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ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

18 septembre 2023 (*)

« Référé – Article 263 TFUE – Recours tendant à l’annulation d’un acte de l’Union – Article 278 TFUE – Demande de sursis à l’exécution de cet acte – Décision (UE) 2023/852 – Réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union européenne – Augmentation du nombre de quotas placés en réserve – Urgence – Sécurité énergétique – Dégradation de la situation économique et sociale d’un État membre – Troubles sociaux susceptibles de menacer l’ordre public »

Dans l’affaire C‑445/23 R,

ayant pour objet une demande de sursis à exécution au titre de l’article 278 TFUE, introduite le 17 juillet 2023,

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. W. D. Kuzmienko, Mme L. Taïeb et M. A. Tamás, en qualité d’agents,

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. R. Boucquey, Mme A. Maceroni, M. M. Moore et Mme A. Sikora-Kalėda, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

l’avocate générale, Mme T. Ćapeta, entendue,

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa demande en référé, la République de Pologne demande à la Cour d’ordonner le sursis à l’exécution de la décision (UE) 2023/852 du Parlement européen et du Conseil, du 19 avril 2023, modifiant la décision (UE) 2015/1814 en ce qui concerne le nombre de quotas à placer dans la réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union jusqu’en 2030 (JO 2023, L 110, p.  21, ci-après la « décision litigieuse »), jusqu’au prononcé de la décision mettant fin à la procédure dans l’affaire C‑445/23.

2        Cette demande a été présentée parallèlement à l’introduction, le 17 juillet 2023, par cet État membre, d’un recours, au titre de l’article 263 TFUE, tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

 Le cadre juridique

 La décision (UE) 2015/1814

3        La décision (UE) 2015/1814 du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 2015, concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union et modifiant la directive 2003/87/CE (JO 2015, L 264, p. 1), telle que modifiée par la directive (UE) 2018/410 du Parlement européen et du Conseil, du 14 mars 2018 (JO 2018, L 76, p. 3), dispose, à son article 1er, paragraphes 1 et 5 :

« 1.      Une réserve de stabilité du marché est créée en 2018 et le placement de quotas dans la réserve commence à compter du 1er janvier 2019.

[...]

5.      Chaque année, un certain nombre de quotas égal à 12 % du nombre total de quotas en circulation, tel qu’il est défini dans la publication la plus récente visée au paragraphe 4 du présent article, est déduit du volume de quotas devant être mis aux enchères par les États membres [...] et est placé dans la réserve sur une période de douze mois à compter du 1er septembre de l’année en question, à moins que le nombre de quotas à placer dans la réserve ne soit inférieur à 100 millions. Au cours de la première année de fonctionnement de la réserve, il est procédé, entre le 1er janvier et le 1er septembre de l’année en question, au placement de 8 % (représentant 1 % par mois civil) du nombre total de quotas en circulation, tel qu’il est défini dans la publication la plus récente. Par dérogation à la première et à la deuxième phrase, jusqu’au 31 décembre 2023, les pourcentages et les 100 millions de quotas visés dans ces phrases sont multipliés par deux.

[...] »

 La décision litigieuse

4        L’article 1er de la décision litigieuse prévoit :

« À l’article 1er, paragraphe 5, premier alinéa, de la décision (UE) 2015/1814, la dernière phrase est remplacée par le texte suivant :

“Par dérogation à la première et à la deuxième phrase du présent alinéa, jusqu’au 31 décembre 2030, les pourcentages et les 100 millions de quotas visés dans ces phrases sont multipliés par deux.” ».

 Les conclusions des parties

5        La République de Pologne demande à la Cour :

–        d’ordonner le sursis à l’exécution de la décision litigieuse et

–        de condamner le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne aux dépens.

6        Le Parlement et le Conseil demandent à la Cour de rejeter la demande en référé et de condamner la République de Pologne aux dépens.

 Sur la demande en référé

7        L’article 160, paragraphe 3, du règlement de procédure de la Cour dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

8        Ainsi, une mesure provisoire ne peut être accordée par le juge des référés que s’il est établi que son octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’elle est urgente, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’elle soit édictée et produise ses effets dès avant la décision au fond. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que la demande de mesures provisoires doit être rejetée dès lors que l’une desdites conditions fait défaut (ordonnance du 8 avril 2020, Commission/Pologne, C‑791/19 R, EU:C:2020:277, point 51 et jurisprudence citée).

9        Dans le cadre de l’examen des mêmes conditions, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle du droit de l’Union ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement (ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 16 juillet 2021, ACER/Aquind, C‑46/21 P‑R, EU:C:2021:633, point 16 et jurisprudence citée).

10      En l’espèce, il convient d’examiner d’emblée la condition relative à l’urgence.

 Argumentation

11      La République de Pologne soutient qu’il est prévisible, avec un degré de probabilité suffisant, que l’application de la décision litigieuse avant le prononcé de la décision mettant fin à la procédure dans l’affaire C‑445/23 lui causera un préjudice grave et irréparable.

12      Cet État membre estime, en premier lieu, que la décision litigieuse conduira à une augmentation artificielle des prix des vecteurs énergétiques constituant une violation de l’article 3, paragraphe 3, TUE.

13      En second lieu, cette augmentation artificielle des prix des vecteurs énergétiques aurait diverses conséquences négatives pour la République de Pologne.

14      Ainsi, premièrement, elle aurait un effet dissuasif sur l’utilisation des combustibles fossiles, ce qui menacerait la sécurité énergétique de cet État membre, en entraînant la faillite de nombreuses entreprises qui utilisent du charbon, dont l’économie polonaise dépend dans une très large mesure.

15      Deuxièmement, ladite augmentation artificielle des prix des vecteurs énergétiques devrait conduire à une accentuation des inégalités entre les États membres ainsi qu’à une dégradation de la situation économique et sociale en Pologne. D’une part, l’application de la décision litigieuse entraînerait des suppressions d’emploi, évaluées à 45 500 emplois dans le seul secteur minier et à 50 000 emplois pour les secteurs connexes, notamment en raison de la faillite de nombreuses entreprises. D’autre part, les modifications du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre telles que celles opérées par cette décision mèneraient à un appauvrissement de tous les ménages polonais, en faisant croître largement la part de leurs revenus qu’ils devront consacrer à l’acquisition d’énergie. La charge assumée, à ce titre, par les ménages polonais serait ainsi nettement plus élevée que celle qui pèse sur les ménages d’autres États membres.

16      Troisièmement, la dégradation de la situation sociale en Pologne serait susceptible d’entraîner des troubles sociaux pouvant menacer l’ordre public.

17      Les préjudices ainsi allégués ne seraient pas uniquement de nature pécuniaire et ne pourraient, en tout état de cause, pas réellement faire l’objet d’une indemnisation.

18      Le Parlement et le Conseil soutiennent que la République de Pologne n’a pas démontré que la condition relative à l’urgence est satisfaite en l’espèce.

19      D’une part, cet État membre n’établirait pas que le sursis à l’exécution de la décision litigieuse serait de nature à prévenir la survenance du préjudice invoqué.

20      En effet, si la mesure provisoire sollicitée devait être prononcée, la règle contestée par la République de Pologne continuerait néanmoins à s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2023, sur la base de la directive 2018/410, puis, à partir du 1er janvier 2024, sur le fondement de la directive (UE) 2023/959 du Parlement européen et du Conseil, du 10 mai 2023, modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union (JO 2023, L 130, p. 134).

21      En outre, dans un contexte où les entreprises actives dans le secteur des énergies fossiles et les ménages au sein des États membres devraient, en application de la directive 2018/410, déjà supporter les effets du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre ainsi que l’application de la règle contestée, la République de Pologne ne démontrerait pas que le préjudice qu’elle invoque procède spécifiquement de la décision litigieuse.

22      D’autre part, la République de Pologne ne démontrerait pas à suffisance la réalité du préjudice allégué. Elle se bornerait à faire valoir des observations générales, sans avancer aucun élément de fait précis, de telle sorte qu’elle ne satisferait pas à la charge de la preuve qui lui incomberait.

23      Le Parlement fait valoir, de surcroît, que le préjudice invoqué par cet État membre pourrait être réparé par l’octroi d’une compensation pécuniaire.

 Appréciation

24      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par la Cour. C’est pour atteindre cet objectif que l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au fond sans avoir à subir un préjudice de cette nature. Pour établir l’existence d’un tel préjudice grave et irréparable, il n’est pas nécessaire d’exiger que la survenance du préjudice soit établie avec une certitude absolue. Il suffit que celui‑ci soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant (ordonnance du 17 décembre 2018, Commission/Pologne, C‑619/18 R, EU:C:2018:1021, point 60 et jurisprudence citée).

25      Conformément à cette jurisprudence, il appartient toujours à la partie qui sollicite l’adoption d’une mesure provisoire d’exposer et d’établir la probable survenance d’un préjudice grave et irréparable. À cet égard, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés qui permettent d’examiner les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées (ordonnance du vice-président de la Cour du 3 juin 2022, Bulgarie/Parlement et Conseil, C‑545/20 R, EU:C:2022:445, point 32 ainsi que jurisprudence citée).

26      Il incombe donc, en l’espèce, à la République de Pologne d’établir que l’application de la décision litigieuse durant la période allant de la date de la signature de la présente ordonnance à celle du prononcé de la décision mettant fin à la procédure dans l’affaire C‑445/23 est de nature à entraîner, de manière prévisible avec un degré de probabilité suffisant, un préjudice grave et irréparable.

27      En premier lieu, cet État membre soutient que les effets de la décision litigieuse sont de nature à entraîner une violation de l’article 3, paragraphe 3, TUE, en tant que cette décision nuit à la stabilité des prix.

28      À cet égard, il suffit de relever que, si la violation par un acte de l’Union d’une norme supérieure de droit est susceptible de remettre en cause la validité de cet acte, l’éventuelle illégalité dudit acte ne saurait suffire à établir, par elle-même, la gravité et le caractère irréparable d’un éventuel préjudice (voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 27 février 2018, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17 R, EU:C:2018:119, point 38 ainsi que jurisprudence citée).

29      En second lieu, il ressort de la demande en référé que la République de Pologne se prévaut également de préjudices découlant des effets de la décision litigieuse sur sa sécurité énergétique, sur la dégradation de sa situation économique et sociale, sur l’ordre public ainsi que sur les inégalités existant entre les États membres.

30      Il ne saurait être exclu que ces divers préjudices puissent être invoqués par la République de Pologne en vue d’obtenir le prononcé de mesures provisoires, dès lors que les États membres sont responsables des intérêts considérés comme généraux sur le plan national et qu’ils peuvent en assurer la défense dans le cadre d’une procédure en référé (voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 3 juin 2022, Bulgarie/Parlement et Conseil, C‑545/20 R, EU:C:2022:445, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

31      Partant, il y a lieu de déterminer si les preuves présentées par la République de Pologne permettent d’établir, d’une part, que la survenance d’un ou de plusieurs desdits préjudices est prévisible avec un degré de probabilité suffisant et, d’autre part, que les mêmes préjudices présentent un caractère grave et irréparable.

32      À cet égard, il importe de rappeler que la procédure en référé n’est pas conçue pour établir la réalité de faits complexes et hautement controversés. Le juge des référés ne dispose pas des moyens nécessaires pour procéder aux vérifications requises et, dans de nombreux cas, il ne serait que difficilement à même d’y avoir procédé en temps utile (ordonnance du 20 novembre 2017, Commission/Pologne, C‑441/17 R, EU:C:2017:877, point 54).

33      En l’espèce, d’une part, il ressort de la demande en référé que la République de Pologne considère que les préjudices mentionnés au point 29 de la présente ordonnance résultent tous, directement ou indirectement, d’une augmentation des coûts de l’utilisation du charbon qui découlerait de la décision litigieuse.

34      À cet égard, il y a certes lieu de constater que l’augmentation du nombre de quotas d’émission de gaz à effet de serre placés annuellement dans la réserve de stabilité du marché, que la décision litigieuse a pour objet de prolonger, est en principe de nature à favoriser une telle augmentation des coûts, en tant que cette mesure vise à contribuer à ce que le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre émette un signal de prix du carbone à l’échelle de l’Union européenne, permettant à cette dernière d’atteindre ses objectifs en matière de réductions des émissions, et qu’elle est donc logiquement susceptible d’entraîner une augmentation du prix de ces quotas dans le futur (voir, par analogie, arrêt du 21 juin 2018, Pologne/Parlement et Conseil, C‑5/16, EU:C:2018:483, point 67).

35      Pour autant, la République de Pologne ne fournit pas au juge des référés des éléments suffisants pour établir que la décision litigieuse va, en tant que telle, probablement entraîner, avant le prononcé de la décision mettant fin à la procédure dans l’affaire C‑445/23, une augmentation significative des coûts de l’utilisation du charbon ni, a fortiori, pour évaluer l’ampleur de l’augmentation de ces coûts qui apparaîtrait prévisible avant ce prononcé.

36      Ainsi, cet État membre se borne, à cet égard, à produire des données générales visant à établir l’existence d’un lien entre l’offre de quotas d’émission de gaz à effet de serre et le prix de ces quotas ainsi qu’un tableau, présenté comme issu d’une étude qu’il n’a pas fournie à la Cour, qui comporte une évaluation du prix d’un tel quota au cours de l’année 2030 et de l’année 2040, soit à une date largement postérieure à celle à laquelle est censé survenir le préjudice invoqué par ledit État membre. Force est, en outre, de constater que les informations fournies par le même État membre ne permettent pas de déterminer si l’augmentation du prix d’un quota d’émission de gaz à effet de serre mentionnée dans ce tableau est présentée, dans cette étude, comme résultant de l’application du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans son ensemble ou de celle de la seule décision litigieuse.

37      D’autre part, la République de Pologne n’a pas non plus établi qu’il était possible de considérer, indépendamment de l’évaluation de la variation précise des coûts de l’utilisation du charbon qui pourrait découler de la décision litigieuse, que l’application de cette décision avant le prononcé de la décision mettant fin à la procédure dans l’affaire C‑445/23 produirait, avec un degré de probabilité suffisant, les conséquences mentionnées au point 29 de la présente ordonnance.

38      Ainsi, tout d’abord, alors que la menace pour la sécurité énergétique ainsi que la dégradation de la situation économique et sociale de la République de Pologne sont présentées par celle-ci comme devant découler, pour l’essentiel, de faillites d’entreprises dans divers secteurs de son économie, elle n’a fourni au juge des référés aucune évaluation précise des faillites anticipées, ni a fortiori de preuves visant à démontrer le caractère probable de ces faillites.

39      Or, la seule circonstance que des entreprises polonaises soient confrontées à une augmentation des coûts de l’utilisation du charbon, à la supposer établie, n’est pas de nature à démontrer, en l’absence d’éléments plus précis quant à la situation financière de ces entreprises, que celles-ci ne seraient pas en mesure de faire face à cette augmentation et qu’elles seraient donc contraintes de cesser leur activité (voir, par analogie, ordonnance du vice-président de la Cour du 3 juin 2022, Bulgarie/Parlement et Conseil, C‑545/20 R, EU:C:2022:445, point 51).

40      S’agissant, ensuite, de l’appauvrissement invoqué des ménages polonais, les seules données fournies par la République de Pologne figurent dans le tableau mentionné au point 36 de la présente ordonnance, dont il n’est pas possible, pour les raisons indiquées à ce point, de tirer des conséquences précises.

41      L’insuffisance des preuves fournies à cet égard par la République de Pologne est également déterminante pour apprécier le préjudice consistant dans l’accroissement des inégalités existant entre les États membres, puisque cet accroissement est présenté par la République de Pologne comme résultant des charges que la décision litigieuse imposerait aux ménages polonais.

42      Enfin, si la République de Pologne fait état de suppressions d’emplois dans divers secteurs de l’économie, les chiffres qu’elle mentionne à cet égard sont issus de l’étude mentionnée au point 36 de la présente ordonnance, dont le juge des référés n’est pas en mesure d’évaluer la force probante. En outre, force est de constater que la République de Pologne n’intègre pas, dans son analyse, de potentielles créations d’emplois qui sont anticipées par l’étude d’impact réalisée avant l’adoption de la décision 2015/1814, à laquelle cet État membre se réfère.

43      Dans ces conditions, et en l’absence de tout élément supplémentaire fourni par la République de Pologne à ce sujet, le risque de troubles sociaux pouvant menacer l’ordre public, allégué par cet État membre, ne saurait être regardé comme étant établi à suffisance de droit.

44      Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il apparaît, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les effets respectifs de la décision litigieuse et de la directive 2023/959, que la République de Pologne n’a pas établi que l’application de cette décision durant la période allant de la date de la signature de la présente ordonnance à celle du prononcé de la décision mettant fin à la procédure dans l’affaire C‑445/23 est de nature à entraîner, de manière prévisible avec un degré de probabilité suffisant, un préjudice grave et irréparable et, partant, que la condition relative à l’urgence est satisfaite.

45      Compte tenu du caractère cumulatif des conditions requises pour l’octroi de mesures provisoires, il y a lieu, dès lors, de rejeter la demande en référé, sans qu’il soit besoin d’examiner les conditions relatives au fumus boni juris et à la mise en balance des intérêts en présence.

46      Conformément à l’article 137 du règlement de procédure, il sera statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui mettra fin à l’instance.

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.