Language of document : ECLI:EU:T:2002:253

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

22 octobre 2002 (1)

«Personnel de la Banque centrale européenne -

Modification du contrat de travail - Rapport d'évaluation»

Dans les affaires jointes T-178/00 et T-341/00,

Jan Pflugradt , demeurant à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représenté, dans l'affaire T-178/00, par Me N. Pflüger, avocat, et, dans l'affaire T-341/00, par Mes Pflüger, R. Steiner et S. Mittländer, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne , représentée, dans l'affaire T-178/00, par M. J. Fernández Martín et Mme V. Saintot, en qualité d'agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat, et, dans l'affaire T-341/00, par Mme Saintot et M. T. Gilliams, en qualité d'agents, assistés de Me Wägenbaur, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation du rapport d'évaluation du requérant pour l'année 1999, dans l'affaire T-178/00, et une demande d'annulation de la note du 28 juin 2000 du directeur général de la direction générale «Systèmes de l'information» (DG IS) de la Banque centrale européenne concernant les tâches attribuées au requérant, dans l'affaire T-341/00,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme P. Lindh, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 19 février 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Le protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne (BCE), annexé au traité CE (ci-après les «statuts du SEBC»), contient notamment les dispositions suivantes:

«Article 12

[...]

12.3    Le conseil des gouverneurs adopte un règlement intérieur déterminant l'organisation interne de la BCE et de ses organes de décision.

[...]

Article 36

Personnel

36.1    Le conseil des gouverneurs arrête, sur proposition du directoire, le régime applicable au personnel de la BCE.

36.2    La Cour de justice est compétente pour connaître de tout litige entre la BCE et ses agents dans les limites et selon les conditions prévues par le régime qui leur est applicable.»

2.
    Sur le fondement de ces dispositions, le conseil des gouverneurs a adopté, par décision du 9 juin 1998, modifiée le 31 mars 1999 (JO 1999, L 125, p. 32) les conditions d'emploi du personnel de la Banque centrale européenne (ci-après les «conditions d'emploi»), qui prévoient notamment:

«9.    (a)    Les relations de travail entre la BCE et ses agents sont régies par les contrats de travail conclus en conformité avec les présentes conditions d'emploi. Le statut du personnel adopté par le directoire précise les modalités de ces conditions d'emploi.

[...]

    (c)    Les conditions d'emploi ne sont régies par aucun droit national spécifique. La BCE applique i) les principes généraux communs aux droits des États membres, ii) les principes généraux du droit communautaire (CE) et iii) les règles contenues dans les règlements et directives (CE) concernant la politique sociale adressés aux États membres. Chaque fois que cela sera nécessaire, ces actes juridiques seront mis en oeuvre par la BCE. Il sera dûment tenu compte à cet égard des recommandations (CE) en matière de politique sociale. Pour l'interprétation des droits et obligations prévus par les présentes conditions d'emploi, la BCE prendra dûment en considération les principes consacrés par les règlements, les règles et la jurisprudence s'appliquant au personnel des institutions communautaires.

10.    (a)    Les contrats de travail entre la BCE et ses agents prennent la forme de lettres d'engagement qui sont contresignées par les agents. Les lettres d'engagement contiennent les éléments du contrat précisés par la directive 91/533/CEE du Conseil, du 14 octobre 1991 [...]»

3.
    Sur le fondement de l'article 12.3 des statuts du SEBC, le conseil des gouverneurs a adopté le règlement intérieur de la BCE, modifié le 22 avril 1999 (JO L 125, p. 34, rectificatif au JO 2000, L 273, p. 40), qui dispose notamment:

«Article 11

11.1    Chaque membre du personnel de la BCE reçoit notification du poste qui lui est attribué dans la structure de la BCE, de l'échelon de la hiérarchie auquel il rend compte et des responsabilités qui lui sont confiées dans l'exercice de ses fonctions.

[...]

Article 21

Conditions d'emploi

21.1    Les relations de travail entre la BCE et son personnel sont définies par les conditions d'emploi et le statut du personnel.

21.2    Le conseil des gouverneurs, sur proposition du directoire, approuve et modifie les conditions d'emploi. Le conseil général est consulté conformément à la procédure prévue par le présent règlement intérieur.

21.3    Les conditions d'emploi trouvent leur application dans le statut du personnel, qui est adopté et modifié par le directoire.»

Faits, procédure et conclusions des parties

4.
    Le requérant, ancien agent de l'Institut monétaire européen (IME), est au service de la BCE depuis le 1er juillet 1998. Il a été affecté à la direction générale «Systèmes de l'information» (ci-après la «DG IS») où il a occupé, à compter de son recrutement, les fonctions de «coordinateur des spécialistes UNIX».

5.
    Le 9 octobre 1998, le requérant a approuvé les termes d'un document intitulé «UNIX co-ordinator responsibilities» qui lui avait été communiqué le 5 octobre et qui contenait une liste des différentes tâches liées à son emploi. Parmi celles-ci figurait l'établissement des rapports d'évaluation des membres de l'équipe UNIX.

6.
    Le 13 octobre 1998, la BCE a adressé au requérant une lettre d'engagement avec effet rétroactif au 1er juillet 1998.

7.
    Le 14 octobre 1999, le directeur général de la DG IS a informé le requérant qu'il ne lui appartiendrait pas d'établir les rapports d'évaluation des membres de l'équipe UNIX.

8.
    Le 23 novembre 1999, le requérant a eu un entretien d'évaluation avec son chef de division. Ce dernier a consigné ses appréciations dans le rapport d'évaluation du requérant pour 1999, qui constitue l'acte attaqué dans l'affaire T-178/00.

9.
    Le 12 janvier 2000, le requérant a formulé plusieurs observations sur les appréciations dont il a fait l'objet et a indiqué, dans le rapport d'évaluation pour 1999, qu'il se réservait le «droit de rejeter une évaluation déloyale».

10.
    Le requérant a sollicité un second entretien d'évaluation. Cet entretien a eu lieu le 14 janvier 2000 avec le directeur adjoint de la DG IS qui a dressé son rapport le jour même.

11.
    Le 19 janvier 2000, le requérant a signé le rapport d'évaluation pour 1999 en y apportant les commentaires suivants:

«J'ai examiné avec beaucoup d'attention le point de vue exprimé par le deuxième évaluateur. Cependant, je maintiens que les commentaires figurant dans le rapport d'évaluation sont déloyaux et infondés. C'est pourquoi je rejette l'évaluation et je ferai en sorte qu'il y ait une procédure de réexamen administratif telle que prévue dans les conditions d'emploi.»

12.
    Dans le cadre des procédures internes de la BCE, le requérant a contesté, d'une part, les appréciations portant sur son travail qui ont été formulées dans le rapport d'évaluation pour 1999 et, d'autre part, la décision de lui retirer la responsabilité d'évaluer les membres de l'équipe UNIX, décision également contenue dans ledit rapport.

13.
    Le 10 mars 2000, le requérant a demandé, en vertu de l'article 41 des conditions d'emploi, un réexamen administratif («administrative review») du rapport d'évaluation pour 1999 au motif qu'il est fondé sur des faits erronés et qu'il enfreint par conséquent ses droits contractuels. Il a également sollicité qu'il soit procédé à une nouvelle procédure d'évaluation pour 1999 par d'autres personnes impartiales.

14.
    Le 10 avril 2000, le directeur général de la DG IS a rejeté, d'une part, les allégations du requérant concernant la présence d'erreurs factuelles dans le rapport d'évaluation pour 1999 et, d'autre part, la demande visant à engager une nouvelle procédure d'évaluation.

15.
    Le 9 mai 2000, le requérant a saisi le président de la BCE d'une réclamation («grievance procedure») fondée, en substance, sur les motifs invoqués dans le cadre de la procédure de réexamen administratif.

16.
    Le 8 juin 2000, le président de la BCE a rejeté cette réclamation.

17.
    Parallèlement à ces démarches, le 17 janvier 2000, le requérant avait demandé au directeur général de la direction générale (DG) «Administration et personnel» de la BCE, en vertu de l'article 41 des conditions d'emploi, un réexamen administratif de la décision, contenue dans le rapport d'évaluation pour 1999, de lui retirer la responsabilité de l'évaluation des membres de l'équipe UNIX. Le requérant a exposé que cette décision constituait une violation de ses droits contractuels. Il a demandé, d'une part, à être rétabli dans son droit d'évaluer les membres de l'équipe UNIX et, d'autre part, que la DG IS respecte à l'avenir les termes de son contrat de travail.

18.
    Le 27 janvier 2000, le directeur général de la DG «Administration et personnel» a transmis cette demande à la DG IS.

19.
    Le 10 février 2000, le requérant a adressé à la DG IS une note visant à compléter les termes de sa demande de réexamen administratif.

20.
    Le 10 mars 2000, le directeur de la DG IS a répondu que les termes du contrat de travail du requérant n'avaient pas été modifiés et a, par conséquent, rejeté les allégations de ce dernier.

21.
    Le 9 mai 2000, le requérant a saisi le président de la BCE d'une réclamation fondée, en substance, sur les motifs invoqués dans le cadre de la procédure de réexamen administratif.

22.
    Le 8 juin 2000, le président de la BCE a rejeté cette réclamation.

23.
    Par note du 28 juin 2000, le directeur général de la DG IS a transmis au requérant une liste de ses principales attributions tout en précisant que cette liste servirait de base pour son évaluation annuelle. Ce document fait l'objet du recours dans l'affaire T-341/00.

24.
    Le 11 août 2000, le requérant a demandé, en vertu de l'article 41 des conditions d'emploi, un réexamen administratif de la note du 28 juin 2000.

25.
    Le 8 septembre 2000, la BCE a refusé de faire droit à cette demande.

26.
    Le 12 septembre 2000, le requérant a saisi le président de la BCE d'une réclamation que ce dernier a rejetée le 25 octobre 2000.

27.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juillet 2000, le requérant a introduit, sur le fondement des articles 236 CE et 36.2 des statuts du SEBC, le recours enregistré sous le numéro T-178/00. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 novembre 2000, le requérant a introduit, sur le fondement des articles 236 CE et 36.2 des statuts du SEBC, le recours enregistré sous le numéro T-341/00.

28.
    Par ordonnance du 6 décembre 2001, le président de la cinquième chambre du Tribunal a décidé de joindre les deux affaires aux fins de la procédure orale.

29.
    Dans ses écritures dans l'affaire T-178/00, le requérant a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     condamner la BCE à revenir sur son rapport d'évaluation pour l'année 1999 du 23 novembre 1999 et à le retirer de son dossier;

-     condamner la BCE à faire établir un nouveau rapport d'évaluation pour l'année 1999 par des personnes impartiales et, en tout cas, autres que celles ayant fait office d'évaluateurs;

-     condamner la BCE à l'employer conformément à son contrat d'engagement dans le cadre des activités qui sont visées par la description de l'emploi «UNIX co-ordinator responsibilities»;

-     condamner la BCE à le charger de l'établissement des rapports d'évaluation de tous les membres de l'équipe UNIX;

-     condamner la BCE à solliciter son avis avant de procéder au classement professionnel des membres de l'équipe UNIX;

-     condamner la BCE à lui confier la surveillance des prestations des membres de l'équipe UNIX et à utiliser les conclusions du requérant comme base pour le système de primes de la BCE (ECB Merit Bonus Scheme) et pour d'autres décisions de bonification;

-     condamner la BCE à lui confier la responsabilité en matière de personnel pour tous les agents occupés aux plates-formes et systèmes de production UNIX ainsi que la responsabilité technique et professionnelle à l'égard de ces derniers;

-     constater, subsidiairement aux cinq derniers chefs de demande, que la BCE est tenue de l'employer dans le cadre des activités visées par la description de l'emploi «UNIX co-ordinator responsibilities» et de respecter, à cet égard, notamment les activités contractuelles qui font l'objet des quatre derniers chefs de demande;

-     condamner la BCE aux dépens.

30.
    Dans ses écritures dans l'affaire T-341/00, le requérant a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     constater que la BCE viole son contrat de travail en l'employant dans le cadre des activités qui font l'objet de la description de l'emploi en date du 28 juin 2000;

-     constater que la description de l'emploi en date du 28 juin 2000 n'est pas valide;

-     condamner la BCE à retirer la description de l'emploi en date du 28 juin 2000;

-     condamner la BCE à l'employer, en tout état de cause, dans le cadre de la description de l'emploi qui a fait l'objet du rapport d'évaluation pour l'année 1999, s'il ne devait pas être fait droit au troisième chef de demande formulé par lui dans l'affaire T-178/00;

-     condamner la BCE aux dépens.

31.
    La BCE conclut, dans les deux affaires, à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

32.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 19 février 2002. Le Tribunal estime qu'il y a lieu de joindre les deux affaires aux fins de l'arrêt, les parties ayant marqué leur accord sur ce point à l'audience.

Sur le recours dans l'affaire T-178/00

33.
    Lors de l'audience, les parties ont précisé la portée de leurs écritures. Le requérant a, en substance, demandé que ses conclusions dans l'affaire T-178/00 soient interprétées comme une demande en annulation du rapport d'évaluation pour 1999, dans la mesure où cet acte, d'une part, lui retire certaines attributions en matière de personnel et, d'autre part, contient des appréciations fondées sur des faits inexacts. La BCE a renoncé à invoquer un moyen d'irrecevabilité pris d'une méconnaissance de la procédure précontentieuse. La BCE a toutefois fait observer que, le requérant ayant reformulé ses conclusions, se pose la question de savoir si de telles modifications sont recevables au stade de la procédure orale.

34.
    Le Tribunal rappelle qu'il ressort des dispositions des articles 44, paragraphe 1, sous c), et 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal que la requête introductive d'instance doit contenir l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d'instance est, en principe, interdite. En l'espèce, les déclarations du requérant lors de l'audience n'ont pas pour objet de modifier l'objet du litige mais de reformuler certaines conclusions à la lumière, notamment, de développements de la jurisprudence postérieure à l'introduction du recours. Une telle modification ne saurait être interprétée comme la production de moyens nouveaux. En outre, l'exposé des conclusions et moyens du recours n'est pas lié à une formulation particulière de ceux-ci. Il ressort avec une clarté suffisante de la requête que le recours tend à l'annulation du rapport d'évaluation pour 1999, le requérant ayant notamment précisé au point 1 de la requête qu'il conteste la validité juridique de cet acte. Si les écritures du requérant sont parfois confuses, la BCE a pu prendre position sur les moyens et griefs qu'il invoque, de telle sorte qu'elle ne saurait prétendre qu'elle n'a pas été en mesure de se défendre.

35.
    Sur la base de ces éléments, le Tribunal constate que le requérant conclut à l'annulation du rapport d'évaluation pour 1999 d'une part, en ce qu'il lui retire certaines attributions et, d'autre part, en ce qu'il contient diverses appréciations sur son travail.

Sur le moyen relatif au retrait de la responsabilité d'établir les rapports d'évaluation annuelle des membres de l'équipe UNIX

36.
    Invoquant l'existence d'un droit à occuper un emploi conforme aux stipulations de son contrat de travail, le requérant prétend que la BCE lui a illégalement retiré certaines de ses attributions en matière de personnel, à savoir l'établissement des rapports d'évaluation annuelle des membres de l'équipe UNIX ainsi que l'émission de propositions concernant leur classement.

37.
    Le Tribunal relève que l'allégation d'un retrait de cette dernière attribution n'est pas corroborée par les éléments du dossier et, en tout état de cause, ne semble pas concerner directement le rapport d'évaluation pour 1999. En effet, dans celui-ci, cette attribution figurait parmi les «responsabilités principales» («key responsibilities») confiées au requérant au cours de la première année d'activité de la BCE. À l'issue de cette évaluation, cette attribution a été reconduite pour l'année 2000, ainsi qu'il ressort de la page 8 du rapport d'évaluation pour 1999. Il apparaît également que, au point 12 de ses commentaires, l'évaluateur s'est prononcé sur l'exécution par le requérant des tâches relatives à l'émission des propositions de classement des membres de l'équipe UNIX, ce qui démontre que le requérant s'est acquitté de ces fonctions.

38.
    Par rapport à la liste des tâches liées à l'emploi du requérant rédigée en octobre 1998, la seule modification d'attributions qui puisse être déduite du rapport d'évaluation pour 1999 concerne le retrait de la responsabilité d'évaluer les membres de l'équipe UNIX. Dans ces circonstances, il convient d'examiner les griefs du requérant qui s'y rapportent et de rejeter, sans plus ample examen, ceux relatifs à la prétendue modification concernant le classement des membres de l'équipe UNIX, modification dont la réalité n'a pas été prouvée par le requérant à suffisance de droit.

Arguments des parties

39.
    Le requérant prétend en substance que les membres du personnel de la BCE disposent du droit d'occuper un emploi conforme aux stipulations de leur contrat de travail. Il expose que les relations entre la BCE et son personnel ne sont pas régies par le statut des fonctionnaires des Communautés européennes et le régime applicable aux autres agents des Communautés européennes, mais obéissent à un régime de droit privé du travail. En cette matière, il existerait un principe fondamental commun aux États membres selon lequel tout travailleur a le droit d'être employé conformément à son contrat de travail. En vertu de ce principe, la BCE ne pourrait modifier unilatéralement les tâches substantielles attribuées contractuellement aux membres de son personnel. En l'espèce, la BCE aurait enfreint ce droit lorsqu'elle a unilatéralement retiré au requérant la responsabilité d'effectuer l'évaluation des membres de l'équipe UNIX.

40.
    Le requérant déduit l'existence du droit à occuper un emploi conforme à son contrat de travail du principe de l'autonomie de la volonté, reconnu par les constitutions de tous les États membres, en particulier par la loi fondamentale allemande. Le requérant rattache également ce droit à la liberté professionnelle et au libre exercice d'une activité économique, principes notamment consacrés par l'arrêt de la Cour du 13 décembre 1979, Hauer (44/79, Rec. p. 3727, 3750).

41.
    Il prétend que l'établissement des rapports d'évaluation des membres de l'équipe UNIX constitue un aspect essentiel de ses responsabilités en matière de personnel. Lui retirer cette responsabilité modifierait la nature du poste dans son ensemble. La politique de la BCE sur ce point serait indifférente, dès lors que le contrat de travail prévoit que ce droit appartient au requérant, qui l'a exercé jusqu'à l'adoption de son rapport d'évaluation pour 1999.

42.
    Le requérant fait valoir qu'un employeur ne peut se retrancher derrière son pouvoir de direction pour assigner à un travailleur un emploi inférieur à celui qui fait l'objet du contrat de travail. Il en serait ainsi, par exemple, en droit français et en droit allemand.

43.
    Le requérant indique que, lors de la conclusion de son contrat de travail, aucun poste de chef («principal») n'était formellement prévu en ce qui concerne l'équipe UNIX. Il serait d'usage, dans d'autres divisions de la BCE, d'employer comme évaluateur des collaborateurs n'ayant aucune responsabilité hiérarchique.

44.
    En dernier lieu, le requérant prétend que la BCE ne pouvait motiver la modification unilatérale du contrat de travail par les manquements professionnels relevés dans le rapport d'évaluation pour 1999. De tels manquements justifieraient éventuellement un licenciement au titre de l'article 11, sous a), des conditions d'emploi, mais ne constitueraient, en aucun cas, une base permettant à la BCE d'étendre son pouvoir de direction en modifiant les attributions du travailleur.

45.
    La BCE réfute ces griefs. Elle considère, en substance, que son personnel n'est pas soumis à des rapports de droit privé et ne dispose pas d'un droit acquis à exercer certaines tâches spécifiques. La BCE se défend d'avoir outrepassé les limites de son pouvoir de direction en modifiant les attributions initialement confiées au requérant quant à l'évaluation annuelle des membres de l'équipe UNIX.

Appréciation du Tribunal

46.
    Le requérant invoque, en substance, un droit à occuper un emploi conforme aux stipulations de son contrat de travail et prétend que ce droit a été violé en ce que la BCE lui a illégalement retiré certaines responsabilités constituant des éléments essentiels des tâches qui lui ont été confiées par son contrat de travail.

47.
    Il incombe au Tribunal, tout d'abord, d'examiner la nature des relations de travail qui existent entre la BCE et le requérant et, ensuite, de vérifier si la BCE, en tant qu'employeur du requérant, a excédé ses pouvoirs en retirant à ce dernier la responsabilité d'effectuer l'évaluation du travail des membres de l'équipe UNIX.

48.
    L'article 36.1 des statuts du SEBC confère à la BCE une autonomie fonctionnelle en ce qui concerne le régime applicable à son personnel. Ce régime, défini par les conditions d'emploi et le statut du personnel (article 21 du règlement intérieur de la BCE), est distinct des règles applicables aux fonctionnaires et de celles applicables aux autres agents des Communautés européennes. Il est également autonome par rapport au droit des États membres. L'article 9, sous c), des conditions d'emploi prévoit en effet que lesdites conditions «ne sont régies par aucun droit national spécifique» et que la «BCE applique i) les principes généraux communs aux droits des États membres, ii) les principes généraux du droit communautaire (CE) et iii) les règles contenues dans les règlements et directives (CE) concernant la politique sociale adressés aux États membres».

49.
    Cependant les relations de travail entre la BCE et son personnel sont de nature contractuelle (arrêt du Tribunal du 18 octobre 2001, X/BCE, T-333/99, Rec. p. II-3021, points 61 et 68). Conformément aux articles 9, sous a), et 10, sous a), des conditions d'emploi (voir point 2 ci-dessus), ces relations de travail sont régies par des contrats de travail qui prennent la forme de lettres d'engagement adressées par la BCE à ses agents et contresignées par ces derniers.

50.
    En l'espèce, le contrat de travail du requérant est constitué par la lettre d'engagement du 13 octobre 1998. Cette lettre prévoit expressément que les conditions d'emploi et le statut du personnel font partie intégrante de ce contrat. Elle indique, notamment, que le poste offert au requérant est celui de coordinateur des spécialistes UNIX à la DG IS. Il y a lieu de souligner que cette indication est conforme aux prescriptions de l'article 2 de la directive 91/533/CEE du Conseil, du 14 octobre 1991, relative à l'obligation de l'employeur d'informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail (JO L 288, p. 32), applicable à la BCE [article 10, sous a), des conditions d'emploi], en vertu duquel l'employeur est tenu de porter à la connaissance du travailleur salarié, entre autres éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail «i) le titre, le grade, la qualité ou la catégorie d'emploi en lesquels le travailleur est occupé ou ii) la caractérisation ou la description sommaire du travail».

51.
    En outre, il ressort du dossier que, lors de la négociation des termes de son contrat de travail, la BCE a remis au requérant le 5 octobre 1998 un document intitulé «UNIX co-ordinator responsibilities» (ci-après la «description de l'emploi du 5 octobre 1998») qui contient une liste de 18 tâches spécifiquement attachées à cet emploi et réparties en trois catégories: «technique», «personnel» et «administration et planification».

52.
    Par ailleurs, il convient de relever que la description de l'emploi du 5 octobre 1998 indique, en son dernier paragraphe: «Cependant, si Jan estime qu'il est, dès à présent, en mesure d'accomplir de manière satisfaisante toutes les tâches énumérées dans le présent document, alors celui-ci constituera la description globale de l'emploi et servira de fondement pour toute appréciation future.» Par courrier électronique du 9 octobre 1998 adressé à ses supérieurs hiérarchiques, le requérant a déclaré accepter cette description de l'emploi, tout en précisant qu'il s'estimait capable d'accomplir l'ensemble de ces tâches d'une manière satisfaisante.

53.
    Toutefois, il ne saurait être conclu de ces considérations qu'aucune des tâches et responsabilités énumérées dans la description de l'emploi du 5 octobre 1998 ne pouvait être modifiée sans l'accord exprès du requérant. S'il est vrai que la force obligatoire des contrats s'oppose à ce que la BCE en tant qu'employeur impose des modifications aux conditions d'exécution des contrats de travail sans l'accord des agents concernés, ce principe s'applique toutefois aux seuls éléments essentiels du contrat du travail.

54.
    En effet, la BCE, à l'instar de toute autre institution ou entreprise, dispose d'un pouvoir de direction dans l'organisation de ses services et dans la gestion de son personnel. En tant qu'institution communautaire, elle jouit même d'un large pouvoir d'appréciation dans l'organisation de ses services et dans l'affectation de son personnel afin d'accomplir ses missions d'intérêts publics (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, C-69/83, Rec. p. 2447, point 17, et du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C-294/95 P, Rec. p. I-5863, point 40; arrêts du Tribunal du 6 novembre 1991, Von Bonkewitz-Lindner/Parlement, T-33/90, Rec. p. II-1251, point 88, et du 9 juin 1998, Hick/CES, T-176/97, RecFP p. I-A-281 et II-845, point 36). Elle peut, dès lors, faire évoluer au fil du temps les relations de travail avec ses agents au gré de l'intérêt du service en vue d'arriver à une organisation efficace du travail et à une répartition cohérente des diverses tâches entre les membres du personnel et de s'adapter à des besoins variables. Un agent recruté à un emploi pour une période indéfinie qui peut éventuellement s'étendre jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de 65 ans ne saurait raisonnablement s'attendre à ce que tout aspect de l'organisation interne reste inchangé pendant toute sa carrière ou à conserver tout au long de celle-ci les attributions qui lui ont été confiées lors de son engagement.

55.
    À cet égard, il y a lieu de noter que le recrutement du requérant et l'établissement de la description de l'emploi du 5 octobre 1998 ont eu lieu dans le contexte général de la mise en place des services de la BCE au cours de sa première année de fonctionnement. Cela est notamment illustré par le caractère provisoire de l'attribution des tâches et responsabilités qui figurent dans cette description de l'emploi. En effet, pour neuf d'entre elles, ladite description de l'emploi envisage que le requérant soit assisté d'un collaborateur «dans la phase initiale de la phase trois». En outre, la BCE indique, dans le même document, qu'elle recommanderait un réexamen de l'attribution de l'ensemble des tâches et responsabilités: « [...] si, après le premier trimestre 1999, il devait s'avérer que la charge de travail globale dans le domaine UNIX diminue, il serait souhaitable que toutes ces tâches du coordinateur UNIX soient redéfinies (en essayant d'établir une description adéquate des catégories de fonctions de la BCE), en tenant compte de toutes les circonstances et politiques de la BCE à cette date.»

56.
    De plus, en stipulant que les conditions d'emploi «modifiées, le cas échéant», font partie intégrante du contrat de travail du requérant, ce contrat prévoit expressément que les termes des relations de travail sont susceptibles de varier au gré des amendements apportés aux conditions d'emploi.

57.
    Il y a lieu de vérifier si la responsabilité d'effectuer l'évaluation annuelle du travail des membres de l'équipe UNIX constitue un élément essentiel au regard de la fonction du coordinateur de l'équipe et si, partant, son retrait porte atteinte aux éléments essentiels du contrat de travail du requérant.

58.
    Il est constant que, en dépit de la modification de ses attributions, le requérant a conservé son emploi de «coordinateur des spécialistes UNIX» relevant de la catégorie des «professionals» et du grade G ainsi que la rémunération y afférente.

59.
    Il résulte de la description de l'emploi du 5 octobre 1998 que le poste de coordinateur des spécialistes UNIX est essentiellement de nature technique, les tâches relatives au personnel et à l'administration ne revêtant qu'un caractère secondaire. Ainsi, le seul retrait de la tâche d'évaluer les membres de l'équipe UNIX n'a pas pour conséquence d'abaisser, dans leur ensemble, les attributions de ce dernier nettement en deçà de celles qui correspondent à son emploi. À cet égard, il convient de souligner qu'il est constant que le requérant n'a jamais eu l'occasion de procéder à l'évaluation des membres de l'équipe UNIX, cette responsabilité lui ayant été retirée avant même que la BCE n'ait engagé le premier exercice d'évaluation annuelle de son personnel. Dans de telles circonstances, la modification en cause ne constitue pas une dégradation de l'emploi du requérant et ne peut, dès lors, être considérée comme portant atteinte à un élément essentiel du contrat de travail.

60.
    Les griefs du requérant ne sont donc pas fondés. Dès lors, il y a lieu de rejeter ce moyen.

Sur le moyen relatif aux appréciations portées sur le travail du requérant en 1999

Arguments des parties

61.
    Le requérant prétend que le rapport d'évaluation pour 1999 contient diverses appréciations susceptibles de porter atteinte à son avenir professionnel, appréciations fondées sur des faits matériellement inexacts. Le requérant conteste en particulier les appréciations concernant les éléments suivants:

-    son entêtement inutile («unnecessary stubborness»);

-    le fait qu'il ait chargé l'équipe UNIX de rédiger une documentation «Web» spécifique au lieu de la documentation DG IS attendue;

-    un manque de discernement («awareness») dans le cadre de ses activités;

-    le fait de ne pas avoir intégré les secteurs DG IS compétents dans certaines discussions indispensables;

-    un manque de communication de ses activités UNIX;

-    sa lenteur à déléguer les responsabilités;

-    le fait de ne pas avoir accordé au recrutement de nouveaux membres de l'équipe UNIX la priorité qui s'imposait;

-    le fait d'avoir réalisé la synchronisation chronologique des ordinateurs en violation des instructions reçues.

62.
    La motivation de ces reproches serait tellement déficiente que le requérant ne serait pas en mesure de les comprendre ni de les réfuter. Par conséquent, le rapport d'évaluation pour 1999, dans son ensemble, enfreindrait les droits du travailleur. La BCE ne pourrait pas invoquer le fait que, durant la procédure de réclamation, le requérant n'ait pas suffisamment expliqué dans quelle mesure il contestait la motivation. Il appartiendrait à la BCE de permettre au requérant, en expliquant davantage les reproches adressés à ce dernier, de présenter des réponses circonstanciées. En l'absence de motivation, le requérant n'aurait pu que contester l'exactitude de ces reproches. La BCE se serait abstenue, dans la procédure précontentieuse, de prouver - même sommairement - les bases de son appréciation. Dans le cadre de la présente procédure, il incomberait à la BCE d'apporter la preuve de la pertinence de ses reproches.

63.
    En outre, les appréciations contestées du rapport d'évaluation pour 1999 reposeraient sur des faits inexacts et non sur des jugements de valeur complexes échappant au contrôle juridictionnel.

64.
    Les garanties fondamentales du travailleur comprendraient le droit d'obtenir que soient retirés de son dossier personnel les documents qui contiennent des informations inexactes et qui sont susceptibles d'affecter son avenir professionnel.

65.
    Il découlerait de ce qui précède que la BCE est tenue de procéder à une nouvelle appréciation et de confier cette tâche à des personnes qui n'ont pas participé à l'évaluation contestée.

66.
    La BCE réfute ces griefs. Le rapport d'évaluation pour 1999 contiendrait des jugements de valeur complexes sur les aptitudes du requérant auxquels le Tribunal ne saurait substituer sa propre appréciation (arrêts du Tribunal von Bonkewitz-Lindner/Parlement, précité, point 62, et du 10 décembre 1992, Williams/Cour des comptes, T-33/91, Rec. p. II-2499, point 43).

67.
    Le rapport d'évaluation du requérant serait particulièrement circonstancié et la procédure ayant mené à son adoption aurait respecté les droits de la défense du requérant, droits que ce dernier n'a pas manqué d'exercer en exigeant une seconde évaluation et en engageant les procédures de réexamen administratif et de réclamation.

Appréciation du Tribunal

68.
    Bien qu'il prétende que le rapport d'évaluation pour 1999 repose sur des faits matériellement inexacts, le requérant vise en réalité à remettre en cause la validité des appréciations portées par ses supérieurs quant à son travail au cours de l'année 1999.

69.
    Toutefois, il n'appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle des personnes chargées d'évaluer le travail du requérant. En effet, la BCE, à l'instar des autres institutions et organes de la Communauté, dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour évaluer le travail des membres de son personnel. Le contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur les appréciations contenues dans le rapport annuel d'évaluation d'un membre du personnel de la BCE ne porte que sur les éventuelles irrégularités de forme, les erreurs de faits manifestes entachant ces appréciations ainsi que sur un éventuel détournement de pouvoir (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T-63/89, Rec. p. II-19, point 19).

70.
    En l'espèce, le requérant n'ayant pas établi l'existence de circonstances de cette nature, ses griefs ne sauraient être accueillis.

71.
    Par ailleurs, la motivation du rapport d'évaluation pour 1999 est suffisamment précise pour satisfaire aux exigences de l'article 253 CE, applicable, en vertu de l'article 34.2 des statuts du SEBC, aux décisions adoptées par la BCE.

72.
    Il s'ensuit que ce moyen relatif aux appréciations contenues dans le rapport d'évaluation pour 1999 doit être rejeté.

73.
    Il y a donc lieu de rejeter le recours dans l'affaire T-178/00 comme étant non fondé.

Sur le recours dans l'affaire T-341/00

74.
    Lors de l'audience, le requérant a indiqué au Tribunal que le recours dans l'affaire T-341/00 ne vise qu'à obtenir l'annulation de la décision matérialisée par la note du 28 juin 2000, par laquelle la BCE a, selon lui, modifié ses attributions. Le Tribunal prend acte de cette précision qui correspond à la substance de l'argumentation développée par le requérant dans ses écritures et au deuxième chef de conclusion formulé dans cette affaire.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

75.
    Sans soulever une exception d'irrecevabilité au sens de l'article 114 du règlement de procédure, la BCE estime que le présent recours est irrecevable, car la note du 28 juin 2000 dont le requérant demande l'annulation ne constitue pas un acte faisant grief.

76.
    La BCE fait valoir que la note du 28 juin 2000 ne produit pas d'effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique (ordonnance du Tribunal du 25 octobre 1996, Lopes/Cour de justice, T-26/96, RecFP p. I-A-487 et II-1357). La BCE rappelle, à cet égard, que ne constitue pas un acte faisant grief un acte de pure gestion, telle une mesure de redistribution des tâches à l'intérieur d'une unité administrative, qui n'est pas de nature à porter atteinte à la position statutaire des intéressés ou au respect du principe de correspondance entre le grade des fonctionnaires et l'emploi auquel ils sont affectés (arrêt de la Cour du 14 décembre 1988, Hecq/Commission, 280/87, Rec. p. 6433).

77.
    En l'espèce, la note du 28 juin 2000 serait une mesure d'organisation purement interne qui ne porte pas atteinte à la position statutaire de l'intéressé. Le requérant n'aurait pas été «rétrogradé». Le poste de «Coordinateur UNIX» ne figure pas dans l'organigramme de la BCE du 6 octobre 2000, car la BCE aurait procédé à une réorganisation interne de tous les postes de «coordinateurs». Le poste occupé par le requérant aurait ainsi été réévalué.

78.
    Lors de l'introduction du recours, le requérant n'aurait pas encore été informé de ses nouveaux titre et salaire. La BCE indique avoir par la suite modifié le poste du requérant à deux titres. Premièrement, l'intitulé du poste «Coordinateur UNIX» aurait été remplacé par «Senior UNIX Expert». Deuxièmement, le requérant serait passé du grade G au grade H, avec une augmentation de salaire corrélative prenant effet rétroactivement au 1er janvier 2000. Hormis ces deux points, il n'y aurait aucune divergence significative d'un point de vue qualitatif ou quantitatif entre les tâches relevant du poste du requérant avant et après le 28 juin 2000.

79.
    La BCE conclut que les responsabilités du requérant n'ont pas évolué au point de porter atteinte à sa situation juridique de manière caractérisée. Partant, la note du 28 juin 2000 serait une mesure d'organisation interne et non un acte attaquable. Le recours dans l'affaire T-341/00 serait donc irrecevable.

80.
    Le requérant objecte que la jurisprudence invoquée par la BCE est dénuée de pertinence, car la note du 28 juin 2000 affecte sa situation juridique. Il prétend avoir subi une dégradation de son emploi du fait que la BCE lui a retiré certaines attributions déterminées lors de la conclusion de son contrat de travail en 1998.

Appréciation du Tribunal

81.
    Au stade de l'examen de la recevabilité, il y a lieu de constater que la note du 28 juin 2000 modifie certaines tâches spécifiques que la BCE avait attribuées au requérant quant à l'évaluation, au classement et au recrutement des membres de l'équipe UNIX. Ces tâches se rapportent à des compétences en matière de personnel généralement liées à l'exercice d'un pouvoir hiérarchique. Compte tenu de la nature de ces tâches et, dans la mesure où le requérant prétend avoir subi, du fait de leur retrait, une dégradation de son emploi, les modifications en cause ne peuvent être considérées comme de simples mesures d'organisation internes telles que celles ayant donné lieu aux arrêts invoqués par la BCE.

82.
    Dès lors, la note du 28 juin 2000 constitue un acte faisant grief. Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer le recours recevable.

Sur le fond

Arguments des parties

83.
    Le requérant réitère, en substance, l'argumentation qu'il a développée, en droit, dans l'affaire T-178/00. En modifiant unilatéralement et de manière substantielle la liste de ses attributions dans la note du 28 juin 2000, la BCE aurait méconnu le droit du requérant à être affecté à un emploi conforme à son contrat de travail.

84.
    Le requérant souligne que le poste de «coordinateur» n'apparaît plus dans l'organigramme de la BCE adopté le 6 décembre 2000.

85.
    Il affirme que, dans le domaine technique, au regard de ses qualifications, seules quelques-unes de ses responsabilités peuvent être assumées par d'autres employés. Certaines tâches relèveraient de sa compétence exclusive, comme, notamment, la conception et la mise en oeuvre d'un système assurant la sécurité de l'intégralité des systèmes de production UNIX. Or, la note du 28 juin 2000 ne lui attribuerait aucune responsabilité globale pour les systèmes et plates-formes UNIX. La compétence du requérant se trouverait ainsi réduite au développement de systèmes UNIX. Le requérant ne disposerait plus que de compétences inférieures à celles qui avaient été fixées par contrat lors de son engagement en 1998.

86.
    En matière de gestion du personnel, autre élément essentiel de l'emploi en cause, la note du 28 juin 2000 aboutirait à un abaissement de la position du requérant. Ainsi, ses responsabilités en matière d'évaluation du personnel, de propositions de classement, de surveillance des performances qui relèvent de sa compétence exclusive lui auraient été retirées.

87.
    Enfin, le requérant estime que la BCE a agi conformément à la directive 91/533 lorsque, en 1998, elle a décrit au requérant les tâches spécifiques liées à son emploi. Il estime cependant que la BCE ne pouvait revenir sur cette description par la note du 28 juin 2000.

88.
    La BCE réfute ces griefs. Rappelant en substance que le contrat qui la lie au requérant n'est pas soumis au droit du travail allemand, elle fait valoir que la description de l'emploi ne fait pas partie dudit contrat de travail et relève de son pouvoir d'organisation. Elle estime en outre qu'elle s'est conformée aux dispositions de l'article 2, paragraphe 2, de la directive 91/533 en adressant au requérant une lettre d'engagement décrivant sommairement son emploi.

Appréciation du Tribunal

89.
    En premier lieu, ainsi qu'il a été jugé précédemment dans l'affaire T-178/00 au point 54 ci-dessus, le requérant ne saurait raisonnablement s'attendre à conserver jusqu'à l'âge de la retraite certaines fonctions spécifiques qui ont pu lui être attribuées lors de son engagement par la BCE. Dès lors, les prétentions du requérant relatives à ses prétendues compétences exclusives doivent être écartées.

90.
    S'agissant, en deuxième lieu, de la question de savoir si la BCE a manifestement excédé les limites de son pouvoir d'organisation en modifiant unilatéralement les attributions du requérant, d'une part, il y a lieu de relever qu'il n'est pas contesté que lesdites modifications sont intervenues dans l'intérêt du service. D'autre part, le requérant n'a pas étayé son argumentation d'éléments précis de nature à emporter la conviction que ces modifications portent atteinte aux éléments essentiels de son contrat de travail en abaissant, dans leur ensemble, ses attributions nettement en deçà de celles qui correspondent à son emploi et qu'elles constituent de ce fait une mesure de dégradation de cet son emploi. Au contraire, force est de constater que le requérant conserve ses attributions essentielles relatives aux systèmes UNIX et à la coordination des spécialistes UNIX. Dès lors, il y a lieu de rejeter les griefs du requérant relatifs à une prétendue dégradation de son emploi.

91.
    S'agissant, en troisième lieu, de la directive 91/533, il suffit de constater que, le requérant ayant déclaré qu'il n'invoque pas une violation de cette directive, il n'est pas nécessaire de se prononcer sur cet aspect du recours.

92.
    Dès lors, c'est l'ensemble des moyens, griefs et arguments dans l'affaire T-341/00 qu'il convient de rejeter.

93.
    Aucun des moyens soulevés à l'encontre des actes attaqués n'ayant été retenu, les recours doivent être rejetés.

Sur les dépens

94.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe doit être condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, aux termes de l'article 88 de ce règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

95.
    Dans les affaires T-178/00 et T-341/00, chaque partie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

déclare et arrête:

1)    Les affaires T-178/00 et T-341/00 sont jointes aux fins de l'arrêt.

2)    Les recours dans les affaires T-178/00 et T-341/00 sont rejetés.

3)    Chaque partie supportera ses propres dépens.

Cooke
García-Valdecasas
Lindh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 octobre 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas


1: Langue de procédure: l'allemand.