Language of document : ECLI:EU:T:2024:101

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

21 février 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale AMAZONIAN GIN COMPANY – Cause de nullité absolue – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), et article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑756/22,

Eric Roethig López, demeurant à Lluchmajor (Espagne), représenté par Mes J. Carbonell Callicó et E. Felip Corrius, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. M. Eberl et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

William Grant & Sons Irish Brands Ltd, établie à Dublin (Irlande), représentée par Me M. Borucka, avocate,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. R. Norkus (rapporteur) et W. Valasidis, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 18 octobre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Eric Roethig López, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 23 septembre 2022 (affaire R 1978/2021‑5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 18 septembre 2020, l’intervenante, William Grant & Sons Irish Brands Ltd, a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée par le requérant le 11 septembre 2018 pour le signe verbal AMAZONIAN GIN COMPANY.

3        Les produits couverts par la marque contestée relevaient de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Genièvre [eau-de-vie] ; boissons alcoolisées à base de gin ».

4        Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 59, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous a) à c), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

5        Le 28 octobre 2021, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

6        Le 26 novembre 2021, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli le recours au motif que la marque contestée était descriptive et, partant, contraire aux dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001. La chambre de recours a considéré, en substance, que la partie anglophone du public pertinent comprendrait immédiatement et exclusivement la marque contestée comme une indication que les boissons alcooliques enregistrées ou leurs ingrédients étaient liés à la région située autour du fleuve Amazone.

 Conclusions des parties

8        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens si une audience est organisée.

10      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

11      Au soutien de son recours, le requérant invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

12      Le requérant fait valoir, en substance, que la chambre de recours a conclu à tort que la marque contestée était descriptive de l’origine géographique des produits.

13      En premier lieu, le requérant estime que la marque contestée présente seulement un caractère évocateur et non un caractère descriptif. En outre, en se fondant sur un dictionnaire en ligne, le requérant affirme que le terme « amazonian » ne désigne pas seulement l’origine géographique, mais peut également avoir le sens de « (femme) grande, vigoureuse ou énergique ».

14      Selon le requérant, le critère pour l’appréciation du caractère descriptif d’un terme désignant une zone géographique, tel qu’il ressortirait de la jurisprudence, n’est pas rempli. À cet égard, premièrement, il soutient que l’Amazonie est un territoire trop vaste et indéterminé pour que le public puisse faire le lien entre les produits en cause et un lieu géographique particulier situé sur ce territoire. Deuxièmement, le requérant considère que l’Amazonie n’est pas connue pour le gin ou les boissons à base de gin, de sorte qu’il serait impossible pour le public pertinent d’établir une association mentale directe entre le gin et cette région géographique. Troisièmement, le requérant estime que le public pertinent ne fera pas non plus une telle association à l’avenir, et ce en dépit du fait que le gin serait en train de devenir une boisson très populaire au Brésil.

15      En deuxième lieu, le requérant reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que le public pertinent pourrait faire un lien entre les plantes constituant les ingrédients du gin et l’Amazonie. À cet égard, le requérant fait valoir qu’il est impossible qu’un produit botanique susceptible d’être contenu dans une boisson comme le gin soit suffisamment identifié pour pouvoir établir un lien direct et suffisant avec l’Amazonie.

16      Selon le requérant, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation des éléments de preuve en considérant que les plantes contenues dans le gin provenaient d’Amazonie. Après avoir exposé notamment l’origine et les pays exportateurs de chacune des plantes prétendument utilisées pour la fabrication du gin commercialisé sous la marque contestée, le requérant conclut que ces plantes ne proviennent pas d’Amazonie et que, partant, le public pertinent ne percevrait pas « immédiatement et sans autre réflexion » la marque contestée comme décrivant les caractéristiques des produits en cause.

17      En outre, la chambre de recours aurait, à tort, pris en compte la stratégie marketing et commerciale du requérant, une telle stratégie pouvant seulement conduire le consommateur à une évocation de l’Amazonie en général, sans pouvoir être considérée comme descriptive des produits en cause.

18      En troisième et dernier lieu, le requérant fait valoir qu’il convient de tenir compte d’un certain contexte factuel visant la relation avec l’intervenante antérieurement à l’introduction de la demande en nullité.

19      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments du requérant. En outre, ils font valoir l’irrecevabilité des annexes A 13 à A 27 à la requête, lesquelles comportent des informations relatives aux plantes prétendument contenues dans le gin commercialisé sous la marque contestée ou pouvant être contenues dans le gin en général.

20      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2 du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

21      Ces signes ou indications sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service (arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30).

22      L’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, EU:T:2005:373, point 37 et jurisprudence citée].

23      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].

24      Le choix, par le législateur de l’Union, du terme « caractéristique » met en exergue le fait que les signes visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 ne sont que ceux qui servent à désigner une propriété, facilement reconnaissable par le public pertinent, des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Ainsi, un signe ne saurait être refusé à l’enregistrement sur le fondement de cette disposition que s’il est raisonnable d’envisager qu’il sera effectivement reconnu par le public pertinent comme une description de l’une desdites caractéristiques [voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 50, et du 3 juillet 2013, Airbus/OHMI (NEO), T‑236/12, EU:T:2013:343, point 32].

25      De plus, s’il est indifférent qu’une telle caractéristique soit essentielle ou accessoire sur le plan commercial, une caractéristique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, doit néanmoins être objective et inhérente à la nature du produit ou du service ainsi qu’intrinsèque et permanente pour ce produit ou ce service [voir arrêt du 7 mai 2019, Fissler/EUIPO (vita), T‑423/18, EU:T:2019:291, point 44 et jurisprudence citée].

26      S’agissant plus particulièrement des signes ou des indications pouvant servir pour désigner la provenance géographique des catégories de produits pour lesquelles l’enregistrement de la marque est demandé, en particulier les noms géographiques, il convient de rappeler que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont exclus, d’une part, l’enregistrement des noms géographiques en tant que marques lorsqu’ils désignent des lieux géographiques déterminés qui sont déjà réputés ou connus pour la catégorie de produits ou de services concernée et qui, dès lors, présentent un lien avec celle‑ci aux yeux des milieux intéressés et, d’autre part, l’enregistrement des noms géographiques susceptibles d’être utilisés par les entreprises qui doivent également être laissés disponibles pour celles‑ci en tant qu’indications géographiques de provenance de la catégorie de produits ou de services concernée (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2005, Cloppenburg, T‑379/03, EU:T:2005:373, points 33 et 34 et jurisprudence citée).

27      Toutefois, il y a lieu de relever que, en principe, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 ne s’oppose pas à l’enregistrement de noms géographiques qui sont inconnus dans les milieux intéressés ou, à tout le moins, inconnus en tant que désignation d’un lieu géographique ou encore des noms pour lesquels, en raison des caractéristiques du lieu désigné, il n’est pas vraisemblable que les milieux intéressés puissent envisager que la catégorie de produits ou de services concernée provienne de ce lieu ou qu’elle y soit conçue (voir arrêt du 25 octobre 2005, Cloppenburg, T‑379/03, EU:T:2005:373, point 36 et jurisprudence citée).

28      Ainsi, il résulte d’une jurisprudence constante que, lorsqu’un signe est composé d’un nom géographique, l’EUIPO est tenu d’établir que le nom géographique est connu dans les milieux intéressés en tant que désignation d’un lieu. De plus, il faut que le nom en cause présente actuellement, aux yeux des milieux intéressés, un lien avec la catégorie de produits ou de services concernés, ou qu’il soit raisonnable d’envisager qu’un tel nom puisse, aux yeux de ce public, désigner la provenance géographique de ladite catégorie de produits ou de services. Dans le cadre de cet examen, il convient plus particulièrement de prendre en compte la connaissance plus ou moins grande qu’ont les milieux intéressés du nom géographique en cause ainsi que les caractéristiques du lieu désigné par celui-ci et de la catégorie de produits ou de services concernée (voir arrêt du 25 octobre 2005, Cloppenburg, T‑379/03, EU:T:2005:373, point 38 et jurisprudence citée).

29      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre de recours aurait conclu, à tort, au caractère descriptif de la marque demandée au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

 Sur le public pertinent

30      La chambre de recours a considéré que le public pertinent était le grand public autorisé à consommer des boissons alcooliques. Elle a également considéré que la marque contestée avait une signification en anglais et, partant, s’est concentrée sur le public anglophone de l’Union. Plus particulièrement, la chambre de recours a limité son appréciation au grand public des États membres ayant l’anglais comme langue officielle, à savoir l’Irlande et la République de Malte.

31      Le requérant ne conteste pas ces appréciations de la chambre de recours. Au demeurant, aucun élément du dossier ne permet de les remettre en cause.

 Sur le caractère descriptif de la marque contestée par rapport aux produits en cause

32      La chambre de recours a considéré que la marque contestée était constituée de trois mots anglais ayant une définition dans un dictionnaire. La combinaison de ces mots sous la forme de la marque contestée aurait une signification et constituerait une expression grammaticalement correcte dépourvue de tout élément fantaisiste.

33      En particulier, la chambre de recours a estimé que le terme « amazonian » allait être perçu au moins par une partie non négligeable du public anglophone pertinent comme se rapportant à la zone située autour du fleuve Amazone, telle que la forêt tropicale amazonienne ; que le terme « gin » faisait référence à une boisson alcoolique à base d’eau-de-vie de grain neutre distillée ou redistillée, aromatisée aux baies de genévrier et aux aromates ; et que le terme « company » faisait notamment référence à une organisation commerciale qui gagnait de l’argent en vendant des produits ou des services. En outre, selon la chambre de recours, il existe un lien direct entre le terme « gin » et les produits en cause.

34      La chambre de recours a donc considéré que la marque contestée était, dans son ensemble, comprise par au moins une partie non négligeable du public anglophone pertinent comme désignant une entreprise commerciale produisant une boisson alcoolique, à savoir le gin, liée à la région située autour du fleuve Amazone.

35      Le requérant ne conteste pas les appréciations de la chambre de recours relatives à la signification des trois termes composant la marque contestée. Il fait toutefois valoir que le terme « amazonian » peut également être employé pour désigner « (une femme) grande, vigoureuse ou énergique » et qu’il ne désigne donc pas seulement la provenance originaire d’Amazonie. En tout état de cause, ledit terme ne pourrait avoir qu’un caractère évocateur et non descriptif des produits en cause. Selon le requérant, l’Amazonie n’étant pas renommée pour la production du gin, il est improbable que le public pertinent perçoive ledit terme comme désignant le lieu d’origine de cette boisson alcoolique.

36      Il convient de relever que les trois termes qui composent la marque contestée, à savoir « amazonian », « gin » et « company », font partie du vocabulaire courant de la langue anglaise. Selon les règles grammaticales de cette langue, dans une construction linguistique telle que « Amazonian gin company », le terme « amazonian » est un adjectif qualifiant les substantifs « gin » et « company », et sert à indiquer une qualité ou une caractéristique de ce qui est désigné par ces derniers.

37      Comme la chambre de recours l’a constaté à juste titre, l’Amazonie, territoire auquel renvoie le terme « amazonian », est notoirement connue comme une région très étendue abritant la plus grande forêt tropicale du monde, particulièrement célèbre pour la richesse de sa biodiversité et pour son potentiel agricole exceptionnel. De même, contrairement à ce que fait valoir le requérant, l’Amazonie constitue une zone géographique bien délimitée en dépit du fait qu’elle s’étende sur plusieurs pays, comme cela ressort d’ailleurs des cartes produites par le requérant dans ses observations présentées le 2 mai 2022 devant les instances de l’EUIPO et aux points 69 à 71 de la requête.

38      Il ressort également de la décision attaquée, et le requérant ne le conteste pas, que le genévrier est la plante principale utilisée pour la fabrication du gin et qu’une grande variété d’autres plantes est potentiellement utilisable pour obtenir une palette quasi infinie d’arômes et donc d’assortiments de gin. En effet, lesdites plantes sont susceptibles de conférer au gin un arôme et un goût distinctifs et sont donc pertinentes dans le choix du consommateur. D’ailleurs, comme le requérant l’a indiqué à l’audience, le goût spécifique à chaque assortiment de gin constitue l’une des caractéristiques qui pourrait déterminer le choix du consommateur. Or, une partie de ces plantes peut provenir de la région de l’Amazonie, comme c’est d’ailleurs le cas du sacha inchi, plante dont le requérant admet la provenance amazonienne ainsi que son utilisation pour l’aromatisation du gin commercialisé sous la marque contestée.

39      Force est donc de constater que, compte tenu de l’importance des plantes pour la fabrication du gin, de leur provenance potentielle de l’Amazonie, territoire connu pour ses innombrables espèces botaniques, ainsi que de la perception que le consommateur pourrait avoir de ce que les plantes seraient les ingrédients qui confèrent à chaque gin sa spécificité, la marque contestée permet au consommateur d’établir immédiatement et sans autre réflexion un lien entre la région de l’Amazonie et les produits commercialisés sous la marque contestée.

40      Le terme « amazonian » de la marque contestée pouvant évoquer dans l’esprit du consommateur les conditions climatiques particulières de la forêt amazonienne, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a pu également constater qu’il était susceptible de véhiculer une image positive des plantes utilisées pour fabriquer ou aromatiser le gin et, partant, des caractéristiques essentielles, telles que le goût, des gins et des boissons à base de gin. Par conséquent, le terme « amazonian » peut non seulement être descriptif de la provenance géographique des produits en cause, mais aussi de la qualité de ces derniers.

41      Au demeurant, il ressort du dossier de la chambre de recours que le gin commercialisé sous la marque contestée est décrit comme contenant de nombreuses plantes et de nombreux épices provenant d’Amazonie, voire qu’il y est distillé, et que les caractéristiques desdites plantes et desdits épices sont pertinentes dans le choix d’achat des consommateurs. Certes, comme le requérant le fait valoir, la description des produits en cause, utilisée aux fins du marketing, n’est pas de nature à rendre descriptive une marque qui ne l’est pas par ailleurs. Toutefois, dans les circonstances de l’espèce, ces éléments de la stratégie marketing du requérant viennent confirmer les conclusions de la chambre de recours concernant le caractère descriptif de la marque contestée. Il est, de plus, contradictoire de présenter les produits en cause aux consommateurs comme étant fabriqués avec des plantes de l’Amazonie, voire comme étant distillés dans cette région, et de soutenir en même temps que la marque AMAZONIAN GIN COMPANY n’est pas descriptive de l’origine géographique desdits produits.

42      En outre, ainsi qu’il a été constaté au point 94 de la décision attaquée, bien que le gin ne soit pas une boisson traditionnellement produite dans la région amazonienne, il est actuellement fabriqué aussi dans des pays de cette région, tels que la Bolivie, le Brésil et le Venezuela. Le consommateur ne sera donc pas réfractaire à l’idée qu’un certain gin puisse provenir de l’Amazonie.

43      La chambre de recours a donc pu conclure sans commettre d’erreur que la marque contestée véhiculait des informations évidentes et directes concernant l’espèce, la qualité et la provenance géographique des gins ou de leurs ingrédients, tels que des plantes. En effet, lorsqu’un consommateur est confronté au signe AMAZONIAN GIN COMPANY en rapport avec du gin et des boissons alcooliques à base de gin, il peut associer l’Amazonie à ces boissons ou à leurs ingrédients. Le public pertinent comprendrait donc immédiatement la marque contestée comme une indication que les produits en cause ou leurs ingrédients sont liés à l’Amazonie.

44      S’agissant de l’argument du requérant selon lequel les plantes utilisées pour la fabrication du gin commercialisé sous la marque contestée ne proviennent pas des cultures agricoles de la région de l’Amazonie, il doit être rejeté comme inopérant. En effet, comme le requérant l’a soutenu, à juste titre, lors de l’audience, le consommateur ne connaît pas nécessairement la composition exacte du gin. En outre, même à supposer que les plantes utilisées par le requérant pour la fabrication de son gin ne proviennent pas de la région de l’Amazonie, il a déjà été constaté au point 38 ci-dessus qu’il existait une grande variété de plantes et d’épices, y compris provenant d’Amazonie, qui pourrait servir à la fabrication ou l’aromatisation des gins. Partant, un examen de la composition précise du gin commercialisé sous la marque contestée est dénué de pertinence aux fins de l’examen du caractère descriptif de la marque contestée.

45      Il est tout aussi dénué de pertinence de savoir s’il existe d’autres significations possibles du terme « amazonian » étant donné qu’un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou services concernés (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 32).

46      Quant à l’argument du requérant tiré de ce que l’EUIPO a déjà enregistré d’autres marques comportant des noms géographiques, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les décisions que l’EUIPO est conduit à prendre en vertu du règlement 2017/1001 concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (arrêt du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, point 47, et ordonnance du 11 février 2021, Klose/EUIPO, C‑600/20 P, non publiée, EU:C:2021:110, point 21).

47      La requérante ne saurait donc reprocher à la chambre de recours d’avoir fondé la décision attaquée sur le règlement 2017/1001, tel qu’interprété par le juge de l’Union, plutôt que sur des décisions prétendument comparables des chambres de recours de l’EUIPO ou sur la pratique antérieure de l’EUIPO en matière d’enregistrement de marques de l’Union européenne.

48      En outre, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus [voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 77, et du 9 mars 2017, Maximum Play/EUIPO (MAXPLAY), T‑400/16, non publié, EU:T:2017:152, point 49].

49      Par ailleurs, quant aux affirmations du requérant concernant le contexte factuel prétendument existant entre lui et l’intervenante antérieurement à l’introduction de la demande en nullité, il convient de relever qu’elles ne contiennent aucune critique claire visant la décision attaquée. Elles sont donc dénuées de pertinence pour l’examen de la légalité de la décision attaquée.

50      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le moyen unique sans qu’il soit nécessaire d’examiner la recevabilité des annexes A 13 à A 27 de la requête.

51      Partant, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

53      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Eric Roethig López est condamné aux dépens.

Marcoulli

Norkus

Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 février 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.