Language of document : ECLI:EU:T:2002:246

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

9 octobre 2002 (1)

«Règlement (CE) n° 111/1999 - Règlement (CE) n° 1135/1999 - Aide alimentaire à la Russie - Adjudication pour la mobilisation - Adjudication pour le transport - Relation contractuelle - Clause compromissoire - Demande en exécution d'un contrat - Recevabilité - Fourniture des certificats pour chaque moyen de transport - Intérêts moratoires»

Dans l'affaire T-134/01,

Hans Fuchs Versandschlachterei KG, établie à Duisburg (Allemagne), représentée par Mes U. Schrömbges, L. Harings et C. Hütter, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. M. Niejahr, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant, à titre principal, à condamner la Commission à payer une somme de 13 130,04 marks allemands (6 713,28 euros), augmentée d'intérêts au taux annuel de 8 % à compter du 1er mars 2000 et, à titre subsidiaire, à ordonner au Bundesanstalt für Landwirtschaft und Ernährung à payer une somme de 13 130,04 marks allemands (6 713,28 euros), augmentée d'intérêts au taux annuel de 8 % à compter du 1er mars 2000,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. R. M. Moura Ramos, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 23 avril 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre réglementaire

1.
    Le règlement (CE) n° 2802/98 du Conseil, du 17 décembre 1998, relatif à un programme d'approvisionnement en produits agricoles de la Fédération de Russie (JO L 349, p. 12), prévoit la mise à la disposition de la Fédération de Russie de produits agricoles.

2.
    Selon l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2802/98, les frais de fourniture, y compris de transport jusqu'aux ports ou aux points frontières, déchargement exclu et, le cas échéant, de transformation dans la Communauté, sont déterminés par une procédure d'adjudication ou, pour des raisons liées à l'urgence ou à des difficultés d'acheminement, par une procédure d'appel d'offres restreint.

3.
    Selon l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2802/98, la Commission est chargée de l'exécution de l'opération dans les conditions prévues au présent règlement.

4.
    Le règlement (CE) n° 111/1999 de la Commission, du 18 janvier 1999, portant modalités générales d'application du règlement n° 2802/98 (JO L 14, p. 3), dispose dans le troisième considérant que, «[...] afin d'aménager une concurrence satisfaisante entre les différents opérateurs de la Communauté, il convient pour les fournitures de produits transformés ainsi que pour les fournitures de produits non disponibles à l'intervention qui doivent être mobilisés sur le marché communautaire, d'organiser ces fournitures en deux étapes et d'attribuer séparément, selon le cas, la fabrication du produit transformé ou la mobilisation du produit sur le marché, et postérieurement la livraison au stade retenu pour la fourniture au pays bénéficiaire».

5.
    L'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 111/1999 se lit ainsi:

«L'adjudication peut porter sur la détermination des frais de la fourniture de produits à mobiliser sur le marché communautaire. Pour une telle fourniture, les frais comportent notamment le prix du produit et les frais de conditionnement et de marquage des produits à livrer au stade de livraison fixé dans l'avis d'adjudication, conformément aux dispositions de l'adjudication particulière.»

6.
    L'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 111/1999 énonce que les offres sont présentées par écrit à l'organisme d'intervention, qui, en vertu de l'article 6, paragraphe 1, de ce règlement, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1125/1999 de la Commission, du 28 mai 1999 (JO L 135, p. 41), transmet à la Commission pour chaque lot la copie intégrale des deux meilleures offres reçues.

7.
    En vertu de l'article 6, paragraphe 3, du règlement n° 111/1999, tel que modifié par le règlement n° 1125/1999, la Commission notifie dans les meilleurs délais l'attribution de la fourniture à l'adjudicataire et adresse une copie de cette décision à l'organisme d'intervention qui a reçu les offres.

8.
    Selon l'article 10, paragraphe 1, du règlement n° 111/1999, la demande de paiement de la fourniture est présentée à l'organisme d'intervention.

9.
    L'article 16 du règlement n° 111/1999 énonce:

«La Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer sur tout litige résultant de l'exécution, de la non-exécution ou de l'interprétation des modalités des fournitures effectuées conformément au présent règlement.»

10.
    Le 28 mai 1999, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 1135/1999, portant ouverture d'une deuxième adjudication pour la mobilisation de viande de porc sur le marché communautaire en vue d'une livraison ultérieure à destination de la Russie (JO L 135, p. 85).

11.
    Selon l'article 1er du règlement n° 1135/1999, une adjudication est ouverte pour la détermination des frais de la fourniture de 40 000 tonnes de viande de porc en équivalent-carcasses, présentant les caractéristiques et les qualités indiquées à l'annexe I, à livrer au titre d'une fourniture visée à l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 111/1999, selon les modalités de ce même règlement et selon les dispositions du présent règlement.

12.
    L'article 2 du règlement n° 1135/1999 énonce:

«Pour un lot donné, la fourniture comporte:

a)     l'achat des produits définis à l'annexe I, à mobiliser sur le marché communautaire, et dans le cas de l'achat de produits frais, leur transformation en produits congelés;

b)     le conditionnement et le marquage des produits conformément aux prescriptions requises à l'annexe I;

c)     la livraison des produits au stade sortie entrepôt frigorifique dans la Communauté, au lieu indiqué par le soumissionnaire dans son offre, chargés sur moyen de transport, dans le délai fixé à l'annexe II;

d)     la tenue du produit à la disposition du transporteur, avant le début du chargement, pendant une période minimale de dix jours ouvrables à partir des dates fixées à l'annexe II. Au-delà de cette période, le montant fixé à l'article 7 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 111/1999 est dû à l'adjudicataire de la mobilisation.

L'offre contient l'adresse exacte du lieu de mise à disposition (entrepôt frigorifique) dans lequel tous les produits d'un même lot doivent être réunis. Ce lieu doit être facilement accessible pour la prise en charge par le transporteur et garantir un taux de chargement de 100 tonnes par jour ouvrable.»

13.
    L'article 6 du règlement n° 1135/1999 se lit ainsi:

«L'adjudicataire prend les dispositions nécessaires afin que les certificats suivants soient transmis à l'adjudicataire de la fourniture du transport lors de l'enlèvement:

-     certificat vétérinaire

-    certificat d'origine

-    certificat de qualité et

-     certificat sanitaire

Les frais relatifs à l'obtention de ces certificats sont à la charge de l'adjudicataire de la mobilisation du produit.

Ces certificats sont établis conformément aux modèles communiqués aux opérateurs, sur leur demande, par la Commission.»

14.
    Le règlement n° 1135/1999 a été suspendu par le règlement (CE) n° 1248/1999 de la Commission, du 16 juin 1999, portant suspension de l'adjudication ouverte par le règlement n° 1135/1999 (JO L 150, p. 23). Par le règlement (CE) n° 1773/1999 de la Commission, du 10 août 1999 (JO L 211, p. 46), le règlement n° 1248/199 a été abrogé et le règlement n° 1135/1999 a été modifié en ce qui concerne, notamment, les différentes dates prévues pour la présentation des offres et pour l'exécution de la fourniture.

15.
    Par le règlement (CE) n° 1955/1999 de la Commission, du 13 septembre 1999, relatif au transport de viande porcine à destination de la Russie (JO L 242, p. 13), une adjudication a été ouverte pour la détermination des frais de la fourniture du transport de viande porcine, mobilisée sur la base du règlement n° 1135/1999, à partir des entrepôts communautaires à destination de la Russie.

Faits à l'origine du litige

16.
    Le 1er septembre 1999, la requérante a déposé auprès du Bundesanstalt für Landwirtschaft und Ernährung (ci-après le «BLE»), qui est l'organisme d'intervention allemand, une offre de mobilisation de viande de porc à destination de la Russie en application des règlements n° 111/1999 et n° 1135/1999.

17.
    Par décision du 14 septembre 1999, la Commission a accordé l'adjudication pour la mobilisation aux soumissionnaires qui sont énumérés à l'article 1er de cette décision. Selon cette décision, le lot 14 - 1 000 tonnes de demi-carcasses - a été adjugé à la requérante.

18.
    Par télécopie du 15 octobre 1999, la Commission a communiqué à la requérante sa décision d'accorder à la société Tour Trans Internationale Speditions GmbH (ci-après «Tour Trans») l'adjudication pour le transport du lot de la requérante.

19.
    La requérante a délivré à Tour Trans, lors de l'enlèvement du lot à l'entrepôt frigorifique à Zerbst (Allemagne), 60 certificats vétérinaires, y compris des certificats sanitaires, établis par le service vétérinaire de Duisburg pour les quantités livrées à l'entrepôt frigorifique à Zerbst, un certificat d'origine établi par la chambre de commerce et d'industrie de Duisburg pour une quantité totale de 1 013 331,2 kg, ainsi qu'un certificat de qualité établi par la requérante pour la même quantité.

20.
    Tour Trans, n'étant pas d'accord avec la démarche suivie par la requérante, a exigé de celle-ci qu'elle tienne à sa disposition les documents nécessaires pour chaque moyen de transport utilisé par Tour Trans et a annoncé que, en cas de refus, elle les ferait établir aux frais de la requérante.

21.
    Par lettre du 20 octobre 1999, la requérante a informé la Commission du désaccord qui a surgi entre elle et Tour Trans. La Commission a répondu, par lettre du 25 octobre 1999, en se référant à l'article 6 du règlement n° 1135/1999, que l'adjudicataire de mobilisation est tenu de fournir les certificats visés par cette disposition pour chaque moyen de transport utilisé.

22.
    Par lettre du 10 novembre 1999, la Commission a indiqué à la requérante que Tour Trans procéderait à l'obtention des certificats nécessaires, mais que, en vertu de l'article 6 du règlement n° 1135/1999, les frais y afférents seraient à supporter par la requérante et seraient débités par le BLE.

23.
    Le 26 novembre 1999, Tour Trans a envoyé au BLE sa facture pour les frais relatifs à l'obtention de certificats pour chaque moyen de transport, d'un montant de 13 130,04 marks allemands (DEM). Par lettre du 1er mars 2000, le BLE a informé la requérante que la somme de 13 130,04 DEM lui avait été imputée, somme qui a été retenue du montant à percevoir par la requérante.

24.
    Par lettre du 2 mai 2000, la requérante a exprimé son désaccord auprès de la Commission sur le fait que le BLE lui avait imputé ces frais et elle a réclamé le paiement de la somme retenue.

25.
    Par lettre du 4 août 2000, la Commission a envoyé une copie de cette lettre au BLE en rappelant que les certificats doivent être fournis pour chaque moyen de transport. Elle a conclu cette lettre en demandant au BLE d'en informer la requérante.

26.
    Le 19 septembre 2000, la requérante a, par l'intermédiaire de ses avocats, envoyé une lettre à la Commission, avec un aperçu des arguments à l'appui de sa thèse selon laquelle les certificats ne doivent pas être fournis pour chaque moyen de transport utilisé, mais pour la totalité du lot.

27.
    Par lettre du 10 avril 2001, la Commission a répondu à la lettre de la requérante, en rappelant les arguments qu'elle avait énoncés dans ses courriers antérieurs.

Procédure

28.
    Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 18 juin 2001, la requérante a introduit le présent recours.

29.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a demandé aux parties de répondre à des questions écrites et de produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.

30.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 23 avril 2002.

31.
    Lors de l'audience, le Tribunal a demandé à la Commission de produire, dans un délai de deux semaines, le modèle du certificat d'origine, mentionné à l'article 6 du règlement n° 1135/1999, en langue allemande.

32.
    En réponse à cette demande, la Commission a déposé une lettre le 15 mai 2002.

33.
    La requérante n'a pas présenté d'observations à l'égard de cette lettre dans le délai imparti.

Conclusions des parties

34.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    condamner la Commission à lui payer la somme de 13 130,04 DEM, augmentée d'intérêts au taux annuel de 8 % à compter du 1er mars 2000;

-    à titre subsidiaire, ordonner au BLE de lui payer la somme de 13 130,04 DEM, augmentée d'intérêts au taux annuel de 8 % à compter du 1er mars 2000;

-    condamner la Commission aux dépens.

35.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme irrecevable;

-    à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

36.
    La requérante fait valoir, en se référant à l'article 238 CE, que la Cour est compétente pour statuer en vertu d'une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par la Communauté ou pour son compte et que, en vertu de l'article 3 de la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 319, p. 1), cette compétence est exercée en l'occurrence par le Tribunal.

37.
    Elle estime qu'il existe un lien contractuel entre elle et la Commission, dans lequel est incluse la clause compromissoire de l'article 16 du règlement n° 111/1999, qui résulterait du fait que la Commission a accepté son offre. Un tel lien serait inhérent au domaine des marchés publics. Dans l'arrêt du 11 février 1993, Cebag/Commission (C-142/91, Rec. p. I-553), la Cour aurait admis l'existence d'un lien contractuel entre la Commission et les soumissionnaires basé sur le fait qu'un élément essentiel de la fourniture, à savoir le prix, est fonction de l'offre par les soumissionnaires et de son acceptation par la Commission.

38.
    Dans ce cadre, la requérante se réfère encore à l'article 24, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 1292/1996 du Conseil, du 27 juin 1996, concernant la politique et la gestion de l'aide alimentaire et des actions spécifiques d'appui à la sécurité alimentaire (JO L 166, p. 1), qui habiliterait la Commission à conclure des contrats dans le cadre des programmes d'aide alimentaire.

39.
    Selon la requérante, bien que la Commission coopère avec des organismes d'intervention nationaux, la décision contraignante d'attribution du marché serait tout de même réservée à la Commission, en vertu de l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 111/1999. Selon les principes de l'arrêt Cebag/Commission, précité, la compétence pour se prononcer sur un élément essentiel de la fourniture, à savoir le prix, fonde ainsi une relation contractuelle entre le soumissionnaire et la Commission. Les organismes d'intervention nationaux n'auraient participé à l'exécution des mesures de mobilisation qu'en tant qu'auxiliaires de la Commission, comme cela découlerait également de l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 111/1999.

40.
    En ce qui concerne la demande de paiement d'intérêts, la requérante estime qu'il n'est pas nécessaire de motiver cette demande de manière spécifique, étant donné que le droit d'obtenir des intérêts découle de l'existence de la demande principale et des principes généraux de droit reconnus par le Tribunal.

41.
    La Commission estime que le recours est irrecevable.

42.
    En premier lieu, elle fait valoir qu'il n'existe pas de relation contractuelle entre elle et les soumissionnaires, parce que, d'une part, les règlements applicables en l'espèce ne contiendraient aucune référence de ce type et, d'autre part, les mesures de mobilisation sont exécutées en grande partie par les organismes d'intervention des États membres et, dès lors, pas directement par la Commission.

43.
    L'arrêt Cebag/Commission, précité, auquel la requérante se réfère, ne pourrait pas être invoqué dans le cas de l'espèce, parce que les règlements qui étaient à la base de cet arrêt différeraient qualitativement des règlements n° 2802/98 et n° 111/1999. Les règles générales relatives à la politique d'aide alimentaire, contenues dans le règlement n° 1292/96, ne seraient pas, contrairement à ce qu'affirme la requérante, applicables aux mesures contestées en l'espèce. Le règlement n° 2802/98 ne contiendrait aucune disposition autorisant la Commission à conclure des contrats. Contrairement au règlement n° 1292/96, le règlement n° 2802/98 serait établi sur la base de l'article 37 CE, ce qui impliquerait qu'il s'agit d'une mesure prise dans le cadre de la politique agricole commune.

44.
    Selon l'article 6 du règlement n° 2802/98, qui se réfère à l'article 3 du règlement (CEE) n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), la section «garantie» du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), supporterait les frais liés à la mise en oeuvre de la mesure. Dans ce cas, il incomberait aux États membres d'assurer l'exécution sur leur territoire des réglementations communautaires. Les autorités nationales agiraient donc, en principe, en leur propre nom et sous leur propre responsabilité.

45.
    L'article 16 du règlement n° 111/1999 ne pourrait pas être considéré comme une clause compromissoire au sens de l'article 238 CE, étant donné que les relations en cause ne seraient pas de nature contractuelle.

46.
    La Commission ajoute que, même si le recours est requalifié de recours en annulation, en vertu de l'article 230 CE, contre la décision de la Commission contenue dans la lettre du 29 mars 2001, le recours serait également irrecevable, étant donné que cette décision ne fait que confirmer une décision antérieure, qui n'a pas été attaquée en temps utile.

47.
    La Commission fait valoir, en outre, que, en tout état de cause, la demande de paiement d'intérêts de 8 % à compter du 1er mars 2000 est irrecevable, étant donné que la requête ne comporte aucune motivation à l'appui de cette demande, ce qui est contraire aux exigences de l'article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Appréciation du Tribunal

48.
    Il convient d'examiner d'abord la question de savoir si, en l'espèce, il existe une relation juridique entre la Commission et la requérante et, le cas échéant, de déterminer si cette relation est de nature contractuelle.

49.
    Selon l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2802/98, la Commission est chargée de l'exécution de l'opération de mise à la disposition de la Russie de produits agricoles. Selon les dispositions de l'article 6 du règlement n° 111/1999, la Commission décide de l'attribution de la fourniture à un adjudicataire, tandis que le rôle des organismes d'intervention se borne, à ce stade, à recevoir et à transmettre à la Commission les offres des soumissionnaires. La décision du 14 septembre 1999, par laquelle le lot 14 a été adjugé à la requérante, émane de la Commission. Aux termes de l'article 8, paragraphe 3, du même règlement, seule la Commission a le pouvoir de donner des instructions pour faciliter la poursuite de la fourniture. Selon les dispositions de l'article 9 du même règlement, le contrôle de la fourniture incombe à la Commission. Enfin, selon la lettre du BLE à la requérante du 1er mars 2000, le BLE a retenu la somme de 13 130,04 DEM, conformément à l'instruction de la Commission du 10 novembre 1999.

50.
    Il résulte de ces dispositions et circonstances qu'une relation juridique s'est créée entre la Commission, en tant qu'adjudicatrice, et la requérante, en sa qualité d'adjudicataire. L'existence d'une relation juridique entre la Commission et la requérante n'est pas infirmée par le fait que les mesures de mobilisation sont exécutées en partie par les organismes d'intervention des États membres, notamment en ce qui concerne le paiement des adjudicataires selon la procédure prévue à l'article 10 du règlement n° 111/1999.

51.
    Quant à la qualification de la relation juridique existant entre la Commission et la requérante, il y a lieu de constater, en premier lieu, que les règlements applicables, à savoir les règlements nos 2802/98, 111/1999 et 1135/1999, ne contiennent aucune indication explicite. Ces règlements se distinguent donc, sur ce point, du règlement (CEE) n° 3972/86, du Conseil, du 22 décembre 1986, concernant la politique et la gestion de l'aide alimentaire (JO L 370, p. 1), règlement qui était applicable dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Cebag/Commission, précité, et du règlement (CE) n° 1292/96 (qui a remplacé le règlement n° 3972/86), dans lesquels il est expressément prévu que l'aide alimentaire est fournie sur la base d'engagements contractuels.

52.
    Toutefois, l'absence d'une telle qualification explicite dans les règlements applicables en l'espèce n'exclut pas pour autant que la relation entre la Commission et un adjudicataire, comme la requérante, puisse être considérée comme étant de nature contractuelle.

53.
    En l'espèce, par l'effet de l'offre de la requérante et de son acceptation par la Commission une relation juridique s'est créée entre ces deux parties qui fait naître des droits et obligations réciproques entre celles-ci. La requérante s'est engagée à livrer une quantité de viande porcine à un endroit et à un moment déterminé. La Commission s'est, quant à elle, engagée à ce que le prix convenu soit payé. Une telle relation remplit les critères d'un contrat bilatéral (ordonnances du Tribunal du 18 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T-44/96, Rec. p. II-1331, points 33 à 35, et du 3 octobre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T-186/96, Rec. p. II-1633, points 41 à 44).

54.
    L'existence d'une relation contractuelle entre la Commission et la requérante est confirmée par la présence de la clause, contenue dans l'article 16 du règlement n° 111/1999, selon laquelle la Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer sur tout litige résultant de l'exécution, de la non-exécution ou de l'interprétation des modalités des fournitures effectuées conformément au présent règlement. En effet, cette clause n'a raisonnablement de sens qu'en présence d'une relation contractuelle entre la Commission et un adjudicataire comme la requérante.

55.
    Il découle des considérations précédentes que la demande de la requérante, fondée sur l'article 16 du règlement n° 111/1999 et l'article 238 CE, est recevable.

56.
    Concernant la recevabilité de la demande accessoire de paiement d'intérêts, il y a lieu de relever qu'il est généralement admis dans les droits des États membres qu'un retard de paiement entraîne un préjudice pour lequel le créancier doit être indemnisé. De même, l'article 78 de la convention des Nations unies sur les contrats de vente internationale de marchandises dispose que, si une partie ne paie pas le prix ou toute autre somme due, l'autre partie a droit à des intérêts sur cette somme. Le droit communautaire reconnaît une telle obligation d'indemnisation comme un principe général de droit (voir, à titre d'exemple, arrêts de la Cour du 4 octobre 1979, Ireks-Arkady/Conseil et Commission, 238/78, Rec. p. 2955, point 20, et du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C-152/88, Rec. p. I-2477, point 32, et arrêt du Tribunal du 16 juillet 1998, Von Löwis et Alvarez-Cotera/Commission, T-202/96 et T-204/96, Rec. p. II-2829).

57.
    Dans la mesure où la demande accessoire porte sur le paiement d'intérêts moratoires en tant qu'indemnisation forfaitaire et abstraite, elle n'est pas à motiver de manière spécifique et elle est, en tant que telle, recevable.

Sur le fond

58.
    La demande de la requérante constitue, à titre principal, une action en exécution du contrat passé entre elle et la Commission. Le moyen unique soulevé dans le cadre de cette action est tiré d'une interprétation erronée des règlements n° 111/1999 et n° 1135/1999, notamment de l'article 6 du règlement n° 1135/1999.

59.
    À titre subsidiaire, la demande de la requérante constitue une demande de dommages-intérêts. Le moyen unique soulevé dans ce contexte est tiré d'une violation du devoir d'information préalable au contrat.

Arguments des parties

60.
    La requérante fait valoir que l'article 6 du règlement n° 1135/1999 oblige l'adjudicataire de la mobilisation du produit à fournir à l'adjudicataire du transport des certificats «lors de l'enlèvement». La référence à ce moment indiquerait que les documents visés par cette disposition sont ceux qui sont aptes à garantir que la marchandise est, à ce moment-là, conforme à la réglementation. L'article 6 ne concernerait pas la suite du transport vers la Russie, mais seulement l'adjudication pour la mobilisation. L'adjudicataire du transport ayant pu établir les documents de transport pour chaque moyen de transport sur la base des certificats fournis par la requérante, elle s'estime avoir satisfait à ses obligations. L'article 6 n'obligerait donc pas à fournir à l'adjudicataire du transport les certificats pour chaque moyen de transport, ni à supporter les frais relatifs à l'obtention de ces certificats.

61.
    L'interprétation défendue par la Commission serait incompatible avec le sens et l'objet de l'article 6 du règlement n° 1135/1999. La division de l'adjudication en deux parties distinctes se traduirait par deux catégories d'obligations également distinctes. L'adjudicataire de la mobilisation se contenterait d'amener la marchandise à un niveau de disponibilité prévu par le règlement, qui doit être atteint «lors de l'enlèvement», moment à partir duquel prendraient fin ses obligations. Les coûts découlant de démarches ultérieures ne sauraient relever de la responsabilité de l'adjudicataire de la mobilisation, mais relèveraient, en revanche, de la responsabilité de l'adjudicataire du transport.

62.
    La requérante fait valoir qu'elle se trouve dans l'impossibilité factuelle et juridique de mettre à disposition des certificats pour chaque moyen de transport utilisé. Elle ne pourrait pas disposer d'information concernant, par exemple, le type, le nombre et les caractéristiques de chaque moyen de transport. Seul l'adjudicataire du transport serait en mesure de définir ces paramètres. L'interprétation donnée par la Commission imposerait une charge indue à l'adjudicataire de la mobilisation, étant donné que l'adjudicataire du transport peut choisir un mode de transport sans tenir compte de l'adjudicataire de la mobilisation. Lorsqu'elle a remis son offre, la requérante n'aurait pas été en mesure de savoir de quels documents l'adjudicataire du transport avait besoin ni les frais que cela entraînerait.

63.
    Il découlerait également de l'article 2, paragraphe 2, du règlement n° 1955/1999 que les obligations de l'adjudicataire de la mobilisation prennent fin avec la livraison de la marchandise à l'entrepôt frigorifique.

64.
    Enfin, l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 111/1999 énumérerait comme coûts au stade de la livraison, en particulier, le prix du produit et les frais de conditionnement et de marquage, et non les coûts pour l'établissement des documents destinés au transport ultérieur de la marchandise.

65.
    La Commission invoque l'article 5, paragraphe 1, sous g), du règlement n° 111/1999, selon lequel le prix de l'offre devait tenir compte des frais de transport et de stockage jusqu'au stade de la livraison prévue dans l'avis d'adjudication. Selon l'article 2, sous c), du règlement n° 1135/1999, la livraison comporterait la mise à disposition des produits chargés sur les moyens de transport. Dans ce contexte, l'article 6 du règlement n° 1135/1999 devrait être interprété comme signifiant que les certificats qu'il vise devaient être établis pour chaque moyen de transport utilisé et que les coûts y afférents devaient être supportés par l'adjudicataire de la mobilisation.

66.
    En outre, par la référence aux modèles de certificats dans le règlement n° 1135/1999, article 6, dernier alinéa, ceux-ci seraient devenus indirectement partie intégrante de l'article 6. Ces modèles ne laisseraient aucun doute sur le fait que les certificats devaient être établis pour chaque moyen de transport utilisé.

67.
    La Commission admet qu'il était nécessaire que l'adjudicataire de la mobilisation collabore avec l'adjudicataire du transport. À cette fin, la Commission aurait communiqué le nom et l'adresse de l'adjudicataire du transport à la requérante par lettre du 15 octobre 1999.

68.
    La Commission rappelle que le règlement n° 1955/1999, applicable au transport de viande porcine à destination de la Russie, ne contient aucune disposition comparable à l'article 6 du règlement n° 1135/1999, et qu'il manque ainsi une base légale en vertu de laquelle l'adjudicataire du transport devrait supporter les coûts relatifs à l'obtention des certificats en question.

69.
    La Commission conteste la thèse de la requérante selon laquelle elle se trouverait dans l'impossibilité d'établir les certificats, en signalant que, hormis la requérante, aucun des adjudicataires de l'adjudication en cause n'a rencontré de problèmes dans l'élaboration des certificats nécessaires.

Appréciation du Tribunal

70.
    La question, qui divise les parties, est, en substance, celle de savoir si, parmi les obligations de la requérante en tant qu'adjudicataire de la fourniture des produits, figure celle de transmettre, à sa charge, à Tour Trans, en tant qu'adjudicataire de la fourniture du transport, des certificats pour chaque moyen de transport.

71.
    Il importe, en premier lieu, de constater qu'il est constant entre les parties que la requérante a délivré à Tour Trans, lors de l'enlèvement du lot à l'entrepôt frigorifique, 60 certificats vétérinaires, y compris des certificats sanitaires, un certificat d'origine et un certificat de qualité et que Tour Trans a pu obtenir les certificats nécessaires pour le transport des produits vers la Fédération de Russie sur la base des certificats qui lui ont été transmis par la requérante.

72.
    Il convient de relever, en deuxième lieu, que, dans le règlement n° 1135/1999, article 6, premier alinéa, il est question de la transmission, lors de l'enlèvement des produits, de quatre types de certificats à établir, selon le libellé de cette disposition, en un seul exemplaire, et que cette disposition ne fait pas explicitement mention de l'obligation de l'adjudicataire de la fourniture des produits de transmettre des certificats pour chaque moyen de transport envisagé par l'adjudicataire de la fourniture du transport.

73.
    Une telle obligation ne peut pas non plus découler de l'article 2 du même règlement, ni des articles 2, paragraphe 3, et 5, paragraphe 1, sous g), du règlement n° 111/1999, tel que modifié par le règlement n° 1125/1999, qui définissent les éléments de la prestation à fournir par l'adjudicataire de la fourniture des produits.

74.
    Dans ces circonstances, la simple référence, sans indication préalable, dans le règlement n° 1135/1999, article 6, troisième alinéa, aux modèles communiqués par la Commission aux opérateurs sur leur demande ne saurait suffire pour imposer une obligation supplémentaire, par rapport à celles définies dans les dispositions applicables, aux adjudicataires de la fourniture des produits. En effet, ceux-ci ne pouvaient raisonnablement pas s'attendre à ce que ces modèles impliquent une extension de leurs obligations, d'autant plus que les modèles, auxquels l'article 6 du règlement n° 1135/1999 se réfère, n'étaient pas disponibles en langue allemande, ainsi que la Commission l'a indiqué dans sa lettre au greffier du Tribunal du 15 mai 2002. En d'autres termes, l'obligation pour l'adjudicataire de la fourniture des produits de transmettre des certificats pour chaque moyen de transport envisagé par l'adjudicataire de la fourniture du transport n'est pas devenue partie intégrante du consensus contractuel entre les parties.

75.
    Cette appréciation n'est pas infirmée par l'argument de la Commission, selon lequel le règlement n° 1955/1999, applicable au transport de viande porcine à destination de la Russie, ne contient aucune disposition comparable à l'article 6 du règlement n° 1135/1999, selon lequel il manque ainsi une base légale en vertu de laquelle l'adjudicataire du transport devrait supporter les coûts relatifs à l'obtention des certificats visés par cette disposition. En effet, il ne découle pas de l'absence d'une telle disposition dans le règlement n° 1955/1999 qu'il incombe à l'adjudicataire de la mobilisation des produits de transmettre, à ses frais, les quatre types de certificats pour chaque moyen de transport envisagé.

76.
    Il s'ensuit que la requérante n'a pas manqué à ses obligations contractuelles, telles que définies par les règlements applicables, et que, dès lors, la somme de 13 130,04 DEM ne pouvait lui être imputée sans aucun titre.

77.
    La demande à titre principal de la requérante peut dès lors être accueillie.

78.
    Il convient de majorer la somme due par la Commission des intérêts moratoires, à compter du 2 mai 2000, date à laquelle la requérante a reclamé à la Commission le paiement de la somme due, et jusqu'au complet paiement. En ce qui concerne le pourcentage du taux annuel des intérêts moratoires à appliquer, le Tribunal estime que ce taux doit être calculé sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant les différentes phases de la période concernée, majoré de deux points.

79.
    La demande à titre principal de la requérante étant accueillie, il n'y a plus lieu de statuer sur la demande introduite à titre subsidiaire.

Sur les dépens

80.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses dépens, ceux de la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

déclare et arrête:

1)    La Commission est condamnée à payer à la requérante la somme de 6 713,28 euros, majorée des intérêts de retard, à compter du 2 mai 2000 et jusqu'au complet paiement. Le taux d'intérêts moratoires à appliquer est calculé sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points.

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    La Commission est condamnée aux dépens.

Moura Ramos                Pirrung
Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 octobre 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. M. Moura Ramos


1: Langue de procédure: l'allemand.