Language of document : ECLI:EU:T:2019:872

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

19 décembre 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative I.J. TOBACCO INDUSTRY – Marque de l’Union européenne figurative antérieure JTi – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑743/18,

Japan Tobacco, Inc., établie à Tokyo (Japon), représentée par Mes J. Gracia Albero et R. Ahijón Lana, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Śliwińska, MM. J. Ivanauskas et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

I.J. Tobacco Industry FZE, établie à Ras Al Khaimah (Émirats arabes unis), représentée par Me A.-E. Malami, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 15 octobre 2018 (affaire R 979/2018-4), relative à une procédure d’opposition entre Japan Tobacco et I.J. Tobacco Industry,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Gratsias (rapporteur), président, V. Valančius et Mme R. Frendo, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice ,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 décembre 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 15 mars 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 20 mars 2019,

à la suite de l’audience du 24 octobre 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 7 novembre 2016, l’intervenante, I.J. Tobacco Industry FZE, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est la marque figurative suivante :

Image not found

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 34 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Tabac ; articles pour fumeurs; allumettes ».

4        Le 6 mars 2017, la requérante, Japan Tobacco Inc., a formé opposition, au titre de l’article 41 et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 [devenus, respectivement, article 46, article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement n° 2017/1001], à l’enregistrement de la marque demandée.

5        L’opposition visait l’ensemble des produits couverts par la marque demandée et était fondée sur la marque de l’Union européenne figurative antérieure suivante :

Image not found

6        La marque antérieure a été enregistrée le 2 décembre 2002 et désigne les produits « Cigarettes, tabac brut et manufacturé, articles pour fumeurs et allumettes » relevant de la classe 34.

7        Par décision du 29 mars 2018, la division d’opposition a rejeté l’opposition au motif de l’absence de risque de confusion eu égard à la faible similitude visuelle et phonétique et à l’absence de similitude conceptuelle entre les marques en conflit. En outre, elle a observé que la requérante n’avait pas produit d’éléments relatifs à la prétendue renommée de la marque antérieure, si bien que l’opposition devait être également rejetée en ce que celle-ci était fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

8        Le 28 mai 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 68 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 15 octobre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours a rejeté le recours.

10      En particulier, la chambre de recours a considéré, d’une part, que l’élément figuratif de la marque demandée, consistant en un motif complexe de lignes horizontales et verticales dans lequel il est impossible de voir une combinaison de lettres particulière, était l’élément dominant de ladite marque. D’autre part, elle a estimé que l’élément verbal « i.j. tobacco industry » de cette marque n’était pas négligeable. Selon elle, les termes « tobacco industry » figurant dans cet élément verbal seront perçus comme descriptifs des produits couverts, alors que l’élément « i.j. » est distinctif au regard des mêmes produits.

11      Dans ce contexte, les marques en conflit ne seraient pas similaires pour le public pertinent, composé des consommateurs moyens de l’Union, si bien qu’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 serait à exclure.

12      En effet, l’élément figuratif de la marque demandée ne présenterait aucune similitude visuelle avec la marque antérieure. Au demeurant, l’élément « i.j. » figurant dans la marque demandée ne donnerait pas lieu à une constatation de similitude visuelle avec la marque antérieure, puisque les lettres « i » et « J », présentes dans cette dernière, seraient non seulement hautement stylisées, mais aussi arrangées dans un ordre inversé et séparées par la lettre « T ».

13      D’un point de vue phonétique, la marque antérieure serait prononcée de la même manière que les lettres la composant, lues l’une après l’autre, ce qui exclurait toute similitude avec la prononciation de la partie verbale de la marque demandée, seule partie de cette dernière susceptible d’être prononcée.

14      Enfin, selon la chambre de recours, la marque antérieure ne véhicule aucun message conceptuel, alors que seuls les termes « tobacco industry », présents uniquement au sein de la marque demandée, véhiculent un tel message.

15      Eu égard à ces considérations, la chambre de recours a conclu que les marques en conflit n’étaient pas similaires, si bien que l’opposition devait être rejetée en ce qu’elle était fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

16      Quant à la prétendue renommée de la marque antérieure, également invoquée à l’appui de l’opposition au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a observé, d’une part, que l’absence de similitude entre les marques en conflit excluait que la marque demandée soit refusée en application de cette disposition et, d’autre part, que, en tout état de cause, la requérante n’avait produit aucun élément de preuve susceptible de démontrer cette renommée.

 Conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 décembre 2018, la requérante a introduit le présent recours. L’EUIPO et l’intervenante ont déposé leurs mémoires en réponse, respectivement, le 15 et le 20 mars 2019.

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée afin d’accueillir l’opposition et rejeter la demande de marque de l’Union ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés devant la division d’opposition et ceux exposés devant la chambre de recours.

19      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

20      À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

21      Si la requérante est d’accord avec la considération de la chambre de recours selon laquelle l’élément figuratif de la marque demandée est la composante dominante de celle-ci, elle soutient que cet élément n’est pas à tel point stylisé que le consommateur n’y verra pas le groupe de lettres majuscules « IJTI ». Selon elle, le consommateur cherche intuitivement des éléments rendant la marque compréhensible, ce qui serait conforté en l’espèce par l’espacement, le niveau, la police et la similitude des composantes de l’élément figuratif de la marque demandée avec les lettres « I », « J », « T » et « I » de l’alphabet latin. Au moins une partie du public pertinent serait donc encline à voir, dans l’élément figuratif de la marque demandée, lesdites lettres. En outre, l’élément verbal « i.j. tobacco industry » de la marque demandée serait parfaitement négligeable pour ce public, premièrement, en raison de sa position secondaire, deuxièmement, par tendance d’abréviation de la marque compte tenu également des modalités de vente des produits concernés et, troisièmement, à cause du caractère descriptif des termes « tobacco industry ».

22      Ainsi, selon la requérante, une analyse correcte, fondée sur la prémisse que l’élément dominant de la marque demandée est perçu comme le groupe de lettres majuscules « IJTI » mènerait à la conclusion que cet élément coïncide avec la marque antérieure s’il est tenu compte du fait que la lettre « I » figurant au début de ce groupe de lettres renvoie à l’informatique et à la technologie et est ainsi pourvue d’un faible caractère distinctif. Il s’ensuivrait que les marques en conflit seraient, à tout le moins, visuellement et phonétiquement similaires, alors qu’une similitude conceptuelle pourrait surgir si le public pertinent attribuait la signification J. Tobacco Industry au groupe de lettres constituant la marque antérieure. Cette similitude serait accentuée en raison des modalités de vente des produits de tabac, qui, d’une part, feraient que les similitudes visuelles et phonétiques l’emporteraient sur les éventuelles différences conceptuelles et, d’autre part, que les éléments verbaux de la marque demandée seraient négligeables pour le public pertinent. Compte tenu de l’identité des produits couverts par ces marques, un risque de confusion serait à affirmer à tout le moins pour une partie dudit public. Il en résulterait que l’appréciation de la chambre de recours à cet égard serait viciée.

23      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

24      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

25      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

26      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

27      En outre, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée). En effet, il n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardée en mémoire [arrêts du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 26, et du 21 novembre 2013, Equinix (Germany)/OHMI – Acotel (ancotel.), T‑443/12, non publié, EU:T:2013:605, point 54].

28      En l’espèce, ainsi que la chambre de recours le relève au point 12 de la décision attaquée, le public pertinent est composé du grand public des consommateurs des produits couverts par les marques en conflit dans l’Union européenne. Il convient d’ajouter que les consommateurs des produits de tabac et des articles pour fumeurs font preuve d’un degré élevé d’attention en raison de leur fidélité élevée à la marque [arrêt du 3 juillet 2013, GRE/OHMI – Villiger Söhne (LIBERTE american blend sur fond bleu), T‑205/12, non publié, EU:T:2013:341, point 23].

29      Ainsi qu’il ressort des points 11, 13, 14, 41 et 42 de la requête, la requérante fonde son argumentation relative à la similitude des signes en conflit sur un seul grief, tiré de ce que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que l’élément figuratif de la marque demandée ne serait pas perçu par le public pertinent comme le groupe de lettres majuscules « IJTI ». Selon elle, c’est cette erreur qui entache toute l’analyse de la chambre de recours relative à la similitude entre ces signes.

30      À cet égard, s’agissant de la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel, force est de constater que, ainsi que l’exposent les parties, l’élément figuratif de la marque demandée constitue la partie dominante de celle-ci. En effet, cet élément occupe une place bien plus visible et est ainsi susceptible d’occuper une position prépondérante, fut-ce de manière imparfaite, à l’esprit du consommateur. En outre, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours part du principe que ledit élément ne sera pas perçu par le public pertinent comme le groupe de lettres majuscules « IJTI ». En effet, les lignes horizontales et verticales composant la partie figurative de la marque demandée sont configurées de manière à renvoyer plutôt à un arrangement quasi parfait d’éléments reposant l’un dans ou sur l’autre. Elles donnent ainsi une image hautement stylisée. Dans ces conditions, le consommateur devrait procéder à un processus intellectuel empreint d’imagination afin de « déchiffrer » l’élément figuratif en question et le percevoir comme représentant ce groupe de lettres majuscules. Cette interconnexion étroite des lignes composant l’élément concerné amènera le consommateur relevant dudit public à percevoir cet élément comme une forme abstraite et unitaire plutôt que comme une combinaison de quatre lettres majuscules formant un groupe.

31      Cette appréciation n’est pas remise en cause par la circonstance, invoquée par la requérante, selon laquelle un agencement différent des composantes de l’élément figuratif de la marque demandée prendrait une forme pouvant être aisément associée au groupe de lettres majuscules « IJTI » tout en imitant la police des caractères employée pour composer cet élément. En effet, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, l’appréciation relative à la similitude des signes doit être effectuée sur le fondement des marques en conflit telles que demandées et enregistrées. Il convient, en outre, de relever, à l’instar de ce que fait valoir l’intervenante, que le consommateur, qui se fie à l’image imparfaite des marques qu’il garde en mémoire, ne cherchera pas à les analyser au point de les recomposer à l’aide d’outils informatiques tels les polices de caractères disponibles en ligne.

32      La présence de l’élément verbal « i.j. tobacco industry », qui, contrairement à ce que fait valoir la requérante, n’est pas totalement négligeable, même s’il occupe une place visuellement secondaire dans le cadre d’une appréciation d’ensemble de la marque demandée, n’altère pas cette appréciation. En particulier, s’il est vrai que les lettres utilisées dans l’élément « i.j. » et les lettres initiales des termes « tobacco industry » peuvent rappeler le groupe de lettres majuscules « IJTI », ce dernier n’est pas présent en tant que tel dans la marque demandée. Dans ces circonstances, afin que le consommateur faisant partie du public pertinent comprenne, à l’aide de l’élément verbal « i.j. tobacco industry », l’élément figuratif de la marque demandée comme représentant ce groupe de lettres, il doit mettre en œuvre un processus intellectuel consistant à retenir les lettres utilisées dans l’élément « i.j. » et les lettres initiales des termes « tobacco industry », et puis s’efforcer à établir un lien entre ces quatre lettres et les lignes composant l’élément figuratif en question.

33      Or, tant ce dernier processus que celui décrit au point 30 ci-dessus nécessitent un certain temps de réflexion et un degré d’imagination qui sont difficilement conciliables avec l’approche du consommateur cherchant à identifier facilement et rapidement l’origine commerciale des produits couverts par les marques en conflit.

34      Il s’ensuit que, comme l’a observé la chambre de recours au point 17 de la décision attaquée, seules les lettres « j » et « i » peuvent être considérées comme des éléments communs aux signes en conflit. Or, ainsi que l’expose la chambre de recours au même point, ces lettres sont utilisées dans l’élément « i.j. » dans la marque demandée, alors qu’elles font partie du groupe de lettres « JTi » dans la marque antérieure. Compte tenu de la position de l’élément « i.j. » au sein de la marque demandée, d’une part, et de la stylisation, de l’interposition de la lettre « T » et de l’ordre de présentation des lettres dans la marque antérieure, d’autre part, force est de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant que ces signes n’étaient pas similaires visuellement.

35      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel une partie du public pertinent pourrait, en dépit des appréciations exposées aux points 30 à 34 ci-dessus, percevoir tout de même la partie figurative de la marque demandée comme représentant le groupe de lettres majuscules « IJTI », force est de constater qu’aucune analyse ayant pour objet de décrire l’approche du public pertinent au regard d’un signe ne peut prétendre à l’exhaustivité en ce sens que tous les membres de ce public adopteront une approche identique sans exception. Dans ces conditions, il incombe à la partie requérante de démontrer, preuves concordantes à l’appui, que l’analyse effectuée par la chambre de recours est erronée à l’égard d’une partie significative dudit public [voir, en ce sens, arrêts du 19 avril 2013, Hultafors Group/OHMI – Società Italiana Calzature (Snickers), T‑537/11, non publié, EU:T:2013:207, point 26, et du 25 janvier 2018, Brunner/EUIPO – CBM (H HOLY HAFERL HAFERL SHOE COUTURE), T‑367/16, non publié, EU:T:2018:28, point 25 ].

36      Aucun élément de preuve en ce sens n’ayant été apporté par la requérante, cet argument n’est pas susceptible de remettre en cause les appréciations exposées aux points 30 à 34 ci-dessus.

37      De manière similaire, doit être rejeté l’argument de la requérante pris de ce que la lettre majuscule « I » figurant au début du groupe de lettres « IJTI » de la marque demandée est pourvue d’un caractère distinctif limité au sein de ladite marque en raison du fait que ladite lettre ferait allusion à la technologie et à l’informatique. À cet égard, force est de constater, à l’instar de ce qu’expose l’EUIPO, que ladite lettre majuscule peut remplir cette fonction lorsqu’elle est suivie d’un terme désignant un produit ou un service pouvant être associé à la technologie et l’informatique. Or, la marque demandée ne contient pas un tel terme.

38      Sur le plan phonétique, c’est également sans commettre d’erreur que la chambre de recours a constaté, au point 18 de la décision attaquée, que les signes en conflit n’étaient pas similaires. En effet, compte tenu du caractère illisible de la partie figurative de la marque demandée, cette dernière sera prononcée par le public ayant une connaissance de base de l’anglais comme l’élément verbal « i.j. tobacco industry » ou bien, pour ceux qui préféreront raccourcir, par le seul élément « i.j. ». Or, ces prononciations se distinguent nettement de la prononciation de la marque antérieure, qui contient les lettres « i » et « J », mais dans un ordre inversé par rapport à la marque antérieure et, surtout, la lettre « T » entre les lettres « J » et « i ». En outre, aucun élément du dossier ne permet de conclure que les membres du public pertinent ne connaissant pas l’anglais et s’efforçant à prononcer ces signes les prononceront finalement de manière similaire.

39      Enfin, sur le plan conceptuel, la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours, exposée au point 19 de la décision attaquée, selon laquelle la marque antérieure ne véhicule aucun message, tout comme l’élément « i.j. » de la marque demandée. En outre, s’il est vrai que les termes « tobacco industry », présents dans la marque demandée, véhiculent un message conceptuel, ils ne font pas partie de la marque antérieure, si bien qu’ils ne sont pas susceptibles de justifier une similitude conceptuelle des signes en conflit.

40      Ce n’est que dans le scénario, que la requérante elle-même qualifie d’hypothétique, où le consommateur dispose simultanément de produits portant les marques en conflit qu’il pourrait, éventuellement, être amené à associer l’élément figuratif de la marque demandée aux lettres utilisées dans l’élément « i.j. » et aux lettres initiales des termes « tobacco industry » figurant également dans ladite marque et à supposer que les lettres majuscule « T » et minuscule « i » de la marque antérieure correspondent, en réalité, à J. TOBACCO INDUSTRY.

41      Or, d’une part, ainsi qu’il est exposé au point 27 ci-dessus, le consommateur n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardée en mémoire. D’autre part, ainsi qu’il été exposé au point 33 ci-dessus, la perception de l’élément figuratif de la marque demandée comme représentant le groupe de lettres majuscules « IJTI » nécessite une réflexion difficilement conciliable avec l’approche du consommateur cherchant à identifier facilement et rapidement l’origine commerciale des produits.

42      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que les signes en conflit n’étaient pas similaires conceptuellement.

43      Dans ces conditions, l’argument de la requérante selon lequel les modalités de vente des produits couverts par les marques en conflit rendraient les aspects visuels et phonétiques des signes en conflit plus importants que leur aspect conceptuel s’avère inopérant, puisque, ainsi qu’il ressort des points 30 à 37 ci-dessus, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que ces signes ne sont similaires ni visuellement ni phonétiquement. Corrélativement, l’argument de la requérante pris de ce que les modalités en question amènent le consommateur à demander les produits commercialisés sous la marque demandée en prononçant le groupe de lettres majuscules « IJTI » qu’il verrait dans la partie figurative de celle-ci est fondé sur une prémisse erronée. En effet, ainsi qu’il a été relevé aux points 30 à 33 ci-dessus, la partie figurative de la marque demandée est tellement stylisée que le consommateur relevant du public pertinent ne sera pas enclin à y voir ce groupe de lettres.

44      Partant, force est de conclure que, ainsi que la chambre de recours l’a constaté à bon droit, l’impression d’ensemble produite par les marques en conflit est différente, celles-ci ne présentant pas suffisamment de similitudes sur les plans visuel et phonétique, ni de similitudes sur le plan conceptuel.

45      Une des conditions cumulatives d’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 faisant défaut, il n’y a pas lieu de procéder à l’examen des arguments de la requérante qui se rapportent au degré de similitude entre les produits visés par elles ou à l’appréciation globale du risque de confusion [voir, en ce sens, arrêt du 31 janvier 2013, K2 Sports Europe/OHMI – Karhu Sport Iberica (SPORT), T‑54/12, non publié, EU:T:2013:50, point 51].

46      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, n’est pas fondé. Par conséquent, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Japan Tobacco, Inc., supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), ainsi que par I.J. Tobacco Industry FZE.

Gratsias

Valančius

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 décembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.