Language of document : ECLI:EU:T:2021:449

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

14 juillet 2021 (*)

 « Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation au Venezuela – Gel des fonds – Listes des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Inscription du nom du requérant sur les listes – Maintien du nom du requérant sur les listes – Obligation de motivation – Droits de la défense – Principe de bonne administration – Droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur d’appréciation »

Dans l’affaire T‑247/18,

Tibisay Lucena Ramírez, demeurant à Caracas (Venezuela), représentée par Mes L. Giuliano et F. Di Gianni, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes S. Kyriakopoulou, P. Mahnič et M. A. Antoniadis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision (PESC) 2018/90 du Conseil, du 22 janvier 2018, modifiant la décision (PESC) 2017/2074 concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2018, L 16 I, p. 14), et de la décision (PESC) 2018/1656 du Conseil, du 6 novembre 2018, modifiant la décision (PESC) 2017/2074 concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2018, L 276, p. 10), et, d’autre part, du règlement d’exécution (UE) 2018/88 du Conseil, du 22 janvier 2018, mettant en œuvre le règlement (UE) 2017/2063 concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2018, L 16 I, p. 6), et du règlement d’exécution (UE) 2018/1653 du Conseil, du 6 novembre 2018, mettant en œuvre le règlement (UE) 2017/2063 concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2018, L 276, p. 1), en ce que ces actes concernent la requérante,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos, président, Mme I. Reine (rapporteure) et M. L. Truchot, juges,

greffier : M. B. Lefebvre, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 3 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Mme Tibisay Lucena Ramírez, est la présidente du Consejo Nacional Electoral (Conseil électoral national, ci-après le « CNE ») du Venezuela. En vertu des articles 292 et 293 de la Constitution vénézuélienne, le CNE exerce le « pouvoir électoral » en tant qu’organe directeur auquel d’autres organismes sont subordonnés. À ce titre, notamment, il réglemente l’application des lois électorales, organise, administre, dirige et surveille tous les actes relatifs à l’élection des candidats chargés de la représentation populaire ainsi qu’aux référendums. Dans le cadre de ses missions, il lui incombe, notamment, de garantir l’égalité, la fiabilité, l’impartialité, la transparence et l’efficacité des processus électoraux.

 Mise en place du régime de mesures restrictives : décision (PESC) 2017/2074 et règlement (UE) 2017/2063

2        Le 13 novembre 2017, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision (PESC) 2017/2074, concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2017, L 295, p. 60). Selon son considérant 1, cette décision était motivée par la dégradation constante de la démocratie, de l’état de droit et des droits de l’homme au Venezuela.

3        La décision 2017/2074 comporte, en substance, premièrement, une interdiction d’exporter, vers le Venezuela, des armes, des équipements militaires ou tout autre équipement susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne ainsi que des équipements, de la technologie ou des logiciels de surveillance et, deuxièmement, une interdiction de fournir des services financiers, techniques ou autres en rapport avec ces biens et ces technologies.

4        L’article 6, paragraphe 1, de la décision 2017/2074 prévoit en outre ce qui suit :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire :

a)      des personnes physiques qui sont responsables de violations graves des droits de l’homme ou d’atteintes graves à ceux-ci ou d’actes de répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique au Venezuela ; ou

b)      des personnes physiques dont les actions, les politiques ou les activités portent atteinte d’une quelconque autre manière à la démocratie ou à l’état de droit au Venezuela,

dont la liste figure à l’annexe I. »

5        L’article 7 de la décision 2017/2074 dispose :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes, entités ou organismes ci-après, de même que tous les fonds et ressources économiques possédés, détenus ou contrôlés par les personnes, entités ou organismes ci-après :

a)      les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes qui sont responsables de violations graves des droits de l’homme ou d’atteintes graves à ceux-ci ou d’actes de répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique au Venezuela ;

b)      les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes dont les actions, les politiques ou les activités portent atteinte d’une quelconque autre manière à la démocratie ou à l’état de droit au Venezuela,

dont la liste figure à l’annexe I.

2.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes physiques ou morales, entités et organismes associés aux personnes, entités ou organismes visés au paragraphe 1 dont la liste figure à l’annexe II, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, ces entités ou ces organismes ont en leur possession, détiennent ou contrôlent.

3.      Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est mis à la disposition, directement ou indirectement, des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe I ou II, ni n’est dégagé à leur profit.

[...] »

6        L’article 8 de la décision 2017/2074 est libellé comme suit :

« 1.      Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, établit et modifie les listes figurant aux annexes I et II.

2.      Le Conseil communique la décision visée au paragraphe 1 à la personne physique ou morale, à l’entité ou à l’organisme concerné, y compris les motifs de son inscription sur la liste, soit directement si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

3.      Si des observations sont formulées, ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil réexamine la décision visée au paragraphe 1 et en informe la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme concerné en conséquence. »

7        L’article 13, second alinéa, de la décision 2017/2074 dispose que cette décision fait l’objet d’un suivi constant et est prorogée, ou modifiée, le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints.

8        À la date de l’adoption de la décision 2017/2074, ses annexes I et II ne comportaient encore le nom d’aucune personne ou entité.

9        Sur le fondement de l’article 215 TFUE et de la décision 2017/2074, le Conseil a adopté, le 13 novembre 2017, le règlement (UE) 2017/2063, concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2017, L 295, p. 21). En ce qui concerne le gel des fonds des personnes visées, ce règlement reprend, en substance, les dispositions de la décision 2017/2074. En particulier, les annexes IV et V dudit règlement correspondent respectivement aux annexes I et II de la décision 2017/2074. En vertu de l’article 17, paragraphe 4, du même règlement, ces deux annexes sont réexaminées à intervalles réguliers, et au moins tous les douze mois.

10      À la date de l’adoption du règlement 2017/2063, ses annexes IV et V ne comportaient encore le nom d’aucune personne ou entité.

11      L’article 13, premier alinéa, de la décision 2017/2074 prévoyait, dans sa version initiale, que cette décision était applicable jusqu’au 14 novembre 2018.

12      En revanche, le règlement 2017/2063 n’est assorti d’aucun terme.

 Inscription du nom de la requérante sur les listes : décision (PESC) 2018/90 et règlement d’exécution (UE) 2018/88

13      Le 22 janvier 2018, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2018/90 modifiant la décision 2017/2074 (JO 2018, L 16 I, p. 14). Le même jour, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2018/88 mettant en œuvre le règlement 2017/2063 (JO 2018, L 16 I, p. 6). Cette décision et ce règlement d’exécution (ci-après, ensemble, les « actes initiaux ») ont été publiés le jour même au Journal officiel de l’Union européenne. Selon les considérants 4 des actes initiaux, « la situation au Venezuela ne cessant de se dégrader, il conv[enai]t d’inscrire sept personnes sur la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes faisant l’objet de mesures restrictives » figurant à l’annexe I de la décision 2017/2074 et à l’annexe IV du règlement 2017/2063. Les actes initiaux ont par conséquent modifié lesdites annexes. Le nom de la requérante y a ainsi été inscrit de la manière suivante : « 3 – Nom : Tibisay Lucena Ramírez – Informations d’identification : Date de naissance : 26.4.1959 – Motifs de l’inscription : Présidente du [CNE]. Ses actions et les politiques qu’elle a menées ont porté atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela, notamment en facilitant la mise en place de l’Assemblée [nationale] constituante et en ne veillant pas à ce que le CNE demeure une institution impartiale et indépendante, ainsi que le prévoit la Constitution vénézuélienne – Date de l’inscription : 22.1.2018 ».

14      Le 23 janvier 2018 a été publié au Journal officiel un avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2017/2074, modifiée par la décision 2018/90, et par le règlement 2017/2063, mis en œuvre par le règlement d’exécution 2018/88, concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2018, C 23, p. 4).

15      Par courriel du 20 février 2018, le représentant de la requérante a demandé au Conseil d’avoir accès au dossier contenant les éléments de preuve, les documents et les informations justifiant les actes initiaux. Le Conseil a accusé réception de cette demande le lendemain.

16      Par courriel du 3 avril 2018, le Conseil a envoyé au représentant de la requérante les deux documents sur lesquels les actes initiaux étaient fondés, à savoir un document de travail daté du 22 mars 2018 portant la référence WK 3499/2018 INIT et l’extrait 3 d’une annexe à un document daté du 27 mars 2018 et portant la référence COREU CFSP/0702/17.

17      En réponse à une demande d’éclaircissement du représentant de la requérante, le Conseil a précisé, le 6 avril 2018, que le document COREU CFSP/0702/17 datait en réalité du 6 décembre 2017 mais, ayant dû être déclassifié en raison de la demande d’accès, il portait la date du 27 mars 2018.

 Faits postérieurs à l’introduction du présent recours

18      Le 6 novembre 2018, la décision (PESC) 2018/1656 du Conseil modifiant la décision 2017/2074 (JO 2018, L 276, p. 10) a prorogé la validité des mesures restrictives jusqu’au 14 novembre 2019, y compris en ce qui concerne la requérante. La décision 2018/1656 a également remplacé la mention 7 de l’annexe I de la décision 2017/2074, modifiant ainsi le motif d’inscription d’une autre personne visée par les mesures restrictives en cause. Le 6 novembre 2018, également, le règlement d’exécution (UE) 2018/1653 du Conseil mettant en œuvre le règlement 2017/2063 (JO 2018, L 276, p. 1) a modifié dans le même sens la mention 7 de l’annexe IV de ce dernier règlement.

19      Par lettre du 7 novembre 2018, le Conseil a informé le représentant de la requérante qu’il avait été décidé de proroger la validité des mesures restrictives en cause à l’égard de celle-ci. En outre, il a été informé de la possibilité de soumettre une demande de réexamen de cette décision auprès du Conseil jusqu’au 23 août 2019. Cette lettre n’a été suivie d’aucune réponse.

20      Le 7 novembre 2018 a été publié au Journal officiel un avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2017/2074, modifiée par la décision 2018/1656, et par le règlement 2017/2063, mis en œuvre par le règlement d’exécution 2018/1653, concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Venezuela (JO 2018, C 401, p. 2).

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2018, la requérante a introduit le présent recours.

22      La phase écrite de la procédure a été close le 18 décembre 2018.

23      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 17 janvier 2019, la requérante a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, adapté la requête afin de solliciter également l’annulation de la décision 2018/1656 et du règlement d’exécution 2018/1653, en tant que ces actes la concernent. Le Conseil a déposé ses observations sur le mémoire en adaptation au greffe du Tribunal le 15 février 2019.

24      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, la juge rapporteure a été affectée à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

25      Par lettre du 20 décembre 2019, les parties ont été invitées à présenter des observations sur une éventuelle jonction des affaires T‑245/18, Benavides Torres/Conseil, T‑246/18, Moreno Pérez/Conseil, T‑247/18, Lucena Ramírez/Conseil, T‑248/18, Cabello Rondón/Conseil, T‑249/18, Saab Halabi/Conseil et T‑35/19, Benavides Torres/Conseil, aux fins de la phase orale de la procédure. Les parties ont répondu ne pas avoir d’objections à une telle jonction.

26      Par décision du 28 janvier 2020, le président de la septième chambre du Tribunal a décidé de joindre lesdites affaires (ci-après les « affaires jointes »), aux fins de la phase orale de la procédure. Le même jour, la phase orale de la procédure a été ouverte et la date de l’audience de plaidoiries a été fixée au 23 avril 2020.

27      Le 7 février 2020, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties dans les affaires jointes à répondre à des questions, pour réponse écrite avant l’audience et pour réponse orale lors de l’audience. Les parties dans les affaires jointes ont répondu aux questions pour réponse écrite dans le délai imparti. Le 13 mars 2020, le Tribunal les a invitées à présenter leurs observations éventuelles sur les réponses de l’autre partie. Les parties dans les affaires jointes ont présenté leurs observations dans le délai imparti.

28      L’audience de plaidoiries initialement prévue le 23 avril 2020 ayant été reportée en raison de la crise sanitaire, les parties dans les affaires jointes ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 septembre 2020.

29      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes initiaux ainsi que la décision 2018/1656 et le règlement d’exécution 2018/1653 (ci-après, ensemble, les « actes attaqués »), en tant que leurs dispositions la concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

30      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, si les mesures restrictives visant la requérante devaient être annulées, ordonner le maintien des effets de la décision 2018/1656 en ce qui concerne celle-ci jusqu’à la prise d’effet de l’annulation partielle du règlement d’exécution 2018/88 ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité de l’adaptation de la requête

31      Dans son mémoire en adaptation, par lequel la requérante sollicite l’annulation de la décision 2018/1656 et du règlement d’exécution 2018/1653, elle fait valoir que, par ces deux actes, le Conseil a maintenu son nom sur la liste figurant à l’annexe I de la décision 2017/2074 et sur la liste figurant à l’annexe IV du règlement 2017/2063, après réexamen de sa situation et pour un motif inchangé par rapport à son inscription initiale. Cette décision et ce règlement d’exécution auraient eu pour effet de proroger jusqu’au 14 novembre 2019 la période pendant laquelle les mesures restrictives en cause lui sont applicables.

32      Dans le cadre de ses observations sur le mémoire en adaptation, le Conseil soulève une exception d’irrecevabilité en ce que ce mémoire tend à l’annulation du règlement d’exécution 2018/1653, au motif que la requérante n’a pas de qualité pour agir. Le Conseil fait valoir que ce règlement d’exécution ne mentionne pas spécifiquement le nom de la requérante et ne remplace pas un acte la concernant directement et individuellement. Dès lors, la requérante n’aurait pas qualité à agir.

33      Dans sa réponse à une question posée dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le Conseil ajoute que le réexamen périodique prévu à l’article 17, paragraphe 4, du règlement 2017/2063 n’aboutit pas nécessairement à l’adoption d’un acte juridique nouveau. Selon le Conseil, en l’espèce, s’il n’avait pas été nécessaire de modifier les informations concernant une personne autre que la requérante, le règlement d’exécution 2018/1653 n’aurait pas été adopté. Cet acte n’aurait ni pour objet ni pour effet de maintenir l’inscription de la requérante sur la liste figurant à l’annexe du règlement 2017/2063. Dès lors, la requérante ne disposerait pas d’intérêt à agir contre ledit acte.

34      À cet égard, il y a lieu d’observer que l’article 13, second alinéa, de la décision 2017/2074 prévoit que celle-ci doit faire l’objet d’un suivi constant. Le considérant 2 de la décision 2018/1656 fait expressément état d’un réexamen de la décision 2017/2074.

35      En revanche, le règlement d’exécution 2018/1653 ne comporte pas une telle mention. Il ne saurait, toutefois, en être déduit que le Conseil n’a pas procédé au réexamen de la situation et que cette absence de réexamen ferait obstacle à l’adaptation de la requête. L’article 17, paragraphe 4, du règlement 2017/2063 dispose en effet que la liste figurant à l’annexe IV de celui-ci est examinée à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois. Or, la recevabilité d’un recours ne saurait dépendre du bon vouloir du Conseil, selon que celui-ci estime avoir effectivement réexaminé ou non le maintien de l’inscription du nom de la personne concernée sur les listes en cause, ce qui irait à l’encontre du principe de sécurité juridique (arrêt du 9 juillet 2014, Al-Tabbaa/Conseil, T‑329/12 et T‑74/13, non publié, EU:T:2014:622, point 47). Dès lors, le Conseil ne saurait faire valoir que, en l’espèce, il n’a opéré aucun réexamen de la situation de la requérante, contrairement à ses obligations, afin d’en tirer un bénéfice en ce qui concerne la recevabilité du recours dirigé contre le règlement d’exécution 2018/1653. De surcroît, en raison de l’étroite imbrication des deux textes, il doit être considéré que le réexamen de la situation, que le Conseil admet avoir effectué pour adopter la décision 2018/1656, a été un préalable nécessaire également pour l’adoption du règlement d’exécution 2018/1653.

36      Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter les fins de non-recevoir soulevées par le Conseil et de constater que les conclusions du mémoire en adaptation sont recevables, y compris en ce qu’elles visent le règlement d’exécution 2018/1653.

 Sur le fond

37      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens tirés, le premier, de la violation de l’obligation de motivation, du principe de bonne administration et de ses droits de la défense ainsi que de son droit à une protection juridictionnelle effective et, le second, d’une absence d’éléments de preuve et d’« erreurs manifestes d’appréciation ».

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, du principe de bonne administration et des droits de la défense ainsi que du droit à une protection juridictionnelle effective

38      Il convient de relever d’emblée que le premier moyen est dirigé uniquement contre les actes initiaux, un tel moyen n’étant pas repris dans le mémoire en adaptation.

39      D’une part, la requérante prétend, en substance, que les actes initiaux ne sont pas suffisamment motivés. En ce sens, elle soutient que les motifs figurant à l’annexe I de la décision 2017/2074 et à l’annexe IV du règlement 2017/2063, telles que modifiées par les actes initiaux, étaient trop vagues pour qu’elle puisse apprécier pleinement à quels faits concrets le Conseil faisait référence. D’autre part, elle fait valoir que, malgré ses démarches entamées le 20 février 2018, le Conseil ne lui a accordé l’accès aux documents justifiant les actes initiaux que le 3 avril suivant, c’est-à-dire à un moment où il ne lui restait plus que treize jours calendaires ou neuf jours ouvrables pour introduire son recours. Dès lors, la requérante conclut que le Conseil n’a pas satisfait, dans un délai raisonnable, à sa demande d’accès à son dossier et a ainsi violé le principe de bonne administration, ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective.

40      Le Conseil conteste les arguments de la requérante.

–       Sur la violation de l’obligation de motivation

41      Conformément à la jurisprudence, l’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et consacrée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense. Il convient de rappeler, à cet égard, que la motivation a précisément pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union européenne et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 29 et jurisprudence citée, et du 26 octobre 2016, Kaddour/Conseil, T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628, points 56 et 57 et jurisprudence citée).

42      La motivation d’un acte faisant grief doit exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de cet acte (voir arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 30 et jurisprudence citée).

43      En ce qui concerne les mesures restrictives adoptées dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), dans la mesure où la personne concernée ne dispose pas d’un droit d’audition préalable à l’adoption d’une décision initiale de gel des fonds, le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important, puisqu’il constitue l’unique garantie permettant à l’intéressé, à tout le moins après l’adoption de cette décision, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 51, et du 26 octobre 2016, Kaddour/Conseil, T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628, point 58).

44      Partant, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’opposent à la communication de certains éléments, le Conseil est tenu de porter à la connaissance d’une personne ou d’une entité visée par des mesures restrictives les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère qu’elles devaient être adoptées. Il doit ainsi énoncer les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale des mesures concernées et les considérations qui l’ont amené à les prendre (arrêt du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, point 144).

45      Cependant, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, points 53 et 54, et du 25 avril 2013, Gossio/Conseil, T‑130/11, non publié, EU:T:2013:217, points 45 et 46).

46      Il convient également de rappeler que l’obligation de motiver un acte constitue une forme substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 30 janvier 2019, Stavytskyi/Conseil, T‑290/17, EU:T:2019:37, point 57 et jurisprudence citée).

47      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le présent grief.

48      En l’espèce, s’agissant des motifs pour lesquels le Conseil a considéré que la requérante devait spécifiquement faire l’objet de mesures restrictives, la motivation, reproduite au point 13 ci-dessus, qui figure aux points 3 de l’annexe I de la décision 2017/2074 et de l’annexe IV du règlement 2017/2063, telles que modifiées par les actes initiaux, identifie, contrairement à ce que soutient en substance la requérante, les éléments spécifiques et concrets qui révèlent, selon le Conseil, l’implication de celle-ci dans des atteintes à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela.

49      En effet, il convient de relever que les préambules des actes initiaux visent, respectivement, la décision 2017/2074 et le règlement 2017/2063. Or, aux considérants 1 et 5 à 8 de la décision 2017/2074, ainsi qu’aux considérants 1 et 2 du règlement 2017/2063, le Conseil a exposé le contexte général l’ayant conduit à prévoir des mesures restrictives à l’encontre du Venezuela et de certaines personnes ou entités vénézuéliennes. Il en ressort que ce contexte général se caractérisait par la dégradation constante de la démocratie, de l’état de droit et des droits de l’homme au Venezuela résultant, notamment, de la décision des autorités de procéder à l’élection d’une Assemblée nationale constituante (ci-après l’« Assemblée constituante »), qui a aggravé la crise au Venezuela et a porté atteinte à d’autres institutions prévues par la Constitution vénézuélienne, telles que l’Assemblée nationale. En outre, eu égard à sa fonction de présidente du CNE, la requérante ne pouvait ignorer ce contexte.

50      De plus, ainsi que cela a été indiqué aux points 4 et 5 ci-dessus, conformément à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, de la décision 2017/2074, le critère général d’inscription établi par le Conseil vise notamment les personnes physiques « dont les actions, les politiques ou les activités portent atteinte d’une quelconque autre manière à la démocratie ou à l’état de droit au Venezuela ». Ce critère est également repris par l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/2063.

51      Dès lors, la lecture des motifs d’inscription de la requérante permet de comprendre que les raisons spécifiques et concrètes ayant conduit le Conseil à adopter des mesures restrictives à l’encontre de la requérante sont fondées sur la prétendue responsabilité de cette dernière dans l’atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela, du fait que, par ses actions et ses politiques, en tant que présidente du CNE, elle a facilité la mise en place de l’Assemblée constituante, laquelle portait atteinte, selon le Conseil, aux intérêts d’institutions prévues par la Constitution vénézuélienne, et n’a pas assuré, en méconnaissance de cette Constitution, l’impartialité et l’indépendance de l’institution qu’elle présidait.

52      De surcroît, il convient de relever que le fait que la requérante a pu comprendre les motifs qui, selon le Conseil, justifiaient l’adoption de mesures restrictives à son égard est confirmé par la teneur du second moyen du présent recours. En effet, la requérante a été capable d’identifier les faits précis qui lui étaient reprochés et de contester leur exactitude. La requérante a pu, en outre, exposer le cadre juridique définissant le rôle du CNE et régissant son action et soutenir ainsi que les actes initiaux étaient le résultat d’une méconnaissance de ce cadre. La requérante a, de surcroît, pu soutenir, au vu des fonctions du président du CNE, qu’elle n’avait pu, en cette qualité, influencer les décisions de ce dernier. La requérante a encore pu exposer que l’organisation d’élections de l’Assemblée constituante était conforme à la Constitution vénézuélienne, contrairement à ce que prétend le Conseil, que le CNE avait agi avec impartialité et indépendance à cette occasion et que son action avait consisté à protéger le droit de vote des électeurs contre des facteurs externes et des agressions. La requérante a, par ailleurs, pu réfuter les allégations de fraudes électorales que le Conseil lui reprochait.

53      Il s’ensuit que la motivation des actes initiaux a mis la requérante en mesure de comprendre et de contester les motifs de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

54      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation par le Conseil.

–       Sur la violation du principe de bonne administration, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

55      À titre liminaire, il y a lieu de remarquer que le grief de la requérante selon lequel le Conseil a violé le principe de bonne administration, son droit à une protection juridictionnelle effective et ses droits de la défense n’est pas étayé par des arguments spécifiques à chacune de ces violations, mais se borne à renvoyer à une argumentation commune. Dans ces circonstances, il y a lieu d’examiner conjointement lesdites violations.

56      Il convient de rappeler que le respect des droits de la défense, qui est consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, à laquelle le traité UE reconnaît la même valeur juridique que les traités, comporte notamment le droit d’accès au dossier, tandis que le droit à une protection juridictionnelle effective, qui est affirmé à l’article 47 de ladite Charte, exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Klyuyev/Conseil, T‑340/14, EU:T:2016:496, point 55).

57      Plus précisément, les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective impliquent que l’autorité de l’Union qui adopte des mesures restrictives communique à l’intéressé les éléments sur lesquels ces mesures sont fondées ou lui accorde le droit d’en prendre connaissance dans un délai raisonnable après l’édiction de ces mesures (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 2014, Yusef/Commission, T‑306/10, EU:T:2014:141, point 90, et du 13 décembre 2016, Al-Ghabra/Commission, T‑248/13, EU:T:2016:721, point 49).

58      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cas d’une décision initiale de gel de fonds, le Conseil n’est pas tenu de communiquer au préalable à la personne ou à l’entité concernée les motifs sur lesquels cette institution entend fonder l’inclusion du nom de cette personne ou de cette entité dans la liste pertinente, afin de garantir l’effet de surprise nécessaire à l’efficacité d’une telle mesure. Dans un tel cas, il suffit, en principe, que l’institution procède à la communication des motifs à la personne ou à l’entité concernée et ouvre le droit à l’audition de celle-ci concomitamment avec ou immédiatement après l’adoption de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61).

59      En l’espèce, dans le contexte particulier de l’inscription initiale sur les listes litigieuses nécessitant d’assurer un effet de surprise, indépendamment de la question de savoir si le Conseil a communiqué son dossier à la requérante dans un délai raisonnable, il convient de déterminer si la requérante n’était pas en mesure de contester les éléments dudit dossier devant le Tribunal (voir, par analogie, arrêts du 18 septembre 2014, Georgias e.a./Conseil et Commission, T‑168/12, EU:T:2014:781, point 106, et du 15 juin 2017, Kiselev/Conseil, T‑262/15, EU:T:2017:392, point 153). Or, force est de constater que celle-ci a été mise en mesure de contester les éléments de ce dossier devant le Tribunal, ainsi qu’il ressort des arguments invoqués dans la requête décrits au point 52 ci-dessus, dans le cadre desquels la requérante met en cause la pertinence et la valeur probante d’éléments de preuve retenus par le Conseil dans son dossier.

60      En outre, dans l’hypothèse où la requérante aurait voulu soulever des arguments qu’elle n’aurait pas eu la possibilité d’invoquer dans sa requête en raison de la prétendue communication tardive du dossier par le Conseil, elle aurait pu présenter ces éventuels arguments supplémentaires dans son mémoire en adaptation de la requête. Or, dans ce mémoire, la requérante a soutenu que les erreurs commises lors de l’adoption des actes initiaux avaient été réitérées par le Conseil lorsque celui-ci a adopté la décision 2018/1656 et le règlement d’exécution 2018/1653. Elle s’est limitée à faire valoir que le second moyen, tel que soulevé dans la requête, pouvait être transposé purement et simplement à sa demande d’annulation de cette dernière décision et de ce dernier règlement d’exécution.

61      De plus, la requérante reste en défaut d’expliquer, également lors de l’audience, quels sont les arguments et les éléments qu’elle aurait pu faire valoir si elle avait reçu le dossier du Conseil plus tôt.

62      Par conséquent, la requérante n’a pas démontré que la communication prétendument tardive du dossier du Conseil a porté atteinte à ses droits de la défense, à son droit à une protection juridictionnelle effective et au principe de bonne administration.

63      À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent grief et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré d’une absence d’éléments de preuve et d’« erreurs manifestes d’appréciation »

64      Le second moyen est dirigé contre l’ensemble des actes attaqués.

65      La requérante divise ce moyen en deux branches, la première, tirée de ce que le Conseil n’a pas démontré sa participation aux actes auxquels il fait référence et, la seconde, tirée d’« erreurs manifestes d’appréciation ».

66      Il y a lieu d’observer que les deux branches se recoupent, en ce que la requérante y traite de son rôle de présidente du CNE et des atteintes à la démocratie au Venezuela qui lui sont reprochées. Dès lors, il convient de les examiner ensemble.

67      La requérante soutient que le Conseil a fondé les actes attaqués sur la circonstance que, en tant que présidente du CNE, elle était responsable des actes de celui-ci. Or, à défaut d’éléments prouvant sa participation directe aux faits allégués, sa seule qualité de présidente du CNE ne suffirait pas à prouver qu’elle a porté atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela. Une inscription sur une liste de personnes visées par des mesures restrictives ne saurait, en effet, se fonder sur des présomptions non étayées par le comportement des intéressés.

68      La requérante fait valoir que les dispositions qui sont applicables au CNE ne confèrent pas à sa présidente la responsabilité des actions, des décisions ou des omissions de cette institution et que la présidente est seulement investie de tâches de nature organisationnelle et administrative. En outre, si, en tant que membre du CNE, fonction qui serait entièrement indépendante de celle de présidente du CNE, elle avait pu exercer, par son vote, une influence sur les décisions de ce dernier, celles-ci seraient néanmoins adoptées à la majorité simple des voix, sans que la voix de sa présidente soit prépondérante.

69      La requérante ajoute que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il n’a pas tenu compte de la circonstance que les dispositions applicables au CNE garantissent son indépendance.

70      La requérante conteste également le motif d’inscription selon lequel elle aurait facilité la mise en place de l’Assemblée, qualifiée par le Conseil d’inconstitutionnelle. Elle fait valoir, à cet égard, que, le 1er mai 2017, le président du Venezuela de l’époque a adopté le décret no 2.830 invitant à mettre en place cette assemblée. Elle expose également que le CNE a estimé que ce décret était conforme à la Constitution vénézuélienne, au motif, d’une part, que, en vertu de l’article 348 de la Constitution, le président de la République, siégeant en conseil des ministres, a le droit de convoquer une assemblée constituante et, d’autre part, que la Constitution ne prévoit pas de procédure spécifique à ce propos. La requérante ajoute que le Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême, Venezuela) a confirmé la décision du CNE par son arrêt no 378 du 31 mai 2017. Par ailleurs, si le secrétaire général de l’Organisation des États américains (OEA) aurait certes considéré que l’Assemblée constituante était inconstitutionnelle, il aurait précisément omis de tenir compte de l’article 348 de la Constitution.

71      Le Conseil conteste les arguments de la requérante.

72      Il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel, garantie par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 64).

73      À cette fin, il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée ; arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 65).

74      C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 66).

75      À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 67).

76      En ce qui concerne les moyens de preuve qui peuvent être invoqués, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves [arrêt du 6 septembre 2013, Persia International Bank/Conseil, T‑493/10, EU:T:2013:398, point 95 (non publié)]. À cet égard, il importe de rappeler que, en l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, l’appréciation des autorités de l’Union doit, de fait, se fonder sur des sources d’information accessibles au public, des rapports, des articles de presse ou d’autres sources d’information similaires (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 107). Notamment, il ressort de la jurisprudence que le juge de l’Union peut prendre en considération des rapports d’organisations internationales (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 48).

77      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, eu égard à la nature préventive des mesures restrictives adoptées par le Conseil, si, dans le cadre de son contrôle de la légalité des actes attaqués, le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés dans ces actes à l’égard d’une personne visée par ces mesures est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir la décision d’inscrire ou de maintenir le nom de cette personne sur les listes annexées auxdits actes, la circonstance que d’autres motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ces actes (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 130 ; du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72, et du 26 mars 2019, Boshab e.a./Conseil, T‑582/17, non publié, EU:T:2019:193, point 221).

78      C’est au vu de ces principes qu’il y a lieu d’apprécier si sont entachés d’erreurs d’appréciation les motifs de l’inscription et du maintien de la requérante sur les listes litigieuses, tirés du fait que, compte tenu de sa fonction de présidente du CNE, elle était responsable d’avoir porté atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela, notamment en facilitant la mise en place de l’Assemblée constituante et en ne veillant pas à ce que le CNE demeure une institution impartiale et indépendante, ainsi que le prévoit la Constitution vénézuélienne.

79      Ainsi que cela a été indiqué aux points 4 et 5 ci-dessus, conformément à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, de la décision 2017/2074, le critère général établi, aux fins de l’inscription sur les listes litigieuses, vise notamment les personnes physiques « dont les actions, les politiques ou les activités portent atteinte d’une quelconque autre manière à la démocratie ou à l’état de droit au Venezuela ». Ce critère est également repris par l’article 8, paragraphe 3, du règlement 2017/2063.

80      À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, en ce qui concerne le contexte général au Venezuela, il ressort des considérants 1 et 5 à 8 de la décision 2017/2074 et des considérants 1 et 2 du règlement 2017/2063 que les actes attaqués ont été adoptés en raison de la détérioration constante de la démocratie, de l’état de droit et des droits de l’homme au Venezuela, résultant notamment de l’usage excessif de la force, ainsi que des actes de répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique. Au considérant 6 de la décision 2017/2074, il est indiqué que, le 2 août 2017, l’Union a déploré vivement la décision prise par les autorités vénézuéliennes de poursuivre l’élection d’une Assemblée constituante, décision qui a durablement aggravé la crise au Venezuela et a entraîné le risque de porter atteinte à d’autres institutions légitimes prévues par la Constitution vénézuélienne, telles que l’Assemblée nationale.

81      Ce contexte général de la situation au Venezuela a également été invoqué par le Conseil devant le Tribunal, sans qu’il soit contredit par la requérante. Le Conseil a ainsi rappelé que, après le mois de décembre 2015, à la suite des élections de l’Assemblée nationale, une coalition de partis d’opposition avait gagné la majorité des sièges. Au mois de janvier 2016, le président du Venezuela de l’époque a décrété l’état d’urgence au Venezuela et a gouverné par décrets. Au mois d’avril 2017, des manifestations quasi quotidiennes se sont déroulées pendant plusieurs mois, ayant pour conséquence un grand nombre de décès et de blessés parmi les civils et des milliers d’arrestations. Au mois de mai 2017, le président du Venezuela de l’époque a annoncé la création d’une Assemblée constituante dont les membres avaient été élus le 30 juillet 2017 par un processus électoral boycotté par l’opposition.

82      Le dossier du Conseil contient, parmi les éléments justifiant l’inscription et le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses, des preuves telles qu’un rapport et deux communiqués de presse de l’OEA, ainsi qu’un article de presse, contenant des informations sur le caractère illégitime et inconstitutionnel de l’Assemblée constituante, notamment en raison de l’empiétement de cette dernière sur les pouvoirs de l’Assemblée nationale.

83      En particulier, premièrement, le communiqué de presse de l’OEA du 3 juin 2017, précédant les élections de l’Assemblée constituante du 30 juillet 2017, contient un message du secrétaire général de l’OEA relatif au Venezuela. Dans ce communiqué, il est fait état du caractère illégitime et inconstitutionnel de l’Assemblée constituante, notamment en ce que cette dernière viserait à dénaturer, de manière définitive, la « Magna Carta ».

84      Deuxièmement, un article, paru le même jour sur le site Internet « elimpulso.com », communique des informations contenues dans une déclaration publique du 23 mai 2017 émanant de l’organisme « Réseau électoral citoyen », selon lequel la mise en place de l’Assemblé constituante visait, notamment, à annuler un pouvoir légitimement constitué tel que l’Assemblée nationale.

85      Troisièmement, le 19 juillet 2017, peu de temps avant les élections de l’Assemblée constituante, l’OEA a publié un communiqué de presse reprenant une déclaration de son secrétaire général devant le Congrès des États-Unis d’Amérique. Le secrétaire général de l’OEA y avait souligné le fait que l’Assemblée constituante, ayant pour objectif d’imposer une dictature au Venezuela, aurait des pouvoirs supraconstitutionnels afin d’éliminer les institutions étatiques, en particulier l’Assemblée nationale légitimement élue par le peuple, et viserait à contribuer à la répression et à la limitation des libertés.

86      Quatrièmement, après les élections de l’Assemblée constituante, dans un rapport du 25 septembre 2017, l’OEA a exposé que, immédiatement après sa mise en place, l’Assemblée constituante a, d’une part, dépossédé l’Assemblée nationale de ses pouvoirs législatifs sans pour autant que celle-ci soit dissoute et, d’autre part, assumé les pouvoirs de cette dernière. En outre, il ressort du même document que l’Assemblée constituante a destitué la procureure générale du Venezuela en fonction, alors que celle-ci avait auparavant exprimé son désaccord avec le Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) et le pouvoir exécutif. Selon l’OEA, la mise en place de l’Assemblée constituante a marqué la fin de la séparation des pouvoirs au Venezuela.

87      Il importe de relever que les informations qui précèdent rejoignent les préoccupations de l’Union décrites au considérant 6 de la décision 2017/2074, cité au point 80 ci-dessus.

88      Dès lors, force est de constater que, compte tenu des éléments fiables avancés par le Conseil, la requérante ne saurait contester le caractère illégitime et inconstitutionnel de l’Assemblée constituante, d’autant plus qu’elle n’a pas remis en cause les informations exposées aux points 83 à 87 ci-dessus. Au demeurant, la requérante n’est pas fondée à invoquer le fait que le CNE, sous sa présidence et avec sa voix, a considéré que la proposition du président du Venezuela de l’époque sur la mise en place de cette Assemblée était conforme à la Constitution vénézuélienne. En effet, elle n’a pas contesté avoir soutenu la décision du CNE, qu’elle a présidé, et, en tout état de cause, elle n’a pas corroboré cette allégation par une source externe et fiable. À cet égard, afin de démontrer la constitutionalité et la légitimité de la mise en place de l’Assemblée constituante, la requérante avance une étude de la Commission internationale de juristes de juillet 2017. Toutefois, elle n’identifie pas les éléments précis contenus dans cette étude venant à l’appui de sa thèse.

89      Quant à la circonstance que le Tribunal Supremo de Justicia (Cour suprême) a confirmé la décision du CNE par un arrêt no 378 du 31 mai 2017, il y a lieu d’observer que l’indépendance de cette juridiction est elle-même contestée, ainsi que cela ressort du rapport de Human Rights Watch pour l’année 2015 sur le Venezuela, figurant dans le dossier du Conseil, et que, ainsi qu’il ressort des listes litigieuses, le président de cette institution fait lui-même l’objet de mesures restrictives pour avoir « soutenu et facilité les actions et politiques du gouvernement, qui ont porté atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela ».

90      En deuxième lieu, il convient de rappeler que le CNE est l’organe qui, en vertu de l’article 292 de la Constitution vénézuélienne, est à la tête de l’une des cinq branches de la puissance publique, à savoir le pouvoir électoral.

91      Il ressort des considérations exposées au point 88 ci-dessus que le CNE a joué un rôle important dans la mise en place de l’Assemblée constituante en soutenant ce processus. De plus, la requérante n’a pas réfuté l’affirmation du Conseil contenue dans le rapport de l’OEA du 25 septembre 2017, auquel il est fait référence dans le dossier du Conseil, selon laquelle le CNE et, au demeurant, la requérante elle-même se sont abstenus de publier des informations détaillées sur les résultats de l’élection de l’Assemblée constituante, alors que le CNE était tenu de procéder à cette publication en vertu de l’article 123 de la loi organique relative aux processus électoraux.

92      Partant, le Conseil a établi à suffisance que le CNE avait contribué à la mise en place de l’Assemblée constituante.

93      En troisième lieu, en ce qui concerne la responsabilité de la requérante, il y a lieu d’observer que celle-ci conteste non pas sa qualité de présidente du CNE, mais, en substance, son rôle en tant que présidente du CNE et son influence au sein de cette institution.

94      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que les personnes responsables des atteintes aux normes électorales, tel le vice-président d’une commission électorale centrale du pays concerné, peuvent être considérées comme étant impliquées dans des atteintes à la démocratie dans ce pays (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2014, Ipatau/Conseil, T‑646/11, non publié, EU:T:2014:800, points 140 à 144). Cette jurisprudence s’impose a fortiori en l’espèce, dès lors que, conformément à l’article 292 de la Constitution vénézuélienne, le CNE est l’instance la plus élevée dans l’administration chargée des élections, ce qui n’est pas contesté, et que la requérante en est la présidente.

95      En outre, la requérante ne conteste pas que, en sa qualité de présidente du CNE, elle a participé personnellement aux activités de cet organe. Il convient également de relever que, conformément à l’article 38, paragraphe 3, de Ley Orgánica del Poder Electoral (loi organique relative au pouvoir électoral) et ainsi que le rappelle le Conseil lors de l’audience, la présidente du CNE préside les sessions du CNE et dirige ses débats. De plus, il ne ressort pas du dossier qu’elle se soit désolidarisée à un moment donné du travail du CNE ou qu’elle ait émis la moindre réserve sur le travail accompli par ledit organe, notamment en ce qui concerne la mise en place de l’Assemblée constituante (voir, par analogie, arrêt du 23 septembre 2014, Ipatau/Conseil, T‑646/11, non publié, EU:T:2014:800, point 144).

96      Au contraire, il ressort d’un communiqué de presse du 3 juin 2017 et d’une déclaration du 19 juillet 2017 du secrétaire général de l’OEA que la requérante a soutenu activement les actions du CNE et y a joué un rôle très actif.

97      En particulier, il y a lieu de relever que, malgré l’argument de la requérante selon lequel la fonction de présidente est indépendante du rôle de membre du CNE, conformément à l’article 296 de la Constitution et aux articles 36 et 37 de la loi organique relative au pouvoir électoral, la présidente du CNE est élue par et parmi les membres de cette institution. Partant, outre ses fonctions de présidente du CNE, la requérante est nécessairement, à ce titre, membre avec un droit de vote au sein de cette institution. Or, ainsi que l’affirme la requérante, les décisions au sein du CNE sont adoptées à la majorité simple des voix de l’ensemble de ses cinq membres. De plus, la requérante précise elle-même que la proposition du président du Venezuela de l’époque sur la mise en place de l’Assemblée constituante, soumise au CNE, a été approuvée par quatre voix, dont celle de la requérante. La requérante affirme également que le rôle de membre du CNE confère à son titulaire la compétence d’exercer une influence déterminante sur les décisions adoptées par le CNE au moyen de son vote. Or, dans les actes attaqués, il lui est précisément reproché d’avoir facilité la mise en place de ladite assemblée. Il s’ensuit que la requérante a activement participé à la prise des décisions du CNE à cet égard.

98      Enfin, ainsi que cela a été exposé au point 91 ci-dessus, la requérante n’a pas réfuté l’affirmation du Conseil selon laquelle elle s’est abstenue d’annoncer des informations détaillées sur les résultats de l’élection de l’Assemblée constituante.

99      Il y a donc lieu de considérer que la requérante critique vainement le motif selon lequel elle aurait facilité la mise en place de l’Assemblée constituante dont la constitutionnalité et la légitimité sont remises en cause.

100    Cette conclusion ne saurait être contredite par l’argument de la requérante selon lequel le Conseil a commis une « erreur manifeste d’appréciation » en ce qu’il n’a pas tenu compte de la circonstance que les dispositions applicables au CNE garantissent son indépendance.

101    En effet, la question qui se pose, en l’espèce, n’est pas de savoir si les textes en vigueur organisent l’indépendance du CNE. Bien que ces textes ne puissent être ignorés, la question que posent les motifs des actes attaqués est plutôt de savoir si, dans les faits, il est établi que, dans l’exercice de ses fonctions au sein du CNE, la requérante a porté atteinte à l’état de droit et à la démocratie au Venezuela.

102    Au vu des considérations exposées aux points 72 à 101 ci-dessus dans le cadre du présent moyen, sans qu’il soit nécessaire d’examiner, eu égard à la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus, les autres motifs figurant dans les actes attaqués à l’égard de la requérante, il y a lieu de considérer que le dossier du Conseil permet d’établir que la requérante, dans l’exercice de ses fonctions de présidente du CNE, a facilité la mise en place de l’Assemblée constituante et que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil en a conclu que, compte tenu de la fonction de présidente du CNE de la requérante, et dans l’exercice de ses fonctions, elle était responsable d’avoir porté atteinte à la démocratie et à l’état de droit au Venezuela notamment en facilitant la mise en place de l’Assemblée constituante.

103    Dès lors, le second moyen doit être rejeté.

104    Partant, le premier moyen étant également rejeté, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

105    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Tibisay Lucena Ramírez est condamnée aux dépens.

da Silva Passos

Reine

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.