Language of document : ECLI:EU:T:2020:233

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

28 mai 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative TASER – Marques de l’Union européenne verbales antérieures TASER – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Atteinte à la renommée – Profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure – Article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑341/19,

Martínez Albainox, SL, établie à Albacete (Espagne), représentée par Me J. Carbonell Callicó, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Taser International, Inc., établie à Scottsdale, Arizona (États-Unis),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 20 mars 2019 (affaire R 1577/2018‑4), relative à une procédure de nullité entre Taser International et Martínez Albainox,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et M. B. Berke (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juin 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 6 août 2019,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 24 avril 2014, la requérante, Martínez Albainox, SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant : 

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent de la classe 8 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Outils et instruments à main entraînés manuellement ; coutellerie, fourchettes et cuillers ; armes blanches ; couteaux, à l’exclusion expresse des appareils de rasage, lames de rasoirs et ustensiles de rasage ».

4        La marque a été enregistrée le 18 septembre 2014.

5        Le 27 mai 2016, Taser International, Inc. (ci-après la « titulaire de la marque antérieure ») a introduit auprès de l’EUIPO une demande en nullité de la marque contestée sur le fondement des marques suivantes :

–        la marque de l’Union européenne verbale TASER enregistrée le 3 mars 2005 et renouvelée jusqu’au 24 septembre 2023, sous le numéro 3367661, pour les produits et services relevant des classes 13, 41 et 45 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 13 : « Armes à feu ; munitions et projectiles, armes, appareils et installations d’armes ; actionneurs destinés aux armes ; actionneurs pour installations d’éjection d’armes ; actionneurs pour installations de chargement d’armes ; appareils pour tir d’armes ; appareils et installations de défense ; étuis pour armes ; armes automotrices ; fusils ; pistolets à air comprimé ; cartouches pour pistolets ; fusils lance-harpons ; armes électroniques non mortelles et leurs accessoires ; appareils et équipements relatifs à tous les produits précités » ;

–        classe 41 : « Formation ; services de formation relatifs à la santé et à la sécurité ; formation technique relative à la sécurité ; services d’information, conseils et assistance dans tous les domaines précités » ;

–        classe 45 : « Services personnels et sociaux rendus par des tiers destinés à satisfaire les besoins des individus ; services de sécurité pour la protection de la propriété et des personnes, services de protection civile ; services de conseils en matière de prévention contre la criminalité ; services de sécurité, prix de location d’appareils de sécurité et équipements ; services d’information, conseils et assistance dans tous les domaines précités » ;

–        la marque de l’Union européenne verbale TASER enregistrée le 29 août 2011, sous le numéro 9818337, pour les produits relevant de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant à la description suivante : « Appareils d’enregistrement vidéo, caméras vidéo, enregistreurs vidéo numériques ; supports enregistrés contenant du matériel vidéo, du matériel audio, et des preuves photographiques enregistrées d’incidents ainsi que des actions et communications enregistrées ; films cinématographiques contenant des preuves d’incidents dans les domaines de l’application de la loi, de la sécurité professionnelle, de la sécurité médicale et des consommateurs ; dispositifs portables permettant la lecture d’enregistrements vidéo et l’enregistrement de commentaires audio sur les enregistrements vidéo lus ; boîtiers entrée/sortie d’enregistreur à porter sur le corps, à savoir boîtiers équipés de circuits électroniques recevant du contenu vidéo et audio à des points d’entrée, fournissant du contenu vidéo et audio à des points de sortie selon le choix de l’utilisateur, et fournissant une interface pour le contrôle de l’utilisateur d’un enregistreur vidéo et audio à porter sur le corps ; modules électroniques à installer comme composant sur ou dans des armes, à savoir, modules équipés d’une batterie ou d’un dispositif de stockage de données pour le fonctionnement de l’arme ou l’enregistrement du fonctionnement de l’arme ».

6        Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient, d’une part, ceux visés à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001], et, d’autre part, la mauvaise foi en vertu de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

7        Au soutien de sa demande en nullité, la titulaire de la marque antérieure a présenté des éléments de preuve de la renommée des marques antérieures visées au point 5 ci-dessus.

8        Le 7 novembre 2016, la requérante a demandé au titulaire de la marque antérieure, conformément à l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), de produire la preuve de l’usage de la marque antérieure enregistrée sous le numéro 3367661 et visée au point 5, premier tiret, ci-dessus (ci-après la « marque antérieure ») pour tous les produits et services sur lesquels la demande en nullité était fondée.

9        Le 24 février 2017, le titulaire de la marque antérieure a fait référence aux éléments de preuve déjà produits et a également apporté de nouveaux éléments de preuve de l’usage sérieux de ladite marque antérieure.

10      Par décision du 21 juin 2018, la division d’annulation a accueilli la demande en nullité dans son intégralité et a déclaré la nullité de la marque contestée. En particulier, bien que la titulaire de la marque antérieure avait introduit sa demande en nullité sur le fondement, d’une part, de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, d’autre part, de l’article 8, paragraphe 5, de ce règlement, elle a examiné la demande uniquement à la lumière de cette seconde disposition. Après avoir constaté que l’usage sérieux de la marque antérieure était prouvé par la titulaire de la marque antérieure pour les « armes électroniques non mortelles et leurs accessoires » compris dans la classe 13 et les services de « formation ; services de formation relatifs à la santé et à la sécurité ; formation technique relative à la sécurité ; services d’information, conseils et assistance dans tous les domaines précités » compris dans la classe 41, la division d’annulation a considéré que la marque antérieure jouissait d’une reconnaissance élevée parmi le public pertinent, que les signes étaient très similaires, que les produits relevant des classes 8 et 13 étaient destinés à être utilisés par le grand public à des fins d’autodéfense, que la coïncidence du terme « taser » dans les marques en conflit conduirait les consommateurs à associer lesdites marques et enfin qu’une telle association permettrait à la requérante de tirer indûment profit de la renommée de la marque antérieure.

11      Le 14 août 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, à l’encontre de la décision de la division d’annulation.

12      Par décision du 20 mars 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours, en analysant la demande en nullité, d’abord, sur la base de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Premièrement, elle a conclu que l’usage sérieux de la marque antérieure était établi dans l’Union européenne pour les « armes électroniques non mortelles ». Deuxièmement, concernant la comparaison des produits, elle a estimé que les produits contestés « armes blanches ; couteaux » compris dans la classe 8 étaient similaires, à tout le moins à un degré moyen, aux produits « armes électroniques non mortelles » compris dans la classe 13 et désignés par la marque antérieure. En revanche, les produits « outils et instruments à main entraînés manuellement » et « coutellerie, fourchettes et cuillers » relevant de la classe 8 ont été considérés comme différents des « armes électroniques non mortelles » visées par la marque antérieure et comprises dans la classe 13. Troisièmement, s’agissant de la comparaison des signes, elle a conclu que la similitude visuelle entre les marques était élevée, que les marques étaient identiques sur le plan phonétique et qu’aucun des signes n’avait de signification sur le plan conceptuel. L’élément figuratif apparaissant comme un éclair qui traverse les lettres n’empêcherait pas de percevoir clairement les lettres et aurait une simple fonction décorative. Quant à l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a estimé qu’il existait un risque de confusion de la part du public pertinent au regard des produits similaires « armes blanches ; couteaux » relevant de la classe 8. Pour les autres produits qui étaient différents, il n’existerait aucun risque de confusion. Ensuite, la chambre de recours a analysé la demande en nullité sur la base de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, pour les produits au regard desquels il n’existait pas de risque de confusion. Premièrement, s’agissant de la renommée, elle a conclu que la marque antérieure bénéficiait d’un degré élevé de reconnaissance auprès du public pertinent et d’une solide renommée pour les produits « armes électroniques non mortelles ». Deuxièmement, s’agissant de la condition de l’usage qui tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, la chambre de recours a estimé qu’il existait un lien entre les marques en conflit en relevant que, outre la solide renommée de la marque antérieure et la similitude élevée des marques qui étaient même identiques d’un point de vue phonétique, les produits visés par la marque contestée, malgré l’absence de similitude, étaient liés aux produits visés par la marque antérieure et leurs public pertinents se chevauchaient, dans la mesure ou les « armes électroniques non mortelles » incluaient également des dispositifs d’autodéfense qui s’adressaient au grand public. Troisièmement, la chambre de recours a considéré, à l’instar de la division d’annulation, qu’il existait un risque de profit indu, en raison de ce lien entre les marques en conflit.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en déclarant expressément que la marque contestée est valable pour tous les produits relevant de la classe 8 et pour lesquels la marque a été enregistrée ;

–        condamner l’EUIPO et la titulaire de la marque antérieure aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, et de la violation de cet article 60, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement  2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement

16      La requérante estime que les pistolets à impulsions électriques visés par la marque antérieure seraient uniquement vendus aux forces de l’ordre, un public très spécialisé, dans la mesure où le grand public ne serait pas autorisé à acheter ce genre de produits. Elle s’appuie sur de nombreux éléments de preuve qui démontreraient que ces produits sont adressés exclusivement à ce public spécialisé. En comparaison, les produits couverts par la marque contestée s’adresseraient au grand public, lequel ne serait pas constitué de consommateurs susceptibles d’utiliser également les produits couverts par la marque antérieure. Par conséquent, il n’existerait pas de risque de confusion. En outre, la requérante considère que les produits visés par la marque antérieure (pistolets à impulsions électriques) s’adressent à un public ayant un degré d’attention supérieur, ce qui représenterait un élément supplémentaire confirmant l’absence de risque de confusion. La requérante précise que le fait qu’elle commercialise non seulement de la coutellerie, mais également des couteaux de chasse et de sport, n’implique pas que les marques en cause visent le même type de clientèle, car ces produits ne s’adressent pas aux forces de l’ordre, les chasseurs étant des consommateurs fondamentalement différents des agents de police. En outre, la requérante ajoute que, selon la jurisprudence, en cas de produits destinés uniquement à des spécialistes en vue d’un usage professionnel, le risque de confusion doit être évalué du point de vue de ce public spécialisé uniquement.

17      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

18      L’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 prévoit qu’une marque de l’Union européenne est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’EUIPO lorsqu’il existe une marque antérieure visée à l’article 8, paragraphe 2, et que les conditions énoncées au paragraphe 1 dudit article sont remplies.

19      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

20      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

21      Il s’ensuit que le risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, entre deux marques en conflit ne doit pas être apprécié sur la base d’une comparaison, dans l’abstrait, des signes en conflit et des produits ou services qu’ils désignent. L’appréciation de ce risque doit, plutôt, être fondée sur la perception que le public pertinent aura desdits signes, produits et services.

22      Il convient, à cet égard, de tenir compte du fait qu’un public restreint et spécialisé est susceptible d’avoir des connaissances spécifiques relatives aux produits ou aux services concernés par les marques en conflit ou de faire, à cet égard, preuve d’un niveau d’attention élevé, par rapport à celui du grand public [voir, en ce sens, arrêts du 19 novembre 2008, Ercros/OHMI ‐ Degussa (TAI CROS), T‑315/06, non publié, EU:T:2008:513, point 26 ; du 28 octobre 2009, Juwel Aquarium/OHMI ‐ Potschak (Panorama), T‑339/07, non publié, EU:T:2009:415, point 33, et du 9 février 2010, PromoCell bioscience alive/OHMI (SupplementPack), T‑113/09, non publié, EU:T:2010:34, point 31]. Il s’agit de facteurs pouvant jouer un rôle déterminant, s’agissant de l’existence ou de l’absence d’un risque de confusion entre lesdites marques.

23      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

24      Par ailleurs, le public pertinent pour l’appréciation du risque de confusion est constitué des utilisateurs susceptibles d’utiliser tant les produits ou les services visés par la marque antérieure que ceux visés par la marque demandée [arrêt du 1er juillet 2008, Apple Computer/OHMI ‐ TKS‑Teknosoft (QUARTZ), T‑328/05, non publié, EU:T:2008:238, point 23].

25      En l’espèce, à titre liminaire, il y a lieu de souligner, d’une part, que la chambre de recours n’a retenu de risque de confusion entre les marques en cause que par rapport aux produits désignés par la marque contestée, compris dans la classe 8, « armes blanches ; couteaux », et, d’autre part, que la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours concernant la comparaison des signes, mais se limite à remettre en cause la comparaison des produits, uniquement en ce qui concerne la définition des publics pertinents des marques en cause, afin de démontrer que les produits visés par la marque antérieure seraient uniquement adressés aux forces de l’ordre, alors que les produits visés par la marque contestée ne s’adresseraient pas à ces derniers, et que les publics seraient totalement distincts et ne se chevaucheraient pas. Par conséquent, elle soutient, en substance, qu’aucun consommateur ne serait susceptible d’utiliser à la fois les produits couverts par la marque antérieure et ceux couverts par la marque contestée, et qu’il n’y aurait aucun risque de confusion possible entre les marques en cause.

26      À cet égard, d’une part, il suffit de constater que, comme l’a à juste titre considéré la chambre de recours, au point 26 de la décision attaquée, les produits visés par la marque contestée « armes blanches ; couteaux » compris dans la classe 8 sont similaires, à tout le moins à un degré moyen, aux produits « armes électroniques non mortelles » compris dans la classe 13 et désignés par la marque antérieure. Les « armes blanches » désignées par la marque contestée sont des armes non explosives qui sont portées sur le corps et incluent, par exemple, les épées et les couteaux (autres que ceux destinés à un usage domestique). Les couteaux et les armes blanches peuvent être utilisés en tant qu’armes, ce qui confirme que ces produits et les produits couverts par la marque antérieure peuvent avoir la même finalité et peuvent être concurrents, dans la mesure où les couteaux et armes blanches peuvent servir pour la défense ou l’attaque.

27      D’autre part, il y a lieu de confirmer l’appréciation de la chambre de recours, au même point 26 de la décision attaquée, selon laquelle les couteaux et armes blanches s’adressent au même public, dans la mesure où il ne saurait être exclu que le public spécialisé, composé des forces de l’ordre et des services de sécurité privée, puisse acheter des couteaux ou des armes blanches, indépendamment de la question de savoir s’ils sont tenus de, ou autorisés à, les utiliser dans l’exercice de leurs fonctions. En principe, ces produits, ainsi que ceux visés par la marque antérieure, seront achetés par les services des forces de l’ordre responsables de l’achat du matériel et rien n’empêcherait que ceux-ci soient confrontés, au moment de l’achat, à ces différents produits et qu’ils puissent penser, compte tenu de la similitude élevée entre les signes, qu’ils proviennent tous de la titulaire de la marque antérieure. Dès lors, un risque de confusion pourrait exister pour la partie du public pertinent spécialisée, constitué par les forces de l’ordre et les services de sécurité privée.

28      Ainsi, les arguments de la requérante concernant le fait que les preuves démontrent que les produits visés par la marque antérieure s’adressent exclusivement aux forces de l’ordre sont inopérants. En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que l’existence d’un risque de confusion pour une partie du public pertinent suffit pour refuser l’enregistrement de la marque demandée [voir arrêt du 16 mai 2017, AW/EUIPO – Pharma Mar (YLOELIS), T‑85/15, non publié, EU:T:2017:336, point 49 et jurisprudence citée].

29      Il en va de même s’agissant de l’argument de la requérante concernant le niveau d’attention élevé du public spécialisé en cause, dès lors que ce niveau d’attention a bien été pris en compte par la chambre de recours, au point 39 et 41 de la décision attaquée, sans que cela puisse affecter sa conclusion quant à l’existence d’un risque de confusion en l’espèce.

30      Il découle de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant, au point 41 de la décision attaquée, qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit, en ce qui concerne les produits « armes blanches ; couteaux » compris dans la classe 8.

31      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, dans la mesure où la requérante semble vouloir contester la preuve de l’usage fournie par la titulaire de la marque antérieure, en considérant que la plupart des éléments de preuve ne concernent pas la période de référence ou le territoire pertinent, force est de constater que, sur les 38 éléments énumérés et analysés dans la requête, seuls douze semblent effectivement ne pas viser la période pertinente (du 24 avril 2009 au 26 mai 2016) ou le territoire pertinent (de l’Union). En outre, l’un de ces éléments concerne, en partie, une période non pertinente. Toutefois, un tel constat ne saurait remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux, dès lors que les autres éléments de preuve suffisent à l’établir. Pour le reste, ces éléments de preuve sont invoqués par la requérante afin de démontrer que les produits visés par la marque antérieure s’adressaient aux forces de l’ordre. Or, une telle circonstance n’est pas susceptible de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il existe un risque de confusion entre les produits « armes blanche ; couteaux » compris dans la classe 8 et les « armes électriques non mortelles » comprises dans la classe 13, comme il ressort des points 27 à 30 ci-dessus.

32      Il découle de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du même règlement

33      Dans le cadre du second moyen, la requérante conteste le point 54 de la décision attaquée en ce que la chambre de recours a considéré que les publics pertinents pour les marques en conflit se chevauchaient et qu’il existait donc une possibilité que le public fasse un rapprochement entre les marques en conflit, alors même qu’il ne les confond pas. Elle conteste, en particulier, que les produits « armes électriques non mortelles », pour lesquels la renommée de la marque antérieure avait été démontrée, incluent également des équipements d’autodéfense destinés au grand public qui pourraient être vendus dans les mêmes magasins que les produits visés par la marque contestée ou vendus par des tiers. Ces derniers incluraient des produits tels que des « outils multifonctions et couteaux de poche », des « couteaux et outils de tir vendus dans des boutiques en ligne », des « vêtements, accessoires et chaussures de chasse et de tir » ou « des articles vestimentaires de chasse ». Ceux-ci, contrairement à ce qu’affirme la chambre de recours, ne sauraient être proposés dans les mêmes magasins que les « armes électriques non mortelles » qui seraient uniquement distribuées sur le site de la titulaire de la marque antérieure et destinées uniquement aux forces de l’ordre. La requérante souligne, par ailleurs, que les produits de la titulaire de la marque antérieure commercialisés sur les sites Internet de plusieurs pays européens sont divisés en trois catégories et que seule une de ces catégories serait distinguée sous la marque antérieure. Enfin, la requérante réitère que les produits et les équipements visés par la marque antérieure s’adressent aux seules forces de l’ordre, qui, pour ce qui concerne l’Europe, ne sauraient acheter les produits de la titulaire de la marque antérieure sur les sites Internet. Dès lors que les produits de la requérante s’adresseraient en revanche au grand public, aucun chevauchement des publics pertinents ne serait possible et donc il n’existerait aucune possibilité d’établir un lien entre les marques en conflit pour les produits concernés. Par conséquent, il ne saurait être conclu qu’un avantage sera tiré de la renommée de la marque antérieure.

34      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

35      L’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 prévoit qu’une marque de l’Union européenne est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’EUIPO lorsqu’il existe une marque antérieure visée à l’article 8, paragraphe 2, et que les conditions énoncées au paragraphe 5 dudit article sont remplies.

36      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

37      Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 et de la jurisprudence que la protection élargie accordée à la marque antérieure par cette disposition présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, la marque antérieure doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [voir, par analogie, arrêt du 13 décembre 2018, Monster Energy/EUIPO – Bösel (MONSTER DIP), T‑274/17, EU:T:2018:928, point 55 (non publié) et jurisprudence citée].

38      Afin de satisfaire à la condition relative à la similitude des marques posée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre la marque antérieure jouissant d’une renommée et la marque contestée. Il suffit que le degré de similitude entre la marque antérieure jouissant d’une renommée et la marque contestée ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre elles, alors même qu’il ne les confond pas [voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2016, Spa Monopole/EUIPO – YTL Hotels & Properties (SPA VILLAGE), T‑625/15, non publié, EU:T:2016:631, point 34 et jurisprudence citée].

39      Conformément à la jurisprudence, le fait que la marque postérieure évoque la marque antérieure dans l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, équivaut à l’existence d’un tel lien (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 60).

40      L’existence d’un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, notamment du degré de similitude entre les signes en conflit, de la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou de ces services, ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public [voir arrêt du 5 mai 2015, Spa Monopole/OHMI – Orly International (SPARITUAL), T‑131/12, EU:T:2015:257, point 48 et jurisprudence citée].

41      S’agissant du degré de similitude entre les marques en conflit, plus celles-ci sont similaires, plus il est vraisemblable que la marque postérieure évoquera, dans l’esprit du public pertinent, la marque antérieure renommée. En outre, plus la marque antérieure présente un caractère distinctif fort, qu’il soit intrinsèque ou acquis par l’usage qui a été fait de cette marque, plus il est vraisemblable que, confronté à une marque postérieure identique ou similaire, le public pertinent fasse un lien avec ladite marque antérieure (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, points 44 et 54).

42      Par ailleurs, il est également de jurisprudence constante que, plus la renommée de la marque antérieure est importante, plus l’existence d’une atteinte sera aisément admise (voir arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 69 et jurisprudence citée).

43      En outre, il convient de souligner que certaines marques peuvent avoir acquis une renommée telle qu’elle va au-delà du public concerné par les produits ou les services pour lesquelles ces marques ont été enregistrées. Dans une telle hypothèse, il est possible que le public concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée effectue un rapprochement entre les marques en conflit alors même qu’il serait tout à fait distinct du public concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, points 51 et 52).

44      En ce qui concerne la quatrième condition mentionnée au point 37 ci‑dessus, l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 vise trois types de risques distincts et alternatifs, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porte préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. Le premier type de risque visé par cette disposition est caractérisé lorsque la marque antérieure n’est plus en mesure de susciter une association immédiate avec les produits pour lesquels elle est enregistrée et employée. Il vise la dilution de la marque antérieure à travers la dispersion de son identité et de son emprise sur l’esprit du public. Le deuxième type de risque visé est constitué lorsque les produits ou les services visés par la marque demandée peuvent être perçus par le public d’une manière telle que la force d’attraction de la marque antérieure s’en trouve diminuée. Le troisième type de risque visé est celui que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits visés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation puisse être facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée. Il convient cependant de souligner que, dans aucun de ces cas, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit n’est requise, le public pertinent devant seulement pouvoir établir un lien entre elles sans toutefois devoir forcément les confondre [voir, par analogie, arrêt du 13 décembre 2018, MONSTER DIP, T‑274/17, EU:T:2018:928, point 56 (non publié) et jurisprudence citée].

45      L’existence de l’atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure, doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 36).

46      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’apprécier la légalité de la décision attaquée.

47      En l’espèce, à titre liminaire, il convient de rappeler, premièrement, que les produits visés par la marque contestée et analysés par la chambre de recours à l’aune de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 sont les seuls « outils et instruments à main entraînés manuellement » et « coutellerie, fourchettes et cuillers », compris dans la classe 8.

48      Deuxièmement, les appréciations de la chambre de recours, lesquelles ne sont pas contestées dans le cadre du présent moyen, effectuées aux points 46 à 49 de la décision attaquée, selon lesquelles la marque antérieure jouit d’une renommée et a fait l’objet d’un usage intensif pour les « armes électroniques non mortelles » comprises dans la classe 13, doivent être confirmées pour les motifs exposés au point 31 ci‑dessus. Troisièmement, il convient de souligner que la requérante ne conteste pas la similitude élevée des signes en conflit.

49      La requérante se borne, en revanche, à contester les appréciations de la chambre de recours, effectuées au point 54 de la décision attaquée, concernant l’existence d’un lien que le public pertinent pourrait effectuer entre les marques en conflit, et selon lesquelles les produits couverts par la marque antérieure s’adressent au grand public et sont commercialisés dans les mêmes canaux de distribution que ceux des produits visés par la marque contestée. Elle estime, en substance, que les publics pertinents des marques en conflit seraient distincts et qu’il n’existerait pas de risque de confusion entre ces marques. De plus, la requérante estime que le public concerné n’établira aucun lien entre les marques en cause et, par conséquent, il ne saurait être conclu qu’un avantage serait tiré de la renommée de la marque antérieure.

50      À cet égard, la chambre de recours a considéré, au point 54 de la décision attaquée, que, en l’espèce, l’existence d’un lien entre les marques en conflit devait être confirmée, dès lors que, outre la solide renommée de la marque antérieure et la similitude élevée des signes en conflit, les produits contestés étaient liés aux produits antérieurs, même s’ils n’étaient pas similaires, et qu’il existait un chevauchement entre leurs publics pertinents, de sorte qu’un lien, aux fins de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, pouvait être établi. En effet, il ressortirait des éléments de preuve présentés que les « armes électroniques non mortelles » pour lesquelles la marque antérieure était renommée incluaient également des dispositifs d’autodéfense qui s’adressaient au grand public. Les extraits du site Internet de la titulaire de la marque antérieure et des parties tierces montraient que les produits, tels les « outils multifonctions et canifs » et les « couteaux et outils de chasse » pouvaient être proposés également dans les mêmes magasins et être donc destinés aux mêmes consommateurs.

51      Il convient de relever que le public pertinent des produits visés par la marque antérieure, « armes électroniques non mortelles » compris dans la classe 13, est un public spécialisé, composé en substance des forces de l’ordre et des services de sécurité privés, dans l’Union, ayant un degré d’attention élevé. Cette appréciation de la chambre de recours, effectuée au point 39 de la décision attaquée, doit être entérinée.

52      Cependant, la chambre de recours a aussi inclus dans la définition du public pertinent le grand public, ayant un degré d’attention moyen, dans la mesure où les « armes électroniques non mortelles » incluaient également les équipements et dispositifs d’autodéfense.

53      La requérante conteste cette appréciation de la chambre de recours.

54      Il ressort des éléments de preuve que, sur les sites Internet de la titulaire de la marque antérieure, celle-ci offre, outre les pistolets électroniques, également une large gamme de produits d’autodéfense. Ces sites sont accessibles via des moteurs de recherche et les sites Internet européens redirigent vers le site américain. Par ailleurs, les mêmes produits peuvent être recherchés sur des plateformes de e‑commerce. En outre, bien que l’achat de pistolets électroniques en tant que tel ne soit pas permis au grand public dans la plupart des États membres de l’Union, celles-ci lui sont connues.

55      En effet, comme il ressort de la jurisprudence rappelée au point 38 ci‑dessus, la possibilité d’établir un rapprochement entre les marques en conflit n’implique pas nécessairement l’existence d’un risque de confusion. Partant, le public pertinent auquel il convient de faire référence ne doit pas être le public composé des consommateurs susceptibles d’utiliser à la fois les produits désignés par la marque antérieure et les produits visés par la marque contestée, comme c’est le cas dans le cadre de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, mais le public qui pourra évoquer la marque antérieure lorsqu’il est confronté aux produits couverts par la marque contestée. Or, à moins que ce public soit totalement distinct de celui des produits visés par la marque antérieure et que celle-ci n’ait pas acquis une renommée telle qu’elle va au-delà du public concerné par les produits qu’elle désigne, une telle possibilité d’évocation ne saurait être exclue.

56      En l’espèce, il ressort des considérations effectuées au point 54 ci‑dessus que, bien que le grand public n’ait pas d’accès aux armes électroniques non mortelles couvertes par la marque antérieure, il les connaît largement, de sorte qu’il pourra opérer un rapprochement entre la marque antérieure et la marque contestée lorsqu’il est confronté aux produits couverts par la marque contestée. Partant, l’affirmation de la requérante selon laquelle les publics pertinents pour les produits en conflit seraient totalement distincts ne saurait être accueillie.

57      En tout état de cause, en premier lieu, à supposer même que les publics pertinents pour les produits en conflit soient distincts, selon la jurisprudence rappelée au point 43 ci-dessus, dans l’hypothèse où une marque a acquis une renommée telle qu’elle va au‑delà du public concerné par les produits pour lesquels cette marque a été enregistrée, il est possible que le public concerné par les produits pour lesquels la marque contestée est enregistrée effectue un rapprochement entre les marques en conflit alors même qu’il serait tout à fait distinct du public concerné par les produits ou les services pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée.

58      À cet égard, il convient de souligner que la chambre de recours a considéré, aux points 48 et 49 de la décision attaquée, que les articles de presse qui avaient été produits montraient que la marque antérieure était largement connue du grand public dans la mesure où la presse généraliste lui avait également consacré de nombreux articles.

59      En outre, au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours a souligné que le terme « taser » apparaissait dans les dictionnaires comme signifiant un type d’arme particulier, les différentes entrées dans les dictionnaires indiquant également que ce terme était une marque enregistrée.

60      Ces constatations de la chambre de recours, au demeurant non contestées par la requérante, permettent d’établir, outre un caractère distinctif élevé de la marque antérieure, comme le fait observer l’EUIPO, une renommée qui s’étend au-delà du public pertinent s’agissant des produits couverts par cette marque, à savoir le public spécialisé utilisant les « armes électroniques non mortelles » comprises dans la classe 13 [voir, en ce sens, arrêt du 10 mai 2007, Antartica/OHMI – Nasdaq Stock Market (nasdaq), T‑47/06, non publié, EU:T:2007:131, point 58].

61      Il en découle que, à supposer que la chambre de recours ait commis une erreur en constatant que les publics des produits visés par les marques en conflit se chevauchaient ou que ces produits étaient commercialisés dans les mêmes canaux de distribution, une telle erreur ne saurait remettre en cause la conclusion de la chambre de recours quant à l’existence d’un lien, énoncée au point 54 de la décision attaquée et visée au point 50 ci-dessus, dans la mesure où le public des produits visés par la marque contestée , lorsqu’il est confronté à des produits tels que les « outils multifonctions et canifs », les « couteaux et outils de chasse » ou d’autres dispositifs d’autodéfense, pouvant être compris dans les « outils et instruments à main entraînés manuellement » et la « coutellerie, fourchettes et cuillers » relevant de la classe 8, pourrait faire un rapprochement avec la marque antérieure.

62      Dès lors que le résultat de l’appréciation de la chambre de recours aurait été le même, une telle éventuelle erreur, à la supposer établie, ne saurait entraîner l’annulation de la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2003, Mystery Drinks/OHMI – Karlsberg Brauerei (MYSTERY), T‑99/01, EU:T:2003:7, point 36].

63      En second lieu, il convient de rappeler que, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 40 ci-dessus, l’existence d’un lien entre les marques en conflit doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, notamment du degré de similitude entre les signes en conflit, de la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou de ces services, ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public.

64      À cet égard, la chambre de recours a établi, premièrement, sans être contestée par la requérante, aux points 29 à 35 de la décision attaquée, que les marques en conflit présentaient un degré élevé de similitude, deuxièmement, au point 54 de la décision attaquée, que les produits en cause, bien que non similaires, étaient liés, dans la mesure où la titulaire de la marque antérieure commercialisait également sur ses sites Internet des dispositifs d’autodéfense, adressés au grand public, troisièmement, au point 40 de la décision attaquée, que la marque antérieure jouissait d’un caractère distinctif intrinsèque normal, et, enfin, aux points 48 et 49 de la décision attaquée, que, en substance, la renommée de la marque antérieure était telle qu’elle s’étendait au-delà du public des produits qu’elle visait.

65      Dans ces circonstances, et compte tenu également de la jurisprudence rappelée aux points 41 et 42 ci-dessus, il y a lieu de constater que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a pu conclure, dans le cadre de son appréciation globale de tous ces éléments, à l’existence d’un lien dans l’esprit du public entre les marques en conflit.

66      Enfin, le simple argument de la requérante selon lequel le public spécialisé n’établira aucun lien entre les marques et, par conséquent, il ne saurait être conclu qu’un avantage sera tiré de la renommée de la marque antérieure, ne saurait prospérer. En effet, premièrement, comme il ressort de la jurisprudence rappelée au point 45 ci-dessus, le public pertinent auquel il convient de faire référence dans le cadre de l’appréciation de l’existence de l’atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, est le consommateur moyen des produits ou des services de la marque postérieure, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, en l’espèce, le grand public. Deuxièmement, il ressort des points 47 à 64 ci-dessus que la possibilité d’établir un tel lien en l’espèce ne saurait être exclue.

67      Compte tenu de tout ce qui précède, le second moyen de la requérante doit être rejeté et, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du premier chef de conclusions de la requérante en ce qu’il vise une déclaration expresse par le Tribunal selon laquelle la marque contestée est valable pour tous les produits relevant de la classe 8, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du second chef de conclusions de la requérante, en ce qu’il vise la condamnation aux dépens de la titulaire de la marque antérieure, cette dernière n’étant pas intervenue devant le Tribunal.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Martínez Albainox, SL est condamnée aux dépens.

Costeira

Kancheva

Berke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mai 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.