Language of document : ECLI:EU:T:2013:277

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

29 mai 2013(*)

« Fonds de cohésion – Règlement (CE) no 1164/94 – Projets concernant l’approvisionnement en eau des populations résidant dans le bassin hydrographique du fleuve Guadiana dans la région d’Andévalo, l’assainissement et l’épuration du bassin du fleuve Guadalquivir et l’approvisionnement en eau des systèmes supra municipaux des provinces de Grenade et de Malaga – Suppression partielle du concours financier – Marchés publics de travaux et de services – Notion d’ouvrage – Scission des marchés – Détermination des corrections financières – Article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94 – Proportionnalité »

Dans l’affaire T-384/10,

Royaume d’Espagne, représenté initialement par M. J. M. Rodríguez Cárcamo, puis par M. A. Rubio González, abogados del Estado,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A. Steiblytė, M. D. Kukovec et Mme B. Conte, en qualité d’agents, assistés initialement de Mes J. Rivas Andrés, X. García García, avocats, et de Mme M. Vilarasau Slade, solicitor, puis de Mes Rivas Andrés et García García,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2010) 4147 de la Commission, du 30 juin 2010, réduisant le concours financier accordé dans le cadre du Fonds de cohésion aux (groupes de) projets suivants : « Approvisionnement en eau des populations résidant dans le bassin hydrographique du fleuve Guadiana : comarque d’Andévalo » (2000.ES.16.C.PE.133), « Assainissement et épuration du bassin du Guadalquivir : Guadaira, Aljarafe et EE NN PP du Guadalquivir » (2000.16.C.PE.066), « Approvisionnement en eau des systèmes supra municipaux des provinces de Grenade et de Malaga » (2002.ES.16.C.PE.061),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM J. Azizi, président, S. Frimodt Nielsen et Mme M. Kancheva (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 novembre 2012,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Dispositions concernant le Fonds de cohésion

1        L’article 158 CE (devenu, après modification, article 174 TFUE) dispose ce qui suit :

« Afin de promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de la Communauté, celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique et sociale.

En particulier, la Communauté vise à réduire l’écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions ou îles les moins favorisées, y compris les zones rurales. »

2        En vertu de l’article 161, deuxième alinéa, CE (devenu, après modification, article 177, deuxième alinéa, TFUE) :

« Un Fonds de cohésion, créé par le Conseil […] contribue financièrement à la réalisation de projets dans le domaine de l’environnement et dans celui des réseaux transeuropéens en matière d’infrastructures des transports. »

3        Le Fonds de cohésion a été créé par le règlement (CE) no 1164/94 du Conseil, du 16 mai 1994, instituant le Fonds de cohésion (JO L 130, p. 1).

4        L’article 4 du règlement no 1164/94, dans sa version modifiée, établit les montants des ressources financières qui pourront être affectées à des projets éligibles aux concours du Fonds de cohésion pour la période 2000-2006.

5        L’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1164/1994, tel que modifié, dispose que le taux de l’aide communautaire accordée par le Fonds de cohésion est compris entre 80 et 85 % des dépenses publiques ou assimilables.

6        L’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1164/94 stipule, dans sa version modifiée, que :

« Les projets financés par le Fonds doivent être conformes aux dispositions des traités, aux actes adoptés en vertu de ceux-ci et aux politiques communautaires, y compris celles qui concernent la protection de l’environnement, les transports, les réseaux transeuropéens, la concurrence et la passation de marchés publics. »

7        L’article 12, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1164/94 prévoit, dans sa version modifiée, ce qui suit :

« 1. Sans préjudice de la responsabilité de la Commission dans l’exécution du budget général des Communautés européennes, les États membres assument en premier ressort la responsabilité du contrôle financier des projets. À cette fin, les États membres prennent notamment les mesures suivantes :

[…]

c)      ils s’assurent que les projets sont gérés conformément à l’ensemble de la réglementation communautaire applicable et que les fonds mis à leur disposition sont utilisés conformément aux principes de la bonne gestion financière ;

[…] »

8        Les règles de gestion du Fonds de cohésion sont détaillées dans l’annexe II du règlement no 1164/94, tel que modifié.

9        L’article H de l’annexe II du règlement no 1164/94, tel que modifié, dispose ce qui suit :

« Corrections financières

1. Si, après avoir procédé aux vérifications nécessaires, la Commission conclut :

a)      que la mise en œuvre d’un projet ne justifie ni une partie ni la totalité du concours octroyé, y compris en cas de non-respect d’une des conditions fixées dans la décision d’octroi du concours, et notamment de modification importante affectant la nature ou les conditions de mise en œuvre du projet pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée, ou

b)      qu’il existe une irrégularité en ce qui concerne le concours du Fonds et que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures correctives nécessaires, la Commission suspend le concours alloué au projet concerné et demande, en indiquant ses motifs, que l’État membre présente ses observations dans un délai déterminé.

Si l’État membre conteste les observations formulées par la Commission, l’État membre est invité à une audition par la Commission, au cours de laquelle les deux parties s’efforcent de parvenir à un accord sur les observations et les conclusions qu’il convient d’en tirer.

2. À l’expiration d’un délai fixé par la Commission, dans le respect de la procédure applicable, en l’absence d’accord et compte tenu des observations éventuelles de l’État membre, la Commission décide, dans un délai de trois mois :

a)      de réduire l’acompte visé à l’article D, paragraphe 2, ou,

b)      de procéder aux corrections financière requises, c’est-à-dire supprimer totalement ou partiellement le concours octroyé au projet.

Ces décisions doivent respecter le principe de proportionnalité. La Commission, en établissant le montant de la correction, tient compte de la nature de l’irrégularité ou de la modification et de l’étendue de l’impact financier potentiel des défaillances éventuelles des systèmes de gestion ou de contrôle. Toute réduction ou suppression de concours donne lieu à répétition de l’indu.

3. Toute somme donnant lieu à répétition de l’indu doit être reversée à la Commission. Les sommes non reversées sont majorées d’intérêts de retard, selon les modalités à arrêter par la Commission.

4. La Commission arrête les modalités détaillées de mise en œuvre des paragraphes 1, 2 et 3 et les communique pour information aux États membres et au Parlement européen. »

10      Les articles 17 à 21 du règlement (CE) no 1386/2002 de la Commission, du 29 juillet 2002, fixant les modalités d’application du règlement no 1164/94 en ce qui concerne les systèmes de gestion et de contrôle et la procédure de mise en œuvre des corrections financières relatifs au concours du Fonds de cohésion (JO L 201, p. 5), précisent l’objet et le champ d’application du règlement et contiennent les dispositions détaillées de la procédure à respecter pour appliquer des corrections aux concours reçus du Fonds de cohésion à partir du 1er janvier 2000.

11      L’article 17, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1386/2002 dispose que :

« 1. Le montant des corrections financières appliquées par la Commission au titre de l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du [règlement no 1164/94] pour des irrégularités individuelles ou systémiques est évalué, chaque fois que cela est possible ou faisable, sur la base de dossiers individuels et est égal au montant des dépenses qui ont été erronément imputées au Fonds, en tenant compte du principe de proportionnalité.

2. Lorsqu’il n’est pas possible ou faisable de quantifier de manière précise le montant des dépenses irrégulières, ou lorsqu’il serait disproportionné d’annuler l’ensemble des dépenses en question, et que la Commission, par conséquent, fonde ses corrections financières sur une extrapolation ou sur une base forfaitaire, elle procède de la manière suivante :

a)      dans le cas d’une extrapolation, elle utilise un échantillon représentatif de transactions présentant des caractéristiques homogènes ;

b)      dans le cas d’une base forfaitaire, elle apprécie l’importance de l’infraction aux règles ainsi que l’étendue et les conséquences financières des défaillances éventuelles des systèmes de gestion et de contrôle qui ont conduit à l’irrégularité constatée.

[…] »

12      Les orientations relatives aux principes, critères et barèmes indicatifs à appliquer par les services de la Commission pour la détermination des corrections financières visées à l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94 établissant un Fonds de cohésion [C(2002) 2871] (ci-après les « orientations de 2002 ») exposent les critères et principes généraux utilisés par la Commission européenne dans la pratique pour la détermination desdites corrections financières. Par ailleurs, les orientations pour la détermination des corrections financières à appliquer aux dépenses cofinancées par les Fonds structurels et le Fonds de cohésion lors du non-respect des règles en matière de marchés publics (ci-après les « orientations de 2007 ») prévoient des montants et des barèmes à appliquer spécifiquement aux irrégularités détectées dans l’application de la règlementation de l’Union européenne relative aux procédures de passation des marchés publics cofinancés par le Fonds de cohésion.

 Dispositions pertinentes concernant les marchés publics

13      La réglementation de référence concernant les marchés publics, pertinente en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1164/94 (voir point 6 ci-dessus), est constituée notamment par la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), et par la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1).

 Directive 93/37

14      Conformément aux dispositions de son préambule et de son deuxième considérant, la directive 93/37 vise à supprimer les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services en matière de marchés publics en vue d’ouvrir les contrats concernés à une concurrence effective. Le dixième considérant de ladite directive précise que le développement d’une concurrence effective nécessite une « publicité communautaire des avis de marché établis par les pouvoirs adjudicateurs des États membres ».

15      Aux termes de l’article 1er, sous c), e), f) et g), de la directive 93/37 :

« Aux fins de la présente directive :

[…]

c)      on entend par ‘ouvrage’ le résultat d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique ;

[…]

e)      les ‘procédures ouvertes’ sont les procédures nationales dans lesquelles tout entrepreneur intéressé peut présenter une offre ;

f)      les ‘procédures restreintes’ sont les procédures nationales dans lesquelles seuls les entrepreneurs invités par les pouvoirs adjudicateurs peuvent présenter une offre ;

g)      les ‘procédures négociées’ sont les procédures nationales dans lesquelles les pouvoirs adjudicateurs consultent les entrepreneurs de leur choix et négocient les conditions du marché avec un ou plusieurs d’entre eux ;

[…] »

16      L’article 2, paragraphe 1, de la directive 93/37 dispose :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les pouvoirs adjudicateurs respectent ou fassent respecter les dispositions de la présente directive lorsqu’ils subventionnent directement à plus de 50 % un marché de travaux passé par une entité autre qu’eux-mêmes. »

17      L’article 6, paragraphes 1, 4 et 6, de la directive 93/37 établit :

« 1. La présente directive s’applique :

a)      aux marchés publics de travaux dont la valeur estimée hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) égale ou dépasse l’équivalent en [euros] de 5 millions de droits de tirage spéciaux (DTS).

b)      aux marchés publics de travaux visés à l’article 2, paragraphe 1, lorsque la valeur estimée hors TVA égale ou dépasse 5 millions d’[euros].

[…]

4. Aucun ouvrage ni aucun marché ne peut être scindé en vue d’être soustrait à l’application de la présente directive.

[…]

6. Les pouvoirs adjudicateurs veillent à ce qu’il n’y ait pas discrimination entre les différents entrepreneurs. »

18      L’article 7 de la directive 93/37 prévoit que, lors de la passation de leurs marchés publics de travaux, les pouvoirs adjudicateurs appliquent les procédures ouvertes et restreintes, sauf dans les cas prévus aux paragraphes 2 et 3, dans lesquels il est possible d’appliquer une procédure négociée. En particulier, l’article 7, paragraphe 3, sous d), de ladite directive dispose :

« Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés de travaux en recourant à la procédure négociée, sans publication préalable d’un avis de marché, dans les cas suivants :

[…]

d)      pour les travaux complémentaires qui ne figurent pas dans le projet initialement adjugé ni dans le premier contrat conclu et qui sont devenus nécessaires, à la suite d’une circonstance imprévue, à l’exécution de l’ouvrage tel qu’il y est décrit, à condition que l’attribution soit faite à l’entrepreneur qui exécute cet ouvrage :

–        lorsque ces travaux ne peuvent être techniquement ou économiquement séparés du marché principal sans inconvénient majeur pour les pouvoirs adjudicateurs

ou

–        lorsque ces travaux, quoiqu’ils soient séparables de l’exécution du marché initial, sont strictement nécessaires à son perfectionnement.

Toutefois, le montant cumulé des marchés passés pour les travaux complémentaires ne doit pas dépasser 50 % du montant du marché principal. »

19      L’article 11, paragraphe 1, de la directive 93/37 dispose :

« Les pouvoirs adjudicateurs font connaître, au moyen d’un avis indicatif, les caractéristiques essentielles des marchés de travaux qu’ils entendent passer et dont les montants égalent ou dépassent le seuil indiqué à l’article 6, paragraphe 1. »

20      L’article 30 de la directive 93/37 définit les critères d’attribution des marchés de travaux relevant du champ d’application de ladite directive. En particulier, aux termes des paragraphes 1, 2 et 4 de ladite disposition :

« 1. Les critères sur lesquels le pouvoir adjudicateur se fonde pour attribuer les marchés sont :

a)      soit uniquement le prix le plus bas ;

b)      soit, lorsque l’attribution se fait à l’offre économiquement la plus avantageuse, divers critères variables suivant le marché en question : par exemple, le prix, le délai d’exécution, le coût d’utilisation, la rentabilité, la valeur technique.

2. Dans le cas visé au paragraphe 1, point b), le pouvoir adjudicateur mentionne, dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, tous les critères d’attribution dont il prévoit l’utilisation, si possible dans l’ordre décroissant de l’importance qui leur est attribuée.

[…]

4. Si, pour un marché donné, des offres apparaissent anormalement basses par rapport à la prestation, le pouvoir adjudicateur, avant de pouvoir rejeter ces offres, demande, par écrit, des précisions sur la composition de l’offre qu’il juge opportunes et vérifie cette composition en tenant compte des justifications fournies. »

 Directive 92/50

21      L’article 3, paragraphes 2 et 3, de la directive 92/50 établit :

« 2. Les pouvoirs adjudicateurs veillent à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre les différents prestataires de services.

3. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les pouvoirs adjudicateurs respectent ou fassent respecter les dispositions de la présente directive lorsqu’ils subventionnent directement à plus de 50 % un marché de services passé par une entité autre qu’eux-mêmes en liaison avec un marché de travaux au sens de l’article 1er bis, paragraphe 2, de la directive 71/305/CEE. »

22      L’article 7, paragraphes 1 et 3, de la directive 92/50 établit :

« 1. a) La présente directive s’applique :

–        aux marchés publics des services visés à l’article 3 paragraphe 3, aux marchés publics de services ayant pour objet des services figurant à l’annexe I B, des services de la catégorie 8 de l’annexe I A et des services de télécommunications de la catégorie 5 de l’annexe I A, dont les numéros de référence CPC sont 7524, 7525 et 7526, passés par les pouvoirs adjudicateurs visés à l’article 1er, point b), lorsque la valeur estimée hors [TVA] égale ou dépasse 200 000 [euros],

[…]

3. Le choix de la méthode d’évaluation d’un marché ne peut être fait dans l’intention de soustraire ce marché à l’application de la présente directive, et aucun projet d’achat d’une quantité déterminée de services ne peut être scindé en vue de le soustraire à l’application du présent article. »

23      L’article 15, paragraphe 2, de la directive 92/50 prévoit :

« Les pouvoirs adjudicateurs désireux de passer un marché public de services en recourant à une procédure ouverte, restreinte ou, dans les conditions prévues à l’article 11, à une procédure négociée font connaître leur intention au moyen d’un avis. »

24      L’article 17, paragraphe 4, de la directive 92/50 dispose :

« Les avis visés à l’article 15 paragraphes 2 et 3 sont publiés in extenso au Journal officiel des Communautés européennes et dans la banque de données TED, dans la langue originale. Un résumé des éléments importants de chaque avis est publié dans les autres langues officielles des Communautés, seul le texte de la langue originale faisant foi. »

25      L’article 18, paragraphe 1, de la directive 92/50 établit :

« Dans les procédures ouvertes, le délai de réception des offres est fixé par les pouvoirs adjudicateurs de façon à ne pas être inférieur à cinquante-deux jours à compter de la date d’envoi de l’avis. »

26      Le chapitre 3 de la directive 92/50 définit les critères d’attribution des marchés de services relevant du champ d’application de ladite directive. Aux termes de l’article 36 de cette directive :

« 1. Sans préjudice des dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales relatives à la rémunération de certains services, les critères sur lesquels le pouvoir adjudicateur se fonde pour attribuer les marchés peuvent être :

a)      soit, lorsque l’attribution se fait à l’offre économiquement la plus avantageuse, divers critères variables selon le marché en question : par exemple, la qualité, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, le service après-vente et l’assistance technique, la date de livraison et le délai de livraison ou d’exécution, le prix ;

b)      soit uniquement le prix le plus bas.

2. Lorsque le marché doit être attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur indique, dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, les critères d’attribution dont il prévoit l’application, si possible dans l’ordre décroissant de l’importance qui leur est attribuée. »

27      Aux termes de l’article 37 de la directive 92/50 :

« Si, pour un marché donné, des offres apparaissent anormalement basses par rapport à la prestation, le pouvoir adjudicateur, avant de pouvoir rejeter ces offres, demande, par écrit, des précisions sur la composition de l’offre qu’il juge opportunes et vérifie cette composition en tenant compte des justifications fournies.

Le pouvoir adjudicateur peut prendre en considération des justifications tenant à l’économie de la prestation de services, ou aux solutions techniques adoptées, ou aux conditions exceptionnellement favorables dont dispose le soumissionnaire pour prester le service, ou à l’originalité du projet du soumissionnaire.

Si les documents relatifs au marché prévoient l’attribution au prix le plus bas, le pouvoir adjudicateur est tenu de communiquer à la Commission le rejet des offres jugées trop basses. »

 Antécédents du litige

 Projet et groupes de projets concernés

 Projet Andévalo

28      Par décision C (2001) 4113 du 18 décembre 2001, modifiée ultérieurement par la décision C (2006) 3835 du 21 août 2006, la Commission a octroyé une aide au titre du Fonds de cohésion pour le projet portant la référence 2000.ES.16.C.PE.133 et intitulé « Approvisionnement en eau des populations résidant dans le bassin hydrographique du fleuve Guadiana : comarque d’Andévalo » (ci-après le « projet Andévalo »). Ce projet avait pour objectif d’améliorer les conditions de fourniture et d’approvisionnement en eau des municipalités situées le long dudit fleuve. Le coût public total ou équivalent admissible pour ce projet a été fixé à 11 419 216 euros et la contribution du Fonds de cohésion à 9 135 373 euros.

29      Le projet Andévalo a été mis en œuvre par les autorités espagnoles au moyen des marchés de travaux suivants :

–        le marché no 1, à savoir le marché de travaux C6 concernant l’Andévalo occidental, publié au Journal officiel de l’Union européenne et passé le 5 décembre 2000 pour un montant de 6 729 606,04 euros, TVA comprise. La valeur estimée hors TVA de ce marché était de 6 393 693,58 euros ;

–        le marché no 2, à savoir le marché de travaux C7 concernant l’Andévalo oriental, tranches I, IV et VI, non publié au Journal officiel et passé le 2 février 2000 pour un montant de 2 286 142,95 euros, TVA comprise ;

–        le marché no 3, à savoir le marché de travaux C8 concernant l’Andévalo oriental, tranches II, III, V et VII, non publié au Journal officiel et passé le 1er décembre 2000 pour un montant de 2 461 997 euros, TVA comprise. La valeur estimée hors TVA de ce marché était de 2 491 978,77 euros. Ce marché a fait l’objet d’un avenant conclu directement avec l’attributaire pour un montant de 172 867,02 euros, TVA comprise.

30      L’organisme responsable de l’exécution du projet Andévalo a été la Dirección General de Obras Hidráulicas de la Junta de Andalucía (Direction générale d’ouvrages hydrauliques du gouvernement d’Andalousie). Cet organisme a délégué cette fonction à la société GIASA.

 Groupe de projets Guadalquivir

31      Par décision C (2000) 4316 du 29 décembre 2000, modifiée ultérieurement par la décision C (2006) 3417 du 1er décembre 2006, la Commission a octroyé une aide au titre du Fonds de cohésion au groupe de projets portant la référence 2000.16.C.PE.066 et intitulé « Assainissement et épuration du bassin du Guadalquivir : Guadaira, Aljarafe et EE NN PP du Guadalquivir » (ci-après le « groupe de projets Guadalquivir »). Ce groupe de projets avait pour objectif d’améliorer le traitement des eaux usées le long du fleuve Guadalquivir conformément à la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40). Le coût public total ou équivalent admissible pour ce groupe de projets a été fixé à 40 430 000 euros et la contribution du Fonds de cohésion à 32 079 293 euros.

32      Le groupe de projets Guadalquivir comprenait six projets, dont le projet no 1, destiné à la construction d’usines de traitement des eaux résiduaires et d’égouts dans les communes de Morón de la Frontera (Espagne), Arahal (Espagne) et Mairena-El Viso del Alcor (Espagne), et le projet no 2, destiné à la construction d’un collecteur le long du Guadalquivir dans la zone d’El Aljarafe.

33      Le projet no 1 a été mis en œuvre par les autorités espagnoles au moyen des marchés de travaux suivants :

–        le marché no 1, à savoir le marché de travaux C9 concernant la station d’épuration des eaux résiduaires d’Arahal, non publié au Journal officiel et passé le 30 janvier 2001 pour un montant de 2 695 754,97 euros, TVA comprise ;

–        le marché no 2, à savoir le marché de travaux C10 concernant les travaux de finition des collecteurs à la station d’épuration des eaux résiduaires d’Arahal, non publié au Journal officiel et passé le 5 juillet 2002 pour un montant de 1 489 645,75 euros, TVA comprise ;

–        le marché no 3, à savoir le marché de travaux C11 concernant les projets et les travaux de la station d’épuration des eaux résiduaires de Morón de la Frontera, non publié au Journal officiel et passé le 15 décembre 2000 pour un montant de 4 223 345,28 euros, TVA comprise ;

–        le marché no 4, à savoir le marché de travaux C12 concernant les travaux des collecteurs de Morón de la Frontera, non publié au Journal officiel et passé le 15 décembre 2000 pour un montant de 1 731 763,63 euros, TVA comprise ;

–        le marché no 5, à savoir le marché de travaux C13 concernant les collecteurs de Mairena et El Viso del Alcor, non publié au Journal officiel et passé le 18 décembre 2000 pour un montant de 1 839 563,07 euros, TVA comprise.

34      Le projet no 2 a été mis en œuvre par les autorités espagnoles au moyen des marchés de travaux suivants :

–        le marché no 6, à savoir le marché de travaux C14 concernant l’assainissement d’El Aljarafe et les collecteurs de la rive droite du Guadalquivir, tranche I, publié au Journal officiel et passé le 10 décembre 2001 pour un montant de 9 406 625,91 euros, TVA comprise. La valeur estimée hors TVA de ce marché était de 8 118 902,97 euros ;

–        le marché no 7, à savoir le marché de travaux C15 concernant l’assainissement d’El Aljarafe et les collecteurs de la rive droite du Guadalquivir, tranche III, publié au Journal officiel et passé le 25 octobre 2002 pour un montant de 8 759 174,44 euros, TVA comprise. La valeur estimée hors TVA de ce marché était de 7 360 382,98 euros ;

–        le marché no 8, à savoir le marché de travaux C16 concernant l’assainissement d’El Aljarafe et les collecteurs de la rive droite du Guadalquivir, tranche IV, non publié au Journal officiel et passé le 20 novembre 2002 pour un montant de 3 091 893,55 euros, TVA comprise. La valeur estimée hors TVA de ce marché était de 2 273 420,82 euros.

35      L’organisme responsable de l’exécution du groupe de projets Guadalquivir a été l’Agencia Andaluza del Agua de la Consejería de Medio Ambiente de la Junta de Andalucía (Agence andalouse de l’eau du département de l’environnement du gouvernement d’Andalousie). Cet organisme a délégué cette fonction à la société GIASA.

 Groupe de projets Grenade et Malaga

36      Par décision C (2001) 4689 du 24 décembre 2002, modifiée ultérieurement par la décision C (2006) 3784 du 16 août 2006, la Commission a octroyé une aide au titre du Fonds de cohésion au groupe de projets portant la référence 2002.ES.16.C.PE.061 et intitulé « Approvisionnement en eau des systèmes supra municipaux des provinces de Grenade et de Malaga » (ci-après le « groupe de projets Grenade et Malaga »). Ce groupe de projets avait comme objectif d’améliorer les conditions de fourniture et d’approvisionnement en eau des municipalités situées dans les provinces de Grenade et de Malaga. Le coût total public ou équivalent éligible du projet a été fixé à 22 406 817 euros et la contribution du Fonds de cohésion à 17 925 453 euros.

37      Le groupe de projets Grenade et Malaga comprenait six projets, dont les projets nos 3 et 4, destinés respectivement à la construction d’une rocade périphérique et à la construction d’un bassin de régulation pour l’approvisionnement en eau de la municipalité d’Antequera (Espagne), et le projet no 5, destiné à la construction d’un bassin de régulation et d’une clôture grillagée pour l’approvisionnement en eau de la comarque d’Axarquía.

38      Les projets nos 3 et 4 ont été mis en œuvre par les autorités espagnoles au moyen des marchés de travaux et de services suivants :

–        le marché no 1, à savoir le marché de travaux C1 concernant l’exécution des travaux de la rocade périphérique pour l’approvisionnement d’Antequera, non publié au Journal officiel et passé le 26 décembre 2002 pour un montant de 5 100 083,94 euros, TVA comprise. La valeur estimée hors TVA de ce marché était de 4 922 173,86 euros ;

–        le marché no 2, à savoir le marché de services C2 concernant l’établissement du projet et la direction des travaux pour la construction d’une rocade périphérique et d’un bassin de régulation visant à l’approvisionnement d’Antequera, non publié au Journal officiel et passé le 1er juillet 2002 pour un montant de 349 708,28 euros, TVA comprise. La valeur estimée hors TVA de ce marché était de 347 136,30 euros ;

–        le marché no 3, à savoir le marché de travaux C3 concernant l’exécution des travaux du bassin de régulation visant à l’approvisionnement d’Antequera, non publié au Journal officiel et passé le 19 mai 2003 pour un montant de 3 632 124,71 euros, TVA comprise. La valeur estimée hors TVA de ce marché était de 3 514 731,79 euros.

39      Le projet no 5 a été mis en œuvre par les autorités espagnoles au moyen des marchés de travaux et de services suivants :

–        le marché no 4, à savoir le marché de travaux C4 concernant l’exécution des travaux du projet relatif au bassin no 1 du système d’approvisionnement de l’Axarquía et à la clôture grillagée à Velez-Malaga (Espagne), publié au Journal officiel et passé le 20 novembre 2003 pour un montant de 10 959 270 euros, TVA comprise. La valeur estimée hors TVA de ce marché était de 9 605 655,66 euros ;

–        le marché no 5, à savoir le marché de services C5 concernant l’établissement du projet et la direction des travaux relatifs à la construction du bassin no 1 du système d’approvisionnement de l’Axarquía et de la clôture grillagée à Velez-Malaga, non publié au Journal officiel et passé le 18 novembre 2003 pour un montant de 341 043,97 euros, TVA comprise. La valeur estimée hors TVA de ce marché était de 383 922,38 euros, à savoir 180 821,74 euros pour l’établissement du projet et 203 100,64 euros pour la direction des travaux.

40      L’organisme responsable de l’exécution du groupe de projets a été la Dirección General de Obras Hidráulicas de la Junta de Andalucía. Cet organisme a délégué cette fonction à la société GIASA.

 Procédure administrative

41      Entre les 13 et 17 septembre 2004, les 13 et 17 décembre 2004 et les 25 et 29 avril 2005, la Commission a effectué une mission d’audit en Espagne concernant, respectivement, le projet Andévalo, le groupe de projets Guadalquivir et le groupe de projets Grenade et Malaga.

42      Par lettres des 13 mai 2005, 15 décembre 2005 et 20 janvier 2006, la Commission a envoyé aux autorités espagnoles trois rapports identifiant certaines irrégularités constatées dans le cadre du projet et des groupes de projets audités ayant trait à la méconnaissance des règles gouvernant la passation de marchés publics. Les autorités espagnoles ont répondu à ces rapports par lettres du 26 juillet 2005, du 3 mars 2006 et du 19 avril 2006.

43      Par lettre du 9 février 2009, la Commission a informé les autorités espagnoles que les irrégularités constatées étaient considérées comme avérées et a indiqué son intention de lancer la procédure de suspension des paiements intermédiaires et d’application de corrections financières conformément à l’article H de l’annexe II du règlement no 1164/94. Les autorités espagnoles ont répondu à la Commission par lettres du 11 et du 18 mai ainsi que du 29 octobre 2009.

44      Le 10 novembre 2009, la Commission a organisé une audition avec les autorités espagnoles visant à parvenir à un accord sur les questions litigieuses. Lors de cette audition, les autorités espagnoles ont demandé une période supplémentaire de 15 jours pour fournir d’autres éléments de preuve relatifs à ce dossier. Le 2 décembre 2009, les autorités espagnoles ont transmis la documentation en question.

45      Par lettre du 11 février 2010, la Commission a transmis aux autorités espagnoles la version finale du compte rendu de l’audition.

 Décision attaquée

46      Le 30 juin 2010, la Commission a adopté la décision C (2010) 4147 réduisant le concours financier accordé dans le cadre du Fonds de cohésion aux (groupes de) projets suivants : « Approvisionnement en eau des populations résidant dans le bassin hydrographique du fleuve Guadiana : Région d’Andévalo » (2000.ES.16.C.PE.133), « Assainissement et épuration du bassin du Guadalquivir : Guadaira, Aljarafe et EE NN PP du Guadalquivir » (2000.16.C.PE.066), « Approvisionnement en eau des systèmes supra municipaux des provinces de Grenade et de Malaga » (2002.ES.16.C.PE.061) (ci-après la « décision attaquée »), qui a été notifiée au Royaume d’Espagne le 1er juillet 2010.

47      Dans la décision attaquée, la Commission a affirmé avoir décelé, lors de ses missions d’audit sur place en Espagne, certaines irrégularités ayant trait à la méconnaissance par les autorités espagnoles des règles régissant la passation de marchés publics. En particulier, elle a estimé que certains marchés publiés par la société GIASA, relatifs tant au projet Andévalo qu’au groupe de projets Guadalquivir et au groupe de projets Grenade et Malaga, avaient été attribués notamment en violation des articles 6, 7, 11 et 30 de la directive 93/37, des articles 7, 15, 18, 36 et 37 de la directive 92/50 et des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité.

48      En premier lieu, la Commission a indiqué que les autorités espagnoles avaient fractionné artificiellement certains marchés publics correspondant à un seul ouvrage afin de les soustraire au champ d’application de la directive 93/37 et d’éviter ainsi l’obligation de publier un avis de marché dans le Journal officiel. Selon elle, cette irrégularité concernait en particulier les marchés nos 1 et 3 relatifs au projet Andévalo, les marchés nos 6, 7 et 8 relatifs au groupe de projets Guadalquivir et les marchés nos 1 et 3 relatifs au groupe de projets Grenade et Malaga. Elle a également constaté que, au vu du montant d’attribution des marchés nos 2 et 5 relatifs au groupe de projets Grenade et Malaga, ils auraient dû faire chacun l’objet d’une publication au Journal officiel.

49      En deuxième lieu, la Commission a relevé que l’autorité contractante avait inclus dans les critères d’attribution de tous les marchés en cause le critère de l’expérience en Espagne, en Andalousie et avec la société GIASA. Elle a considéré, d’une part, que l’inclusion de ce critère n’était pas conforme à la règlementation de l’Union en ce qu’il portait sur la capacité des soumissionnaires et non sur l’objet du marché et était dès lors susceptible de violer le principe d’égalité de traitement. D’autre part, elle a estimé que le fait d’exiger une expérience en Espagne, en Andalousie et avec la société GIASA était contraire au principe de non-discrimination en raison de la nationalité. Par ailleurs, elle a contesté la méthode dite du « prix moyen », utilisée pour attribuer des points dans l’évaluation économique effectuée lors de la phase d’attribution de la plupart des marchés en cause. La Commission a considéré que cette méthode n’était pas conforme à la règlementation de l’Union, dans la mesure où son utilisation aurait pu favoriser, à conditions égales pour les autres critères, des offres plus onéreuses se rapprochant davantage de la limite du « prix moyen » par rapport à d’autres offres moins onéreuses.

50      En troisième lieu, la Commission a reproché aux autorités espagnoles d’avoir eu recours à la procédure négociée prévue dans la directive 93/37 pour l’attribution des travaux complémentaires à un marché public qui avait déjà été attribué sans publier, dès lors, au préalable un avis de marché. Selon elle, les autorités espagnoles n’avaient pas davantage réussi à prouver l’existence de circonstances imprévues leur permettant de recourir à une telle procédure conformément aux exceptions établies à cet égard par la règlementation de l’Union, de sorte qu’elles auraient dû mettre en œuvre une procédure ouverte. Elle a limité cette irrégularité à l’avenant inséré par les autorités espagnoles dans le marché nº 3 relatif au projet Andévalo après son attribution.

51      En quatrième lieu, la Commission a reproché aux autorités espagnoles le fait d’avoir prévu, dans le cahier des charges des marchés attribués dans le cadre du groupe de projets Grenade et Malaga, une procédure de « pré attribution » consistant dans la possibilité de négocier avec l’attributaire les conditions desdits marchés même après leur passation. Selon elle, cette procédure était contraire à la règlementation de l’Union et susceptible d’ôter toute efficacité à la procédure ouverte ayant conduit à l’attribution de ces marchés.

52      En cinquième lieu, la Commission a estimé que les autorités espagnoles avaient prévu, pour les marchés nos 2 et 5 relatifs au groupe de projets Grenade et Malaga, un délai insuffisant pour la présentation des offres, contrairement aux exigences de la directive 92/50.

53      Au vu des irrégularités constatées, la Commission a considéré que l’imposition d’une correction financière était appropriée en l’espèce. Elle a toutefois estimé que, dans le cas présent, l’application d’une correction consistant à l’annulation de l’ensemble des dépenses des projets en cause aurait été une pénalité disproportionnée par rapport à la gravité des irrégularités décelées. Par ailleurs, elle a indiqué que, étant donné qu’il n’était pas possible ou faisable de quantifier de manière précise le montant des dépenses irrégulières, il était approprié d’appliquer des corrections sur une base forfaitaire.

54      En particulier, s’agissant du projet Andévalo, la Commission a décidé que le concours total était réduit de 1 642 572,60 euros conformément aux pourcentages de correction suivants :

–        25 % de la contribution du Fonds de cohésion au montant des dépenses certifiées déclarées pour le marché no 3, au motif de la scission indue de ce marché et de l’absence de publication au Journal officiel ;

–        25 % de la contribution du Fonds de cohésion au montant des dépenses certifiées déclarées pour les marchés nos 1 et 3, au motif de l’utilisation de critères d’attribution irréguliers et discriminatoires ; toutefois, pour le marché no 3, cette correction financière a été incluse dans la correction indiquée au tiret précédent ;

–        10 % de la contribution du Fonds de cohésion au montant des dépenses certifiées déclarées pour le marché no 2, dont le montant est situé en deçà du seuil d’application de la directive 93/37, au motif de l’utilisation de critères d’attribution irréguliers et discriminatoires ;

–        25 % de la valeur certifiée de l’avenant au marché no 3, au motif de la passation directe irrégulière de celui-ci.

55      S’agissant du groupe de projets Guadalquivir, la Commission a décidé que le concours total était réduit de 3 837 074,52 euros conformément aux pourcentages de correction suivants :

–        25 % de la contribution du Fonds de cohésion au montant des dépenses certifiées déclarées pour le marché no 8, au motif de la scission indue de ce marché et de l’absence de publication au Journal officiel ;

–        25 % de la contribution du Fonds de cohésion au montant des dépenses certifiées déclarées pour les marchés nos 6, 7 et 8, au motif de l’utilisation de critères d’attribution irréguliers et discriminatoires ; toutefois, pour le marché no 8, cette correction financière a été incluse dans la correction indiquée au tiret précédent ;

–        10 % de la contribution du Fonds de cohésion au montant des dépenses certifiées déclarées pour les marchés nos 1, 2, 4 et 5, dont le montant est situé en deçà du seuil d’application de la directive 93/37, au motif de l’utilisation de critères d’attribution irréguliers et discriminatoires.

56      S’agissant du groupe de projets Grenade et Malaga, la Commission a décidé que le concours total était réduit de 2 295 581,47 euros, conformément aux pourcentages de correction suivants :

–        25 % de la contribution du Fonds de cohésion au montant des dépenses certifiées déclarées pour les marchés nos 1 et 3, au motif de la scission indue de ces marchés et de l’absence de publication au Journal officiel ;

–        10 % de la contribution du Fonds de cohésion au montant des dépenses certifiées déclarées pour les marchés nos 1, 3 et 4 pour utilisation de critères d’attribution irréguliers et discriminatoires, étant donné que, bien qu’ait été utilisé pour ces marchés le critère irrégulier du « prix moyen », l’irrégulier et discriminatoire critère de l’expérience n’a pas été appliqué ; toutefois, pour les marchés nos 1 et 3, cette correction financière a été incluse dans la correction indiquée au tiret précédent ;

–        10 % de la contribution du Fonds de cohésion au montant des dépenses certifiées déclarées pour les marchés nos 1, 3 et 4, au motif de la prévision dans les cahiers des charges respectifs d’une procédure de « pré attribution » irrégulière ; toutefois, cette correction financière a été incluse dans les corrections indiquées aux tirets précédents ;

–        25 % de la contribution du Fonds de cohésion au montant des dépenses certifiées déclarées pour les marchés nos 2 et 5, au motif de l’utilisation de critères d’attribution irréguliers et discriminatoires ;

–        25 % de la contribution du Fonds de cohésion au montant des dépenses certifiées déclarées pour les marchés de services nos 2 et 5, au motif de l’absence de publication au Journal officiel de ces marchés et de la prévision dans les cahiers des charges respectifs d’une procédure de « pré attribution » irrégulière ; toutefois, cette correction financière a été incluse dans la correction indiquée au tiret précédent ;

–        10 % de la contribution du Fonds de cohésion au montant des dépenses certifiées déclarées pour les marchés de services nos 2 et 5, au motif de la prévision d’un délai insuffisant pour la présentation des offres pour lesdits marchés ; toutefois, cette correction financière a été incluse dans les corrections indiquées aux tirets précédents.

57      Le montant maximal du concours octroyé au titre du Fonds de cohésion pour le projet Andévalo, pour le groupe de projets Guadalquivir et pour le groupe de projets Grenade et Malaga a été fixé, respectivement, à 7 260 394,79 euros, à 28 242 218,48 euros et à 15 629 871,53 euros.

 Procédure et conclusions des parties

58      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 septembre 2010, le Royaume d’Espagne a introduit le présent recours.

59      Par lettre du 21 septembre 2012, le Tribunal a notamment demandé au Royaume d’Espagne de produire, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure au titre de l’article 64, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, une liste précisant, pour chacun des marchés publics en cause, sa valeur estimée hors TVA, le montant auquel il a été attribué TVA comprise et le montant auquel il a été attribué hors TVA. Le Royaume d’Espagne a déféré à cette demande dans le délai imparti.

60      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

61      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

 En droit

 Résumé des moyens d’annulation

62      À l’appui du recours, le Royaume d’Espagne avance trois moyens, le dernier étant soulevé à titre subsidiaire.

63      Par le premier moyen, le Royaume d’Espagne fait valoir, en substance, que, dans la décision attaquée, la Commission applique à tort des corrections financières en raison de violations de la directive 93/37, alors qu’aucun des marchés concernés n’était soumis à cette directive. Par le deuxième moyen, il conteste que certains marchés relatifs à des projets financés par le Fonds de cohésion aient fait l’objet d’un fractionnement contraire à l’article 6, paragraphe 4, de ladite directive afin de les soustraire à l’application de cette directive. Par le troisième moyen, il reproche à la Commission un manque de transparence lors de la détermination des corrections financières et une violation du principe de proportionnalité.

64      Il convient de relever que, dans le cadre du premier moyen, le Royaume d’Espagne reproche, en substance, à la Commission d’avoir conclu que certains des marchés mettant en œuvre les projets concernés par la décision attaquée avaient été attribués de manière contraire aux dispositions de la directive 93/37. Selon le Royaume d’Espagne, ces marchés tombaient en dehors du champ d’application de cette directive en raison de la valeur des marchés à attribuer. La Commission rétorque que ces marchés ont fait l’objet d’un fractionnement artificiel de la part des autorités espagnoles afin de les soustraire aux exigences prévues par la règlementation de l’Union. Dans la mesure où la réponse à cette dernière question fait l’objet du deuxième moyen avancé par le Royaume d’Espagne et préjuge, dès lors, de l’appréciation du premier moyen, il convient d’examiner, tout d’abord, le deuxième moyen, ensuite, le premier moyen et, enfin, le troisième moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence de fractionnement des marchés publics

65      Le Royaume d’Espagne conteste la conclusion de la Commission selon laquelle les marchés nos 1 et 3 relatifs au projet Andévalo, les marchés nos 6, 7 et 8 relatifs au groupe de projets Guadalquivir et les marchés nos 1 et 3 relatifs au groupe de projets Grenade et Malaga ont été fractionnés artificiellement par les autorités espagnoles en violation de l’article 6, paragraphe 4, de la directive 93/37. Par ailleurs, il soutient que, aux fins de conclure à l’existence d’une violation de cette disposition, la Commission aurait dû démontrer la volonté de la part des autorités espagnoles de contourner, au moyen de ce fractionnement, l’application de ladite directive aux marchés publics concernés.

66      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 6, paragraphe 4, de la directive 93/37, aucun ouvrage ni aucun marché ne peut être scindé en vue d’être soustrait à l’application de cette directive. Par ailleurs, l’article 1, sous c), de ladite directive définit le terme « ouvrage » comme étant le résultat d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique. Dès lors, aux fins de déterminer si le Royaume d’Espagne a violé l’article 6, paragraphe 4, de cette directive, il y a lieu de vérifier si l’objet des marchés publics en cause constituait un seul et même ouvrage au sens de l’article 1, sous c), de la même directive.

67      Selon la jurisprudence, l’existence d’un ouvrage au sens de l’article 1, sous c), de la directive 93/37 doit être appréciée par rapport à la fonction économique et technique du résultat des travaux visés par les marchés publics concernés (arrêts de la Cour du 5 octobre 2000, Commission/France, C‑16/98, Rec. p. I‑8315, points 36, 38 et 47 ; du 27 octobre 2005, Commission/Italie, C‑187/04 et C‑188/04, non publié au Recueil, point 27 ; du 18 janvier 2007, Auroux e.a., C‑220/05, Rec. p. I‑385, point 41, et du 15 mars 2012, Commission/Allemagne, C‑574/10, point 37).

68      Par ailleurs, il convient d’observer que la Cour a précisé que, pour que le résultat de travaux distincts puisse être qualifié d’ouvrage au sens de l’article 1, sous c), de la directive 93/37, il suffit qu’ils remplissent soit la même fonction économique soit la même fonction technique (arrêt Commission/Italie, point 67 supra, point 29). La constatation d’une identité économique et d’une identité technique est donc alternative et non cumulative comme le prétend le Royaume d’Espagne.

69      Enfin, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la simultanéité de lancement des marchés litigieux, la similitude des avis de marché, l’unité du cadre géographique à l’intérieur duquel les marchés sont lancés et l’existence d’un seul pouvoir adjudicateur constituent autant d’indices supplémentaires plaidant en faveur de la considération de ce que des marchés de travaux distincts correspondent en réalité à un ouvrage unique (voir, en ce sens, arrêt Commission/France, point 67 supra, point 65).

70      En l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les marchés relatifs au projet Andévalo et aux groupes de projets Guadalquivir et Grenade et Malaga remplissaient une même et identique fonction technique ou économique et qu’ils constituaient, dès lors, un seul et même ouvrage qui n’était pas susceptible d’être scindé en marchés publics distincts (considérants 66, 97 et 122 de la décision attaquée). En outre, elle a estimé que, dans les trois cas, la proximité temporelle des avis de marchés, la similitude de ceux-ci et l’existence d’une seule et même entité adjudicatrice constituaient des preuves supplémentaires à l’appui de la considération selon laquelle les objets des marchés en cause correspondaient à un ouvrage unique (considérants 67, 98, 123 et 124 de la décision attaquée).

71      L’appréciation de la Commission ne saurait être remise en cause par les objections du Royaume d’Espagne.

72      S’agissant, en premier lieu, du projet Andévalo, le Royaume d’Espagne fait valoir, en substance, que ledit projet est constitué d’un ensemble de « tranches » distinctes, qui ne sont pas interdépendantes, destinées à fournir de l’eau à des zones géographiques différenciées. Pour cette raison, les travaux visés dans les trois marchés publics mettant en œuvre ce projet ne pourraient pas être considérés comme formant une même unité technique ou économique.

73      Cet argument du Royaume d’Espagne ne peut pas être accueilli.

74      En effet, premièrement, il y a lieu de relever que, même si le projet Andévalo était composé de différentes « tranches », la description de ce projet qui est faite dans la décision C (2001) 4113, et qui n’est pas mise en cause par le Royaume d’Espagne, révèle, d’une part, que ledit projet prévoyait la construction d’un seul réseau de canalisations et, d’autre part, que celles-ci seraient connectées à un même dépôt central dénommé « Nudo Norte ». Ainsi, les différentes « tranches » du projet étaient destinées à remplir, dans leur ensemble, la même fonction économique et technique, à savoir la distribution d’eau potable à une même zone d’habitation à partir d’un seul point de provision. Cette conclusion est d’ailleurs renforcée par le fait que les trois marchés publics mettant en œuvre le projet Andévalo (voir point 29 ci-dessus) avaient pour objet la construction d’un seul et unique réseau de canalisations.

75      Deuxièmement, il convient de rejeter l’argument du Royaume d’Espagne tiré de l’arrêt Commission/France, point 67 supra. En effet, dans cet arrêt, la Cour a jugé qu’un réseau de distribution d’électricité situé dans le département français de la Vendée, considéré dans son ensemble, remplissait une même fonction économique et technique, à savoir l’acheminement et la vente aux consommateurs de l’énergie électrique. Sur cette base, la Cour a conclu que les travaux visés par les marchés publics concernés dans cette affaire faisaient partie d’un ouvrage unique (arrêt Commission/France, point 67 supra, points 64 et 66).

76      Or, ce raisonnement est transposable au cas d’un réseau de canalisations d’eau comme celui de l’espèce. En effet, la fonction des travaux visés par les marchés publics en cause consiste, comme dans l’arrêt Commission/France, point 67 supra, en l’acheminement d’un bien d’utilité publique dans une zone géographique concrète et, bien que ce réseau de distribution soit destiné à approvisionner en eau plusieurs municipalités, cela n’empêche pas de conclure que, dans son ensemble, il remplit une même fonction économique et technique. Un raisonnement analogue a, d’ailleurs, été suivi par la Cour dans le cadre de l’arrêt Commission/Italie, point 67 supra, concernant la construction de deux raccordements autoroutiers. Selon la Cour, l’ensemble des travaux de génie civil relatifs à cette construction doivent être considérés comme faisant partie d’un même ouvrage dans la mesure où ils sont destinés, dans leur ensemble, à relier diverses communes affectées de problèmes de voirie (arrêt Commission/Italie, point 67 supra, point 27).

77      Troisièmement, il y a lieu de relever, d’abord, que, ainsi que la Commission l’a constaté au considérant 67 de la décision attaquée, il y a eu une proximité temporelle évidente entre la passation du marché no 1 relatif au projet Andévalo et celle du marché no 3 relatif au même projet, avec une différence de seulement quatre jours entre l’une et l’autre. Ensuite, les marchés se référaient à la même comarque, à savoir Andévalo, de sorte que la division de cette dernière en deux parties, à savoir Andévalo oriental et Andévalo occidental, ne saurait être considérée comme étant suffisante pour conclure qu’il s’agit de deux zones géographiquement distinctes. Enfin, force est de constater que lesdits marchés ont tous deux été passés par le même pouvoir adjudicateur, à savoir la société GIASA. Bien que ces derniers éléments ne soient pas en eux-mêmes décisifs quant à l’existence d’un ouvrage unique, ils constituent, conformément à la jurisprudence citée au point 69 ci-dessus, des indices supplémentaires justifiant de reconnaître l’existence d’un seul ouvrage en l’espèce.

78      Par conséquent, il y a lieu de conclure que les travaux visés par les marchés nos 1 et 3 relatifs au projet Andévalo faisaient partie d’un seul et même ouvrage au sens de l’article 1er, sous c), de la directive 93/37.

79      S’agissant, en deuxième lieu, du groupe de projets Guadalquivir, le Royaume d’Espagne fait valoir notamment que les travaux visés par les marchés nos 6, 7 et 8 relatifs à ce groupe de projets ne constituaient pas un ouvrage au sens de la règlementation de l’Union au motif qu’ils étaient gérés par des entités différentes et concernaient des populations éloignées géographiquement.

80      À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, à l’instar de ce qui a été indiqué pour le projet Andévalo, qu’il ressort de la description du projet no 2 établie dans la décision C (2000) 4316 que ledit projet portait sur la construction de différentes « tranches » d’un même réseau d’eaux résiduaires, lesquelles étaient connectées à une même station d’épuration ou collecteur. Les marchés de travaux relatifs à ce projet faisaient donc référence à un même réseau, dont les « tranches » n’étaient pas indépendantes entre elles. Dès lors, il y a lieu de considérer, ainsi que la Commission l’a constaté (considérant 97 de la décision attaquée), que lesdites « tranches », prises dans leur ensemble, étaient destinées à satisfaire une même fonction technique ou économique, qui consistait à traiter et à épurer des eaux résiduaires dans une même station d’épuration afin qu’elles puissent être jetées dans le Guadalquivir ultérieurement.

81      Deuxièmement, si le Royaume d’Espagne fait valoir que les marchés publics en cause concernaient des populations différentes, force est de toutefois constater que les travaux visés par ces marchés devaient être effectués dans une seule zone géographique, à savoir El Aljarafe. À cet égard, il y a lieu de considérer que, bien que ces marchés puissent faire référence à des opérations effectuées dans différents lieux, cela n’élimine pas pour autant la possibilité qu’ils soient considérés comme un même ouvrage. Tel est le cas lorsque ces opérations sont effectuées dans la même zone géographique (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt Commission/France, point 67 supra, point 72).

82      Troisièmement, à l’instar de ce qui a été établi pour le projet Andévalo au point 77 ci-dessus, la proximité temporelle des marchés nos 6, 7 et 8, relatifs au groupe de projets Guadalquivir, et l’existence d’un seul pouvoir adjudicateur pour tous ces marchés constituent des indices supplémentaires qui plaident en faveur de la considération que les marchés correspondaient à un ouvrage unique.

83      Par conséquent, il y a lieu de conclure que les travaux visés par les marchés nos 6, 7 et 8 relatifs au groupe de projets Guadalquivir faisaient partie d’un seul et même ouvrage au sens de l’article 1er, sous c), de la directive 93/37.

84      S’agissant, en troisième lieu, du groupe de projets Grenade et Malaga, le Royaume d’Espagne allègue que les marchés nos 1 et 3 relatifs à ce groupe de projets correspondent à des projets différents conformément à la décision d’approbation du concours au titre du Fonds de cohésion.

85      Premièrement, il y a lieu de relever que les marchés nos 1 et 3 relatifs au groupe de projets Grenade et Malaga correspondent à la construction d’un anneau de contournement pour l’approvisionnement en eau d’Antequera et d’un dépôt alimentant cet anneau. L’argument du Royaume d’Espagne selon lequel ces travaux sont indépendants ne saurait donc prospérer. Au contraire, ils remplissent une fonction économique et technique unique, à savoir l’approvisionnement en eau potable d’une même zone géographique.

86      Deuxièmement, il convient de souligner que, ainsi que la Commission l’a constaté au considérant 123 de la décision attaquée, les marchés de travaux nos 1 et 3 relatifs au groupe de projets Grenade et Malaga ont été complétés par le marché no 2, ayant pour objet des services destinés à l’établissement du projet et à la direction des travaux tant de la rocade périphérique que du bassin de régulation pour l’approvisionnement d’Antequera (voir point 38 ci-dessus), ce qui met en évidence que les deux marchés faisaient partie du même ensemble de travaux.

87      Troisièmement, le bref intervalle entre la publication des avis de marché pour les marchés nos 1 et 3, le premier ayant été publié le 29 juin 2002 et le second le 16 juillet 2002, ainsi que l’existence d’un seul pouvoir adjudicateur constituent des indices supplémentaires du fait que les travaux visés par lesdits marchés correspondent à un seul ouvrage.

88      Par conséquent, il y a lieu de conclure que les travaux visés par les marchés nos 1 et 3 relatifs au groupe de projets Grenade et Malaga faisaient partie d’un seul et même ouvrage au sens de l’article 1er, sous c), de la directive 93/37.

89      Par ailleurs, il convient de relever que, outre les arguments examinés aux points 72 à 88 ci-dessus, le Royaume d’Espagne fait valoir que les appréciations exposées dans le rapport technique annexé à la requête démontrent que les marchés en cause ne visaient pas de travaux faisant partie d’un ouvrage au sens de l’article 1er, sous c), de la directive 93/37.

90      Or, les appréciations exposées dans ledit rapport ne sont pas susceptibles de remettre en cause les conclusions exposées aux points 78, 83 et 88 ci-dessus.

91      En effet, il convient de relever, en premier lieu, que le rapport analyse des aspects purement techniques, sans approfondir d’autres paramètres qui sont également pertinents aux fins de déterminer l’existence d’un ouvrage. En effet, ainsi que la Commission l’avance, le rapport ne concerne que la fonction technique et ne prend pas en considération la fonction économique des marchés publics en cause.

92      En second lieu, force est de constater que le rapport technique se borne à décrire les différences techniques de chaque partie des ouvrages considérée à titre individuel pour conclure qu’il existe une fonction différenciée entre elles. Or, cela ne permet pas de remettre en cause les constatations effectuées aux points 72 à 88 ci-dessus selon lesquelles les différentes parties des marchés publics en cause sont interdépendantes et que, considérées dans leur ensemble, elles remplissent la même fonction technique et économique.

93      Il convient donc de considérer que le rapport technique ne démontre pas que les travaux visés par les marchés litigieux correspondaient à des ouvrages différents.

94      Enfin, le Royaume d’Espagne fait valoir que la Commission, aux fins de constater une violation de l’article 6, paragraphe 4, de la directive 93/37, aurait dû prouver l’existence d’un élément subjectif, à savoir l’intention de la part des autorités espagnoles de scinder les marchés en cause pour se soustraire aux obligations de la même directive. Cet argument ne saurait être retenu.

95      À cet égard, il suffit de relever que la constatation d’une scission d’un marché contraire à la règlementation de l’Union en matière de passation de marchés publics ne présuppose pas la démonstration d’une intention subjective de contourner l’application des dispositions y contenues (voir, en ce sens, arrêt Commission/Allemagne, point 67 supra, point 49). Dès lors qu’un tel constat a, comme en l’espèce, été établi, il est sans pertinence que la violation résulte ou non de la volonté de l’État membre auquel il est imputable, de sa négligence ou bien encore de difficultés techniques auxquelles celui-ci aurait été confronté (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er octobre 1998, Commission/Espagne, C‑71/97, Rec. p. I‑5991, point 15). De surcroît, il convient de rappeler que, tant dans l’arrêt Commission/France que dans l’arrêt Auroux e.a., point 67 supra, la Cour n’a pas considéré nécessaire, pour constater la violation de l’article 6, paragraphe 4, de la directive 93/37, que la Commission démontre préalablement l’intention de l’État membre concerné de contourner, au moyen d’une scission du marché, les obligations prévues dans ladite directive.

96      Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant dans la décision attaquée que les travaux visés par les marchés nos 1 et 3 relatif au projet Andévalo, ceux visés par les marchés nos 6, 7 et 8 relatifs au groupe de projets Guadalquivir et ceux visés par les marchés nos 1 et 3 relatifs au groupe de projets Grenade et Malaga constituaient respectivement un ouvrage unique, de sorte que le fait que la passation desdits marchés a été effectuée séparément constitue une violation de l’article 6, paragraphe 4, de la directive 93/37.

97      Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le premier moyen, tiré de l’application des corrections financières pour des infractions à la directive 93/37 à des marchés qui ne sont pas régis par ladite directive et du respect des principes et des dispositions applicables

98      Le Royaume d’Espagne soutient que la Commission a considéré à tort que les marchés publics en cause avaient violé les dispositions de la directive 93/37, alors qu’ils n’étaient pas soumis aux obligations découlant de cette directive. Il s’agirait, en particulier, du marché public no 3 relatif au projet Andévalo, des marchés nos 1, 2, 4, 5 et 8 relatifs au groupe de projets Guadalquivir et des marchés nos 1 et 3 relatifs au groupe de projets Grenade et Malaga. Par ailleurs, il ajoute que, contrairement à ce que la Commission a constaté dans la décision attaquée, les marchés publics qui n’étaient pas soumis à la directive 93/37 avaient respecté les principes généraux applicables à la passation des marchés publics.

99      À titre liminaire, il convient de relever que l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 93/37 établit que cette directive s’applique aux marchés publics de travaux dont la valeur estimée hors TVA égale ou dépasse l’équivalent en euros de 5 millions de droits de tirage spéciaux. Seuls les marchés publics de travaux dont la valeur estimée hors TVA égale ou dépasse cette somme sont dès lors visés par ladite directive.

100    En l’espèce, il convient de vérifier d’abord si la valeur estimée hors TVA des marchés publics en cause atteignait le seuil prévu dans la directive 93/37.

101    En premier lieu, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point 96 ci-dessus, la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que les autorités espagnoles avaient scindé de manière artificielle la passation du marché no 3 de celle du marché no 1 dans le cadre du projet Andévalo, la passation du marché no 8 de celle des marchés nos 6 et 7 dans le cadre du groupe de projets Guadalquivir et la passation des marchés nos 1 et 3 dans le cadre du groupe de projets Grenade et Malaga. Il s’ensuit que ces marchés constituaient respectivement un seul et même ouvrage, de sorte que, aux fins de déterminer s’ils entraient dans le champ d’application de la directive 93/37, il est nécessaire d’additionner, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, et sur la base des données transmises par le Royaume d’Espagne dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure (voir point 59 ci-dessus), la valeur estimée hors TVA de chacun de ces marchés et de vérifier ainsi si les sommes finales sont égales ou supérieures à 5 millions d’euros.

102    S’agissant, premièrement, du marché public de travaux ayant été scindé, dans le cadre du projet Andévalo, en deux marchés distincts, à savoir les marchés nos 1 et 3, force est de constater que la somme de la valeur estimée hors TVA de ces deux marchés, à savoir respectivement 6 393 639,58 euros et 2 491 978,77 euros, est de 8 885 618,35 euros. La valeur estimée hors TVA du marché public de travaux à passer étant supérieure à 5 millions d’euros, le marché en cause était dès lors visé par la directive 93/37.

103    S’agissant, deuxièmement, du marché public de travaux ayant été scindé, dans le cadre du groupe de projets Guadalquivir, en trois marchés distincts, à savoir les marchés nos 6, 7 et 8, force est de constater que la somme de la valeur estimée hors TVA de ces trois marchés, à savoir respectivement 8 118 902,97 euros, 7 360 382,98 euros et 2 273 420,82 euros, est de 17 752 706,77 euros. La valeur estimée hors TVA du marché public de travaux à passer étant supérieure à 5 millions d’euros, le marché en cause était dès lors visé par la directive 93/37.

104    S’agissant, troisièmement, du marché public de travaux ayant été scindé, dans le cadre du groupe de projets Grenade et Malaga, en deux marchés distincts, à savoir les marchés nos 1 et 3, force est de constater que la somme de la valeur estimée hors TVA de ces deux marchés, à savoir respectivement 4 922 173,86 euros et 3 514 731,79 euros, était de 8 436 905,65 euros. La valeur estimée hors TVA du marché public de travaux à passer étant supérieure à 5 millions d’euros, le marché en cause était dès lors visé par la directive 93/37.

105    Il s’ensuit que l’argumentation du Royaume d’Espagne selon laquelle le marché no 3 relatif au projet Andévalo, le marché no 8 relatif au groupe de projets Guadalquivir et les marchés nos 1 et 3 relatifs au groupe de projets Grenade et Malaga n’atteignaient pas le seuil prévu dans la directive 93/37 et n’étaient dès lors pas visés par celle-ci ne saurait prospérer.

106    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen en tant qu’il vise le marché nº 3 relatif au projet Andévalo, le marché no 8 relatif au groupe de projets Guadalquivir et les marchés nos 1 et 3 relatifs au groupe de projets Grenade et Malaga.

107    En second lieu, en ce qui concerne les marchés n’entrant pas dans le champ d’application de la directive 93/37, à savoir le marché no 2 relatif au projet Andévalo et les marchés nos 1, 2, 4 et 5 relatifs au groupe de projets Guadalquivir, et notamment la question de savoir s’ils ont respecté les principes et les dispositions qui leur étaient applicables, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, conformément à l’article H, paragraphe 1, sous b), de l’annexe II du règlement no 1164/94, la Commission peut adopter des mesures de correction financières lorsqu’elle détecte une irrégularité en ce qui concerne le concours du Fonds de cohésion et que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures correctives.

108    Par ailleurs, l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1164/94 établit, en substance, que les projets financés par le Fonds de cohésion doivent être conformes aux dispositions des traités et aux actes adoptés en vertu de ceux-ci.

109    Selon la jurisprudence, les procédures particulières et rigoureuses prévues par les directives portant coordination des procédures de passation des marchés publics s’appliquent uniquement aux contrats dont la valeur dépasse le seuil prévu expressément dans chacune desdites directives (ordonnance de la Cour du 3 décembre 2001, Vestergaard, C‑59/00, Rec. p. I‑9505, point 19). Ainsi, les règles de ces directives ne s’appliquent pas aux marchés dont la valeur n’atteint pas le seuil fixé par celles-ci (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 février 2008, Commission/Italie, C‑412/04, Rec. p. I‑619, point 65).

110    Cela ne signifie pas pour autant que ces derniers marchés sont exclus du champ d’application du droit de l’Union (ordonnance Vestergaard, point 109 supra, point 19). En effet, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, en ce qui concerne la passation des marchés qui, eu égard à leur valeur, ne sont pas soumis aux procédures prévues par la règlementation de l’Union relative aux procédures de passation de marchés publics, les pouvoirs adjudicateurs sont néanmoins tenus de respecter les règles fondamentales et les principes généraux du traité, en particulier, le principe de non-discrimination en raison de la nationalité (arrêt de la Cour du 7 décembre 2000, Telaustria et Telefonadress, C‑324/98, Rec. p. I‑10745, point 60 ; ordonnance Vestergaard, point 109 supra, points 20 et 21 ; arrêts de la Cour du 20 octobre 2005, Commission/France, C‑264/03, Rec. p. I‑8831, point 32, et du 14 juin 2007, Medipac-Kazantzidis, C‑6/05, Rec. p. I‑4557, point 33).

111    Toutefois, conformément à la jurisprudence, l’application des principes généraux des traités aux procédures de passation des marchés d’une valeur inférieure au seuil d’application des directives présuppose que les marchés en cause présentent un intérêt transfrontalier certain (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 novembre 2007, Commission/Irlande, C‑507/03, Rec. p. I‑9777, point 29, et du 21 février 2008, Commission/Italie, point 109 supra, points 66 et 67).

112    En l’espèce, il y a lieu de vérifier, d’abord, si les projets en cause avaient un intérêt transfrontalier certain et, ensuite, dans l’affirmative, si les marchés au moyen desquels ils ont été mis en œuvre ont respecté les principes généraux du traité.

113    S’agissant, en premier lieu, de la question de savoir si les projets en cause présentaient un intérêt transfrontalier, force est de constater que le Royaume d’Espagne n’avance aucun argument contraire à cet égard.

114    En tout état de cause, il y a lieu de considérer que tant le marché no 2 relatif au projet Andévalo que les marchés nos 1, 2, 4 et 5 relatifs au groupe de projets Guadalquivir présentaient un intérêt transfrontalier certain. À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, des critères objectifs tels que, notamment, le montant d’une certaine importance du marché en cause, en combinaison avec le lieu d’exécution des travaux, peuvent indiquer l’existence d’un tel intérêt. En revanche, il est également possible d’exclure l’existence de celui-ci dans le cas, par exemple, d’un enjeu économique très réduit du marché en cause (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 21 juillet 2005, Coname, C‑231/03, Rec. p. I‑7287, point 20, et du 15 mai 2008, SECAP et Santorso, C‑147/06 et C‑148/06, Rec. p. I‑3565).

115    Or, en l’espèce, au vu de la valeur estimée hors TVA tant du marché no 2 relatif au projet Andévalo que de chacun des marchés nos 1, 2, 4 et 5 relatifs au groupe de projets Guadalquivir (voir points 29 et 33 ci-dessus) ainsi que de la proximité des travaux avec la frontière portugaise, tous ces marchés étaient susceptibles d’attirer l’intérêt d’opérateurs établis dans toute l’Union, notamment ceux établis au Portugal compte tenu du lieu d’exécution des travaux, et pas seulement celui des opérateurs locaux.

116    Il y a lieu de considérer, dès lors, que la procédure de passation des marchés mentionnés au point 115 ci-dessus devait respecter, conformément à la jurisprudence citée au point 110 ci-dessus, les principes généraux du traité afin de garantir des conditions de concurrence équitables à l’ensemble des opérateurs économiques intéressés par ces marchés.

117    S’agissant, en second lieu, de la question de savoir si les autorités espagnoles ont respecté les obligations qui leur incombaient en ce qui concerne les marchés mentionnés au point 115 ci-dessus, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les autorités espagnoles avaient notamment enfreint le principe de non-discrimination, au motif de l’utilisation, en tant que critère d’attribution, du critère de l’expérience en Espagne, en Andalousie et avec la société GIASA. Pour sa part, le Royaume d’Espagne soutient qu’une telle appréciation est erronée.

118    Il y a lieu de relever d’emblée que, ainsi qu’il ressort des considérants 40 et 94 de la décision attaquée, les critères dont la légalité est remise en question en l’espèce sont, pour le marché no 2 relatif au projet Andévalo, le critère de l’« expérience en Espagne, en Andalousie et avec la société GIASA » et, pour les marchés nos 1, 2, 4 et 5 relatifs au groupe de projets Guadalquivir, celui « [de la] qualité et [du] délai d’exécution des travaux durant les cinq dernières années en Espagne, Andalousie et pour GIASA ». Dans la mesure où le contenu de ces deux critères est identique, ils peuvent faire l’objet d’une analyse commune.

119    En outre, selon une jurisprudence constante, le principe de non-discrimination qui découle du traité FUE, et notamment des libertés fondamentales, exige non seulement l’élimination de toute discrimination à l’encontre du prestataire de travaux ou de services en raison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction, même si elle s’applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de nature à prohiber ou gêner autrement les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services analogues (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 juillet 1991, Säger, C‑76/90, Rec. p. I‑4221, point 12).

120    En l’espèce, les critères utilisés pour attribuer le marché no 2 relatif au projet Andévalo et les marchés nos 1, 2, 4 et 5 relatifs au groupe de projets Guadalquivir qui prennent en compte l’expérience du soumissionnaire en question uniquement en Espagne, en Andalousie ou avec la société GIASA sont susceptibles d’octroyer des avantages à certains soumissionnaires par rapport à d’autres et violent dès lors le principe de non-discrimination. En effet, force est de constater que, si une entreprise n’a pas travaillé en Espagne ou en Andalousie ou encore collaboré avec la société désignée par les autorités espagnoles, il ne sera pas tenu compte, lors de l’évaluation de son offre, de son expérience dans les domaines visés par les marchés publics en cause. Dans ces circonstances, ces critères d’attribution ont pour effet de favoriser les offres des soumissionnaires locaux et de pénaliser des offres d’opérateurs établis dans d’autres États membres, pour lesquels il apparaît plus difficile de démontrer l’expérience requise, même s’il ne s’agit pas d’une discrimination directe, ainsi que le fait valoir le Royaume d’Espagne.

121    Il y a dès lors lieu de conclure que, en appliquant le critère de l’expérience en Espagne, en Andalousie et avec la société GIASA pour attribuer le marché no 2 relatif au projet Andévalo et les marchés nos 1, 2, 4 et 5 relatifs au groupe de projets Guadalquivir, les autorités espagnoles ont violé le principe de non-discrimination et que, de ce fait, la Commission a conclu à bon droit que les autorités espagnoles n’avaient pas respecté les principes généraux européens applicables à la passation de ces marchés publics.

122    Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’un manque de transparence lors de la détermination des corrections financières et d’une violation du principe de proportionnalité

123    Le Royaume d’Espagne reproche à la Commission de ne pas avoir déterminé d’une manière transparente le montant de chacune des corrections financières et d’avoir violé, lors de cette détermination, le principe de proportionnalité prévu à l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94. En particulier, s’agissant du principe de proportionnalité, il soutient que la Commission n’a pas respecté les orientations de 2002 étant donné que celle-ci a cumulé certaines des corrections appliquées. En outre, il estime que la Commission aurait dû prendre en considération le fait que les autorités espagnoles avaient éliminé les critères d’attribution litigieux dans les marchés publics postérieurs dès qu’elles ont eu connaissance de leur caractère irrégulier.

124    À titre liminaire, il y a lieu de relever, premièrement, que, ainsi qu’il ressort du point 96 ci-dessus, la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que les autorités espagnoles avaient scindé de manière artificielle les marchés nos 1 et 3 du projet Andévalo, les marchés publics nos 6, 7 et 8 du groupe de projets Guadalquivir et les marchés nos 1 et 3 du groupe de projets Grenade et Malaga. L’argument avancé par le Royaume d’Espagne dans le cadre du présent moyen selon lequel il a réussi à démontrer le contraire doit donc être rejeté. Par ailleurs, dans la mesure où le marché no 3 relatif au projet Andévalo, le marché no 8 relatif au groupe de projets Guadalquivir et les marchés nos 1 et 3 relatifs au groupe de projets Grenade et Malaga entraient dans le champ d’application de la directive 93/37, ils auraient dû faire l’objet d’une publication au Journal officiel.

125    Deuxièmement, ainsi qu’il ressort du point 121 ci-dessus, la Commission a conclu à bon droit que le critère de l’expérience acquise en Espagne, en Andalousie et avec la société GIASA en tant que critère d’attribution pour le marché no 2 relatif au projet Andévalo et pour les marchés nos 1, 2, 4 et 5 relatifs au groupe de projets Guadalquivir était irrégulier et discriminatoire.

126    Troisièmement, le Royaume d’Espagne ne conteste pas les conclusions de la Commission dans la décision attaquée selon lesquelles les critères de l’expérience et du prix moyen constituent des critères irréguliers et discriminatoires viciant l’attribution des marchés publics en cause. Cette irrégularité concerne la passation des marchés nos 1 et 3 relatifs au projet Andévalo, des marchés nos 6, 7 et 8 relatifs au groupe de projets Guadalquivir et des marchés nos 1, 3 et 4 relatifs au groupe de projets Grenade et Malaga.

127    Quatrièmement, il convient de relever que le Royaume d’Espagne, dans le cadre du présent recours, n’a pas contesté la légalité de la décision attaquée en ce qui concerne les autres violations de la règlementation de l’Union constatées par la Commission. En particulier, s’agissant de la passation des marchés nos 2 et 5 relatifs au groupe de projets Grenade et Malaga, le Royaume d’Espagne n’a pas contesté les griefs concernant la scission indue des marchés, le manque de publicité au Journal officiel ainsi que l’octroi d’un délai insuffisant pour la présentation d’offres. Par ailleurs, s’agissant de la passation des marchés nos 1, 3 et 4 relatifs au groupe de projets Grenade et Malaga, le Royaume d’Espagne n’a pas contesté le grief concernant la prévision de la procédure irrégulière de « pré attribution » lors de la passation des marchés.

128    Il s’ensuit que, aux fins de vérifier si la Commission a violé les principes de transparence et de proportionnalité lors de la détermination des corrections financières, il convient de prendre en compte toutes les irrégularités constatées dans la décision attaquée (considérants 33, 34 et 36 de la décision attaquée). En particulier, il s’agit des violations suivantes.

129    En ce qui concerne le projet Andévalo, les violations constatées par la Commission s’établissent comme suit :

–        l’article 6, paragraphe 6, et l’article 30 de la directive 93/37 lors de la passation du marché no 1 relatif audit projet, au motif que ce marché prévoyait des critères discriminatoires et irréguliers ;

–        les principes généraux d’égalité de traitement et de non-discrimination lors de la passation du marché no 2 relatif à ce projet, au motif que ce marché, qui se trouvait en-dessous du seuil d’application de la directive 93/37, prévoyait des critères discriminatoires et irréguliers ;

–        l’article 6, paragraphe 4, l’article 11, paragraphe 1, l’article 7, paragraphe 3, sous d), l’article 6, paragraphe 6, et l’article 30 de la directive 93/37 lors de la passation du marché no 3 relatif au même projet, au motif que ce marché a été indûment scindé du marché no 1, n’a pas fait l’objet d’une publication au Journal officiel, a été modifié en ayant recours à une procédure négociée de passation et prévoyait des critères discriminatoires et irréguliers.

130    En ce qui concerne le groupe de projets Guadalquivir, les violations constatées par la Commission s’établissent comme suit :

–        les principes généraux d’égalité de traitement et de non-discrimination lors de la passation des marchés nos 1, 2, 4 et 5 relatifs audit groupe de projets, au motif que ces marchés, qui se trouvaient en-dessous du seuil d’application de la directive 93/37, prévoyaient des critères discriminatoires et irréguliers ;

–        l’article 6, paragraphe 6, et l’article 30 de la directive 93/37 lors de la passation des marchés nos 6 et 7 relatifs à ce groupe de projets, au motif que ces marchés prévoyaient des critères discriminatoires et irréguliers ;

–        l’article 6, paragraphe 4, l’article 11, paragraphe 1, l’article 6, paragraphe 6, et l’article 30 de la directive 93/37 lors de la passation du marché no 8 relatif au même groupe de projets, au motif que ce marché a été indûment scindé des marchés nos 6 et 7, n’a pas fait l’objet d’une publication au Journal officiel et prévoyait des critères discriminatoires et irréguliers.

131    En ce qui concerne le groupe de projets Grenade et Malaga, les violations constatées par la Commission s’établissent comme suit :

–        l’article 6, paragraphe 4, l’article 11, paragraphe 1, l’article 7, paragraphe 4, l’article 6, paragraphe 6, et l’article 30 de la directive 93/37 lors de la passation des marchés nos 1 et 3 relatifs audit groupe de projets, au motif que ces marchés sont des fractions artificiellement créées d’un marché public ayant été indûment scindé, n’ont pas fait l’objet d’une publication au Journal officiel et prévoyaient une procédure irrégulière de « pré attribution » ainsi que des critères discriminatoires et irréguliers ;

–        l’article 7, paragraphe 4, l’article 6, paragraphe 6, et l’article 30 de la directive 93/37 lors de la passation du marché no 4 relatif à ce groupe de projets, au motif que ce marché prévoyait une procédure irrégulière de « pré-attribution » ainsi que des critères discriminatoires et irréguliers ;

–        l’article 7, paragraphe 3, l’article 15, paragraphe 2, l’article 18, paragraphe 1, l’article 36 et l’article 37 de la directive 92/50 lors de la passation des marchés nos 2 et 5 relatifs au même groupe de projets, au motif que ces marchés n’ont pas fait l’objet d’une publication au Journal officiel et prévoyaient des critères discriminatoires et irréguliers.

132    Aux termes de l’article H, paragraphe 2, sous b), deuxième alinéa, et paragraphe 3, de l’annexe II du règlement no 1164/94, les décisions de la Commission imposant des corrections financières doivent respecter le principe de proportionnalité. En établissant le montant de la correction, la Commission tient compte de la nature de l’irrégularité ou de la modification et de l’étendue de l’impact financier potentiel des défaillances éventuelles des systèmes de gestion ou de contrôle.

133    À cet égard, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité fait partie des principes généraux du droit de l’Union. Il exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients engendrés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Italie/Commission, T‑308/05, Rec. p. II‑5089, point 153, et la jurisprudence citée).

134    En particulier, au regard du principe de proportionnalité, il convient encore de rappeler que la violation des obligations dont le respect revêt une importance fondamentale pour le bon fonctionnement d’un système de l’Union peut être sanctionnée par la perte d’un droit ouvert par la règlementation de l’Union, tel que le droit à un concours financier (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 26 septembre 2002, Sgaravatti Mediterranea/Commission, T‑199/99, Rec. p. II‑3731, points 134 et 135, et du 19 novembre 2008, Grèce/Commission, T‑404/05, non publié au Recueil, point 89, et la jurisprudence citée).

135    En ce qui concerne le Fonds de cohésion, il convient de rappeler que, en application de l’article 12, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1164/94, ce sont les États membres qui sont responsables, en premier ressort, du contrôle financier des projets et qui sont notamment tenus de prendre les mesures nécessaires pour garantir l’utilisation régulière des fonds européens, pour veiller à ce que les projets soient gérés conformément à l’ensemble de la réglementation de l’Union applicable, pour prévenir et détecter les irrégularités et pour s’assurer de l’existence et du bon fonctionnement dans les États membres de systèmes de gestion et de contrôle de manière que les fonds européens soient utilisés de façon régulière et efficace.

136    En outre, en vertu du principe de conformité des projets financés aux dispositions des traités, aux actes adoptés en vertu de ceux-ci et aux politiques de l’Union, tel qu’exprimé par l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1164/94, seules les dépenses effectuées en conformité avec les règles de l’Union et avec les actes adoptés en vertu de celles-ci sont à la charge du budget de l’Union. Par conséquent, dès que la Commission décèle l’existence d’une violation des dispositions de l’Union dans les paiements effectués par un État membre, elle est tenue de procéder à la rectification des comptes présentés par celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 juillet 2011, Grèce/Commission, T‑81/09, non publié au Recueil, point 63, et la jurisprudence citée).

137    Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 1386/2002, le montant des corrections financières appliquées par la Commission au titre de l’article H, paragraphe 2, de l’annexe II du règlement no 1164/94 pour des irrégularités individuelles ou systématiques est évalué, chaque fois que cela est possible ou faisable, sur la base de dossiers individuels et est égal au montant des dépenses qui ont été erronément imputées au Fonds de cohésion, en tenant compte du principe de proportionnalité. Aux termes du paragraphe 2 du même article, lorsqu’il n’est pas possible ou faisable de quantifier de manière précise le montant des dépenses irrégulières, ou lorsqu’il serait disproportionné d’annuler l’ensemble des dépenses en question, la Commission peut fonder ses corrections financières sur une extrapolation ou sur une base forfaitaire.

138    À cet égard, il convient encore de rappeler qu’il ressort du point 1 des orientations de 2002 (voir point 12 ci-dessus) que l’objectif des corrections financières est de rétablir une situation de façon que l’intégralité des dépenses faisant l’objet d’une demande de cofinancement du Fonds de cohésion soit en conformité avec la réglementation de l’Union applicable en la matière.

139    En l’espèce, il a été constaté dans le cadre de l’examen du premier moyen que la Commission avait identifié, sans commettre d’erreur, certaines irrégularités concernant la méconnaissance par les autorités espagnoles des règles gouvernant la passation des marchés publics en ce qui concerne le projet Andévalo et les groupes de projets Guadalquivir et Grenade et Malaga, en cause dans la présente affaire (voir points 98 et 121 ci-dessus). Or, force est de constater que ces irrégularités ont affecté d’une manière décisive la procédure d’attribution des marchés publics relatifs à ce projet et à ces groupes de projets.

140    Dans ces conditions, ayant décelé la violation des dispositions de l’Union gouvernant la passation des marchés publics, la Commission était tenue d’imposer les corrections financières nécessaires pour rétablir une situation dans laquelle l’intégralité des dépenses faisant l’objet de la demande de cofinancement par le Fonds de cohésion est en conformité avec la réglementation de l’Union en matière de marchés publics, et ce en tenant compte du principe de proportionnalité.

141    Quant aux modalités de calcul des corrections financières, il ressort du considérant 137 de la décision attaquée que la Commission a, d’abord, estimé que, au vu des circonstances de l’espèce, l’application d’une correction consistant en l’annulation de l’ensemble des dépenses des projets en cause aurait été une pénalité disproportionnée par rapport à la gravité des irrégularités détectées. Ensuite, elle a considéré que, étant donné qu’il n’était pas possible ou faisable de quantifier de manière précise le montant des dépenses irrégulières, il était approprié d’appliquer des corrections sur une base forfaitaire.

142    À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que, dans les orientations de 2007 (voir point 12 ci-dessus), pour les marchés visés par les directives européennes en matière de marchés publics, les barèmes spécifiques à appliquer en fonction du type d’irrégularité sont les suivants :

–        une correction financière de 25 % du montant du marché incriminé lors du non-respect des procédures en matière de publicité ;

–        une correction financière de 25 % du montant du marché incriminé lors de l’application de critères d’attribution illégaux. Ce montant peut être réduit à 10 ou à 5 % en fonction de la gravité de l’illégalité ;

–        une correction financière de 25 % du montant du marché incriminé si le marché a été passé par procédure ouverte ou restreinte, mais le pouvoir adjudicateur négocie avec les soumissionnaires durant la procédure d’adjudication. Ce montant peut être réduit à 10 ou à 5 % en fonction de la gravité de l’illégalité.

143    Ensuite, dans les orientations de 2007, pour les marchés non soumis aux directives européennes en matière de marché public, les barèmes à appliquer en fonction du type d’irrégularité sont les suivants :

–        une correction financière de 25 % du montant du marché incriminé lors du non‑respect d’un degré adéquat de publicité et de transparence ;

–        une correction financière de 25 % du montant du marché lors de l’absence de mise en concurrence adéquate dudit marché ;

–        une correction financière de 10 % du montant du marché lors de l’application de critères d’attribution illégaux. Ce montant peut être réduit à 5 % en fonction de la gravité de l’illégalité ;

–        une correction financière de 10 % lors de la violation du principe d’égalité de traitement. Ce montant peut être réduit à 5 % en fonction de la gravité.

144    Il convient de rappeler que, en adoptant des règles de conduite administrative visant à produire des effets externes et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, l’institution en question s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que les principes d’égalité de traitement, de sécurité juridique ou de protection de la confiance légitime. Il ne saurait dès lors être exclu que, sous certaines conditions et en fonction de leur contenu, de telles règles de conduite ayant une portée générale puissent déployer des effets juridiques et que, notamment, l’administration ne puisse s’en écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec les principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime, à condition qu’une telle approche ne soit pas contraire à d’autres règles supérieures de droit de l’Union (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 209 à 211, et arrêt du Tribunal du 7 novembre 2007, Allemagne/Commission, T‑374/04, Rec. p. II‑4431, point 111, et la jurisprudence citée).

145    En l’espèce, force est de constater que les montants des corrections financières appliqués par la Commission (voir points 54 à 56 ci-dessus) correspondent à ceux énoncés dans les orientations de 2007 et que, dès lors, contrairement à ce que le Royaume d’Espagne soutient, aucun manque de transparence ne peut être reproché à la Commission dans la mesure où elle a respecté les barèmes qu’elle s’est elle-même imposés.

146    Par ailleurs, il y a lieu de rejeter l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la Commission a violé le principe de proportionnalité en ce que celle-ci a appliqué des corrections cumulées contrairement à ce qui est prévu aux orientations de 2002.

147    À cet égard, il convient de rappeler, d’emblée, que, comme le Royaume d’Espagne le relève à juste titre, le point 2.5, troisième alinéa, des orientations de 2002 établit que, lorsque plusieurs corrections financières forfaitaires sont appliquées, elles ne doivent pas être cumulées. Ce point prévoit, en substance, que la correction financière concernant l’irrégularité la plus grave visant un marché public donné est la seule qui doit être appliquée, dans la mesure où cette irrégularité est indicative des risques de ce marché dans son ensemble.

148    Or, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il ressort de l’annexe unique de la décision attaquée, intitulée « Synthèse des corrections financières/remboursements pour les groupes de projets » (voir également points 54 à 56 ci-dessus), la Commission n’a pas cumulé les corrections financières résultant des violations différentes visant un même marché public. Au contraire, elle a pris comme référence, pour chaque marché public en cause, la correction financière la plus onéreuse et a inclus les corrections financières le concernant dans celle-ci. Cela a entraîné la réduction du montant final des corrections financières applicables aux marchés publics en cause et a, dès lors, bénéficié aux autorités espagnoles. Dans ces circonstances, l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel la Commission a violé le principe de proportionnalité en ce que celle-ci a appliqué des corrections cumulées contrairement à ce qui est prévu aux orientations de 2002 manque en fait.

149    Enfin, le Royaume d’Espagne fait valoir que la Commission a violé le principe de proportionnalité en ce qu'elle n’a pas pris en compte, conformément au point 2.4 des orientations de 2002, le fait que les autorités espagnoles, après avoir reçu notification des irrégularités constatées, avaient changé leur pratique dans des marchés ultérieurs. À cet égard, il y a lieu de relever, d’abord, que le Royaume d’Espagne n’a fourni aucun élément de preuve au soutien de son argument. Ensuite, même à supposer que ce changement de pratique soit prouvé, cela n’enlève rien au fait que les marchés en cause avaient déjà été attribués sur la base d’une application irrégulière des règles gouvernant la passation des marchés publics, de sorte qu’il s’avérait nécessaire d’appliquer des corrections financières aux fins de rectifier cette situation d’irrégularité. Par conséquent, ce changement ultérieur de pratique n’a pas pu avoir d’incidence sur les marchés en cause qui ont fait l’objet de la demande de cofinancement du Fonds de cohésion.

150    Au vu de ce qui précède, le troisième moyen doit être rejeté ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

151    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

152    Le Royaume d’Espagne ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

Azizi

Frimodt Nielsen

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mai 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.