Language of document : ECLI:EU:T:2015:59

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

27 janvier 2015 (*)

« Recours en annulation – Actions communes destinées à favoriser le développement durable sur le plan économique, social et environnemental des pays en développement – Préférences tarifaires généralisées accordées au cuir traité et semi-traité en provenance de l’Inde, du Pakistan et de l’Éthiopie – Rejet de la demande de retrait temporaire du bénéfice de préférences généralisées – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑338/14,

Unione nazionale industria conciaria (UNIC), établie à Milan (Italie), représentée par Mes A. Fratini et M. Bottino, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. B. De Meester et Mme D. Recchia, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la lettre de la Commission du 19 mars 2014 adressée à la requérante et portant rejet de sa demande d’ouverture de la procédure de retrait temporaire des régimes préférentiels généralisés accordés en faveur de la République de l’Inde, de la République islamique du Pakistan et de la République démocratique fédérale d’Éthiopie sur les peaux brutes et mi-ouvrées,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, l’Unione nazionale industria conciaria (UNIC) est une association professionnelle qui réunit et représente les opérateurs de l’industrie du tannage, de la teinture et du finissage des peaux en Italie.

2        Par courrier du 4 juillet 2013, la requérante a demandé à la Commission européenne d’ouvrir une négociation avec, d’une part, la République fédérative du Brésil, qui ne figurait plus parmi les pays bénéficiaires du système de préférences généralisées et, d’autre part, la République de l’Inde, qui en demeurait le bénéficiaire. Selon la requérante, la Commission devait convaincre ces deux États d’éliminer, ou de réduire, les droits à l’exportation sur les matières premières telles que les peaux brutes et mi-ouvrées, en échange de l’octroi des régimes préférentiels généralisés octroyés pour certains produits.

3        Par courrier du 6 décembre 2013, la Commission a informé la requérante, en substance, premièrement, que la République fédérative du Brésil ne bénéficiait plus du système de préférences tarifaires généralisées, contrairement à la République de l’Inde qui, étant plus pauvre, continuait d’en bénéficier. Deuxièmement, elle a estimé que le système de préférences généralisées n’était pas l’instrument approprié pour résoudre le problème de l’approvisionnement de l’industrie européenne en matières premières à partir d’États tiers. En effet, selon elle, ce système visait à aider les pays partenaires plus pauvres à développer leur économie, sans qu’il y ait lieu de les soumettre à des conditions supplémentaires, tels que le résultat de négociations portant sur des questions commerciales spécifiques. Troisièmement, elle a rappelé que, lorsqu’un bénéficiaire de préférences généralisées devenait très compétitif dans un secteur, il pouvait perdre ses préférences, de sorte que, en application de ce système, la République de l’Inde ne recevrait pas, pour la période allant de 2014 à 2016, de préférences tarifaires notamment dans les secteurs du textile et du cuir. Quatrièmement, s’agissant des droits à l’exportation imposés par la République de l’Inde, la Commission a fait observer que ces questions étaient discutées dans le cadre de son accord de libre-échange et à un niveau bilatéral. Cinquièmement, elle a informé la requérante que, en cas de pratiques commerciales déloyales ou de concurrence faussée, d’une part, une enquête pouvait être mise en œuvre sur la base de l’article 19 du règlement (UE) n° 978/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, appliquant un schéma de préférences tarifaires généralisées et abrogeant le règlement (CE) n° 732/2008 du Conseil (JO L 303, p. 1), et, d’autre part, des mesures de sauvegarde pouvaient être adoptées, sur la base des articles 22 et 29 dudit règlement, dans l’hypothèse où les exportations provenant de pays bénéficiaires affecteraient sérieusement l’industrie européenne.

4        Par courrier du 29 janvier 2014, la requérante a demandé à la Commission d’ouvrir, sur la base de l’article 19, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 978/2012, une enquête en vue du retrait temporaire du bénéfice des préférences généralisées octroyées à la République de l’Inde, à la République islamique du Pakistan et à la République démocratique fédérale d’Éthiopie, pour certains produits finis, tels que les articles en cuir, la sellerie, les articles de voyages, les vêtements et accessoires du vêtement en cuir et les chaussures de sport. Dans ce courrier, elle a estimé, en substance, que lesdits pays appliquaient des droits à l’exportation pour les peaux brutes, qui étaient les matières premières pour la production des produits finis susmentionnés, qui s’élevaient respectivement à 60 %, à 150 %, et à 20 %. Selon elle, ces droits pénalisaient l’industrie européenne, dans la mesure où ils empêchaient celle-ci de s’approvisionner dans ces pays, tout en conférant aux entreprises dans ces pays de bénéficier d’un avantage injustifié en termes de coûts d’approvisionnement, qui représentaient de 40 à 65 % du prix des produits finis.

5        Par courrier du 19 mars 2014 (ci-après la « lettre attaquée »), la Commission a indiqué, d’abord, que, comme elle en avait déjà informé la requérante dans son courrier du 6 décembre 2013, elle considérait que le système de préférences généralisées n’était pas l’instrument approprié pour résoudre le problème évoqué par la requérante de l’approvisionnement de l’industrie européenne en matières premières à partir d’États tiers. Ensuite, elle a estimé que, sur un plan strictement juridique, l’ouverture de l’enquête demandée par la requérante exigeait qu’il « existe des pratiques commerciales déloyales sérieuses qui ne semblaient toutefois pas établies en l’espèce ». En outre, elle a mentionné qu’elle n’était pas inactive dans ce domaine. À cet égard, elle a rappelé que, conformément à la stratégie européenne relative aux matières premières, elle a émis comme priorité, dans le cadre des négociations de son accord de libre-échange et des négociations d’accès à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), d’obtenir un engagement ferme des pays partenaires de réduire et d’éliminer leurs droits d’exportation. Par ailleurs, elle a fait observer qu’elle était consciente de l’importance de la question de l’approvisionnement des matières premières. Ce serait dans ce contexte qu’elle aurait proposé la tenue d’un dialogue entre les producteurs européens de cuir et l’industrie européenne du tannage, avec pour objectif de faciliter leur approvisionnement à long terme au sein de l’Union, à des prix soutenables.

 Procédure et conclusions des parties

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 mai 2014, la requérante a introduit le présent recours.

7        Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        accueillir le recours et, en conséquence, annuler la lettre attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2014, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

9        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 août 2014, la République italienne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

10      Par acte déposé au greffe le 29 août 2014, la requérante a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.

11      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours comme étant irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité comme étant manifestement non fondée ;

–        faire droit, par conséquent, à ses conclusions exposées dans la requête.

 En droit

13      En vertu de l’article 114, paragraphes 1 et 4, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

14      Le Tribunal estime que, en l’espèce, il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

15      À l’appui de l’exception d’irrecevabilité, la Commission avance, en substance, quatre fins de non-recevoir. Premièrement, la lettre attaquée ne constituerait pas un acte attaquable. Deuxièmement, elle ne serait qu’un acte provisoire qui ne représenterait pas la position définitive de l’institution. Troisièmement, la requérante n’aurait pas un intérêt à agir. Quatrièmement, la requérante n’aurait pas établi avoir qualité pour agir contre la lettre attaquée, quand bien même elle en serait la destinataire.

16      La requérante s’oppose à chacune de ces fins de non-recevoir.

17      Par la première fin de non-recevoir, la Commission fait valoir que la lettre attaquée ne constitue pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE. Premièrement, ni le règlement n° 978/2012 ni le règlement délégué (UE) n° 1083/2013 de la Commission, du 28 août 2013, établissant les règles relatives à la procédure de retrait temporaire des préférences tarifaires et à la procédure d’adoption de mesures de sauvegarde générales au titre du règlement n° 978/2012 (JO L 293, p. 16) ne confèreraient aux personnes physiques, aux personnes morales ou aux associations dépourvues de personnalité juridique, le droit de demander l’ouverture de la procédure de retrait temporaire de préférences généralisées. Ces personnes ne disposeraient que d’un droit de présenter leurs observations pertinentes, après que la Commission a ouvert ladite procédure. La lettre attaquée n’aurait donc pas modifié de manière caractérisée la situation juridique de la requérante au sens de la jurisprudence et ne constituerait qu’une simple communication de politesse qui serait dénuée du moindre effet juridique à l’égard de son destinataire.

18      La requérante conteste cette argumentation de la Commission. Premièrement, elle rappelle que, par son recours, elle ne conteste pas l’absence d’ouverture de la procédure de retrait temporaire des préférences généralisées accordées à la République de l’Inde, à la République islamique du Pakistan et à la République démocratique fédérale d’Éthiopie. En revanche, elle indique vouloir critiquer l’absence d’examen par la Commission des informations qu’elle a lui fournies, à la lumière desquelles celle-ci aurait dû apprécier l’opportunité d’ouvrir une telle procédure. À cet égard, elle précise que, « s’il est vrai que le règlement [n° 978/2012] ne reconnait aucun droit à des tiers quant à l’ouverture de la procédure de retrait temporaire des préférences généralisées en confiant au pouvoir d’appréciation de la Commission toute décision quant à la nécessité ou à l’opportunité de l’ouverture de la procédure, cela n’exclut nullement que [la Commission] soit tenue d’apprécier, même sur l’impulsion de tiers qui lui soumettent des renseignements, l’existence de raisons suffisantes justifiant le retrait lui-même ». Cela ressortirait de l’article 19, paragraphe 3, dudit règlement, du considérant 15 de ce règlement, ainsi que de la lecture combinée de l’article 19, paragraphe 1, du même règlement et de l’article 1er, paragraphe, 1, du règlement n° 1083/2013. L’obligation de la Commission d’examiner les informations fournies ressortirait également du fait que celle-ci a répondu par la lettre attaquée à sa demande en se prononçant sur le fond ainsi que d’une présentation faite par un fonctionnaire de la Direction générale (DG) du commerce de la Commission lors d’une conférence, qui se serait tenue le 19 septembre 2013 et aurait porté sur les principales nouveautés du règlement n° 978/2012.

19      Selon une jurisprudence constante, ne sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (voir arrêt du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission (C‑362/08 P, Rec, EU:C:2010:40, point 51 et jurisprudence citée).

20      Dans ce cadre, il importe de rappeler, à titre liminaire que, comme il ressort du considérant 1 du règlement n° 978/2012, « [d]epuis 1971, la Communauté accorde des préférences commerciales aux pays en développement dans le cadre de son schéma de préférences tarifaires généralisées ». Selon le considérant 7 du même règlement, en accordant un accès préférentiel au marché de l’Union, ledit « schéma devrait soutenir les pays en développement dans leurs efforts pour réduire la pauvreté ainsi que pour promouvoir la bonne gouvernance et le développement durable, en les aidant à générer, grâce au commerce international, des recettes additionnelles qu’ils pourront ensuite réinvestir pour leur propre développement et, en outre pour diversifier leur économie ». En vertu de l’article 19 dudit règlement, « le bénéfice des régimes préférentiels [octroyés à certains États] peut être temporairement retiré, en ce qui concerne l’ensemble ou une partie des produits originaires d’un pays bénéficiaire », pour plusieurs motifs. L’un d’entre eux, que la requérante invoque en l’espèce, est qu’il existe des « pratiques commerciales déloyales graves et systématiques, ayant notamment des répercussions sur l’approvisionnement en matières premières, qui ont des effets négatifs sur l’industrie de l’Union et auxquelles le pays bénéficiaire n’a pas remédié » et « qu’une décision préalable en ce sens de l’organe compétent de l’[OMC] » ait été prise [voir article 19, paragraphe 1, sous d), dudit règlement].

21      À la lumière des dispositions du règlement n° 978/2012 exposées au point 20 ci-dessus, il convient de rechercher, en l’espèce, si la lettre attaquée, par laquelle la Commission a informé la requérante qu’elle n’entendait pas adopter un acte d’exécution ouvrant la procédure de retrait temporaire de préférences généralisées qu’elle a octroyées à certains États tiers, constitue un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante au sens de la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus.

22      En premier lieu, il convient de constater, comme le fait observer la Commission à juste titre, que ni le règlement n° 978/2012 ni le règlement n° 1083/2013 ne confèrent un droit aux personnes morales, telles que la requérante, de demander à la Commission ou d’obtenir l’adoption par cette dernière d’un acte d’exécution ouvrant une procédure de retrait temporaire du bénéfice de préférences tarifaires. Force est de constater que la requérante reconnait au contraire explicitement dans ses écritures qu’un tel droit n’existe pas (voir point 18 ci-dessus).

23      Dans ce cadre, il convient de souligner que l’absence de toute disposition, dans le chapitre V du règlement n° 978/2012, prévoyant que les personnes morales bénéficieraient de droits de demander et d’obtenir de la Commission l’ouverture d’une procédure de retrait temporaire, distingue les mesures de retrait temporaire des mesures de sauvegarde et de surveillance, prévues par le chapitre VI du même règlement. En effet, l’article 24, paragraphe 1, dudit règlement prévoit explicitement qu’une enquête peut être ouverte à la demande notamment d’une personne morale en vue d’imposer des mesures de sauvegarde et de surveillance.

24      En deuxième lieu, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’article 19, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 978/2012 et l’article 1er du règlement n° 1083/2013, qu’ils soient lus de manière isolée ou combinée, tendent à exclure que les entreprises, telles que la requérante, bénéficient d’un quelconque droit de demander et d’obtenir de la Commission qu’elle adopte un acte d’exécution ouvrant la procédure de retrait temporaire.

25      En effet, d’une part, il ressort de l’article 19, paragraphe 3, du règlement n° 978/2012 que l’adoption d’un acte d’exécution ouvrant la procédure de retrait temporaire ne dépend que du seul choix de la Commission, puisqu’un tel acte ne peut être adopté que « lorsqu[’elle] considère qu’il existe des raisons suffisantes justifiant un tel retrait ». Ce constat est par ailleurs confirmé par l’article 19, paragraphe 1, du même règlement, aux termes duquel la Commission n’est pas tenue, mais « peut », décider de retirer temporairement le bénéfice des régimes préférentiels lorsque, notamment, en vertu du paragraphe 4 de cet article, il existe « des pratiques commerciales déloyales graves et systématiques, ayant notamment des répercussions sur l’approvisionnement en matières premières, qui ont des effets négatifs sur l’industrie de l’Union et auxquels le pays bénéficiaire n’a pas remédié ».

26      D’autre part, il y a lieu de relever que, comme le fait également observer à juste titre la Commission, il découle de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 1083/2013 qu’elle n’est tenue de prendre en considération le point de vue de tiers qu’après avoir adopté l’avis annonçant l’ouverture de la procédure de retrait temporaire et lorsque ce point de vue est étayé par des éléments de preuve suffisants, mais pas à un stade antérieur, comme en l’espèce.

27      En troisième lieu, il importe de constater que le règlement n° 978/2012, ainsi que les trois règlements portant application d’un schéma de préférences tarifaires généralisées successivement adoptés après le règlement (CE) n° 2820/98 du Conseil, du 21 décembre 1998, portant application d’un schéma pluriannuel de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er juillet 1999 au 31 décembre 2001 (JO L 357, p. 1), qui a été abrogé, ne contiennent plus, à la différence de ce dernier règlement, de dispositions, d’une part, octroyant un droit aux personnes morales de « porter à la connaissance de la Commission » les circonstances pouvant justifier un retrait temporaire du bénéfice de préférences tarifaires et, d’autre part, obligeant la Commission à transmettre ces informations aux États membres afin de leur permettre de demander éventuellement l’ouverture de consultations du comité des préférences généralisées (article 23, paragraphes 1 à 4, du règlement n° 2820/98).

28      Dans ce cadre, il importe de souligner que les différences, exposées au point 27 ci-dessus, entre le règlement n° 978/2012 et le règlement n° 2820/98, qui a été abrogé, permettent de considérer que, contrairement à la lettre examinée par le Tribunal dans l’arrêt du 12 septembre 2002, DuPont Teijin Films Luxembourg e.a./Commission (T‑113/00, Rec, EU:T:2002:214, points 45 à 56), la lettre attaquée ne constitue pas un acte attaquable. En effet, dans cet arrêt, le Tribunal a considéré que la lettre adoptée par la Commission, dans le cadre de l’application du règlement n° 2820/98, refusant d’examiner la demande formulée par des entreprises que la Commission retire le bénéfice de préférences généralisées octroyés à des producteurs indiens, constituait un acte attaquable. Au soutien de cette conclusion, le Tribunal a constaté que l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 2820/98 obligeait la Commission à transmettre sans délai les informations fournies par les entreprises à l’ensemble des États membres. En vertu de l’article 23, paragraphes 2 à 4, du règlement n° 2820/98, cette transmission d’information visait à permettre aux États membres d’apprécier s’il convenait de demander l’ouverture de consultations au sein du comité de préférences généralisées, à l’issue desquelles la Commission devait décider de l’ouverture d’une procédure d’enquête. Il importe de souligner que c’est sur la base de ces seules dispositions du règlement n° 2820/98 que le Tribunal a considéré, au point 51 dudit arrêt, qu’un tiers qui justifiait d’un intérêt à la mesure de retrait temporaire était en droit d’attendre de la Commission qu’elle examine l’information qu’il lui avait transmise et qu’elle la communique aux États membres. Or, en l’espèce, comme il a été constaté aux points 22 à 26 ci-dessus, aucune disposition dans le règlement n° 978/2012 ne prévoit que les entreprises ou les associations professionnelles, telles que la requérante, disposent d’un tel droit de demander à la Commission d’examiner l’information qu’elle lui transmet et de la communiquer aux États membres.

29      Il ressort de l’ensemble des considérations exposées aux points 22 à 28 ci-dessus que la lettre attaquée ne constitue pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE. En effet, la requérante ne dispose d’aucun droit de demander et d’obtenir l’adoption d’un acte d’exécution ouvrant la procédure de retrait temporaire, et ce quand bien même les conditions qui justifieraient un tel retrait et qui sont prévues à l’article 19 du règlement n° 978/2012, seraient remplies. Dès lors, la lettre attaquée, par laquelle la Commission informe la requérante, en substance, qu’elle n’ouvrira pas une telle procédure, ne produit pas d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante.

30      La conclusion exposée au point 29 ci-dessus n’est pas infirmée par les autres arguments avancés par la requérante.

31      Premièrement, pour autant que la requérante fait valoir que, par son recours, elle ne conteste pas la décision de la Commission de ne pas ouvrir la procédure de retrait temporaire, mais critique l’absence d’examen par la Commission des informations qu’elle lui a fournies, il y a lieu de rejeter cet argument comme étant non fondé.

32      En effet, d’abord, il importe de rappeler que, comme il a été relevé aux points 22 à 28 ci-dessus, dès lors que la requérante ne dispose d’aucun droit de demander et d’obtenir de la Commission que cette dernière adopte un acte d’exécution ouvrant la procédure de retrait temporaire, elle ne saurait lui reprocher valablement de ne pas avoir examiné les informations qu’elle lui avait fournies.

33      Ensuite, et en toute hypothèse, force est de constater que la Commission a examiné, en l’espèce, la demande de la requérante et lui a fourni les raisons pour lesquelles elle n’entendait pas adopter l’acte d’exécution ouvrant la procédure de retrait temporaire. En effet, comme cela ressort du point 5 ci-dessus, dans la lettre attaquée, la Commission a considéré, d’une part, que le système de préférences tarifaires généralisées n’était pas l’instrument approprié pour résoudre le problème évoqué par la requérante de l’approvisionnement de l’industrie européenne en matières premières à partir d’États tiers et, d’autre part, que les pratiques commerciales déloyales sérieuses, justifiant un retrait temporaire en vertu de l’article 19, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 978/2012, « ne semblaient pas » établies en l’espèce. Ces deux motifs, pris ensemble, montrent donc que c’est à la suite de l’examen des informations que la requérante lui avaient fournies que la Commission a estimé qu’il n’était pas justifié d’adopter un acte d’exécution ouvrant la procédure de retrait temporaire.

34      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la lecture combinée du considérant 15 du règlement n° 978/2012 et de l’article 19, paragraphes 1 et 3, dudit règlement et l’article 1er du règlement n° 1083/2013, indique que le législateur a entendu conférer un rôle clef aux entreprises en tant que sources d’informations pour la Commission, doit être rejeté comme étant non fondé.

35      En effet, d’une part, il importe de relever à cet égard que le considérant 15 du règlement n° 978/2012 prévoit que, si, « aux fins du contrôle et du retrait des préférences, les rapports des organes de surveillance pertinents sont indispensables », « toutefois, ceux-ci peuvent être complétés par d’autres sources d’informations, pour autant qu’elles soient précises et fiables », telles que celles provenant notamment de la société civile. Ce considérant ne confirme donc pas que la requérante dispose d’un droit de demander et d’obtenir l’adoption d’un acte d’exécution ouvrant une procédure de retrait temporaire, mais que, comme il a été indiqué au point 26 ci-dessus, la Commission n’est tenue, en vertu de l’article 1er du règlement n° 1083/2013, de prendre en considération le point de vue des tiers qu’après avoir adopté l’avis annonçant l’ouverture de la procédure de retrait temporaire, et lorsque ce point de vue est étayé par des éléments de preuve suffisants, mais pas à un stade antérieur, comme en l’espèce.

36      D’autre part, comme il a été constaté aux points 27 et 28 ci-dessus, il ressort sans ambiguïté du libellé des règlements portant application d’un schéma de préférences tarifaires généralisées qui ont été adoptés postérieurement au règlement n° 2820/98, et, partant, de celui du règlement n° 978/2012 que le législateur a supprimé le droit des entreprises de « porter à la connaissance » de la Commission des informations qui devaient ensuite être transmises aux États membres en vue de consultations conduisant à l’ouverture de la procédure de retrait temporaire.

37      Troisièmement, l’argument de la requérante selon lequel il ressort d’une présentation faite par un fonctionnaire de la DG du commerce de la Commission, lors d’une conférence organisée le 19 septembre 2013, que les entreprises disposent d’un droit de communiquer à la Commission des informations qu’elle est tenue d’apprécier, doit être rejeté comme étant non fondé. D’une part, il importe de relever à cet égard que la présentation susmentionnée, intitulée « Le nouveau système de préférences généralisées (GSP) » indique explicitement qu’« [elle] ne constitue pas un document ayant une valeur juridique ». Un tel document n’est donc pas de nature à faire naître ou à reconnaître un quelconque droit au profit des entreprises, telles que la requérante. D’autre part, en toute hypothèse, cette présentation se limite, s’agissant du retrait temporaire des préférences généralisées, à indiquer que la Commission « ne se repose pas seulement sur les organes de contrôle, mais également sur les tiers ». Force est donc de constater que ce passage de ladite présentation ne fait que renvoyer, en substance, au considérant 15 du règlement n° 978/2012, au terme duquel le point de vue de tiers ne doit être pris en considération par la Commission qu’après avoir adopté l’avis annonçant l’ouverture de la procédure de retrait temporaire et lorsque ce point de vue est étayé par des éléments de preuve suffisants, mais pas à un stade antérieur.

38      Quatrièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que la Commission ait informé, par la lettre attaquée, la requérante qu’elle n’envisageait pas d’adopter l’acte d’exécution ouvrant la procédure de retrait temporaire ou que la requérante ait fait référence, dans son courrier du 6 décembre 2013, à l’article 19 du règlement n° 978/2012, n’établit ni que ce dernier règlement ni que le règlement n° 1083/2013 lui confèrent un droit de demander et d’obtenir de la Commission qu’elle adopte un acte d’exécution ouvrant la procédure de retrait temporaire.

39      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir la première fin de non-recevoir et, partant, l’exception d’irrecevabilité, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les trois autres fins de non-recevoir soulevées par la Commission, qui sont exposées au point 15 ci-dessus.

40      Le présent recours doit donc être rejeté comme étant irrecevable. Par ailleurs, il résulte de la conclusion exposée au point 40 ci-dessus qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’intervention présentée par la République italienne dans la présente affaire.

 Sur les dépens

41      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses dépens et ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’intervention présentée par la République italienne.

3)      L’Unione nazionale industria conciaria (UNIC) supportera ses propres dépens et ceux exposés par la Commission.

Fait à Luxembourg, le 27 janvier 2015.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : l’italien.