Language of document : ECLI:EU:T:2021:257

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

12 mai 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative TORNADO – Cause de nullité absolue – Mauvaise foi – Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑167/20,

Tornado Boats International ApS, établie à Lystrup (Danemark), représentée par Me M. Hoffgaard Rasmussen, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. A. Folliard-Monguiral et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

David Haygreen, demeurant à Colwyn Bay (Royaume-Uni), représenté par M. R. Harrison, solicitor,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 17 janvier 2020 (affaire R 1169/2018-1), relative à une procédure de nullité entre M. Haygreen et Tornado Boats International,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme O. Spineanu‑Matei et M. R. Mastroianni (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 mars 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 9 juin 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 10 juillet 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 11 avril 1975, l’intervenant, M. David Haygreen, a créé la société de droit du Royaume-Uni 2001 Diving Ltd, ayant son siège social à Hull en Angleterre (Royaume-Uni), dont l’activité principale était la construction et la réparation de bateaux de plaisance et de sport. Au fil des années, la société a changé plusieurs fois de dénomination, en devenant, respectivement, David Haygreen & Associates Ltd, le 31 décembre 1981, Tornado Inflatable Boats Ltd, le 8 août 1985, Tornado Boats Ltd, le 6 juin 1995, et enfin Tornado Boats International Ltd, le 26 juin 1995. Cette dernière société a été dissoute le 31 mai 2011.

2        En 2006, A, codirecteur et actionnaire de la requérante, Tornado Boats International ApS, ayant l’intention de développer ses ventes de bateaux pneumatiques à coque rigide au Danemark (ci-après les « bateaux pneumatiques), a contacté l’intervenant et a visité son chantier naval au Royaume-Uni. En février 2007, la requérante a entamé l’importation et la vente desdits bateaux produits par ce dernier.

3        En 2008, les parties se sont rencontrées au Danemark, en vue de la reprise par la requérante de la gestion de l’entreprise de l’intervenant et ont, par la suite, entretenu une correspondance portant sur les produits, les barèmes de prix, les clients et d’autres aspects inhérents à ladite gestion.

4        Le 5 juillet 2011, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1)].  

5        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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6        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, de la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Bateaux et vaisseaux ».

7        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires n165/2011 du 1er septembre 2011.

8        Le 25 novembre 2011, l’intervenant a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés au point 6 ci-dessus.

9        Le 11 janvier 2012, l’intervenant a créé une nouvelle société de droit du Royaume-Uni, Tornado Boats International Ltd, ayant son siège au Pays de Galles et dont l’activité principale était la construction de bateaux de plaisance et de sport.

10      Le 16 janvier 2014, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans l’affaire B 1930539. Le 7 mars 2014, l’intervenant a formé un recours contre la décision de la division d’opposition.

11      Le 8 mai 2015, la chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours, dans l’affaire R 0676/2014-2, et a confirmé ladite décision de la division d’opposition. Le 7 octobre 2015, la marque contestée a été enregistrée, sous le numéro 010097368, pour les produits visés au point 6 ci-dessus.

12      Le 25 février 2016, l’intervenant a introduit une demande en nullité à l’encontre de la marque contestée, au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], pour les produits susmentionnés.

13      Le 26 avril 2018, la division d’annulation a accueilli la demande de l’intervenant sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et a déclaré la nullité de la marque contestée.

14      Le 22 juin 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

15      Par décision du 17 janvier 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours formé par la requérante et a confirmé la décision de la division d’annulation, après avoir rappelé et réexaminé les éléments de preuve produits par les parties devant celle-ci. En particulier, elle a relevé que, en 2007, les parties avaient noué une relation commerciale, dont la portée et la nature exactes étaient litigieuses, consistant, en substance, en l’importation et en la revente, par la requérante, au Danemark, de bateaux pneumatiques à coque rigide sous le signe TORNADO, et que cette relation a débuté et s’est initialement poursuivie sur le fondement d’un respect et d’une confiance réciproque entre les parties, dans la perspective d’un transfert du commerce à la requérante. Elle a néanmoins  précisé, d’une part, que le fait de reprendre ou de participer à la gestion d’une société au nom de quelqu’un n’équivalait pas à reprendre la propriété d’une telle société et, d’autre part, que le fait d’indiquer une future intention de transférer une société, un commerce ou une marque ne signifiait pas qu’un tel événement s’était effectivement produit.

16      Selon la chambre de recours, la requérante a méconnu, notamment, l’échange de courriers électroniques entretenu avec l’intervenant pendant les mois de mai et de juin 2011, qui témoignait de l’état d’esprit des deux parties lorsque leur relation s’était rompue. En effet, il ressortirait de cette correspondance, d’une part, que l’intervenant exerçait toujours, à tout le moins, un pouvoir de contrôle dans sa relation avec la requérante et qu’il continuait d’affirmer qu’il était le propriétaire de la marque, ce que la requérante semblait en quelque sorte reconnaître, et, d’autre part, que les parties estimaient qu’une vente était nécessaire pour transférer les droits sur le nom « tornado » et le commerce.

17      Ainsi, la chambre de recours a considéré qu’il était évident que la requérante savait que la marque contestée appartenait à l’intervenant et que le dépôt de la demande de marque avait été effectué peu après ledit échange et la rupture des négociations entre les parties.

18      Selon la chambre de recours, à défaut d’accord sur l’acquisition, il ne pouvait pas y avoir eu d’accord sur le transfert de la propriété de la marque, la possibilité d’effectuer un transfert de facto des droits de propriété intellectuelle n’étant prévue ni par le droit de l’Union européenne ni par le droit du Royaume-Uni, aux termes duquel la stipulation d’un contrat écrit est nécessaire pour l’achat d’actifs et le transfert desdits droits ou l’octroi d’une licence concernant ces derniers.

19      En outre, d’une part la chambre de recours a relevé que la requérante n’avait pas prouvé les ventes et l’activité commerciale qu’elle aurait réalisées sous le nom « tornado », que ce soit au Danemark ou ailleurs. D’autre part, elle a constaté  que, contrairement à ce que prétendait la requérante, il n’était pas exact que l’intervenant avait abandonné l’usage du signe TORNADO après 2005. Tout au contraire, plusieurs pièces du dossier administratif examinées par la division d’annulation attestaient, selon la chambre de recours, que ledit nom avait bien été utilisé par l’intervenant dans la période allant de 2005 à 2011.  

20      Ainsi, la chambre de recours a souligné l’insuffisance d’explications concernant les raisons qui avaient conduit la requérante à demander l’enregistrement de la marque contestée, en considérant que la logique commerciale sous-jacente n’était pas claire, sinon dans la perspective de son intention délibérée de faire obstacle aux activités de l’intervenant en tant que titulaire du signe en cause.

21      Enfin, la chambre de recours a précisé que les trois facteurs dégagés par la jurisprudence de la Cour, considérés comme étant particulièrement pertinents aux fins de l’appréciation de la mauvaise foi de la requérante, étaient remplis en l’espèce. En effet, premièrement, la requérante n’aurait pas pu ignorer que l’intervenant était titulaire d’un signe presque identique à la marque contestée. Deuxièmement, il aurait été évident que la requérante avait l’intention délibérée d’enregistrer la marque contestée afin d’empêcher l’intervenant de continuer à l’utiliser. Troisièmement, la requérante elle-même aurait admis, en 2011, que le signe TORNADO, dont elle proposait l’achat, appartenait à l’intervenant. Ainsi, compte tenu également de l’existence, avant le dépôt de la demande de marque, de relations commerciales entre les parties ainsi que de la chronologie des événements, la chambre de recours a conclu que la requérante avait agi de mauvaise foi.

 Conclusions des parties

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande en nullité ;

–        annuler la décision attaquée.  

23      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

24      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de confirmer la décision attaquée.

 En droit

25      À titre liminaire, il convient de relever que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 5 juillet 2011, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis  par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). 

26      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 comme visant l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, d’une teneur identique. 

27      Au soutien du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, qui s’articule, en substance, en deux branches.

28      Dans le cadre de la première branche, soulevée à titre principal, la requérante fait valoir que les droits sur le signe TORNADO lui avaient été transférés de facto et qu’elle était donc la titulaire légitime de celui-ci au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

29      À cet égard, en s’appuyant sur le témoignage de A et sur la correspondance électronique échangée avec l’intervenant entre 2008 et 2009, la requérante fait valoir qu’il avait été convenu qu’elle allait reprendre la société de l’intervenant, y compris les droits sur le signe TORNADO, et que A aurait été présenté, tant aux distributeurs qu’aux partenaires commerciaux de l’intervenant, comme étant le nouveau propriétaire de ladite société. Par ailleurs, au cours de l’automne 2008, la requérante aurait repris également le nom de domaine précédemment utilisé par l’intervenant.

30      Le fait que l’intervenant soit resté impliqué dans certains aspects de l’entreprise ne signifiait pas, selon la requérante, que l’entreprise lui appartenait encore. Il ressortirait, en effet, de la correspondance susmentionnée qu’il s’était retiré et que toute contribution de sa part n’était attribuable qu’à son intérêt à demeurer dans une position reculée de mentor de l’entreprise qu’il avait créée.

31      Selon la requérante, à la suite de la conclusion d’un accord verbal, la société de l’intervenant et l’ensemble de ses droits, y inclus la marque TORNADO, lui auraient été transférés de facto. Au demeurant, l’intervenant aurait assuré à maintes reprises à la requérante que sa parole était fiable, et ce serait l’une des raisons pour laquelle un accord écrit n’aurait jamais été conclu entre les parties. Ce transfert aurait eu lieu à l’automne 2008 ou, au plus tard, en janvier 2009 et depuis lors la requérante aurait été, et continuerait à être, la titulaire légitime du signe en cause.  

32      Par ailleurs, la requérante estime que les accords verbaux sont tout aussi contraignants que ceux écrits, de sorte que, même à défaut d’un contrat formel, le transfert des droits serait toujours valable. En tout état de cause, il ressortirait du dossier de l’affaire que le contenu de l’accord entre les parties avait été, pour la plus grande partie, déjà formalisé par écrit.

33      Ainsi, ce serait à tort que la chambre de recours a considéré, premièrement, que, compte tenu de la relation commerciale entre les parties au moment du dépôt de la demande de marque, un éventuel transfert de facto des droits de propriété intellectuelle était dénué de pertinence en l’espèce et, deuxièmement, que, en juillet 2011, soit peu de temps avant ledit dépôt, la requérante avait reconnu, dans un échange de courriers électroniques avec l’intervenant, que celui-ci était toujours le propriétaire du nom « tornado ». Le fait que, dans cette correspondance, la requérante ait proposé à l’intervenant une solution de paiement pour l’achat de la marque ne signifierait pas qu’elle considérait que le signe TORNADO et l’entreprise ne lui appartenaient pas. En effet, selon la requérante, il ne s’agissait que d’une tentative de trouver une solution appropriée aussi rapidement que possible et d’éviter un litige avec l’intervenant.

34      Ce serait donc également à tort que la chambre de recours a considéré que, au regard de ladite correspondance, rien ne justifiait le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, tout en omettant de constater que la requérante disposait de tous les droits pour le faire, d’une part, parce que la société et le nom « tornado » lui avaient déjà été transférés, nonobstant les tentatives de l’intervenant d’affirmer le contraire, et, d’autre part, parce que – même en l’absence de tout transfert – l’intervenant n’avait, en tout état de cause, aucun droit sur le nom « tornado » au moment dudit dépôt.

35      La requérante aurait utilisé le nom « tornado » pendant plusieurs années, sans juger nécessaire de demander la protection de la marque. Cependant, elle aurait été obligée de procéder en ce sens, dès que l’intervenant a commencé à revendiquer la propriété dudit nom.

36      En définitive, selon la requérante, les droits sur le signe TORNADO lui avaient été transférés de facto avant le dépôt de sa demande de marque, de sorte que le désaccord entre les parties ayant précédé le dépôt de cette demande n’aurait modifié en rien cet état de fait.

37      Dans le cadre de la seconde branche, soulevée à titre subsidiaire, la requérante fait valoir, en substance, que, même s’il fallait considérer que le signe en cause ne lui avait pas été transféré, il n’y aurait pas eu, de sa part, de mauvaise foi ni de violation des droits de l’intervenant, dès lors que ce dernier ne détenait aucun droit exclusif sur ledit signe non enregistré, car il ne l’utilisait plus depuis plusieurs années et n’en avait pas non plus prouvé un usage continu et sérieux dans les dernières cinq années.

38      À cet égard, la requérante estime que la chambre de recours n’a pas dûment examiné la forme et le contenu des documents produits par l’intervenant, ni apprécié de façon appropriée leur valeur probante. Ainsi, aucun de ces documents, pris tant individuellement que dans leur ensemble, ne prouverait un usage du signe TORNADO par l’intervenant et n’aurait dû servir de fondement à la décision attaquée.

39      S’agissant, plus particulièrement, du contrat, daté de février 1981, entre l’intervenant et David Haygreen & Associates Ltd, accordant à celle-ci une licence aux fins de l’utilisation du signe TORNADO, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir mis en doute son authenticité. En effet, celle-ci n’aurait pas relevé qu’il n’a été produit que lorsque l’intervenant s’est vu contester l’absence d’usage de la marque, alors qu’il existait apparemment depuis plusieurs décennies. Ainsi, ledit contrat ne prouverait pas que le signe en cause a été utilisé au nom de l’intervenant.

40      L’intervenant n’ayant pas prouvé l’usage sérieux de la marque TORNADO au cours de la période allant de 2006 à 2011, il n’aurait été titulaire d’aucun droit au moment du dépôt de la demande de marque et les éventuels droits non enregistrés sur le nom « tornado » auraient été en tout état de cause caducs. Il s’ensuivrait que la requérante n’a pas agi de mauvaise foi lors du dépôt de sa demande d’enregistrement de la marque contestée.

41      Dans la partie conclusive de la requête, la requérante fait enfin valoir que les conditions de mauvaise foi établies par la jurisprudence de la Cour ne sauraient être réunies en l’espèce. S’agissant, tout d’abord, de la condition relative à la connaissance de l’utilisation d’un signe identique ou similaire prêtant à confusion, la requérante soutient que, lors du dépôt de la demande de marque, elle n’avait pas connaissance de l’usage du signe TORNADO par l’intervenant, qui s’était retiré et n’avait plus de participation active dans l’entreprise. S’agissant, ensuite, de la condition inhérente à son intention lors dudit dépôt, la requérante fait valoir que, étant donné que le signe en cause lui avait été transféré et que l’intervenant ne l’avait pas utilisé depuis six années, elle ne pouvait pas avoir d’intention déloyale en en demandant l’enregistrement. Enfin, s’agissant de la condition ayant trait au degré de protection juridique dont jouissait le signe du demandeur en nullité, la requérante considère que les droits non enregistrés de l’intervenant étaient devenus caducs au moment du dépôt de la demande de marque.

42      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

43      À titre liminaire, il convient de rappeler que le régime d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne repose sur le principe du premier déposant, inscrit à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 2, du règlement 2017/1001). En vertu de ce principe, un signe ne peut être enregistré en tant que marque de l’Union européenne que pour autant qu’une marque antérieure n’y fasse pas obstacle, qu’il s’agisse d’une marque de l’Union européenne, d’une marque enregistrée dans un État membre ou par l’Office Benelux de la propriété intellectuelle, d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre ou encore d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’Union. En revanche, sans préjudice d’une éventuelle application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001), la seule utilisation par un tiers d’une marque non enregistrée ne fait pas obstacle à ce qu’une marque identique ou similaire soit enregistrée en tant que marque de l’Union européenne, pour des produits ou des services identiques ou similaires [voir arrêt du 14 février 2019, Mouldpro/EUIPO – Wenz Kunststoff (MOULDPRO), T‑796/17, non publié, EU:T:2019:88, point 77 et jurisprudence citée].

44      L’application de ce principe est nuancée notamment par l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en vertu duquel la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, notamment, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque. Il incombe au demandeur en nullité, qui entend se fonder sur ce motif, d’établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire d’une marque de l’Union européenne était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière [voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 2017, Biernacka-Hoba/EUIPO – Formata Bogusław Hoba (Formata), T‑23/16, non publié, EU:T:2017:149, point 45 et jurisprudence citée, et du 29 juin 2017, Cipriani/EUIPO – Hotel Cipriani (CIPRIANI), T‑343/14, EU:T:2017:458, point 24 et jurisprudence citée].

45      Lorsqu’une notion figurant dans le règlement no 207/2009 n’est pas définie par celui-ci, la détermination de sa signification et de sa portée doit être établie conformément à son sens habituel dans le langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel cette notion est utilisée et des objectifs poursuivis par ce règlement. Il en va ainsi de la notion de « mauvaise foi » figurant à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en l’absence de toute définition de cette notion par le législateur de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, points 43 et 44 et jurisprudence citée).

46      À cet égard, la Cour a eu l’occasion de préciser que, outre le fait que, conformément à son sens habituel dans le langage courant, la notion de « mauvaise foi » suppose la présence d’un état d’esprit ou d’une intention malhonnête, il convient, aux fins de son interprétation, de prendre en considération le contexte particulier du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. À ce titre, les règles de l’Union en matière de marques visent, en particulier, à contribuer au système de concurrence non faussée dans l’Union, dans lequel chaque entreprise doit, afin de s’attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre provenance [voir arrêt du 29 janvier 2020, Sky e.a., C‑371/18, EU:C:2020:45, point 74 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 28 octobre 2020, Target Ventures Group/EUIPO – Target Partners (TARGET VENTURES), T‑273/19, EU:T:2020:510, point 25].

47      Ainsi, la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 s’applique lorsqu’il ressort d’indices pertinents et concordants que le titulaire d’une marque de l’Union européenne a introduit la demande d’enregistrement de cette marque non pas dans le but de participer de manière loyale au jeu de la concurrence, mais avec l’intention de porter atteinte, d’une manière non conforme aux usages honnêtes, aux intérêts de tiers, ou avec l’intention d’obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d’une marque, notamment de la fonction essentielle d’indication d’origine rappelée au point 46 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt du 29 janvier 2020, Sky e.a., C‑371/18, EU:C:2020:45, point 75 et jurisprudence citée).

48      L’intention du demandeur d’une marque est un élément subjectif qui doit cependant être déterminé de manière objective par les autorités administratives et judiciaires compétentes. Par conséquent, toute allégation de mauvaise foi doit être appréciée globalement, en tenant compte de l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes du cas d’espèce. Ce n’est que de cette manière que l’allégation de mauvaise foi peut être appréciée objectivement (voir arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 47 et jurisprudence citée).

49      Il ressort de la jurisprudence que, dans le cas d’une demande en nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il n’est nullement requis que le demandeur soit titulaire d’une marque antérieure pour des produits ou des services identiques ou similaires (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, point 53 ; voir également, en ce sens, arrêt du 28 octobre 2020, TARGET VENTURES, T‑273/19, EU:T:2020:510, point 30).

50      Il importe d’ajouter que lorsqu’il est établi qu’une utilisation par un tiers d’un signe identique ou similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires existait et prêtait à confusion, il convient d’examiner, dans le cadre de l’appréciation globale des circonstances pertinentes du cas d’espèce, si le demandeur de la marque contestée en avait connaissance, cet élément n’étant toutefois qu’un facteur pertinent parmi d’autres à prendre en considération. Ainsi, d’autres circonstances factuelles peuvent, le cas échéant, constituer des indices pertinents et concordants établissant la mauvaise foi du demandeur (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Koton Mağazacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C‑104/18 P, EU:C:2019:724, points 55 et 56).

51      Dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il peut également être tenu compte de l’origine du signe contesté et de son usage depuis sa création, de la logique commerciale dans laquelle s’est inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement du signe en tant que marque de l’Union européenne ainsi que de la chronologie des événements ayant caractérisé la survenance dudit dépôt [voir arrêts du 26 février 2015, Pangyrus/OHMI – RSVP Design (COLOURBLIND), T‑257/11, non publié, EU:T:2015:115, point 68 et jurisprudence citée, et du 14 mai 2019, Moreira/EUIPO – Da Silva Santos Júnior (NEYMAR), T‑795/17, non publié, EU:T:2019:329, point 20 et jurisprudence citée]. De même, l’existence de relations commerciales entre les parties peut également fournir des indices aux fins d’apprécier la mauvaise foi [voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2013, SA.PAR./OHMI – Salini Costruttori (GRUPPO SALINI), T‑321/10, EU:T:2013:372, point 28, et du 12 juillet 2019, Café del Mar e.a./EUIPO – Guiral Broto (C del M), T‑774/17, non publié, EU:T:2019:535, point 31].

52      C’est notamment à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de contrôler la légalité de la décision attaquée, en ce que la chambre de recours a conclu à l’existence d’une mauvaise foi de la part de la requérante au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

53      Dans la première branche du moyen unique, soulevée à titre principal, la requérante fait valoir, en substance, qu’elle ne pouvait pas être de mauvaise foi lors dudit dépôt, car elle était la titulaire légitime du signe TORNADO, qui lui avait été transféré de facto, au plus tard, en janvier 2009, et que le désaccord existant, à cet égard, entre les parties juste avant la demande de marque n’était pas susceptible de modifier un tel état de fait.

54      À titre liminaire, il y a lieu de relever qu’il est constant que l’existence de la mauvaise foi alléguée devait être démontrée à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, soit le 5 juillet 2011 (ci-après la « date pertinente »).

55      Il est également constant, ainsi que la chambre de recours l’a relevé aux points 44 à 48 de la décision attaquée, que l’intervenant avait créé le signe verbal non enregistré TORNADO, qu’il en était le titulaire, qu’il avait commercialisé des bateaux pneumatiques sous le nom « tornado » et que, à partir de 2007, il avait entretenu une relation commerciale, fondée sur des accords verbaux, avec la requérante, consistant en l’importation et en la vente au Danemark par celle-ci desdits bateaux et en l’utilisation dudit signe TORNADO en tant que marque à cette fin. Dans le cadre de cette relation, qui s’est poursuivie, pendant un certain temps, à tout le moins jusqu’en 2009, de manière correcte et paisible, le transfert du commerce, incluant les droits sur ladite marque, à la requérante aurait été envisagé.

56      En revanche, les parties s’opposent quant au fait de savoir si ce transfert avait eu lieu de facto, comme le prétend la requérante, en s’appuyant notamment sur les témoignages de A et de B, qui était un partenaire commercial de l’intervenant, et sur la correspondance électronique échangée entre les parties entre 2008 et 2009 (voir, notamment, points 47 à 49 de la décision attaquée).

57      Or, la correspondance mentionnée au point 56 ci-dessus n’est pas susceptible de démontrer, ainsi que le prétend la requérante, que A ait repris, au nom de celle-ci, la gestion complète de l’entreprise de l’intervenant en tant que nouveau propriétaire, mais tout au plus, ainsi que le souligne à juste titre l’EUIPO, qu’il a été, entre 2008 et 2009, le gestionnaire d’une forme atypique de partenariat commercial entre la requérante et l’intervenant, ce qui ne saurait impliquer l’acquisition par la requérante des droits sur le signe.

58      Ainsi, c’est à juste titre que, après avoir examiné les témoignages discordants de A, pour la requérante, et de l’intervenant, la chambre de recours a pris en compte, aux points 54 à 59 de la décision attaquée, la correspondance électronique que les parties ont échangée entre mai et juin 2011, à savoir juste avant la date pertinente, dès lors qu’elle témoignait, d’une part, de leur état d’esprit juste avant la rupture définitive de leur relation et, d’autre part, de la nécessité reconnue par les deux parties de trouver un accord sur la cession du commerce et de la marque de l’intervenant ainsi que sur leur valeur.

59      En effet, ainsi que le souligne l’EUIPO, il ressort de cette correspondance qu’aucun accord n’avait encore été matériellement conclu sur le transfert dudit actif de propriété intellectuelle à la requérante, ainsi qu’en témoigne, notamment, les courriers électroniques que C, épouse de A et codirectrice de la requérante, agissant au nom de celle-ci, a envoyé à l’intervenant les 24 mai, 2, 16 et 21 juin 2011.

60      Plus particulièrement, premièrement, dans le courrier électronique en date du 24 mai 2011 (voir point 54, deuxième tiret, de la décision attaquée), envoyé en réponse à un courrier de l’intervenant du 17 mai 2011, dans lequel celui-ci se plaignait, notamment, de n’avoir reçu aucun paiement à la suite des ventes effectuées par la requérante, C a répondu ce qui suit :

« [N]ous devons trouver un accord sur ce que vaut/valait [la] société et sur la manière dont nous allons la payer et dont la propriété de l’ancienne Tornado sera cédée. »

61      Deuxièmement, dans le courrier électronique en date du 2 juin 2011 (voir point 56, premier tiret, de la décision attaquée), C, après avoir rappelé brièvement les « performances » de la requérante au cours des trois dernières années, s’est adressée à l’intervenant en ces termes :

« [N]ous devons trouver un accord sur la valeur de la marque, quels que soient la solution ou le contrat que nous finirons par avoir. La valeur doit être le point de départ de toute discussion. Quelle est, diriez-vous, la valeur de la marque ? »

62      Troisièmement, dans le courrier électronique en date du 16 juin 2011, après avoir précisé qu’elle serait heureuse de lui donner de l’argent pour la marque et que celle-ci était difficile à évaluer, C a formulé une proposition assez détaillée d’achat de la marque étalé sur dix ans, en versant un montant fixe chaque mois, qui augmenterait si le chiffre d’affaires dépassait un million d’euros.

63      Quatrièmement, dans le courrier électronique en date du 21 juin 2011, figurant dans le dossier administratif devant l’EUIPO, C a reconnu explicitement que des redevances pour l’exploitation dudit signe avaient été versées à l’intervenant, en admettant également que les parties n’étaient jamais convenues d’un contrat, de sorte que la requérante ne savait pas ce qu’elle devait payer et à quel moment la marque lui appartiendrait, et que, si leur relation devait s’interrompre, la requérante aurait dû « repartir de zéro ». 

64      Ainsi, il ressort de cette correspondance, d’une part, que l’intervenant se considérait comme étant le propriétaire de l’actif représenté par le signe en cause, dont, ainsi qu’il vient d’être mis en exergue, l’utilisation par la requérante supposait le paiement de redevances, et, d’autre part, que celle-ci continuait à le reconnaître, en substance, en tant que tel, de sorte que ce n’était qu’avec le consentement de l’intervenant que la requérante utilisait le signe TORNADO.

65      À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi que le souligne la chambre de recours au point 55 de la décision attaquée, l’intervenant exerçait toujours un pouvoir de contrôle sur l’activité de la requérante concernant le signe en cause, comme le démontre la circonstance que ses administrateurs ont répondu, sans soulever la moindre objection, à la demande de l’intervenant de connaître les prix de vente des bateaux qu’elle appliquait sur le marché ainsi que les marges de profit qu’elle en tirait.

66      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a relevé, au point 60 de la décision attaquée, qu’il ressortait des échanges de courriels entre l’intervenant et C que la requérante faisait des offres pour acheter la marque et le commerce, même s’il ne leur a pas été possible de convenir d’un prix, et que la requérante savait que ladite marque appartenait à l’intervenant.

67      Dans ces circonstances, contrairement à ce que prétend la requérante, le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée ne saurait aucunement être considéré comme la dernière chance de protéger ses droits face aux prétendues revendications de la propriété du nom « tornado » de la part de l’intervenant. Quant à l’argument selon lequel ladite offre d’achat aurait été formulée par la requérante dans une optique de trouver une solution appropriée au différend et d’éviter un litige avec l’intervenant, non seulement il n’est pas étayé, mais il n’est pas non plus crédible, compte tenu du contexte dans lequel un tel achat a été proposé et, surtout, de la teneur des affirmations contenues dans les courriers électroniques susmentionnés.

68      Partant, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que, nonobstant le fait que l’intervenant ait consenti en novembre 2008 à l’utilisation du signe TORNADO en tant que raison sociale et dénomination commerciale par la requérante et qu’il ait été envisagé que le commerce fût transféré à la requérante, les négociations avaient été interrompues et qu’il n’y avait pas de preuve établissant que le transfert du commerce, incluant celui dudit signe, ait effectivement eu lieu.

69      Du point de vue de la chronologie des événements, il importe également de constater que l’enregistrement de la marque contestée a été demandé, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 61 de la décision attaquée, juste quelques jours après ledit échange de correspondance attestant que la relation commerciale entre les parties était tendue depuis quelque temps et s’était subitement dégradée au point que l’intervenant, dans ses courriers électroniques des 15 et 23 juin 2011, en avait menacé la rupture de manière définitive, en intimant à la requérante d’arrêter la vente et la commercialisation sous le nom « tornado » et de fermer le site Internet.

70      Or, il ressort de ladite chronologie et de la correspondance mentionnée au point 58 ci-dessus que, en raison des relations entre les parties, qui étaient toujours en cours à la date pertinente, la requérante, contrairement à ce qu’elle prétend, ne pouvait pas avoir de doutes quant au fait que l’intervenant n’avait abandonné ni son commerce ni ses droits sur l’actif de propriété intellectuelle en cause et qu’elle continuait à utiliser le signe TORNADO en vertu du consentement de l’intervenant et contre paiement de redevances à celui-ci.

71      De plus, il doit être constaté que, au lieu de poursuivre la recherche d’une solution commerciale avec l’intervenant, comme C, au nom de la requérante, l’avait envisagé, en dernier lieu, dans son courrier électronique du 23 juin 2011, la requérante a agi sans faire connaître à l’intervenant son intention de déposer la demande d’enregistrement de la marque contestée, de sorte que cette demande pourrait être considérée comme un « acte caché » visant, d’une part, à se soustraire aux obligations de payement des redevances et, d’autre part, à empêcher l’intervenant de continuer à faire usage dudit signe [voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2017, PayPal/EUIPO – Hub Culture (VENMO), T‑132/16, non publié, EU:T:2017:316, point 62 et jurisprudence citée].

72      Ainsi que le souligne l’EUIPO, cette analyse est confirmée, par ailleurs, par l’envoi, le 21 février 2019, d’une lettre de mise en demeure adressée, par les conseils de la requérante, à une société dont l’intervenant était actionnaire et qui commercialisait des bateaux pneumatiques sous le nom « tornado », lui intimant, notamment, de cesser toute commercialisation de ces produits.

73      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur que, dans le cadre de son analyse globale effectuée, notamment, à l’aune des principes jurisprudentiels rappelés au point 51 ci-dessus, la chambre de recours a considéré, aux points 69 et 70 de la décision attaquée, d’une part, que la requérante était pleinement consciente que la marque TORNADO ne lui appartenait pas, car l’intervenant ne lui avait pas cédée celle-ci, et que, néanmoins, elle avait décidé d’en demander l’enregistrement, afin, en substance, de faire obstacle aux activités de l’intervenant en l’empêchant d’utiliser ladite marque que, au fil du temps, il avait rendue populaire dans le secteur des bateaux pneumatiques, et, d’autre part, que les explications de la requérante ne suffisaient pas pour justifier la demande d’enregistrement de la marque contestée.

74      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure, à l’instar de l’EUIPO, que l’argumentation de la requérante selon laquelle elle ne pouvait pas être de mauvaise foi, au moment de la demande d’enregistrement de la marque contestée, dès lors que le signe TORNADO lui appartenait n’est pas étayée par les éléments qu’elle a produits. En effet, ces éléments ne constituent pas des éléments attestant, ou dont il pourrait être déduit de manière objective, que l’intervenant avait transféré les droits de propriété intellectuelle sur le signe en cause à la requérante et que celle-ci en était le titulaire à la date pertinente. De ce fait, il convient également de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreurs en concluant que, au vu des circonstances de l’espèce, en demandant l’enregistrement de la marque contestée, la requérante avait adopté un comportement s’écartant des principes reconnus comme étant ceux entourant un comportement éthique ou des usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale avec l’intention de porter atteinte aux intérêts de tiers (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2019, NEYMAR, T‑795/17, non publié, EU:T:2019:329, point 23 et jurisprudence citée).

75      Il y a donc lieu de rejeter la première branche du moyen unique soulevé par la requérante.

76      Dans la seconde branche du moyen unique, soulevée à titre subsidiaire, la requérante fait valoir, en substance, qu’elle ne pouvait pas être de mauvaise foi lors de la demande de marque, car l’intervenant ne détenait plus aucun droit sur le signe TORNADO, dès lors qu’il ne l’avait pas enregistré, qu’il ne l’avait plus utilisé depuis des années et qu’il n’en avait pas non plus prouvé l’usage continu et sérieux de 2006 à 2011.

77      À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il a été précisé par la jurisprudence rappelée au point 49 ci-dessus et souligné également par l’EUIPO, il n’est pas requis, pour qu’une demande en nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 puisse prospérer, que le demandeur soit titulaire d’une marque antérieure enregistrée.

78      En outre, contrairement à ce qu’allègue la requérante, il n’existe aucune disposition dans le règlement no 207/2009 imposant que le demandeur en nullité d’une marque de l’Union européenne en vertu de l’article 52, paragraphe 1, sous b), de ce règlement prouve l’usage sérieux de sa marque non enregistrée pendant une période de cinq ans. Dès lors, il n’était nullement requis que l’intervenant prouvât l’usage sérieux de sa marque non enregistrée TORNADO de 2006 à 2011 afin de pouvoir invoquer la nullité de la marque contestée.

79      En l’espèce, il est constant que l’intervenant a utilisé lui-même le signe TORNADO depuis qu’il l’avait créé et il ressort des points 60 à 63 ci-dessus que la requérante l’a utilisé avec le consentement de l’intervenant, auquel ce signe appartenait toujours (voir points 62 à 65 et 70 ci-dessus), une telle utilisation comportant le paiement de redevances à celui-ci. Ainsi, même à supposer que l’intervenant n’ait plus utilisé ce signe aux fins de la commercialisation de bateaux pneumatiques avec sa propre entreprise, il n’en reste pas moins que ledit signe était resté le sien, dès lors qu’il en a consenti l’utilisation par la requérante, contre paiement des redevances par celle-ci, au cours de la période ayant précédé la demande de marque.

80      Il y a donc lieu de rejeter la seconde branche du moyen unique ainsi que le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

81      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

82      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de l’EUIPO, conformément aux conclusions de ce dernier. L’intervenant n’ayant pas conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Tornado Boats International ApS supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

3)      M. David Haygreen supportera ses propres dépens.

Spielmann

Spineanu-Matei

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mai 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.