Language of document : ECLI:EU:T:2021:557

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

8 septembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale SCIO – Marque non enregistrée antérieure SCIO – Article 53, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Article 8, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001) – Article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 – Article 72, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 – Article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 – Article 16, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2018/625 – Article 6 bis de la convention de Paris »

Dans l’affaire T‑86/20,

Qx World Kft., établie à Budapest (Hongrie), représentée par Mes Á. László et A. Cserny, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Crespo Carrillo et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Mandelay Magyarország Kereskedelmi Kft. (Mandelay Kft.), établie à Szigetszentmiklós (Hongrie), représentée par Mes V. Luszcz, C. Sár et É. Ulviczki, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 2 décembre 2019 (affaire R 1312/2019-5), relative à une procédure de nullité entre Qx World et Mandelay,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. D. Gratsias et Mme T. Perišin, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 février 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 20 avril 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 4 mai 2020,

à la suite de l’audience du 29 janvier 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 17 septembre 2012, l’intervenante, Mandelay, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SCIO.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; disques compacts, DVD et autres supports d’enregistrement numériques ; mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer ; logiciels ; extincteurs » ;

–        classe 44 : « Soins d’hygiène et de beauté pour êtres humains ou pour animaux ; services d’agriculture, d’horticulture et de sylviculture ».

4        La demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques communautaires le 19 novembre 2012. La marque a été enregistrée en tant que marque de l’Union européenne le 18 février 2014, sous le numéro 11 191 194, pour l’ensemble des produits et des services mentionnés au point 3 ci-dessus.

5        Le 6 novembre 2017, la requérante, Qx World, a déposé auprès de l’EUIPO une demande en nullité de cette marque pour l’ensemble des produits et des services pour lesquels elle avait été enregistrée. Le motif de nullité invoqué à l’appui de cette demande était celui visé à l’article 60, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 3, du même règlement.

6        La demande en nullité était fondée sur la marque non enregistrée SCIO, protégée en Hongrie, en Allemagne, en Bulgarie, en Belgique, en Autriche, à Chypre, au Danemark, en Grèce, en Espagne, en Finlande, en France, au Royaume-Uni, en Italie, aux Pays-Bas, au Portugal, en Roumanie et en Suède pour les produits et services suivants : « appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l’enregistrement, la transmission ou la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; disques compacts, DVD et autres supports d’enregistrement numériques ; mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement de traitement de données, ordinateurs ; logiciels ; extincteurs ; services médicaux ; services vétérinaires ; soins d’hygiène et de beauté pour êtres humains ou pour animaux ; services d’agriculture, d’horticulture et de sylviculture ».

7        Par décision du 16 avril 2019, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité, au motif que la requérante n’avait pas établi l’existence de la marque antérieure non enregistrée SCIO, au sens de l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

8        Le 14 juin 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre cette décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 2 décembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

10      La chambre de recours a souligné, à titre liminaire, que la demande en nullité était uniquement fondée sur l’article 60, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement. Elle a rappelé que, selon la jurisprudence, de nouveaux motifs ne pouvaient pas être ajoutés au cours de la procédure d’opposition ou lors de procédures de recours ultérieures. Elle a, en conséquence, rejeté l’argument de la requérante, présenté à un stade ultérieur de la procédure, selon lequel la marque antérieure non enregistrée était notoirement connue, au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée (ci-après la « convention de Paris »).

11      Puis, la chambre de recours a souscrit à la conclusion de la division d’annulation selon laquelle les principes énoncés dans la jurisprudence concernant l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 doivent être appliqués par analogie, même lorsqu’une marque, au sens de l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement, a été invoquée. La requérante était ainsi tenue de préciser et de clarifier les principes juridiques et jurisprudentiels à appliquer afin d’établir si la marque antérieure invoquée pouvait ou non bénéficier, dans les pays mentionnés au point 6 ci-dessus, du niveau de protection conféré aux marques non enregistrées. En effet, seul le droit qui régit la marque invoquée permet d’établir si celle-ci est antérieure à la marque de l’Union européenne et si elle peut justifier d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

12      Enfin, la chambre de recours a relevé que la requérante n’avait toutefois produit aucune preuve, quelle qu’elle soit, de la législation nationale applicable, n’avait même pas fait la moindre référence aux législations nationales pertinentes qui lui auraient conféré des droits sur la marque non enregistrée invoquée, et n’avait pas non plus fourni d’informations sur les conditions régissant l’acquisition du droit antérieur mentionné et l’étendue de sa protection à l’échelon national.

13      La chambre de recours a ainsi considéré que, en ne faisant aucune référence, quelle qu’elle soit, aux législations nationales pertinentes et en ne produisant aucun élément de preuve relatif à la législation nationale applicable, la requérante n’avait pas satisfait aux exigences de la charge de la preuve qui pesait sur elle.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, réformer la décision attaquée aux fins de l’annulation de la décision de première instance et renvoyer l’affaire devant la division d’annulation de l’EUIPO pour réexamen ;

–        à titre subsidiaire, annuler à la fois la décision attaquée et la décision de la division d’annulation et renvoyer l’affaire devant ladite division pour réexamen.

15      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

16      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés dans le cadre du présent recours et de la procédure devant la chambre de recours.

 En droit

 Sur la détermination du règlement applicable ratione temporis

17      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 17 septembre 2012, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée).

18      Par suite, en l’espèce, d’une part, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites, par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures, aux dispositions du règlement 2017/1001, comme visant les dispositions, d’une teneur identique, du règlement no 207/2009.

19      D’autre part, en ce qui concerne les règles de procédure, le litige est régi par les dispositions du règlement 2017/1001 et par les dispositions du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission du 5 mars 2018 complétant le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil sur la marque de l’Union européenne, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p.1). L’article 82, paragraphe 2, dudit règlement délégué dispose que, sauf exception, ses dispositions s’appliquent à partir du 1er octobre 2017. Plus précisément, les dispositions relatives aux demandes en nullité s’appliquent aux demandes intervenues après cette date ou aux procédures dont la phase contradictoire a débuté après cette date. Or, la demande en nullité a été déposée auprès de l’EUIPO le 6 novembre 2017.

 Sur le fond

20      À l’appui du recours, la requérante invoque deux moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/1001) et, le second, de la violation des formes substantielles.

21      Il sera d’abord procédé à l’examen du second moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation des formes substantielles

22      Le présent moyen peut se diviser en deux griefs. Le premier grief est tiré de la violation du droit à un recours effectif. Le second grief est tiré de la violation du droit d’être entendu.

–       Sur le premier grief, relatif à la violation du droit à un recours effectif

23      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours, en analysant en lieu et place de la division d’annulation les arguments invoqués par les parties devant elle, plutôt que d’annuler la décision de ladite division, l’a privée du droit à un recours effectif. En effet, la décision attaquée est, selon la requérante, la première décision à contenir une motivation adéquate, comme s’il n’y avait pas eu de première instance devant la division d’annulation. En outre, elle affirme que la décision de la division d’annulation serait est entachée d’un défaut de motivation, en ce que celle-ci n’indique pas en quoi elle n’a pas démontré l’existence de la marque antérieure non enregistrée et ne permet pas de déterminer si l’absence de preuve de l’existence de ladite marque a été retenue sur la base de faits ou du droit national.

24      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

25      À cet égard, il importe de rappeler que l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 dispose que, « à la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours » et qu'« [e]lle peut, soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l’affaire à ladite instance en vue de la poursuite de la procédure ».

26      En outre, selon une jurisprudence bien établie, il existe une continuité fonctionnelle entre les différentes instances de l’EUIPO, d’une part, et les chambres de recours, d’autre part. Il découle de cette continuité fonctionnelle entre les différentes instances de l’EUIPO que, dans le cadre du réexamen que les chambres de recours doivent faire des décisions prises par les unités de l’EUIPO statuant en première instance, elles sont tenues de fonder leur décision sur tous les éléments de fait et de droit que les parties ont fait valoir soit dans la procédure devant l’unité ayant statué en première instance, soit dans la procédure de recours. Le contrôle exercé par les chambres de recours ne se limite pas au contrôle de la légalité de la décision attaquée, mais, de par l’effet dévolutif de la procédure de recours, il implique une nouvelle appréciation du litige dans son ensemble, les chambres de recours devant intégralement réexaminer la requête initiale et tenir compte des preuves produites en temps utile. Ainsi, il résulte de l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 que, par l’effet du recours dont elle est saisie, la chambre de recours est appelée à procéder à un nouvel examen complet du fond de l’opposition, tant en droit qu’en fait [voir, par analogie, arrêt du 7 décembre 2017, Coca-Cola/EUIPO – Mitico (Master), T‑61/16, EU:T:2017:877, point 115 et jurisprudence citée].

27      Par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours, en analysant les arguments des parties invoquées devant la division d’annulation, n’a violé aucun de ces droits substantiels.

28      Au demeurant, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a confirmé en tous points l’appréciation de la division d’annulation. Aux considérants 31, 33 et 34 de ladite décision, la chambre de recours a estimé, en substance, à l’instar de la division d’annulation, que les principes énoncés dans la jurisprudence concernant l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001) devaient être appliqués par analogie à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, lorsqu’une marque antérieure non enregistrée était invoquée. Selon elle, le demandeur en nullité était, ainsi, tenu de démontrer que le signe en cause entrait dans le champ d’application du droit de l’État membre cité et permettait d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Elle a considéré que seul le droit qui régissait ce signe permettait d’établir si celui-ci était antérieur à la marque contestée et s’il pouvait justifier d’en interdire l’utilisation. Aux considérants 32 et 36 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté, à l’instar de la division d’annulation, que la requérante n’avait produit aucune preuve, quelle qu’elle soit, de la législation applicable ni fait la moindre référence aux législations nationales pertinentes qui lui auraient conféré des droits sur la marque non enregistrée qu’elle invoquait. Selon elle, la requérante n’avait pas non plus fourni d’informations sur les conditions régissant l’acquisition du droit antérieur mentionné et l’étendue de sa protection à l’échelon national. Au considérant 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que c’était à bon droit que la division d’annulation avait conclu que la requérante n’avait pas étayé à suffisance de droit la marque antérieure non enregistrée et que, partant, le recours en nullité fondé sur le motif énoncé à l’article 53, paragraphe 1, point b), du règlement no 207/2009 (devenu article 60, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement, devait être rejeté.

29      Il doit ainsi en être déduit que la chambre de recours, en confirmant et en reprenant expressément l’analyse de la division d’annulation, a implicitement considéré que l’argument de la requérante selon lequel la division d’annulation avait ignoré l’ensemble des mémoires, observations, arguments et éléments de preuve produits par les parties était non fondé et devait être, par voie de conséquence, écarté.

30      Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’aurait prêté aucune attention aux arguments invoqués dans le recours devant elle, il convient de rappeler que les chambres de recours ne sont pas obligées, dans la motivation des décisions qu’elles sont amenées à adopter, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent devant elles. Il suffit qu’elles exposent les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [voir arrêt du 30 juin 2010, Matratzen Concord/OHMI – Barranco Schnitzler (MATRATZEN CONCORD), T‑351/08, non publié, EU:T:2010:263, point 18 et jurisprudence citée]. Or, ainsi qu’il ressort du point 28 ci-dessus, la chambre de recours a exposé à suffisance les faits et considérations juridiques essentielles à l’économie de la décision attaquée. Cet argument de la requérante doit donc être écarté comme non fondé.

31      S’agissant, enfin, de l’argument de la requérante selon lequel la décision de la division d’annulation serait entachée d’un défaut de motivation, il convient de rappeler, à l’instar de l’intervenante, que la légalité de la décision de la chambre de recours ne doit pas être appréciée à la lumière de la légalité de la décision de la division d’annulation, mais uniquement sur la base des constatations factuelles et juridiques contenues dans la décision attaquée, ainsi que du caractère suffisant de sa motivation. En effet, conformément à l’article 72, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, le recours devant le Tribunal n’est ouvert qu’à l’encontre des décisions des chambres de recours, de sorte que, dans le cadre d’un tel recours, ne sont recevables que des moyens dirigés contre ces décisions [voir arrêt du 22 avril 2015, Rezon/OHMI – mobile.international (mobile.de proMotor), T‑337/14, non publié, EU:T:2015:220, point 23 et jurisprudence citée]. Cet argument de la requérante doit donc être écarté comme irrecevable.

32      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le présent grief doit être écarté comme non fondé.

–       Sur le second grief, relatif à la violation du droit d’être entendu

33      La requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, en examinant des faits non contestés par les parties. Elle fait valoir, à cet égard, qu’il existait un consensus entre les parties sur l’existence et la protection de la marque antérieure non enregistrée et que, partant, l’EUIPO (la division d’annulation comme la chambre de recours) aurait dû limiter son examen aux seuls moyens et demandes présentés par les parties. Elle affirme que, en contestant l’existence de la marque antérieure et la protection qui lui était accordée, l’EUIPO l’a contraint à prouver un fait non contesté qu’elle n’était pas tenue de justifier, conformément à ladite disposition.

34      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

35      À titre liminaire, au considérant 30 de la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé que, dans la mesure où la requérante s’appuyait sur le signe SCIO en tant que marque non enregistrée en Hongrie, en Allemagne, en Bulgarie, en Belgique, en Autriche, à Chypre, au Danemark, en Grèce, en Espagne, en Finlande, en France, au Royaume-Uni, en Italie, aux Pays-Bas, au Portugal, en Roumanie et en Suède, il lui incombait d’apporter la preuve du contenu de la législation de ces États membres.

36      Au considérant 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a toutefois relevé que la requérante n’avait produit aucune preuve, quelle qu’elle soit, de la législation applicable, ni fait la moindre référence aux législations nationales pertinentes qui lui auraient conféré des droits sur la marque non enregistrée qu’elle invoque. Elle a également indiqué que la requérante n’avait pas non plus fourni d’informations sur les conditions régissant l’acquisition du droit antérieur mentionné et l’étendue de sa protection à l’échelon national.

37      Au considérant 36 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que la requérante n’avait pas satisfait aux exigences concernant la charge de la preuve qui pesait sur elle, en vertu desquelles celle-ci était tenue de préciser et de clarifier les principes juridiques et jurisprudentiels à appliquer afin d’établir si la marque invoquée pouvait ou non bénéficier, dans ces pays, du niveau de protection conféré aux marques non enregistrées.

38      À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de constater, à l’instar au demeurant de ce qui est indiqué dans les lignes directrices de l’EUIPO [Partie C (opposition), point 3 (dépôt non autorisé par les agents du titulaire de la marque, article 8, paragraphe 3, du règlement), point 3.1 (types de marque visés), paragraphes 2 et 3], que, à défaut de toute restriction dans l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, et compte tenu de la nécessité de protéger efficacement les intérêts légitimes du véritable titulaire, le terme « marques » doit être interprété au sens large et il convient de considérer qu’il englobe également les demandes en cours d’examen, puisque rien dans cette disposition ne permet d’en restreindre le champ d’application aux seules marques enregistrées. Pour les mêmes raisons, les marques non enregistrées ou les marques notoirement connues au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris entrent aussi dans la définition de ce terme aux fins de ladite disposition.

39      L’article 16, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2018/625, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement délégué, dispose que, dans le cadre des demandes présentées au titre de l’article 53, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 60, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), le demandeur en nullité doit produire notamment la preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de sa marque antérieure ou de son droit antérieur, ainsi que la preuve de son habilitation à présenter une demande en nullité.

40      Ainsi, le demandeur en nullité doit, dans le cadre des demandes présentées au titre de l’article 53, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, présenter à l’EUIPO non seulement les éléments démontrant qu’il remplit les conditions requises, conformément à la législation nationale dont il demande l’application, afin de pouvoir faire interdire l’usage d’une marque de l’Union en vertu d’un droit antérieur, mais aussi les éléments établissant le contenu de cette législation [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 octobre 2018, Bacardi/EUIPO – Palírna U zeleného stromu (42 BELOW), T‑435/12, EU:T:2018:715, point 78 et jurisprudence citée]. Il incombe, en effet, audit demandeur de démontrer que la marque non enregistrée entre dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et qu’il permet d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, point 84 et jurisprudence citée).

41      Il est également utile de rappeler que, selon la Cour, dans le cas où une demande en nullité d’une marque de l’Union européenne est fondée sur un droit antérieur protégé par une règle du droit national, il incombe aux instances compétentes de l’EUIPO d’apprécier l’autorité et la portée des éléments présentés par le demandeur afin d’établir le contenu de ladite règle. En outre, la décision desdites instances pouvant avoir pour effet de priver le titulaire de la marque d’un droit qui lui a été conféré, la portée d’une telle décision implique nécessairement que l’instance qui prend celle‑ci ne soit pas limitée à un rôle de simple validation du droit national (voir arrêt du 5 avril 2017, EUIPO/Szajner, C‑598/14 P, EU:C:2017:265, point 36 et jurisprudence citée).

42      Ainsi, l’EUIPO doit vérifier, au-delà des documents produits, la teneur, les conditions d’application et la portée des règles de droit invoquées par le demandeur en nullité.

43      Par ailleurs, le contrôle exercé par l’EUIPO doit être effectué à la lumière de l’exigence de garantir l’effet utile du règlement no 207/2009, qui est d’assurer la protection de la marque de l’Union européenne (voir arrêt du 5 avril 2017, EUIPO/Szajner, C‑598/14 P, EU:C:2017:265, point 39 et jurisprudence citée).

44      Il s’ensuit que l’obligation pour le demandeur en nullité de produire, dans le cadre des demandes présentées au titre de l’article 53, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, notamment la preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de sa marque antérieure ou de son droit antérieur, ainsi que la preuve de son habilitation à présenter une demande en nullité, est un préalable nécessaire pour permettre à l’EUIPO, d’une part, d’examiner si les conditions d’application du motif de refus d’enregistrement invoqué sont réunies et, d’autre part, d’assurer une correcte application dudit règlement.

45      En second lieu, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen de l’EUIPO est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

46      L’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 vise, notamment, la base factuelle des décisions de l’EUIPO, à savoir les faits et les preuves sur lesquels celles-ci peuvent être valablement fondées. Ainsi, la chambre de recours, en statuant sur un recours mettant fin à une procédure de nullité, ne saurait fonder sa décision que sur les faits et les preuves présentés par les parties [voir arrêt du 24 septembre 2008, Anvil Knitwear/OHMI – Aprile e Aprile (Aprile), T‑179/07, non publié, EU:T:2008:401, point 71 et jurisprudence citée].

47      Toutefois, les critères d’application d’un motif relatif de refus, comme de toute autre disposition invoquée à l’appui des demandes formées par les parties, font naturellement partie des éléments de droit soumis à l’examen de l’EUIPO. Une question de droit peut devoir être tranchée par l’EUIPO alors même qu’elle n’a pas été soulevée par les parties, si la résolution de cette question est nécessaire pour assurer une correcte application du règlement no 207/2009 au regard des moyens et demandes présentés par les parties [voir arrêt du 15 mars 2018, Marriott Worldwide/EUIPO – Graf (Représentation d’un taureau ailé), T‑151/17, non publié, EU:T:2018:144, point 16 et jurisprudence citée].

48      En l’espèce, la requérante soutient que la chambre de recours, en exigeant la preuve de l’existence et de l’étendue de la protection de la marque antérieure, alors que cela n’était pas contesté par les parties, a outrepassé les limites fixées par l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et lui a imposé d’établir l’existence d’un fait qu’elle n’était pas tenue de prouver.

49      Or, une telle argumentation méconnait le sens de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001. Ainsi qu’il ressort du point 44 ci-dessus, l’obligation pour le demandeur en nullité de produire dans le cadre des demandes présentées au titre de l’article 53, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, notamment la preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de sa marque antérieure ou de son droit antérieur, ainsi que la preuve de son habilitation à présenter une demande en nullité, est un préalable nécessaire pour permettre à l’EUIPO d’examiner si les conditions d’application du motif de refus d’enregistrement invoqué sont réunies et d’assurer une correcte application du règlement no 207/2009. Il s’ensuit que l’EUIPO était tenue de vérifier d’office que la requérante s’était bien acquittée de cette obligation.

50      Il résulte de ce qui précède que c’est à tort que la requérante allègue une violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001. Le présent grief doit donc être écarté comme non fondé et, par voie de conséquence, le moyen dans son ensemble.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 207/2009

51      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 3 du règlement no 207/2009, en considérant que l’indication selon laquelle la marque antérieure était notoirement connue constituait un nouveau motif de nullité qui devait être écarté, puisque la demande en nullité était uniquement fondée sur l’article 53, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement et non sur l’article 53, paragraphe 1, sous a), du même règlement (devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001), lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 2, sous c), ou avec l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 (devenus article 8, paragraphe 2, sous c), et article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001).

52      L’EUIPO soutient, en substance, que la question de savoir si l’allégation concernant les marques notoirement connues au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris constitue un nouveau motif ou un nouveau droit antérieur n’est pas pertinente et ne fait aucune différence, étant donné qu’aucune marque notoirement connue n’a été mentionnée dans la demande en nullité. Par conséquent, la marque notoirement connue invoquée par la requérante n’aurait pas pu être prise en considération, ni en tant que nouveau motif ni en tant que nouveau droit antérieur.

53      L’intervenante soutient, en substance, que le présent moyen repose, tout d’abord, sur une lecture et une interprétation erronée de la décision attaquée, ensuite, sur une interprétation erronée de la portée de la demande initiale en nullité et, enfin, sur une interprétation erronée de la notion de marque notoirement connue en considérant que celle-ci constitue une catégorie autonome, en ce qui concerne l’établissement de l’existence, de la titularité, de la validité et de l’étendue de la protection du droit antérieur invoqué.

54      Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que la chambre de recours a souligné, au considérant 13 de la décision attaquée, que le recours en nullité devrait être entendu comme étant uniquement fondé sur l’article 53, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement, ainsi qu’il ressortait de la demande en nullité déposée le 6 novembre 2017.

55      La chambre de recours a précisé, au considérant 14 de la décision attaquée, que, à un stade ultérieur de la procédure, la demanderesse en nullité [la requérante] avait indiqué que sa marque antérieure non enregistrée était notoirement connue. Elle a, cependant, relevé que le recours n’était fondé ni sur l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, de ce règlement, ni sur l’article 53, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, lu conjointement avec l’article 6 bis de la convention de Paris et l’article 8, paragraphe 2, sous c), du même règlement. Elle a également souligné que, selon la jurisprudence, de nouveaux motifs ne pouvaient être ajoutés en cours de procédure.

56      La chambre de recours a dès lors conclu, au point 15 de la décision attaquée, au rejet de l’argument de la requérante fondé sur les dispositions mentionnées au point 55 ci-dessus.

57      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur de droit, en considérant que le fait d’invoquer une marque notoirement connue constituait un nouveau motif de nullité, qui ne pourrait être analysé que dans le cadre de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

58      À cet égard, il est utile de rappeler que, conformément à l’article 53, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, une marque de l’Union est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon lorsqu’il existe une marque visée à l’article 8, paragraphe 3 de ce règlement, et que les conditions énoncées audit paragraphe sont remplies.

59      Selon l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire de la marque, une marque sera refusée à l’enregistrement lorsqu’elle est demandée par l’agent ou le représentant du titulaire de la marque, en son propre nom et sans le consentement du titulaire, à moins que cet agent ou ce représentant ne justifie de ses agissements.

60      L’article 8, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 tend à éviter le détournement d’une marque par l’agent du titulaire de celle-ci, l’agent pouvant exploiter les connaissances et l’expérience acquises durant la relation commerciale l’unissant audit titulaire et, partant, tirer indûment profit des efforts et de l’investissement que le titulaire de la marque aurait lui-même fournis [arrêt du 6 septembre 2006, DEF-TEC Defense Technology/OHMI – Defense Technology (FIRST DEFENSE AEROSOL PEPPER PROJECTOR), T‑6/05, EU:T:2006:241, point 38].

61      L’article 8, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 a donc pour objet de sauvegarder les intérêts légitimes des titulaires de marques et de les préserver de toute usurpation arbitraire de leurs marques, en leur accordant le droit d’interdire les enregistrements demandés par leurs agents ou représentants sans leur consentement.

62      Or, il a été relevé au point 38 ci-dessus que les marques notoirement connues au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris entrent dans la définition du terme « marques » aux fins de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, disposition sur laquelle était expressément fondée la demande en nullité.

63      Par suite, l’indication de la requérante selon laquelle la marque antérieure était également notoirement connue ne constitue pas, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, un nouveau motif de nullité fondé sur l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

64      Il s’ensuit que la chambre de recours a commis une erreur de droit en considérant que l’indication en cause constituait un nouveau motif de nullité qui, en tant que tel, ne pouvait être invoqué en cours de procédure.

65      Par ailleurs, il est utile de rappeler que, afin de déterminer sur quels motifs est fondée une demande en nullité, il y a lieu d’examiner l’ensemble de la demande, en particulier au regard de l’exposé détaillé des motifs étayant celle‑ci [voir arrêt du 18 mars 2016, Karl-May-Verlag/OHMI – Constantin Film Produktion (WINNETOU), T‑501/13, EU:T:2016:161, point 26 et jurisprudence citée].

66      En effet, si l’article 12, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2018/625 prévoit qu’une demande en nullité doit contenir les motifs sur lesquels elle se fonde, l’article 16, paragraphe 1, de ce règlement délégué précise, toutefois, que le demandeur peut présenter les faits, preuves et arguments à l’appui de la demande jusqu’à la clôture de la phase contradictoire de la procédure de nullité.

67      La raison d’être de l’article 16, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625 est de laisser plus de souplesse, par rapport à une procédure d’opposition, pour compléter les faits, preuves et arguments à l’appui de la demande, en réponse notamment aux arguments du titulaire de la marque contestée, étant donné que la procédure en annulation est le dernier recours permettant de contester la validité d’une marque de l’Union.

68      En l’espèce, l’indication en cause a été ajoutée par la requérante dans ses observations du 22 décembre 2017, soit pendant la phase contradictoire de la procédure, dont la clôture est intervenue le 8 mars 2019.

69      Dans ces conditions et dans la mesure où l’indication en cause ne constituait pas un nouveau motif de nullité, il y a lieu de considérer que les conclusions figurant au point 43 de l’ordonnance du 8 juin 2018, Lupu/EUIPO – Dzhihangir (Djili soy original DS) (T‑456/17, non publiée, EU:T:2018:342), citées par la chambre de recours au point 14 de la décision attaquée, puis par l’EUIPO et l’intervenante dans leurs mémoires respectifs, selon lesquelles « une fois expiré le délai pour former opposition visé à l’article 41 du règlement no 207/2009, le requérant ne peut plus invoquer de nouveaux droits antérieurs ou de nouveaux motifs d’opposition », ne trouvent pas à s’appliquer en l’espèce.

70      L’EUIPO soutient que si l’article 53, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 (devenu article 60, paragraphe 4, du règlement 2017/1001) empêche le titulaire de droits antérieurs non invoqués dans une demande en nullité de les soulever dans une nouvelle demande en nullité concernant la même marque de l’Union, il ne serait pas logique de permettre au titulaire de ces droits antérieurs de compléter la première demande par de nouveaux droits qu’il n’a pas invoqués dans ladite demande.

71      Cette argumentation de l’EUIPO repose sur la prémisse que l’indication selon laquelle la marque antérieure était également notoirement connue serait l’invocation d’un nouveau droit antérieur.

72      Cependant, il doit être observé que cette motivation ne figure pas dans la décision attaquée et est explicitée pour la première fois et a posteriori devant le Tribunal. En effet, il a été relevé ci-avant que la chambre de recours avait rejeté cette indication parce qu’elle constituait un nouveau motif de nullité qui, en tant que tel, ne pouvait être invoqué en cours de procédure. La chambre de recours ne s’est nullement fondée sur le fait que cette indication serait l’invocation d’un nouveau droit antérieur.

73      Par la présente argumentation, l’EUIPO tend donc, non à produire des éléments de nature à expliciter la motivation existant dans la décision attaquée, mais à avancer un motif supplémentaire au soutien du bien-fondé de la conclusion de la chambre de recours dans ladite décision.

74      Or, selon une jurisprudence constante, la motivation d’un acte doit être fournie à la personne intéressée par cet acte avant l’introduction par celle-ci d’un recours contre ledit acte et le non-respect de l’exigence de motivation ne peut être régularisé par le fait que la personne intéressée prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union. Ce serait une atteinte aux droits de la défense de la personne intéressée et à son droit à une protection juridictionnelle effective ainsi qu’au principe d’égalité des parties devant le juge de l’Union [voir arrêt du 10 juin 2020, L. Oliva Torras/EUIPO – Mecánica del Frío (Attelages pour véhicules), T‑100/19, EU:T:2020:255, point 104 et jurisprudence citée].

75      Par conséquent, la présente argumentation doit être écartée.

76      Il en va de même de l’argumentation de l’intervenante développée aux points 38 à 59 de son mémoire. Il doit être observé que cette argumentation est invoquée par l’intervenante à titre subsidiaire et aux fins de démontrer que la requérante n’avait, en tout état de cause, pas apporté la preuve du caractère notoirement connue de la marque antérieure.

77      Or, dans la mesure où la chambre de recours ne s’est prononcée sur cette question que sous l’angle de la recevabilité, l’argumentation de l’intervenante, qui a trait à un aspect sur lequel la chambre de recours n’a pas pris position, doit être écartée.

78      Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être accueilli et, par suite, la décision attaquée annulée.

79      Enfin, s’agissant de la demande de la requérante visant, tant à titre principal qu’à titre subsidiaire, l’annulation de la décision de la division d’annulation et le renvoi de l’affaire devant elle, il y a lieu de rappeler que, si elle devait être comprise comme une demande de réformation de la décision attaquée, le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 65, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001), n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

80      À cet égard, il y a lieu de relever que la chambre de recours a fondé la décision attaquée uniquement sur le fait que la marque antérieure était non enregistrée.

81      Dans ces circonstances, il n’appartient pas au Tribunal de procéder, en l’espèce, à l’examen de l’argumentation présentée par la requérante visant à l’annulation de la marque contestée à la lumière du caractère notoirement connue de la marque antérieure, au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris.

82      La demande de réformation de la décision attaquée présentée, en substance, par la requérante sur le fondement de cette argumentation doit donc être rejetée.

  Sur les dépens

83      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

84      En l’espèce, l’EUIPO et l’intervenante ont succombé, mais la requérante n’a pas conclu à leur condamnation aux dépens. Il y a lieu, dès lors, de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 2 décembre 2019 est annulée.

2)      Qx World Kft, l’EUIPO et Mandelay Kft supporteront chacun leurs propres dépens.

Costeira

Gratsias

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.