Language of document : ECLI:EU:T:2022:848

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

21 décembre 2022 (*)

« REACH – Règlement (UE) 2021/57 – Mise à jour de l’annexe XVII du règlement (CE) no 1907/2006 – Restriction concernant le plomb – Utilisation de la grenaille de plomb de chasse à l’intérieur ou autour des zones humides – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalité – Sécurité juridique – Présomption d’innocence »

Dans l’affaire T‑187/21,

Firearms United Network, établie à Varsovie (Pologne),

Tomasz Walter Stępień, demeurant à Żelechów (Pologne),

Michał Budzyński, demeurant à Cegłów (Pologne),

Andrzej Marcjanik, demeurant à Złotokłos (Pologne),

représentés par Me E. Woźniak, avocate,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mme K. Herrmann et M. K. Mifsud-Bonnici, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. J. Möller, en qualité d’agent,

par

République française, représentée par MM. T. Stéhelin et G. Bain, en qualité d’agents,

et par

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme M. Heikkilä, MM. W. Broere et N. Herbatschek, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, J. Laitenberger (rapporteur) et J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu l’ordonnance du 17 septembre 2021, Firearms United Network e.a./Commission (T‑187/21 R, non publiée, EU:T:2021:595), 

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérants, Firearms United Network et MM. Tomasz Walter Stępień, Michał Budzyński ainsi qu’Andrzej Marcjanik, demandent l’annulation du règlement (UE) 2021/57 de la Commission, du 25 janvier 2021, modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne le plomb dans la grenaille de chasse utilisée à l’intérieur ou autour de zones humides (JO 2021, L 24, p. 19, ci-après le « règlement attaqué »).

 Antécédents du litige

2        La première requérante, Firearms United Network, est une association établie à Varsovie constituée de propriétaires d’armes à feu. Selon l’article 4 de ses statuts, « [l]’association a pour but d’initier, de soutenir et de promouvoir toutes les activités didactiques, sportives, promotionnelles, d’influence, scientifiques et techniques, culturelles, éducatives, artistiques, historiques et sociales, civiques et professionnelles liées à la possession légale d’armes à feu ».

3        Les trois autres requérants, MM. Stępień, Budzyński et Marcjanik, sont des membres actifs de Firearms United Network et pratiquent le tir sportif et la chasse. M. Marcjanik est, en outre, un entrepreneur exerçant une activité commerciale dans le domaine du tir sportif et gère un champ de tir sportif. M. Budzyński est juge et instructeur de tir de chasse auprès de Polski Związek Łowiecki (Association polonaise de chasse).

4        Le 3 décembre 2015, la Commission européenne a invité l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3), à élaborer un dossier conforme aux prescriptions de l’annexe XV dudit règlement (ci-après l’« annexe XV ») en vue d’étendre la restriction relative au plomb et aux composés du plomb afin de maîtriser le risque pour l’environnement et la santé humaine que représente l’utilisation de plomb ou de composés du plomb dans la grenaille de chasse employée pour le tir en zones humides (ci-après le « dossier établi conformément à l’annexe XV »).

5        Tout d’abord, le 18 avril 2016, l’ECHA a publié une demande de présentation des données sur les risques posés à l’environnement et à la santé humaine du fait de l’utilisation du plomb dans la grenaille de chasse destinée au tir en zones humides, dont le délai expirait le 18 juin 2016. Ensuite, le 21 juin 2017, elle a publié le dossier établi conformément à l’annexe XV, en application de l’article 69, paragraphe 6, du règlement no 1907/2006. Ce dossier proposait l’introduction d’une restriction relative à l’utilisation de plomb et de composés du plomb dans la grenaille de chasse pour le tir avec un fusil de chasse à l’intérieur d’une zone humide ou lorsque la grenaille de chasse tirée retomberait à l’intérieur d’une zone humide. Il proposait également l’introduction d’une restriction concernant la possession de grenaille contenant une concentration de plomb égale ou supérieure à 1 % dans les zones humides. Ces propositions étaient justifiées par une analyse concluant que l’utilisation de grenaille de plomb dans les zones humides entraînait un risque pour les oiseaux d’eau qui ingèrent la grenaille de plomb tirée, ce qui provoquerait des effets toxicologiques pouvant aller jusqu’à la mort. Ceci serait à son tour à l’origine de risques secondaires pour d’autres espèces et pour la santé humaine. Enfin, le 21 juin 2017, l’ECHA a publié ce dossier et a invité toutes les parties prenantes à soumettre des commentaires sur celui-ci et sur la proposition de restriction avant le 21 décembre 2017.

6        Le 9 mars 2018, le comité d’évaluation des risques de l’ECHA (ci-après le « CER ») a, en application l’article 70 du règlement no 1907/2006, adopté un avis concernant le dossier établi conformément à l’annexe XV. Le CER a souscrit à la conclusion de l’ECHA selon laquelle l’ingestion de grenaille de plomb par les oiseaux d’eau provoquait des effets toxicologiques pouvant aller jusqu’à la mort. En ce qui concerne la santé humaine, le CER a conclu que le plomb était hautement toxique. Il a noté qu’aucun seuil n’avait été fixé ni pour les effets sur le développement neurologique des enfants, ni pour les effets sur la pression artérielle ou sur la fonction rénale chez les adultes, de sorte que toute exposition au plomb constituerait un risque. Le CER a donc considéré que la restriction proposée était appropriée.

7        Le 21 mars 2018, l’ECHA a lancé une consultation des parties prenantes d’une durée de deux mois sur le projet d’avis du comité d’analyse socio-économique (ci-après le « CASE ») portant sur la restriction proposée.

8        Le 14 juin 2018, le CASE a adopté un avis conformément à l’article 71, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, selon lequel la restriction proposée était une mesure appropriée à l’échelle de l’Union européenne pour faire face aux risques mis en évidence. Le CASE y a conclu que les avantages socio-économiques de la mesure seraient proportionnés par rapport aux coûts socio-économiques. Selon le CASE, le coût de la restriction proposée serait principalement supporté par les chasseurs et l’augmentation des coûts pour ces derniers serait raisonnable.

9        Le 17 août 2018, l’ECHA a soumis les avis du CER et du CASE à la Commission, conformément à l’article 72, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006.

10      La Commission a adopté le règlement attaqué le 25 janvier 2021, à la suite d’un vote positif du comité institué par l’article 133 du règlement no 1907/2006. Le règlement attaqué prévoit notamment une interdiction de décharger de la grenaille de chasse contenant une concentration en plomb (exprimé en tant que métal) égale ou supérieure à 1 % (ci-après la « grenaille de plomb ») en poids à l’intérieur ou à moins de 100 mètres des zones humides. Il prévoit également une interdiction de porter ce type de grenaille à l’intérieur ou à moins de 100 mètres de telles zones lors de la pratique du tir en zones humides ou dans le cadre de la pratique du tir en zones humides.

 Conclusions des parties

11      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler le règlement attaqué.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

13      La République fédérale d’Allemagne soutient les conclusions de la Commission tendant au rejet du recours.

14      La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter la requête.

15      L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

16      À titre liminaire, il convient de relever que, dans le mémoire en défense, la Commission a émis des doutes sur la recevabilité du recours, en soulevant la question de savoir si le règlement attaqué affecte directement la situation juridique des requérants.

17      Le juge de l’Union est cependant en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque cas d’espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter le recours quant au fond, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52, du 23 mars 2004, France/Commission, C‑233/02, EU:C:2004:173, point 26, et du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, EU:T:2005:219, point 155).

18      En l’espèce, le Tribunal considère qu’il y a lieu, dans un souci d’économie de la procédure, d’examiner d’emblée les moyens invoqués par les requérants, sans statuer préalablement sur la recevabilité du présent recours, ce dernier étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, dépourvu de fondement.

19      À l’appui de leur recours, les requérants invoquent, en substance, quinze moyens.

20      Les premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième moyens sont tirés, respectivement, d’une violation de l’article 16, de l’article 17, paragraphe 1, de l’article 21, paragraphe 1, de l’article 45, paragraphe 2, de l’article 48, paragraphe 1, ainsi que de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

21      Le septième moyen est, quant à lui, tiré d’une violation de l’article 2 TUE résultant d’une atteinte à la liberté et au droit de pratiquer le tir de chasse et le tir sportif et d’exercer des activités économiques dans ces domaines. Le huitième moyen est tiré d’une violation de l’article 2 TUE en raison d’une violation du principe de l’État de droit. Le neuvième moyen est tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 2, TUE en raison d’une atteinte à l’espace de liberté, de sécurité, y compris la sécurité juridique, et de justice. Le dixième moyen est tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 3, TUE découlant d’une méconnaissance des principes de développement durable de l’Europe, de stabilité des prix, de progrès social, de niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement et de promotion du progrès scientifique et technique.

22      Le onzième, le douzième et le treizième moyens sont tirés, respectivement, d’une violation de l’article 5, paragraphe 2, de l’article 5, paragraphe 3, et de l’article 5, paragraphe 4, TUE.

23      Le quatorzième moyen est tiré d’un détournement de pouvoir.

24      Par ailleurs, les requérants soulèvent un certain nombre d’autres arguments sans toutefois les rattacher à un moyen précis.

25      Pour l’essentiel, il s’agit d’arguments contestant les appréciations de la Commission qui motivent le règlement attaqué, relatives notamment aux risques pour la santé humaine et l’environnement posés par l’emploi de grenaille de plomb, plus particulièrement dans des zones humides ; à la stagnation du plomb dans le sol à la suite des guerres menées sur le territoire de l’Europe ; aux propriétés des composants des grenailles et à leurs influences sur le tir sportif et la chasse ; aux coûts de la substitution des grenailles au plomb par des grenailles sans plomb ; aux autres inconvénients des munitions de substitution, et à la « valeur du rapport de l’[ECHA] » en général. L’argumentation en cause vise donc, d’une part, le bien-fondé économique et scientifique du règlement attaqué et, d’autre part, la proportionnalité au sens strict de la restriction introduite par le règlement attaqué. Par conséquent, le premier aspect sera, par la suite, analysé au titre d’un quinzième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation commise par la Commission, tandis que le second aspect sera examiné dans le cadre des autres moyens invoqués, dans la mesure où la proportionnalité au sens strict doit être analysée notamment par rapport au droit fondamental ou au principe du droit de l’Union dont la violation est alléguée.

26      Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner lesdits arguments, en ce qu’ils concernent le bien-fondé économique et scientifique du règlement attaqué, au titre d’un quinzième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, et de commencer l’examen du recours par ce moyen.

 Sur le quinzième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

27      En premier lieu, les requérants font valoir, en substance, que les conclusions de la Commission relatives aux risques pour la santé humaine et pour l’environnement posés par la grenaille de plomb dans des zones humides sont erronées.

28      En deuxième lieu, les requérants critiquent la conclusion figurant au considérant 7 du règlement attaqué relative à l’existence de grenailles sans plomb (ci-après les « grenailles de substitution ») pour le tir sportif et la chasse dans des zones humides qui présenteraient de meilleurs profils de danger et de risque pour la santé humaine et l’environnement que la grenaille de plomb.

29      En troisième lieu, les requérants font valoir que l’un des documents de l’ECHA, qui aurait contribué au règlement attaqué, est partial.

30      La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, conteste ces arguments.

 Sur les arguments relatifs aux risques pour la santé humaine et pour l’environnement

31      En ce qui concerne les risques pour la santé humaine, les requérants font valoir qu’il ressort du document réalisé par LEX Z.S., produit à l’annexe A.18, que l’ECHA fonde ses conclusions uniquement sur les sources postulant la nocivité de toute quantité de plomb pénétrant dans un organisme humain. L’ECHA aurait préparé et retenu de façon sélective les documents auxquels elle s’est référée. Ces documents ne contiendraient donc pas de données objectives.

32      Tout d’abord, les requérants soutiennent que le document réalisé par LEX Z.S. confirme que l’ECHA a négligé de nombreuses études qui démentiraient l’allégation de nocivité émise à l’encontre de la consommation de produits carnés issus de la chasse avec des munitions au plomb. 

33      À cet égard, les requérants font référence aux conclusions d’études réalisées aux États‑Unis d’Amérique, produites aux annexes A.19 à A.22, selon lesquelles la plombémie admissible chez les Américains adultes est de 10 microgrammes par décilitre de sang. De même, le règlement (CE) no 1881/2006 de la Commission, du 19 décembre 2006, portant fixation de teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires (JO 2006, L 364, p. 5), disposerait que la teneur maximale en plomb admissible pour les mollusques est de 1,5 milligramme par kilogramme de poids brut. Il en résulterait qu’un certain niveau de plomb devrait être considéré comme admissible même dans les denrées alimentaires.

34      Par ailleurs, les requérants mentionnent des études effectuées sur des chasseurs italiens, des chasseurs américains et des consommateurs de gibier en Suisse, qui indiqueraient que leurs plombémies ne seraient pas significativement plus élevées ou même inférieures à la plombémie maximale admissible. Plus particulièrement, l’étude Pain et al. (2010) aurait conclu que, pour atteindre la dose maximale de plomb admissible, il faudrait consommer quotidiennement deux parmi huit types de gibier. En outre, des études réalisées en Suède auraient montré que la biodisponibilité du plomb serait inférieure à 1 %.

35      Ensuite, les requérants font valoir que l’ECHA a affirmé que l’air ambiant des champs de tir est contaminé par le plomb, mais ne citerait pas de sources fiables au soutien de telles conclusions. Or, d’après les requérants, selon des recherches scientifiques fiables, le taux de contamination par le plomb pourrait être « réduit » de 95 à 97 %, grâce à l’utilisation d’amorces sans plomb et de munitions à enveloppe métallique.

36      De plus, les requérants soutiennent qu’une certaine quantité de plomb dans les organismes vivants est une conséquence naturelle de la présence du plomb dans l’environnement naturel de l’homme. Le problème de l’intoxication par le plomb ne concernerait que des zones très industrialisées. Tout effet indésirable du plomb sur la santé humaine devrait donc être rapporté aux activités industrielles, dans le cadre desquelles le plomb aurait été utilisé en quantités significativement plus élevées, et non aux activités de chasse et de tir sportif.

37      S’agissant des risques pour l’environnement, les requérants critiquent la distinction opérée entre l’exposition des oiseaux terrestres et celle des oiseaux d’eau à l’intoxication au plomb sous-jacente au règlement attaqué. Les études disponibles confirmeraient que les oiseaux d’eau ne seraient pas plus exposés à l’intoxication par le plomb que les oiseaux terrestres. Les risques seraient similaires pour tous les oiseaux et, en réalité, minimes.

38      De surcroît et de façon générale, les requérants font valoir que les guerres survenues entre les XVIIe et XXe siècles ont « laissé stagner une énorme quantité de plomb dans le sol » en Europe. Malgré l’énorme quantité de plomb qui aurait été utilisée pendant les deux guerres mondiales, il n’existerait aucune donnée disponible sur la contamination qui aurait été causée par le plomb utilisé au cours de ces deux conflits. La raison serait les processus naturels subis par le plomb, surtout l’oxydation, qui aurait pour effet de couvrir le plomb, après une courte période d’exposition aux facteurs externes, d’une couche d’oxyde de plomb l’empêchant de pénétrer dans le sol ou dans l’eau. Le dépôt de milliards de tonnes de plomb dans le sol n’aurait pas engendré une surmortalité d’êtres humains ou d’animaux. En tout état de cause, le tir sportif moderne ou la chasse ne présenteraient pas plus de risque induit par le plomb que les conflits armés mondiaux.

39      Enfin, les requérants ont produit, en tant qu’annexes C.2 à C.6 et C.8, des études additionnelles ainsi qu’un rapport rédigé par la Federación Sectoral Armera. Selon eux, ces documents remettent en cause l’étendue des effets nocifs du plomb de chasse pour le gibier d’eau et indiquent que le problème de l’empoisonnement au plomb chez l’homme et l’environnement n’existe pas. Selon ces documents, l’empoisonnement au plomb chez l’homme et chez les autres organismes vivants aurait considérablement diminué aux États-Unis avec l’abandon de l’utilisation de l’essence contenant du plomb.

40      La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, conteste ces arguments.

41      Il convient de relever que le règlement attaqué a été adopté sur la base de l’article 68, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006. Ainsi qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, ce dernier vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion d’autres méthodes pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. Selon les considérants 87, 89 et 91 du règlement no 1907/2006, le législateur de l’Union a fixé comme objectif principal à l’instauration de nouvelles restrictions et à la modification des restrictions existantes prévues au titre VIII du même règlement le premier de ces trois objectifs, à savoir celui d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement (voir arrêt du 1er février 2013, Polyelectrolyte Producers Group e.a./Commission, T‑368/11, non publié, EU:T:2013:53, point 62 et jurisprudence citée).

42      Il a été jugé que, afin de pouvoir poursuivre efficacement ces objectifs, dans un cadre technique complexe à caractère évolutif, tel que celui de la présente affaire, les autorités compétentes de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes, pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent. Ainsi, dans ce domaine, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut, en effet, substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des autorités de l’Union, à qui, seules, le traité FUE a conféré cette tâche (voir arrêt du 30 avril 2015, Polynt et Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, point 52 et jurisprudence citée).

43      Ce large pouvoir d’appréciation des autorités de l’Union, impliquant un contrôle juridictionnel limité de leur exercice, ne s’applique pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des données de base. Toutefois, un tel contrôle juridictionnel, même s’il a une portée limitée, requiert que les autorités de l’Union, auteurs de l’acte en cause, soient en mesure d’établir devant le juge de l’Union que l’acte a été adopté moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation. Ceci suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir (voir arrêt du 30 avril 2015, Polynt et Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, point 53 et jurisprudence citée).

44      Il incombe donc au juge de l’Union le devoir de vérifier notamment si les éléments de preuve invoqués constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier la situation complexe en cause (voir arrêt du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, EU:T:2011:444, point 87 et jurisprudence citée).

45      En l’espèce, il ressort du considérant 5 du règlement attaqué que l’ECHA, dans son dossier établi conformément à l’annexe XV, a « conclu que l’utilisation de plomb dans la grenaille dans les zones humides entraînait un risque pour les oiseaux d’eau, qui ingèrent la grenaille de plomb tirée, ce qui provoque des effets toxicologiques, y compris le décès ».

46      Selon le considérant 6 du règlement attaqué, le « nombre estimé d’oiseaux d’eau qui meurent d’empoisonnement au plomb dans l’Union est de l’ordre d’un million chaque année[ ; l]’utilisation de plomb dans la grenaille entraîne également un risque pour les espèces qui s’alimentent à partir d’oiseaux contaminés par ce type de grenaille, ainsi qu’un risque pour les êtres humains résultant de la consommation d’oiseaux d’eau tirés à la grenaille de plomb, bien que ce dernier risque n’ait été évalué que de manière qualitative par l’[ECHA ; c]hez les humains, l’exposition au plomb est associée à des effets sur le développement neurologique, à une altération de la fonction rénale et de la fertilité, à de l’hypertension, à des issues défavorables des grossesses et à la mort ».

47      En outre, il est indiqué au considérant 10 du règlement attaqué que le « CER a souscrit à la conclusion de l’[ECHA] selon laquelle l’ingestion de grenaille de plomb par les oiseaux d’eau provoquait des effets toxicologiques, pouvant aller jusqu’à la mort ». Selon ce même considérant, « [s]’agissant de la santé humaine, le CER a conclu que le plomb était hautement toxique et qu’aucun seuil n’avait été fixé ni pour les effets sur le développement neurologique des enfants, ni pour les effets sur la pression artérielle ou sur la fonction rénale chez les adultes, de sorte que toute exposition au plomb constitue donc un risque ».

48      Par ailleurs, les points 2.5.1.3, 2.5.3.1 et 2.5.4 du dossier établi conformément à l’annexe XV contiennent une description des effets nocifs pour la santé humaine résultant de la présence de plomb dans la chair des oiseaux d’eau tirés et une évaluation qualitative des risques associés pour la santé humaine.

49      Il convient d’examiner si les arguments des requérants établissent l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation entachant les constatations relatives aux risques pour la santé humaine et pour l’environnement posés par les munitions au plomb sur lesquelles le règlement attaqué est fondé.

50      En premier lieu, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que suggèrent les requérants, la conclusion sous-jacente au règlement attaqué selon laquelle toute exposition au plomb constitue un tel risque n’est pas contredite par le règlement no 1881/2006, dont la section 3 de l’annexe fixe les teneurs maximales en plomb dans certaines denrées alimentaires. Le fait de fixer des teneurs maximales au titre de ce règlement n’équivaut pas à constater l’absence de risques pour la santé humaine en dessous de ces teneurs. Ainsi qu’il ressort du considérant 4 dudit règlement, les teneurs maximales devraient être fixées de façon stricte à un niveau pouvant raisonnablement être atteint grâce au respect des bonnes pratiques dans le domaine de la fabrication, de l’agriculture et de la pêche, compte tenu du risque lié à la consommation des aliments. Pour certains contaminants, il convient de fixer des teneurs maximales à un niveau aussi bas que raisonnablement possible. Comme le font à juste titre valoir la Commission et la République fédérale de l’Allemagne, ce règlement vise donc à encadrer les contaminations involontaires de denrées alimentaires par des substances à risque, y compris par le plomb. En revanche, le règlement attaqué restreint l’utilisation et la dissémination intentionnelle, voire volontaire et, de toute façon, évitable du plomb.

51      Les requérants n’ont pas non plus démontré que les annexes A.19 à A.22 soutiennent leur allégation selon laquelle le niveau « acceptable » de plomb dans le sang d’un Américain adulte serait de 10 μg/dl. Comme le fait valoir à juste titre la Commission, il ressort de l’annexe A.22 que 10 microgrammes de plomb par décilitre de sang représentent un « niveau élevé », et que les personnes testées présentant des niveaux au-dessus de 2 μg/dl courent un risque accru de crise cardiaque et d’attaque cérébrale. Selon l’annexe A.20, il n’existe pas de niveau de plomb dans le sang « sans danger » chez les enfants. L’étude produite à l’annexe A.19 conclut à l’existence d’une relation inverse entre le niveau de plomb dans le sang chez les enfants et leur niveau de quotient intellectuel. L’annexe A.21 décrit un programme créé afin de réduire les niveaux élevés de plomb dans le sang chez des personnes travaillant âgées de 16 ans ou plus et le fait que, entre 1994 et 2012, le taux de prévalence des niveaux de plomb dans le sang supérieur ou égal à 25 μg/dl a été réduit.

52      En deuxième lieu, s’agissant des autres arguments des requérants fondés sur le document réalisé par LEX Z.S., produit à l’annexe A.18, force est de constater que ce document analyse, dans des termes généraux, un rapport de l’ECHA du 27 novembre 2018. Ce dernier se réfère aux informations disponibles sur diverses utilisations du plomb, y compris dans la grenaille utilisée en dehors des zones humides, à savoir en milieu terrestre. Ce document n’analyse donc pas spécifiquement le risque étudié par le dossier établi conformément à l’annexe XV sur lequel se fonde le règlement attaqué. Les requérants ne démontrent pas dans quelle mesure des conclusions très générales relatives à un rapport différent du dossier établi conformément à l’annexe XV sur lequel repose le règlement attaqué seraient susceptibles d’étayer leurs critiques à l’égard des restrictions y prévues.

53      Tel est également le cas des autres documents mentionnés dans ce document et produits dans les annexes A.22 à A.31.

54      Premièrement, à supposer même que ces documents indiquent que les plombémies des chasseurs ou des consommateurs de gibier n’étaient pas significativement plus élevées ou inférieures à ce que les requérants ou les auteurs desdits documents désignent comme étant les plombémies maximales admissibles, cette circonstance ne démontrerait pas que les conclusions de la Commission sur lesquelles repose le règlement attaqué et qui sont fondées sur le dossier établi conformément à l’annexe XV et l’avis du CER, fondés sur des données scientifiques, sont manifestement erronées.

55      Deuxièmement, plusieurs des documents cités par les requérants ne soutiennent pas leurs allégations. En effet, l’annexe A.22 ne fait pas référence aux chasseurs ou aux consommateurs de gibier contaminés au plomb. L’annexe A.24 ne fait pas référence au plomb. Selon le document produit à l’annexe A.25, les participants à l’étude en cause qui consommaient du gibier présentaient un taux de plomb dans le sang plus élevé que ceux qui n’en consommaient pas. Les auteurs du document produit à l’annexe A.28, Pain et al., concluent que les dangers pour la santé humaine résultant de la consommation de gibier contaminé au plomb peuvent être plus élevés qu’indiqué par des évaluations des risques antérieures. En outre, ce document ne contient pas la conclusion mentionnée par les requérants. L’article produit à l’annexe A.27 fait référence à différentes études parvenant à des résultats divergents concernant la relation entre la consommation de gibier et la concentration de plomb dans le sang ou l’exposition au plomb. À supposer même que cet article mentionne que la biodisponibilité du plomb était inférieure à 1 %, les requérants n’ont pas expliqué dans quelle mesure cette information pourrait remettre en cause les conclusions, mentionnées aux points 46 à 48 ci-dessus, relatives aux risques pour la santé humaine résultant de la présence de plomb dans la chair des oiseaux d’eau tirés. L’article produit à l’annexe A.29 décrit l’exposition des enfants aux substances chimiques potentiellement dangereuses, y compris le plomb, par la nourriture, sans examiner l’impact de la consommation du gibier contaminé par les munitions contenant du plomb. Enfin, les annexes A.30 et A.31 analysent les risques liés à la présence de plomb dans l’air en raison des coups de feu sur les champs de tir et non les risques liés à la consommation du gibier contaminé par du plomb. De plus, l’annexe A.30 recommande, notamment, l’utilisation de balles sans plomb afin de réduire les risques de poussière de plomb. Seuls les documents produits aux annexes A.23 et A.26 sont susceptibles de soutenir, dans une certaine mesure, l’allégation des requérants selon laquelle la consommation de gibier par les chasseurs italiens et suisses participant aux études en cause n’a pas causé de concentrations élevées de plomb dans le sang. Cependant, l’absence alléguée de lien de causalité entre la consommation de gibier et les concentrations élevées de plomb dans le sang, de surcroît, uniquement dans ces deux études, n’est pas susceptible de démontrer que l’évaluation qualitative des risques pour la santé humaine résultant de la consommation d’oiseaux d’eau tirés avec la grenaille contenant du plomb, mentionnée au considérant 6 du règlement attaqué, est manifestement erronée.

56      Troisièmement, les arguments avancés par les requérants relatifs à la contamination par le plomb de l’air ambiant des champs de tir sont inopérants. En effet, le règlement attaqué ne vise pas à réduire la contamination par le plomb de l’air ambiant des champs de tir et ne se fonde donc pas sur des considérations relatives à une telle contamination.

57      Quatrièmement, il y a également lieu de rejeter comme inopérants les arguments des requérants relatifs aux autres sources de présence de plomb dans l’environnement et, par conséquent, dans les organismes vivants, telles que les activités industrielles. En effet, l’existence d’autres sources ne suffit pas à remettre en cause les conclusions mentionnées aux points 45 à 47 ci-dessus relatives aux risques pour l’environnement et pour la santé humaine causés par l’utilisation de plomb dans la grenaille dans les zones humides. L’existence d’autres sources de contamination n’implique pas que la source de contamination visée par le règlement attaqué puisse être ignorée.

58      Or, les requérants ne remettent pas en cause, de manière générale, les effets du plomb sur la santé humaine et l’environnement. Ils font plutôt valoir que les effets causés par les munitions contenant du plomb sont inexistants ou, à tout le moins, négligeables. Cependant, il résulte de ce qui précède que les éléments de preuve fournis par les requérants ne sont pas de nature à démontrer que les analyses détaillées qui motivent le règlement attaqué sont entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

59      En troisième lieu, il convient de rejeter les arguments des requérants relatifs aux risques pour l’environnement. La circonstance que les oiseaux d’eau ne seraient pas plus exposés à une intoxication par le plomb que les oiseaux terrestres, même à la supposer établie, n’est pas susceptible de remettre en cause les conclusions figurant au considérant 6 du règlement attaqué, selon lesquelles l’estimation du nombre d’oiseaux d’eau qui meurent d’empoisonnement au plomb dans l’Union est de l’ordre d’un million chaque année et l’utilisation de plomb dans la grenaille entraîne également un risque pour les espèces qui s’alimentent à partir d’oiseaux contaminés par ce type de grenaille.

60      Les arguments des requérants soulevés au stade de la réplique, selon lesquels, premièrement, l’estimation de l’ordre d’un million d’oiseaux d’eau qui meurent chaque année d’empoisonnement au plomb dans l’Union ne serait étayée par aucune étude, deuxièmement, ce nombre serait minime par rapport à la population totale d’oiseaux nicheurs en Pologne, qui s’élèverait à environ 188 millions d’oiseaux, troisièmement, le nombre d’oiseaux en Pologne augmenterait selon un tableau joint en annexe C.1, de sorte que si des oiseaux devaient consommer des munitions au plomb, il s’agirait d’incidents tout à fait marginaux, ne sont pas non plus de nature à démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission.

61      Premièrement, il ressort de la note d’information du 15 mars 2018 relative aux avis du CER et du CASE sur le dossier établi conformément à l’annexe XV, et notamment de son point « 2.4.5.1 Estimations de la mortalité annuelle des oiseaux d’eau dans l’Union résultant d’empoisonnement au plomb », que ces estimations sont fondées sur des données et méthodologies scientifiques.

62      Deuxièmement, les requérants comparent le nombre d’un million d’oiseaux d’eau qui meurent chaque année d’empoisonnement au plomb dans l’Union au nombre total d’oiseaux. Or, une telle comparaison ne permet pas de nier l’existence d’un risque d’empoisonnement par le plomb des oiseaux d’eau. La circonstance que le nombre d’oiseaux d’eau concerné ne représente qu’une faible proportion du nombre total d’oiseaux étant sans incidence sur l’existence d’un risque pour les oiseaux d’eau.

63      Troisièmement, ainsi que le fait valoir la Commission à juste titre, il ressort du tableau 5.2 figurant à l’annexe C.1 que le nombre d’oiseaux y mentionnés a diminué et non augmenté comme l’affirment les requérants.

64      En quatrième lieu, s’agissant des annexes C.2 à C.6 et C.8, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, si le texte de la requête ou de la réplique peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête ou à la réplique, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans la requête et la réplique (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Global Translation Solutions/Commission, T‑404/20, non publié, EU:T:2021:654, point 62 et jurisprudence citée). Or, les requérants se bornent à renvoyer globalement à ces six annexes, sans préciser quelle annexe ni quel passage soutient leurs arguments. Les affirmations figurant dans la réplique selon lesquelles ces documents remettent en cause l’étendue des effets nocifs du plomb de chasse pour le gibier d’eau et indiquent que le problème de l’empoisonnement au plomb chez l’homme et dans l’environnement n’existe pas demeurent trop générales pour permettre au Tribunal d’examiner leur bien-fondé. En tout état de cause, les requérants n’expliquent pas dans quelle mesure le fait que l’empoisonnement au plomb chez l’homme aurait diminué à la suite de l’abandon de l’utilisation de l’essence contenant du plomb pourrait remettre en cause la légalité du règlement attaqué. Ce n’est pas parce qu’une source de contamination a disparu ou diminué que d’autres sources de contamination ne présentent nécessairement plus de danger et doivent être ignorées.

65      En cinquième lieu, il convient de rejeter les arguments des requérants relatifs à l’utilisation du plomb pendant les guerres aux XVIIe et XXe siècles en Europe dès lors qu’ils ne sont étayés par aucun élément de preuve et, notamment, aucune étude scientifique. En tout état de cause, l’argument selon lequel il serait impossible de considérer que le tir sportif moderne ou la chasse présentent plus de risques induits par le plomb que les conflits armés mondiaux n’est pas pertinent. En effet, le règlement attaqué ne se fonde pas sur une telle considération comparative, mais sur les risques intrinsèques de l’utilisation de grenaille de plomb pour la pratique du tir sportif moderne et de la chasse.

66      Il résulte de ce qui précède que les requérants n’ont pas démontré que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant à l’existence de risques pour la santé humaine et pour l’environnement résultant de l’utilisation de grenaille contenant du plomb à l’intérieur ou autour de zones humides.

 Sur les arguments relatifs aux grenailles de substitution

67      En premier lieu, les requérants font valoir que les grenailles de substitution identifiées par l’ECHA entraînent des souffrances inutiles pour les animaux. Selon le considérant 7 du règlement attaqué, l’ECHA recommande l’utilisation de grenaille de bismuth et d’acier. Des études réalisées en République tchèque et des tests comparatifs menés par l’un des requérants, à savoir M. Budzyński, auraient montré que la grenaille d’acier cause des souffrances inutiles aux animaux.

68      En deuxième lieu, d’après l’annexe A.17 à la requête, à savoir l’article de M. Sewastynowicz intitulé « Lasy nadal borykają się z historią » (Les forêts continuent de faire face à l’histoire), la grenaille d’acier risque d’affaiblir les arbres.

69      En troisième lieu, la grenaille d’acier pourrait causer des blessures aux chasseurs et imposer le réaménagement des champs de tir en raison du paramètre de son ricochet qui serait significativement plus élevé.

70      En quatrième lieu, l’ECHA n’aurait pas prouvé la neutralité pour l’environnement des grenailles de substitution.

71      En cinquième lieu, les requérants font valoir que la grenaille de substitution de tungstène, d’acier ou de bismuth serait en réalité plus chère que la grenaille de plomb.

72      En sixième lieu, de nombreuses armes actuellement utilisées ne seraient pas adaptées au tir avec des munitions en acier.

73      À cet égard, il ressort du considérant 7 du règlement attaqué que l’ECHA a conclu, dans le dossier établi conformément à l’annexe XV, que des grenailles de substitution sans plomb, telles que les grenailles d’acier et de bismuth, étaient largement disponibles, techniquement réalisables et présentaient de meilleurs profils de danger et de risque pour la santé humaine et l’environnement que la grenaille de plomb.

74      De plus, ainsi qu’il ressort d’un document intitulé « document de référence – annexes » du CASE et du CER, produit à l’annexe B.3, ces deux comités ont comparé les caractéristiques des tirs à la grenaille de plomb et à la grenaille d’acier. Il y est conclu, sur la base d’enquêtes concernant les caractéristiques physiques essentielles et d’études de terrain réalisées lors des 40 dernières années, que la grenaille sans plomb généralement disponible, notamment la grenaille d’acier, répond aux exigences d’une mise à mort rapide.

75      Les requérants n’ont avancé aucun élément de preuve susceptible de démontrer que ces conclusions sont manifestement erronées ni que les grenailles de substitution entraîneront des souffrances inutiles aux animaux.

76      S’agissant plus particulièrement de la grenaille d’acier, les requérants fondent leur allégation sur un seul article produit à l’annexe A.12, qui est écrit par l’un des requérants et qui ne présente pas de caractère scientifique. En effet, cet article décrit un test effectué par l’auteur qui n’est pas fondé sur des preuves plus étendues permettant une généralisation. En ce que les requérants font référence à un document de l’ECHA produit à l’annexe A.13, il convient de constater que ce document date du 15 janvier 2021 et porte sur la proposition d’adopter une autre restriction. En outre, les affirmations des requérants selon lesquelles ledit document démontrerait que « la grenaille d’acier perd plus rapidement de l’énergie que la grenaille de plomb, ce qui rédui[rait] l’humanisation de l’abattage des oiseaux », de sorte qu’il serait « injustifiable d’utiliser à cet égard des munitions en acier, en bismuth et en tungstène comme substituts du plomb pour la chasse avec des armes à feu », sont contredites par ce document, et notamment par son point 4 intitulé « Conclusions », recommandant explicitement l’utilisation d’autres munitions pour la chasse.

77      En ce qui concerne le prétendu impact de la grenaille d’acier pour les arbres, il convient de constater que les effets de la restriction en cause sur la gestion des forêts ont été analysés au point 5.7.2 du dossier établi conformément à l’annexe XV. En réaction à des commentaires reçus lors de la consultation publique concernant la proposition de restriction, le CASE a constaté à cet égard que les informations reçues lors de la consultation publique sur son projet d’avis indiquaient que l’impact de l’utilisation de la grenaille d’acier pour le secteur forestier au Danemark était mineur. Le CASE a ajouté que cela était confirmé par le fait que l’Agence sylvicole finlandaise avait levé toutes les restrictions d’utilisation de la grenaille d’acier en Finlande.

78      Les requérants n’ont pas démontré que ces considérations seraient manifestement erronées. En effet, ils fondent leur allégation sur un seul article produit à l’annexe A.17, qui ne présente pas non plus de caractère scientifique. Ils n’expliquent notamment pas dans quelle mesure les conclusions figurant dans le dossier établi conformément à l’annexe XV et dans l’avis du CASE seraient erronées. Les requérants soulèvent un seul argument à cet égard, au stade de la réplique, selon lequel les expériences réalisées au Danemark ne pourraient pas être transposées à la Pologne en raison des différences de tailles des surfaces recouvertes de forêts en fonction de la taille du pays et du propriétaire des forêts. Cet argument n’invalide cependant pas les considérations du CASE relatives à la Finlande, dont les forêts recouvrent une plus grande partie de sa superficie, et la différence alléguée, à la supposer établie, ne démontre pas en quoi le résultat des expériences réalisées au Danemark ne serait pas transposable à la Pologne.

79      En ce qui concerne les arguments des requérants relatifs au paramètre de ricochet prétendument plus grand de la grenaille d’acier, il suffit de constater que les requérants ne précisent ni l’ampleur de la différence en ricochet, ni celle des risques de blessures, ni celle des coûts pour les réaménagements des champs de tir. Par ailleurs, les requérants n’avancent aucun élément de preuve susceptible de démontrer le bien-fondé de leurs allégations. En effet, ils se contentent de faire référence au document réalisé par LEX Z.S., produit à l’annexe A.18, concernant lequel il a déjà été constaté au point 52 ci-dessus qu’il n’examinait pas le dossier établi conformément à l’annexe XV sur lequel se fonde le règlement attaqué.

80      En ce qui concerne les arguments des requérants selon lesquels l’ECHA n’a pas prouvé la neutralité pour l’environnement des métaux recommandés pour les grenailles de substitution, il y a lieu de constater ce qui suit. Le CASE a indiqué dans son avis qu’aucun impact négatif pour l’environnement ou pour la santé humaine lié à l’utilisation d’autres grenailles, principalement en acier, mais également en bismuth et en tungstène, n’avait été identifié. Par ailleurs, l’impact environnemental des substituts à la grenaille de plomb a été analysé au point E.3.1.5.1. du document intitulé « document de référence – annexes » du CASE et du CER. Il y est notamment conclu à l’absence de risques pour l’environnement liés à ces substituts. Les requérants n’ont avancé aucun argument susceptible de remettre en cause ces conclusions.

81      Il convient également de rejeter l’argument des requérants, soulevé au stade de la réplique, selon lequel il serait impossible de conclure que certaines grenailles de substitution, par exemple la grenaille de bismuth ou encore de tungstène, sont des substituts sûrs du plomb pour la chasse, étant donné que le point E.3.1.5.1. du document intitulé « document de référence – annexes » du CASE et du CER mentionne qu’un des canards testés est mort après l’ingestion d’une grenaille de bismuth et que des niveaux mesurables de tungstène ont été trouvés dans le foie et le fémur des canards. En effet, ce document mentionne que la raison de la mort de ce canard était inconnue et que les niveaux mesurables de tungstène étaient faibles. Le seul fait que les requérants ne sont pas d’accord avec les conclusions figurant dans ce document, qui sont fondées sur des données scientifiques, y compris celles avancées par les requérants, et cohérentes avec la classification des munitions en bismuth et en tungstène comme étant « non toxiques » par les États-Unis d’Amérique, ne démontre pas que ces conclusions sont manifestement erronées.

82      S’agissant du coût des grenailles de substitution, il ressort du considérant 7 du règlement attaqué que, selon le dossier établi conformément à l’annexe XV, la grenaille d’acier, substitut le plus susceptible d’être utilisé, est disponible à un prix comparable à celui de la grenaille de plomb. Plus particulièrement, il ressort du tableau 5.4 du dossier établi conformément à l’annexe XV que pour 25 cartouches le prix de la grenaille d’acier se situe dans une fourchette de 8,3 à 9,1 euros, tandis que le prix de la grenaille de plomb se situe dans une fourchette de 8 à 11,3 euros.

83      Les requérants n’ont avancé aucun élément de preuve susceptible de démontrer que ces conclusions sont manifestement erronées.

84      En effet, les requérants ne produisent, au soutien de leurs allégations, aucune preuve permettant d’établir que la grenaille d’acier serait plus onéreuse que la grenaille de plomb.

85      En outre, si les requérants se fondent sur plusieurs documents, à savoir une lettre de Firearms United Networks elle-même du 22 mars 2021 produite à l’annexe A.14, un article de l’ECHA, intitulé « Estimating the abatement costs of hazardous chemicals » (Estimation des coûts de réduction des produits chimiques dangereux), produit à l’annexe A.15, l’étude COWI (2004), produite à l’annexe A.16, et le document réalisé par LEX Z.S., produit à l’annexe A.18, ils ne précisent pas en quoi ces documents sont susceptibles de remettre en cause certaines conclusions de la Commission sous-jacentes au règlement attaqué.

86      De plus, la lettre produite à l’annexe A.14 et le document produit à l’annexe A.18 critiquent le rapport de l’ECHA du 15 janvier 2021, produit à l’annexe A.13, et portant sur la proposition d’adopter une autre restriction.

87      L’article produit à l’annexe A.15 a été inclus dans le point 2.4.2 du dossier établi conformément à l’annexe XV. Les requérants ne font pas valoir que ce dossier s’y réfère de manière erronée.

88      L’étude COWI (2004), produite à l’annexe A.16, a été incluse dans le document intitulé « document de référence – annexes » du CASE et du CER. Les requérants n’indiquent cependant pas que ce document s’y réfère de manière erronée. En tout état de cause, le choix de l’ECHA de se fonder, en ce qui concerne les données économiques et celles concernant les coûts, dans le dossier établi conformément à l’annexe XV, et notamment dans le tableau 5.4 de ce dossier, sur une étude plus récente, à savoir l’étude Thomas (2015), n’apparaît pas manifestement erroné.

89      Enfin, en ce qui concerne les arguments des requérants selon lesquels de nombreuses armes utilisées ne seraient pas adaptées au tir avec des munitions en acier et des chasseurs qui ne pourraient pas acheter de nouvelles armes seraient empêchés de pratiquer la chasse traditionnelle, il y a lieu de constater ce qui suit. L’ECHA a examiné, dans le dossier établi conformément à l’annexe XV, notamment au point 5.4.1.2, l’adaptation des fusils aux différents types de munitions et a établi que la grande majorité des armes mises sur le marché après 1970 étaient adaptées à l’utilisation de munitions en acier standard. De plus, il ressort du document intitulé « document de référence – annexes » du CASE et du CER, que le coût d’un test d’adaptation d’une arme existante à la grenaille d’acier haute performance ainsi que celui de l’adaptation s’élèvent en moyenne à 70 euros, ce qui démontre qu’une telle adaptation est possible.

90      À cet égard, les requérants contestent que la majorité des armes mises sur le marché après 1970 soit adaptée à l’utilisation des munitions en acier standard et qu’une adaptation ne coûte que 70 euros environ.

91      Cependant, étant donné que les requérants restent en défaut d’étayer leurs arguments, ils ne parviennent pas à démontrer que les considérations mentionnées au point 89 ci-dessus, sur lesquelles la Commission s’est fondée, sont manifestement erronées.

92      De surcroît, les requérants font valoir que les coûts pour les exploitants de champs de tir, qui devraient adapter un grand nombre d’armes, sont importants.

93      À cet égard, il convient de relever que les coûts pour les centres de tir sportif n’ont pas pu être estimés par le CASE, faute d’informations soumises à cet égard lors de la consultation publique. Néanmoins, ainsi qu’il ressort de l’avis du CASE, un commentaire pendant la consultation publique suggère que ces coûts sont marginaux. En effet, dans plusieurs États membres, l’utilisation de la grenaille de plomb serait déjà interdite dans les centres de tir sportif sur l’ensemble du territoire, et non uniquement dans les centres de tir sportif situés en zones humides. Par ailleurs, le seul argument des requérants à l’égard des coûts pour les centres de tir sportif est tiré d’une extrapolation du coût de l’adaptation des armes. Or, il ressort des points 89 et 91 ci-dessus que l’analyse de ces coûts par le CASE n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation permettant de considérer que ces coûts pourraient remettre en cause la conclusion selon laquelle l’adaptation ne présente pas de difficulté majeure. Par conséquent, les requérants n’ont pas non plus démontré que le règlement attaqué est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en raison des coûts pour les centres de tir sportif.

94      Il résulte de ce qui précède que les requérants n’ont pas démontré que la Commission aurait commis, lors de l’adoption du règlement attaqué, une erreur manifeste d’appréciation relative à la disponibilité de grenailles de substitution, à leurs coûts et à leurs effets.

 Sur les arguments relatifs à la partialité alléguée d’un rapport de l’ECHA

95      Les requérants font valoir qu’il ressort du document réalisé par LEX Z.S, produit à l’annexe A.18, que le document de l’ECHA qui y est cité et qui, de l’avis des requérants, aurait contribué à l’adoption du règlement attaqué est un document partial préconisant sans examen approprié l’interdiction totale d’utiliser des munitions au plomb.

96      La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, conteste cet argument.

97      Ainsi qu’il a déjà été constaté au point 52 ci-dessus, le document réalisé par LEX Z.S. et produit à l’annexe A.18 n’analyse pas le rapport établi conformément à l’annexe XV, sur lequel se fonde le règlement attaqué, mais un autre rapport. S’il est vrai que le document produit à l’annexe A.18 critique, dans des termes généraux, ledit document de l’ECHA, ses termes ne permettent pas de conclure que l’ECHA s’est basée sur des analyses non objectives ou non fiables ni que cette agence a apprécié les données disponibles de manière partiale. Tout au plus, le document produit à l’annexe A.18 fait état d’une différence d’opinions entre ses auteurs et l’ECHA.

98      Par conséquent, il convient de rejeter cet argument comme non fondé.

99      Par ailleurs, contrairement à ce que les requérants suggèrent au stade de la réplique, il ne saurait être reproché à la Commission de faire référence aux documents de l’ECHA, du CER et du CASE. D’une part, le titre VIII du règlement no 1907/2006 impose la participation de ces acteurs lors de la procédure aboutissant à l’adoption d’une restriction. D’autre part, il ne s’agit pas d’« agences dépendantes » de la Commission.

100    Partant, le quinzième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation quant au bien-fondé économique et scientifique du règlement attaqué, doit être rejeté.

 Sur la première branche du huitième moyen, tiré d’une violation de l’article 2 TUE en raison d’une violation du principe de l’État de droit

101    Dans le cadre de la première branche du huitième moyen, les requérants font valoir que le règlement attaqué viole les principes de sécurité juridique, de la légalité des peines et de l’État de droit, étant donné que les citoyens ne pourraient pas prévoir les conséquences de leurs actes, eu égard aux doutes suscités par l’interprétation de la notion de « zones humides ». La définition imprécise de cette notion permettrait aux autorités publiques de commettre des abus et ouvrirait la voie à des brimades à l’encontre des tireurs.

102    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, conteste les arguments des requérants.

103    Il résulte de la jurisprudence que le principe de légalité est un corollaire du principe de sécurité juridique, lequel constitue un principe général du droit de l’Union qui exige, notamment, que toute réglementation de l’Union, en particulier lorsqu’elle impose ou permet d’imposer des sanctions, soit claire et précise, afin que les personnes concernées puissent connaître sans ambiguïté les droits et obligations qui en découlent et puissent prendre leurs dispositions en conséquence (arrêt du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, EU:T:2006:270, point 71).

104    S’agissant de la définition de la notion de « zones humides », il y a lieu de constater que, selon le considérant 24 du règlement attaqué, la Commission a considéré qu’il convenait de « reprendre la définition des “zones humides” utilisée dans la [convention de Ramsar] comme cela a[vait] été proposé par l’[ECHA] et confirmé dans les avis du CER et du CASE, vu que cette définition exhaustive couvr[irait] tous les types de zones humides (y compris les tourbières, où de nombreux oiseaux d’eau sont également présents) et que la convention de Ramsar a[urait] aussi élaboré un système de classification des types de zones humides afin de contribuer à l’identification de ces dernières ».

105    En cohérence avec la définition prévue par la convention relative aux zones humides d’importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau, signée à Ramsar le 2 février 1971, les « zones humides » sont définies au point 13, sous a), de l’annexe du règlement attaqué comme étant « des étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d’eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d’eau marine dont la profondeur à marée basse n’excède pas six mètres ».

106    En ce qui concerne plus particulièrement l’imprécision alléguée de cette définition, qui créerait une insécurité juridique intolérable pour les personnes concernées, il est certes vrai que cette définition de la notion de « zones humides » ne décrit pas de manière chiffrée la taille minimale d’une zone humide ni la durée minimale de l’existence d’une zone humide afin de répondre au caractère temporaire d’une telle zone.

107    Toutefois, il y a lieu de tenir compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, qui consacre des droits correspondant à ceux garantis à l’article 49 de la Charte. Selon cette jurisprudence, en raison du caractère nécessairement général des actes législatifs, le libellé de ceux-ci ne peut présenter une précision absolue. Il en résulte, notamment, que si l’utilisation de la technique législative consistant à recourir à des catégories générales plutôt qu’à des listes exhaustives laisse souvent des zones d’ombre aux frontières de la définition, ces doutes au sujet de cas limites ne suffisent pas, à eux seuls, à rendre une disposition incompatible avec l’article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, pour autant que celle-ci se révèle suffisamment claire dans la grande majorité des cas (voir arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 164 et jurisprudence citée). Il peut en être déduit que le principe de légalité et le principe de sécurité juridique ne font pas obstacle à ce qu’un texte à caractère général tel que le règlement attaqué doit tenir compte d’une diversité de situations et pouvoir s’y appliquer de façon égale. Il en résulte, notamment, que la possibilité de doutes au sujet de cas limites ne suffit pas, à elle seule, à rendre une disposition revêtant nécessairement un caractère général incompatible avec le principe de légalité et le principe de sécurité juridique. En revanche, selon une jurisprudence constante, le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles de droit soient claires et précises et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (arrêts du 22 octobre 1998, Jokela et Pitkäranta, C‑9/97 et C‑118/97, EU:C:1998:497, point 48, et du 15 septembre 2005, Irlande/Commission, C‑199/03, EU:C:2005:548, point 69). Il en résulte qu’une disposition doit être suffisamment claire et précise pour que les personnes concernées puissent considérer les cas limites avec un degré de prévisibilité suffisant, les mettant en mesure d’appliquer cette disposition avec une certitude raisonnable. Le respect du principe de légalité et du principe de sécurité juridique doit, par conséquent, être apprécié à la lumière de l’ensemble des dispositions du texte et de son contexte.

108    Ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, le règlement attaqué vise notamment à protéger les oiseaux d’eau et les espèces qui les consomment. L’interprétation de la notion de « zones humides » à la lumière de cet objectif sert à délimiter de telles zones. Ne sont donc pas concernées des zones qui, par exemple, en raison de leur taille ou de leur instabilité, ne sont pas susceptibles de servir d’habitat aux oiseaux d’eau.

109    En outre, il y a lieu de rappeler que ledit règlement vise les personnes qui pratiquent le tir sportif et la chasse. Or, l’utilisation d’armes à feu est soumise à des obligations légales, notamment de précaution, qui exigent de toute façon une préparation soigneuse de ces activités. Par définition, l’exercice du tir sportif et de la chasse ainsi que l’établissement de champs de tir ne peuvent pas constituer des activités pratiquées à n’importe quel moment et partout sur le territoire. Les tireurs doivent s’assurer que leurs activités ne créent pas de danger pour autrui.

110    Il en résulte que le règlement attaqué est suffisamment clair et précis en ce qu’il informe, sans ambiguïté, les personnes concernées des obligations légales et des précautions qu’elles sont censées prendre avant d’entamer une activité de tir sportif ou de chasse, en s’informant en temps utile de la qualification des terrains concernés et, le cas échéant, en interrogeant les autorités compétentes.

111    Par conséquent, la première branche du huitième moyen doit être rejetée.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 16 de la Charte, sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 17 de la Charte et sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité prévu à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte

112    Dans le cadre du premier moyen, tiré d’une violation de l’article 16 de la Charte reconnaissant la liberté d’entreprise, en premier lieu, les requérants font valoir que le règlement attaqué restreint considérablement la liberté d’accès aux activités économiques et à leur exercice, telles que la fabrication et la commercialisation des munitions, l’exploitation des champs de tir, la chasse au gibier sauvage et la cynologie de chasse, ainsi que la chasse traditionnelle.

113    Les requérants soutiennent que la notion de « zones humides », telle que définie par le règlement attaqué et utilisée dans la convention relative aux zones humides d’importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau, est trop extensive. Elle correspondrait, en réalité, à la quasi-totalité du territoire de l’Union, notamment parce que ce règlement ne subordonne pas le classement d’une zone donnée en tant que « zone humide » à la persistance ni aux dimensions de l’état retenu dans la définition. En pratique, cette définition couvrirait selon eux une simple flaque d’eau qui apparaîtrait après la pluie dans une dépression de terrain et ainsi la quasi-totalité du territoire de l’Union.

114    Par conséquent, selon les requérants, le règlement attaqué conduit, dans la pratique, à une interdiction générale d’utiliser de la grenaille de plomb, exclut du marché les fabricants de ce type de grenaille et d’armes conçues pour les tirer et limite la possibilité d’exercer d’autres types d’activités économiques faisant largement appel à cette grenaille, telles que l’exploitation commerciale de champs de tir, la prestation de services de formation et d’entraînement au tir ainsi que la chasse. L’adaptation des activités aux changements introduits par ce règlement exigerait d’importants investissements financiers induits par les prix élevés des grenailles sans plomb, qui excéderaient les capacités de financement de nombreuses entreprises polonaises du secteur.

115    En second lieu, les requérants soutiennent que cette restriction de la liberté professionnelle n’est pas justifiée. D’une part, le règlement attaqué n’aurait aucun effet positif sur la protection de la santé humaine et l’environnement. D’autre part, ce règlement serait excessif, notamment en raison de son champ d’application.

116    Dans le cadre du deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte relatif à la protection du droit de propriété, en premier lieu, les requérants font valoir que, « selon le rapport AMEC », 95 % des fusils sont inadaptés au tir à la grenaille d’acier. Au vu de l’interdiction totale d’utiliser les grenailles de plomb, les détenteurs d’armes devraient acheter de nouvelles armes et de nouvelles grenailles. Les anciennes armes perdraient leur valeur matérielle et le retrait de la grenaille de plomb non utilisée à la fin de la période transitoire serait coûteux.

117    En deuxième lieu, les requérants soutiennent que le règlement attaqué autorise chaque État membre à introduire des interdictions plus strictes lorsque 20 % au moins de son territoire total, à l’exclusion des eaux territoriales, sont des zones humides. Ainsi, les États membres pourraient interdire de facto l’utilisation de la grenaille de plomb sur tout leur territoire. Au vu de la notion de « zones humides », cette faculté d’extension ne serait en réalité pas suffisamment encadrée.

118    En troisième lieu, les requérants font valoir que la restriction du droit de propriété n’est pas justifiée ainsi qu’il ressortirait de leurs arguments précédemment exposés et notamment parce que les considérations sous-jacentes du règlement attaqué relatives aux effets nocifs de la grenaille de plomb seraient erronées, l’abandon du plomb n’aurait pas les avantages évoqués et les grenailles de substitution auraient d’autres inconvénients pour l’environnement.

119    Dans le cadre du sixième moyen, les requérants font valoir que les restrictions aux droits et libertés reconnus par la Charte ne répondent pas à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union, et ne contribuent notamment pas à une meilleure protection de l’environnement et de la santé humaine. Ces restrictions ne seraient pas nécessaires. Elles ne procureraient pas non plus d’avantages proportionnés aux coûts.

120    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, conteste les arguments des requérants.

121    À titre liminaire, il convient de rappeler que, si les droits et libertés garantis par la Charte peuvent être limités, toute limitation de leur exercice doit être, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. En outre, ainsi qu’il ressort de cette disposition, dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui (voir, en ce sens, arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 84 et jurisprudence citée).

122    S’agissant plus particulièrement du principe de proportionnalité, selon une jurisprudence constante, ce principe, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause. Lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante. Les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 124 et jurisprudence citée ; arrêt du 1er février 2013, Polyelectrolyte Producers Group e.a./Commission, T‑368/11, non publié, EU:T:2013:53, point 75).

123    En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions mentionnées au point précédent, il y a lieu de reconnaître à la Commission un large pouvoir d’appréciation dans un domaine qui implique de sa part des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lequel elle est appelée à effectuer des appréciations complexes. Seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que le législateur entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir arrêt du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 125 et jurisprudence citée ; arrêt du 1er février 2013, Polyelectrolyte Producers Group e.a./Commission, T‑368/11, non publié, EU:T:2013:53, point 76).

124    En premier lieu, il convient de constater, à cet égard, qu’il ressort des considérants 5, 6, 10 et 16 du règlement attaqué que ce dernier a été adopté en vue d’éviter les risques pour l’environnement et pour la santé humaine liés à l’utilisation de plomb dans la grenaille dans les zones humides.

125    Cet objectif est conforme aux objectifs poursuivis par le règlement no 1907/2006. En effet, ainsi qu’il a été constaté au point 41 ci-dessus, ce dernier vise, selon son article 1er, paragraphe 1, à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, la promotion d’autres méthodes pour l’évaluation des dangers liés aux substances ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation. Eu égard aux considérants 87, 89 et 91 du règlement no 1907/2006, il convient de constater que le législateur a fixé comme objectif principal à l’instauration de nouvelles restrictions et à la modification de restrictions existantes prévues au titre VIII dudit règlement le premier de ces trois objectifs, à savoir celui d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement. Or, cet objectif est conforme aux exigences découlant des articles 35 et 37 de la Charte ainsi que des articles 9 et 11, de l’article 114, paragraphe 3, et de l’article 168, paragraphe 1, TFUE.

126    En deuxième lieu, s’agissant de la question de savoir si le règlement attaqué ne permet pas la réalisation de cet objectif, comme le soutiennent les requérants, il y a lieu de constater, ainsi qu’il a déjà été relevé dans le cadre de l’analyse du quinzième moyen ci-dessus, que les requérants n’ont pas démontré l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation ni en ce qui concerne les risques que la Commission vise à parer par le règlement attaqué, à savoir ceux liés à l’utilisation de la grenaille de plomb dans les zones humides, ni en ce qui concerne la disponibilité de grenailles de substitution.

127    Par conséquent, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le règlement attaqué contribue effectivement à la poursuite d’un objectif légitime, à savoir l’objectif de protection de l’environnement et de la santé humaine. Partant, il a y lieu de rejeter l’argumentation des requérants selon laquelle le règlement attaqué viole l’article 16, l’article 17, paragraphe 1, de la Charte et le principe de proportionnalité prévu par l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, dès lors que, selon eux, le règlement attaqué ne contribuerait pas à la réalisation de cet objectif. Il convient également de rejeter l’argument des requérants selon lequel le règlement attaqué ne serait pas nécessaire, étant donné que cet argument semble se fonder uniquement sur la prémisse erronée selon laquelle le règlement attaqué ne contribue pas à la réalisation de l’objectif de protection de l’environnement et de la santé humaine.

128    En troisième lieu, s’agissant de la question de savoir si le règlement attaqué cause des inconvénients démesurés par rapport aux buts visés, il convient, tout d’abord, d’examiner l’argument des requérants selon lequel le règlement attaqué serait disproportionné en raison de l’étendue de son champ d’application.

129    Contrairement à ce que font valoir les requérants, le libellé du point 13, sous a), de l’annexe du règlement attaqué cité au point 105 ci-dessus, et notamment les termes « des étendues […] d’eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires », ne couvrent pas les flaques d’eau qui apparaissent après la pluie ou d’autres points d’eau tout à fait éphémères. S’il est vrai que, selon cette définition, le caractère temporaire de certaines étendues d’eaux naturelles ou artificielles ne fait pas obstacle à la qualification de zone humide, étant donné que les zones humides dépendent du cycle de l’eau et sont, par conséquent, susceptibles d’être soumises à des variations temporaires en ce qui concerne leur niveau ou leur degré d’humidité, il est également vrai que les termes « étendues […] d’eaux » présupposent une certaine stabilité, ce qui exclut des phénomènes tels que les flaques d’eau qui apparaissent et disparaissent d’un jour à l’autre.

130    Cette interprétation, découlant du libellé de la définition en cause, est confirmée par la finalité du règlement attaqué. Ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, ce règlement vise notamment à protéger les oiseaux d’eau et les espèces qui les consomment. Une interprétation de la notion de « zones humides » à la lumière de cet objectif confirme donc qu’elle n’inclut à l’évidence pas les eaux qui, de par leur nature éphémère, ne sont pas des habitats pour les oiseaux d’eau, de sorte qu’il y a lieu de constater que le champ d’application du règlement est déterminé et peut être délimité avec suffisamment de précision à partir de son objectif.

131    S’agissant de l’argument des requérants selon lequel, au vu des dispositions du règlement attaqué, les États membres pourraient même interdire l’utilisation de grenaille de plomb sur l’ensemble de leur territoire, il y a lieu de constater que le règlement attaqué prévoit, au point 12 de son annexe, que, si au moins 20 % du territoire total d’un État membre, à l’exclusion des eaux territoriales, sont des zones humides, cet État membre peut interdire la mise sur le marché de grenaille de plomb, la décharge de toute grenaille de ce type et le fait de porter sur soi toute grenaille de ce type lors de la pratique du tir ou dans le cadre de la pratique du tir.

132    Toutefois, la possibilité laissée aux États membres d’établir des restrictions de ce type ne rend pas non plus ce règlement disproportionné par rapport à son objectif. Ainsi qu’il ressort des considérants 28 et 29 du règlement attaqué, cette possibilité a été établie afin de tenir compte de la situation spécifique des États membres dont le territoire comporte une proportion importante de zones humides. En effet, dans de tels États, une interdiction relative à la décharge et au port de grenaille de plomb à l’intérieur et autour de zones humides pourrait, dans la pratique, avoir un effet similaire à une telle interdiction sur l’ensemble du territoire. Dans ces circonstances, et au vu de la nécessité de rendre l’application de cette interdiction non seulement efficace, mais aussi simple et équitable à l’égard de l’ensemble de la communauté des chasseurs sur le territoire en question, les dispositions du règlement attaqué ne peuvent pas être considérées comme excessives. Le Tribunal note, de surcroît, qu’il ne s’agit que d’une faculté offerte aux États membres, de sorte que dans le cas de son usage, les dispositions nationales pourraient à leur tour être soumises à un contrôle de proportionnalité à l’égard de cette justification.

133    Par conséquent, l’ensemble des arguments des requérants en vertu desquels le règlement attaqué serait excessif en raison de son champ d’application doivent être rejetés.

134    S’agissant des autres inconvénients prétendument causés par le règlement attaqué, il y a lieu de constater que les requérants n’ont pas démontré, dans le cadre du quinzième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’analyse des grenailles de substitution et plus particulièrement de leur disponibilité, de leurs coûts et de leurs effets.

135    Par conséquent, il convient de rejeter leurs arguments figurant au point 118 ci-dessus selon lesquels la prétendue restriction au droit de propriété n’est pas justifiée notamment parce que les grenailles de substitution auraient d’autres inconvénients pour l’environnement.

136    En ce qui concerne l’allégation des requérants selon laquelle il existe une disproportion entre les bénéfices recherchés par la Commission et les coûts causés par le règlement attaqué, il y a lieu de rappeler, d’une part, que la protection de la santé humaine revêt une importance prépondérante par rapport à des considérations économiques. D’autre part, la protection de l’environnement constitue l’un des objectifs essentiels de l’Union. Ainsi, il a été jugé que l’importance de la poursuite de ces objectifs est de nature à justifier des conséquences économiques négatives, même considérables, pour certains opérateurs (voir arrêt du 6 septembre 2013, Sepro Europe/Commission, T‑483/11, non publié, EU:T:2013:407, point 85 et jurisprudence citée).

137    De plus, il ressort du considérant 12 du règlement attaqué que l’avis du CASE se conclut sur la considération que la restriction proposée était une mesure appropriée à l’échelle de l’Union pour faire face aux risques visés. Cet avis soutient que les avantages socio-économiques de la mesure sont proportionnés aux coûts socio-économiques, que ces coûts sont principalement supportés par les personnes concernées et que l’augmentation des coûts pour ces derniers reste raisonnable. Plus précisément, l’avis indique que la nécessité pour le chasseur européen moyen de remplacer la grenaille de plomb par une autre grenaille pourrait, dans le pire des cas, entraîner des coûts pouvant s’élever jusqu’à 66 euros par an, ce qui correspond à une augmentation de 2,2 % de son budget annuel.

138    Selon le considérant 13 du règlement attaqué, ledit avis reconnaît qu’une période d’adaptation plus courte qu’une période de trois ans pourrait être envisagée, parce que la grenaille sans plomb serait déjà disponible sur le marché et que du point de vue des surcoûts induits par le remplacement précoce des fusils, une période plus courte n’aurait qu’une incidence mineure.

139    Force est donc de constater que les coûts pour les personnes concernées sont réels, mais nullement excessifs. L’argumentation des requérants, présentée à cet égard, ne comporte pas de données statistiques ou d’autres éléments probants mettant en cause l’analyse avancée dans le dossier établi conformément à l’annexe XV et les avis du CER et du CASE. Elle se limite à décrire les inconvénients qui résulteraient du règlement attaqué. Or, le postulat que ces inconvénients seraient inacceptables et non supportables n’est pas étayé. En tout état de cause, il convient de constater que la comparaison effectuée par les requérants entre les coûts et les bénéfices est fondée sur des considérations déjà analysées et rejetées dans le cadre de l’examen du quinzième moyen. Ainsi, l’argumentation des requérants ne démontre pas une disproportion entre les bénéfices et les coûts du règlement attaqué.

140    En ce qui concerne plus particulièrement l’allégation selon laquelle certaines dispositions du règlement attaqué seraient disproportionnées, car celui-ci poserait des difficultés pour continuer à pratiquer de manière inchangée le tir sportif et la chasse traditionnelle ainsi que les activités économiques ou professionnelles qui y sont liées, il suffit de constater que les requérants ne sont pas parvenus à remettre en cause l’analyse avancée par la Commission et étayée dans le dossier établi conformément à l’annexe XV, l’avis du CER et l’avis du CASE. En effet, à cet égard encore, les requérants se bornent à pointer des inconvénients qui découleraient de ces dispositions. Ils ne démontrent toutefois pas dans quelle mesure ces inconvénients mèneraient à une prohibition de toute activité de tir sportif ou de chasse traditionnelle ou, à tout le moins, à l’émergence de rapports coûts-bénéfices nettement défavorables en raison de leur adaptation. Une telle démonstration était pourtant nécessaire, compte tenu notamment du fait que le règlement attaqué vise à assurer la protection de l’environnement et de la santé humaine par des restrictions et des adaptations limitées concernant certaines pratiques de tir sportif et de chasse qui peuvent être poursuivies, pour l’essentiel, sous d’autres conditions.

141    Il s’ensuit que les requérants n’ont pas démontré que le règlement attaqué violerait la liberté d’entreprise, consacré à l’article 16 de la Charte, le droit de propriété, consacré à l’article 17 de la Charte, ou encore le principe de proportionnalité, consacré à l’article 52 de la Charte.

142    Par conséquent, il convient de rejeter les premier, deuxième et sixième moyens comme non fondés.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 48, paragraphe 1, de la Charte

143    Les requérants font valoir que la présomption prévue au point 11, deuxième alinéa, sous c), de l’annexe du règlement attaqué, selon laquelle « si une personne est trouvée portant sur elle de la grenaille de chasse à l’intérieur ou à moins de 100 mètres de zones humides lors de la pratique du tir ou dans le cadre de la pratique du tir, le tir concerné est présumé être du tir en zones humides, à moins que la personne puisse démontrer qu’il s’agit d’un autre type de tir », viole l’article 48, paragraphe 1, de la Charte qui édicte la présomption d’innocence.

144    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, conteste ces arguments.

145    Sans qu’il soit nécessaire de déterminer si le principe de présomption d’innocence, consacré à l’article 48 de la Charte, est applicable à une réglementation telle que celle du cas d’espèce, qui ne revêt pas, en soi, un caractère pénal ou quasi-pénal, il suffit de constater ce qui suit.

146    Contrairement à ce que suggèrent les requérants, cette disposition n’institue pas une simple « présomption de décharge illégale de munitions au plomb […] du simple déplacement dans les “zones humides” de la personne portant de telles munitions ». Cette disposition institue la présomption selon laquelle le tir concerné, à savoir le tir effectué alors qu’une personne, lors de la pratique du tir ou dans le cadre de la pratique du tir, portant de la grenaille de plomb se trouve à l’intérieur ou à moins de 100 mètres de zones humides, est présumé être un tir en zones humides. Par conséquent, cette présomption s’applique seulement lorsqu’il est établi que la personne concernée pratique le tir ou se trouve dans le cadre de la pratique du tir. Selon le point 13, sous f), de l’annexe du règlement attaqué, pour déterminer si une personne qui transporte de la grenaille de plomb se trouve « dans le cadre de la pratique du tir », il est tenu compte de toutes les circonstances factuelles. Il résulte de ce qui précède que cette présomption légale ne s’applique que dans les situations dans lesquelles il existe une forte probabilité que la personne concernée pratique le tir en zones humides.

147    De plus, le point 11, deuxième alinéa, sous c), de l’annexe du règlement attaqué institue une présomption légale réfragable. La personne trouvée à l’intérieur ou autour de zones humides, portant de la grenaille de plomb lors de la pratique du tir ou dans le cadre de la pratique du tir, peut toujours renverser, dans le cas qui la concerne, cette présomption. Ainsi qu’il est indiqué au considérant 19 dudit règlement, il appartient à une telle personne de démontrer qu’elle avait effectivement l’intention d’aller pratiquer le tir ailleurs et qu’elle ne faisait que traverser la zone humide. Les faits et les informations nécessaires afin de renverser la présomption proviennent de toute façon de la sphère de cette personne, ce qui justifie que le règlement attaqué lui impose la charge de la preuve à cet égard.

148    Or, ni le fait que le règlement attaqué institue une présomption légale ni le fait qu’il appartient à l’intéressé d’apporter la preuve contraire nécessaire pour la renverser n’emportent par eux-mêmes une atteinte au principe de présomption d’innocence, à le supposer applicable, et ce précisément en raison du caractère réfragable de ladite présomption légale (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2021, Italmobiliare e.a./Commission, C‑694/19 P, non publié, EU:C:2021:286, point 58).

149    Par conséquent, il convient de rejeter le cinquième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 45, paragraphe 1, de la Charte

150    Les requérants font valoir que le règlement attaqué viole le droit de libre circulation prévu à l’article 45, paragraphe 1, de la Charte, en raison d’une prétendue « présomption de décharge illégale de munitions au plomb déduite du simple déplacement dans les “zones humides” de la personne portant de telles munitions », notamment au vu du caractère imprécis et excessif de la définition de ces zones et du fait que les munitions au plomb ne présenteraient pas de danger pour la santé humaine ni de risques pour l’environnement.

151    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, conteste ces arguments.

152    À titre liminaire, il convient de relever que la citoyenneté de l’Union confère à chaque citoyen de l’Union un droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et des restrictions fixées par les traités et des mesures adoptées en vue de leur application, la libre circulation des personnes constituant, par ailleurs, l’une des libertés fondamentales du marché intérieur, ayant, de surcroît, été réaffirmée à l’article 45 de la Charte (voir arrêt du 5 mai 2011, McCarthy, C‑434/09, EU:C:2011:277, point 27 et jurisprudence citée).

153    Or, la liberté de circulation des citoyens de l’Union se rapporte aux situations comportant un élément transfrontalier (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2013, Libert e.a., C‑197/11 et C‑203/11, EU:C:2013:288, point 33 et jurisprudence citée).

154    Ainsi, la liberté de circulation des citoyens de l’Union ne confère pas le droit de se déplacer librement au sein d’un État membre lors ou dans le cadre de la pratique du tir en portant sur soi de la grenaille de plomb.

155    En tout état de cause, une restriction à la liberté de circulation, à la supposer établie, pourrait être justifiée, mutatis mutandis, par les considérations exposées dans le cadre de l’examen des premier, deuxième, cinquième, sixième et quinzième moyens ci-dessus.

156    À supposer même que l’assujettissement à une présomption réfragable puisse être perçue comme une restriction à la liberté de circulation, il convient de relever que, ce faisant, le règlement attaqué ne va pas au-delà de ce qui est justifié par la poursuite de son objectif, à savoir la protection de la santé humaine et de l’environnement, en évitant la libération de plomb à l’intérieur ou à moins de 100 mètres de zones humides.

157    L’argumentation des requérants soulevée au soutien du quatrième moyen repose sur les mêmes arguments que ceux soulevés dans le cadre des premier, deuxième, cinquième, sixième et quinzième moyens selon lesquels, premièrement, la présomption de décharge illégale de munitions au plomb serait déduite du simple déplacement dans les « zones humides » de la personne concernée, deuxièmement, la définition de ces zones serait imprécise et excessive et, troisièmement, les munitions au plomb ne présenteraient pas de danger pour la santé humaine ni de risques pour l’environnement. Ces arguments ayant été rejetés dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé de ces moyens, il convient de les rejeter également dans le cadre du quatrième moyen.

158    Par conséquent, il convient de rejeter le quatrième moyen, étant donné que, à la supposer établie, une éventuelle restriction à la liberté de circulation, consacrée à l’article 45, paragraphe 1, de la Charte, serait, en tout état de cause, justifiée.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte

159    Le troisième moyen, tiré d’une violation du droit fondamental à la non-discrimination, consacré à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte, se divise en deux branches.

160    Dans le cadre de la première branche du troisième moyen, les requérants font valoir que le règlement attaqué prive les tireurs de la possibilité de développer leurs intérêts et leurs passe-temps ainsi que d’exploiter l’activité économique du tir sportif et de la chasse. Ainsi, ledit règlement discriminerait les tireurs par rapport aux personnes exerçant d’autres formes d’activités qui ne sont pas affectées par la restriction établie par ce règlement.

161    Dans le cadre de la seconde branche du troisième moyen, les requérants soutiennent que, en raison de la définition imprécise du champ d’application du règlement attaqué, les autorités publiques disposent d’un large pouvoir discrétionnaire qui résulterait en une différenciation injustifiée entre citoyens placés dans la même situation.

162    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, conteste ces arguments.

163    À cet égard, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, consacré à l’article 20 de la Charte, dont le principe de non-discrimination, énoncé à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte, est une expression particulière (voir arrêt du 29 octobre 2020, Veselības ministrija, C‑243/19, EU:C:2020:872, point 35 et jurisprudence citée).

164    Selon une jurisprudence constante, ledit principe général exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Une différence de traitement est justifiée dès lors qu’elle est fondée sur un critère objectif et raisonnable, c’est-à-dire lorsqu’elle est en rapport avec un but légalement admissible poursuivi par la réglementation en cause, et que cette différence est proportionnée au but poursuivi par le traitement concerné (voir arrêt du 29 octobre 2020, Veselības ministrija, C‑243/19, EU:C:2020:872, point 37 et jurisprudence citée).

165    Le caractère comparable des situations, afin de déterminer l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement, doit être apprécié au regard de l’ensemble des éléments qui les caractérisent et, notamment, à la lumière de l’objet et du but poursuivi par l’acte qui institue la distinction en cause. À cet effet, il doit être tenu compte des principes et des objectifs du domaine dont relève cet acte. Pour autant que les situations ne sont pas comparables, une différence de traitement des situations concernées ne viole pas l’égalité en droit consacrée à l’article 20 de la Charte [arrêt du 2 septembre 2021, État belge (Droit de séjour en cas de violence domestique), C‑930/19, EU:C:2021:657, point 58].

166    En l’espèce, force est de constater que, au vu de l’objectif du règlement attaqué visant à faire face aux risques pour l’environnement et pour la santé humaine liés à l’utilisation de grenaille de plomb dans les zones humides, les situations visées par ce règlement, à savoir la décharge de ce type de grenaille dans ou à proximité de telles zones ou le fait d’en porter lors de la pratique du tir en zones humides ou dans le cadre de la pratique du tir en zones humides, ne sont pas comparables à d’autres activités de loisirs, qui n’impliquent pas d’utilisation de grenaille de plomb à l’intérieur ou à proximité de telles zones.

167    Par conséquent, il convient de rejeter la première branche du troisième moyen.

168    La seconde branche du troisième moyen est fondée sur la prémisse erronée selon laquelle le champ d’application du règlement attaqué serait imprécis et excessif. Cette prémisse a déjà été rejetée dans le cadre de l’appréciation des premier, deuxième et sixième moyens ainsi que de la première branche du huitième moyen.

169    Par conséquent, il convient de rejeter la seconde branche du troisième moyen, et, partant, le troisième moyen dans son intégralité.

 Sur le onzième moyen, tiré d’une violation du principe d’attribution, prévu à l’article 5, paragraphe 2, TUE, et sur le douzième moyen, tiré d’une violation du principe de subsidiarité, prévu à l’article 5, paragraphe 3, TUE

170    Les requérants font valoir que le règlement attaqué ne tend pas à la réalisation des objectifs fixés par les traités, car il ne prévoirait aucune mesure susceptible d’atteindre concrètement cet objectif et n’aurait pas d’influence sur la protection de la santé humaine et de l’environnement. L’exercice du droit de réglementer l’emploi du plomb dans les munitions devrait, selon eux, être réservé aux États membres, comme ce serait le cas actuellement. Par conséquent, ce règlement ne relèverait pas de la compétence de l’Union et violerait le principe de subsidiarité.

171    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, conteste les arguments des requérants.

172    À cet égard, s’agissant de la compétence de la Commission, il convient de rappeler que le règlement attaqué a été adopté sur la base de l’article 68, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, qui est, à son tour, fondé sur l’article 114 TFUE.

173    De plus, le considérant 8 du règlement attaqué dispose :

« Des dispositions interdisant ou restreignant l’utilisation de plomb dans la grenaille dans les zones humides existent dans la majorité des États membres, mais les disparités entre elles se traduisent par des niveaux différents de réduction des risques. En outre, les routes migratoires des oiseaux migrateurs traversent généralement plusieurs États membres et, par conséquent, les oiseaux pourraient ingérer de la grenaille de plomb tirée dans les États membres qui n’ont mis en place aucune mesure ou que des mesures plus limitées. L[’]annexe XV a démontré qu’une action à l’échelle de l’Union était nécessaire pour faire face de façon harmonisée aux risques découlant de l’utilisation de plomb dans la grenaille dans les zones humides. La législation d’harmonisation devrait toutefois se fonder sur un niveau élevé de protection. Le résultat de l’harmonisation ne devrait donc pas être d’obliger les États membres qui ont des dispositions nationales plus strictes sur la présence de plomb dans la grenaille à abandonner ces dispositions, car cela impliquerait une réduction du niveau de protection de l’environnement et de la santé dans ces États membres. »

174    Les requérants n’avancent aucun argument susceptible de démontrer que la Commission n’a pas agi dans le cadre des compétences partagées conférées à l’Union par le traité FUE pour le marché intérieur en adoptant le règlement attaqué, ni que les explications fournies au considérant 8 de ce dernier règlement sont erronées. En effet, les requérants se bornent à résumer leurs arguments soulevés dans le cadre notamment du quinzième moyen selon lesquels le règlement attaqué n’est pas susceptible de contribuer à la protection de la santé humaine et de l’environnement. Ces arguments ayant été rejetés dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé de ce moyen, il convient de les rejeter également dans le cadre des onzième et douzième moyens.

175    Partant, il y a lieu de rejeter les onzième et douzième moyens.

 Sur le treizième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité prévu à l’article 5, paragraphe 4, TUE

176    Les requérants font valoir que le règlement attaqué méconnaît le principe de proportionnalité prévu à l’article 5, paragraphe 4, TUE, parce qu’il ne permettrait pas d’atteindre les objectifs qu’il poursuit aux termes de ses considérants. Les mesures introduites aboutiraient uniquement à une restriction excessive des droits et des libertés des membres de la communauté des tireurs en exerçant à leur encontre une discrimination injustifiée.

177    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, conteste les arguments des requérants.

178    À cet égard, il y a lieu de constater que les arguments des requérants soulevés au soutien du treizième moyen coïncident avec ceux soulevés dans le cadre du sixième moyen, qui ont déjà été rejetés.

179    Par conséquent, il convient également de rejeter le treizième moyen pour les mêmes motifs.

 Sur le quatorzième moyen, tiré d’un détournement du pouvoir

180    Dans le cadre du quatorzième moyen, les requérants font valoir, en substance, que la protection de l’environnement n’était qu’un prétexte pour adopter le règlement attaqué. Les requérants suggèrent, en substance, que le véritable objectif de ce dernier est d’incriminer dans son ensemble la possession d’armes à feu par les particuliers, ou à tout le moins de restreindre le droit à les posséder et à les utiliser, ainsi que d’éradiquer la communauté des tireurs en lui imposant des contraintes, des obligations et des exigences supplémentaires et en concourant à une forte augmentation du prix des munitions.

181    À cet égard, les requérants comparent le règlement attaqué à la directive (UE) 2017/853 du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2017, modifiant la directive 91/477/CEE du Conseil relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes (JO 2017, L 137, p. 22), qui, selon eux, aurait restreint sensiblement la possibilité d’acquérir et de commercialiser des armes à feu, sous le prétexte de la sécurité ou de la lutte contre le terrorisme, alors que la Commission n’aurait pris aucune mesure de nature à véritablement limiter les possibilités d’acquérir des armes illégalement et sans le contrôle des autorités publiques.

182    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, conteste les arguments des requérants.

183    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris exclusivement, ou à tout le moins de manière déterminante, à des fins autres que celles dont il est excipé ou dans le but d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité. À cet égard, il ne suffit pas d’invoquer certains faits à l’appui de ses prétentions ; il faut encore fournir des indices objectifs, précis et concordants de nature à soutenir leur véracité ou, à tout le moins, leur vraisemblance (voir arrêt du 4 décembre 2018, Janoha e.a./Commission, T‑517/16, non publié, EU:T:2018:874, point 110 et jurisprudence citée).

184    Force est de constater que les requérants n’apportent aucun indice objectif, précis et concordant de nature à soutenir leur allégation selon laquelle la Commission poursuivait un but autre que celui de la protection de la santé humaine et de l’environnement. Le fait que les requérants présument que, lors de l’adoption de ce règlement, la Commission ou d’autres organes de l’Union, de manière générale, poursuivent le but de restreindre les activités des tireurs n’est pas suffisant afin de démontrer l’existence d’un détournement de pouvoir commis par la Commission.

185    Partant, il convient de rejeter le quatorzième moyen.

 Sur les deuxième et troisième branches du huitième moyen, tiré d’une violation de l’article 2 TUE en raison d’une violation du principe de l’État de droit

186    Dans le cadre de la deuxième branche du huitième moyen, les requérants soutiennent que le règlement attaqué viole le principe de l’État de droit, étant donné que, en vertu de ce règlement, il serait présumé que tout citoyen porteur de munitions au plomb dans les « zones humides » et dans leur zone tampon y a commis le « délit » de pratique du tir avec ce type de munitions, même s’il n’avait pas cette intention ni connaissance de se trouver dans une telle zone, alors qu’il incomberait en principe à l’État d’établir que le citoyen a commis des actes répréhensibles.

187    Dans le cadre de la troisième branche du huitième moyen, les requérants invoquent une violation du principe de démocratie, étant donné que les membres de la communauté des tireurs n’auraient exercé aucune influence sur l’adoption du règlement attaqué, qui serait intervenue sans leur participation. Les requérants soutiennent, en substance, qu’ils n’ont pas eu connaissance de la consultation publique prétendument effectuée lors de la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué, que la Commission n’a pas prouvé qu’une telle consultation avait eu lieu ni comment les groupes consultés auraient été sélectionnés.

188    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, conteste les arguments des requérants.

189    Sans qu’il soit nécessaire d’examiner si un tel moyen tiré exclusivement du non-respect allégué de valeurs consacrées à l’article 2 TUE peut être utilement invoqué dans le cadre d’un recours en annulation tel que le présent recours, le Tribunal peut se limiter à constater ce qui suit.

190    S’agissant de la deuxième branche du huitième moyen, tirée d’une violation du principe de l’État de droit résultant d’une « présomption de culpabilité » prétendument instituée par le règlement attaqué, force est de constater que ces arguments se confondent avec ceux soulevés notamment dans le cadre du cinquième moyen. Ces arguments ayant été rejetés dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé de ce moyen, il convient de les rejeter également dans le cadre du huitième moyen et, partant, de rejeter la deuxième branche de ce moyen.

191    S’agissant de la troisième branche du huitième moyen, tirée d’une violation du principe de démocratie résultant du fait que la communauté des tireurs n’aurait pas participé à l’adoption du règlement attaqué, il convient de constater que les requérants ne soulèvent pas de moyen tiré d’une violation des formes substantielles. Ils se bornent à invoquer l’article 2 TUE sans toutefois préciser sous quelle forme la participation obligatoire de la « communauté des tireurs » ou des requérants serait prévue par cette disposition et non respectée en l’espèce. Or, s’il est vrai qu’il ressort de l’article 2 TUE que l’Union est fondée, notamment, sur la valeur de démocratie, il est, néanmoins, également vrai que cette disposition ne confère pas à la « communauté des tireurs » ou bien aux requérants des droits spécifiques, allant au-delà des procédures électorales, participatives ou administratives prévues par le droit de l’Union, qui leur permettraient de participer directement à l’adoption d’un acte tel que le règlement attaqué.

192    En ce qui concerne plus particulièrement les droits participatifs prévus par le droit de l’Union et leur respect, il y a lieu de constater que la Commission a indiqué, que, premièrement, le 18 avril 2016, l’ECHA a invité les parties intéressées à soumettre, pour le 18 juin 2016, des données sur les risques posés à l’environnement et à la santé humaine du fait de l’utilisation de plomb dans la grenaille de chasse destinée au tir en zones humides. Deuxièmement, le 21 juin 2017, l’ECHA a publié le dossier établi conformément à l’annexe XV contenant la restriction proposée, en invitant les parties intéressées à soumettre leurs observations à cet égard avant le 21 décembre 2017, conformément à l’article 69, paragraphe 6, du règlement no 1907/2006. Troisièmement, le projet d’avis du CASE a été soumis à la consultation des parties intéressées du 21 mars au 21 mai 2018, conformément à l’article 71, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006. Il résulte de ce qui précède que les requérants, voire la « communauté des tireurs », ont disposé d’une pluralité d’occasions pour se faire entendre avant l’adoption du règlement attaqué. Dès lors, l’argument non circonstancié des requérants selon lequel la Commission n’a pas prouvé qu’une consultation avait eu lieu est sans fondement. Ils ne précisent notamment pas quelle consultation, selon eux, n’aurait pas eu lieu et n’ont pas non plus contesté le fait, soutenu par la Commission, que toutes ces informations sont accessibles au public, notamment par le site Internet de l’ECHA.

193    Dans ces circonstances, il convient de constater que les requérants n’ont pas démontré qu’ils n’ont pas eu la possibilité de participer, conformément aux dispositions du règlement no 1907/2006, à la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué. Le fait qu’ils n’ont pas fait usage de cette possibilité n’est pas susceptible de caractériser une violation du principe de démocratie. En effet, le corolaire de ce principe est l’utilisation active, par les personnes concernées, des possibilités de participation qui leur sont offertes.

194    Par conséquent, il convient de rejeter la troisième branche du huitième moyen.

195    La première et la deuxième branches du présent moyen ayant, en outre, été rejetées, respectivement, au point 111 et au point 190 ci-dessus, il y a lieu de rejeter le présent moyen dans son intégralité.

 Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’article 2 TUE en raison d’une méconnaissance des valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités

196    Les requérants font valoir que le règlement attaqué, en limitant considérablement les possibilités de pratiquer le tir, méconnaît gravement les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités et porte en particulier atteinte à la liberté des citoyens de l’Union, ainsi qu’à leur droit de déterminer les modalités de leurs occupations, de la poursuite de leurs intérêts et de la pratique de leurs traditions séculaires. Selon les requérants, l’exercice du tir sera considérablement limité par l’augmentation du prix des munitions induite par l’interdiction d’utiliser les munitions au plomb, en méconnaissance flagrante des principes de liberté et d’égalité.

197    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, conteste les arguments des requérants.

198    Ce moyen pourra être rejeté sans qu’il soit nécessaire d’examiner si un tel moyen tiré exclusivement du prétendu non-respect de valeurs consacrées à l’article 2 TUE peut être utilement invoqué dans le cadre d’un recours en annulation tel que le présent recours.

199    En effet, les requérants se bornent à affirmer une méconnaissance de ces valeurs sur le fondement des arguments tirés des coûts prétendument plus élevés des grenailles de substitution, des limitations des possibilités de pratiquer le tir et d’une méconnaissance des principes de liberté et d’égalité. Une violation des droits et libertés conférés par la Charte n’ayant pas pu être établie dans le cadre des six premiers moyens et l’argument tiré des coûts prétendument plus élevés ayant été rejeté, notamment dans le cadre de l’appréciation du quinzième moyen, il convient de rejeter le présent moyen comme étant non fondé.

 Sur le neuvième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 2, TUE en raison d’une atteinte à l’espace de liberté, de sécurité, y compris la sécurité juridique, et de justice

200    Les requérants font valoir que le règlement attaqué leur porte préjudice et les prive du bénéfice de l’espace de liberté, de sécurité, y compris de la sécurité juridique, et de justice.

201    Premièrement, ce règlement restreindrait de manière substantielle leur liberté et leur autonomie dans le choix de leurs loisirs ou des modalités spécifiques de leur exercice. Deuxièmement, vu la prétendue imprécision des dispositions dudit règlement, la Commission aurait méconnu son devoir de garantir aux citoyens un espace de sécurité, y compris de sécurité juridique, et l’affranchissement de l’immixtion illégale des organes de l’État dans leur vie privée. Troisièmement, la « présomption de culpabilité » qui serait posée par le point 11, deuxième alinéa, sous c), de l’annexe au règlement attaqué saperait totalement leur sentiment de justice.

202    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, conteste les arguments des requérants.

203    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 3 TUE énonce des objectifs et des principes généraux qui sont appliqués nécessairement en combinaison avec les chapitres respectifs du traité UE destinés à mettre en œuvre ces principes et objectifs. Cet article ne saurait donc à lui seul avoir pour effet de créer des obligations juridiques claires et inconditionnelles (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 juin 2010, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid, C‑484/08, EU:C:2010:309, point 46).

204    Or, il résulte de l’examen des moyens précédents que les requérants n’ont pas réussi à démontrer que le règlement attaqué viole certaines dispositions spécifiques du traité UE créant des obligations juridiques claires et inconditionnelles. Par conséquent, et à défaut de la constatation de telles violations, il ne saurait être considéré que ledit règlement méconnaît l’article 3 TUE.

205    Partant, il y a lieu de rejeter le neuvième moyen.

 Sur le dixième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 3, TUE découlant d’une méconnaissance des principes de développement durable de l’Europe, de stabilité des prix, de progrès social, de niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement et de promotion du progrès scientifique et technique

206    Premièrement, les requérants font valoir, en substance, que le règlement attaqué entraînera une augmentation du prix des munitions, perturbera le marché traditionnel, sur lequel opèrent des entrepreneurs dont les activités seraient liées aux munitions au plomb, et portera ainsi atteinte à la stabilité des prix des munitions de chasse et de sport, au détriment des tireurs.

207    Deuxièmement, les requérants soutiennent que la protection et la promotion de la qualité de l’environnement pourront être menacées en raison de l’absence d’études sur l’impact que les munitions sans plomb produiront sur l’environnement.

208    Troisièmement, les requérants font valoir que le tir aux munitions sans plomb est contraire au progrès scientifique et technique et rend la chasse plus inhumaine.

209    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, conteste les arguments des requérants.

210    Le Tribunal constate que l’argumentation soulevée à l’appui du dixième moyen et les arguments soulevés dans le cadre notamment des premier, deuxième, sixième et quinzième moyens, dont l’absence de bien-fondé a déjà été constatée, se confondent. Par ailleurs, en ce qui concerne les arguments des requérants relatifs à l’article 3 TUE, il y a lieu de les rejeter, mutatis mutandis, sur la base des considérations qui ont conduit au rejet du neuvième moyen.

 Sur les arguments relatifs à la traduction du règlement attaqué et au droit polonais

211    Enfin, les requérants soulèvent certains arguments sous le titre « Problème de traduction du [règlement attaqué] et sa contrariété au droit polonais » sans expliciter au soutien de quel moyen ces arguments sont soulevés.

212    En premier lieu, les requérants font valoir que le titre et le considérant 13 du règlement attaqué dans sa version polonaise utilisent des mots impliquant qu’il est question de fusils de chasse alors que les versions anglaise, italienne, allemande et espagnole ne préciseraient pas s’il s’agit ou non de fusils de chasse. Il serait à craindre que le champ d’application du règlement attaqué ne soit limité à la grenaille de chasse que dans sa version polonaise. Les requérants indiquent qu’il ressort des définitions figurant au point 13 de l’annexe de ce règlement que la restriction s’applique à la grenaille de chasse. Néanmoins, ces inexactitudes de traduction saperaient la confiance des requérants dans les organes de l’Union et méconnaîtraient les principes de prévisibilité et de sécurité juridique des citoyens de l’Union.

213    En second lieu, les requérants soutiennent qu’une loi polonaise interdit la détention de munitions particulièrement dangereuses à projectiles à enveloppe métallique intégrale contenant un noyau constitué d’un matériau plus dur que l’alliage de plomb, ce qui couvrirait certains substituts tels que l’acier, le bismuth ou le tungstène. Par conséquent, le règlement attaqué éliminerait toute forme de tir en Pologne.

214    La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, par la République française et par l’ECHA, fait valoir que ces arguments sont incompréhensibles et inopérants.

215    En premier lieu, s’agissant des prétendues différences entre les différentes versions linguistiques du règlement attaqué, force est de constater que les requérants se limitent à évoquer des incohérences relatives au titre et au considérant 13 de ce règlement, alors qu’ils reconnaissent qu’il ressort de l’annexe dudit règlement, qui contient les dispositions insérées dans l’annexe XVII du règlement no 1907/2006, que la restriction s’applique à la grenaille de chasse. Par conséquent, il ressort de leurs propres arguments qu’il n’existe pas d’incohérence entre les différentes versions linguistiques des dispositions juridiques applicables.

216    En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que les textes du droit de l’Union sont rédigés en plusieurs langues et que les diverses versions linguistiques font également foi (arrêt du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, EU:C:1982:335, point 18). En cas de disparité entre les différentes versions linguistiques, une disposition du droit de l’Union doit être replacée dans son contexte et interprétée à la lumière de l’ensemble des dispositions de ce droit, de ses finalités et de l’état de son évolution à la date à laquelle l’application de la disposition en cause doit être faite (voir arrêt du 16 septembre 2015, EMA/Drakeford, T‑231/14 P, EU:T:2015:639, point 22 et jurisprudence citée).

217    Ainsi, une éventuelle disparité entre les différentes versions linguistiques d’un acte du droit de l’Union, telle qu’évoquée par les requérants, n’affecterait pas sa légalité. Par conséquent, il convient de rejeter les arguments afférents aux disparités entre les différentes versions linguistiques comme étant inopérants.

218    En second lieu, s’agissant des arguments relatifs au droit polonais, il suffit de constater que, à supposer même qu’une loi polonaise interdise la détention de munitions contenant un noyau en acier, en bismuth ou en tungstène, cette circonstance ne serait pas susceptible de remettre en cause la légalité du règlement attaqué. En effet, cette circonstance, qui découlerait du droit national, ne relèverait d’aucun des motifs susceptibles d’entraîner l’annulation d’un acte, tels qu’énoncés à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE.

219    Par conséquent, il convient de rejeter ces arguments comme étant inopérants.

 Sur la demande d’expertise

220    Les requérants demandent au Tribunal de conclure à la « recevabilité et à l’administration de la preuve sur le fondement [d’]une expertise complète sur la toxicologie et la science du sol, [d’]une expertise complète en matière de balistique, de science des matériaux, de fabrication et d’utilisation des armes à feu, [et d’]une expertise en matière de chasse » répondant à un certain nombre de questions relatives au plomb, aux munitions au plomb et aux autres munitions sans plomb.

221    À supposer que, par cette demande, les requérants sollicitent l’adoption d’une mesure d’instruction en vertu de l’article 91, sous e), et de l’article 96 du règlement de procédure du Tribunal sous la forme d’une expertise portant sur ces sujets, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 77 et jurisprudence citée).

222    Dans ce contexte, lorsqu’une demande d’expertise, formulée par une partie, indique avec précision les motifs de nature à justifier une telle mesure, il appartient au Tribunal d’apprécier la pertinence de cette demande par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à une telle mesure (arrêt du 13 juillet 2017, Talanton/Commission, T‑65/15, non publié, EU:T:2017:491, point 36).

223    En l’espèce, il doit être relevé que les requérants ne précisent pas les motifs de nature à justifier l’adoption d’une mesure d’instruction sous la forme d’une expertise. En tout état de cause, les éléments figurant dans le dossier sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties. En revanche, les requérants n’ont pas démontré l’existence de doutes scientifiques ou économiques mettant en cause le règlement attaqué, le dossier établi conformément à l’annexe XV ou les avis du CER et du CASE qui justifieraient une expertise additionnelle.

224    Par conséquent, il n’y a pas lieu de recourir aux expertises demandées par les requérants.

225    Au vu de tout ce qui précède, le présent recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

226    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de la Commission.

227    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la République fédérale d’Allemagne, la République française et l’ECHA supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Firearms United Network et MM. Tomasz Walter Stępień, Michał Budzyński et Andrzej Marcjanik supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

3)      La République fédérale d’Allemagne, la République française et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) supporteront leurs propres dépens.

Svenningsen

Laitenberger

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 décembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.