Language of document : ECLI:EU:T:2023:152

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

22 mars 2023 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant une électrode à insérer dans une torche – Motif de nullité – Article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) no 6/2002 – Pièce d’un produit complexe »

Dans l’affaire T‑617/21,

B&Bartoni spol. s r.o., établie à Dolní Cetno (République tchèque), représentée par Me E. Lachmannová, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Ivanauskas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Hypertherm, Inc., établie à Hanover, New Hampshire (États-Unis), représentée par M. J. Day, solicitor, et Me T. de Haan, avocat,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. M. van der Woude, président, G. De Baere, Mme G. Steinfatt, M. K. Kecsmár et Mme S. Kingston (rapporteure), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 22 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, B&Bartoni spol. s r.o., demande l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 16 juillet 2021 (affaire R 2843/2019-3) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 22 décembre 2017, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande en nullité du dessin ou modèle communautaire enregistré sous le numéro 1292122-0001 à la suite d’une demande déposée le 2 septembre 2011 et représenté dans les vues suivantes :

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3        Les produits auxquels le dessin ou modèle, dont la nullité était demandée, est destiné à être appliqué relevaient de la classe 08.05 au sens de l’arrangement de Locarno instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, du 8 octobre 1968, tel que modifié, et correspondaient à la désignation suivante : « Chalumeaux à souder (partie de -) ».

4        Le motif invoqué à l’appui de la demande en nullité était celui visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), lu conjointement avec les articles 4 et 5 du même règlement.

5        La demande en nullité était fondée, notamment, sur le non-respect des conditions de protection d’un dessin ou modèle communautaire prévues à l’article 4 du règlement no 6/2002. À cet égard, la requérante avait fait valoir que l’électrode, dont le dessin ou modèle communautaire est contesté, constituait une pièce d’un produit complexe, à savoir une torche faisant partie d’un système de coupage au plasma, qui n’était pas visible lors de l’utilisation normale de ce produit au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.

6        Le 16 octobre 2019, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité sur ce fondement. Par conséquent, elle a déclaré la nullité du dessin ou modèle communautaire contesté.

7        Le 13 décembre 2019, l’intervenante, Hypertherm, Inc., a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli le recours et rejeté la demande en nullité au motif, notamment, que le produit représenté dans le dessin ou modèle communautaire contesté ne saurait être considéré comme une pièce d’un produit complexe au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

 En droit

12      La requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 en raison d’une interprétation erronée de la notion de « pièce d’un produit complexe ». Selon elle, la chambre de recours a commis une erreur de droit en concluant que l’électrode en cause n’était pas une pièce d’un produit complexe et en rejetant la demande en nullité sur ce fondement.

 Sur la recevabilité des précisions factuelles et des preuves produites par l’intervenante dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure

13      Aux fins de l’examen du moyen unique du recours, le Tribunal a adopté une mesure d’organisation de la procédure telle que prévue à l’article 89 de son règlement de procédure, par laquelle il a invité les parties, premièrement, à répondre à la question de savoir si, comme cela était affirmé au point 50 de la requête, le marché des électrodes utilisées avec les torches Hypertherm était un « marché captif » en raison du dessin ou modèle communautaire contesté et, deuxièmement, à indiquer dans quelle mesure l’électrode en cause pouvait aussi être utilisée sur d’autres torches que les torches Hypertherm.

14      En réponse aux questions posées par le Tribunal dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure, l’intervenante a fourni les preuves produites en tant qu’annexes C.13 à C.18 ainsi que les précisions factuelles qui en ressortent. Les annexes C.13 à C.17 sont constituées d’extraits de catalogues et de brochures, accessibles en ligne, émanant d’entreprises tierces offrant des électrodes compatibles avec les torches Hypertherm ou des torches compatibles avec l’électrode Hypertherm. L’annexe C.18 est une déclaration sous serment du directeur du département de propriété intellectuelle de l’intervenante attestant cette compatibilité.

15      Lors de l’audience, la requérante a excipé de l’irrecevabilité des précisions factuelles et des preuves produites en réponse aux questions posées par le Tribunal, au motif qu’elles ne figuraient pas dans le dossier de l’EUIPO.

16      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 85, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, les preuves sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires, les parties principales pouvant encore, à titre exceptionnel, produire des preuves avant la clôture de la phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié. Une telle justification de la présentation tardive d’éléments de preuve après le premier échange de mémoires ne saurait cependant être exigée lorsque ceux-ci sont produits en réponse à une mesure d’organisation de la procédure dans le délai requis pour cette réponse (voir arrêt du 7 juillet 2021, HM/Commission, T-587/16 RENV, non publié, EU:T:2021:415, point 68 et jurisprudence citée).

17      En l’espèce, il y a lieu de constater que les précisions factuelles et les preuves produites ont été fournies en réponse aux questions posées par le Tribunal dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure mentionnée au point 13 ci-dessus.

18      Partant, les preuves produites par l’intervenante en réponse aux questions posées par le Tribunal sont recevables. De même, dans la mesure où les précisions factuelles ressortent de ces preuves, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel lesdites précisions seraient irrecevables.

19      Par ailleurs, la requérante a pu commenter à l’audience les précisions factuelles et les preuves produites par l’intervenante, de sorte que le principe du contradictoire a été respecté (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 1998, Conseil/de Nil et Impens, C‑259/96 P, EU:C:1998:224, point 31).

 Sur le bien-fondé du moyen unique

 Observations liminaires

20      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement nº 6/2002, la protection communautaire d’un dessin ou modèle n’est assurée que dans la mesure où celui-ci est nouveau et présente un caractère individuel.

21      Il ressort du libellé de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 qu’un dessin ou modèle appliqué à un produit ou incorporé dans un produit qui constitue une pièce d’un produit complexe n’est considéré comme nouveau et présentant un caractère individuel que dans la mesure où :

–        la pièce, une fois incorporée dans le produit complexe, reste visible lors d’une utilisation normale de ce produit [article 4, paragraphe 2, sous a), du règlement no 6/2002] ; et

–        les caractéristiques visibles de la pièce remplissent en tant que telles les conditions de nouveauté et de caractère individuel [article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement no 6/2002].

22      Selon l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 6/2002, on entend par « utilisation normale » l’utilisation réalisée par l’utilisateur final, à l’exception de l’entretien, du service ou de la réparation.

23      Conformément à l’article 3, sous b), du règlement nº 6/2002, un « produit » est défini comme tout article industriel ou artisanal, y compris, entre autres, les pièces conçues pour être assemblées en un produit complexe. Conformément à l’article 3, sous c), du règlement nº 6/2002, un « produit complexe » est défini comme étant un produit se composant de pièces multiples qui peuvent être remplacées de manière à permettre le démontage et le remontage du produit.

24      C’est à la lumière des dispositions susmentionnées qu’il convient d’examiner la question de savoir si l’électrode en cause constitue une « pièce d’un produit complexe » au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement nº 6/2002.

25      Tout d’abord, il convient de relever, ainsi que le soulignent l’EUIPO et l’intervenante, que l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 est une exception au régime de protection inscrit à l’article 4, paragraphe 1, du même règlement. En tant qu’exception, cette disposition doit être interprétée de manière restrictive afin de limiter l’exclusion de la protection des dessins ou modèles. En effet, selon une jurisprudence établie, les dispositions limitant les droits octroyés au titulaire de dessins ou modèles en vertu dudit règlement doivent faire l’objet d’une interprétation stricte, sans pour autant qu’une telle interprétation puisse porter atteinte à l’effet utile de la limitation ainsi établie et méconnaître sa finalité (voir arrêt du 27 septembre 2017, Nintendo, C‑24/16 et C‑25/16, EU:C:2017:724, point 74 et jurisprudence citée).

26      Ensuite, en l’absence de définition de la notion de « pièce d’un produit complexe » dans le règlement no 6/2002, celle-ci doit être comprise conformément à son sens habituel en langage courant (voir arrêt du 20 décembre 2017, Acacia et D’Amato, C‑397/16 et C‑435/16, EU:C:2017:992, point 64 et jurisprudence citée). Ainsi la Cour a-t-elle défini la notion de « pièce d’un produit complexe » comme visant les multiples composants, conçus pour être assemblés en un article industriel ou artisanal complexe, qui peuvent être remplacés de manière à permettre le démontage et le remontage d’un tel article, en l’absence desquels le produit complexe ne pourrait faire l’objet d’une utilisation normale (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Acacia et D’Amato, C‑397/16 et C‑435/16, EU:C:2017:992, point 65).

27      Par ailleurs, il importe de relever que la question de savoir si un produit répond à la notion de « pièce d’un produit complexe » doit être évaluée au cas par cas, en fonction d’un faisceau d’indices pertinents.

28      En l’espèce, en décidant que l’électrode en cause ne répondait pas à cette notion, la chambre de recours a, en substance, tenu compte notamment des indices suivants : premièrement, le caractère consommable de l’électrode, deuxièmement, l’absence de démontage et de remontage de la torche lors du remplacement de l’électrode, troisièmement, le fait que la torche soit considérée comme complète sans l’électrode et, quatrièmement, le caractère interchangeable de l’électrode.

29      Il convient d’analyser successivement les arguments de la requérante en rapport avec chacun de ces indices avant d’examiner ses autres arguments.

 Sur le caractère consommable de l’électrode

30      La chambre de recours a considéré, au point 26 de la décision attaquée, que le caractère consommable de l’électrode en cause indiquait en soi qu’une électrode particulière ne saurait être considérée comme une pièce d’une torche spécifique. En concluant au caractère consommable de l’électrode, la chambre de recours a, en substance, relevé, premièrement, qu’elle ne constituait pas une partie durable de la torche et n’était pas fermement rattachée à celle-ci, contrairement à la gâchette ou à la poignée qui constituent des parties essentielles de la torche et, deuxièmement, qu’elle avait une durée de vie relativement courte, à savoir 2 à 3 heures de temps d’arc réel pour la coupe manuelle et 3 à 5 heures pour la coupe mécanisée, et devait donc être régulièrement remplacée par l’utilisateur final.

31      À cet égard, la requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur de droit en s’appuyant sur une distinction entre une pièce « non consommable » et une pièce « consommable », et en considérant que seule la première catégorie de pièces pouvait constituer une pièce d’un produit complexe. Selon la requérante, une telle distinction est artificielle et dépourvue de tout fondement en droit de l’Union, car le mot « pièce » ne suggère pas que celle-ci devrait présenter une nature particulière, telle que la durabilité.

32      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

33      Il convient de relever que la chambre de recours n’a pas commis une erreur de droit en tenant compte du caractère consommable de l’électrode, en appréciant si elle constituait une « pièce d’un produit complexe ».

34      Certes, ainsi que le relève la requérante, les critères de durabilité et d’achat ou de remplacement régulier de la pièce ne figurent pas dans le libellé du règlement no 6/2002.

35      Toutefois, en l’absence de définition de la notion de « pièce d’un produit complexe » dans ledit règlement, la chambre de recours, aux points 26 et 27 de la décision attaquée, s’est appuyée à juste titre, parmi d’autres éléments pertinents, sur l’absence d’un lien solide et durable avec le produit complexe ainsi que sur l’achat et le remplacement régulier de l’électrode en raison de sa durée de vie courte. Ces critères, qui concernent des caractéristiques types d’un consommable, constituent des indices pertinents qui peuvent servir à identifier ce qui constitue une pièce d’un produit complexe.

36      En effet, il ressort du libellé de l’article 3, sous b) et c), du règlement nº 6/2002 que les pièces d’un produit complexe sont des composants conçus pour être assemblés en un article industriel ou artisanal complexe, qui peuvent être remplacés de manière à permettre le démontage et le remontage d’un tel article (voir également arrêt du 20 décembre 2017, Acacia et D’Amato, C‑397/16 et C‑435/16, EU:C:2017:992, point 65). Or, l’électrode en cause, en tant que consommable d’une torche, est conçue pour être facilement ajoutée à cette dernière, consommée ou utilisée relativement rapidement, et facilement remplacée par l’utilisateur final sans que cette opération nécessite le démontage et le remontage d’un tel article (voir points 40 et suivants ci-après sur l’absence de démontage et de remontage lors du remplacement de l’électrode en cause).

37      En outre, force est de constater que, en raison notamment du caractère consommable de l’électrode en cause, l’utilisateur final, qui achète et remplace régulièrement l’électrode, est en mesure de percevoir et d’apprécier ses caractéristiques, indépendamment de la question de savoir si l’électrode reste visible après avoir été installée dans la torche.

38      Il convient, enfin, de relever que le raisonnement de la chambre de recours à cet égard ne saurait être remis en cause par l’argument de la requérante tiré d’une précédente décision de l’EUIPO (affaire R 2337/2012‑3), rendue le 9 avril 2014, qui, selon la requérante, présenterait des similitudes avec la présente affaire. En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné la décision citée par la requérante et a expliqué les raisons pour lesquelles elle avait considéré que ladite décision différait de la présente espèce. D’autre part, il convient de rappeler, à cet égard, que l’EUIPO est appelé à décider en fonction des circonstances de chaque cas d’espèce et qu’il n’est pas lié par des décisions antérieures prises dans d’autres affaires. En outre, dans le cadre de son contrôle de légalité, le Tribunal n’est pas lié par la pratique décisionnelle de l’EUIPO [voir arrêt du 15 décembre 2015, LTJ Diffusion/OHMI – Arthur et Aston (ARTHUR & ASTON), T‑83/14, EU:T:2015:974, point 39 et jurisprudence citée].

39      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis une erreur de droit en estimant que l’électrode revêtait les caractéristiques d’un consommable et que cette circonstance constituait un indice pertinent pour conclure que l’électrode en cause ne pouvait être considérée comme une pièce d’un produit complexe.

 Sur l’absence de démontage et de remontage lors du remplacement de l’électrode

40      La chambre de recours a considéré, au point 29 de la décision attaquée, que, lors du remplacement ou du changement d’une électrode, la torche et le système de coupage n’étaient pas démontés ni remontés, comme l’exige la définition visée à l’article 3, sous c), du règlement no 6/2002. Au contraire, selon elle, l’électrode est destinée à être utilisée en même temps que la torche, à être montée à l’avant de celle-ci, puis éventuellement à être à nouveau enlevée.

41      À cet égard, la requérante soutient que la chambre de recours a commis des erreurs de droit et de fait en s’appuyant sur les considérations selon lesquelles, lors du remplacement d’une électrode, la torche et le système de coupage ne sont pas démontés et remontés.

42      Premièrement, selon elle, rien dans le libellé du règlement no 6/2002 n’exige que le produit complexe soit démonté intégralement pour qu’un produit soit considéré comme une « pièce » d’un tel produit complexe. L’article 3, sous c), dudit règlement ne porterait que sur la possibilité pour une pièce d’être remplacée en permettant le démontage et le remontage du produit complexe sans qu’il soit nécessaire d’endommager ce dernier ou de le détruire.

43      Deuxièmement, la requérante fait valoir que le remplacement de l’électrode est une opération comprenant un démontage et un remontage de la torche. Selon elle, l’utilisateur, afin de remplacer l’électrode, doit retirer plusieurs éléments de la torche, à savoir la coiffe, le capuchon de retenue et la buse, en les dévissant de la torche et doit, après l’installation de la nouvelle électrode, les réinstaller.

44      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

45      Il convient de considérer que la chambre de recours n’a pas commis une erreur de droit en tenant compte du fait que la torche et le système de coupage n’étaient pas démontés ni remontés lors du remplacement d’une électrode. En effet, ainsi qu’il ressort des points 23 et 26 ci‑dessus, la question de savoir si le remplacement d’un produit nécessite le démontage et le remontage d’un produit complexe est un facteur pertinent à prendre en considération pour déterminer si un tel produit constitue une pièce de ce dernier.

46      En effet, il convient de rappeler que la référence au « démontage » et au « remontage » du produit figure dans la définition du « produit complexe » prévue à l’article 3, sous c), du règlement no 6/2002, à savoir « un produit se composant de pièces multiples qui peuvent être remplacées de manière à permettre le démontage et le remontage du produit ». La définition d’une « pièce d’un produit complexe » dans l’arrêt du 20 décembre 2017, Acacia et D’Amato (C‑397/16 et C‑435/16, EU:C:2017:992, point 65), reprend la même formulation (voir point 26 ci-dessus). La prise en compte du « démontage » et du « remontage » est donc fondée sur le règlement n°6/2002 et sur la jurisprudence de la Cour.

47      Ainsi, un produit qui, lors de son remplacement, n’exige pas le démontage et le remontage du produit auquel il est intégré et qui est spécifiquement conçu pour être remplacé régulièrement et de manière simple par les utilisateurs finaux est moins susceptible de constituer une pièce d’un produit complexe qu’un produit qui est, ainsi que l’avance l’EUIPO, normalement remplacé par des professionnels ayant une expertise spécifique pour effectuer ledit remplacement.

48      En outre, l’argument de la requérante, selon lequel le remplacement de l’électrode est une opération comprenant un démontage et un remontage de la torche, doit être écarté. En effet, la chambre de recours a conclu à juste titre, au point 29 de la décision attaquée, que, lors du remplacement de l’électrode, le système de coupage et la torche n’étaient pas démontés ni remontés. Même si la coiffe, le capuchon de retenue et la buse doivent être retirés et réinstallés après le remplacement de l’électrode, comme le souligne la requérante, cela reste une opération simple pour l’utilisateur final, ainsi que l’a expliqué l’intervenante lors de l’audience. Une telle opération ne saurait donc être considérée comme un « démontage » et un « remontage » de la torche au sens du règlement no 6/2002.

49      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis une erreur de droit ou de fait en estimant que, lors du remplacement de l’électrode, le système de coupage et la torche n’étaient pas démontés ni remontés et que cette circonstance constituait un indice pertinent pour conclure que l’électrode en cause ne pouvait être considérée comme une pièce d’un produit complexe.

 Sur le fait que la torche soit considérée comme complète sans l’électrode

50      La chambre de recours a estimé, au point 29 de la décision attaquée, que la torche pouvait être considérée comme un produit complet, et non pas cassé, sans l’électrode. Au point 30 de la décision attaquée, elle a constaté que la torche pouvait être proposée sur le marché sans l’électrode et que cette dernière faisait couramment l’objet d’une publicité et d’une vente séparément de la torche.

51      À cet égard, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur de droit en considérant que le produit complexe en cause, à savoir une torche ou un système de coupage au plasma, constitue un produit complet sans l’électrode et en déduisant, de ce fait, que l’électrode n’est pas une pièce de ce produit complexe.

52      Premièrement, selon la requérante, afin de déterminer si un produit constitue une pièce d’un produit complexe, il faut considérer le produit complexe dans l’état dans lequel il peut remplir la fonction à laquelle il est destiné. La requérante estime, dès lors, que, en l’espèce, le produit complexe en cause ne saurait être complet sans l’électrode, dans la mesure où il ne peut pas fonctionner, en l’occurrence couper ou gouger le métal, sans elle. En outre, selon la requérante, le fait de savoir si le produit complexe serait cassé sans la pièce en cause ne serait pas pertinent pour déterminer si cet élément répond à la notion de « pièce d’un produit complexe » au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.

53      Deuxièmement, selon la requérante, le fait que la torche soit commercialisée sans l’électrode ou que cette dernière soit commercialisée sans la torche n’est pas pertinent pour déterminer si l’électrode en cause constitue une pièce d’un produit complexe au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.

54      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

55      En premier lieu, il convient de considérer que le caractère complet du produit constitue un indice pertinent aux fins de l’appréciation de la notion de « pièce d’un produit complexe » au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002. Il ne peut donc pas être reproché à la chambre de recours d’avoir inclus cet élément dans son appréciation.

56      En effet, lors de l’achat d’une torche dépourvue d’électrode ou lorsque celle-ci est extraite de la torche, l’utilisateur final ne percevra pas cette dernière comme étant cassée ou incomplète. En revanche, sans ses pièces, un produit complexe ne sera, en principe, pas perçu par l’utilisateur final comme un produit complet en mesure de faire l’objet d’une utilisation normale (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Acacia et D’Amato, C‑397/16 et C‑435/16, EU:C:2017:992, point 65) ou comme un produit en bon état.

57      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le produit complexe en cause ne saurait être complet sans l’électrode, dans la mesure où il ne peut pas fonctionner sans elle, il est vrai que la torche et le système de coupage au plasma ne peuvent remplir leur fonction, à savoir couper ou gouger le métal, sans qu’une électrode n’y soit montée. Cela n’implique cependant pas, en soi, que l’électrode doit être considérée comme une pièce d’un produit complexe.

58      Contrairement à ce que soutient la requérante, la définition d’une « pièce d’un produit complexe » dans l’arrêt du 20 décembre 2017, Acacia et D’Amato (C‑397/16 et C‑435/16, EU:C:2017:992, point 65), et notamment la précision « en l’absence desquels le produit complexe ne pourrait faire l’objet d’une utilisation normale » (voir point 26 ci‑dessus) ne sauraient être interprétées comme exigeant que, lorsqu’un produit ne peut remplir la fonction à laquelle il est destiné sans un autre produit, ce dernier doit être considéré dans tous les cas comme une pièce du premier produit. En effet, une telle interprétation serait excessivement large au point qu’un grand nombre de produits distincts, ayant notamment un caractère consommable, sans lesquels des produits complexes ne peuvent remplir la fonction à laquelle ils sont destinés, seraient considérés à tort comme des pièces desdits produits complexes. Contrairement à ce que soutient la requérante, ladite définition, énoncée dans le contexte de l’article 110, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, ne vise pas à déterminer de façon exhaustive ce qui ne rentre pas dans le champ d’application de la notion de « pièce d’un produit complexe » au sens de l’article 4, paragraphe 2, dudit règlement.

59      En second lieu, il convient de considérer, à l’instar de l’intervenante, que c’est sans commettre une erreur de droit que la chambre de recours a tenu compte du fait que la torche pouvait être proposée sur le marché sans l’électrode et que cette dernière faisait couramment l’objet d’une publicité et d’une vente séparément de la torche en tant qu’indice pertinent afin de déterminer si l’électrode en cause constituait une pièce d’un produit complexe au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.

60      S’agissant du fait que la torche soit proposée sur le marché sans l’électrode, il est vrai que chaque producteur reste libre de commercialiser le produit complexe avec ses pièces ou de les vendre séparément. Ainsi que le souligne la requérante, cette décision commerciale ne devrait pas être considérée comme un élément décisif pour apprécier si un produit constitue une pièce d’un produit complexe.

61      Cependant, il convient de relever qu’il est inhabituel que l’achat d’un produit complexe n’inclue pas ses véritables pièces. Or, en l’espèce, ainsi qu’il ressort du dossier (annexes C.8 à C.11), la torche en cause est vendue soit avec, soit sans les électrodes en cause.

62      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis une erreur de droit ou de fait en estimant que le produit complexe en cause, à savoir une torche ou un système de coupage au plasma, constituait un produit complet sans l’électrode et que cette circonstance constitue un indice pertinent pour conclure que l’électrode en cause ne peut être considérée comme une pièce d’un produit complexe.

 Sur le caractère interchangeable de l’électrode

63      La chambre de recours a considéré, au point 28 de la décision attaquée, que différentes électrodes étaient utilisées avec la même torche pour différentes opérations, telles que les électrodes utilisées pour la coupe à la traîne et celles utilisées pour la coupe de précision ou le gougeage, et que des torches de types différents, adaptées à différents systèmes de coupage, pouvaient utiliser l’électrode en cause. Elle s’est appuyée sur la nature interchangeable de l’électrode, parmi d’autres éléments pertinents, pour conclure qu’elle ne constituait pas une pièce d’un produit complexe.

64      À cet égard, la requérante soutient que, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, le fait que différentes électrodes puissent être utilisées par la même torche et que différentes torches puissent utiliser la même électrode n’est pas pertinent pour déterminer si l’électrode est une pièce d’un produit complexe.

65      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

66      En l’espèce, il est constant que l’utilisateur final peut utiliser l’électrode en cause avec différentes torches. Ainsi que l’a souligné l’intervenante en réponse aux questions posées par le Tribunal dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure visée au point 13 ci-dessus, l’électrode en cause peut être utilisée avec des torches provenant d’autres entreprises que l’intervenante.

67      Il est tout aussi constant que la torche de l’intervenante peut être utilisée avec différentes électrodes. Ainsi que l’a souligné l’intervenante en réponse aux questions posées par le Tribunal, des électrodes provenant d’autres entreprises sont compatibles avec ses torches.

68      Certes, comme le souligne la requérante, le seul fait qu’un produit puisse être remplacé par un autre produit non identique et être utilisé dans différents produits complexes ne permet pas de conclure qu’un tel produit est un produit distinct, ne constituant pas une pièce d’un produit complexe.

69      Toutefois, il convient de considérer que la chambre de recours n’a pas commis une erreur de droit en tenant compte du caractère interchangeable de l’électrode afin de compléter son analyse. En effet, un produit qui ne peut être remplacé par un autre produit non identique ou être utilisé dans différents produits complexes est, en principe, davantage susceptible d’être lié de manière durable et adaptée audit produit complexe, et de constituer ainsi une pièce de ce dernier.

70      Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur de droit ou de fait que la chambre de recours a tenu compte du fait que l’électrode en cause pouvait être remplacée par une électrode différente et que des torches de types différents pouvaient utiliser l’électrode en cause, pour déterminer que cette électrode ne constituait pas une pièce d’un produit complexe au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.

 Sur l’objectif de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002

71      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir suffisamment pris en considération l’objectif réel de la limitation de la protection visée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 pour les pièces non visibles de produits complexes. Selon la requérante, la protection des pièces consommables non visibles lors de l’utilisation normale du produit et ne contribuant en aucune façon à l’apparence générale du produit complexe présenterait une limitation indésirable de la concurrence sur le marché des pièces des produits complexes, comme dans la présente affaire qui concernerait un marché captif de pièces détachées.

72      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

73      À cet égard, il convient de constater qu’il n’est pas exigé de la chambre de recours qu’elle effectue une analyse des éventuels effets indésirables en matière de concurrence sur les marchés en cause pour déterminer si un produit constitue une pièce d’un produit complexe au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.

74      Même à supposer que la protection de la concurrence sur les marchés des pièces détachées ait motivé l’exclusion de certaines pièces non visibles de produits complexes de la protection de dessins ou modèles prévue par l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, cela ne signifie pas que cette considération doit faire partie de l’analyse par la chambre de recours de ce qui constitue une pièce d’un produit complexe. Le grief de la requérante est, dès lors, inopérant.

75      En tout état de cause, la requérante n’étaye pas son affirmation selon laquelle la présente affaire concerne un marché captif de pièces détachées en raison du dessin ou modèle communautaire contesté. Interrogée par le Tribunal sur ce point dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure visée au point 13 ci-dessus, elle s’est limitée à répéter que le dessin ou modèle communautaire contesté empêchait les fabricants de commercialiser des électrodes compatibles avec les torches de l’intervenante, sans donner de précisions.

76      À cet égard, il s’avère au contraire, ainsi que l’a souligné l’intervenante en réponse aux questions posées par le Tribunal, que la torche de l’intervenante peut être utilisée avec d’autres électrodes, ayant éventuellement une apparence et des spécifications techniques différentes de celles de l’électrode dont le dessin ou modèle communautaire est contesté en l’espèce, sans enfreindre celui-ci.

77      Partant, l’argumentation de la requérante relative à l’objectif de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 doit être écartée.

78      Il s’ensuit que, en s’appuyant sur un faisceau d’indices pertinents, la chambre de recours n’a pas commis une erreur de droit ou de fait en concluant que l’électrode en cause constituait un produit distinct et non une pièce d’un produit complexe au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.

79      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le moyen unique et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

81      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

82      En outre, l’intervenante a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours. À cet égard, il suffit de constater que, dès lors que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le point 2 du dispositif de cette dernière qui continue à régler les dépens exposés dans la procédure de recours devant l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Aldi/EUIPO – Sky (SKYLITe), T‑736/15, non publié, EU:T:2017:729, point 131].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      B&Bartoni spol. s r.o. est condamnée aux dépens.

Van der Woude

De Baere

Steinfatt

Kecsmár

 

      Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.