Language of document : ECLI:EU:T:2002:258

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

23 octobre 2002 (1)

«Aides d'État - Décision d'ouverture de la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE - Recours en annulation - Recevabilité - Mesure fiscale - Caractère sélectif - Confiance légitime - Détournement de pouvoir»

Dans les affaires jointes T-269/99, T-271/99 et T-272/99,

Territorio Histórico de Guipúzcoa - Diputación Foral de Guipúzcoa,

Territorio Histórico de Álava - Diputación Foral de Álava,

Territorio Histórico de Vizcaya - Diputación Foral de Vizcaya,

représentés par Mes A. Creus Carreras et B. Uriarte Valiente, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. F. Santaolalla Gadea, G. Rozet et G. Valero Jordana, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation des décisions de la Commission, notifiées aux autorités espagnoles par lettres du 17 août 1999, d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE contre l'État espagnol au sujet des aides fiscales sous la forme d'un crédit d'impôt de 45 % dans les Territorios Históricos de Álava, de Vizcaya et de Guipúzcoa (JO 1999, C 351, p. 29, et JO 2000, C 71, p. 8),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de MM. M. Jaeger, président, R. García-Valdecasas, K. Lenaerts, Mme P. Lindh et M. J. Azizi, juges,

greffier: Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 10 avril 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

Dispositions communautaires

1.
    Les règles de procédure que le traité établit en matière d'aides d'État varient selon que les aides sont existantes ou nouvelles. Tandis que les premières sont soumises à l'article 88, paragraphes 1 et 2, CE, les secondes sont régies, chronologiquement, par les paragraphes 3 et 2 du même article.

2.
    En ce qui concerne les aides existantes, l'article 88, paragraphe 1, CE donne compétence à la Commission pour procéder à leur examen permanent avec les États membres. Dans le cadre de cet examen, la Commission propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun. L'article 88, paragraphe 2, CE dispose ensuite que, si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide n'est pas compatible avec le marché commun en vertu de l'article 87, ou que cette aide est appliquée de manière abusive, elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine.

3.
    Les aides nouvelles doivent, conformément à l'article 88, paragraphe 3, CE, être notifiées préalablement à la Commission et ne peuvent pas être mises à exécution avant que la procédure n'ait abouti à une décision finale. En vertu de cette même disposition, la Commission ouvre sans délai la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE, si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun.

4.
    L'article 1er du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1, ci-après le «règlement ‘procédure aides d'État’»), qui est entré en vigueur le 16 avril 1999, comporte les définitions pertinentes suivantes pour les présentes affaires:

«a)    ‘aide’: toute mesure remplissant tous les critères fixés à l'article [87], paragraphe 1, du traité;

b)    ‘aide existante’:

    i)    [...] toute aide existant avant l'entrée en vigueur du traité dans l'État membre concerné, c'est-à-dire les régimes d'aides et aides individuelles mis à exécution avant, et toujours applicables après, ladite entrée en vigueur;

    ii)    toute aide autorisée, c'est-à-dire les régimes d'aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou le Conseil;

    

    [...]

    

    v)    toute aide qui est réputée existante parce qu'il peut être établi qu'elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l'évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l'État membre. Les mesures qui deviennent une aide suite à la libéralisation d'une activité par le droit communautaire ne sont pas considérées comme une aide existante après la date fixée pour la libéralisation;

c)    ‘aide nouvelle’: toute aide, c'est-à-dire tout régime d'aides ou toute aide individuelle, qui n'est pas une aide existante, y compris toute modification d'une aide existante;

[...]

f)    ‘aide illégale’: une aide nouvelle mise à exécution en violation de l'article [88], paragraphe 3, du traité;

[...]»

5.
    Selon l'article 2, paragraphe 1, du règlement «procédure aides d'État», «tout projet d'octroi d'une aide nouvelle est notifié en temps utile à la Commission par l'État membre concerné». L'article 3 du règlement dispose qu'une aide nouvelle «n'est mise à exécution que si la Commission a pris, ou est réputée avoir pris, une décision l'autorisant». L'article 4, paragraphe 4, dudit règlement prévoit que la Commission adopte une décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE (ci-après la «procédure formelle d'examen»), si elle constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite «des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun».

6.
    Conformément à l'article 6, paragraphe 1, du règlement «procédure aides d'État», une «décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d'une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun».

7.
    Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, du règlement «procédure aides d'État», «la procédure formelle d'examen est clôturée par voie de décision conformément aux paragraphes 2 à 5 du présent article». La Commission peut décider que la mesure notifiée ne constitue pas une aide (article 7, paragraphe 2), que l'aide notifiée est compatible avec le marché commun (article 7, paragraphe 3), que l'aide notifiée peut être considérée comme compatible avec le marché commun si certaines conditions sont respectées (article 7, paragraphe 4), ou que l'aide notifiée est incompatible avec le marché commun (article 7, paragraphe 5).

8.
    Quant aux mesures non notifiées, l'article 10, paragraphe 1, du règlement «procédure aides d'État» dispose que «[l]orsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu'en soit la source, elle examine ces informations sans délai». Il est prévu à l'article 13, paragraphe 1, du même règlement que cet examen débouche, le cas échéant, sur une décision d'ouvrir une procédure formelle d'examen.

9.
    La procédure relative aux régimes d'aides existants est prévue aux articles 17 à 19 du règlement «procédure aides d'État». Aux termes de l'article 18, si la Commission parvient à la conclusion qu'un régime d'aides existant n'est pas, ou n'est plus, compatible avec le marché commun, elle adresse à l'État membre concerné une recommandation proposant l'adoption de mesures utiles. Si l'État membre concerné n'accepte pas les mesures proposées, la Commission peut procéder, en vertu de l'article 19, paragraphe 2, à l'ouverture d'une procédure formelle d'examen conformément à l'article 4, paragraphe 4, précité.

Crédit d'impôt institué par la législation fiscale des Territorios Históricos de Álava, de Vizcaya et de Guipúzcoa

10.
    Les présentes affaires portent sur des prétendues aides fiscales octroyées sous la forme d'un crédit d'impôt par la législation fiscale des Territorios Históricos de Álava, de Vizcaya et de Guipúzcoa.

Crédit d'impôt institué par la législation fiscale du Territorio Histórico de Álava

11.
    La sixième disposition additionnelle de la Norma Foral n° 22/1994, du 20 décembre 1994, portant exécution du budget du Territorio Histórico de Álava pour l'année 1995, est libellée comme suit:

«Les investissements en immobilisations corporelles neuves, effectués entre le 1er janvier et le 31 décembre 1995, qui excèdent 2,5 milliards de [pesetas espagnoles (ESP)] selon l'accord de la Diputación Foral de Álava, bénéficieront d'un crédit d'impôt de 45 % du montant de l'investissement déterminé par la Diputación Foral de Álava, applicable au montant final d'impôt à payer.

La déduction non appliquée pour insuffisance d'impôt pourra être appliquée dans les neuf ans qui suivent l'année durant laquelle l'accord de la Diputación Foral de Álava a été conclu.

Cet accord de la Diputación Foral de Álava fixera les délais et les restrictions applicables dans chaque cas.

Les avantages reconnus en vertu de la présente disposition seront incompatibles avec tout autre avantage fiscal existant en raison de ces mêmes investissements.

La Diputación Foral de Álava déterminera également la durée du processus d'investissement, laquelle pourra englober des investissements réalisés durant la phase de préparation du projet à la base des investissements.»

12.
    La validité de cette disposition a été prorogée, pour l'année 1996, par la cinquième disposition additionnelle de la Norma Foral n° 33/1995, du 20 décembre 1995, telle que modifiée par le point 2.11 de la disposition dérogatoire unique de la Norma Foral n° 24/1996, du 5 juillet 1996. Pour l'année 1997, la mesure a été prorogée par la septième disposition additionnelle de la Norma Foral n° 31/1996, du 18 décembre 1996.

13.
    Le crédit d'impôt de 45 % du montant des investissements a été maintenu, sous une forme modifiée, pour les années 1998 et 1999, respectivement, par la onzième disposition additionnelle de la Norma Foral n° 33/1997, du 19 décembre 1997, et par la septième disposition additionnelle de la Norma Foral n° 36/1998, du 17 décembre 1998.

Crédit d'impôt institué par la législation fiscale des Territorios Históricos de Vizcaya et de Guipúzcoa

14.
    La quatrième disposition additionnelle de la Norma Foral n° 7/1996 de Vizcaya, du 26 décembre 1996, prorogée par la deuxième disposition de la Norma Foral n° 4/1998, du 2 avril 1998, et la dixième disposition additionnelle de la Norma Foral n° 7/1997 de Guipúzcoa, du 22 décembre 1997, disposent:

«Les investissements en immobilisations corporelles neuves, effectués depuis le 1er janvier 1997, qui excèdent 2,5 milliards [de ESP], bénéficient, moyennant une décision de la Diputación Foral de [Vizcaya/Guipúzcoa], d'un crédit d'impôt de 45 % du montant de l'investissement déterminé par la Diputación Foral de [Vizcaya/Guipúzcoa], applicable au montant dû au titre de l'impôt personnel.

La déduction non appliquée pour insuffisance du montant pourra être appliquée pendant les cinq exercices d'imposition qui suivent celui en faveur duquel la décision d'octroi du crédit a été adoptée.

Ce délai d'application de la déduction peut être reporté jusqu'au premier exercice où des résultats positifs sont enregistrés pendant la période de prescription.

La décision visée au premier paragraphe fixe les délais et les limitations applicables dans chaque cas.

[...]»

Décisions attaquées

15.
    À la suite d'une plainte déposée en 1996, la Commission a examiné l'octroi du crédit d'impôt de 45 % prévu par la législation fiscale du Territorio Histórico de Álava à l'entreprise Daewoo Electronics Manufacturing España SA (Demesa). Par décision 1999/718/CE, du 24 février 1999, concernant l'aide d'État mise à exécution par l'Espagne en faveur de Demesa (JO L 292, p. 1), la Commission a constaté que l'octroi du crédit d'impôt à l'entreprise concernée constituait une aide d'État incompatible avec le marché commun.

16.
    La Commission a ensuite examiné, de manière générale, le crédit d'impôt institué par la législation fiscale du Territorio Histórico de Álava sous l'angle des articles 87 CE et 88 CE. Des mesures fiscales similaires applicables dans les Territorios Históricos de Vizcaya et de Guipúzcoa ont également fait l'objet d'un examen (ci-après, pour les trois territoires historiques du Pays basque, les «mesures fiscales litigieuses»).

17.
    C'est ainsi que la Commission a pris la décision SG (99) D/6871 d'ouvrir la procédure formelle d'examen au sujet du crédit d'impôt prévu dans la législation fiscale des Territorios Históricos de Vizcaya et de Guipúzcoa, qui a été notifiée aux autorités espagnoles par lettre du 17 août 1999. Cette décision, qui est la décision attaquée dans les affaires T-269/99, Territorio Histórico de Guipúzcoa/Commission, et T-272/99, Territorio Histórico de Vizcaya/Commission, a été reproduite en langue espagnole au Journal officiel des Communautés européennes du 4 décembre 1999 (JO C 351, p. 29), accompagnée d'un résumé dans la langue de la série linguistique dudit journal, conformément à l'article 26, paragraphe 2, du règlement «procédure aides d'État».

18.
    La Commission a également ouvert la procédure formelle d'examen au sujet du crédit d'impôt prévu dans la législation fiscale du Territorio Histórico de Álava. La décision, qui porte la référence SG (99) D/6873, a été notifiée aux autorités espagnoles par lettre du 17 août 1999 et publiée en langue espagnole au Journal officiel des Communautés européennes du 11 mars 2000 (JO C 71, p. 8), accompagnée d'un résumé dans la langue de la série linguistique dudit journal. Elle constitue la décision attaquée dans l'affaire T-271/99, Territorio Histórico de Álava/Commission.

19.
    Dans les deux décisions d'ouverture de la procédure formelle d'examen (ci-après les «décisions attaquées»), la Commission qualifie provisoirement la mesure fiscale contestée d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE sur la base des considérations suivantes:

«Le crédit d'impôt en cause satisfait cumulativement les quatre critères établis par l'article 87 du traité CE. En particulier, le crédit d'impôt susvisé est spécifique, car il favorise certaines entreprises. En effet, les seules entreprises qui réalisent des investissements dépassant le seuil de 2,5 milliards de [ESP] (15 025 303 euros) peuvent bénéficier du crédit d'impôt en cause. Toutes les autres entreprises, même lorsqu'elles investissent mais sans dépasser le seuil cité de 2,5 milliards de [ESP], sont exclues du bénéfice des aides.» [Point 3.1 du résumé de la décision SG (99) D/6871 et point 2.1 du résumé de la décision SG (99) D/6873.]

20.
    La sélectivité du crédit d'impôt ressort aussi, selon la Commission, du pouvoir discrétionnaire dont dispose l'administration fiscale des Territorios Históricos concernés dans l'octroi de l'avantage fiscal en cause [JO 1999, C 351, p. 32, pour ce qui concerne la décision SG (99) D/6871, et JO 2000, C 71, p. 11, pour ce qui concerne la décision SG (99) D/6873].

21.
    Ensuite, après avoir constaté que les autorités espagnoles avaient violé l'obligation de notification préalable établie à l'article 88, paragraphe 3, CE, la Commission évalue la compatibilité de la mesure fiscale contestée avec le marché commun. Elle conclut qu'il existe des doutes sur ce plan et décide d'ouvrir la procédure formelle d'examen [points 3.2 et 3.3 du résumé de la décision SG (99) D/6871 et points 2.2 et 2.3 du résumé de la décision SG (99) D/6873].

22.
    Après avoir adopté les décisions attaquées, la Commission a examiné spécifiquement l'octroi du crédit d'impôt de 45 % prévu par la législation fiscale du Territorio Histórico de Álava à une entreprise particulière. Cet examen a été conclu par la décision 2000/795/CE de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l'aide d'État mise à exécution par l'Espagne en faveur de Ramondín SA et de Ramondín Cápsulas SA (JO 2000, L 318, p. 36).

Procédure et conclusions des parties

23.
    Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 3 novembre 1999, les parties requérantes ont introduit les présents recours.

24.
    Le Territorio Histórico de Guipúzcoa, partie requérante dans l'affaire T-269/99, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable;

-    annuler la décision de la Commission SG (99) D/6871, dans la mesure où elle qualifie d'aide d'État au sens de l'article 87 CE le crédit d'impôt prévu dans la Norma Foral de Guipúzcoa n° 7/1997, du 22 décembre 1997;

-    condamner la Commission aux dépens.

25.
    Le Territorio Histórico de Álava, partie requérante dans l'affaire T-271/99, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable;

-    annuler la décision de la Commission SG (99) D/6873, dans la mesure où elle qualifie d'aide d'État au sens de l'article 87 CE le crédit d'impôt prévu dans la Norma Foral de Álava n° 22/1994, du 20 décembre 1994, et dans ses modifications ultérieures;

-    condamner la Commission aux dépens.

26.
    Le Territorio Histórico de Vizcaya, partie requérante dans l'affaire T-272/99, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable;

-    annuler la décision de la Commission SG (99) D/6871, dans la mesure où elle qualifie d'aide d'État au sens de l'article 87 CE le crédit d'impôt prévu dans la Norma Foral de Vizcaya n° 7/1996, du 26 décembre 1996, et dans ses modifications ultérieures;

-    condamner la Commission aux dépens.

27.
    Par actes séparés, déposés au greffe du Tribunal le 26 janvier 2000, la Commission a, en vertu de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, soulevé une exception d'irrecevabilité dans les trois affaires. Par ordonnances du Tribunal (troisième chambre élargie) du 6 juillet 2000, ces exceptions ont été jointes au fond.

28.
    La Commission conclut, dans les trois affaires, à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours irrecevable;

-    à titre subsidiaire, déclarer le recours non fondé;

-    condamner la partie requérante aux dépens.

29.
    Par ordonnance du président de la troisième chambre élargie du Tribunal du 12 janvier 2001, les affaires T-269/99, T-271/99 et T-272/99 ont été jointes.

30.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Au titre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure, une question écrite a été adressée aux parties requérantes, qui y ont répondu dans le délai imparti.

31.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 10 avril 2002.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

32.
    La Commission fait valoir que les décisions attaquées constituent des actes préparatoires qui ne modifient pas la position juridique des parties requérantes. Les décisions attaquées ne constitueraient donc pas des actes attaquables au sens de l'article 230 CE. La Commission ajoute que, si la décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen produisait des effets juridiques définitifs quant à la qualification d'une mesure d'aide d'État, alors la possibilité d'introduire un recours contre cette qualification dans le délai légal rendrait irrecevable le recours contre la décision finale relative au caractère d'aide de la mesure, puisqu'il ne s'agirait alors que d'un acte confirmatif d'un acte définitif antérieur.

33.
    La Commission fait ensuite observer que la Cour a jugé, dans son arrêt du 14 février 1990, France/Commission (C-301/87, Rec. p. I-307), que la Commission peut adopter une injonction de suspension de l'aide adressée à l'État membre avant d'avoir achevé l'analyse de la compatibilité de l'aide avec le marché commun. Cette décision adoptée à la suite d'une procédure distincte de celle de l'article 88, paragraphe 2, CE serait différente de la décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen et serait, contrairement à cette dernière, susceptible de faire l'objet d'un recours (arrêt France/Commission, précité, point 18). Le fait que la Cour a jugé nécessaire d'exiger que l'injonction de suspension fasse l'objet d'une procédure et d'une décision distinctes de celles concernant l'ouverture de la procédure formelle d'examen serait révélateur du fait que cette injonction ne découle pas de la simple qualification d'aide de la mesure examinée dans la décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen.

34.
    Enfin, la Commission fait observer que, à la différence des décisions qui ont fait l'objet des arrêts de la Cour du 30 juin 1992, Espagne/Commission (C-312/90, Rec. p. I-4117), et Italie/Commission (C-47/91, Rec. p. I-4145), et du 9 octobre 2001, Italie/Commission (C-400/99, Rec. p. I-7303, ci-après l'«arrêt Tirrenia»), les autorités espagnoles centrales, régionales et provinciales n'auraient jamais soutenu au cours de la procédure précédant l'adoption des décisions attaquées que les mesures fiscales litigieuses revêtaient un caractère existant.

35.
    Les parties requérantes, se référant aux arrêts cités au point précédent, rétorquent qu'une décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen est un acte attaquable dès lors qu'elle produit des effets juridiques immédiats et définitifs. Elles soulignent que la Commission n'était pas en droit d'ouvrir la procédure formelle d'examen dès lors que le crédit d'impôt institué par les mesures fiscales litigieuses ne revêt pas le caractère d'une aide d'État. Dans les affaires T-271/99 et T-272/99, elles ajoutent que, si les mesures fiscales litigieuses constituaient des aides au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, il s'agirait d'aides existantes. Le crédit d'impôt aurait en effet été institué en 1984 par les législations fiscales des Territorios Históricos de Álava et de Vizcaya.

Appréciation du Tribunal

36.
    Il doit être rappelé que, au moment de l'adoption des décisions attaquées, les mesures fiscales litigieuses avaient déjà été mises en oeuvre par les parties requérantes. Ces dernières considèrent en effet, de façon constante, que le crédit d'impôt institué par ces mesures ne constitue pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE.

37.
    Une décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen emporte des effets juridiques autonomes, en particulier en ce qui concerne la suspension de la mesure considérée (arrêt Tirrenia, cité au point 34 ci-dessus, points 62 et 69). Cette conclusion s'impose non seulement dans le cas où la mesure en cours d'exécution est considérée par les autorités de l'État membre concerné comme une aide existante, mais également dans le cas où ces autorités estiment que la mesure visée par la décision d'ouverture ne tombe pas dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, CE (arrêt Tirrenia, cité au point 34 ci-dessus, points 59, 60 et 69).

38.
    Une décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen à l'égard d'une mesure en cours d'exécution et qualifiée d'aide nouvelle par la Commission modifie nécessairement la portée juridique de la mesure considérée, ainsi que la situation juridique des entreprises qui en sont bénéficiaires, notamment en ce qui concerne la poursuite de la mise en oeuvre de cette mesure. Jusqu'à l'adoption d'une telle décision, l'État membre, les entreprises bénéficiaires et les autres opérateurs économiques peuvent penser que la mesure est licitement mise en oeuvre en tant que mesure générale ne tombant pas dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, CE ou en tant qu'aide existante. En revanche, après l'adoption d'une telle décision, il existe à tout le moins un doute important sur la légalité de cette mesure, qui, sans préjudice de la faculté de solliciter des mesures provisoires auprès du juge des référés, doit conduire l'État membre à en suspendre l'application, dès lors que l'ouverture de la procédure formelle d'examen exclut une décision immédiate concluant à la compatibilité avec le marché commun qui permettrait de poursuivre licitement l'exécution de ladite mesure. Une telle décision pourrait également être invoquée devant un juge national appelé à tirer toutes les conséquences découlant de la violation de l'article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE. Enfin, elle est susceptible de conduire les entreprises bénéficiaires de la mesure à refuser en tout état de cause de nouveaux versements, ou de nouveaux avantages, ou à provisionner les sommes nécessaires à d'éventuelles compensations financières ultérieures. Les milieux d'affaires tiendront également compte, dans leurs relations avec lesdits bénéficiaires, de la situation juridique et financière fragilisée de ces derniers (arrêt Tirrenia, cité au point 34 ci-dessus, points 59 et 69; arrêt du Tribunal du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T-195/01 et T-207/01, Rec. p. II-2309, point 85).

39.
    Certes, dans un tel contexte, à la différence d'une injonction de suspension adressée à un État membre, qui a un caractère contraignant immédiat et dont le non-respect permet à la Commission de saisir directement la Cour, en application de l'article 12 du règlement «procédure aides d'État», afin que cette dernière déclare que ce non-respect constitue une violation du traité, la décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen, intervenant à l'égard de mesures en cours d'exécution et qualifiées d'aides nouvelles par la Commission, produit des effets juridiques dont il appartient à l'État membre concerné, et le cas échéant aux opérateurs économiques, de tirer eux-mêmes les conséquences. Toutefois, cette différence d'ordre procédural n'affecte pas pour autant la portée de ces effets juridiques (arrêt Tirrenia, cité au point 34 ci-dessus, point 60).

40.
    Il résulte donc de ce qui précède que les décisions attaquées constituent des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours au titre de l'article 230 CE.

41.
    Ensuite, il doit être constaté que les parties requérantes sont directement et individuellement concernées par les décisions attaquées au sens de l'article 230, quatrième alinéa, CE. En effet, les décisions attaquées se rapportent à des mesures fiscales dont les parties requérantes sont les auteurs et, de plus, empêchent les parties requérantes d'exercer, comme elles l'entendent, leurs compétences propres, dont elles jouissent directement en vertu du droit interne espagnol (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaams Gewest/Commission, T-214/95, Rec. p. II-717, points 29 et 30, et du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T-127/99, T-129/99 et T-148/99, Rec. p. II-1275, point 50).

42.
    Il résulte de tout ce qui précède que les recours sont recevables.

Sur le fond

43.
    Les parties requérantes invoquent cinq moyens à l'appui de leur recours. Le premier est tiré d'une violation de l'article 87, paragraphe 1, CE, et le deuxième d'une violation de l'article 88, paragraphes 2 et 3, CE. Le troisième moyen est pris d'un détournement de pouvoir et le quatrième d'une violation du principe de protection de la confiance légitime. Le cinquième moyen, enfin, est tiré d'une violation de l'article 253 CE.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 87, paragraphe 1, CE

44.
    Dans le premier moyen, les parties requérantes contestent que le crédit d'impôt institué par les mesures fiscales litigieuses revêt le caractère d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE.

45.
    Le Tribunal rappelle que la Commission est tenue d'ouvrir la procédure formelle d'examen si un premier examen ne lui permet pas de surmonter toutes les difficultés soulevées par la question de savoir si la mesure examinée constitue une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, à tout le moins lorsque, lors de ce premier examen, elle n'a pas été en mesure d'acquérir la conviction que la mesure concernée, à supposer qu'elle constitue une aide, est en tout état de cause compatible avec le marché commun (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 39; arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, BP Chemicals/Commission, T-11/95, Rec. p. II-3235, point 166).

46.
    C'est ainsi que l'article 6 du règlement «procédure aides d'État» dispose que la décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen inclut une «évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d'une aide».

47.
    Il s'ensuit que, dans une décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen, la qualification de la mesure d'aide d'État ne revêt pas un caractère définitif. L'ouverture de la procédure formelle d'examen vise précisément à permettre à la Commission de s'entourer de tous les avis nécessaires pour qu'elle soit à même de prendre une décision définitive sur ce point (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 mai 2001, Portugal/Commission, C-204/97, Rec. p. I-3175, point 33; arrêt du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, T-371/94 et T-394/94, Rec. p. II-2405, point 59).

48.
    Afin d'éviter une confusion des procédures administrative et judiciaire et afin de respecter la répartition des compétences entre la Commission et le juge communautaire, le contrôle de légalité exercé par le Tribunal d'une décision d'ouverture formelle d'examen doit nécessairement être limité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 20). Le juge communautaire doit en effet éviter de se prononcer définitivement sur des questions qui n'ont fait l'objet que d'une appréciation provisoire de la Commission.

49.
    Dès lors, lorsque, dans le cadre d'un recours introduit contre une décision d'ouverture formelle d'examen, les parties requérantes contestent l'appréciation de la Commission quant à la qualification de la mesure litigieuse d'aide d'État, le contrôle du juge communautaire est limité à la vérification du point de savoir si la Commission n'a pas commis d'erreurs manifestes d'appréciation en considérant qu'elle ne pouvait pas surmonter toutes les difficultés sur ce point au cours d'un premier examen de la mesure concernée (voir ordonnance du président du Tribunal du 19 décembre 2001, Government of Gibraltar/Commission, T-195/01 R et T-207/01 R, Rec. p. II-3915, point 79).

50.
    En premier lieu, les parties requérantes font valoir que les décisions attaquées portent sur des mesures générales qui ne tombent pas dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, CE. En effet, le crédit d'impôt institué par les mesures fiscales litigieuses profiterait de la même façon à tous les contribuables qui font des investissements de 2,5 milliards de ESP.

51.
    Les parties requérantes soutiennent d'abord que la Commission a déduit la spécificité des mesures fiscales litigieuses de leur caractère régional. Elles font observer que les Territorios Históricos de Álava, de Vizcaya et de Guipúzcoa disposent depuis le XIXe siècle d'une autonomie fiscale reconnue et protégée par la constitution de l'État espagnol. Cette autonomie serait implicitement mise en cause par les décisions attaquées.

52.
    Ensuite, les parties requérantes font valoir que la Commission ne saurait déduire la spécificité des mesures fiscales litigieuses d'un prétendu pouvoir discrétionnaire dont disposeraient les Diputaciónes Forales dans l'octroi du crédit d'impôt. En effet, celles-ci se borneraient à vérifier si les conditions prévues par les mesures fiscales litigieuses sont remplies, sans disposer d'un quelconque pouvoir discrétionnaire à cet égard. Elles n'auraient pas le pouvoir de sélectionner les entreprises bénéficiaires ou de moduler l'intensité de l'«aide» en raison des caractéristiques particulières des entreprises.

53.
    La spécificité du crédit d'impôt ne pourrait, enfin, pas non plus être déduite de l'exigence d'un investissement minimal de 2,5 milliards de ESP. Il s'agirait d'un critère quantitatif objectif qui limite le champ d'application de l'avantage fiscal en cause.

54.
    À cet égard, le Tribunal rappelle que l'article 87, paragraphe 1, CE exige qu'une mesure, pour qu'elle puisse être qualifiée d'aide d'État, favorise «certaines entreprises ou certaines productions». La spécificité ou la sélectivité d'une mesure constitue donc l'une des caractéristiques de la notion d'aide d'État (arrêt de la Cour du 1er décembre 1998, Ecotrade, C-200/97, Rec. p. I-7907, point 40; arrêt Tribunal Diputación Foral de Álava e.a./Commission, cité au point 41 ci-dessus, point 144, et arrêt du Tribunal du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T-55/99, Rec. p. II-3207, point 39).

55.
    Or, dans les décisions attaquées, la Commission s'est fondée sur deux éléments pour qualifier, à titre provisoire, le crédit d'impôt de mesure sélective au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, à savoir le montant minimal d'investissement de 2,5 milliards de ESP nécessaire pour pouvoir bénéficier de l'avantage fiscal [point 3.1 du résumé de la décision SG (99) D/6871 et point 2.1 du résumé de la décision SG (99) D/6873] et le pouvoir discrétionnaire dont disposerait l'administration fiscale des Territorios Históricos concernés dans l'octroi de l'avantage fiscal [JO 1999, C 351, p. 32, pour ce qui concerne la décision SG (99) D/6871, et JO 2000, C 71, p. 11, pour ce qui concerne la décision SG (99) D/6873].

56.
    Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, la Commission ne s'est donc pas fondée, dans les décisions attaquées, sur la constatation que les mesures fiscales litigieuses ne s'appliquent qu'à une partie du territoire espagnol, à savoir les Territorios Históricos du Pays basque, pour conclure, à titre provisoire, à la sélectivité du crédit d'impôt. Les parties requérantes ne sauraient donc prétendre que les décisions attaquées sont de nature à mettre en cause la compétence normative des trois Territorios Históricos du Pays basque pour adopter des mesures fiscales.

57.
    Le Tribunal constate, ensuite, qu'il ressort des mesures fiscales litigieuses qu'elles limitent l'application du crédit d'impôt aux entreprises effectuant des investissements en immobilisations corporelles neuves excédant 2,5 milliards de ESP. Les mesures fiscales litigieuses limitent donc de facto l'application du crédit d'impôt aux entreprises disposant de ressources financières importantes. Sur cette base, la Commission a pu raisonnablement considérer, à titre provisoire, que le crédit d'impôt institué par les mesures fiscales litigieuses était réservé à «certaines entreprises» au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE (voir arrêt Diputación Foral de Álava e.a./Commission, cité au point 41 ci-dessus, point 157).

58.
    Les parties requérantes font toutefois valoir que le crédit d'impôt institué par les mesures fiscales litigieuses doit être considéré comme étant justifié par la nature ou l'économie du système fiscal, dès lors qu'il répond à des critères objectifs uniformément applicables et qu'il sert à la réalisation de l'objectif poursuivi par les dispositions fiscales qui l'instituent.

59.
    Elles expliquent à cet effet que l'incitation à l'investissement recherchée par le crédit d'impôt est nécessaire dans une zone qui n'attire normalement que peu d'opérateurs économiques. Elles ajoutent que lorsqu'un État encourage l'investissement et parvient à faire en sorte que des entreprises s'installent sur son territoire, il s'assure de l'obtention de recettes fiscales pour l'avenir, dès lors que ces entreprises seront imposées dans cet État. L'objectif poursuivi par les mesures fiscales des territoires historiques en cause serait donc, à l'image de telles mesures étatiques, de récolter le maximum de recettes fiscales possible.

60.
    À cet égard, le Tribunal rappelle qu'une mesure étatique, qui se justifie par la nature ou l'économie générale du système dans lequel elle s'inscrit, ne remplit pas la condition de sélectivité même si cette mesure est constitutive d'un avantage pour ses bénéficiaires (arrêts de la Cour du 17 juin 1999, Belgique/Commission, dit «Maribel», C-75/97, Rec. p. I-3671, point 33, et du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, C-143/99, Rec. p. I-8365, point 42).

61.
    Afin d'apprécier si, en l'espèce, cette justification peut s'appliquer, il doit être examiné si la limitation du cercle de bénéficiaires potentiels du crédit d'impôt est justifiée par la logique interne du système fiscal basque (voir arrêt Diputación Foral de Álava e.a./Commission, cité au point 41 ci-dessus, point 164).

62.
    À cet égard, le Tribunal rappelle d'abord que le fait que les mesures fiscales litigieuses répondent à des critères et à des conditions objectifs n'est pas de nature à démontrer que la limitation du cercle des bénéficiaires aux entreprises qui effectuent des investissements d'au moins 2,5 milliards de ESP serait justifiée par la logique interne du système fiscal des trois territoires historiques concernés (voir arrêt Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, cité au point 60 ci-dessus, point 53).

63.
    Quant à l'argument selon lequel le crédit d'impôt a pour objet de favoriser le développement économique du Pays basque, le Tribunal rappelle que l'objectif poursuivi par une mesure ne peut lui permettre d'échapper à la qualification d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE (voir arrêt Diputación Foral de Álava e.a./Commission, cité au point 41 ci-dessus, point 168, et les références citées).

64.
    Enfin, l'argument tiré de l'augmentation ultérieure des recettes fiscales est difficilement conciliable avec l'octroi de réductions fiscales. À supposer même qu'un tel objectif ait été visé, il doit être considéré qu'il pourrait aussi bien être atteint par des mesures fiscales de caractère général (voir arrêt du Tribunal du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T-92/00 et T-103/00, Rec. p. II-1385, point 62).

65.
    Dans ces conditions, la Commission n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant, à titre provisoire, dans les décisions attaquées que le crédit d'impôt institué par les mesures fiscales litigieuses est une mesure sélective au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE dès lors qu'il favorise les seules entreprises qui réalisent des investissements dépassant le seuil de 2,5 milliards de ESP.

66.
    Dans ces conditions, il n'y a plus lieu d'examiner en outre si la Commission a pu raisonnablement constater, sur la base des informations dont elle disposait au moment de l'adoption des décisions attaquées, que les autorités fiscales basques disposaient d'un pouvoir discrétionnaire pour ce qui concerne l'attribution du crédit d'impôt, et que ce prétendu pouvoir discrétionnaire était aussi de nature à conférer un caractère sélectif aux mesures fiscales litigieuses (voir ci-dessus point 20).

67.
    En deuxième lieu, les parties requérantes font valoir que la Commission n'a pas démontré que le crédit d'impôt institué par les mesures fiscales litigieuses entraîne une distorsion de la concurrence et affecte les échanges intracommunautaires. Elles soulignent que, pour pouvoir conclure au caractère d'aide d'État d'une mesure, il faut que l'effet de la mesure sur la concurrence soit réel et sensible (arrêts de la Cour du 25 juin 1970, France/Commission, 47/69, Rec. p. 487, point 16, du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248/84, Rec. p. 4013, point 18, et du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, point 58).

68.
    À cet égard, le Tribunal rappelle que, dans le cas d'un prétendu régime d'aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques du régime en cause pour apprécier si celui-ci assure un avantage sensible aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents et est de nature à profiter essentiellement à des entreprises qui participent aux échanges entre États membres (voir arrêt Maribel, cité au point 60 ci-dessus, point 48, et arrêt de la Cour du 7 mars 2002, Italie/Commission, C-310/99, Rec. p. I-2289, point 89). Dans un cas comme celui de l'espèce, où un prétendu régime d'aides n'a pas été notifié, la motivation de la décision finale de la Commission, et à plus forte raison de la décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen, ne doit pas contenir une appréciation actualisée des effets du régime sur la concurrence et l'affectation des échanges entre États membres (voir arrêt Maribel, cité au point 60 ci-dessus, point 48).

69.
    Or, dans les décisions attaquées, la Commission a pu raisonnablement considérer, à titre provisoire, que les mesures fiscales litigieuses, qui limitent de facto l'octroi du crédit d'impôt aux entreprises disposant de ressources financières importantes, assurent un avantage sensible aux bénéficiaires de cet avantage fiscal par rapport à leurs concurrents et sont de nature à profiter essentiellement à des entreprises qui participent aux échanges entre États membres.

70.
    L'argument des parties requérantes exposé au point 67 doit donc aussi être rejeté.

71.
    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, considérer qu'un premier examen ne lui a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par la question de savoir si l'avantage fiscal en cause constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE.

72.
    Dans ces conditions le moyen tiré d'une violation de l'article 87, paragraphe 1, CE doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation de l'article 88, paragraphes 2 et 3, CE

73.
    En premier lieu, les parties requérantes dans les affaires T-271/99 et T-272/99 font valoir que le crédit d'impôt, qui est visé par les décisions attaquées, constitue une aide existante.

74.
    À cet égard, elles relèvent d'abord que l'avantage fiscal en cause existait déjà dans les Territorios Históricos de Álava et de Vizcaya avant l'adhésion de l'Espagne à la Communauté. Il aurait en effet été institué en 1984. Dans ces conditions, le crédit d'impôt, s'il devait être qualifié d'aide, constituerait une aide existante. Par conséquent, les décisions attaquées, qui ouvrent une procédure prévue pour des aides nouvelles, seraient illégales.

75.
    Cet argument doit être rejeté. Il doit en effet être constaté que, manifestement, l'avantage fiscal en question a été octroyé sur la base d'instruments juridiques adoptés à un moment où l'Espagne était déjà un État membre, à savoir la Norma Foral n° 22/1994, du 20 décembre 1994, de Álava et la Norma Foral n° 7/1996, du 26 décembre 1996, de Vizcaya (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T-127/99, T-129/99 et T-148/99, cité au point 41 ci-dessus, points 171 à 177). En outre, les parties requérantes n'avancent aucun élément dont il ressortirait qu'il existe une identité de nature et une continuité entre l'avantage fiscal prétendument institué en 1984 et le crédit d'impôt visé par les décisions attaquées.

76.
    À l'audience, les parties requérantes ont encore affirmé que la notion d'aide d'État a connu une certaine évolution dans le temps, phénomène qui serait reconnu par l'article 1er, sous b), v), du règlement «procédure aides d'État». Elles font valoir que, au moment de l'adoption des mesures fiscales litigieuses, la Commission ne considérait pas un avantage fiscal, tel que celui qui fait l'objet des décisions attaquées, comme étant une mesure sélective. Le changement des critères de sélectivité appliqués par la Commission au fil du temps aurait pour effet que le crédit d'impôt, s'il constituait une aide d'État, devrait être considéré comme une aide existante.

77.
    Au soutien de leur argumentation, les parties requérantes se réfèrent à la décision 93/337/CEE de la Commission, du 10 mai 1993, concernant un système d'aides fiscales à l'investissement au Pays basque (JO L 134, p. 25), et à la décision 96/369/CE de la Commission, du 13 mars 1996, concernant une aide fiscale en matière d'amortissement au profit des compagnies aériennes allemandes (JO L 146, p. 42). La communication de la Commission sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises, publiée au Journal officiel des Communautés européennes, le 12 décembre 1998 (JO C 384, p. 3), aurait fait ressortir, pour la première fois, le changement des critères de sélectivité appliqués par la Commission dans son appréciation des mesures fiscales sous l'angle de l'article 87, paragraphe 1, CE.

    

78.
    À cet égard, le Tribunal rappelle que, conformément à l'article 1er, sous b), v), du règlement «procédure aides d'État», constitue une aide existante «toute aide qui est réputée existante parce qu'il peut être établi qu'elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l'évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l'État membre».

79.
    Force est de constater d'abord que les éléments avancés par les parties requérantes ne permettent pas de conclure que les critères de sélectivité appliqués par la Commission dans son appréciation des mesures fiscales sous l'angle de l'article 87, paragraphe 1, CE aient connu un changement postérieurement à l'adoption des mesures fiscales litigieuses. Dans les deux décisions citées au point 77 ci-dessus, la Commission a considéré que les mesures fiscales examinées présentaient un caractère sélectif et les a qualifiées d'aides d'État incompatibles avec le marché commun. Aucun élément de ces décisions ne permet de conclure que la Commission aurait considéré les mesures fiscales litigieuses comme des mesures générales échappant au champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, CE, si elle avait été amenée à examiner ces mesures au moment de leur adoption. Quant à la communication de la Commission du 12 décembre 1998, qui s'appuie largement sur la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, cette communication apporte des clarifications quant à l'application des articles 87 CE et 88 CE aux mesures fiscales. Dans cette communication, la Commission n'annonce toutefois pas un changement de sa pratique décisionnelle concernant l'appréciation des mesures fiscales au regard des articles 87 CE et 88 CE.

80.
    À supposer même que les parties requérantes aient établi un changement de la pratique décisionnelle de la Commission, l'argument tiré du caractère existant des mesures fiscales litigieuses ne pourrait pas être accueilli. Les parties requérantes ne démontrent en effet pas que le changement des critères de sélectivité appliqués par la Commission résulte de l'«évolution du marché commun» au sens de l'article 1er, sous b), v), du règlement «procédure aides d'État». Il doit être rappelé à cet égard que le caractère d'aide existante ou d'aide nouvelle d'une mesure étatique ne saurait dépendre d'une appréciation subjective de la Commission et doit être déterminé indépendamment de toute pratique administrative antérieure de la Commission (arrêt Government of Gibraltar/Commission, cité au point 38 ci-dessus, point 121).

81.
    En deuxième lieu, dans les trois affaires, les parties requérantes ont fait valoir à l'audience que la Commission a violé l'article 88, paragraphe 2, CE, dès lors qu'elle n'aurait pas formulé dans les décisions attaquées de doutes quant à la qualification d'aide d'État du crédit d'impôt. Elles soulignent que la Commission a ainsi pris une décision définitive sur ce point dans les décisions attaquées. Dans ces conditions, les droits procéduraux que les parties requérantes tirent de l'article 88, paragraphe 2, CE auraient été violés.

82.
    Le Tribunal rappelle que la Commission est tenue d'ouvrir la procédure formelle d'examen si un premier examen ne lui permet pas de surmonter toutes les difficultés soulevées par la question de savoir si la mesure examinée constitue une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, à tout le moins lorsque, lors de ce premier examen, elle n'a pas été en mesure d'acquérir la conviction que la mesure concernée, à supposer qu'elle constitue une aide, est en tout état de cause compatible avec le marché commun (arrêts Commission/Sytraval et Brink's France, cité au point 45 ci-dessus, point 39, et BP Chemicals/Commission, cité au point 45 ci-dessus, point 166). La décision d'ouverture de la procédure formelle contient donc une évaluation provisoire à la fois de la qualification de la mesure d'aide d'État et de sa compatibilité avec le marché commun.

83.
    C'est ainsi que l'article 6, paragraphe 1, du règlement «procédure aides d'État» dispose que la décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen, d'une part, «inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure [...] visant à déterminer si elle présente le caractère d'une aide» et, d'autre part, «expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun».

84.
    Dès lors, le fait que la Commission n'a pas explicitement exposé de doutes dans les décisions attaquées quant à la qualification du crédit d'impôt d'aide d'État ne démontre nullement que cette qualification n'était pas provisoire (voir arrêt de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, point 21). Dans une décision d'ouverture de la procédure d'examen formelle la Commission est, en effet, tenue d'exposer explicitement des doutes uniquement quant à la compatibilité de la mesure avec le marché commun.

85.
    Le caractère nécessairement provisoire de la qualification de la mesure étatique d'aide d'État dans une décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen est encore confirmé par l'article 7, paragraphe 2, du règlement «procédure aides d'État», qui dispose que, à l'issue de la procédure formelle d'examen, la Commission peut constater que la mesure ne constitue pas une aide.

86.
    Enfin, il ressort des observations des parties requérantes, formulées à la suite de l'ouverture de la procédure formelle d'examen, qui ont été transmises à la Commission par lettre du 9 novembre 1999, que les parties requérantes elles-mêmes ont considéré que, dans les décisions attaquées, la Commission a qualifié provisoirement le crédit d'impôt d'aide d'État. Dans leurs observations, elles invitent, en effet, la Commission à clore la procédure en décidant que l'avantage fiscal en question ne constitue pas une aide d'État.

87.
    En troisième lieu, les parties requérantes font observer que la Commission a qualifié le crédit d'impôt institué par les mesures fiscales litigieuses d'aide illégale au motif que l'obligation de notification prévue à l'article 88, paragraphe 3, CE, n'avait pas été respectée. Le crédit d'impôt ne constituant pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, il n'aurait existé aucune obligation de notification dans le chef des autorités espagnoles.

88.
    Il ressort toutefois de l'analyse qui a été effectuée aux points 73 à 80 ci-dessus que la Commission a pu considérer, à juste titre, que le crédit d'impôt, s'il constituait une aide d'État, devrait être considéré comme une aide nouvelle. Dans ces conditions, la Commission était en droit de considérer, à titre provisoire, que les autorités espagnoles avaient violé l'article 88, paragraphe 3, CE, en ayant omis de notifier préalablement ces mesures à la Commission. Toute autre interprétation de l'article 88, paragraphe 3, CE risquerait de priver l'obligation de notification préalable pour les aides nouvelles de son effet utile.

89.
    Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit également être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré d'un détournement de pouvoir

90.
    Les parties requérantes font valoir que la Commission a commis un détournement de pouvoir dès lors qu'elle aurait utilisé les pouvoirs d'action que lui confèrent les articles 87 CE et 88 CE pour poursuivre, en réalité, des objectifs d'harmonisation fiscale.

91.
    Les décisions attaquées s'inscriraient dans un processus global entrepris par la Commission tendant à mettre en cause le régime fiscal basque dans son ensemble. La Commission tenterait de réaliser une certaine harmonisation fiscale par le biais de la politique des aides d'État au lieu d'utiliser la voie appropriée prévue à cet effet par le traité, à savoir la procédure prévue aux articles 96 CE et 97 CE.

92.
    Le Tribunal rappelle qu'une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise dans le but exclusif, ou tout au moins déterminant, d'atteindre des fins autres que celles excipées (arrêts du Tribunal du 23 octobre 1990, Pitrone/Commission, T-46/89, Rec. p. II-577, point 71, et du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T-92/00 et T-103/00, cité au point 64 ci-dessus, point 84).

93.
    L'ouverture de la procédure formelle d'examen vise à permettre à la Commission de s'entourer de tous les avis nécessaires pour qu'elle soit à même de prendre une décision définitive sur la qualification de la mesure examinée et sa compatibilité avec le marché commun (voir, en ce sens, arrêts Portugal/Commission, cité au point 47 ci-dessus, point 33, et British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, cité au point 47 ci-dessus, point 59).

94.
    Force est de constater que les parties requérantes n'avancent aucun indice objectif permettant de conclure que le véritable but poursuivi par la Commission en adoptant les décisions attaquées était autre que celui de s'entourer de tels avis. Toute leur argumentation est fondée sur des spéculations subjectives concernant d'éventuels motifs sous-jacents aux décisions attaquées.

95.
    Dans ces conditions, le moyen tiré d'un détournement de pouvoir doit également être rejeté.

Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation du principe de protection de la confiance légitime

96.
    Les parties requérantes rappellent que la Commission a adopté la décision 93/337, dans laquelle elle a déclaré que certains avantages fiscaux en vigueur au Pays basque, notamment un crédit d'impôt pour les investissements réalisés, constituaient des aides incompatibles avec le marché commun au motif qu'elles étaient contraires à l'article 43 CE. La Commission n'aurait toutefois soulevé aucune objection relative au fait que l'application du crédit d'impôt soit subordonnée à la réalisation d'un investissement minimal.

97.
    En considérant dans les décisions attaquées que la condition de l'investissement minimal de 2,5 milliards de ESP confère un caractère sélectif au crédit d'impôt, la Commission aurait violé la confiance légitime des parties requérantes.

98.
    Le Tribunal constate, d'abord, que les mesures fiscales visées par la décision 93/337 sont différentes de celles visées par les décisions attaquées. En effet, la décision 93/337 concerne les aides fiscales instituées par les Normas Forales n° 28/1988 de Álava, n° 8/1988 de Vizcaya et n° 6/1988 de Guipúzcoa.

99.
    Certes, la décision 93/337 porte également sur des mesures fiscales instituant un crédit d'impôt dans le Pays basque. Toutefois, le fait que la Commission a fondé la sélectivité des mesures fiscales examinées dans cette décision sur la constatation que le crédit d'impôt ne s'appliquait qu'aux entités opérant exclusivement au Pays basque ne signifie pas pour autant que la Commission n'aurait pas pu constater la sélectivité desdites mesures sur la base d'un autre critère.

100.
    Il s'ensuit que la décision 93/337, dans laquelle - il convient de le souligner - le crédit d'impôt institué par des Normas Forales de 1988 a été déclaré incompatible avec le marché commun, n'a pas pu faire naître dans le chef des parties requérantes des espérances fondées en ce que la Commission n'allait pas ouvrir la procédure formelle d'examen à l'encontre du crédit d'impôt institué par les mesures fiscales litigieuses.

101.
    Le moyen tiré d'une violation du principe de protection de la confiance légitime doit donc être rejeté.

Sur le cinquième moyen, tiré d'une violation de l'article 253 CE

102.
    Les parties requérantes font valoir que les décisions attaquées ne sont pas suffisamment motivées. En premier lieu, la motivation des décisions attaquées serait moins élaborée que celle contenue dans les décisions 1999/718 concernant Demesa et 2000/795 concernant Ramondín. En deuxième lieu, la Commission n'aurait pas examiné dans les décisions attaquées dans quelle mesure il serait possible de considérer que le crédit d'impôt est justifié par la nature ou l'économie du système fiscal basque. En troisième lieu, la Commission aurait omis d'effectuer un examen concret de l'effet que le crédit d'impôt serait susceptible d'avoir sur la concurrence et les échanges commerciaux entre États membres. Enfin, et en quatrième lieu, l'appréciation de la compatibilité du crédit d'impôt avec le marché commun ne serait pas suffisamment motivée.

103.
    Le Tribunal rappelle que la motivation exigée par l'article 253 CE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt Commission/Sytraval et Brink's France, cité au point 45 ci-dessus, point 63).

104.
    Afin d'apprécier l'étendue de l'obligation de motiver une décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen, il convient de rappeler que, conformément à l'article 6 du règlement «procédure aides d'État», lorsque la Commission décide d'ouvrir la procédure formelle d'examen, la décision d'ouverture peut se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une «évaluation provisoire» de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d'une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun.

105.
    La décision d'ouverture doit ainsi mettre les parties intéressées en mesure de participer de manière efficace à la procédure formelle d'examen lors de laquelle elles auront la possibilité de faire valoir leurs arguments. À cette fin, il suffit que les parties intéressées connaissent le raisonnement qui a amené la Commission à considérer provisoirement que la mesure en cause pouvait constituer une aide nouvelle incompatible avec le marché commun (arrêt Government of Gibraltar/Commission, cité au point 38 ci-dessus, point 138).

106.
    Or, dans les décisions attaquées, la Commission expose clairement les motifs sur la base desquels elle conclut provisoirement que les mesures fiscales en cause constituent des aides d'États [point 2 de la décision SG (99) D/6871 et point 3.1 du résumé de celle-ci; décision SG (99) D/6873, JO 2000, C 71, p. 11, et point 2.1 du résumé de celle-ci]. Ensuite, elle expose les raisons pour lesquelles elle considère qu'il y a des doutes quant à la compatibilité des mesures fiscales avec le marché commun [point 4 de la décision SG (99) D/6871 et point 3.3 du résumé de celle-ci; décision SG (99) D/6873, JO 2000, C 71, p. 12, et point 2.3 du résumé de celle-ci].

107.
    Les motifs des décisions attaquées ont ainsi permis aux parties requérantes de connaître le raisonnement qui a amené la Commission à adopter les décisions attaquées et au juge communautaire d'exercer son contrôle de légalité.

108.
    L'analyse des observations formulées par les parties requérantes à la suite de l'ouverture de la procédure formelle d'examen montre d'ailleurs qu'elles ne se sont pas méprises sur l'argumentation développée par la Commission dans les décisions attaquées.

109.
    Dans ces conditions, il doit être constaté que les décisions attaquées sont suffisamment motivées.

110.
    Le dernier moyen doit donc également être rejeté.

111.
    Au vu de l'ensemble de ce qui précède, les recours sont rejetés.

Sur les dépens

112.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Les parties requérantes ayant succombé, il y a lieu de décider qu'elles supporteront, outre leurs propres dépens, ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

déclare et arrête:

1)    Les recours sont rejetés.

2)    Les parties requérantes supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

Jaeger
García-Valdecasas
Lenaerts

        Lindh                        Azizi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 octobre 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: l'espagnol.