Language of document : ECLI:EU:T:2024:112

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

21 février 2024 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises en raison de la situation en Biélorussie – Gel des fonds – Listes des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Inscription et maintien du nom du requérant sur les listes – Notion de “soutien au régime” – Entreprise appartenant à l’État – Erreur d’appréciation »

Dans l’affaire T‑117/22,

Grodno Azot AAT, établie à Grodno (Biélorussie),

Khimvolokno Plant, établie à Grodno,

représentées par Mes N. Tuominen et L. Engelen, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Boggio-Tomasaz et A. Antoniadis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. L. Truchot, président, H. Kanninen (rapporteur) et Mme R. Frendo, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu l’ordonnance du 1er février 2023, Grodno Azot et Khimvolokno Plant/Conseil (T‑117/22 R, non publiée, EU:T:2023:42),

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 18 octobre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Grodno Azot AAT et Khimvolokno Plant, demandent l’annulation, premièrement, de la décision d’exécution (PESC) 2021/2125 du Conseil, du 2 décembre 2021, mettant en œuvre la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Biélorussie (JO 2021, L 430 I, p. 16), et du règlement d’exécution (UE) 2021/2124 du Conseil, du 2 décembre 2021, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2021, L 430 I, p. 1) (ci-après les « actes initiaux »), et, deuxièmement, de la décision (PESC) 2023/421 du Conseil, du 24 février 2023, modifiant la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Biélorussie et de l’implication de la Biélorussie dans l’agression russe contre l’Ukraine (JO 2023, L 61, p. 41), et du règlement d’exécution (UE) 2023/419 du Conseil, du 24 février 2023, mettant en œuvre l’article 8 bis du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Biélorussie et de l’implication de la Biélorussie dans l’agression russe contre l’Ukraine (JO 2023, L 61, p. 20) (ci-après les « actes de maintien »), en tant que ces actes les concernent.

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

2        Grodno Azot est une entreprise biélorusse qui produit des composés azotés dont Khimvolokno Plant est une succursale. Les requérantes sont établies à Grodno (Biélorussie).

3        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives adoptées par l’Union européenne depuis 2004 en raison de la situation en Biélorussie en ce qui concerne la démocratie, l’État de droit et les droits de l’homme.

4        Le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 18 mai 2006, sur le fondement des articles [75 et 215 TFUE], le règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre du président Loukachenko et de certains fonctionnaires de Biélorussie (JO 2006, L 134, p. 1), dont l’intitulé a été remplacé, aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement (UE) no 588/2011 du Conseil, du 20 juin 2011 (JO 2011, L 161, p. 1), par l’intitulé « Règlement (CE) no 765/2006 du Conseil, du 18 mai 2006, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie ».

5        Le 15 octobre 2012, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2012, L 285, p. 1).

6        Selon l’article 4, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2012/642 et l’article 2, paragraphes 4 et 5, du règlement no 765/2006, tel que modifié par le règlement (UE) no 1014/2012 du Conseil, du 6 novembre 2012 (JO 2012, L 307, p. 1), la dernière disposition renvoyant à la première, sont gelés tous les fonds et les ressources économiques possédés, détenus ou contrôlés par, notamment, des personnes, des entités ou des organismes responsables de violations graves des droits de l’homme ou de la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique, ou dont les activités nuisent gravement, d’une autre manière, à la démocratie ou à l’État de droit en Biélorussie, ainsi que des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui profitent du régime de Loukachenko ou le soutiennent.

7        Le 2 décembre 2021, le Conseil a adopté les actes initiaux. Il ressort des considérants 4 de ceux-ci que, « [e]u égard à la gravité de la situation en Biélorussie, il convient d’inscrire dix-sept personnes et onze entités sur la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes faisant l’objet de mesures restrictives ».

8        Par les actes initiaux, l’inscription « Société par actions ouverte “Grodno Azot”[, y] compris la succursale “Khimvolokno Plant” de la société par actions “Grodno Azot” » a été insérée à la ligne 24 du tableau B de la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes visés à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2012/642 figurant à l’annexe de ladite décision et à la ligne 24 du tableau B de la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes visés à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 765/2006 figurant à l’annexe I dudit règlement (ci-après, prises ensemble, les « listes litigieuses »).

9        Dans les actes initiaux, s’agissant de Grodno Azot, le Conseil a inscrit les informations d’identification « [a]dresse : 100, avenue Kosmonavtov, Grodno, Biélorussie », « [d]ate d’enregistrement : 1965 », « [n]uméro d’enregistrement : 500036524 » et « [s]ite Internet : https ://azot.by/en/ ». S’agissant de Khimvolokno Plant, le Conseil a inscrit les informations d’identification « [a]dresse : 4, rue Slavinskogo, Grodno, 230026, Biélorussie », « [d]ate d’enregistrement : 12.5.2000 » et « [n]uméro d’enregistrement : 590046884 ».

10      Le Conseil a justifié l’adoption des mesures restrictives à l’égard des requérantes par la mention des motifs suivants :

« Grodno Azot est une grande entreprise d’État qui produit des composés azotés, basée à Grodno. Loukachenk[o] l’a décrite comme une “entreprise très importante, une entreprise stratégique”. Grodno Azot détient également l’usine Khimvolokno, qui est un grand fabricant de polyamide et de polyester et de matériaux composites. Grodno Azot et son usine Khimvolokno représentent une source importante de revenus pour le régime de Loukachenk[o]. Grodno Azot soutient donc le régime de Loukachenk[o].

Loukachenk[o] a visité l’entreprise et a rencontré ses représentants et discuté de la modernisation de l’usine et de différentes formes d’aides d’État. Loukachenk[o] a également promis qu’un prêt serait utilisé pour construire une nouvelle usine d’azote à Grodno. Grodno Azot tire donc profit du régime de Loukachenk[o].

Les travailleurs de Grodno Azot, y compris ceux de l’usine Khimvolokno, qui ont participé aux manifestations pacifiques contre le régime et qui ont fait grève, ont été licenciés, intimidés et menacés à la fois par la direction de Grodno Azot et par des représentants du régime. Grodno Azot est donc responsable de la répression de la société civile. »

11      Par lettre du 3 décembre 2021, le Conseil a informé les requérantes que leurs noms étaient inscrits sur les listes litigieuses.

12      Par lettre du 31 décembre 2021, les requérantes ont demandé au Conseil à avoir accès aux informations et aux preuves étayant l’inscription de leurs noms sur les listes litigieuses.

13      Par lettre du 14 janvier 2022, le Conseil a communiqué aux requérantes les documents contenant les preuves utilisées pour décider de l’inscription de leurs noms sur les listes litigieuses.

14      Par lettre du 21 décembre 2022, le Conseil a signifié aux requérantes son intention de proroger les mesures restrictives à leur égard en s’appuyant sur un document joint à ladite lettre.

15      Par lettre du 20 janvier 2023, les requérantes ont répondu que le document communiqué par le Conseil ne justifiait pas le maintien de l’inscription de leurs noms sur les listes litigieuses.

16      Le 24 février 2023, le Conseil a adopté les actes de maintien par lesquels il a maintenu les noms des requérantes sur les listes litigieuses pour des motifs en substance identiques à ceux retenus dans les actes initiaux.

17      Par lettre du 27 février 2023, le Conseil a indiqué que les observations figurant dans la lettre du 20 janvier 2023 ne remettaient pas en cause son appréciation selon laquelle il y avait lieu de maintenir l’inscription des noms des requérantes sur les listes litigieuses.

 Conclusions des parties

18      À la suite de l’adaptation de la requête sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes initiaux et les actes de maintien, en tant qu’ils les concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens ;

–        rejeter la demande subsidiaire du Conseil visant à ordonner que les effets de la décision d’exécution 2021/2125 soient maintenus en ce qui les concerne jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2021/2124 prenne effet.

19      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes initiaux en tant qu’ils concernent les requérantes, ordonner que les effets de la décision d’exécution 2021/2125 soient maintenus en ce qui les concerne jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2021/2124 prenne effet.

 En droit

20      Il convient d’examiner, en premier lieu, la demande en annulation partielle des actes initiaux et, en second lieu, la demande en annulation partielle des actes de maintien.

 Sur la demande en annulation partielle des actes initiaux

21      À l’appui de la demande en annulation des actes initiaux en ce qu’ils les concernent, les requérantes invoquent formellement deux moyens, tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le Conseil et, le deuxième, de ce que les actes initiaux « comportent un type illégal de sanction faute pour le Conseil d’avoir satisfait au niveau de preuve requis ».

22      Le Conseil conteste l’argumentation des requérantes.

23      À titre liminaire, premièrement, il convient d’observer que les deux moyens soulevés par les requérantes se recoupent dans une large mesure en ce qu’ils sont tous deux tirés, en substance, d’une erreur dans l’appréciation des faits et d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2012/642.

24      Dans ces conditions, le Tribunal considère que les deux moyens soulevés par les requérantes forment, en substance, un moyen unique.

25      Deuxièmement, il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

26      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

27      Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

28      En outre, le fait qu’un élément ait été communiqué en tant qu’élément à décharge par la personne visée par les mesures restrictives n’empêche pas que cet élément lui soit éventuellement opposé pour constater le bien-fondé des motifs sous-tendant les mesures restrictives prises à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑166/18, non publié, EU:T:2020:50, point 124 et jurisprudence citée).

29      Par ailleurs, eu égard à la nature préventive des mesures restrictives en cause, si, dans le cadre de son contrôle de la légalité de la décision attaquée, le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés dans l’exposé en cause est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi un fondement suffisant pour soutenir cette décision, la circonstance selon laquelle d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 130, et du 24 novembre 2021, Assi/Conseil, T‑256/19, EU:T:2021:818, point 168).

30      En l’espèce, le Tribunal estime opportun de commencer par l’examen des motifs des actes initiaux figurant dans le premier paragraphe mentionné au point 10 ci-dessus, dont il ressort que Grodno Azot est une grande entreprise d’État qui produit des composés azotés, que Loukachenko a décrit cette entreprise comme une « entreprise très importante, une entreprise stratégique », que Grodno Azot détient l’usine Khimvolokno, que Grodno Azot et son usine Khimvolokno représentent une source importante de revenus pour le régime de Loukachenko et que Grodno Azot soutient donc le régime de Loukachenko.

31      Ces motifs sont fondés sur le critère du « soutien » au régime de Loukachenko consacré à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642, disposition à laquelle renvoie l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006.

32      Il y a donc lieu d’examiner, dans un premier temps, si les éléments factuels exposés au point 30 ci-dessus sont établis et, dans un second temps, s’ils relèvent de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642.

33      En premier lieu, tout d’abord, les requérantes indiquent que l’État biélorusse détenait 99,96 % de leur capital le 1er janvier 2022 et ne réfutent pas l’information, qui ressort d’un document publié sur le site Internet « azot.by » le 26 janvier 2021 produit par le Conseil, selon laquelle la personne nommée aux fonctions de directeur général de Grodno Azot en janvier 2021, avec l’approbation du président Loukachenko, est un ancien membre du gouvernement biélorusse.

34      Les requérantes déclarent également compter parmi les plus grandes entreprises de l’industrie chimique en Biélorussie, employer environ 7 500 personnes et être les principaux producteurs d’engrais azotés d’Europe, et ne contestent pas que, comme il ressort du document publié sur le site Internet « azot.by » mentionné au point 33 ci-dessus, le président Loukachenko a déclaré que Grodno Azot était « une entreprise très importante, une entreprise stratégique ».

35      Ensuite, il ressort de la requête que Khimvolokno Plant est une succursale de Grodno Azot.

36      Enfin, le Conseil verse au dossier, d’une part, un article publié sur le site Internet « export.by » le 25 avril 2019 dont il ressort que « le bénéfice net de [Grodno Azot] s’est élevé à [176 895 000] [roubles biélorusses (BYN)] […] [environ 76 000 000 euros] en 2018, étant ainsi multiplié par 6,5 par rapport à l’année précédente », et que son « revenu brut a augmenté de 19,5 % par rapport à l’année précédente pour atteindre [1 706 000 000] [BYN] […] [environ 728 000 000 euros] » et, d’autre part, un article publié sur le site Internet « dnb.com » selon lequel, en 2020, le chiffre d’affaires de Grodno Azot était de « [526 850 000] [dollars des États-Unis (USD)] [environ 461 339 000 euros] ».

37      En outre, dans leurs écritures, les requérantes « reconna[issent] qu’elle[s] [ont] versé des dividendes » à l’État biélorusse, qui détient la quasi-totalité du capital de Grodno Azot. À cet égard, elles ont d’ailleurs produit un document dont il ressort que Grodno Azot a versé au budget de la République de Biélorusse des dividendes d’un montant de 8 481 000 BYN (environ 3 526 000 euros) en 2018, de 34 200 000 BYN (environ 14 604 000 euros) en 2019, de 6 835 000 BYN (environ 2 462 000 euros) en 2020 et qu’aucun dividende n’a été versé en 2021. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes dans leurs observations déposées à la suite de l’audience, il ressort de la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus que ces informations peuvent leur être opposées par le Tribunal, nonobstant le fait qu’elles ont été communiquées comme éléments à décharge dans le cadre de la présente procédure.

38      Partant, le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation des faits en considérant que Grodno Azot était une grande entreprise d’État ayant été décrite par le président Loukachenko comme une « entreprise très importante, une entreprise stratégique », que Grodno Azot détenait Khimvolokno Plant et que Grodno Azot et Khimvolokno Plant représentaient une source importante de revenus pour le régime de Loukachenko.

39      En second lieu, les requérantes font valoir que les éléments exposés au point 38 ci-dessus ne peuvent être qualifiés de soutien au régime de Loukachenko au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642.

40      À cet égard, il convient de rappeler que, comme il ressort des considérants 1 à 5 et 8 de la décision 2012/642, les mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie ont été prises et sont prolongées du fait du non-respect persistant, dans ce pays, des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit et sont, de ce fait, dirigées contre les personnes responsables de fraudes et d’atteintes aux normes électorales internationales à l’occasion de certaines procédures électorales ou référendaires en Biélorussie ainsi qu’à l’encontre des personnes responsables de violations graves des droits de l’homme et de la répression exercée à l’égard de manifestants pacifiques après lesdites procédures (arrêts du 18 octobre 2023, MAZ-upravljajusaja kompanija holdinga Belavtomaz/Conseil, T‑532/21, non publié, EU:T:2023:656, point 58, et du 18 octobre 2023, Belaz-upravljajusaja kompanija holdinga Belaz Holding/Conseil, T‑533/21, non publié, EU:T:2023:657, point 55).

41      En outre, ainsi qu’il résulte du considérant 6 de la décision 2012/642, étant donné la gravité de la situation, des mesures ont également été imposées à l’encontre, notamment, des personnes et des entités qui profitent du régime de Loukachenko ou le soutiennent, en particulier les personnes et entités le soutenant financièrement ou matériellement (arrêts du 18 octobre 2023, MAZ-upravljajusaja kompanija holdinga Belavtomaz/Conseil, T‑532/21, non publié, EU:T:2023:656, point 59, et du 18 octobre 2023, Belaz-upravljajusaja kompanija holdinga Belaz Holding/Conseil, T‑533/21, non publié, EU:T:2023:657, point 56).

42      Ainsi, en consacrant, à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642, le soutien au régime de Loukachenko en tant que critère justifiant l’inscription d’un nom sur les listes litigieuses, le Conseil, au vu de la gravité et de la persistance de la violation des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit ainsi que de la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique en Biélorussie, a entendu accroître la pression exercée sur ledit régime en élargissant le cercle des personnes et des entités visées par les mesures restrictives de l’Union. À ce titre, le Conseil a prévu la possibilité d’appliquer des mesures de gel de fonds et des ressources économiques aux personnes et aux entités qui soutiennent le régime de Loukachenko et, en particulier, celles qui le soutiennent financièrement (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 2023, MAZ-upravljajusaja kompanija holdinga Belavtomaz/Conseil, T‑532/21, non publié, EU:T:2023:656, point 60, et du 18 octobre 2023, Belaz-upravljajusaja kompanija holdinga Belaz Holding/Conseil, T‑533/21, non publié, EU:T:2023:657, point 57).

43      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments des requérantes.

44      Premièrement, les requérantes font valoir que le fait qu’elles appartiennent à l’État ne peut, à lui seul, justifier les mesures prises à leur égard.

45      En outre, selon les requérantes, il est courant en pratique, y compris dans d’autres pays que la République de Biélorussie, que des entreprises appartiennent à l’État et, par conséquent, que les membres de leurs organes de direction ou de surveillance soient nommés par l’État et qu’elles distribuent des dividendes à l’État qui est leur actionnaire. Les requérantes font également valoir que la circonstance selon laquelle elles appartiennent à l’État ne les conduit pas à s’engager politiquement et à soutenir un régime donné et que leur objet social est de réaliser des bénéfices.

46      Cette argumentation ne saurait prospérer.

47      En effet, d’une part, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Conseil ne s’est pas appuyé uniquement sur la circonstance selon laquelle elles appartiennent à l’État biélorusse pour considérer qu’elles soutiennent le régime de Loukachenko. En effet, le Conseil a aussi retenu que Grodno Azot était une grande entreprise d’État ayant été décrite par le président Loukachenko comme une « entreprise très importante, une entreprise stratégique », que Grodno Azot détenait Khimvolokno Plant et que Grodno Azot et Khimvolokno Plant représentaient une source importante de revenus pour le régime de Loukachenko.

48      C’est également à tort que les requérantes font valoir, dans leurs observations déposées à la suite de l’audience, que le Conseil a considéré que toute entreprise appartenant à l’État était automatiquement une source de revenus pour l’État biélorusse. En effet, il ressort des motifs des actes initiaux que le fait que les requérantes sont une source de revenus pour le régime de Loukachenko s’ajoute au fait que Grodno Azot est une entreprise d’État. Il ne saurait donc, à la lecture desdits motifs, être inféré que toute entreprise appartenant à l’État biélorusse représente automatiquement une source de revenus pour ledit régime.

49      D’autre part, il ressort tant du libellé clair et précis de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642, qui vise les personnes et les entités qui « soutiennent [le régime de Loukachenko] », que de l’objectif poursuivi par cette disposition, qui est d’accroître la pression exercée sur ledit régime (voir point 42 ci-dessus), que ce sont les rapports qu’entretiennent certaines personnes et entités avec ce régime qui justifient l’adoption de mesures restrictives, dès lors qu’ils prennent la forme d’un soutien, en particulier un soutien financier (arrêts du 18 octobre 2023, MAZ-upravljajusaja kompanija holdinga Belavtomaz/Conseil, T‑532/21, non publié, EU:T:2023:656, point 67, et du 18 octobre 2023, Belaz-upravljajusaja kompanija holdinga Belaz Holding/Conseil, T‑533/21, non publié, EU:T:2023:657, point 64).

50      Partant, admettre que certains rapports entretenus avec le régime de Loukachenko devraient être exclus du champ du critère du « soutien » au seul motif qu’ils seraient courants dans des situations comparables dans d’autres pays que la République de Biélorussie aurait pour résultat, s’agissant de tels rapports, de retirer tout effet utile au libellé clair et précis de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 (arrêts du 18 octobre 2023, MAZ-upravljajusaja kompanija holdinga Belavtomaz/Conseil, T‑532/21, non publié, EU:T:2023:656, point 68, et du 18 octobre 2023, Belaz-upravljajusaja kompanija holdinga Belaz Holding/Conseil, T‑533/21, non publié, EU:T:2023:657, point 65).

51      Par ailleurs, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel elles ne seraient pas engagées politiquement en faveur du régime de Loukachenko, il y a lieu d’observer que, aux termes du considérant 6 de la décision 2012/642, le critère du soutien prévu à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 vise « en particulier » les personnes ou les entités soutenant financièrement le régime de Loukachenko.

52      Il en découle que la notion de « soutien au régime » n’exclut pas d’autres formes de soutien que le soutien politique au régime de Loukachenko. En outre, dès lors que la notion de « soutien au régime » concerne en particulier le soutien financier ou matériel audit régime, le Conseil n’a pas commis d’erreur en considérant qu’elle trouvait à s’appliquer à la situation en cause en l’espèce, dans laquelle une entreprise appartenant à l’État biélorusse et réalisant des bénéfices verse des dividendes à son actionnaire et, partant, constitue une source de revenus pour ce même régime.

53      Deuxièmement, les requérantes font valoir qu’elles ne contrôlent pas l’utilisation qui est faite des ressources qu’elles versent à l’État biélorusse et que celles-ci ne servent pas à financer les dépenses personnelles du président Loukachenko.

54      À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que le libellé même de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642, auquel renvoie l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006, vise le « soutien » au régime de Loukachenko, sans ajouter de condition ayant trait à l’utilisation qui peut être faite d’un tel soutien par ledit régime ou de la responsabilité, à cet égard, de la personne ou de l’entité apportant un tel soutien. La condition supplémentaire invoquée par les requérantes se heurte donc au libellé clair et précis de cette disposition (arrêts du 18 octobre 2023, MAZ-upravljajusaja kompanija holdinga Belavtomaz/Conseil, T‑532/21, non publié, EU:T:2023:656, point 71, et du 18 octobre 2023, Belaz-upravljajusaja kompanija holdinga Belaz Holding/Conseil, T‑533/21, non publié, EU:T:2023:657, point 68).

55      Partant, la seule circonstance selon laquelle les requérantes versent des dividendes à l’État biélorusse, qui sont dès lors à la disposition du régime de Loukachenko, suffit à établir l’existence d’un soutien financier, indépendamment de l’utilisation qui peut être faite de ces ressources par le régime, notamment s’agissant du financement des dépenses personnelles du président Loukachenko, ou du contrôle que les requérantes exercent à cet égard (voir, en ce sens, arrêts du 18 octobre 2023, MAZ-upravljajusaja kompanija holdinga Belavtomaz/Conseil, T‑532/21, non publié, EU:T:2023:656, point 72, et du 18 octobre 2023, Belaz-upravljajusaja kompanija holdinga Belaz Holding/Conseil, T‑533/21, non publié, EU:T:2023:657, point 69).

56      D’autre part, pour autant que, par leur argumentation, les requérantes font valoir qu’elles ne sont pas elles-mêmes responsables, du fait de leurs contributions financières, de ce que le régime de Loukachenko commette des violations des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit et réprime la société civile ainsi que l’opposition démocratique en Biélorussie, il convient de rappeler que le critère du « soutien » a été inscrit à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 afin d’accroître la pression sur le régime de Loukachenko en soumettant à des mesures de gel de fonds et des ressources économiques d’autres personnes ou entités que celles qui sont responsables des violations ou de la répression susmentionnées. C’est en application du critère distinct, consacré à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de ladite décision, auquel renvoie l’article 2, paragraphe 4, du règlement no 765/2006, qu’une telle responsabilité doit être établie afin de justifier l’adoption d’une mesure restrictive (arrêts du 18 octobre 2023, MAZ-upravljajusaja kompanija holdinga Belavtomaz/Conseil, T‑532/21, non publié, EU:T:2023:656, point 74, et du 18 octobre 2023, Belaz-upravljajusaja kompanija holdinga Belaz Holding/Conseil, T‑533/21, non publié, EU:T:2023:657, point 71).

57      Le Conseil ayant, en l’espèce, retenu que les requérantes représentaient une source de revenus pour le régime de Loukachenko pour faire application du critère du « soutien », il n’avait pas à démontrer, à cet effet, que les requérantes, du fait de leurs contributions financières, étaient responsables de violations des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit ou de la répression de la société civile et de l’opposition démocratique.

58      Troisièmement, les requérantes font valoir que, en droit biélorusse, les entreprises appartenant à l’État qui réalisent des bénéfices ont l’obligation de verser des dividendes à leur actionnaire. Les dividendes ainsi payés devraient donc être assimilés à des impôts. Or, le Conseil ne saurait inférer du paiement des impôts par une personne ou une entité son soutien au régime. Au soutien de cette thèse, les requérantes ont produit devant le Tribunal, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, l’édit du président de la République de Biélorussie no 637, du 28 décembre 2005, relatif à la procédure d’inscription au budget d’une partie des bénéfices des entreprises d’État, des associations d’État qui sont des organisations commerciales, ainsi que des revenus tirés de dividendes (des parts du capital social) des sociétés économiques détenues par l’État ou les communes, et à la formation d’un fonds budgétaire spécifique de l’État pour le développement national (Registre national des actes juridiques de la République de Biélorussie no 1/7075, du 29 décembre 2005) (ci-après l’« édit no 637 »).

59      À cet égard, il est vrai que le Tribunal a jugé, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 6 octobre 2015, Chyzh e.a./Conseil (T‑276/12, non publié, EU:T:2015:748, point 169), que le Conseil ne saurait inférer du paiement des impôts un « soutien au régime », dans la mesure où un tel paiement constitue une obligation légale applicable à l’ensemble des contribuables biélorusses.

60      Toutefois, en l’espèce, l’argument des requérantes tiré de l’assimilation des dividendes aux impôts au sens de la jurisprudence citée au point 59 ci-dessus ne saurait être retenu.

61      En effet, il ressort du paragraphe 1-1 de l’édit no 637 que les entreprises sur lesquelles pèse l’obligation de verser une part des bénéfices à l’État ou à des entités infraétatiques sont celles dont l’État ou lesdites entités déterminent les décisions. Ainsi, cette obligation ne concerne qu’une catégorie délimitée d’opérateurs économiques et non l’ensemble des contribuables biélorusses.

62      En outre, aux termes du paragraphe 1-2 de l’édit no 637, la part du bénéfice des entreprises concernées qui doit être obligatoirement versée aux autorités publiques biélorusses est calculée à partir de la différence entre le bénéfice reçu et, notamment, les charges d’impôts et de taxes. Par conséquent, le versement dont il s’agit est formellement distinct des impôts et s’ajoute à ceux-ci. Le fait que, comme il ressort du paragraphe 3-1 dudit édit, le recouvrement de cette part du bénéfice relève de la compétence de l’administration fiscale, suivant les procédures fiscales pertinentes, n’est pas susceptible de remettre en cause ce constat.

63      Partant, il y a lieu d’observer que la circonstance selon laquelle les requérantes sont tenues de verser une part de leurs bénéfices à l’État en vertu de l’édit no 637 ne contredit pas l’appréciation selon laquelle elles soutiennent financièrement le régime de Loukachenko. Au contraire, un tel élément confirme ladite appréciation dès lors que, par ce même édit, ledit régime a accru le contrôle qu’il exerçait déjà, en tant qu’unique actionnaire, sur les ressources des requérantes en s’assurant de disposer régulièrement d’une part des bénéfices qu’elles réalisent.

64      Il ressort de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Conseil a estimé que la position des requérantes dans l’économie biélorusse, la circonstance selon laquelle elles appartenaient à l’État ainsi que le fait qu’elles représentaient une source importante de revenus pour le régime de Loukachenko constituaient, pris ensemble, des éléments suffisants pour considérer qu’elles soutenaient ledit régime au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642, cette disposition visant en particulier les personnes et les entités qui soutiennent financièrement ce même régime.

65      En outre, le Tribunal estime que ces motifs, qui sont suffisamment précis et concrets et sont exempts d’erreur d’appréciation des faits ou d’erreur de droit, constituent en eux-mêmes un fondement suffisant pour justifier l’inscription du nom des requérantes sur les listes litigieuses.

66      Partant, en vertu de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, il convient de rejeter le moyen unique comme non fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments des requérantes dirigés contre les autres motifs justifiant les actes initiaux, puisque la circonstance selon laquelle ceux-ci ne seraient pas étayés ne saurait emporter l’annulation de ces mêmes actes.

67      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, la demande en annulation partielle des actes initiaux doit être rejetée.

 Sur la demande en annulation partielle des actes de maintien

68      Par un mémoire en adaptation, les requérantes demandent, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure, l’annulation des actes de maintien en ce qu’ils les concernent.

69      Dans ses observations sur le mémoire en adaptation, le Conseil soutient que la demande d’annulation partielle des actes de maintien est irrecevable et, à titre subsidiaire, qu’elle doit être rejetée comme non fondée.

70      Il convient de rappeler, d’une part, que la conformité d’une demande d’adaptation de la requête à l’article 86, paragraphe 1, du règlement de procédure participe de la recevabilité d’un recours (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 139) et, d’autre part, que le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque cas d’espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter le recours quant au fond, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52).

71      En l’espèce, le Tribunal considère qu’il y a lieu, dans un souci d’économie de la procédure, d’examiner d’emblée les moyens invoqués par les requérantes, sans statuer préalablement sur la recevabilité de la demande d’annulation partielle des actes de maintien.

72      Dans le mémoire en adaptation, les requérantes invoquent, en substance, un moyen unique, tiré d’une erreur dans l’appréciation des faits et d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2012/642.

73      À cet égard, premièrement, il convient d’observer que, en tant qu’ils concernent les requérantes, les motifs des actes de maintien sont, en substance, identiques aux motifs des actes initiaux. En outre, au soutien de la demande en annulation partielle des actes de maintien, les requérantes réitèrent les arguments déjà invoqués contre les actes initiaux, en se limitant à indiquer que ceux-ci s’appliquent a fortiori aux actes de maintien. En défense, le Conseil réitère les mêmes arguments que ceux déjà avancés pour justifier le bien-fondé des actes initiaux.

74      Il convient également de relever que, dans ses observations sur le mémoire en adaptation, le Conseil se prévaut d’un article publié sur le site Internet « reform.by » le 18 avril 2022 selon lequel, après avoir enregistré une perte d’un montant de 85 170 000 BYN (environ 30 680 000 euros) en 2020, Grodno Azot a dégagé un bénéfice net de près de 530 000 000 BYN (environ 175 000 000 euros) en 2021, et a annoncé le paiement de plus de 100 000 000 BYN (environ 33 195 000 euros) de dividendes. Le Conseil s’appuie également sur un article publié sur le site Internet « belta.by » le 20 octobre 2022 dont il ressort que le ministre de l’Économie biélorusse a déclaré que les revenus de Grodno Azot avaient augmenté de près de 20 % entre janvier et août 2022. Lesdits articles ont été ajoutés au dossier constitué par le Conseil lors de l’adoption des actes de maintien.

75      À cet égard, dans la lettre du 20 janvier 2023 adressée au Conseil avant l’adoption des actes de maintien, les requérantes ont uniquement soutenu que c’était par erreur que l’article publié sur le site Internet « reform.by » susmentionné avait fait référence à un « rapport sur les résultats de l’activité en 2021 » dans la mesure où la seule information qu’elles auraient publiée consistait en un rapport de Grodno Azot sur les dividendes pour 2021. Les requérantes n’ont toutefois pas remis en cause le bien-fondé des informations figurant dans ledit article. Dans le mémoire en adaptation, les requérantes n’ont pas contesté les éléments susmentionnés et ont réitéré les arguments de la requête, dans laquelle elles « reconna[issent] qu’elle[s] [ont] versé des dividendes » à l’État biélorusse. Partant, le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant, à la suite d’un réexamen de la situation des requérantes, que celles-ci représentaient une source importante de revenus pour le régime de Loukachenko.

76      Il s’ensuit que, pour les raisons exposées aux points 25 à 64 ci-dessus, les requérantes n’établissent pas que les motifs des actes de maintien sont entachés d’une erreur d’appréciation s’agissant de la question de savoir si elles soutiennent le régime de Loukachenko.

77      Deuxièmement, les motifs sous-tendant l’appréciation selon laquelle les requérantes soutiennent le régime de Loukachenko sont suffisamment précis et concrets, sont exempts d’erreur d’appréciation des faits ou d’erreur de droit et constituent en eux-mêmes un fondement suffisant pour justifier le maintien des noms des requérantes sur les listes litigieuses.

78      Partant, en vertu de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, il convient de rejeter le moyen unique comme non fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments des requérantes dirigés contre les autres motifs justifiant les actes de maintien, puisque la circonstance selon laquelle ceux-ci ne seraient pas étayés ne saurait emporter l’annulation de ces mêmes actes.

79      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la demande en annulation partielle des actes de maintien et, partant, le présent recours dans son ensemble comme non fondé.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Grodno Azot AAT et Khimvolokno Plant sont condamnées aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Truchot

Kanninen

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 février 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.