait donné son consentement à cet usage (arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 27), ce que fait, en revanche, la requérante dans le cadre du présent recours.

43      Toutefois, contrairement à ce que la requérante soutient, il ressort des points 24 à 26 de l’arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT (T‑203/02, EU:T:2004:225), que, dans cet arrêt, ce n’est qu’à titre surabondant que le Tribunal a pris en compte l’absence de contestation par la partie requérante dans ladite affaire de l’usage de la marque concernée par des tiers avec le consentement de son titulaire, et non en tant qu’élément essentiel du raisonnement.

44      Partant, il convient de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en s’appuyant, au point 31 de la décision attaquée, sur le principe dégagé aux points 24 à 26 de l’arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT (T‑203/02, EU:T:2004:225), selon lequel, lorsque le titulaire d’une marque antérieure fait valoir des actes d’usage de cette marque effectués par un tiers en tant qu’usage sérieux de celle-ci, il est implicite que cet usage ait été effectué avec son consentement, sauf preuve du contraire.

45      Deuxièmement, en ce qui concerne le lien entre l’intervenant et les sociétés EUROL-LUBRICANTS-AUSTRIA et EUROLLUBRICANTS oil tec, il est constant qu’un tel lien existait pendant une partie des périodes pertinentes. La requérante admet explicitement que, durant celles-ci, l’intervenant était l’actionnaire unique d’EUROLLUBRICANTS oil tec à partir du 20 octobre 2016 et celui d’EUROL-LUBRICANTS-AUSTRIA entre le 5 et le 10 avril 2013 et, ensuite, à partir du 15 juin 2018. Il est également constant que l’intervenant a été le directeur général d’EUROLLUBRICANTS oil tec à partir du 23 septembre 2016 et celui d’EUROL-LUBRICANTS-AUSTRIA entre le 14 juin et le 8 décembre 2017 ainsi qu’à partir du 15 décembre 2017.

46      Partant, force est de constater que des liens économiques suffisants entre l’intervenant et les deux sociétés qui utilisaient effectivement la marque antérieure existaient au cours d’une partie importante des périodes pertinentes, à savoir pendant environ la moitié de la seconde période pertinente et durant cinq jours de la première période pertinente.

47      À cet égard, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la décision attaquée est fondée sur un critère purement arbitraire relatif aux liens économiques entre l’intervenant et les sociétés qui utilisaient la marque antérieure.

48      En effet, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’usage de la marque par une société économiquement liée au titulaire de la marque est présumé être un usage de ladite marque fait avec le consentement du titulaire et est donc à considérer comme fait par le titulaire, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 [voir arrêt du 25 juin 2020, Dermavita/EUIPO – Allergan Holdings France (JUVÉDERM), T‑104/19, non publié, EU:T:2020:283, point 50 et jurisprudence citée].

49      Dès lors, ce critère relatif aux liens économiques entre l’intervenant et les sociétés qui utilisaient la marque antérieure est un indice pertinent pour conclure au consentement de l’intervenant, même si de tels liens ne s’étendent pas à l’ensemble ni à la plus grande partie des périodes pertinentes.

50      Il s’ensuit que la chambre de recours s’est fondée à bon droit, entre autres, sur l’existence d’un lien économique entre l’intervenant et les sociétés qui utilisaient cette marque.

51      Troisièmement, il convient de rejeter la critique de la requérante portant sur la déclaration sur l’honneur de l’intervenant datée du 19 mars 2020 et l’accord du 16 août 2017. Par ces deux documents, l’intervenant affirme avoir octroyé oralement aux sociétés utilisatrices de la marque antérieure une licence ainsi qu’une sous-licence pendant la période où ECOINVEST Beteiligungs était titulaire de celle-ci.

52      La requérante soutient, en substance, que la déclaration sur l’honneur et l’accord du 16 août 2017 ne sont pas crédibles en ce que, d’une part, ils n’établissent pas que l’intervenant avait le droit d’accorder aux sociétés tierces une licence ou une sous‑licence pour l’usage de la marque antérieure et, d’autre part, ils ne corroborent pas le fait que l’intervenant aurait effectivement donné de telles licence et sous-licence. En tout état de cause, ces documents ne suffiraient pas pour démontrer l’existence du consentement requis.

53      Toutefois, force est de constater que ces deux documents n’ont pas joué un rôle déterminant dans l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle il existait un consentement de l’intervenant quant à l’utilisation de la marque antérieure par les sociétés susmentionnées. En effet, la chambre de recours a souscrit à la conclusion de la division d’annulation selon laquelle la preuve que des accords de licence ont effectivement été conclus n’était pas une condition nécessaire pour conclure au consentement préalable à l’usage de la marque antérieure. Le grief de la requérante concernant la force probante de ces deux documents est, dès lors, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

54      En effet, il convient de constater que la chambre de recours s’est appuyée aux points 31 et 32 de la décision attaquée sur d’autres éléments pour conclure au consentement de l’intervenant, tels que le consentement implicite de l’intervenant émanant du principe dégagé dans l’arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT (T‑203/02, EU:T:2004:225), mentionné au point 40 ci-dessus ainsi que les liens économiques existant entre l’intervenant et les sociétés utilisatrices de la marque antérieure. Ces éléments corroborent la déclaration sur l’honneur de l’intervenant et suffisent pour établir son affirmation selon laquelle il avait consenti à l’usage de la marque.

55      Quatrièmement, quant à l’argument de la requérante selon lequel l’intervenant n’a produit aucune preuve de son consentement explicite préalable à l’usage de la marque antérieure par EUROL-LUBRICANTS-AUSTRIA et EUROLLUBRICANTS oil tec, il est vrai qu’il n’existe aucun élément de preuve direct datant de l’époque des faits. Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante en se référant à l’arrêt du 20 novembre 2001, Zino Davidoff et Levi Strauss (C‑414/99 à C‑416/99, EU:C:2001:617, point 53), un tel consentement explicite n’est pas requis, un consentement pouvant aussi être donné de façon implicite (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 octobre 2009, Makro Zelfbedieningsgroothandel e.a., C‑324/08, EU:C:2009:633, point 19). Ledit argument de la requérante doit, dès lors, être écarté.

56      Au regard des considérations qui précèdent, il convient de constater que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que les sociétés EUROL‑LUBRICANTS‑AUSTRIA et EUROLLUBRICANTS oil tec utilisaient la marque antérieure avec le consentement de l’intervenant. Dès lors, il convient de rejeter la première branche du premier moyen.

 Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’absence d’usage de la marque sous sa forme enregistrée

57      Par la deuxième branche, la requérante fait valoir que les éléments de preuve produits ne démontrent pas l’usage de la marque antérieure sous sa forme enregistrée. Ces éléments de preuves étaient relatifs aux deux signes reproduits ci-dessous :

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58      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

59      Il convient, tout d’abord, de relever qu’il découle directement des termes de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 que l’usage de la marque sous une forme qui diffère de la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée est considéré comme un usage au sens du premier alinéa de ce paragraphe pour autant que le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée ne soit pas altéré [arrêt du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 21 ; voir, également, arrêt du 13 septembre 2016, hyphen/EUIPO – Skylotec (Représentation d’un polygone), T‑146/15, EU:T:2016:469, point 25 et jurisprudence citée].

60      Le caractère distinctif d’une marque au sens du règlement no 207/2009 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêts du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 22 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 26 et jurisprudence citée).

61      Il y a lieu de préciser que l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 vise l’hypothèse où une marque enregistrée, nationale ou de l’Union européenne, est utilisée dans le commerce sous une forme légèrement différente par rapport à la forme sous laquelle l’enregistrement a été effectué. L’objet de cette disposition, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en altérer le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé pour désigner les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque la forme du signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce (arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 27 ; voir également, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 29, et, en ce sens par analogie, arrêt du 25 octobre 2012, Rintisch, C‑553/11, EU:C:2012:671, points 21 et 22).

62      Ainsi, le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque (voir arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 28 et jurisprudence citée).

63      Par ailleurs, selon la jurisprudence, lorsqu’une marque est constituée ou composée de plusieurs éléments et que l’un ou plusieurs d’entre eux ne sont pas distinctifs, l’altération de ces éléments ou leur omission n’est pas de nature à affecter le caractère distinctif de la marque dans son ensemble (voir arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 30 et jurisprudence citée).

64      De plus, il convient de rappeler que, pour que soit appliqué l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009, il est nécessaire que les ajouts à la marque enregistrée n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, notamment en raison de leur position accessoire dans le signe ou de leur faible caractère distinctif [arrêts du 21 juin 2012, Fruit of the Loom/OHMI – Blueshore Management (FRUIT), T‑514/10, non publié, EU:T:2012:316, point 38, et du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 31].

65      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a considéré à bon droit, au point 39 de la décision attaquée, que l’usage de la marque antérieure tel qu’effectué n’altérait pas le caractère distinctif de cette marque au sens de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009.

66      En l’espèce, la chambre de recours a conclu que le public pertinent se composait tant des clients professionnels possédant une expertise ou des connaissances professionnelles spécifiques que du grand public en Autriche. Elle a estimé que le niveau d’attention dudit public pouvait varier de moyen à élevé, en fonction du prix, de la sophistication ou des conditions générales des produits ou des services achetés.

67      Ensuite, la chambre de recours a considéré, au point 39 de la décision attaquée, qu’une partie du public pertinent décomposait la marque antérieure en deux éléments, « eurol » et « lubricants », en raison de la nature descriptive de ce dernier mot, lequel était compris par cette partie dudit public. Ainsi que le souligne l’EUIPO, étant donné que les formes sous lesquelles cette marque a été utilisée, figurant au point 57 ci‑dessus, comportent les deux mêmes éléments, elles seraient considérées comme équivalentes à la marque antérieure telle qu’enregistrée, EUROLLUBRICANTS. Selon la chambre de recours, une autre partie du public pertinent percevait la marque antérieure telle qu’enregistrée et les formes sous lesquelles elle a été utilisée comme étant composées de termes dépourvus de signification. Ainsi que le souligne l’EUIPO, celles-ci seraient également perçues comme étant globalement équivalentes en raison de la présence de la même suite de lettres. La chambre de recours en a conclu que les formes sous lesquelles la marque antérieure avait été utilisée n’altéraient pas le caractère distinctif de cette marque.

68      La requérante ne soulève pas d’arguments permettant de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours.

69      Premièrement la requérante soutient que le premier élément verbal des formes sous lesquelles la marque antérieure a été utilisée est susceptible d’être perçu comme étant « elrol », et non « eurol », comme indiqué dans la décision attaquée.

70      Cependant, ainsi que le souligne l’EUIPO, pour la majorité du public pertinent, ledit élément verbal serait perçu comme l’élément verbal « eurol » stylisé, car les signes correspondant aux formes sous lesquelles la marque antérieure a été utilisée apparaissent souvent à côté du mot « eurol », qui est utilisé comme faisant partie de la dénomination du produit ou de la dénomination de la société vendant les produits concernés. Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

71      Deuxièmement, la requérante soutient que, dans les formes sous lesquelles la marque antérieure a été utilisée, l’élément verbal dominant, qui attire l’attention, est le premier mot (« eurol »), écrit en rouge dans une police de caractères très voyante et en majuscules épaisses, alors que l’élément distinctif, « lubricants », positionné en dessous, est insignifiant. Selon la requérante, le fait que le public pertinent néglige l’élément « lubricants » dans les formes sous lesquelles la marque antérieure a été utilisée altèrerait le caractère distinctif de cette marque.

72      Toutefois, comme le souligne à juste titre l’EUIPO et ainsi que la chambre de recours l’a considéré au point 39 de la décision attaquée, la partie du public pertinent pour laquelle le mot « lubricants » n’est pas dépourvu de signification, par exemple le public professionnel du secteur des lubrifiants, percevra les formes utilisées comme étant composées des deux mots « eurol » et « lubricants ». Le fait que les éléments verbaux des formes sous lesquelles la marque antérieure a été utilisée soient séparés et positionnés l’un au-dessus de l’autre ainsi que le fait que le mot « lubricants » soit représenté en lettres de plus petite taille ne sauraient, en l’espèce, altérer le caractère distinctif de la marque antérieure, EUROLLUBRICANTS, qui se compose des deux mêmes mots.

73      À supposer que, comme le soutient la requérante, la plus grande partie du public pertinent autrichien, qui est germanophone, ne connaisse pas la signification du mot anglais « lubricants », cela ne saurait non plus remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours, figurant au point 39 de la décision attaquée, selon laquelle cette partie du public pertinent perçoit la marque antérieure telle qu’enregistrée et les formes sous lesquelles elle a été utilisée comme étant composées de termes dépourvus de signification et, dès lors, comme étant globalement équivalentes en raison du fait qu’elles comprennent la même suite de lettres.

74      L’appréciation de la chambre de recours contenue au point 39 de la décision attaquée est, dès lors, exempte d’erreur.

75      Troisièmement, à l’appui de son argument selon lequel le mot « lubricants », dans les formes sous lesquelles la marque antérieure a été utilisée, est un élément descriptif qui altère le caractère distinctif de la marque antérieure, la requérante soulève des parallèles avec une décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 30 mars 2007 (affaire R 159/2005‑4), dans laquelle la marque MEXAVIT était enregistrée et le signe MEXA‑VIT C était utilisé. Dans le cadre de cette affaire, la chambre de recours aurait considéré que l’usage de la marque sous une forme décomposée en deux éléments et ayant une orthographe différente, combiné avec l’ajout de la lettre « C », altérait le caractère distinctif de la marque concernée telle qu’enregistrée.

76      À cet égard, il convient de rappeler que l’EUIPO est appelé à décider en fonction des circonstances de chaque cas d’espèce et qu’il n’est pas lié par des décisions antérieures prises dans d’autres affaires. En effet, la légalité des décisions de la chambre de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement no 207/2009, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65). Partant, dans le cadre de son contrôle de légalité, le Tribunal n’est pas lié par la pratique décisionnelle de l’EUIPO [arrêt du 22 avril 2008, Casa Editorial el Tiempo/OHMI – Instituto Nacional de Meteorología (EL TIEMPO), T‑233/06, non publié, EU:T:2008:121, point 48].

77      En tout état de cause, force est de constater que la décision de l’EUIPO dont se prévaut la requérante s’inscrit dans un cadre factuel qui se distingue de celui de la décision attaquée. Comme le souligne l’EUIPO, dans cette affaire, dans la marque enregistrée, l’élément « vit » ne pouvait être facilement perçu et faisait simplement partie de l’élément verbal « mexavit », qui était dépourvu de signification. La séparation dudit élément « vit » par un trait d’union dans la marque telle qu’utilisée et l’ajout de la lettre « c » rendaient l’élément « vit c » clairement descriptif, en renvoyant à la vitamine C, ce qui avait pour effet d’altérer le caractère distinctif de la marque concernée telle qu’enregistrée. En revanche, en l’espèce, le simple fait de séparer le mot « lubricants » et de le positionner au-dessous du mot « eurol » n’a pas le même effet.

78      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a, à bon droit, considéré que les formes sous lesquelles la marque antérieure a été utilisée n’altéraient pas son caractère distinctif.

79      Il y a donc lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

 Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de l’insuffisance des éléments de preuve concernant l’usage sérieux de la marque antérieure

80      Dans le cadre de la troisième branche, la requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré de manière erronée que l’usage sérieux de la marque antérieure avait été prouvé. Selon la requérante, la chambre de recours s’est fondée sur des probabilités et des présomptions, et non sur des éléments concrets et objectifs démontrant une utilisation effective et suffisante de la marque antérieure.

81      Premièrement, la requérante soutient que l’intervenant n’a produit aucune preuve démontrant un quelconque usage de la marque verbale antérieure, sous sa forme enregistrée, car tous les éléments de preuve produits concerneraient les signes figuratifs utilisés. Deuxièmement, la requérante relève, à titre subsidiaire, que l’intervenant n’a produit la preuve que de cinq ventes, éventuellement pertinentes, effectuées pendant la première période pertinente et de deux ventes, éventuellement pertinentes, pour la seconde période pertinente, portant sur une valeur commerciale totale de 1 196 euros. Le reste des ventes présentées par l’intervenant ne concernerait pas spécifiquement la vente de lubrifiants. Troisièmement, la chambre de recours aurait présumé à tort que les factures présentées par l’intervenant constituaient des exemples probants d’un grand nombre de factures. Quatrièmement, la requérante souligne que, dès lors que les lubrifiants sont des produits peu coûteux de grande consommation, les ventes effectuées sous la marque antérieure auraient dû être plus importantes afin de pouvoir soutenir la conclusion de la chambre de recours selon laquelle son usage était sérieux. Cinquièmement, les listes de prix et les catalogues sur lesquels la chambre de recours s’est appuyée, au point 46 de la décision attaquée, ne seraient pas susceptibles de démontrer l’usage de la marque antérieure, car il n’existerait aucune preuve que ceux-ci ont été effectivement distribués au cours des périodes pertinentes. Enfin, sixièmement, la déclaration d’un conseiller fiscal concernant les revenus allégués des sociétés EUROL‑LUBRICANTS-AUSTRIA et EUROLLUBRICANTS oil tec ne pourrait non plus justifier la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux.

82      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

83      Il convient, tout d’abord, de rappeler que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt du 2 février 2016, MOTOBI B PESARO, T‑171/13, EU:T:2016:54, point 70 et jurisprudence).

84      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part (voir arrêt du 2 février 2016, MOTOBI B PESARO, T‑171/13, EU:T:2016:54, point 71 et jurisprudence citée). Quant à la durée, il suffit qu’une marque ait fait l’objet d’un usage sérieux pendant une partie de la période pertinente [voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 40, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 45].

85      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque de l’Union européenne, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement. En outre, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque antérieure ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être par rapport à d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage de ladite marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux. Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou services protégés par la marque (voir arrêt du 2 février 2016, MOTOBI B PESARO, T‑171/13, EU:T:2016:54, point 72 et jurisprudence citée).

86      À cet égard, il n’est pas possible de déterminer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devait être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux, en sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’EUIPO ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait, dès lors, être fixée. Ainsi, lorsqu’il répond à une réelle justification commerciale, un usage même minime peut être suffisant pour établir l’existence d’un caractère sérieux (voir arrêt du 2 février 2016, MOTOBI B PESARO, T‑171/13, EU:T:2016:54, point 73 et jurisprudence citée).

87      Toutefois, plus le volume commercial de l’exploitation de la marque est limité, plus il est nécessaire que le détenteur de la marque apporte des indications supplémentaires permettant d’écarter d’éventuels doutes quant au caractère sérieux de l’usage de la marque (voir arrêt du 2 février 2016, MOTOBI B PESARO, T‑171/13, EU:T:2016:54, point 74 et jurisprudence citée).

88      Enfin, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (voir arrêt du 2 février 2016, MOTOBI B PESARO, T‑171/13, EU:T:2016:54, point 75 et jurisprudence citée).

89      Aux fins de l’examen du caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure durant les périodes pertinentes, l’intervenant a produit des éléments de preuve consistant essentiellement en des factures de ventes, des bons de livraison, des catalogues, des listes de prix, une publicité dans un magazine automobile publié en 2011, un parrainage d’un événement sportif ayant eu lieu en 2015 et une déclaration d’un consultant fiscal présentant les revenus pour les années 2009 à 2019 de deux sociétés qui ont utilisé la marque antérieure.

90      Premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’intervenant n’a produit aucune preuve pertinente démontrant l’usage de la marque antérieure pendant les périodes pertinentes, car tous les éléments présentés portaient sur les signes figuratifs utilisés, et non sur la marque verbale antérieure, force est de constater que celui-ci repose sur le présupposé du bien-fondé de la deuxième branche du premier moyen, à savoir que l’usage des signes figuratifs utilisés ne constitueraient pas un usage de la marque antérieure.

91      Or, la deuxième branche du premier moyen a été rejetée. Partant, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a tenu compte des preuves de l’usage sérieux de la marque antérieure qui portaient sur les signes figuratifs utilisés, notamment sous la forme de preuves de ventes effectives des produits en cause ayant eu lieu au cours de plusieurs années comprises dans les périodes pertinentes. Le premier argument de la requérante doit donc être rejeté.

92      Deuxièmement, même s’il est vrai que les sept factures et bons de livraison présentés démontrent des ventes pour des montants relativement faibles, à savoir 719,35 euros pour la première période pertinente et 477,15 euros pour la seconde, elles établissent des ventes effectives pour les produits pertinents, couvrant plusieurs années comprises dans les périodes pertinentes (2009, 2010, 2011, 2013, 2015 et 2018). Il y a donc lieu de considérer que, dans le contexte de l’espèce, les ventes démontrées, même si elles ne sont pas particulièrement importantes, constituent des actes d’usage objectivement propres à créer ou à conserver un débouché pour les produits en question, dont le volume commercial, par rapport à la durée et à la fréquence de l’usage, n’est pas suffisamment faible pour qu’il amène le Tribunal à conclure qu’il s’agit d’un usage purement symbolique, minime ou fictif dans le seul but de maintenir la protection du droit à la marque [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 49, et du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, non publié, EU:T:2007:299, points 87 à 90]. Il convient également de rappeler que, comme il a été relevé aux points 85 et 86 ci-dessus, pour déterminer si l’usage de la marque antérieure avait ou non un caractère sérieux, aucun seuil quantitatif ne peut être retenu, de sorte qu’un usage même minime peut être suffisant pour établir l’existence d’un usage de caractère sérieux.

93      Troisièmement, comme l’a souligné la chambre de recours au point 46 de la décision attaquée, les factures produites constituent des exemples de ventes de lubrifiants divers effectuées sous la marque antérieure, leurs numéros suggérant qu’un plus grand nombre de factures ont été émises. En effet, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la chambre de recours, d’une part, les factures présentées ont des numéros aléatoires (par exemple, 4179/2013 ou 2797/2010) et, d’autre part, les lubrifiants ont été proposés aux consommateurs de façon régulière, ainsi qu’il ressort des catalogues et des listes de prix produits. Dès lors que ces factures sont illustratives, il peut en être raisonnablement déduit qu’elles ne représentent pas le montant réel des ventes de produits revêtus de la marque antérieure.

94      Quatrièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la valeur des ventes effectives de lubrifiants réalisées sous la marque antérieure est assez faible compte tenu du fait que les produits pertinents sont des produits de grande consommation et de faible prix, il y a lieu de constater que les caractéristiques du marché pertinent des lubrifiants ne sont pas susceptibles d’altérer la conclusion de la chambre de recours.

95      Tout d’abord, les pièces produites par la requérante en tant qu’annexes A.7 à A.11 pour appuyer sa position selon laquelle les ventes effectuées sous la marque antérieure auraient dû être plus importantes, vu les chiffres globaux très élevés du marché des lubrifiants, sont irrecevables pour les motifs exposés aux points 22 à 25 ci-dessus.

96      De plus, même s’il est vrai que les lubrifiants sont des produits peu coûteux de grande consommation, il suffit, pour conclure à l’usage sérieux de la marque antérieure, de relever que l’intervenant a produit, à titre d’exemples, la preuve de ventes effectives sous la marque antérieure couvrant une grande partie des périodes pertinentes ainsi que d’autres éléments démontrant qu’il a déployé des efforts importants pour commercialiser des lubrifiants sous cette marque.

97      En outre, il convient de relever que, comme l’EUIPO le souligne, l’achat de lubrifiants par les utilisateurs finaux n’est pas fréquent, ce qui pourrait expliquer que les chiffres d’affaires présentés sont relativement faibles. À cet égard, il convient de rappeler, comme exposé aux points 31 et 32 ci-dessus, que l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise pas à évaluer la réussite commerciale. Il suffit que cette marque ait été utilisée aux fins de créer ou de conserver un débouché pour les produits qu’elle désigne, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.

98      Cinquièmement, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a pris en compte d’autres preuves pertinentes qui, conjointement avec les ventes effectives de produits pertinents effectuées sous la marque antérieure, constituent un faisceau d’éléments suffisamment concrets, précis et concordants pour démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure.

99      À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence, il ne peut être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir les faits à démontrer, alors même qu’aucun de ces éléments, pris isolément, ne serait de nature à établir l’exactitude de ces faits [voir arrêt du 22 novembre 2018, Fruit of the Loom/EUIPO – Takko (FRUIT), T‑424/17, non publié, EU:T:2018:824, point 39 et jurisprudence citée].

100    En l’espèce, les listes de prix et les catalogues présentés démontrent qu’un grand nombre de lubrifiants couverts par la marque antérieure étaient disponibles à l’achat pendant plusieurs années parmi celles comprises dans les périodes pertinentes. Comme l’a souligné à juste titre la chambre de recours au point 46 de la décision attaquée, ces documents comportent également des informations précises concernant les produits mis en vente sous cette marque, telles que leur description détaillée, leurs prix, les types de voitures auxquels ils étaient destinés ainsi que les coordonnées du bureau de vente.

101    Il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’absence de preuve du fait que ces listes de prix et catalogues ont été distribués pendant les périodes pertinentes n’affecte pas leur force probante quant à l’usage sérieux de la marque antérieure. En effet, ces documents sont datés (par exemple, « catalogue valable à partir du 1er janvier 2019 » ou bien « liste de prix valable à partir du 15 juillet 2017 ») et il est donc raisonnable de présumer qu’ils ont été effectivement distribués pendant ces périodes.

102    En outre, l’intervenant a également fait de la publicité pour les lubrifiants vendus sous la marque antérieure dans un magazine automobile et a parrainé des événements sportifs. Il s’agit de deux autres éléments de preuve pertinents que la chambre de recours a pris en compte à juste titre dans la décision attaquée pour conclure à l’usage sérieux de la marque antérieure.

103    Sixièmement, s’agissant de la déclaration d’un conseiller fiscal concernant les revenus des sociétés EUROL-LUBRICANTS-AUSTRIA et EUROLLUBRICANTS oil tec, force est de constater que cet élément n’a pas joué un rôle déterminant dans le raisonnement de la chambre de recours. L’argument de la requérante relatif à cette déclaration est, dès lors, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

104    En tout état de cause, c’est sans commettre d’erreur que la division d’annulation, dans son appréciation à laquelle la chambre de recours a souscrit, a tenu compte de la déclaration des revenus. En effet, même si elle démontre les revenus totaux sans préciser quelle partie doit être attribuée à la vente des lubrifiants, ladite déclaration pourrait être pertinente dans l’appréciation globale de l’usage sérieux, étant donné que des lubrifiants constituaient une grande partie du catalogue de produits des deux sociétés.

105    Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen et, partant, le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en ce que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion

106    Par le second moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur en estimant qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Elle fait valoir que les marques en conflit ne sont pas similaires.

107    À l’appui de ce moyen, la requérante renvoie, en substance, aux arguments soulevés dans le contexte de la deuxième branche du premier moyen, selon lesquels les signes figuratifs utilisés altéreraient le caractère distinctif de la marque antérieure et, dès lors, ne démontreraient pas l’usage de cette dernière (voir point 57 ci-dessus).

108    L’EUIPO conteste l’argument de la requérante.

109    En l’espèce, la chambre de recours, après avoir effectué une comparaison des produits en cause et des marques en conflit, a considéré, au point 83 de la décision attaquée, qu’il y avait lieu de considérer qu’une partie importante du public pertinent serait amenée à penser que les produits revêtus des signes en conflit proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

110    Force est de constater que l’argumentation de la requérante est contenue dans un seul point de la requête et repose essentiellement sur la prémisse selon laquelle la deuxième branche du premier moyen serait fondée, alors qu’il résulte de l’examen de cette branche que tel n’est pas le cas (voir points 68 à 79 ci-dessus). Elle ne saurait être considérée comme suffisante pour remettre en cause l’analyse de la chambre de recours relative à la similitude des signes en conflit et sa conclusion selon laquelle il existait un risque de confusion.

111    Partant, il y a lieu de rejeter le second moyen comme non fondé et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

112    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

113    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Eurol BV est condamnée aux dépens.

De Baere

Kecsmár

Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.