Language of document : ECLI:EU:T:2014:606

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

3 juillet 2014 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Recours en annulation – Délai de recours – Délai d’adaptation des conclusions – Recevabilité – Obligation de motivation – Erreur d’appréciation – Modulation dans le temps des effets d’une annulation »

Dans l’affaire T‑157/13,

Sorinet Commercial Trust Bankers Ltd, établie à Kish Island (Iran), représentée par Mes L. Defalque et C. Malherbe, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. De Elera, M. Bishop et A. Vitro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation, d’une part, de la décision 2012/829/PESC du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 356, p. 71), en ce qu’elle a inscrit le nom de la requérante sur la liste figurant dans l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), ainsi que du règlement d’exécution (UE) n° 1264/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 356, p. 55), en ce qu’il a inscrit le nom de la requérante sur la liste figurant dans l’annexe IX du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), et, d’autre part, de la décision 2013/270/PESC du Conseil, du 6 juin 2013, modifiant la décision 2010/413 (JO L 156, p. 10), en ce qu’elle a maintenu le nom de la requérante sur la liste figurant dans l’annexe II de la décision 2010/413, ainsi que du règlement d’exécution (UE) n° 522/2013 du Conseil, du 6 juin 2013, mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO L 156, p. 3), en ce qu’il a maintenu le nom de la requérante sur la liste figurant dans l’annexe IX du règlement n° 267/2012,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Sorinet Commercial Trust Bankers Ltd, est une société établie aux Émirats arabes unis. Elle est dirigée par M. Babak Zanjani, un ressortissant iranien.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

3        Le 26 juillet 2010, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2010/413/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39). L’annexe II de cette décision contient la liste des noms des personnes, des entités et des organismes – autres que ceux désignés par le Conseil de sécurité des Nations unies ou par le comité des sanctions créé par la résolution 1737 (2006) – dont les avoirs sont gelés en application de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de ladite décision et qui, s’agissant des personnes physiques, font l’objet de restrictions en matière d’admission en application de l’article 19, paragraphe 1, sous b), de cette décision.

4        L’article 19, paragraphe 1, sous b), et l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 prévoient respectivement l’adoption de restrictions en matière d’admission à l’égard des personnes physiques, et de mesures de gel des fonds à l’égard des personnes et des entités, qui ont aidé les personnes et les entités désignées à se soustraire aux dispositions des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 ( 2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies ou de cette décision.

5        Le 23 janvier 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/35/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 19, p. 22). En application de la décision 2012/35, l’article 19, paragraphe 1, sous c), ainsi que l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 prévoient respectivement des restrictions en matière d’admission à l’égard des personnes, et des mesures de gel des fonds à l’égard des personnes et des entités, qui fournissent un appui au gouvernement iranien.

6        En conséquence, le 23 mars 2012, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010 (JO L 88, p. 1).

7        Le 15 octobre 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/635/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 282, p. 58). L’article 1er, paragraphe 8, sous a), de la décision 2012/635 a modifié l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, qui prévoit dès lors que feront l’objet de mesures restrictives :

« c) d’autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et aux entités qui sont leur propriété ou qui sont sous leur contrôle ou les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II. »

8        Le 21 décembre 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/829/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 356, p. 71). L’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, tel que modifié par la décision 2012/829, prévoit ainsi le gel des fonds des « personnes et entités qui ont aidé les personnes ou les entités désignées à se soustraire aux dispositions des RCSNU 1737 (2006), 1747 (2007), 1829 (2008) et 1929 (2010) ou de la présente décision, ou à les enfreindre ».

9        Le 21 décembre 2012, le Conseil a également adopté le règlement (UE) n° 1263/2012 modifiant le règlement n° 267/2012 (JO L 356, p. 34). L’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 267/2012, tel que modifié par le règlement n° 1263/2012, se lit comme suit :

« Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes, entités et organismes énumérés à l’annexe IX, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent. L’annexe IX comprend les personnes physiques et morales, les entités et les organismes qui, conformément à l’article 20, paragraphe 1, [sous b) et c)], de la décision 2010/413/PESC du Conseil, ont été reconnus :

[…]

b)      comme étant une personne physique ou morale, une entité ou un organisme ayant aidé une personne, une entité ou un organisme figurant sur une liste à enfreindre les dispositions du présent règlement, de la décision 2010/413/PESC du Conseil ou des résolutions 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies, ou à s’y soustraire ;

[…]

d)      comme étant d’autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui, notamment matériel, logistique ou financier, au gouvernement iranien et comme des entités qu’ils ou elles détiennent ou contrôlent ou des personnes et entités qui leur sont associés.

[…] »

10      Par la décision 2012/829, le nom de la requérante a été inscrite pour la première fois sur la liste des noms des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives énumérées dans l’annexe II de la décision 2010/413.

11      Conformément à la décision 2012/829, le règlement d’exécution (UE) n° 1264/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO L 356, p. 55), a modifié l’annexe IX du règlement n° 267/2012, en y ajoutant notamment le nom de la requérante.

12      Dans la décision 2012/829 et le règlement d’exécution n° 1264/2012, le Conseil a justifié le gel des fonds et des ressources économiques du requérant par les motifs suivants :

« Le Sorinet Commerial Trust (SCT) aide des entités désignées à enfreindre les dispositions du règlement de l’UE sur l’Iran et apporte un soutien financier au gouvernement iranien. Le SCT fait partie du groupe Sorinet, détenu et dirigé par Babak Zanjani. Il est utilisé pour acheminer des paiements liés au pétrole. »

13      Le Conseil a publié un avis à l’attention des personnes et des entités auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives adoptées dans les actes attaqués au Journal officiel de l’Union européenne du 22 décembre 2012 (JO C 398, p. 8).

14      Par lettre du 11 mars 2013, la requérante a contesté le bien-fondé des mesures restrictives et demandé que lui soient communiquées des copies de tous les documents invoqués par le Conseil, détenus par ce dernier ou placés sous son contrôle, qui justifieraient son inscription sur les listes. Dans cette lettre, la requérante a également demandé à être entendue.

15      Par lettre datée du 13 mars 2013, le Conseil a accusé réception de la lettre susmentionnée datée du 11 mars 2013 et a indiqué que ladite lettre était en cours d’examen.

16      Le 6 juin 2013, le Conseil a adopté la décision 2013/270/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO L 156, p. 10) et le règlement d’exécution (UE) n° 522/2013 mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO L 156, p. 3). La décision 2013/270 et le règlement d’exécution n° 522/2013 ont modifié respectivement l’annexe II de la décision 2010/413 et l’annexe IX du règlement n° 267/2012. En ce qui concerne la requérante, seules certaines mentions relatives à son nom et aux informations d’identification ont été modifiées.

17      Par lettre du 10 juin 2013, le Conseil a informé la requérante du maintien de l’inscription de son nom sur la liste des noms des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives énumérées dans l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2013/270, et dans l’annexe IX du règlement n° 267/2012, tel que mis en œuvre par le règlement d’exécution n° 522/2013.

18      Par lettre du 10 juin 2013, le Conseil a également répondu à la lettre de la requérante du 11 mars 2013. Il a indiqué que la requérante pouvait avoir accès aux documents suivants, joints à la lettre :

–        extrait d’une proposition par un État membre pour l’inscription de la requérante (document 9869/13 EXT 1, point 5) ;

–        extrait du rapport des réunions du groupe de travail COMEM (Moyen-Orient/Golfe) des 29 novembre et 3 décembre 2012 (document 10246/13) ;

–        document de réunion MD 229/12 ADD 1 REV 1 RELEX ;

–        des notes du 18 décembre 2012 du secrétariat général du Conseil adressées, d’une part, au comité des représentants permanents (Coreper) et, d’autre part, au Coreper et au Conseil (documents 17795/12 et 17523/12 ADD 1 REV 1).

19      Le Conseil a par ailleurs indiqué, dans sa lettre du 10 juin 2013, que les parties supprimées dans le rapport des réunions du COMEM constituaient des éléments confidentiels de la discussion au sein du Conseil et ne pouvaient pas être divulguées.

20      Par lettre du 5 juillet 2013, la requérante a répondu à la lettre du Conseil du 10 juin 2013 l’informant du maintien de son nom sur les listes par la décision 2013/270 et par le règlement d’exécution n° 522/2013, afin de contester à nouveau les accusations portées à son égarde. Dans cette lettre, elle a demandé la communication des copies de tous les documents sur lesquels s’appuyaient la décision 2013/270 et le règlement d’exécution n° 522/2013, ainsi qu’à être entendue. Elle a en outre demandé au Conseil de reconsidérer la décision d’inclure son nom dans les listes susmentionnées.

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mars 2013, la requérante a introduit le présent recours.

22      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

23      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité le Conseil à répondre par écrit à des questions. Le Conseil a déféré à cette demande dans le délai imparti.

24      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2012/829, le règlement d’exécution n° 1264/2012, la décision 2013/270 et le règlement d’exécution n° 522/2013 (ci-après, ensemble, les « actes attaqués »), en tant qu’ils ont inscrit son nom dans l’annexe II de la décision 2010/413 et dans l’annexe IX du règlement n° 267/2012 ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

25      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme étant dénué de fondement ;

–        condamner la requérante aux dépens.

26      À la suite de l’adoption de la décision 2013/270 et du règlement d’exécution n° 522/2013, la requérante a demandé, par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 août 2013, d’adapter ses conclusions, en les étendant à l’annulation de l’annexe à la décision 2013/270, ainsi que de l’annexe au règlement d’exécution n° 522/2013, pour autant que ces actes la concernent.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours

27      Le Conseil soutient que le requérant a introduit son recours tardivement.

28      En ce qui concerne le point de départ du délai de recours, le Conseil rappelle que le délai de deux mois prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE commence à courir à compter de la notification des mesures restrictives à l’intéressé ou, si une telle notification n’est pas possible, de la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne.

29      En l’espèce, le Conseil souligne qu’un avis concernant l’inscription du requérant sur les listes a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 22 décembre 2012.

30      Le Conseil soutient que l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, qui fait courir le délai de recours à partir de la fin du quatorzième jour suivant la publication de l’acte, ne s’applique pas aux actes de portée individuelle, comme le sont les actes attaqués.

31      Le Conseil allègue que le délai de recours contre les actes individuels commence à courir à partir non de leur publication, mais de leur communication à l’intéressé. En conséquence, l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure ne s’appliquerait pas en ce qui concerne les mesures restrictives, même si ces mesures ont été communiquées indirectement au requérant par la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne.

32      Partant, en l’espèce, le délai de recours de deux mois prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours prévu à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, aurait expiré le 4 mars 2013. Le présent recours, introduit le 15 mars 2013, serait dès lors irrecevable.

33      Dans la réplique, le requérant fait valoir que le recours a été formé dans le délai prescrit.

34      En premier lieu, en ce qui concerne le point de départ du délai de recours, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance.

35      Par ailleurs, selon la jurisprudence, le principe de protection juridictionnelle effective implique que l’autorité de l’Union européenne, qui adopte des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité, communique les motifs sur lesquels ces mesures sont fondées soit au moment où ces mesures sont adoptées, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après leur adoption, afin de permettre à ces personnes ou entités l’exercice de leur droit de recours (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, Rec. p. I‑11381, point 47, et la jurisprudence citée).

36      En l’occurrence, ce principe est concrétisé à l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et à l’article 46, paragraphe 3, du règlement n° 267/2012, lesquels énoncent que le Conseil communique sa décision à la personne ou à l’entité concernée, y compris les motifs de l’inscription de son nom sur la liste des noms des personnes et entités visées par les mesures restrictives, soit directement si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

37       Il en découle que le délai pour l’introduction d’un recours en annulation contre un acte imposant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité commence uniquement à courir soit à partir de la date de la communication individuelle de cet acte à l’intéressé, si son adresse est connue, soit à partir de la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne, lorsqu’il était impossible de procéder à la communication directe de cet acte à l’intéressé (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, non encore publié au Recueil, points 59 à 62).

38      À cet égard, il y a lieu de relever que le Conseil n’est pas libre de choisir arbitrairement le mode de communication de ses décisions aux personnes intéressées. Il ressort en effet du point 61 de l’arrêt Gbagbo e.a./Conseil, précité, que la Cour a entendu permettre une communication indirecte des actes attaqués par la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne dans les seuls cas où il est impossible pour le Conseil de procéder à une communication individuelle. En conclure autrement permettrait de facto au Conseil de se soustraire aisément à son obligation de communication individuelle.

39      Dans la présente affaire, il ressort des actes attaqués, et le requérant ne conteste pas, que son adresse n’était pas connue du Conseil au moment de l’adoption de ces actes. Le Conseil n’avait donc pas d’autre choix que de communiquer l’inscription du requérant par la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne.

40      En second lieu, en ce qui concerne la computation du délai de recours, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsqu’un délai pour l’introduction d’un recours contre un acte d’une institution commence à courir à partir de la publication de l’acte, ce délai court à partir de la fin du quatorzième jour suivant la date de la publication de l’acte au Journal officiel de l’Union européenne. Conformément aux dispositions de l’article 102, paragraphe 2, du même règlement, ce délai doit être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

41      Dans ce contexte, l’argument du Conseil selon lequel l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure n’est pas applicable aux actes de portée individuelle, et ce même si ces derniers sont communiqués au requérant par la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne et non par notification, doit être rejeté pour trois raisons.

42      Tout d’abord, il ressort des termes de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure que l’augmentation du délai de quatorze jours est applicable aux actes pour lesquels le délai de recours commence à courir à partir de leur publication, ce qui exclut uniquement de son champ d’application les actes faisant l’objet d’une notification.

43      En effet, il convient de constater que l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure n’établit aucune distinction quant au type d’acte publié au Journal officiel de l’Union européenne. Comme l’affirme le requérant, il peut donc être conclu que, pour autant qu’un acte fait l’objet d’une publication et que la date de cette dernière constitue le point de départ du délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure est applicable.

44      Ensuite, il découle de la finalité de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, lequel vise à garantir aux intéressés un laps de temps suffisant pour former un recours à l’encontre des actes publiés et, partant, le droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt de la Cour du 26 septembre 2013, Polyelectrolyte Producers Group et SNF/ECHA, C‑625/11 P, non encore publié au Recueil, points 35 et 36), que cet article s’applique également en cas de communication indirecte d’un acte individuel par la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne.

45      En effet, la publication d’un avis concernant l’inscription de noms de personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives au Journal officiel de l’Union européenne ne saurait être assimilée à une notification de ces mesures aux personnes et aux entités concernées. Lorsqu’un acte est notifié, il peut être présumé qu’il a été mis à la disposition de son destinataire le jour de la notification. Tel n’est cependant pas le cas lorsque des actes de portée individuelle, tels que des mesures restrictives, sont communiqués indirectement aux personnes et aux entités concernées par la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne. Or, l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure prévoit un délai de quatorze jours au terme duquel il peut raisonnablement être présumé que le Journal officiel de l’Union européenne est effectivement disponible dans l’ensemble des États membres et dans les États tiers. Partant, l’augmentation du délai de quatorze jours prévue à l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure doit s’appliquer à l’ensemble des actes communiqués par voie de publication au Journal officiel de l’Union européenne, y compris les actes de portée individuelle communiqués aux personnes concernées par le biais de la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne.

46      Enfin, l’application de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure répond à la finalité du droit des intéressés à la communication des mesures restrictives adoptées à leur égard, le cas échéant par la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne, laquelle a précisément pour objet de permettre aux destinataires de défendre leurs droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union (arrêt Gbagbo e.a./Conseil, précité, point 58).

47      En effet, lorsque les adresses des personnes ou des entités visées par des mesures restrictives ne sont pas connues, ou qu’il est impossible de procéder à une communication directe des mesures, soumettre la communication indirecte de telles mesures, au moyen de la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne, au régime de computation des délais applicable aux notifications individuelles, priverait les intéressés de l’augmentation du délai de recours de quatorze jours à compter de la publication de l’acte, prévue par l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, sans qu’ils soient pour autant en mesure de bénéficier par ailleurs des garanties résultant d’une communication directe. Dans ces circonstances, l’obligation de communication indirecte des mesures restrictives, par la publication d’un avis, qui vise en principe à conférer des garanties supplémentaires aux intéressés, aurait paradoxalement pour effet de les placer dans une situation moins favorable que celle qui découlerait de la simple publication des actes attaqués au Journal officiel de l’Union européenne.

48      En l’espèce, le Conseil a publié un avis concernant l’inscription du nom du requérant sur la liste des noms des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives au Journal officiel de l’Union européenne du 22 décembre 2012. Le délai de deux mois, augmenté du délai de quatorze jours prévu à l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure ainsi que du délai de distance forfaitaire de dix jours prévu au paragraphe 2 du même article, expirait dès lors le 18 mars 2013.

49      Dans la mesure où le présent recours a été introduit le 15 mars 2013, il a été introduit dans le délai légal, de sorte que l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil doit être rejetée.

 Sur la recevabilité de la demande d’adaptation des conclusions

50      Comme indiqué au point 1716 ci-dessus, depuis l’introduction de la requête, la liste figurant dans l’annexe II de la décision 2010/413 a été modifiée par la décision 2013/270. Conformément à cette dernière décision, l’annexe IX du règlement n° 267/2012 a également été modifiée par le règlement d’exécution n° 522/2013. L’inscription du nom de la requérante a été maintenue et seules certaines informations relatives à son identification ont été modifiées. La requérante a demandé à adapter ses conclusions initiales pour que sa demande en annulation visât, outre la décision 2012/829 et le règlement d’exécution n° 1264/2012, la décision 2013/270 ainsi que le règlement d’exécution n° 522/2013, pour autant que ces actes la concernent. Le Conseil n’a pas soulevé d’objections concernant cette adaptation.

51      Selon la jurisprudence, lorsqu’une décision ou un règlement concernant directement et individuellement un particulier est, en cours de procédure, remplacé par un acte ayant le même objet, celui-ci doit être considéré comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de la procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge de l’Union contre un acte, adapter l’acte attaqué ou lui en substituer un autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à l’acte ultérieur ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celui-ci (arrêts du Tribunal du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 46, et du 6 septembre 2013, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, T‑110/12 [Extraits], non encore publié au Recueil, point 16).

52      Toutefois, pour être recevable, une demande d’adaptation des conclusions doit être présentée dans le délai de recours prévu par l’article 263, sixième alinéa, TFUE. En effet, selon une jurisprudence constante, ce délai de recours est d’ordre public et doit être appliqué par le juge de l’Union de manière à assurer la sécurité juridique ainsi que l’égalité des justiciables devant la loi (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil, C‑229/05 P, Rec. p. I‑439, point 101). Il appartient ainsi au juge de vérifier, le cas échéant d’office, si ce délai a été respecté (arrêt Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, précité, point 17).

53      En ce qui concerne la computation du délai de recours, comme il a été rappelé au point 37 ci-dessus, le recours en annulation contre un acte imposant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité commence uniquement à courir soit à partir de la date de la communication individuelle de cet acte à l’intéressé, si son adresse est connue, soit à partir de la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne, dans le cas contraire (arrêt Gbagbo e.a./Conseil, précité, points 59 à 62). De même, le délai pour la présentation d’une demande visant à étendre les conclusions et moyens à un acte qui maintient ces mesures commence uniquement à courir soit à partir de la date de la communication individuelle de ce nouvel acte à la personne ou à l’entité concernée, si son adresse est connue, soit à partir de la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne, si une communication individuelle est impossible (arrêt Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, précité, point 21).

54      En l’espèce, la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2013/270, et le règlement n° 267/2012, tel que mis en œuvre par le règlement d’exécution n° 522/2013, ont été communiqués à la requérante par lettre du 10 juin 2013. Dans ces conditions, le délai de recours de deux mois, prévu par l’article 263, sixième alinéa, TFUE, contre la décision de maintenir l’inscription du nom de la requérante dans l’annexe II de la décision 2010/413 et dans l’annexe IX du règlement n° 267/2012 a commencé à courir le 10 juin 2013 et a expiré, en application de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, le 20 août 2013.

55      Partant, dans la mesure où la demande d’adaptation des conclusions a été présentée par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 août 2013, elle est recevable.

 Sur le fond

56      La requérante invoque quatre moyens à l’appui du recours. Le premier moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen est tiré de la violation des droits de la défense, du droit à un procès équitable et du droit à une protection juridictionnelle effective. Le troisième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation. Le quatrième moyen est tiré de l’insuffisance dont serait entaché l’examen du Conseil.

57      Il convient d’examiner d’abord le troisième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

58      Par son troisième moyen, la requérante soutient que le Conseil n’a produit aucun élément de preuve permettant d’établir qu’elle aidait des « entités désignées à enfreindre les dispositions du règlement de l’UE sur l’Iran » ou qu’elle apportait un soutien au gouvernement iranien. Par ailleurs, la requérante conteste également l’existence du groupe Sorinet qui n’existe, selon elle, ni en tant que société, ni en tant que société holding. En outre, elle souligne l’imprécision et l’absence de crédibilité des allégations formulées à propos des autres entités désignées.

59      La requérante précise qu’elle opère dans le secteur alimentaire, le secteur de l’emballage alimentaire et le secteur des cosmétiques, ainsi qu’il ressort de son objet social.

60      Le Conseil, sans contester cette argumentation factuelle de la requérante, maintient qu’il n’a commis aucune erreur d’appréciation en la désignant dans les actes attaqués.

61      L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur les listes, le juge de l’Union s’assure que cette décision repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt de la Cour du 18 juillet 2013, Commission/Kadi, dit « Kadi II », C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, non encore publié au Recueil, point 119).

62      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée. Si ces éléments ne permettent pas de constater le bien-fondé d’un motif, le juge de l’Union écarte ce dernier en tant que support de la décision d’inscription ou de maintien de l’inscription en cause (arrêt Kadi II, précité, points 121 à 123).

63      À titre liminaire, il y a lieu de déterminer les éléments susceptibles d’être utilement invoqués par le Conseil devant le Tribunal, au regard, d’une part, du contenu du dossier du Conseil et, d’autre part, des exigences liées au droit de la défense.

64      À cet égard, il convient de rappeler que la légalité des actes attaqués ne peut être appréciée que sur le fondement des éléments de fait et de droit sur la base desquels ils ont été adoptés, et non sur le fondement d’éléments qui ont été portés à la connaissance du Conseil postérieurement à l’adoption de ces actes, et ce quand bien même ce dernier serait d’avis que lesdits éléments pouvaient valablement compléter les motifs énoncés dans ces actes et contribuer à fonder leur adoption. En effet, le Tribunal ne saurait souscrire à l’invitation faite par le Conseil de procéder, en définitive, à une substitution des motifs sur lesquels ces actes se fondent (arrêt du Tribunal du 26 octobre 2012, Oil Turbo Compressor/Conseil, T‑63/12, non encore publié au Recueil, point 29).

65      En outre, le Conseil ne saurait invoquer utilement, devant le Tribunal, les éléments de preuve qui n’ont pas été communiqués au requérant, à sa demande, sans porter atteinte aux droits de la défense de l’intéressé (arrêt du Tribunal du 6 septembre 2013, Bateni/Conseil, T‑42/12 et T‑181/12, non publié au Recueil, point 57). En effet, le droit de l’intéressé à la communication des éléments à charge implique non seulement son droit à une communication initiale d’informations suffisamment précises pour lui permettre de comprendre les motifs de l’inscription de son nom, mais également le droit d’accès au dossier. Ce n’est que sur demande de l’intéressé que le Conseil est tenu de lui donner accès aux documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, précité, point 92, confirmant arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, précité, point 97).

66      En l’espèce, il y a lieu de relever que la requérante a demandé au Conseil, par lettre du 11 mars 2013, soit quatre jours seulement avant l’introduction de son recours devant le Tribunal, de lui communiquer les documents justifiant son inscription sur les listes. Ce dernier a répondu à cette demande et fourni à la requérante un certain nombre de documents par lettre du 10 juin 2013.

67      À cet égard, bien que le Conseil n’ait communiqué sa réponse que trois mois plus tard, il ne saurait être fait grief à celui-ci d’avoir répondu tardivement, en ce qu’il aurait été difficile, voire impossible, pour ce dernier de répondre avant le 15 mars 2013, date du dépôt de la requête devant le Tribunal. Cependant, et en tout état de cause, force est de constater que les documents communiqués à la requérante, en annexe à la lettre du Conseil du 10 juin 2013, ne contiennent aucune information, ni aucun élément supplémentaires par rapport au contenu des actes attaqués. En effet, l’extrait de la proposition par un État membre pour l’inscription de la requérante (document 9869/13 EXT 1, point 5), de même que le document de réunion MD 229/12 ADD 1 REV 1 RELEX et des notes du 18 décembre 2012 du secrétariat général du Conseil adressées, d’une part, au comité des représentants permanents (Coreper) et, d’autre part, au Coreper et au Conseil (documents 17795/12 et 17523/12 ADD 1 REV 1) ne mentionnent pas d’éléments autres que ceux repris dans la motivation énoncée dans les actes attaqués. L’extrait du rapport des réunions du COMEM (document 10246/13), quant à lui, ne contient aucun élément spécifique à la requérante.

68      En outre, il convient de souligner que certaines parties des documents communiqués au requérant ont été supprimées pour des raisons de confidentialité.

69      À cet égard, il y a lieu de rappeler que des considérations impérieuses, touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite des relations internationales, peuvent s’opposer à la communication de certaines informations ou de certains éléments de preuve à la personne concernée (arrêt Kadi II, précité, point 125).

70      Toutefois, il incombe alors au Conseil d’apporter la preuve que la sûreté de l’Union ou de ses États membres, ou la conduite des relations internationales, serait effectivement compromise par une communication à l’intéressé des motifs précis et complets qui constituent le fondement d’une décision en matière de mesures restrictives (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 4 juin 2013, ZZ, C‑300/11, non encore publié au Recueil, point 61).

71      Lorsque le Conseil invoque le caractère confidentiel de certaines informations, il appartient au juge de l’Union de vérifier le bien-fondé des raisons invoquées par ladite autorité pour s’opposer à la communication de ces informations à la personne ou à l’entité concernée (voir, en ce sens, arrêt Kadi II, précité, point 126).

72      S’il s’avère que les raisons invoquées par le Conseil s’opposent effectivement à la communication à la personne concernée d’informations ou d’éléments de preuve produits devant le juge de l’Union, il est nécessaire de mettre en balance de manière appropriée les exigences liées au droit à une protection juridictionnelle effective, en particulier au respect du principe du contradictoire, et celles découlant de la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou de la conduite de leurs relations internationales (arrêt Kadi II, précité, point 128).

73      Or, en l’espèce, le Conseil a précisé, dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, que les passages occultés dans les documents annexés à sa lettre du 10 juin 2013 ne concernaient pas la requérante. Il a également répondu que, lors des discussions relatives à l’inscription du nom de la requérante, il a tenu compte d’autres informations, figurant dans un document confidentiel séparé, qui lui a été fourni par l’État membre qui avait proposé cette inscription. Cet État membre s’oppose cependant à ce que ces informations soient divulguées, en totalité ou en partie.

74      Il convient dès lors de constater que le Conseil est dans l’impossibilité de fournir davantage d’éléments que ceux déjà connus de la requérante. En outre, il n’a avancé aucun élément en vue de justifier l’impossibilité de divulguer les informations figurant dans le document séparé susmentionné, dont il invoque la confidentialité. Dans ces conditions, il appartient au Tribunal de se baser sur les seuls éléments qui lui ont été communiqués, à savoir, en l’occurrence, les indications contenues dans l’exposé des motifs et dans les écrits des parties (voir, en ce sens, arrêt Kadi II, précité, point 123).

75      Or, dans ses écrits, le Conseil n’a produit aucun élément d’information ou de preuve supplémentaire au soutien des motifs énoncés dans les actes attaqués pour justifier l’adoption de mesures restrictives à l’égard de la requérante. En effet, en guise de réponse aux observations formulées par la requérante dans la requête quant à l’existence d’une erreur d’appréciation, le Conseil s’est contenté de procéder à des affirmations générales sur la nature et les raisons d’être des mesures restrictives ainsi que sur sa compétence pour adopter de telles mesures à l’encontre d’une personne ou entité qui, comme la requérante, aiderait des « entités désignées à enfreindre le règlement de l’UE sur l’Iran » et apporterait « un soutien financier au gouvernement iranien ».

76      Par conséquent, les éléments dont dispose le Tribunal ne contiennent aucun indice susceptible d’étayer les allégations du Conseil selon lesquelles la requérante aiderait certaines entités à enfreindre les dispositions de la réglementation de l’Union concernant les mesures restrictives à l’encontre de la République islamique d’Iran, ou apporterait un soutien financier au gouvernement iranien.

77      Il s’ensuit que le Conseil ne s’est pas acquitté de la charge de la preuve qui lui incombait en vertu de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, tel qu’interprété par la Cour dans son arrêt Kadi II, précité (voir point 61 ci-dessus).

78      Il convient dès lors d’accueillir le troisième moyen.

79      Il s’ensuit que les actes attaqués doivent être annulés pour autant qu’ils concernent la requérante, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les premier, deuxième et quatrième moyens.

 Sur les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués

80      En vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs. Il résulte de la jurisprudence que cette disposition permet au juge de l’Union de décider de la date de prise d’effet de ses arrêts en annulation (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2013, Nabipour e.a./Conseil, T‑58/12, non publié au Recueil, points 250 et 251).

81      En l’espèce, le Tribunal considère, pour les raisons exposées ci-après, qu’il est nécessaire de maintenir les effets des actes attaqués dans le temps jusqu’à la date d’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, jusqu’au rejet du pourvoi.

82      En effet, il convient de rappeler que le programme nucléaire mis en œuvre par la République islamique d’Iran est une source de préoccupations vives tant sur le plan international que sur le plan européen. C’est dans ce contexte que le Conseil a graduellement élargi le nombre de mesures restrictives prises à l’encontre de cet État, en vue de faire obstacle au développement d’activités mettant en péril la paix et la sécurité internationale, dans le cadre de la mise en œuvre de résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

83      Dès lors, l’intérêt de la requérante à obtenir une prise d’effet immédiate du présent arrêt en annulation doit être mis en balance avec l’objectif d’intérêt général poursuivi par la politique de l’Union en matière de mesures restrictives à l’encontre de la République islamique d’Iran. La modulation des effets dans le temps de l’annulation d’une mesure restrictive peut ainsi se justifier par la nécessité d’assurer l’efficacité des mesures restrictives et, en définitive, par des considérations impérieuses touchant à la sûreté ou à la conduite des relations internationales de l’Union et de ses États membres (voir, par analogie avec l’absence d’obligation de communication préalable à l’intéressé des motifs de l’inscription initiale de son nom sur les listes, arrêt de la Cour du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, non encore publié au Recueil, point 67).

84      Or, l’annulation avec effet immédiat des actes attaqués en ce qu’ils concernent la requérante permettrait à cette dernière de transférer tout ou partie de ses actifs hors de l’Union, sans que le Conseil puisse, le cas échéant, appliquer en temps utile l’article 266 TFUE en vue de remédier aux irrégularités constatées dans le présent arrêt, de sorte qu’une atteinte sérieuse et irréversible risquerait d’être causée à l’efficacité de tout gel d’avoirs susceptible d’être, à l’avenir, décidé par le Conseil à l’égard de la requérante.

85      En effet, s’agissant de l’application de l’article 266 TFUE dans le cas d’espèce, il y a lieu de relever que l’annulation par le présent arrêt de l’inscription du nom de la requérante sur les listes découle du fait que les motifs de cette inscription ne sont pas étayés par des preuves suffisantes (voir point 77 ci-dessus). Bien qu’il appartienne au Conseil de décider des mesures d’exécution de cet arrêt, une nouvelle inscription du nom de la requérante ne saurait ainsi être exclue d’emblée. En effet, dans le cadre de ce nouvel examen, le Conseil a la possibilité de réinscrire le nom de la requérante sur la base de motifs étayés à suffisance de droit.

86      Il s’ensuit que les effets de l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2013/270, et de l’annexe IX du règlement n° 267/2012, tel que modifié par le règlement d’exécution n° 522/2013, doivent être maintenus à l’égard de la requérante, jusqu’à la date d’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi est introduit dans ce délai, jusqu’au rejet du pourvoi.

 Sur les dépens

87      L’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de le condamner aux dépens de la présente instance, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision 2012/829/PESC du Conseil, du 21 décembre 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant les mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, est annulée en ce qu’elle a inscrit le nom de Sorinet Commercial Trust Bankers Ltd dans l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC.

2)      Le règlement d’exécution (UE) n° 1264/2012 du Conseil, du 21 décembre 2012, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, est annulé en ce qu’il a inscrit le nom de Sorinet Commercial Trust Bankers dans l’annexe IX du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010.

3)      La décision 2013/270/PESC du Conseil, du 6 juin 2013, modifiant la décision 2010/413, est annulée en ce qu’elle a maintenu le nom de Sorinet Commercial Trust Bankers dans l’annexe II de la décision 2010/413.

4)      Le règlement d’exécution (UE) n° 522/2013 du Conseil, du 6 juin 2013, mettant en œuvre le règlement n° 267/2012, est annulé en ce qu’il a maintenu le nom de Sorinet Commercial Trust Bankers dans l’annexe IX du règlement n° 267/2012.

5)      Les effets de l’annexe II de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2013/270, et de l’annexe IX du règlement n° 267/2012, tel que modifié par le règlement d’exécution n° 522/2013, en ce qui concerne Sorinet Commercial Trust Bankers, sont maintenus jusqu’à la date d’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, jusqu’au rejet du pourvoi.

6)      Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Sorinet Commercial Trust Bankers.

van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 juillet 2014.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité du recours

Sur la recevabilité de la demande d’adaptation des conclusions

Sur le fond

Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

Sur les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.