Language of document : ECLI:EU:T:2023:91

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

1er mars 2023 (*)  (1)

« Subventions – Importations de produits de fibre de verre à filament continu originaires d’Égypte – Règlement d’exécution (UE) 2020/870 – Droit compensateur définitif et perception définitive du droit compensateur provisoire – Droits de la défense – Imputabilité de la subvention – Erreur manifeste d’appréciation – Système de ristourne des droits à l’importation – Traitement fiscal des pertes de change – Calcul de la marge de sous-cotation »

Dans l’affaire T‑540/20,

Jushi Egypt for Fiberglass Industry SAE, établie à Ain Soukhna (Égypte), représentée par Mes B. Servais et V. Crochet, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Kienapfel, G. Luengo et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Association des producteurs de fibres de verre européens (APFE), établie à Ixelles (Belgique), représentée par Mes L. Ruessmann et J. Beck, avocats,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger, Mmes N. Półtorak, O. Porchia et M. Stancu (rapporteure), juges,

greffier : Mme M. Zwozdziak-Carbonne, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 22 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Jushi Egypt for Fiberglass Industry SAE, demande l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2020/870 de la Commission, du 24 juin 2020, instituant un droit compensateur définitif et portant perception définitive du droit compensateur provisoire sur les importations de produits de fibre de verre à filament continu originaires d’Égypte, et portant perception du droit compensateur définitif sur les importations enregistrées de produits de fibre de verre à filament continu originaires d’Égypte (JO 2020, L 201, p. 10, ci-après le « règlement d’exécution attaqué »), en tant qu’il la concerne.

I.      Antécédents du litige

2        La requérante est une société constituée conformément à la législation de la République arabe d’Égypte, dont les actionnaires sont des entités chinoises. L’activité de la requérante consiste en la production et l’exportation de certains tissus en fibres de verre tissées ou cousues (ci‑après les « TFV ») et de produits de fibre de verre à filament continu (ci‑après les « SFV »), ces derniers constituant la principale matière première utilisée pour produire des TFV. Ces produits sont vendus notamment au sein de l’Union européenne.

A.      Sur la zone de coopération économique et commerciale sino-égyptienne de Suez

3        La requérante est établie dans la zone de coopération économique et commerciale sino-égyptienne de Suez (Égypte) (ci-après la « zone CECS »). La zone CECS a été créée conjointement par la République arabe d’Égypte et la République populaire de Chine. Ses origines remontent aux années 1990. En 1997, les Premiers ministres chinois et égyptien ont signé un protocole d’accord, dans lequel les deux pays convenaient de « coopérer au développement de la zone économique franche dans le nord du golfe de Suez ».

4        En 2002, une zone géographique plus vaste de 20 km2, qui comprenait la zone CECS, a été classée comme zone économique spéciale par les pouvoirs publics égyptiens, rendant ainsi applicable à la zone CECS la loi égyptienne no 83/2002 sur les zones économiques spéciales (ci-après la « loi no 83/2002 »).

5        Ensuite, des entités publiques chinoises et égyptiennes ont créé l’entreprise Egypt TEDA Investment Co. (ci-après « Egypt TEDA »), dont 80 % de parts sont détenues par les pouvoirs publics chinois et les 20 % restants par les pouvoirs publics égyptiens.

6        En 2012, lors d’une visite du président égyptien en Chine, ce dernier a qualifié la zone CECS de projet clé pour la coopération bilatérale entre les deux pays. Il a également exprimé le souhait que de plus en plus d’entreprises chinoises investissent dans la zone CECS et participent ainsi au programme de redressement de l’Égypte.

7        En 2013, la zone CECS a été étendue de 6 km2, en vertu d’un contrat entre Egypt TEDA et les autorités égyptiennes. À partir de la même année, la zone CECS a été développée dans le cadre de l’initiative chinoise « Une ceinture, une route ». Cette initiative, selon les avis d’orientation du Conseil chinois des affaires de l’État sur la promotion de la coopération internationale en matière de capacités de production et de fabrication d’équipements du 13 mai 2015, comprend la possibilité pour les entreprises qui « s’installent à l’étranger », de bénéficier de politiques fiscales et d’une aide fiscale, de prêts assortis de conditions libérales, d’un soutien financier accordé par le biais de prêts syndiqués, de crédits à l’exportation et au financement de projets, d’investissements en capitaux et d’assurances-crédits à l’exportation.

8        En 2015, la zone économique spéciale mentionnée au point 4 ci-dessus, dont la zone CECS faisait partie, a été officiellement intégrée dans la zone économique du canal de Suez (ci-après la « ZCS »), une zone plus vaste, englobant la région proche du canal de Suez et régie par la loi no 83/2002, dans le contexte du « plan de développement du corridor du canal de Suez » lancé par l’Égypte.

9        En 2016, les présidents chinois et égyptien ont officiellement inauguré le projet d’extension de 6 km2 de la zone CECS et ont signé, le 21 janvier 2016, un accord entre les pouvoirs publics chinois et les pouvoirs publics égyptiens (ci-après l’« accord de coopération de 2016 »), qui a précisé l’envergure et le statut juridique de la zone CECS.

10      Conformément à l’accord de coopération de 2016, les pouvoirs publics des deux pays développent conjointement la zone CECS. Ils le font conformément à leurs stratégies nationales respectives, à savoir l’initiative « Une ceinture, une route » pour la Chine, d’une part, et le plan de développement du corridor du canal de Suez pour l’Égypte, d’autre part. À cette fin, les pouvoirs publics égyptiens fournissent les terrains, la main-d’œuvre et certaines exonérations fiscales, alors que les entreprises chinoises actives dans la zone gèrent l’installation de production avec leurs moyens et leurs dirigeants. Compensant un manque de fonds égyptiens, les pouvoirs publics chinois soutiennent également ce projet en mettant les moyens financiers nécessaires à la disposition de Egypt TEDA et des entreprises chinoises actives dans la zone CECS.

B.      Sur la procédure ayant mené à l’adoption du règlement d’exécution attaqué

11      Le 24 avril 2019, la Commission a été saisie d’une plainte déposée par l’intervenante, l’Association des producteurs de fibres de verre européens (APFE), au nom de producteurs représentant 71 % de la production totale de l’Union, selon laquelle les importations de SFV originaires d’Égypte auraient fait l’objet de subventions et causé un préjudice à l’industrie de l’Union.

12      À la suite de cette plainte, la Commission, sur la base de l’article 10 du règlement (UE) 2016/1037 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 55, ci-après le « règlement antisubventions de base »), a ouvert, le 7 juin 2019, une enquête antisubventions concernant les importations de SFV et, plus précisément, ainsi qu’il ressort du point 2 de l’avis d’ouverture de cette enquête, de fils coupés en fibre de verre d’une longueur ne dépassant pas 50 mm, en stratifils (rovings) en fibre de verre, à l’exclusion des stratifils en fibre de verre imprégnés et enrobés ayant une perte au feu supérieure à 3 % (déterminée conformément à la norme ISO 1887) et en mats en filaments de fibre de verre, à l’exclusion des mats en laine de verre.

13      L’enquête relative aux subventions et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er avril 2018 et le 31 mars 2019, tandis que l’examen des tendances utiles pour la détermination du préjudice a couvert la période comprise entre le 1er janvier 2016 et la fin de la période d’enquête.

14      Pendant la période d’enquête, la requérante a vendu des SFV à des clients indépendants, tant en Égypte qu’à l’étranger. Elle a également vendu des SFV à trois clients liés dans l’Union, à savoir Jushi Spain SA, Jushi France SAS et Jushi ltalia Srl, ainsi qu’à Hengshi Egypt Fiberglass Fabrics SAE (ci‑après « Hengshi »), également située dans la zone CECS.

15      La requérante a soumis ses observations à la Commission concernant les subventions et le préjudice le 24 juin 2019 et déposé sa réponse au questionnaire antisubventions en juillet 2019. La Commission a également procédé à une visite de vérification dans les locaux de la requérante.

16      Le 7 août 2019, les pouvoirs publics égyptiens ont également déposé leur réponse au questionnaire antisubventions.

17      Le 12 février 2020, la Commission a modifié l’avis d’ouverture du 7 juin 2019, puisqu’elle a découvert des éléments de preuve supplémentaires relatifs à des subventions à prendre en compte dans le cadre de l’enquête antisubventions, à savoir des prêts préférentiels prétendument octroyés par des banques chinoises publiques ou contrôlées par l’État à la requérante, et a considéré qu’il était justifié d’inclure ces subventions dans le champ de l’enquête en cours, conformément à l’article 10, paragraphe 7, du règlement antisubventions de base. La Commission a ajouté qu’elle examinerait en outre si la coopération entre les pouvoirs publics égyptiens et les pouvoirs publics chinois avait influé sur d’autres programmes de subventions.

18      Après avoir modifié l’avis d’ouverture, la Commission a adressé, le 12 février 2020, une demande d’informations à la requérante ainsi qu’aux pouvoirs publics égyptiens concernant les programmes de subventions supplémentaires inclus dans le champ de l’enquête.

19      Le 14 février 2020, la Commission a envoyé son document de notification préalable, informant la requérante de son intention d’instituer des mesures compensatoires provisoires sur les importations de SFV. Le même jour, la Commission a également publié le règlement d’exécution (UE) 2020/199, du 13 février 2020, soumettant à enregistrement les importations de produits de fibre de verre à filament continu originaires d’Égypte (JO 2020, L 42, p. 10). La requérante a soumis ses observations sur cette notification le 19 février 2020.

20      Le 17 février 2020, les pouvoirs publics égyptiens ont présenté leurs observations en réponse à la demande d’informations de la Commission, dans lesquelles ils demandaient de retirer cette demande d’informations, étant donné qu’ils ne possédaient aucune autorité légale pour coordonner la réponse des entités chinoises situées en dehors de leur territoire souverain. Le 20 février 2020, la Commission a répondu à la lettre des pouvoirs publics égyptiens en insistant sur le fait que les informations demandées pouvaient être fournies par eux seuls ou en coopération avec les pouvoirs publics chinois. Le 27 février 2020, les pouvoirs publics égyptiens ont adressé une lettre supplémentaire en réitérant leur demande visant à ce que la Commission retire sa demande d’informations au motif que les actions d’entités chinoises ne pouvaient pas être légalement attribuées aux pouvoirs publics égyptiens et que la Commission violait leurs droits de la défense. Dans cette lettre, ils ont également sollicité une audition auprès du conseiller-auditeur, qui s’est tenue le 1er avril 2020.

21      Les pouvoirs publics égyptiens, ainsi que la requérante, ont finalement soumis leurs réponses à la demande d’informations de la Commission le 5 mars 2020.

22      Le 4 mars 2020, la Commission a adressé son information préalable à la requérante. Le lendemain, elle a adopté le règlement d’exécution (UE) 2020/379, instituant un droit compensateur provisoire sur les importations de produits de fibre de verre à filament continu originaires d’Égypte (JO 2020, L 69, p. 14, ci-après le « règlement d’exécution provisoire »). Ce règlement d’exécution a été publié le 6 mars 2020 au Journal officiel de l’Union européenne et a institué un droit compensateur provisoire de 8,7 % à la requérante.

23      Par la lettre du 18 mars 2020, la Commission a informé la requérante que, sur la base de ses réponses fournies à la demande d’informations, elle devait envisager l’application des dispositions de l’article 28 du règlement antisubventions de base concernant certaines des informations demandées. Celle-ci a répondu à cette lettre le 20 mars 2020.

24      Le 18 mars 2020 également, la requérante a présenté ses observations sur le règlement d’exécution provisoire et une audition relative à ce règlement d’exécution a ensuite eu lieu avec la Commission.

25      Le 29 avril 2020, la Commission a adressé son information finale à la requérante, au sujet de laquelle elle a présenté ses observations le 9 mai 2020. Une audition concernant cette information s’est ensuite tenue avec la Commission.

26      Le 24 juin 2020, la Commission a adopté le règlement d’exécution attaqué. Ledit règlement d’exécution institue un droit compensateur définitif de 13,1 % sur les importations des SFV de la requérante à destination de l’Union.

II.    Conclusions des parties

27      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement d’exécution attaqué en tant qu’il la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        condamner l’intervenante à supporter ses propres dépens.

28      La Commission et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

29      La requérante soulève cinq moyens au soutien de son recours. Ils sont tirés, le premier, du fait que la décision de la Commission de compenser les contributions financières accordées à la requérante par des organismes publics chinois viole l’article 2, sous a) et b), l’article 3, paragraphe 1, sous a), l’article 4, paragraphes 2 et 3, et l’article 28 du règlement antisubventions de base ainsi que les droits de la défense des pouvoirs publics égyptiens, le deuxième, du fait que la décision de la Commission concernant la fourniture de terrains à la requérante viole ses droits de la défense, l’article 30 du règlement antisubventions de base ainsi que l’article 3, paragraphe 2, l’article 5 et l’article 6, sous d), du règlement antisubventions de base, le troisième, du fait que la décision de la Commission de compenser le système de remises sur les droits à l’importation pour les matériaux importés utilisés par la requérante pour produire les SFV vendus à Hengshi, viole l’article 3, paragraphe 1, sous a), ii), et paragraphe 2, ainsi que l’article 5 du règlement antisubventions de base, le quatrième, du fait que la décision de la Commission de compenser le traitement fiscal des pertes de change viole l’article 3, paragraphe 2, et l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement antisubventions de base et, le cinquième, du fait que la méthode de la Commission pour déterminer la marge de sous-cotation de prix de la requérante viole l’article 1er, paragraphe 1, l’article 2, sous d), ainsi que l’article 8, paragraphes 1, 2 et 5, du règlement antisubventions de base.

A.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2, sous a) et b), de l’article 3, point 1, sous a), de l’article 4, paragraphes 2 et 3, ainsi que de l’article 28, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base

30      Ce moyen se divise en trois branches.

1.      Sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 28, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base ainsi que des droits de la défense des pouvoirs publics égyptiens 

31      Par la première branche du premier moyen, la requérante invoque, en substance, une violation des droits de la défense des pouvoirs publics égyptiens, en ce que la Commission leur aurait demandé de fournir des informations dont ils ne disposaient pas. Ces informations concerneraient le secteur financier chinois, la commission bancaire chinoise, la société d’assurance-crédit à l’exportation chinoise, des banques publiques telles que la China Development Bank et l’Export-Import Bank of China, ainsi que d’autres banques commerciales détenues par l’État, le fonds de développement sino-africain et la zone économique et de coopération à l’étranger approuvée par le ministère du Commerce chinois. Compte tenu des manquements des pouvoirs publics égyptiens dans la fourniture d’informations, la Commission aurait fait application de l’article 28, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base pour instituer des droits compensateurs au sujet de certaines subventions, telles que les prêts préférentiels octroyés par des organismes publics chinois, l’aide des organismes publics chinois à l’investissement en capital et la fourniture de terrain pour une rémunération moins qu’adéquate.

32      La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste la recevabilité de cette branche, dès lors que la requérante ne saurait invoquer la violation des droits procéduraux d’une autre partie intéressée.

33      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’un moyen d’annulation est irrecevable au motif que l’intérêt à agir fait défaut lorsque, à supposer même qu’il soit fondé, l’annulation de l’acte attaqué sur la base de ce moyen ne serait pas de nature à donner satisfaction à la partie requérante (voir arrêt du 9 juin 2011, Evropaïki Dynamiki/BCE, C‑401/09 P, EU:C:2011:370, point 49 et jurisprudence citée).

34      En d’autres termes, un moyen d’annulation n’est recevable que s’il est susceptible de fonder une annulation dont la partie requérante puisse tirer profit, c’est-à-dire à laquelle elle ait personnellement intérêt (arrêt du 11 juillet 2007, Wils/Parlement, F‑105/05, EU:F:2007:128, point 38).

35      En particulier, la violation des droits de la défense constitue une illégalité subjective par sa nature, laquelle doit donc être invoquée par la personne concernée elle-même. Ainsi, la violation d’un droit subjectif ne peut être invoquée que par la personne dont le droit a prétendument été violé, mais non par des tiers (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, Zhejiang Jndia Pipeline Industry/Commission, T‑228/17, EU:T:2019:619, points 31 et 36 et jurisprudence citée).

36      En l’espèce, il convient de constater que la requérante invoque, en substance, la violation des droits de la défense d’un tiers, en l’occurrence la République arabe d’Égypte, en ce que la Commission aurait demandé à cet État de fournir des informations dont il ne disposait pas. Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 33 à 35 ci-dessus, la requérante n’est pas recevable à invoquer un moyen tiré d’une violation des droits de la défense d’un tiers.

37      La première branche du premier moyen doit donc être rejetée.

2.      Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 2, sous a) et b), ainsi que de l’article 3, point 1, sous a), du règlement antisubventions de base

38      La requérante invoque trois griefs principaux au soutien de cette branche. Premièrement, selon elle, l’interprétation par la Commission de l’article 3, point 1), sous a), du règlement antisubventions de base n’est pas justifiée au regard du droit de l’Union. Deuxièmement, l’invocation par la Commission du droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour interpréter l’article 3, point 1), sous a), de ce règlement serait dépourvue de fondement. Troisièmement, l’interprétation par la Commission de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), 1), de l’accord sur les subventions et les mesures compensatoires (ci-après l’« accord SMC ») ne respecterait pas la jurisprudence de l’OMC et le droit international public.

39      À l’appui du premier grief, la requérante soutient qu’il ressort de l’interprétation littérale de l’article 3, point 1, sous a), du règlement antisubventions de base, dont le libellé serait clair et précis et sans qu’il soit besoin d’ailleurs de l’interpréter à la lumière de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (ci-après la « convention de Vienne ») et du projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite, tel qu’il a été adopté en 2001 par la Commission du droit international des Nations unies (ci-après les « articles de la CDI »), que non seulement les pouvoirs publics octroyant la contribution financière, mais aussi la contribution financière elle-même doivent être du ressort territorial du pays d’origine ou d’exportation. Cette interprétation serait confortée par le contexte global du règlement antisubventions de base, notamment l’article 10, paragraphe 7, et l’article 13, paragraphe 1, de ce dernier.

40      À l’appui du deuxième grief, la requérante fait valoir que c’est à tort que la Commission a interprété l’article 3, point 1, sous a), du règlement antisubventions de base à la lumière du droit de l’OMC. Elle indique que si, selon la jurisprudence, le juge de l’Union peut contrôler la légalité d’un acte de l’Union à la lumière des règles de l’OMC lorsque l’Union entend donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC, toutefois, en l’espèce, une interprétation à la lumière du droit de l’OMC ne peut être invoquée à l’égard des dispositions du règlement antisubventions de base qui diffèrent de celles de l’accord SMC. Or, selon la requérante, les termes de l’accord SMC diffèrent manifestement de ceux utilisés par ce règlement en ce qui concerne la définition de la notion de « subvention ».

41      À l’appui du troisième grief, la requérante argue que, à supposer qu’il doive être tenu compte du droit de l’OMC pour interpréter l’expression « pouvoirs publics » dans le règlement antisubventions de base, l’interprétation par la Commission de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), 1), de l’accord SMC demeure erronée, dans la mesure où elle méconnaît l’article 31, paragraphes 1 et 3, de la convention de Vienne. En effet, il ressortirait clairement de cet article de l’accord SMC que les actes des pouvoirs publics de pays tiers ne peuvent être attribués aux pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation. Cette interprétation serait confirmée par d’autres dispositions de cet accord, telles que l’article 13, paragraphes 1, 2 et 4, et l’article 18, paragraphe 1, sous a).

42      En outre, l’article 11 des articles de la CDI ne serait pas une règle « pertinente » de droit international au sens de l’article 31, paragraphe 3, sous c), de la convention de Vienne pour interpréter l’expression « pouvoirs publics » figurant à l’article 1er, paragraphe 1, sous a), 1, de l’accord SMC. L’organe d’appel de l’OMC n’en aurait pas jugé autrement dans l’affaire « États-Unis – Droits antidumping et droits compensateurs définitifs visant certains produits en provenance de Chine » (WT/DS 379/AB/R). Dans la réplique, la requérante ajoute que, si le droit applicable dans cette enquête avait été l’accord SMC au lieu du règlement antisubventions de base, la Commission aurait pu qualifier de subventions, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de l’accord SMC, les contributions financières accordées par des entités chinoises à la requérante, et ce sans avoir à « attribuer » ces contributions financières aux pouvoirs publics égyptiens sur la base de l’article 11 des articles de la CDI. L’article 11 des articles de la CDI ne serait en tout état de cause pas applicable au cas d’espèce, dès lors qu’il a vocation à régir le comportement d’un État incorporé à un autre État à la suite de l’acquisition d’un territoire, qui est attribuable à l’État succédant, ou encore l’adoption ultérieure par un État d’un comportement répréhensible privé qui a été commis ou est en train de l’être. En effet, ce seraient les articles 16 à 18 des articles de la CDI qui régissent la responsabilité de l’État en raison du fait d’un autre État, et non l’article 11 de ces articles.

43      La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste ces arguments.

44      Ainsi qu’il ressort du point 39 ci-dessus, selon la requérante, l’interprétation par la Commission de l’article 3, point 1), sous a), du règlement antisubventions de base, notamment de la notion de « pouvoirs publics » du pays d’origine ou d’exportation, n’est pas justifiée au regard du droit de l’Union.

45      Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, chaque disposition de droit de l’Union doit être replacée dans son contexte et interprétée à la lumière de l’ensemble des dispositions de ce droit, de ses finalités et de l’état de son évolution à la date à laquelle l’application de la disposition en cause doit être faite (voir, en ce sens, arrêt du 28 juillet 2016, Association France Nature Environnement, C‑379/15, EU:C:2016:603, point 49 et jurisprudence citée).

46      À cet égard, il convient de rappeler, premièrement, que l’article 3 du règlement antisubventions de base dispose qu’une subvention est réputée exister si les conditions énoncées à ses points 1 et 2 sont remplies, à savoir s’il y a une « contribution financière » des pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation et si un « avantage » est ainsi conféré.

47      L’article 2, sous b), dudit règlement définit la notion de « pouvoirs publics » comme tout organisme public du ressort territorial du pays d’origine ou d’exportation.

48      Or, la définition de « pouvoirs publics » figurant à cet article se limite à interpréter la notion de « pouvoirs publics » comme incluant les organismes publics du pays d’origine ou d’exportation. Toutefois, cette disposition n’exclut pas que la contribution financière puisse être imputée aux pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation du produit concerné, en vertu des éléments de preuve spécifiques disponibles.

49      Deuxièmement, il convient de relever que le considérant 5 de ce règlement dispose qu’« [i]l est nécessaire, en déterminant l’existence d’une subvention, de démontrer l’octroi d’une contribution financière par les pouvoirs publics ou tout organisme public, sur le territoire d’un pays, ou l’existence d’une forme de protection des revenus ou de soutien des prix au sens de l’article XVI du GATT 1994, et qu’un avantage a bénéficié à une entreprise ».

50      Or, les termes « sur le territoire d’un pays » employés dans ce considérant n’impliquent pas que la contribution financière doive provenir directement des pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation. Au contraire, l’utilisation de ces termes, ainsi que le relève la Commission, n’exclut pas la possibilité de conclure que les contributions financières peuvent être imputées aux pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation du produit considéré.

51      Ainsi, le règlement antisubventions de base n’exclut pas que, même si la contribution financière ne provient pas directement des pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation, cette contribution puisse leur être imputée.

52      La conclusion qui précède est d’autant plus pertinente dans le contexte spécifique de la zone CECS, sur laquelle est implantée la requérante.

53      En premier lieu, la Commission a pris en considération, au considérant 78 du règlement d’exécution attaqué, deux déclarations de deux présidents égyptiens relatives à la zone CECS. Une première, datant de 2012, qualifiait cette zone de projet clé pour la coopération bilatérale entre l’Égypte et la Chine. Une deuxième, datant de 2014, était relative à l’initiative « Une ceinture, une route » et précisait notamment que cette initiative était une opportunité importante pour le redressement égyptien et que les autorités égyptiennes étaient prêtes à participer activement et à apporter leur soutien. Les autorités égyptiennes souhaitaient coopérer avec la Chine pour développer, notamment, les projets du corridor du canal de Suez et de la zone CECS et inciter les entreprises chinoises à investir en Égypte.

54      À cet égard, le considérant 79 du règlement d’exécution attaqué indique que les caractéristiques de l’initiative chinoise « Une ceinture, une route » sont connues et que, selon les avis d’orientation du conseil des affaires d’État sur la promotion de la coopération internationale en matière de capacité de production et de fabrication d’équipements chinois du 13 mai 2015, les mesures que les entreprises qui « s’installent à l’étranger » peuvent recevoir comprennent notamment les politiques fiscales et d’aide fiscale, les prêts assortis de conditions libérales, le soutien financier accordé par le biais de prêts syndiqués, les crédits à l’exportation et le financement de projets, les investissements en fonds propres et enfin, l’assurance-crédit à l’exportation.

55      En deuxième lieu, la Commission a pris en considération, au considérant 81 du règlement d’exécution attaqué, le fait que la zone CECS a fait l’objet de l’accord de coopération de 2016 entre les pouvoirs publics chinois et égyptiens. Or, cet accord prévoit notamment, selon son article 1er, de laisser la possibilité à la République populaire de Chine d’appliquer certaines de ses lois au sein de la zone CECS. L’article 4, paragraphe 1, dudit accord prévoit que « [l]e gouvernement chinois considère la zone [CECS] comme la zone de coopération économique et commerciale de la Chine à l’étranger » et que « [l]a zone de coopération, pendant la construction, l’attraction des exploitants et l’exploitation, a droit au soutien politique et à la facilitation fournis par le gouvernement chinois pour les zones de coopération économique et commerciale d’outre-mer ». L’article 5, paragraphe 1, de cet accord dispose également que les pouvoirs publics chinois soutiennent la zone de coopération en « [e]ncourageant les établissements financiers concernés à offrir une facilité financière en faveur […] des projets d’investissement situés dans la zone de coopération, pour autant que les conditions de prêt et les exigences d’utilisation des prêts soient respectées ».

56      En troisième lieu, le considérant 48 du règlement d’exécution attaqué indique que, pour assurer la mise en œuvre de l’accord de coopération de 2016, les pouvoirs publics chinois et égyptiens ont mis en place un mécanisme de consultation à trois niveaux, notamment un accord de coopération pour la création d’une commission administrative chargée de la zone CECS, un comité de direction de la zone, puis un signalement des problèmes et des difficultés par la société Egypt TEDA et les homologues égyptiens. Il ressort d’ailleurs du considérant 40 du même règlement qu’Egypt TEDA est détenue à 80 % par les pouvoirs publics chinois et à 20 % par les pouvoirs publics égyptiens et vise à favoriser le développement de la zone CECS en Égypte.

57      Enfin, il ressort du considérant 173 du règlement d’exécution attaqué que le soutien financier accordé à la requérante était particulièrement significatif.

58      Les pouvoirs publics chinois et égyptiens ont donc, en étroite collaboration, mis en place la zone CECS comme une zone présentant des particularités juridiques et économiques qui permettaient aux autorités publiques chinoises d’accorder directement toutes les facilités inhérentes à l’initiative chinoise « Une ceinture, une route » aux entreprises chinoises établies dans cette zone.

59      Dans ces conditions, il ne saurait être admis qu’une construction économique et juridique d’une ampleur, telle que celle de la zone CECS, conçue en étroite collaboration entre les pouvoirs publics chinois et égyptiens au plus haut niveau, soit soustraite au règlement antisubventions de base, sans que cela porte atteinte à son effet utile ou à sa finalité et à ses objectifs.

60      Troisièmement, contrairement à ce qu’affirme la requérante, l’interprétation de la Commission de l’article 3, point 1, sous a), du règlement antisubventions de base n’est contraire ni à l’article 10, paragraphe 7, ni à l’article 13, paragraphe 1, de ce même règlement. En effet, s’agissant de l’article 10, paragraphe 7, le règlement antisubventions de base n’exclut nullement que les pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation puissent être consultés sur les contributions financières qui leur sont imputables. En l’espèce, il ressort d’ailleurs du dossier que la Commission a bien invité les pouvoirs publics égyptiens à engager des consultations sur des questions telles que les prêts préférentiels accordés par des entités chinoises.

61      S’agissant de l’article 13, paragraphe 1, dudit règlement, qui permet notamment au pays d’origine ou d’exportation d’éliminer la subvention, de la limiter ou de prendre d’autres mesures relatives à ses effets, une telle possibilité reste valable dans les cas où la contribution financière peut être imputée aux pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation. En effet, en l’espèce, les pouvoirs publics égyptiens avaient la possibilité de mettre fin à la coopération étroite avec les pouvoirs publics chinois en ce qui concerne les contributions financières ou de proposer des mesures visant à limiter les effets des subventions en cause.

62      Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que ni l’article 3, point 1, sous a), du règlement antisubventions de base, ni l’économie générale de celui-ci n’excluent qu’une contribution financière accordée par les pouvoirs publics d’un pays tiers puisse être imputée aux pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation dans un cas tel que celui en cause en l’espèce, au vu des éléments de preuve spécifiques disponibles, tels qu’ils sont exposés aux points 53 à 58 ci-dessus.

63      En outre, contrairement à ce que la requérante allègue, cette conclusion est confortée par les dispositions de l’article 1er de l’accord SMC, à la lumière duquel il faut interpréter le règlement antisubventions de base. À cet égard, il convient de rappeler que, dans l’hypothèse où l’Union aurait entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC, ou dans l’hypothèse où l’acte de l’Union renverrait expressément à des dispositions précises des accords de l’OMC, il appartient au juge de l’Union de contrôler la légalité de l’acte de l’Union en cause au regard des règles de l’OMC (voir, par analogie, arrêt du 14 juillet 2021, Interpipe Niko Tube et Interpipe Nizhnedneprovsky Tube Rolling Plant/Commission, T‑716/19, EU:T:2021:457, point 95 et jurisprudence citée).

64      Or, il ressort du considérant 3 du règlement antisubventions de base que ce dernier a notamment pour objet de « transposer » en droit de l’Union, « dans la mesure du possible », les règles de l’accord SMC.

65      Par ailleurs, il a déjà été établi par la jurisprudence que l’article 3 du règlement antisubventions de base, intitulé « Définition d’une subvention », et l’article 1er de l’accord SMC sont en très grande partie identiques quant à leur libellé et entièrement identiques quant à leur substance (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 99).

66      En outre, aucune volonté du législateur de s’écarter de la substance de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), 1), de l’accord SMC ne ressort des considérants du règlement antisubventions de base. Au contraire, ainsi qu’il ressort du considérant 3 de ce règlement cité au point 64 ci-dessus, le législateur a bien voulu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’accord SMC au sens de la jurisprudence citée au point 63 ci-dessus.

67      Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions du règlement antisubventions de base doivent être interprétées, dans la mesure du possible, à la lumière des dispositions correspondantes de l’accord SMC (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 101). Il en va de même de l’article 3 de ce règlement, qui vise à mettre en œuvre le contenu de l’article 1er de l’accord SMC (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 102).

68      S’agissant de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), 1), de l’accord SMC, il convient de relever, en premier lieu, que ce dernier définit la subvention comme étant une contribution financière des pouvoirs publics ou de tout organisme public du ressort territorial d’« un » membre de l’OMC. Cette formulation n’exclut donc pas la possibilité qu’une contribution financière octroyée par un pays tiers puisse être imputée aux pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation, dès lors qu’il suffit que la contribution financière des pouvoirs publics ou de tout organisme public soit du ressort territorial d’« un » membre de l’OMC.

69      En deuxième lieu, les articles 13 et 18 de l’accord SMC, qui portent respectivement sur les consultations et les engagements, ne remettent pas en cause les considérations qui précèdent. En effet, le libellé et l’objet de ces dispositions n’excluent pas les situations dans lesquelles la contribution financière est imputée à un membre de l’OMC, dès lors que, d’une part, les membres dont les produits pourront faire l’objet d’une enquête peuvent être consultés sur des contributions financières qui leur sont imputables et, d’autre part, les membres dont les produits pourront faire l’objet d’une enquête peuvent imposer des limitations aux subventions qui leur sont imputables.

70      Eu égard à ce qui précède, il convient de relever que, dès lors que la Commission a correctement interprété le règlement antisubventions de base à la lumière de l’accord SMC, la circonstance qu’elle a ou non pris en compte l’article 11 des articles de la CDI est inopérante. Partant, il convient de rejeter également le troisième grief de la présente branche et, par voie de conséquence, celle-ci dans son intégralité.

3.      Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement antisubventions de base

71      La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a méconnu l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement antisubventions de base en ce qu’elle a compensé des contributions en sa faveur, qui ne relève pas du ressort territorial de l’autorité qui a accordé les subventions. En effet, selon elle, il ressort de ces dispositions qu’une subvention doit, pour être considérée comme étant spécifique au sens du règlement antisubventions de base, être mise à la disposition d’entreprises « relevant de la juridiction de l’autorité qui accorde la subvention » et que l’autorité sous la juridiction de laquelle les entreprises recevant les subventions doivent être placées est celle qui accorde les subventions et non celle qui aurait reconnu ou adopté ces subventions. Une telle interprétation serait également confirmée par la pratique de la Commission ainsi que par la jurisprudence de l’OMC, notamment dans l’affaire « États-Unis – Droits antidumping et droits compensateurs définitifs visant certains produits en provenance de Chine » (WT/DS 379/AB/R). Or, dans la mesure où, en l’espèce, l’autorité accordant les subventions responsable des actions des organismes publics, tels que les banques d’État, la commission de supervision et d’administration des actifs publics du conseil des affaires de l’État (SASAC) et le fonds de la route de la soie, était la République populaire de Chine et non les pouvoirs publics égyptiens, la requérante en conclut que les entreprises situées en Égypte ne relèvent pas de la juridiction de l’autorité qui accorde les subventions et que, dès lors, les contributions financières qui lui ont été accordées par ces organismes ne peuvent pas être considérées comme spécifiques au sens de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement antisubventions de base. Cette conclusion serait renforcée par le fait que ces subventions n’ont pas été accordées directement à la requérante par lesdits organismes, mais ont été octroyées à ses sociétés mères en Chine.

72      La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste ces arguments.

73      À cet égard, l’article 4 du règlement antisubventions de base prévoit à son paragraphe 3 qu’une subvention, qui est limitée à certaines entreprises situées à l’intérieur d’une région géographique déterminée relevant de la juridiction de l’autorité qui accorde la subvention, est spécifique.

74      Il ressort de l’analyse de la deuxième branche du premier moyen que le soutien préférentiel octroyé par les pouvoirs publics chinois peut être imputé aux pouvoirs publics égyptiens. En effet, comme le soutient la Commission, l’imputabilité aux pouvoirs publics égyptiens des mesures préférentielles accordées par les pouvoirs publics chinois dont ont bénéficié les sociétés chinoises établies dans la zone CECS implique que les pouvoirs publics égyptiens ont la qualité d’autorités ayant accordé les financements préférentiels. Par ailleurs, cette considération est valable tant pour les prêts accordés directement à la requérante que pour les prêts accordés aux sociétés mères de la requérante en Chine, dont la requérante a bénéficié.

75      Il s’ensuit que la Commission n’a pas méconnu l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement antisubventions de base.

76      Partant, il convient de rejeter la troisième branche et le premier moyen dans son ensemble.

B.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 30, de l’article 3, point 2, de l’article 5 ainsi que de l’article 6, sous d), du règlement antisubventions de base

77      Ce moyen se compose de deux branches.

1.      Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’article 30 du règlement antisubventions de base ainsi que des droits de la défense

78      La requérante soutient que la Commission a méconnu ses droits de la défense ainsi que l’article 30 du règlement antisubventions de base, dès lors qu’elle n’aurait pas divulgué, avant la publication du règlement d’exécution attaqué, à elle ou aux pouvoirs publics égyptiens, son raisonnement complet sur le calcul du montant de l’avantage résultant de la fourniture de terrains à la requérante, en particulier en ce qui concerne le calcul de la valeur du droit d’usufruit, tel qu’il figure au considérant 281 du règlement d’exécution attaqué. La Commission l’aurait informée, certes, de son intention de compenser ladite fourniture de terrains en utilisant l’évaluation réalisée en 2016 par un comité d’experts afin de dresser une carte des prix demandés pour l’usufruit de terrains dans la ZCS (ci-après l’« évaluation foncière de 2016 ») comme valeur de référence pour calculer le montant de l’avantage. Elle n’aurait toutefois pas expliqué pour quelles raisons elle avait calculé le montant de l’avantage en multipliant la valeur annuelle du droit d’usufruit par 50 ans au lieu d’utiliser une formule de calcul adéquate.

79      Or, si elle avait déjà eu connaissance des motifs invoqués par la Commission au considérant 281 du règlement d’exécution attaqué dès le stade de la phase administrative, elle aurait pu fournir des preuves et des observations additionnelles réfutant les arguments de cette dernière, telles que celles qu’elle a présentées dans le cadre de la seconde branche du présent moyen. À cet égard, la requérante précise, d’une part, qu’elle aurait été en mesure de lui faire remarquer que les rubriques de l’évaluation foncière de 2016 prévoyaient clairement que les prix étaient fixés pour « [l]a valeur de marché actuelle de l’usufruit foncier annuel en dollars/m² » et, d’autre part, qu’elle aurait pu demander aux pouvoirs publics égyptiens de fournir des preuves supplémentaires confirmant que la modalité de paiement du taux annuel pour la valeur du droit d’usufruit, conformément à l’évaluation foncière de 2016, consistait en un versement annuel.

80      La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste ces arguments.

81      D’emblée, il convient d’observer que, en vertu de l’article 30, paragraphes 1 et 2, du règlement antisubventions de base, les exportateurs concernés peuvent demander une information finale sur les faits et les considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives. Cette obligation d’information finale vise à garantir le respect des droits de la défense des entreprises concernées (voir arrêt du 4 octobre 2006, Moser Baer India/Conseil, T‑300/03, EU:T:2006:289, point 125 et jurisprudence citée).

82      En outre, selon une jurisprudence constante en matière de mesures de défense commerciale, les entreprises concernées par une enquête précédant l’adoption de mesures définitives doivent être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués (voir arrêt du 4 octobre 2006, Moser Baer India/Conseil, T‑300/03, EU:T:2006:289, point 126 et jurisprudence citée).

83      Toutefois, il convient de préciser que le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, mais non à la position finale que l’administration entend adopter. Ainsi ce droit ne commande pas que, avant d’adopter sa position finale sur l’appréciation des éléments présentés par une partie, l’administration soit tenue d’offrir à cette dernière une nouvelle possibilité de s’exprimer à propos desdits éléments (voir, par analogie, arrêt du 14 juillet 2021, Interpipe Niko Tube et Interpipe Nizhnedneprovsky Tube Rolling Plant/Commission, T‑716/19, EU:T:2021:457, point 211 et jurisprudence citée).

84      Enfin, l’existence d’une irrégularité dans le respect de ces droits ne saurait conduire à l’annulation d’un règlement instaurant un droit compensateur que dans la mesure où il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent, affectant ainsi concrètement les droits de la défense de la partie concernée. Toutefois, il ne saurait être imposé à cette partie de démontrer que la décision de la Commission aurait été différente, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’était pas entièrement exclue, dès lors que ladite partie aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité procédurale dénoncée (voir, par analogie, arrêt du 14 juillet 2021, Interpipe Niko Tube et Interpipe Nizhnedneprovsky Tube Rolling Plant/Commission, T‑716/19, EU:T:2021:457, point 210 et jurisprudence citée). En revanche, il incombe à la partie concernée d’établir concrètement comment elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de ladite irrégularité procédurale, sans pouvoir se limiter à invoquer l’impossibilité de fournir des observations sur des situations hypothétiques (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 79).

85      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’analyser la présente branche.

86      Tout d’abord, il convient de rappeler que, au considérant 278 du règlement d’exécution attaqué, la Commission explique avoir reçu, à la suite de l’information finale, des commentaires de la part de la requérante faisant valoir plusieurs erreurs qu’elle aurait commises en déterminant la référence concernant la vente des terrains. La requérante arguait notamment que la valeur totale du droit d’usufruit sur une parcelle ne saurait être déterminée en multipliant le prix annuel de l’usufruit par la durée totale du contrat d’usufruit, mais bien en divisant le prix annuel de l’usufruit par le rendement moyen de l’investissement. La raison en serait que le montant annuel initial de l’usufruit diminue de valeur chaque année en raison de l’inflation. La Commission devait donc diviser le prix annuel par mètre carré en dollar des États-Unis (USD) par le bénéfice moyen escompté par Egypt TEDA sur le terrain.

87      C’est dans ce contexte que la Commission explique, au considérant 281 du règlement d’exécution attaqué, que, concernant cet argument, elle a estimé que la valeur d’un usufruit était normalement déterminée en tant que pourcentage de la valeur marchande de l’actif concerné (c’est-à-dire la valeur de la pleine propriété) selon la durée de l’usufruit : plus celle-ci est longue, plus la valeur de l’usufruit se rapproche de celle de la pleine propriété. Étant donné que la pleine propriété d’un terrain est, par définition, sans limitation de durée, la multiplication par 50 (50 ans) du taux d’usufruit annuel donnerait une valeur de référence toujours inférieure à la valeur réelle du terrain en pleine propriété. La Commission relève en outre que, dans l’exemple concret du contrat d’usufruit signé en 2016 par Egypt TEDA, le montant total pour l’obtention du droit d’usufruit devait être versé en une seule fois à la date de prise d’effet de ce droit. Puisqu’il n’y a pas eu de loyers annuels en tant que tels dans la réalité, l’argument avancé serait inopérant.

88      À cet égard, premièrement, il convient de relever que, déjà au stade de l’information finale, la Commission avait expliqué à la requérante les raisons pour lesquelles elle avait considéré que la valeur totale d’achat d’un terrain nu pour le promoteur pouvait être calculée en multipliant la valeur annuelle moyenne de l’usufruit dans la ZCS par la durée du contrat d’usufruit signé avec Egypte TEDA pour la zone d’expansion de 6 km2 de la zone CECS. En effet, force est de constater que le point 234 de l’information finale était rédigé de la même façon que le considérant 274 du règlement d’exécution attaqué. Or, la requérante ne conteste pas avoir pu faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des éléments et des circonstances alléguées dans cette information.

89      Deuxièmement, dans la mesure où l’explication de la Commission figurant au considérant 281 du règlement d’exécution attaqué constitue la réponse de cette dernière à un grief soulevé par la requérante dans le cadre de l’information finale et, de ce fait, un élément venant à l’appui de la position finale qu’elle entendait adopter, il ne saurait lui être reproché, sur la base de la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus, d’avoir méconnu les droits de la défense de la requérante en ne divulguant pas, pendant la phase administrative, cet élément.

90      Troisièmement, la requérante ne saurait valablement soutenir ni qu’elle aurait pu demander des informations supplémentaires aux pouvoirs publics égyptiens, ni qu’elle aurait pu invoquer devant la Commission les mêmes arguments que ceux qu’elle avait soulevés devant le Tribunal dans le cadre de la seconde branche du présent moyen si elle avait connu à l’avance le raisonnement de la Commission figurant au considérant 281 du règlement d’exécution attaqué.

91      En effet, d’une part, comme la Commission l’a clairement précisé aux considérants 266 et 274 du règlement d’exécution attaqué, ces pouvoirs publics ne lui ont communiqué ni des statistiques sur les prix des terrains dans la ZCS, ni les procédures de mise en concurrence relatives aux opérations d’achat effectuées par les promoteurs. En outre, même à la suite de l’adoption du règlement d’exécution attaqué et dans le cadre de la présente procédure juridictionnelle, la requérante n’a pas été en mesure de présenter les prétendues informations citées au point 79 ci-dessus dont disposeraient les pouvoirs publics égyptiens. D’autre part, il doit être relevé que, ainsi qu’il ressort du point 123 ci-après, tous les arguments avancés par la requérante dans le cadre de la seconde branche du présent moyen doivent être rejetés.

92      Ainsi, il n’est pas démontré que, si la requérante avait pu, pendant la procédure administrative, présenter les éléments de preuve ou les arguments supplémentaires cités au point 91 ci-dessus, la Commission aurait pu aboutir à une conclusion différente.

93      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter la première branche du deuxième moyen.

2.      Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’article 3, point 2, de l’article 5 ainsi que de l’article 6, sous d), du règlement antisubventions de base

94      Selon la requérante, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation lors de l’établissement de la valeur de référence pour le calcul du montant de l’avantage résultant de la fourniture de terrains. Elle présente trois griefs au soutien de cette branche.

a)      Sur le premier grief, tiré de l’utilisation d’une formule inadéquate pour calculer la valeur intégrale du droit d’usufruit

95      La requérante fait valoir que la Commission aurait appliqué une formule inadéquate pour calculer la valeur intégrale du droit d’usufruit, dès lors qu’elle aurait comparé le prix des parcelles achetées par la requérante en pleine propriété avec la valeur annuelle d’un droit d’usufruit multiplié par le nombre d’années de ce droit. Or, cette valeur de référence ne refléterait pas les caractéristiques de vente des parcelles de la requérante, car la valeur en pleine propriété d’un droit d’usufruit annuel sur une parcelle ne correspond pas à la valeur locative annuelle de cette parcelle multipliée par le nombre d’années du droit d’usufruit. En effet, dans la mesure où le paiement annuel d’un loyer en vertu d’un contrat d’usufruit peut être simplifié en un « droit perpétuel », à savoir un flux monétaire constant et identique sans fin, la Commission aurait dû utiliser la méthode des flux de trésorerie actualisés pour son calcul. Ce calcul correspond à la formule suivante :


« PV » = valeur actuelle ; « C » = flux de trésorerie ; « r » = taux d’actualisation.

96      Or, la formule adoptée par la Commission ne tiendrait pas compte du fait que chaque paiement n’est qu’une fraction du précédent en raison de la valeur temps de l’argent.

97      Ensuite, la circonstance que, dans l’exemple du contrat signé par Egypt TEDA en 2016 au sujet de l’expansion de 6 km2 de la zone CECS, le paiement total du droit d’usufruit a été effectué en une seule fois ne serait pas pertinente, dans la mesure où ce contrat établit un prix fixe pendant 50 ans et non un loyer annuel, et, en tout état de cause, le droit d’usufruit en question ne devrait pas être réglé en une seule fois, mais en plusieurs versements.

98      Enfin, la Commission se serait fondée de façon erronée sur l’évaluation foncière de 2016 pour déterminer la valeur de référence, puisque cette évaluation indique des prix pour la valeur annuelle de marché contemporaine de l’usufruit foncier et non des prix à payer en un versement unique. En outre, l’achat de l’usufruit en question par Egypt TEDA aurait été négocié avant la modification de la loi sur la propriété foncière et l’évaluation foncière de 2016, qui constitue le début d’une nouvelle pratique de fixation par les pouvoirs publics égyptiens des prix des droits d’usufruit dans la ZCS. En conséquence, la Commission aurait dû calculer la valeur de référence en appliquant une formule qui prenne en considération les conditions de paiement prévues dans cette évaluation, à savoir des versements annuels, et non se limiter à multiplier la valeur annuelle de l’usufruit foncier par le nombre estimé d’annuités de ce droit.

99      Par ailleurs, la requérante argue que, si la Commission avait des doutes à ce sujet, elle aurait dû, notamment eu égard à son obligation de mener son enquête avec diligence, demander des informations complémentaires aux pouvoirs publics égyptiens. Or, elle n’aurait pas demandé ces informations pertinentes et aurait même empêché les pouvoirs publics égyptiens de les fournir en ne divulguant pas son raisonnement avant l’adoption du règlement d’exécution attaqué.

100    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste ces arguments.

101    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la Commission a précisé, au considérant 274 du règlement d’exécution attaqué, que les pouvoirs publics égyptiens n’ont été en mesure de communiquer ni informations ni statistiques sur les prix d’achat de terrains dans la ZCS et qu’ils n’ont fourni que des informations sur les transactions réalisées concernant des droits d’usufruit, à savoir l’évaluation foncière de 2016 ainsi qu’un exemple de contrat d’usufruit qu’Egypt TEDA a souscrit avec la société Main Development Company (ci-après « MDC »), un promoteur égyptien, cette même année. En ce qui concerne notamment MDC, la Commission a expliqué, au considérant 252 du règlement d’exécution attaqué, que, depuis 2015, il n’était plus possible d’acquérir des terrains en pleine propriété auprès de l’autorité générale de la ZCS, dès lors que celle-ci octroyait uniquement des droits d’usufruit à ce promoteur, lequel les concédait ensuite, par voie d’enchères, à d’autres promoteurs, tels qu’Egypt TEDA, qui, enfin, louaient les terrains aux entreprises implantées dans la zone. Ainsi qu’il ressort de l’article 5 du contrat d’usufruit signé par Egypt TEDA et MDC, les droits d’usufruit étaient établis à hauteur d’un taux fixe pendant la durée de l’usufruit et le paiement de ceux-ci était échelonné en plusieurs versements à effectuer selon un échéancier précis.

102    C’est donc à la lumière de ces éléments que la Commission a procédé à une comparaison entre, d’une part, la valeur des parcelles de terrain en pleine propriété achetées par la requérante et, d’autre part, la valeur annuelle moyenne de l’usufruit dans la ZCS multipliée par la durée du contrat d’usufruit signé entre MDC et Egypt TEDA pour la zone d’expansion de 6 km2 pour vérifier si la requérante avait reçu un avantage en ce qui concerne la fourniture de terrains moyennant une rémunération moins qu’adéquate.

103    À cet égard, premièrement, il convient de relever que la requérante ne remet pas en question les constats de la Commission mentionnés au point 101 ci-dessus, notamment l’absence d’informations concernant les prix d’achat de terrains en pleine propriété dans la ZCS. Tout au plus fait-elle valoir que la Commission aurait pu recueillir des informations pertinentes ultérieurement auprès des pouvoirs publics égyptiens concernant l’évaluation foncière de 2016.

104    Cet argument doit toutefois être rejeté, dans la mesure où, ainsi qu’il a été relevé au point 91 ci-dessus dans le cadre de l’analyse de la première branche du présent moyen, la requérante n’a pas été en mesure de présenter, ni même d’expliquer les prétendues informations que les pouvoirs publics égyptiens auraient pu fournir au sujet de l’évaluation foncière de 2016.

105    Deuxièmement, pour autant que la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir utilisé la méthode de calcul des flux de trésorerie actualisés, qui serait plus adéquate que celle proposée par cette institution, il y a lieu de considérer, tout d’abord, qu’il ne ressort pas du dossier déposé devant le Tribunal que les pouvoirs publics égyptiens aient jamais fait usage de cette méthode pour calculer des droits d’usufruit dans la ZCS. À cet égard, la requérante a d’ailleurs affirmé, lors de l’audience, que, depuis la modification de la loi sur la propriété foncière, ces pouvoirs publics n’ont pas encore vendu de droits d’usufruit sur la base de l’évaluation foncière de 2016, si bien qu’elle n’était pas en mesure de confirmer si la méthode de calcul des flux de trésorerie actualisés était appliquée dans d’autres contrats d’usufruit dans la ZCS. Ensuite, force est de constater que l’évaluation foncière de 2016 ne fait pas état de la méthode proposée par la requérante. Enfin, le contrat d’usufruit signé par Egypt TEDA et MDC, seul exemple de contrat d’usufruit dans la ZCS dont la Commission disposait pour pouvoir procéder à une comparaison, ne mentionnait aucunement que les droits d’usufruit étaient calculés selon la méthode des flux de trésorerie actualisés. Au contraire, ainsi qu’il ressort du point 101 ci-dessus, ce contrat précisait, à son article 5, que ces droits étaient établis à hauteur d’un taux fixe pendant la durée de l’usufruit.

106    Par conséquent, dans la mesure où, premièrement, la Commission disposait d’informations très limitées de la part des pouvoirs publics égyptiens, deuxièmement, il ne ressortait pas de ces informations que le calcul de la valeur des droits d’usufruit se faisait, dans la ZCS, sur la base de la méthode des flux de trésorerie actualisés, troisièmement, dans le seul exemple de contrat d’usufruit signé entre deux promoteurs dans la ZCS, les droits d’usufruit étaient établis sur la base d’un taux fixe et, quatrièmement, les taux d’usufruit fixés dans la ZCS avaient été établis par les pouvoirs publics égyptiens eux-mêmes dans l’évaluation foncière de 2016, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en calculant la valeur de référence en multipliant un taux d’usufruit figurant dans l’évaluation foncière de 2016 par 50, à l’instar de ce qui a été fait dans le cadre du contrat d’usufruit signé entre Egypt TEDA et MCD.

107    En conséquence, le premier grief doit être rejeté.

b)      Sur le deuxième grief, tiré de l’ajout de coûts d’investissements excessifs 

108    La requérante conteste le fait que, après avoir établi le prix par mètre carré de référence pour l’achat d’un terrain nu, la Commission ait pris en considération le coût d’investissement d’Egypt TEDA destiné à la zone d’expansion, qui a été estimé à 230 millions d’USD, et réparti le montant de cet investissement en fonction de la superficie de cette zone. Selon elle, ce coût serait excessif et gonflerait artificiellement le point de référence de l’analyse de la Commission. En effet, la requérante aurait acheté un terrain nu, dépourvu de bâtiments résidentiels sur lequel elle a construit son usine. Or, l’investissement d’Egypt TEDA dont il est question concernerait la construction d’une zone industrielle complète, bâtiments compris. En outre, la Commission ne saurait valablement soutenir qu’elle n’a pas pu trouver d’autres informations accessibles au public concernant une ventilation plus détaillée desdits coûts, alors qu’elle n’a pas demandé aux parties intéressées de fournir ces informations, avant l’adoption du règlement d’exécution attaqué.

109    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste ces arguments.

110    D’emblée, il y a lieu de rappeler que la Commission a expliqué, au considérant 275 du règlement d’exécution attaqué, que, afin de tenir compte des frais exposés par le promoteur pour l’aménagement du terrain, le coût d’investissement d’Egypt TEDA par mètre carré a ensuite été calculé sur la base d’informations publiques. Selon ces éléments, un investissement de 230 millions d’USD était prévu pour la zone d’expansion de 6 km2. Une marge bénéficiaire pour le promoteur a également été ajoutée.

111    Toutefois, ainsi qu’il ressort du considérant 278 du règlement d’exécution attaqué, dans l’information finale, la requérante a fait valoir que le coût d’investissement de 230 millions d’USD annoncé par Egypt TEDA incluait non seulement le prix de l’usufruit du terrain, mais aussi les investissements effectués pour bâtir les zones résidentielles, les zones de services et les usines, alors que les parcelles achetées par la requérante ne comportaient aucun aménagement de ce type, cette dernière ayant acheté le terrain nu.

112    En réponse à cet argument, la Commission a précisé, au considérant 282 du règlement d’exécution attaqué, que la requérante avait effectivement acheté le terrain dépourvu de bâtiments. Pour autant, ce terrain s’accompagnait de tous les services nécessaires : voirie, assainissement, éclairage public, sécurité, ainsi que tous les autres équipements et services mis à disposition par Egypt TEDA. Or, de tels aménagements seraient susceptibles d’avoir une incidence sur la valeur d’un terrain.

113    À cet égard, il convient de relever que la Commission ne disposait d’aucune information concernant les coûts d’aménagement d’un terrain nu de la part d’un promoteur, bien qu’elle ait interrogé tant les pouvoirs publics égyptiens qu’Egypt TEDA à cet égard. Les seules informations dont elle disposait ont été obtenues en consultant des sites Internet. Pourtant, ces informations étaient essentielles dans le cadre du calcul de la valeur de référence et visaient à dresser une estimation de cette dernière qui se rapproche le plus possible des conditions auxquelles la requérante a acheté son terrain.

114    Certes, il convient de relever, à l’instar de la requérante, que les informations mentionnées au point 110 ci-dessus ne reflètent pas précisément les conditions auxquelles elle a acheté son terrain, dès lors qu’il est constant que ce terrain était dépourvu de bâtiments, alors que l’investissement d’Egypt TEDA dans la zone d’expansion prévoyait également la construction de bâtiments. Toutefois, ainsi que cela a été relevé par la Commission au considérant 282 du règlement d’exécution attaqué et sans que la requérante le conteste, le terrain que cette dernière a acheté à Egypt TEDA disposait de tous les services nécessaires, tels que la voirie, l’assainissement, l’éclairage public, la sécurité, ainsi que de tous les autres équipements et services mis à disposition par Egypt TEDA. En outre, la Commission a expliqué avoir divisé le coût total de l’investissement par la superficie totale de la zone d’expansion, à savoir 6 km², de sorte que, en utilisant le dénominateur le plus large possible, elle s’est efforcée de veiller à ce que le coût d’investissement ne soit pas appliqué à la requérante de manière disproportionnée. Enfin, alors que la requérante se plaint que la Commission s’est abstenue de demander aux parties intéressées de fournir une ventilation plus détaillée des coûts d’aménagement dans la ZCS, il convient de constater que, ni dans les observations sur l’information finale, ni dans les écritures déposées devant le Tribunal, la requérante ne présente des renseignements supplémentaires concernant ces coûts qu’elle ou les pouvoirs publics égyptiens auraient pu fournir.

115    En conséquence, il convient de rejeter le deuxième grief comme étant non fondé.

c)      Sur le troisième grief, tiré de l’ajustement erroné du prix d’achat en ce qui concerne la parcelle de 2011, à cause de l’application d’un taux de change dollar des États-Unis/livre égyptienne incorrect

116    La requérante reproche à la Commission le fait que, en ce qui concerne l’achat de la parcelle de 2011, elle a ajusté la référence obtenue sur la base de la valeur de marché annuelle de l’usufruit en 2016 en fonction de la différence entre le PIB égyptien de 2016 et celui de 2011.

117    Selon elle, la Commission aurait dû convertir ce prix en utilisant le taux de change en vigueur au jour de la transaction relative à l’achat de la parcelle de 2011, dès lors que le taux de change dollar des États-Unis/livre égyptienne était nettement plus élevé en 2016, à cause de la dévaluation de la livre égyptienne (EGP). En outre, les fluctuations du produit intérieur brut (PIB) ne seraient pas identiques à celles de la valeur de la monnaie et la Commission aurait pour pratique de convertir les valeurs en devises étrangères en utilisant le taux de change applicable au jour de la transaction en cause. La requérante se réfère en particulier au considérant 283 du règlement d’exécution attaqué dans l’affaire T‑480/20 ainsi qu’au considérant 92 du règlement d’exécution (UE) 2017/141 de la Commission, du 26 janvier 2017, instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certains accessoires de tuyauterie en aciers inoxydables à souder bout à bout, finis ou non, originaires de la République populaire de Chine et de Taïwan (JO 2017, L 22, p. 14).

118    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste ces arguments.

119    Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que la Commission a expliqué, au considérant 276 du règlement d’exécution attaqué, que, en ce qui concerne la parcelle achetée en 2011, le prix d’achat de 2016 a été corrigé pour tenir compte de l’inflation et de l’évolution du PIB. L’ajustement a été calculé sur la base des taux d’inflation et de l’évolution du PIB par habitant à prix courants en dollar des États-Unis pour l’Égypte, tels que publiés par le Fonds monétaire international (FMI) pour 2016. En réponse à l’argument présenté par la requérante dans ses observations sur l’information finale (voir considérant 278 du règlement d’exécution attaqué), selon lequel la Commission aurait dû employer le taux de change applicable à la date de la vente pour convertir en livres égyptiennes la référence libellée en dollars des États-Unis, la Commission a expliqué, au considérant 283 du règlement d’exécution attaqué, que l’inflation due à la dévaluation de la livre égyptienne de 2016 par rapport au dollar des États-Unis avait déjà été prise en compte par l’ajustement lié au PIB et qu’opérer de nouveaux ajustements liés aux fluctuations du taux de change reviendrait à une double prise en compte de ce paramètre.

120    En premier lieu, il convient de relever que, s’il est vrai que la Commission a pris en considération comme taux de change de base USD/EGP celui de 2016 pour la référence obtenue sur la base de la valeur de marché annuelle de l’usufruit, elle a tout de même ajusté ce taux pour tenir compte des taux d’inflation et de l’évolution du PIB par habitant à prix courants en dollar des États-Unis pour l’Égypte, tels qu’ils ont été publiés par le FMI pour 2016.

121    Or, en se bornant à soutenir que le taux de change applicable devait être celui de 2011, puisque celui de 2016 était faussé par la dévaluation de la livre égyptienne, la requérante reste en défaut d’expliquer pour quelle raison l’ajustement proposé par la Commission du taux de change USD/EGP de 2016, se fondant notamment sur les taux d’inflation et de l’évolution du PIB par habitant à prix courants en dollar des États-Unis pour l’Égypte, tels qu’ils ont été publiés par le FMI pour 2016, ne tiendrait pas suffisamment compte de cette dévaluation.

122    En second lieu, en ce qui concerne l’argument selon lequel la méthode suggérée par la requérante correspondrait à la pratique de la Commission, il convient de rappeler, s’agissant de la référence au règlement d’exécution 2017/141, que la légalité d’un règlement instituant des droits compensateurs doit s’apprécier au regard des règles de droit et, notamment, des dispositions du règlement antisubventions de base, et non sur la base de la prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission [voir, par analogie, arrêt du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 107].

123    En outre, pour autant que la requérante se réfère, dans le contexte de cet argument, à la méthode appliquée par la Commission au considérant 283 du règlement d’exécution (UE) 2020/776 de la Commission, du 12 juin 2020, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de certains tissus en fibres de verre tissées et/ou cousues originaires de la République populaire de Chine et d’Égypte et modifiant le règlement d’exécution (UE) 2020/492 de la Commission instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certains tissus en fibres de verre tissées et/ou cousues originaires de la République populaire de Chine et d’Égypte (JO 2020, L 189, p. 1), il convient de relever que ce considérant concerne l’accès au marché chinois de la notation de crédit et non l’augmentation de capital en devises étrangères, de sorte que cette référence est dénuée de pertinence. En outre, à supposer que la requérante se réfère, en réalité, à la méthode appliquée par la Commission au considérant 802 du règlement d’exécution 2020/776, consistant à adapter le taux de change en ce qui concerne les apports de fonds propres afin de tenir compte de la dévaluation de la livre égyptienne, il suffit de relever que, contrairement à ce qui concerne la fourniture des terrains pour une rémunération moins qu’adéquate où elle a dû ajuster le taux de change d’un achat effectué cinq ans auparavant, la Commission a pu suivre la méthode employée par la requérante dans ses états financiers.

124    En conséquence, il convient de rejeter le troisième grief, de même que la seconde branche du deuxième moyen ainsi que ce dernier dans son intégralité.

C.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 3, point 1, sous a), ii), et point 2, ainsi que de l’article 5 du règlement antisubventions de base

125    La requérante soutient que c’est à tort que la Commission a considéré que les pouvoirs publics égyptiens avaient renoncé à des recettes fiscales sur les importations de matériaux utilisés par elle pour produire les SFV vendus à Hengshi et que cet abandon lui avait conféré un avantage, dans la mesure où elle n’aurait de toute façon pas dû acquitter de droits de douane sur ces matériaux, qu’elle ait relevé du régime juridique de la ZCS ou du droit égyptien général applicable.

126    En ce qui concerne le régime de remise de droits, la Commission serait tenue, sur la base d’une analyse en trois étapes, d’examiner la différence entre les droits de douane qui devraient être acquittés en vertu du droit national et ceux qui sont effectivement acquittés en vertu du régime de remise de droits. Or, en l’espèce, la situation fiscale permettant d’effectuer une comparaison légitime pour déterminer le point de référence serait donc celle d’une entreprise en Égypte qui n’est pas située dans la ZCS et qui ne bénéficie d’aucune remise de droits, et non, comme le soutient la Commission, celle de deux entités situées au sein de la ZCS. Ainsi, même si la requérante avait été soumise au droit égyptien général, ses ventes à l’égard de Hengshi auraient été exonérées de droits de douane sur ces ventes, dès lors que les ventes à destination de la ZCS effectuées par des entreprises situées hors de cette zone sont considérées comme des exportations et, de ce fait, les droits de douane exposés sont ensuite remboursés.

127    Par ailleurs, les pouvoirs publics égyptiens seraient libres d’instaurer des exonérations de droits de douane ou de créer des zones qui ne relèvent pas du cadre juridique général appliqué aux sociétés en Égypte. En outre, en l’espèce, même si les pouvoirs publics égyptiens avaient mis en place un système de ristourne de droits opérationnel, il n’existerait pas de différence entre ce que ces pouvoirs publics auraient dû percevoir de la requérante et ce qu’ils ont effectivement perçu, dès lors que, dans les deux cas, ils n’auraient rien dû recevoir de celle-ci.

128    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste ces arguments.

129    L’article 3, point 1, sous a), ii), du règlement antisubventions de base prévoit ce qui suit :

« [Une subvention est réputée exister si :] des recettes publiques normalement exigibles sont abandonnées ou ne sont pas perçues (par exemple dans le cas des incitations fiscales telles que les crédits d’impôt). À cet égard, l’exonération, en faveur du produit exporté, des droits ou des taxes qui frappent le produit similaire lorsque celui-ci est destiné à la consommation intérieure ou la remise de ces droits ou taxes jusqu’à concurrence des montants dus n’est pas considérée comme une subvention, pour autant qu’elle ait été accordée conformément aux dispositions des annexes I, II et III. »

130    Ainsi qu’il ressort de l’annexe III, partie II, dudit règlement, afin de déterminer s’il y a une ristourne excessive, la Commission vérifie l’existence et l’application effective des procédures de surveillance et de vérification qui l’accompagnent. Dans la négative, elle peut constater qu’il y a une subvention.

131    Afin de déterminer les recettes publiques normalement exigibles qui ont été abandonnées ou qui n’ont pas été perçues, l’organe d’appel de l’OMC a considéré, au point 812 du rapport concernant l’affaire « États-Unis – Mesures affectant le commerce des aéronefs civils gros porteurs (deuxième plainte) » (WT/DS 353/AB/R), que l’identification des circonstances dans lesquelles des recettes publiques normalement exigibles sont abandonnées nécessite une comparaison entre le traitement fiscal applicable aux bénéficiaires allégués de subventions et le traitement fiscal de revenus comparables de contribuables se trouvant dans des situations comparables.

132    Les parties débattent essentiellement sur la question de savoir quelle est, en l’espèce, la situation comparable. Selon la requérante, il s’agit de la situation d’une entreprise établie hors de la ZCS qui vend des produits composés de matériaux importés à une entreprise dans la ZCS, telle que Hengshi. Selon la Commission, il s’agirait en revanche de la situation d’une entreprise établie dans la ZCS, comme la requérante, qui vend de tels produits à une entreprise installée hors de la ZCS.

133    Ainsi qu’il ressort des considérants 71, 78 et 81 du règlement d’exécution provisoire, selon l’article 42 de la loi no 83/2002, les fournitures, les pièces de rechange et tout autre matériau ou élément importés de pays étrangers sont exonérés de droits et taxes, pour autant qu’ils soient affectés à la production de biens ou de services aux fins de l’activité autorisée dans la ZCS. À l’inverse, les droits et taxes doivent être intégralement acquittés sur tous les produits commercialisés sur le marché intérieur hors de la ZCS. La Commission a en outre constaté qu’il n’existait pas de système effectif et approprié de ristourne de droits et que la zone spéciale dans laquelle la requérante était installée n’était pas une zone franche industrielle classique et qu’elle différait également des autres zones franches spéciales qui existaient en Égypte. Selon elle, il s’agissait d’une zone spéciale unique, hybride, dans laquelle la législation et la réglementation en vigueur ne semblaient pas être appliquées.

134    En l’espèce, la requérante a bénéficié de l’exonération des droits de douane prévue par la loi no 83/2002, s’agissant des matériaux importés utilisés pour la production des SFV vendus à Hengshi, laquelle est établie dans la ZCS et vend ses TFV à l’exportation. Toutefois, selon cette loi, dans le cas où les SFV avaient été commercialisés sur le marché intérieur au lieu d’être utilisés ou exportés à partir de la ZCS, la requérante aurait dû acquitter les droits de douane correspondants. Tel serait notamment le cas d’une entreprise située dans la ZCS qui vend des produits contenant des matériaux importés ayant bénéficié d’une exonération des droits de douane à une autre entreprise hors de la ZCS, sur le marché intérieur.

135    Il s’ensuit que la seule situation comparable afin de déterminer si la requérante a reçu un avantage est précisément celle prise en considération par la Commission, c’est-à-dire celle d’une entreprise établie, comme la requérante, dans la ZCS qui vend des produits contenant de tels matériaux qui ont bénéficié d’une exonération des droits de douane à une entreprise installée hors de la ZCS.

136    C’est donc à bon droit que la Commission a considéré, à la lumière de cette comparaison, que les pouvoirs publics égyptiens avaient renoncé à des recettes sur les importations de matériaux utilisés par la requérante pour la production des SFV vendus à Hengshi.

137    En outre, ainsi qu’il a été rappelé au point 133 ci-dessus, la Commission a également relevé dans le règlement d’exécution attaqué que les pouvoirs publics égyptiens ne disposaient pas, ni avant ni pendant la période d’enquête, d’un cadre de surveillance et de vérification effectif pour la perception des droits de douane dans la ZCS. À cet égard, la requérante se limite à faire valoir que ce système avait été instauré à la fin de l’année 2016 et que les pouvoirs publics égyptiens avaient eu plusieurs années pour le mettre en place. Toutefois, comme l’a relevé à juste titre la Commission lors de l’audience et ainsi qu’il ressort d’ailleurs du règlement antisubventions de base, et notamment de l’annexe III, cette dernière doit examiner l’existence et l’efficacité du système de ristourne au moment où elle mène son enquête antisubventions.

138    Eu égard à ce qui précède, le troisième moyen doit être rejeté.

D.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 3, point 2, et de l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement antisubventions de base 

139    La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le traitement fiscal des pertes de change résultant de la dévaluation de la livre égyptienne en 2016 constituait une subvention spécifique qui a conféré de facto un avantage substantiel a' un nombre limité d’entreprises dans le pays, c’est-à-dire aux sociétés qui étaient tournées vers l’exportation et qui menaient leurs activités presque entièrement en devises étrangères, telles que le dollar des États-Unis ou l’euro.

140    En effet, tant les entreprises qui sont orientées vers l’exportation que celles qui opèrent seulement sur le marché égyptien pourraient bénéficier du traitement fiscal en question de la même façon et déduire de leur revenu imposable les pertes causées par les effets de la dévaluation de la livre égyptienne, pour autant qu’elles aient des passifs en devises étrangères. Or, en affirmant que les sociétés qui sont tournées vers l’exportation ont tiré profit de manière disproportionnée de ce traitement fiscal, la Commission aurait en réalité considéré que c’était la dévaluation de la livre égyptienne qui conférait un avantage, laquelle ne serait pas toutefois, par définition, un système de subventions passibles de mesures compensatoires.

141    La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste ces arguments.

142    Il convient de relever, à titre préliminaire, que les arguments de la requérante reposent essentiellement sur le fait que, d’une part, cette mesure ne saurait être considérée comme une subvention dès lors que cet avantage dériverait en réalité de la dévaluation de la livre égyptienne et, d’autre part, ladite mesure ne confère pas un avantage spécifique de facto à certaines entreprises, car toutes les entreprises égyptiennes ayant des passifs en devises étrangères peuvent bénéficier du traitement fiscal des pertes de change.

143    S’agissant du premier argument, il convient de relever que la Commission n’a pas considéré que le traitement fiscal en soi constituait une subvention susceptible de faire l’objet d’une mesure compensatoire. Elle a, au contraire, précisé, ainsi qu’il ressort du considérant 288 du règlement d’exécution attaqué et du considérant 96 du règlement d’exécution provisoire, que, bien que cette règle fût destinée à compenser les effets négatifs de la dévaluation de la monnaie égyptienne, elle a conféré de facto un avantage substantiel à un nombre limité d’entreprises dans le pays, c’est-à-dire à des sociétés qui étaient tournées vers l’exportation et qui menaient leurs activités presque entièrement en devises étrangères, dans la mesure où cette catégorie particulière d’entreprises n’a pas subi de perte réelle du fait de la dévaluation de la livre égyptienne, mais a pu tirer parti de la norme comptable spéciale publiée par les pouvoirs publics égyptiens à des fins fiscales.

144    S’agissant du second argument, la requérante se limite à faire valoir, de façon générale, que le traitement fiscal en question profitait à toutes les entreprises ayant des passifs en devises étrangères et pas seulement à celles orientées vers l’exportation, sans pour autant apporter aucun élément de preuve qui pourrait priver de plausibilité les appréciations des faits retenues par la Commission dans le règlement d’exécution attaqué, et notamment au considérant 97 du règlement d’exécution provisoire, ainsi que dans les écritures déposées dans le cadre de la présente procédure. En effet, la requérante ne remet pas en question les chiffres présentés par la Commission dans ses écritures, qui montrent dans quelle mesure elle a pu bénéficier du traitement fiscal en question et elle n’explique pas si ce traitement lui a vraiment permis de remédier à des pertes réelles causées par la dévaluation de la livre égyptienne. Plus particulièrement, la Commission a relevé, dans le cadre de son enquête, que le bénéfice net déclaré dans les états financiers vérifiés de la requérante faisait apparaître un montant positif [confidentiel] (2), tandis que la déclaration fiscale de cette dernière indiquait une base imposable nette négative [confidentiel].

145    Par ailleurs, la requérante ne conteste pas le constat de la Commission figurant au considérant 98 du règlement d’exécution provisoire selon lequel, bien que cette mesure fût temporaire et limitée uniquement aux opérations affectées au moment de la dévaluation, elle a encore déduit, pendant la période d’enquête, des montants substantiels de son revenu imposable au titre des différences de change, réalisées ou non.

146    Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le quatrième moyen.

E.      Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 1, de l’article 2, sous d), ainsi que de l’article 8, paragraphes 1, 2 et 5, du règlement antisubventions de base

147    Ce moyen est divisé en trois branches. La requérante soutient, en substance, premièrement, que, en déterminant ses prix à l’exportation, notamment de ses sociétés liées dans l’Union, pour calculer la marge de sous-cotation sur la base de l’article 2, paragraphe 9, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement antidumping de base »), appliqué par analogie, la Commission a violé l’article 2, sous d), du règlement antisubventions de base. Deuxièmement, en se fondant sur ce prix à l’exportation reconstruit pour déterminer la marge de sous-cotation, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en violation de l’article 1er, paragraphe 1, de l’article 2, sous d), et de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement antisubventions de base. Troisièmement, l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission dans le cadre de la détermination de la marge de sous-cotation entacherait son analyse du lien de causalité d’une violation de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 8, paragraphe 5, du règlement antisubventions de base.

148    La Commission, soutenue par l’intervenante, non seulement conteste le bien-fondé de ce moyen, mais fait également valoir, à titre préliminaire, que ce moyen est inopérant.

149    À ce dernier égard, la Commission soutient que, même si le Tribunal devait constater qu’elle a commis une erreur en utilisant par analogie l’article 2, paragraphe 9, du règlement antidumping de base pour le calcul de la sous-cotation des prix de la requérante, notamment de ses sociétés liées dans l’Union, une telle erreur ne serait pas de nature à entraîner l’annulation du règlement d’exécution attaqué. Elle explique, à cet égard, avoir communiqué à la requérante le résultat des calculs de la sous-cotation réalisés en utilisant les prix réels à l’exportation, sans aucun ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 9, du règlement antidumping de base, qui ont débouché sur une marge de sous-cotation de 14,89 % (contre 16,03 % pour la marge de sous-cotation calculée au stade provisoire). Ces calculs figureraient également dans la note de bas de page no 96 du règlement d’exécution attaqué. La Commission précise en outre que la différence entre les prix déterminée en utilisant les prix à l’exportation réels déclarés et les prix ajustés correspond à [confidentiel]% en termes de valeur à l’exportation.

150    Interrogée par le Tribunal, lors de l’audience de plaidoiries, sur ces calculs alternatifs, la requérante a affirmé que ces calculs étaient sans incidence sur le niveau des droits compensateurs imposés par le règlement d’exécution attaqué.

151    Selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union peut rejeter comme étant inopérant un moyen ou un grief lorsqu’il constate que celui-ci n’est pas apte, dans l’hypothèse où il serait fondé, à entraîner l’annulation poursuivie (arrêts du 21 septembre 2000, EFMA/Conseil, C‑46/98 P, EU:C:2000:474, point 38, et du 19 novembre 2009, Michail/Commission, T‑50/08 P, EU:T:2009:457, point 59).

152    En l’espèce, la requérante a admis, ainsi qu’il ressort du point 150 ci-dessus, que, même si la Commission avait utilisé, pour déterminer la marge de sous-cotation des prix, les calculs mentionnés au point 149 ci-dessus, qui se fondent sur le prix à l’exportation de la requérante sans les ajustements opérés sur la base de l’article 2, paragraphe 9, du règlement antidumping de base, il n’y aurait aucune incidence sur le niveau des droits compensateurs imposés par le règlement d’exécution attaqué.

153    Il s’ensuit que, à supposer même que la requérante soit fondée à contester la méthode que la Commission a utilisée pour établir son prix à l’exportation dans le cadre du calcul de la marge de sous-cotation des prix, l’utilisation des calculs mentionnés au point 149 ci-dessus n’aurait pas abouti, en tout état de cause, à des droits compensateurs différents. L’erreur alléguée ne saurait donc fonder l’annulation du règlement d’exécution attaqué, en ce qu’il la concerne.

154    Par conséquent, le cinquième moyen doit être écarté comme étant inopérant, sans qu’il soit besoin d’analyser le bien-fondé des trois branches soulevées par la requérante au soutien de ce moyen.

155    Eu égard à ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

156    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

157    En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’Association des producteurs de fibres de verre européens (APFE) supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Jushi Egypt for Fiberglass Industry SAE supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      L’Association des producteurs de fibres de verre européens (APFE) supportera ses propres dépens.

Kanninen

Jaeger

Półtorak

Porchia

 

      Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.


2 Données confidentielles occultées.