Language of document : ECLI:EU:T:2021:23

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

20 janvier 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative CABEÇA DE TOIRO – Marque de l’Union européenne verbale antérieure SANGRE DE TORO – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑811/19,

Enoport – Produção de Bebidas Lda, établie à Rio Maior (Portugal), représentée par Me J. Alves Coelho, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Miguel Torres, SA, établie à Vilafranca del Penedès (Espagne), représentée par Mes M. Ceballos Rodríguez et M. Robledo McClymont, avocates,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 9 septembre 2019 (affaire R 394/2019-5), relative à une procédure d’opposition entre Miguel Torres et Enoport – Produção de Bebidas,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, V. Kreuschitz (rapporteur) et Z. Csehi, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 novembre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 14 mai 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 8 mai 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 8 juillet 2016, la requérante, Enoport – Produção de Bebidas Lda, alors dénommée Enoport Produção de Bebidas, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières et des brandies), y compris vins, eaux-de-vie et liqueurs ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 173/2016 du 13 septembre 2016.

5        Le 13 décembre 2016, l’intervenante, Miguel Torres, SA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure SANGRE DE TORO, enregistrée le 29 octobre 1998 sous le numéro 462309, désignant les produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001].

8        Le 19 décembre 2018, la division d’opposition a accueilli l’opposition en considérant qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit et a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

9        Le 14 février 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 9 septembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

11      En substance, premièrement, la chambre de recours, d’une part, a considéré que le public pertinent était celui de l’Union européenne composé des consommateurs moyens ayant un niveau d’attention moyen, et, d’autre part, a fondé son appréciation sur la partie espagnole de ce public (points 18, 19, 21 et 24 de la décision attaquée). Deuxièmement, elle a fait siens les motifs de la division d’opposition selon lesquels les produits en cause étaient identiques (points 25 et 26 de la décision attaquée). Troisièmement, la chambre de recours a estimé que les signes en conflit étaient, à un faible degré, similaires sur le plan visuel, qu’ils présentaient une similitude moyenne sur les plans phonétique et conceptuel et que, pris dans leur ensemble, ils étaient similaires à un certain degré (points 38, 42, 46 et 47 de la décision attaquée). Quatrièmement, elle a conclu, au point 57 de la décision attaquée, que les similitudes entre les signes ainsi que le caractère distinctif accru de la marque antérieure engendraient un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige et le droit applicable ratione temporis

15      À l’appui du recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, et, le second, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

16      À cet égard, il y a lieu d’observer que, lors du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, soit le 8 juillet 2016 (voir point 1 ci-dessus), le règlement 2017/1001, qui n’est devenu applicable qu’à compter du 1er octobre 2017 (voir article 212, second alinéa, dudit règlement), ne l’était pas encore.

17      Compte tenu du fait que la date déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable est celle à laquelle la demande d’enregistrement a été introduite, le présent litige continue à être régi par le règlement no 207/2009, tel que modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, modifiant le règlement (CE) no 2868/95 de la Commission portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, et abrogeant le règlement (CE) no 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO 2015, L 341, p. 21), en ce qui concerne les dispositions à caractère non strictement procédural (voir, en ce sens, arrêt du 2 mars 2017, Panrico/EUIPO, C‑655/15 P, non publié, EU:C:2017:155, point 2 et jurisprudence citée).

18      Dès lors, il convient d’entendre les références aux dispositions du règlement 2017/1001 dans la décision attaquée et dans les écritures des parties, en ce qui concerne les règles de fond, comme visant, en réalité, les dispositions d’une teneur identique du règlement no 207/2009. Partant, le second moyen invoqué par la requérante faisant référence à une disposition de fond, à savoir l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, il doit être compris comme visant une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

19      En revanche, dans la mesure où l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 constitue une disposition purement procédurale [voir, en ce sens, arrêts du 13 février 2019, Nemius Group/EUIPO (DENTALDISK), T‑278/18, non publié, EU:T:2019:86, points 30 et 32, et du 20 septembre 2019, BASF Grenzach/ECHA, T‑125/17, EU:T:2019:638, point 96] qui est censée, selon la jurisprudence, s’appliquer à la date à laquelle elle entre en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), il y a lieu d’examiner, dans le cadre du premier moyen, la violation de cette disposition, ainsi que la requérante le fait valoir.

20      Le Tribunal appréciera, d’abord, le second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, et, ensuite, le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

21      Par le présent moyen, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a méconnu l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en ce qu’elle a erronément analysé les facteurs pertinents à prendre en compte pour l’appréciation globale du risque de confusion, notamment ceux concernant la comparaison des signes en conflit et le caractère distinctif de la marque antérieure.

22      L’EUIPO et l’intervenante concluent au rejet du présent moyen.

23      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

24      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

25      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

26      Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

27      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, au vu de l’appréciation exposée par la chambre de recours dans la décision attaquée, l’argumentation de la requérante tirée de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n207/2009.

 Sur le public pertinent

28      En l’espèce, il n’est pas contesté entre les parties que, à l’instar de ce qui est exposé aux points 18 à 24 de la décision attaquée, le public pertinent est composé des consommateurs moyens dans l’Union ayant un niveau d’attention moyen.

29      Eu égard aux produits visés au point 3 ci-dessus et à la jurisprudence constante à ce sujet [voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2018, Cantina e oleificio sociale di San Marzano/EUIPO – Miguel Torres (SANTORO), T‑102/17, non publié, EU:T:2018:50, point 45 et jurisprudence citée], ce constat est dépourvu d’erreur d’appréciation et doit être entériné.

30      Par ailleurs, étant donné que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée], c’est également à bon droit que la chambre de recours a apprécié l’existence d’un risque de confusion en prenant en compte la perception des signes en conflit par le public pertinent espagnol.

 Sur la comparaison des produits

31      En ce qui concerne la comparaison des produits en cause, la chambre de recours a approuvé, aux points 25 et 26 de la décision attaquée, la conclusion de la division d’opposition selon laquelle ces produits étaient identiques.

32      Il convient de confirmer cette conclusion, qui n’est, d’ailleurs, pas contestée entre les parties. En effet, selon une jurisprudence constante, lorsque les produits visés par la marque antérieure incluent les produits visés par la marque demandée, ces produits sont considérés comme identiques [arrêts du 7 juillet 2005, Miles International/OHMI – Biker Miles (Biker Miles), T‑385/03, EU:T:2005:276, point 32 ; du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 34, et du 2 juin 2010, Procaps/OHMI – Biofarma (PROCAPS), T‑35/09, non publié, EU:T:2010:220, point 37]. Tel est le cas en l’espèce dans la mesure où les produits désignés par la marque antérieure, à savoir les boissons alcooliques, à l’exception des bières (voir point 6 ci-dessus), incluent les produits visés par la marque demandée, à savoir les boissons alcooliques (à l’exception des bières et des brandies), y compris les vins, les eaux-de-vie et les liqueurs (voir point 3 ci-dessus).

 Sur la comparaison des signes

33      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

34      En l’espèce, sont en cause, d’une part, la marque demandée, constituée du signe figuratif CABEÇA DE TOIRO (voir point 2 ci-dessus), et, d’autre part, la marque antérieure, constituée du signe verbal SANGRE DE TORO (voir point 6 ci-dessus).

–       Sur la similitude visuelle

35      S’agissant de la similitude des signes en conflit sur le plan visuel, la chambre de recours a constaté, au point 38 de la décision attaquée, que les signes en conflit étaient, à un faible degré, similaires.

36      À cet égard, il convient, tout d’abord, de rappeler que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir arrêt du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, EU:T:2005:156, point 43 et jurisprudence citée].

37      Ensuite, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom de la marque qu’en en décrivant l’élément figuratif [voir arrêt du 22 mai 2008, NewSoft Technology/OHMI – Soft (Presto! Bizcard Reader), T‑205/06, non publié, EU:T:2008:163, point 54 et jurisprudence citée].

38      Tel est également le cas en l’espèce, dès lors que les éléments figuratifs invoqués par la requérante ne suffisent pas à distinguer clairement les signes en conflit sur le plan visuel, notamment dans la mesure où la forme rappelant une bouteille fait référence aux produits en cause, à savoir, aux boissons alcooliques à l’exception des bières (voir point 32 ci-dessus), tandis que le profil de tête de taureau renforce la dernière partie des éléments verbaux des signes en conflit, à savoir les termes « de toiro » et « de toro », qui présentent une importance particulière sur le plan conceptuel (voir aussi point 45 ci-après). Ces éléments figuratifs sont donc susceptibles d’être perçus par le public pertinent essentiellement comme des éléments décoratifs, et non comme des éléments indiquant l’origine commerciale des produits. Il en va de même pour les éléments typographiques, qui, eu égard à leur police et à leur bonne lisibilité, ne constituent pas une configuration particulière et originale.

39      En outre, il ressort, certes, de la jurisprudence que le public pertinent attache normalement plus d’importance à la partie initiale des mots qu’à leur partie finale [voir, en ce sens, arrêts du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, EU:T:2004:79, point 81, et du 16 mars 2005, L'Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, EU:T:2005:102, points 64 et 65]. Cependant, ainsi que le relève à bon droit l’EUIPO, il en ressort également que cette considération ne saurait valoir dans tous les cas et ne saurait, en tout état de cause, infirmer le principe selon lequel l’examen de la similitude des signes doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par ces signes, dès lors que le consommateur moyen perçoit normalement un signe comme un tout et ne se livre pas à l’examen de ses différents détails [voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2018, Uponor Innovation/EUIPO – Swep International (SMATRIX), T‑264/17, non publié, EU:T:2018:329, point 63 et jurisprudence citée].

40      En l’espèce, même en attribuant une importance particulière aux débuts des signes en conflit, à savoir à leurs termes respectifs « cabeça » et « sangre », ceux-ci ne sont pas capables de neutraliser complètement l’impression d’ensemble de similitude entre ces signes. En effet, ainsi que l’a constaté la chambre de recours, au point 34 de la décision attaquée, et comme soutenu par l’intervenante, premièrement, lesdits signes présentent la même structure, deuxièmement, la première partie de leurs éléments verbaux est, respectivement, composée de six lettres, troisièmement, la seconde partie respective de ces éléments, à savoir les termes « de toiro » et « de toro », est presque identique et, quatrièmement, lesdits éléments ont, dans leur ensemble, presque la même longueur, à savoir, treize et douze lettres.

41      Dans l’ensemble, il ne saurait donc être nié que les signes en conflit présentent, à tout le moins, un faible degré de similitude visuelle.

–       Sur la similitude phonétique

42      S’agissant de la similitude des signes en conflit sur le plan phonétique, la chambre de recours a considéré, aux points 41 à 42 de la décision attaquée, que leurs éléments verbaux finaux respectifs, à savoir les syllabes « toi » et « ro » de la marque demandée et les syllabes « to » et « ro » de la marque antérieure, étaient, sur la base des règles de prononciation espagnole, prononcés de manière similaire. En outre, le son de la préposition « de » précédant ces éléments serait identique. La chambre de recours en a conclu à juste titre que, bien que leurs éléments verbaux initiaux soient prononcés différemment, il existait une similitude moyenne entre les signes en conflit sur le plan phonétique.

43      La requérante ne saurait remettre en cause ce constat. En effet, si elle invoque les différences entre ces termes initiaux et le fait qu’ils sont prononcés en premier lieu, il n’en demeure pas moins que, comme l’a correctement relevé la chambre de recours, au point 41 de la décision attaquée, le public pertinent a tendance à prononcer l’ensemble des éléments verbaux dont les signes en conflit sont composés, ce que la requérante ne conteste, d’ailleurs, pas en tant que tel. Il en est a fortiori ainsi dans la mesure où la partie finale de ces éléments n’est ni superflue ni particulièrement longue ou complexe et donc non susceptible de faire l’objet d’une économie de langage. Au contraire, elle est étroitement liée aux termes initiaux et présente une importance conceptuelle particulière (voir point 45 ci-après), ce qui renforce l’appréciation selon laquelle lesdits éléments sont prononcés dans leur intégralité.

–       Sur la similitude conceptuelle

44      S’agissant de la similitude sur le plan conceptuel, la chambre de recours a conclu, aux points 45 et 46 de la décision attaquée, que les signes en conflit étaient moyennement similaires.

45      Contrairement à ce qu’affirme la requérante, ce constat est exempt d’erreur. En effet, il est, certes, vrai que la marque antérieure renvoie au sang tandis que la marque demandée renvoie à la tête d’un taureau. Or, cette différence n’est pas suffisante pour remettre en cause le fait que les signes en conflit se réfèrent aux caractéristiques d’un taureau. Dès lors, ils sont, dans l’esprit du public pertinent, avant tout, associés à un taureau, ce qui, comme l’a constaté la chambre de recours aux points 43 et 44 de la décision attaquée, est clairement véhiculé par les termes « de toiro » et « de toro », qui ne se distinguent que par la lettre « i ». Cette impression commune desdits signes d’être associés à un taureau est encore renforcée par l’élément figuratif de la marque demandée (voir point 38 ci-dessus).

46      Il s’ensuit que la chambre de recours a correctement estimé, au point 47 de la décision attaquée, que, dans l’ensemble, les signes en conflit étaient similaires à un certain degré sur le plan conceptuel.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

47      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

48      Ainsi qu’il découle du considérant 8 du règlement no 207/2009, l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance qu’a le public de la marque sur le marché en cause. Comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 20).

49      En revanche, la reconnaissance d’un caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas de constater l’existence d’un risque de confusion en l’espèce. En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir arrêt du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, EU:T:2007:387, point 70 et jurisprudence citée].

50      En l’espèce, il résulte des considérations qui précèdent que les produits désignés par la marque demandée et par la marque antérieure sont identiques (voir points 31 et 32 ci-dessus), que les signes en conflit présentent à tout le moins un faible degré de similitude visuelle (voir points 35 à 41 ci-dessus) et qu’ils sont moyennement similaires sur les plans phonétique (voir points 42 et 43 ci-dessus) et conceptuel (voir points 44 et 45 ci-dessus).

51      En outre, si la requérante remet en cause le caractère distinctif élevé de la marque antérieure en raison de son usage, elle ne conteste pas pour autant qu’elle présente un caractère distinctif intrinsèque à tout le moins normal, ni son usage sérieux.

52      Dans ce contexte, il y a lieu de tenir compte du fait que les produits en cause sont des boissons alcooliques (voir points 3, 6 et 32 ci-dessus) et que, selon la jurisprudence, dans le secteur de ces boissons, les consommateurs sont habitués à désigner et à reconnaître lesdites boissons en fonction de l’élément verbal qui sert à les identifier, en particulier dans les bars, discothèques, boîtes de nuit ou restaurants, dans lesquels elles sont commandées oralement après que leur nom a été vu sur le menu ou la carte des vins [voir, en ce sens, arrêts du 23 novembre 2010, Codorniu Napa/OHMI – Bodegas Ontañon (ARTESA NAPA VALLEY), T‑35/08, EU:T:2010:476, point 62, et du 20 avril 2018, Mitrakos/EUIPO – Belasco Baquedano (YAMAS), T‑15/17, non publié, EU:T:2018:198, point 61]. Dès lors, en l’espèce, il convient d’attacher, ainsi qu’il ressort du point 56 de la décision attaquée et comme le soutient l’intervenante, une importance particulière à la similitude phonétique entre les signes en conflit.

53      Il convient également de tenir compte, ainsi que l’avance l’intervenante à juste titre, de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image non parfaite qu’il en a gardée en mémoire [arrêts du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 26, et du 20 septembre 2017, Jordi Nogues/EUIPO – Grupo Osborne (BADTORO), T‑386/15, EU:T:2017:632, point 87]. Or, en l’espèce, comme il est exposé au point 45 ci-dessus, les signes en conflit sont principalement associés à un taureau, ce qui est véhiculé par leurs termes similaires « de toiro » et « de toro » et renforcé par l’élément figuratif de la marque demandée.

54      Au vu de ces éléments et contrairement à ce qu’estime la requérante, il y a lieu de constater un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent espagnol faisant preuve d’un niveau d’attention moyen (voir points 28 à 30 ci-dessus). Dès lors, la chambre de recours était fondée à conclure, au point 57 de la décision attaquée, à un tel risque.

55      Eu égard à ce qui précède et compte tenu du fait que, d’une part, il n’est pas contesté entre les parties que la marque antérieure jouit d’un caractère intrinsèque normal (voir point 51 ci-dessus) et, d’autre part, ce facteur suffit à constater un risque de confusion (voir point 54 ci-dessus), il n’est plus nécessaire d’évaluer les éléments de preuve concernant le caractère distinctif élevé de la marque antérieure en raison de son usage. Les arguments avancés par la requérante à cet égard sont donc inopérants, étant entendu qu’elle n’a pas contesté l’usage sérieux de la marque antérieure au titre de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009.

56      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001

57      Par le présent moyen, la requérante fait valoir, en substance, que, en attribuant un caractère probant aux trois décisions de l’Oficina Española de Patentes y Marcas (office des brevets et des marques espagnol) produites, en tant que pièce no 8, par l’intervenante, dans le cadre de la procédure administrative devant l’EUIPO, la chambre de recours a violé son devoir de diligence prévu à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et porté atteinte au principe de contradictoire.

58      L’EUIPO et l’intervenante concluent au rejet du présent moyen.

59      Aux termes de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen de l’EUIPO est limité aux moyens et aux demandes présentés par les parties. Ainsi, la chambre de recours, en statuant sur un recours contre une décision mettant fin à une procédure d’opposition, ne saurait fonder sa décision que sur les motifs relatifs de refus que la partie concernée a invoqués ainsi que sur les faits et preuves y afférents présentés par cette partie (arrêt du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 41).

60      En l’espèce, force est de constater que les arguments de la requérante visent à établir que la chambre de recours n’a pas correctement apprécié les éléments de preuve fournis par l’intervenante, dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO, concernant le caractère distinctif élevé de la marque antérieure. Or, la question de savoir si la chambre de recours a correctement apprécié ces éléments de preuve, que la requérante pouvait, d’ailleurs, déjà contester devant la chambre de recours, relève de l’examen de la légalité au fond de la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 2017, Reisswolf/EUIPO (secret.service.), T‑163/16, non publié, EU:T:2017:350, point 21]. En outre, comme il ressort du point 55 ci-dessus, il n’était pas nécessaire d’évaluer lesdits éléments afin de correctement conclure à l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit.

61      Partant, il convient de rejeter le premier moyen comme inopérant, et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Enoport – Produção de Bebidas Lda est condamnée aux dépens.

Collins

Kreuschitz

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 janvier 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.