Language of document : ECLI:EU:T:2003:255

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

30 septembre 2003(1)

«Fonctionnaires - Nomination - Pouvoir d'appréciation de l'AIPN - Intérêt du service»

Dans l'affaire T-302/02,

Michael Kenny, fonctionnaire de la Cour de justice des Communautés européennes, demeurant à Roodt-sur-Syre (Luxembourg), représenté par Mes G. Vandersanden et L. Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Cour de justice des Communautés européennes, représentée par M. M. Schauss, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination du 11 mars 2002 rejetant la candidature du requérant à l'emploi d'administrateur visé par l'avis de vacance CJ 62/01,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de Mme V. Tiili, président, MM. P. Mengozzi et M. Vilaras, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 11 juin 2003,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    M. Kenny est entré au service de la Cour de justice en 1984 en qualité de juriste-linguiste, puis est devenu administrateur en 1991 à la suite d'un concours. En tant qu'administrateur, il a travaillé à la division de la presse et de l'information jusqu'en 1995, quand son poste a été transféré à la division «Bibliothèque».

2.
    Le 8 octobre 2001, la Cour a publié l'avis de vacance CJ 62/01 concernant un emploi d'administrateur à la division de la presse et de l'information (ci-après l'«avis de vacance»).

3.
    Le requérant, qui a été le seul à présenter sa candidature, a introduit celle-ci le 17 octobre 2001.

4.
    Le 16 janvier 2002, le requérant a eu un entretien avec le chef de la division de la presse et de l'information, M. Marro. À cet entretien, étaient également présentes Mmes Städtler et Penders.

5.
    Par mémorandum du 11 mars 2002, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») a informé le requérant du rejet de sa candidature (ci-après la «décision attaquée»). Le 12 mars 2002, le requérant a demandé à connaître la justification de cette décision.

6.
    Par mémorandum du 16 avril 2002, M. Ronayne, chef de la division du personnel, lui a répondu ce qui suit:

«Suite à votre mémorandum, j'ai l'honneur de vous informer que la décision de l'[AIPN] de ne pas retenir votre candidature a été prise après avis de M. Marro, chef de la division de la presse et de l'information. Cet avis a été formulé suite à l'entretien du 16 janvier 2002 et après consultation de votre dossier personnel. Tout d'abord, lors de l'entretien, M. Marro a noté que vous avez formulé des critiques fortes - qui l'ont laissé perplexe - contre un certain nombre de vos supérieurs et de vos anciens supérieurs. Ensuite, il a conclu, à la lecture de votre dossier personnel, que vous avez souvent eu des rapports extrêmement conflictuels avec vos chefs de service et que, ‘dans le cadre des rapports de travail, [vos] relations semblent soumises à des incertitudes fortes, soulignées dans différents rapports de notation, rédigés par différents chefs de service, dont l'actuel'. Au vu de ces difficultés, M. Marro a estimé qu'il serait contraire à l'intérêt de la division de la presse et de l'information de procéder à votre nomination à l'emploi vacant. Ce sont ces considérations qui ont amené l'[AIPN] à ne pas retenir votre candidature.»

7.
    Le 27 mai 2002, le requérant a introduit une réclamation sur la base de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») contre la décision attaquée.

8.
    La réclamation a été rejetée par la décision du comité chargé des réclamations du 25 juin 2002.

Procédure et conclusions des parties

9.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2002, le requérant a introduit le présent recours.

10.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité la défenderesse à déposer un document.

11.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l'audience du 11 juin 2003.

12.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    pour autant que besoin, annuler la décision du comité chargé des réclamations du 25 juin 2002;

-    ordonner la production par la défenderesse d'un mémorandum de M. T. Kennedy ou autoriser qu'il soit fait preuve de son existence et de son contenu au moyen de témoignages;

-    condamner la défenderesse aux dépens.

13.
    La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner le requérant à supporter ses propres dépens.

14.
    Lors de l'audience, le requérant a renoncé à son premier moyen, tiré de la violation de l'obligation de motivation.

En droit

15.
    Après avoir renoncé, lors de l'audience, au moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d'audience, le requérant invoque quatre moyens à l'appui de son recours en annulation. Le premier est tiré d'une violation de la procédure de sélection, le deuxième d'une erreur manifeste d'appréciation, le troisième d'une violation de l'article 27 du statut et le quatrième d'une violation de droits fondamentaux et de principes généraux du droit.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de la procédure de sélection

Arguments des parties

16.
    Le requérant considère que l'entretien du 16 janvier 2002 ne s'est pas déroulé dans un esprit de transparence et d'objectivité. Il soutient que les questions qui lui ont été posées lors de cet entretien étaient à la fois orientées et insuffisantes. Selon lui, M. Marro s'est surtout inquiété du fait qu'il pourrait éventuellement demander une promotion et que son arrivée dans le service pourrait se traduire par un départ aussi désastreux que celui d'une autre personne précédemment. De plus, aucune question n'aurait été posée sur la motivation de sa candidature, sur son intérêt pour le travail et sur ses capacités à l'effectuer.

17.
    M. Marro se référerait, dans l'avis qu'il a donné à l'AIPN, au dossier individuel du requérant pour y puiser, a posteriori, des éléments contre lui, mais de tels éléments n'auraient pas été discutés lors de l'entretien et il n'aurait, dès lors, jamais eu l'occasion de se prononcer à cet égard. Il soutient que cette façon de procéder manque assurément de transparence et n'est pas objective. Il considère également qu'il aurait dû avoir la possibilité de formuler des observations sur l'avis de M. Marro.

18.
    Il ajoute qu'un commentaire avait été ajouté à son rapport de notation portant sur la période de 1999 à 2000, par Mme Maggioni, directeur de la direction «Bibliothèque, recherche et documentation» de la Cour et notateur d'appel, alors qu'il n'avait pas demandé la saisine du notateur d'appel. Il estime qu'un tel commentaire ne saurait être pris en considération en raison du fait qu'il a été rendu à la suite d'une procédure irrégulière, le notateur d'appel n'ayant pas été saisi par lui-même et le commentaire de Mme Maggioni ne lui ayant jamais été soumis pour observations.

19.
    La défenderesse rappelle que, dans la détermination des modalités d'organisation d'un entretien et des questions susceptibles d'être posées, l'AIPN dispose d'un large pouvoir d'appréciation. En l'espèce, le chef de la division de la presse et de l'information se serait informé d'une manière objective sur les aptitudes du requérant à s'acquitter des tâches inhérentes à l'emploi concerné. En outre, il aurait informé le requérant des possibilités de promotion et de l'ampleur des tâches dévolues à l'administrateur à nommer. Enfin, aucune question n'aurait été posée sur la motivation et l'intérêt du requérant pour le poste, car ce dernier aurait de sa propre initiative informé les participants à cet égard au cours de l'entretien.

20.
    Enfin, la défenderesse rappelle que, aucune obligation statutaire n'imposant à l'administration d'avoir un entretien avec un candidat, la circonstance selon laquelle le chef de la division de la presse et de l'information a pris connaissance des rapports de notation postérieurement à l'entretien ne lui imposait pas de discuter de ceux-ci avec le candidat, d'autant plus que les observations du fonctionnaire relatives aux notations sont consignées dans ces rapports.

Appréciation du Tribunal

21.
    Le premier moyen s'articule en trois branches. Le requérant soutient, en premier lieu, que les questions qui lui ont été posées lors de l'entretien du 16 janvier 2002 étaient à la fois orientées et insuffisantes. En second lieu, il critique le fait qu'il n'a pas eu la possibilité de faire des observations sur les éléments des rapports de notation utilisés contre lui. Enfin, il réprouve le fait qu'il n'a pas eu la possibilité de faire des observations sur l'avis de M. Marro, sur lequel le rejet de sa candidature est basé.

22.
    À cet égard, il importe de rappeler, à titre liminaire, qu'il n'existe aucune disposition statutaire ouvrant à un candidat, dans le cadre d'une procédure de recrutement, le droit à un entretien avec son supérieur hiérarchique potentiel ou établissant l'obligation de convoquer d'office l'intéressé à un tel entretien (arrêt du Tribunal du 11 juin 1996, Anacoreta Correia/Commission, T-118/95, RecFP p. I-A-283 et II-835, point 36). L'AIPN ne peut, dès lors, être tenue d'organiser un entretien avec les candidats à un poste que si, et dans la mesure où, une telle obligation résulte du cadre légal qu'elle s'est fixé (arrêt du Tribunal du 20 septembre 2001, Coget e.a./Cour des comptes, T-95/01, RecFP p. I-A-191 et II-879, points 136 et 137).

23.
    Or, en l'espèce, il est constant que le requérant a effectivement bénéficié d'un entretien avec son supérieur hiérarchique potentiel en présence de deux autres fonctionnaires du service concerné.

24.
    En ce qui concerne la nature des questions posées au requérant, il suffit de rappeler que, dans le cadre d'une procédure de promotion et, de manière analogue, dans le cadre d'une procédure de mutation, l'AIPN est tenue d'effectuer son choix sur la base d'un examen comparatif des rapports de notation et des mérites respectifs des candidats. À cette fin, elle dispose du pouvoir statutaire de procéder à un tel examen selon la procédure ou la méthode qu'elle estime la plus appropriée, conformément à une jurisprudence bien établie (voir, notamment, arrêts de la Cour du 1er juillet 1976, de Wind/Commission, 62/75, Rec. p. 1167, point 17, et du Tribunal du 10 juillet 1992, Mergen/Commission, T-53/91, Rec. p. II-2041, point 30). L'AIPN dispose donc d'un large pouvoir d'appréciation en ce qui concerne cet examen. Ce pouvoir discrétionnaire ainsi reconnu à l'administration comprend notamment le pouvoir de poser les questions considérées comme pertinentes aux candidats lors de l'éventuel entretien, le contrôle du juge devant se limiter à la question de savoir si elle n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée.

25.
    En l'espèce, il ressort des attestations des participants à l'entretien du 16 janvier 2002 ainsi que des mémoires des parties au litige que le chef de la division de la presse et de l'information a informé le requérant du fait que sa promotion au grade A 5 pourrait être retardée s'il était muté à la division de la presse et de l'information. Or, cette constatation ne s'avère nullement orientée. En ce qui concerne la référence faite par le chef de la division de la presse et de l'information au cas d'une précédente mutation qui s'était traduite par un échec, cette référence avait pour but, selon la défenderesse - laquelle n'a pas été contredite sur ce point par le requérant - de mettre l'accent sur l'accroissement de la charge et du rythme de travail dans la division de la presse et de l'information. Dans ce contexte, cette référence ne peut non plus être considérée comme orientée contre la candidature du requérant.

26.
    En ce qui concerne le prétendu caractère insuffisant des questions posées au requérant, il y a lieu de remarquer qu'il ressort des explications des parties que le requérant a été interrogé sur les raisons motivant sa demande de mutation. En outre, selon la défenderesse, qui n'est pas contredite sur ce point par le requérant, aucune autre question n'a été posée sur la motivation et l'intérêt du requérant pour le poste, car ce dernier a de sa propre initiative informé les participants à cet égard au cours de l'entretien.

27.
    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le requérant n'a nullement démontré que les questions qui lui ont été posées lors de l'entretien du 16 janvier 2002 étaient à la fois orientées et insuffisantes, ni que ces questions ont été posées afin de le décourager quant à sa candidature au poste en question.

28.
    Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté en sa première branche.

29.
    En ce qui concerne la seconde branche de ce moyen, l'argumentation du requérant vise à démontrer que, en vertu des droits de la défense, il aurait dû avoir la possibilité de discuter, avant l'adoption par M. Marro de son avis, les éléments tirés de ses rapports de notation et utilisés par ce dernier.

30.
    À cet égard, il convient de rappeler, d'abord, que l'article 26 du statut énonce que le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir «a) [.] tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement» et «b) les observations formulées par le fonctionnaire à l'égard desdites pièces». Ce même article édicte également que «l'institution ne peut opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces visées au point a), si elles ne lui ont pas été communiquées avant classement».

31.
    Par ailleurs, selon l'article 43 du statut, le rapport périodique sur la compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire est communiqué à l'intéressé, qui «a la faculté d'y joindre toutes observations qu'il juge utiles».

32.
    Le but des dispositions précitées est d'assurer le droit de la défense du fonctionnaire, en évitant que des décisions prises par l'AIPN et affectant sa situation administrative et sa carrière ne soient fondées sur des faits concernant son comportement, non mentionnés dans son dossier personnel (voir arrêt du Tribunal du 30 novembre 1993, Tsirimokos/Parlement, T-76/92, Rec. p. II-1281, point 33 et la jurisprudence citée).

33.
    Il convient de rappeler également que, selon une jurisprudence constante, le rapport de notation constitue un élément d'appréciation indispensable chaque fois que la carrière du fonctionnaire est prise en considération par le pouvoir hiérarchique (voir, notamment, arrêt de la Cour du 5 juin 1980, Oberthür/Commission, 24/79, Rec. p. 1743, point 8).

34.
    À cet égard, il y a lieu d'examiner, tout d'abord, le grief que le requérant formule au sujet de son rapport de notation portant sur la période de 1999 à 2000 en affirmant que celui-ci est entaché d'une erreur, Mme Maggioni y ayant ajouté un commentaire alors qu'il n'avait pas demandé la saisine du notateur d'appel.

35.
    L'article 9 de la décision de la Cour du 18 octobre 2000 portant adoption des dispositions générales d'exécution relatives à la notation du personnel prévoit:

«Après visa du fonctionnaire noté ou en cas d'accord tacite de ce dernier, le rapport de notation est transmis par le notateur au notateur d'appel.

Dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de cette transmission, celui-ci a la possibilité de modifier la notation.

S'il ne fait pas usage de cette possibilité, il transmet le rapport de notation au service chargé du personnel. Le rapport devient définitif et est classé au dossier individuel. Le fonctionnaire noté en est informé.

S'il entend modifier la notation, le notateur d'appel doit préalablement entendre le notateur et le fonctionnaire noté, soit séparément soit ensemble, et procéder à toute consultation qu'il juge utile.»

36.
    En l'espèce, il ressort du rapport de notation du requérant portant sur la période de 1999 à 2000 que son notateur d'appel, Mme Maggioni, a ajouté de sa propre initiative un commentaire dans le rapport de notation. Ce rapport de notation a été communiqué au requérant par mémorandum du 29 juin 2001 afin qu'il puisse, dans un délai de cinq jours ouvrables, le viser et, le cas échéant, accompagner son visa d'observations. Il ressort également du mémorandum du 10 juillet 2001 que le directeur du personnel et des finances de la Cour, M. Pommies, a informé le requérant que son rapport de notation était devenu définitif, ce dernier ayant renvoyé ledit rapport à la division du personnel le 29 juin 2001, sans visa ni observations. En conséquence, le requérant n'ayant pas contesté son rapport de notation en introduisant une réclamation conformément à l'article 90, paragraphe 2, du statut, il y a lieu de rejeter les arguments tirés de l'illégalité du rapport de notation portant sur la période de 1999 à 2000 comme tardifs.

37.
    L'argument du requérant selon lequel le chef de la division de la presse et de l'information aurait dû consulter ses rapports de notation avant l'entretien du 16 janvier 2002 ne saurait non plus être accepté. En effet, selon l'article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut, la promotion est attribuée par décision de l'AIPN et elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d'un minimum d'ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l'objet. Comme il a déjà été rappelé ci-dessus, l'AIPN dispose du pouvoir statutaire de procéder à un tel examen selon la procédure ou la méthode qu'elle estime la plus appropriée, conformément à une jurisprudence bien établie (arrêts de Wind/Commission, précité, point 17, et Mergen/Commission, précité, point 30). Dès lors, rien n'oblige la personne conduisant l'éventuel entretien à consulter les rapports de notation des candidats avant cet entretien. En effet, conformément aux articles 26 et 43 du statut, les éléments de fait mentionnés dans le dossier individuel du fonctionnaire sont des éléments sur lesquels celui-ci a déjà eu la possibilité de faire valoir ses observations.

38.
    Partant, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

39.
    En ce qui concerne l'argumentation du requérant reprochant à la défenderesse le fait qu'il n'a pas eu la possibilité de faire des observations sur l'avis de M. Marro, il suffit de constater que les dispositions citées aux points 30 et 31 ci-dessus ne visent pas, en principe, les avis émis par les supérieurs hiérarchiques consultés dans le cadre d'une procédure de promotion ou de mutation. En effet, de tels avis ne doivent pas être portés à la connaissance des candidats concernés, dans la mesure où ils renferment uniquement une évaluation comparative de leurs qualifications et mérites, fondée sur des éléments de fait mentionnés dans leur dossier individuel ou communiqués aux intéressés, qui, de ce fait, ont déjà eu la possibilité de faire valoir leurs observations. Ces avis présentent ainsi une portée limitée à la procédure de nomination en cause. Ils expriment le pouvoir d'appréciation dont dispose l'administration en la matière et ne relèvent pas des prescriptions de l'article 26 du statut, tendant à assurer le droit de la défense du fonctionnaire et à permettre de la sorte à l'administration de se prononcer en pleine connaissance de cause. Tel n'est cependant pas le cas lorsque ces avis contiennent également, outre les appréciations découlant de l'examen comparatif des candidatures, des éléments concernant la compétence, le rendement ou le comportement d'un candidat qui n'avaient pas été préalablement versés à son dossier personnel (arrêt Tsirimokos/Parlement, précité, points 34 et 35).

40.
    En outre, dans le cadre de son examen, l'AIPN peut se faire assister par les services administratifs aux différents échelons de la voie hiérarchique. En l'occurrence, elle pouvait légitimement effectuer son choix sur la base de l'avis du chef de la division de la presse et de l'information, qui a eu un entretien avec le requérant (arrêt Tsirimokos/Parlement, précité, points 15 à 18).

41.
    Au vu des principes qui viennent d'être exposés et contrairement aux allégations du requérant, l'avis du chef de la division de la presse et de l'information contenant le résultat de l'évaluation des qualifications du requérant au regard des exigences spécifiques de l'emploi auquel il postulait, qui lui a été communiqué par le mémorandum du 16 avril 2002, ne devait pas lui être communiqué au préalable pour ses observations. En effet, contrairement à ce que soutient le requérant, les appréciations présentées dans cet avis procédaient de ses rapports de notation et de l'impression découlant de l'entretien du 16 janvier 2002, laquelle participe de l'examen des mérites de la candidature. Étant donné que le choix de l'AIPN s'est essentiellement fondé sur l'avis du chef de la division de la presse et de l'information, comme cela ressort explicitement de la décision du comité chargé des réclamations du 25 juin 2002, la décision attaquée n'a pas été adoptée en violant les dispositions régissant la procédure de sélection.

42.
    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une erreur manifeste d'appréciation

Arguments des parties

43.
    Le requérant soutient, d'une part, que les reproches formulés à son égard dans la décision attaquée ne sont pas fondés et, d'autre part, que, en aucune manière, lors de l'entretien du 16 janvier 2002, M. Marro n'a essayé de dissiper d'éventuels malentendus pouvant résulter d'affirmations de ses supérieurs hiérarchiques le concernant.

44.
    Le requérant considère que les motifs avancés dans la décision attaquée ne concernent pas ses qualités et compétences professionnelles, mais uniquement ce qui pourrait être appelé «son comportement» dans le service, c'est-à-dire des considérations subjectives. D'ailleurs, ces considérations n'auraient pas été fondées de manière rigoureuse sur des faits et des documents réguliers.

45.
    En ce qui concerne son comportement, il fait valoir qu'il peut y avoir des frictions dans les relations humaines, rendues encore plus difficiles par une hiérarchie parfois mal comprise, autoritaire et rigide, mais que, dans de tels cas, chacun réagit selon sa propre personnalité et que le plus important est qu'en définitive le travail soit correctement accompli et l'intérêt du service satisfait.

46.
    Concernant le fait qu'il aurait eu souvent des «rapports extrêmement conflictuels avec ses chefs de service», le requérant fait valoir que, lors de l'entretien, M. Marro ne lui en a pas fait part. De plus, il conteste avoir jamais eu, dans le passé, des rapports avec ses supérieurs pouvant être qualifiés d'extrêmement conflictuels. À part un conflit, déjà ancien (remontant à sept ans) avec M. Kennedy, son chef d'unité à l'époque, il ne voit pas d'autre motif d'insatisfaction à son égard qui pourrait être retiré d'un rapport de notation.

47.
    Le requérant soutient que les malentendus éventuels sont imputables à un mémorandum de M. Kennedy, l'ancien chef de la division de la presse et de l'information, qui a, selon lui, été rédigé de manière à lui nuire et qui ne lui a jamais été communiqué. Il aurait seulement appris son existence en janvier 2002 à la suite d'un entretien avec M. Kohler, ancien chef de la division «Bibliothèque».

48.
    En ce qui concerne les prétendues critiques émises par lui lors de l'entretien du 16 janvier 2002, le requérant expose que cet entretien s'est déroulé de façon tout à fait amicale, sous la forme d'une conversation. Il souligne qu'il n'a pas exprimé de critiques fortes ou autres vis-à-vis de certains de ses supérieurs ou de ses anciens supérieurs. Il ajoute que si les noms de M. Streil ou de Mme Maggioni ont été cités, c'était simplement pour expliquer les raisons pour lesquelles il souhaitait quitter la division «Bibliothèque». Et, à part les deux noms précédemment cités, il insiste sur le fait qu'il n'a jamais, lors de l'entretien du 16 janvier 2002, cité d'autres personnes ni, a fortiori, fait état de ses rapports avec elles et ajoute que, lorsqu'il a mentionné certains noms, il a seulement exprimé ce qu'il pensait de ces personnes, en respectant la vérité. Il se réfère à son affidavit annexé au mémoire en réplique expliquant la manière dont l'entretien du 16 janvier 2002 s'est déroulé.

49.
    Le requérant conclut que, si le seul motif retenu contre sa candidature est l'affirmation selon laquelle il ne serait «pas fiable et autonome et qu'il n'aurait pas un sens réel des relations publiques et une aptitude au travail en équipe», il est permis de penser qu'il remplissait parfaitement les autres conditions de l'avis de vacance. Il souligne que sa candidature ne pouvait pas être rejetée sur la base de son soi-disant comportement sans que soient examinées les autres conditions requises par l'avis de vacance, et ce d'autant plus que les motifs de rejet ne sont intervenus qu'a posteriori sans possibilité d'observations de sa part et qu'ils ne tiennent compte que de l'avis de M. Marro, alors que deux autres personnes étaient présentes à l'entretien du 16 janvier 2002.

50.
    La défenderesse rappelle que l'AIPN dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer les critères de capacité exigés pour les emplois à pourvoir.

51.
    En l'espèce, il ressortirait de l'avis de vacance que lemploi en question exige de celui qui l'occupe, notamment, qu'il soit fiable et autonome et qu'il ait un réel sens des relations publiques et une aptitude au travail en équipe. La défenderesse soutient que, pour apprécier si les candidats satisfaisaient à ces exigences, l'AIPN a estimé opportun de se fonder sur les appréciations du chef de la division de la presse et de l'information et a conclu que la nomination du requérant à l'emploi concerné serait contraire à l'intérêt du service.

52.
    La défenderesse fait valoir que le chef de la division de la presse et de l'information a considéré que les termes employés par le requérant au cours de l'entretien du 16 janvier 2002 démontraient l'inaptitude du candidat à s'acquitter des tâches prévues par l'emploi, notamment en ce qu'ils révélaient un sens insuffisant du requérant pour les relations publiques. L'aptitude d'une personne à employer les termes idoines et à articuler ceux-ci de telle façon que s'en dégage le ton approprié eu égard aux objectifs du locuteur, aux destinataires du message et au contexte dans lequel les propos sont tenus serait importante pour l'exercice de la fonction d'administrateur dans une division dont la mission est d'assurer la communication. Ainsi, la prise en compte de cet élément dans l'appréciation de l'aptitude du candidat à s'acquitter de ses tâches dans une telle division serait justifiée. À cet égard, la défenderesse rappelle que le requérant ne conteste pas avoir dit ce qu'il pensait de certaines personnes, mais nie avoir formulé des critiques «fortes ou autres» à l'égard de supérieurs ou d'anciens supérieurs. Elle produit également une déclaration émanant de M. Marro et de Mmes Städtler et Penders relatant la manière dont l'entretien du 16 janvier 2002 s'est déroulé.

53.
    La défenderesse ajoute que le chef de la division de la presse et de l'information a estimé que les propos tenus par le requérant ainsi que la nature des relations professionnelles entretenues avec ses supérieurs suscitaient la perplexité quant à sa fiabilité et à son aptitude au travail en équipe.

54.
    En ce qui concerne l'allégation du requérant selon laquelle il serait victime de l'existence d'un mémorandum l'accablant et qui ne lui aurait jamais été communiqué, la défenderesse souligne l'absence totale de lien entre le mémorandum allégué et la décision attaquée. Elle fait valoir que l'ensemble des pièces relatives à la compétence, au rendement et au comportement du requérant a été versé dans son dossier personnel en application de l'article 26 du statut et que le requérant a pu en prendre connaissance et formuler ses observations à son égard. Les allégations du requérant à l'égard d'un prétendu mémorandum qui lui aurait été celé ne sauraient à l'évidence valoir preuve ni obliger la défenderesse à administrer la preuve de son inexistence, qui serait une probatio diabolica impossible à apporter. Elle produit une déclaration de M. Kohler expliquant la teneur de l'entretien qu'il a eu avec le requérant en janvier 2002. La défenderesse ajoute que M. Marro, n'ayant pas assisté à cet entretien et n'ayant pas été informé de sa teneur, n'a pu, en aucun cas, le prendre en compte pour formuler son avis sur la candidature du requérant.

55.
    La défenderesse conclut que, dès lors que le requérant ne remplissait pas l'ensemble des exigences énoncées dans l'avis de vacance, l'intérêt du service imposait à l'AIPN d'écarter sa candidature.

Appréciation du Tribunal

56.
    Il convient de rappeler, tout d'abord, que l'examen des candidatures à la mutation ou à la promotion au titre de l'article 29, paragraphe 1, sous a), du statut doit s'effectuer conformément aux dispositions de l'article 45 du statut, qui prévoit expressément un examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion (arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993, Weissenfels/Parlement, T-22/92, Rec. p. II-1095, point 66). L'obligation de procéder à cet examen comparatif est l'expression à la fois du principe d'égalité de traitement des fonctionnaires et du principe de leur vocation à la carrière (arrêt du Tribunal du 12 février 1992, Volger/Parlement, T-52/90, Rec. p. II-121, point 24, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C-115/92 P, Rec. p. I-6549).

57.
    Selon une jurisprudence constante, aux fins de l'examen comparatif des mérites des candidats à une promotion prévue par l'article 45 du statut, l'AIPN dispose d'un large pouvoir d'appréciation (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 27 avril 1999, Thinus/Commission, T-283/97, RecFP p. I-A-69 et II-353, point 42). Toutefois, l'exercice de ce large pouvoir d'appréciation suppose un examen scrupuleux des dossiers de candidature et une observation consciencieuse des exigences énoncées dans l'avis de vacance afférent au poste en cause, de sorte que celle-ci est tenue d'écarter tout candidat qui ne répond pas à ces exigences. L'avis de vacance constitue, en effet, un cadre légal que l'AIPN s'impose à elle-même et qu'elle doit respecter scrupuleusement (arrêts de la Cour du 30 mai 1984, Picciolo/Parlement, 111/83, Rec. p. 2323, point 16, et du Tribunal du 19 mars 1997, Giannini/Commission, T-21/96, RecFP p. I-A-69 et II-211, point 19).

58.
    En vue de contrôler si l'AIPN n'a pas dépassé les limites de ce cadre légal il y a lieu d'examiner, tout d'abord, quelles étaient, en l'occurrence, les conditions requises par l'avis de vacance et de vérifier ensuite si le requérant, écarté par l'AIPN pour occuper le poste vacant, ne satisfaisait pas à ces conditions (arrêt Giannini/Commission, précité, point 20). Un tel examen doit toutefois se limiter à la question de savoir si, eu égard aux considérations qui ont pu conduire l'administration à son appréciation, celle-ci s'est tenue dans des limites raisonnables et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications des candidats à celle de l'AIPN (arrêts de la Cour du 21 avril 1983, Ragusa/Commission, 282/81, Rec. p. 1245, point 9 et du 12 février 1987, Bonino/Commission, 233/85, Rec. p. 739, point 5; arrêts du Tribunal du 11 décembre 1991, Frederiksen/Parlement, T-169/89, Rec. p. II-1403, point 69; du 30 janvier 1992, Schönherr/CES, T-25/90, Rec. p. II-63, point 20; du 9 février 1994, Latham/Commission, T-82/91, RecFP p. I-A-15 et II-61, point 62; du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T-262/94, RecFP p. I-A-257 et II-739, point 66, et Giannini/Commission, précité, point 20).

59.
    En l'espèce, l'avis de vacance indique:

«En charge d'un secteur couvrant le Royaume-Uni, l'Irlande, la Suède, le Finlande et les pays anglophones, ce fonctionnaire devra faire preuve d'un vif intérêt et d'une grande aisance pour les relations avec les médias - qu'il s'agisse des médias grand public ou de la presse spécialisée - et pour le développement de liens avec les milieux professionnels et universitaires.

Il devra mettre en .uvre de façon active une stratégie de communication judiciaire adaptée aux exigences de ces États en harmonie avec la politique globale de la division et proposer des initiatives adaptées aux différents interlocuteurs.

Par ailleurs, il devra préparer et présenter des exposés sur l'institution et sa jurisprudence dans le cadre de conférences données aux visiteurs et remplir certaines tâches rédactionnelles (communiqués de presse, publications, activités, etc.). Il collaborera également, en fonction des exigences du service, aux tâches des autres cellules et aux projets horizontaux. Enfin, une bonne maîtrise de l'outil Internet serait appréciée.

Très organisé, rapide et très synthétique, imaginatif, fiable et autonome, doté d'un sens réel des relations publiques et de la communication judiciaire, soucieux de respecter les délais impartis, cet administrateur devra aimer le travail en équipe, faire preuve de flexibilité et être ouvert aux nouveaux médias. Il devra être capable de travailler efficacement sous la pression de l'actualité.»

60.
    Il importe d'examiner en détail l'avis de M. Marro, chef de la division de la presse et de l'information, sur lequel la décision attaquée est basée. Il ressort de cet avis, en premier lieu, que «M. Marro a noté que [le requérant a] formulé des critiques fortes - qui l'ont laissé perplexe - contre un certain nombre de [ses] supérieurs et de [ses] anciens supérieurs».

61.
    Le requérant affirme, quant à lui, qu'il n'a pas exprimé de critiques fortes vis-à-vis de certains de ses supérieurs ou de ses anciens supérieurs. Toutefois, il admet qu'il a exprimé son opinion sur ses supérieurs actuels, à savoir sur Mme Maggioni et M. Streil, en expliquant les raisons pour lesquelles il souhaitait quitter la division «Bibliothèque».

62.
    À cet égard, il suffit de remarquer que, même si le requérant n'a pas émis, à son sens, de critiques, ce qui importe est l'impression qu'il a faite, lors de l'entretien, aux représentants du service dont l'emploi en question relève. Ainsi, même à supposer que le requérant n'ait pas voulu critiquer ses supérieurs, le fait que les participants à l'entretien ont eu cette impression suffit à démontrer que la décision attaquée n'est pas manifestement erronée. En effet, le fait que le requérant n'a pas réussi, lors de cet entretien, à transmettre son opinion démontre qu'il n'était pas manifestement erroné d'estimer, comme l'AIPN l'a fait, qu'il n'était pas adapté, sur le plan des capacités de communication et du sens des relations publiques, à occuper le poste en cause.

63.
    En effet, comme cela ressort des conditions de l'avis de vacance, le fonctionnaire choisi devait être doté d'un sens réel des relations publiques et de la communication judiciaire ainsi que de l'aptitude au travail en équipe. Ces exigences étaient liées à la nature de la mission de la division de la presse et de l'information qui consiste, notamment, en des contacts quotidiens avec les journalistes et les visiteurs.

64.
    En outre, le fait que les participants à l'entretien du 16 janvier 2002 ont considéré que «le requérant a émis des remarques très négatives à l'égard de tierces personnes, en l'occurrence des supérieurs ou anciens supérieurs», est d'autant plus important que ce type d'entretien constitue précisément pour les candidats l'occasion de compléter la présentation des mérites de leurs candidatures. En même temps, cet entretien est l'occasion pour les services administratifs assistant l'AIPN dans son choix, en l'occurrence les services de la division de la presse et de l'information, d'examiner le caractère, le comportement et l'ensemble de la personnalité des candidats. En effet, contrairement à ce qu'affirme le requérant, il ressort de la jurisprudence que l'appréciation de l'AIPN dépend non seulement de la compétence et de la valeur professionnelle des intéressés, mais aussi de leur caractère, de leur comportement et de l'ensemble de leur personnalité (arrêt de la Cour du 22 juin 1989, Brus/Commission, 104/88, Rec. p. 1873, point 12).

65.
    En deuxième lieu, il ressort de la décision attaquée que «[M. Marro] a conclu, à la lecture d[u] dossier personnel [du requérant], que [le requérant a] souvent eu des rapports extrêmement conflictuels avec [ses] chefs de service et que, ‘dans le cadre des rapports de travail, [ses] relations semblent soumises à des incertitudes fortes, soulignées dans différents rapports de notation, rédigés par différents chefs de service, dont l'actuel'».

66.
    Il convient de souligner que, ainsi qu'il a déjà été rappelé lors de l'examen du premier moyen du présent recours, dans le cadre d'une procédure de promotion et, de manière analogue, dans le cadre d'une procédure de mutation, l'AIPN est tenue d'effectuer son choix sur la base d'un examen comparatif des rapports de notation et des mérites respectifs des candidats. Eu égard à cette jurisprudence, il y a lieu de constater que le fait que le chef de la division de la presse et de l'information a consulté le dossier individuel du requérant, et notamment ses rapports de notation, relève effectivement de l'obligation de procéder à un examen des mérites des candidatures à l'emploi en cause.

67.
    En outre, étant donné que le requérant n'a pas, à l'époque, contesté ses rapports de notation conformément à l'article 90 du statut, les rapports de notation figurant dans son dossier individuel doivent être considérés comme définitifs et adoptés de manière régulière.

68.
    Ainsi, le présent examen doit se limiter à la question de savoir si les conclusions de l'avis de M. Marro, tirées du dossier individuel du requérant, sont restées dans des limites raisonnables et ne sont pas manifestement erronées.

69.
    À cet égard, il suffit de constater que le requérant n'a nullement démontré que ses rapports de notation ne comprenaient pas d'éléments permettant de tirer des conclusions comme celles figurant dans l'avis de M. Marro. Au contraire, il ressort des mémoires et de la plaidoirie du requérant qu'il admet avoir eu un conflit avec son ancien supérieur, M. Kennedy. De même, il ressort de l'entretien du 16 janvier 2002, tel que relaté par les parties, qu'il existe des tensions dans les relations de travail actuelles du requérant. En effet, le requérant ne conteste pas avoir exprimé ce qu'il pensait de certaines personnes, mais nie seulement avoir formulé des critiques «fortes ou autres» à l'égard de supérieurs ou d'anciens supérieurs.

70.
    Ces tensions peuvent également être perçues dans les différents rapports de notation du requérant. Tout d'abord, en ce qui concerne les relations entre le requérant et son ancien supérieur, M. Kennedy, le requérant ne nie pas qu'il y a eu un conflit entre eux. Quant à ses supérieurs actuels, des tensions peuvent être décelées, en particulier, dans les commentaires que le requérant a lui-même jugé appropriés de joindre à son rapport de notation portant sur la période de 1999 à 2000 et dans le commentaire que Mme Maggioni a ajouté à ce même rapport.

71.
    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les relations de travail entre le requérant et ses supérieurs peuvent raisonnablement être qualifiées, comme l'a fait M. Marro dans son avis, de conflictuelles et de relations «soumises à des incertitudes fortes».

72.
    Enfin, quant au prétendu mémorandum de l'ancien chef du requérant, M. Kennedy, dont l'existence est niée par la défenderesse, il y a lieu de constater que le requérant n'est pas parvenu à en prouver l'existence. De plus, il n'apparaît pas nécessaire de recueillir des témoignages à ce sujet, le requérant n'ayant pas non plus démontré que ce mémorandum, à supposer qu'il ait existé, ait eu une influence lors de l'adoption de la décision attaquée. Par conséquent, il ne saurait être tenu compte de ce prétendu mémorandum pour apprécier la régularité de la décision attaquée.

73.
    Dans ces conditions, le chef de la division de la presse et de l'information a valablement pu constater que les relations entretenues par le requérant dans le cadre professionnel laissaient planer un doute sur sa capacité à s'acquitter avec satisfaction des tâches inhérentes à l'emploi en cause.

74.
    En conséquence, il y a lieu de considérer que l'AIPN n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation et n'a pas dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation en rejetant la candidature du requérant au motif qu'il serait contraire à l'intérêt de la division de la presse et de l'information de nommer le requérant à l'emploi en cause.

75.
    Dès lors, le deuxième moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation de l'article 27 du statut

Arguments des parties

76.
    Le requérant affirme que les considérations relatives au rejet de sa candidature ne se réfèrent ni à ses compétences, ni à son rendement, ni à son intégrité, bien que ces trois exigences soient, selon lui, essentielles ou, à tout le moins, prioritaires par rapport à d'autres considérations.

77.
    Il affirme que les considérations opposées à sa candidature se réfèrent, de façon générale et sans autre précision, à sa conduite dans le passé. Or, selon lui, si son comportement n'a pas fait l'objet, pendant cette période, de critiques claires et expresses, qui lui auraient été valablement notifiées et qui auraient éventuellement entraîné une procédure disciplinaire, il n'est pas admissible de retenir, dans le cadre d'une procédure de pourvoi à un emploi vacant, de telles considérations pour le juger inapte à occuper le poste à pourvoir. Le requérant rappelle qu'un tel comportement est contesté de sa part et que rien ne permet de considérer que ce comportement n'aurait pas évolué dans un sens non critiquable s'il avait exercé les tâches afférentes au poste vacant.

78.
    Il ajoute que le poste en question, après avoir été pourvu une première fois à titre provisoire par une personne ne répondant pas aux exigences du poste, est aujourd'hui occupé par un agent temporaire.

79.
    Lors de l'audience, le requérant a fait valoir, en se référant à l'arrêt du Tribunal du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI (T-223/99, RecFP p. I-A-277 et II-1267, point 53), que l'AIPN n'a pas pris en considération l'ensemble des éléments qui étaient susceptibles de déterminer sa décision quant à l'appréciation de l'intérêt du service, et notamment son propre intérêt en vertu du devoir de sollicitude de l'administration. À cet égard, le requérant a souligné que, avant sa mutation à la division «Bibliothèque», il a travaillé à la division de la presse et de l'information et qu'il y a passé les moments les plus heureux de sa carrière.

80.
    La défenderesse soutient que le rejet de la candidature du requérant était justifié par la circonstance selon laquelle il ne remplissait pas les conditions de l'avis de vacance. Elle souligne que l'AIPN s'est fondée sur l'avis du chef de la division de la presse et de l'information, qui a jugé le requérant inapte à occuper le poste à pourvoir au regard des exigences du sens des relations publiques et de l'aptitude au travail en équipe. Cette inaptitude se serait révélée lors de l'entretien du 16 janvier 2002 en raison des propos inappropriés tenus par le requérant à cette occasion. La consultation du dossier personnel du requérant l'aurait confirmée.

81.
    La défenderesse rappelle que l'AIPN n'est pas tenue d'une manière absolue de procéder à une promotion ou à une mutation même en présence de candidatures valables de fonctionnaires remplissant toutes les exigences et conditions requises par l'avis de vacance. Ce droit lui appartiendrait à plus forte raison lorsqu'elle estime, comme en l'espèce, qu'aucun candidat à la mutation ou à la promotion ne remplit les exigences de l'avis de vacance.

Appréciation du Tribunal

82.
    Il y a lieu de constater qu'il a déjà été jugé, lors de l'examen du deuxième moyen, que l'AIPN n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant que le requérant ne satisfaisait pas aux exigences de l'emploi à pourvoir. Dès lors, il n'était pas dans l'intérêt du service de le nommer à cet emploi.

83.
    Cette constatation n'est pas infirmée par l'affirmation du requérant selon laquelle l'AIPN n'a pas pris en considération l'ensemble des éléments qui étaient susceptibles de déterminer sa décision quant à l'appréciation de l'intérêt du service, et notamment son intérêt en vertu du devoir de sollicitude de l'administration.

84.
    En effet, contrairement à ce que le requérant a affirmé lors de l'audience, il y a lieu de remarquer que les circonstances de la présente espèce sont différentes de celles de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Dejaiffe/OHMI, précité. Dans l'affaire ayant donné lieu à cet arrêt, en effet, le requérant avait eu, à l'occasion d'une réunion, un comportement irrespectueux envers ses collègues et ses supérieurs présents à cette réunion, en critiquant, sur un ton excédé et avec fougue, certaines faiblesses du nouveau système informatique et en quittant, de façon ostentatoire, la salle avant la fin de la présentation dudit système. Le Tribunal a jugé que le comportement impulsif et irrespectueux du requérant démontrait un manque évident de courtoisie, nécessaire dans toutes les relations humaines. L'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) était dès lors, en principe, fondé à ne pas tolérer un tel comportement et à prendre des mesures appropriées afin d'éviter qu'un tel incident ne se reproduise. Toutefois, sur le fond, l'intervention en question avait révélé chez l'intéressé, dont les qualités professionnelles étaient reconnues par le défendeur, un sens des responsabilités et de l'initiative hautement développé. En effet, le requérant avait eu raison, sur le fond, d'attirer l'attention de ses collègues et de ses supérieurs sur l'existence de certaines faiblesses du nouveau système informatique qui revêtait, pour le travail de tous les collaborateurs de la section achats, une extrême importance. Par ailleurs, le requérant avait été invité par son supérieur hiérarchique à soulever les faiblesses du nouveau système lors de la présentation dudit système, qui avait été créé en dehors de l'OHMI et y avait été introduit sans que les futurs utilisateurs de ce système aient été consultés préalablement afin de pouvoir utilement donner leur avis. C'était donc l'attachement à l'intérêt du service qui était à l'origine du comportement du requérant dans cette affaire, même si, quant à la forme, ce comportement était incorrect. Dans ces circonstances, le Tribunal a tenu compte, pour l'appréciation du comportement du requérant au regard de l'intérêt du service, de ce qu'il s'était trouvé, à l'occasion de cet incident, dans un état d'irritation compréhensible provoqué par un sentiment de frustration, alors qu'il avait fait preuve d'un sens des responsabilités et de l'initiative, dans le souci du bon fonctionnement de son service (points 63, 65 à 69, et 81 de l'arrêt).

85.
    En outre, dans l'arrêt Dejaiffe/OHMI, précité, il s'agissait de la résiliation anticipée du contrat du requérant, neuf mois et demi avant son échéance, ce qui constituait, selon le Tribunal, une mesure manifestement excessive par rapport au comportement de ce dernier à l'occasion d'une réunion. C'est pour ces raisons que le Tribunal a jugé que la décision attaquée dans cette affaire n'était pas raisonnablement motivée par l'intérêt du service et qu'elle avait été adoptée en méconnaissance des intérêts légitimes du requérant (point 82).

86.
    En l'espèce, le comportement du requérant, considéré par l'AIPN comme démontrant l'inaptitude de celui-ci à occuper le poste à pourvoir, n'apparaît pas avoir pour origine un attachement à l'intérêt du service. De plus, contrairement aux circonstances ayant conduit à l'arrêt Dejaiffe/OHMI, précité, le comportement du requérant n'est pas lié à un seul incident. Par ailleurs, en l'espèce, le requérant a été jugé comme n'ayant pas les qualités requises pour exercer l'emploi à pourvoir au regard des exigences du sens des relations publiques et de l'aptitude au travail en équipe qui sont étroitement liées à cet emploi. Dans une telle situation, l'intérêt du fonctionnaire ne peut conduire à ce que l'AIPN viole son obligation d'écarter tout candidat qui ne répond pas aux exigences énoncées dans l'avis de vacance afférent au poste en cause. Comme rappelé ci-dessus, l'avis de vacance constitue en effet un cadre légal que l'AIPN s'impose à elle-même et qu'elle doit respecter scrupuleusement (arrêts Picciolo/Parlement, précité, point 16, et Giannini/Commission, précité, point 19).

87.
    En ce qui concerne la question de savoir si l'AIPN a violé l'intérêt du service en engageant un agent temporaire pour l'emploi en question, il suffit de rappeler, comme cela ressort des constatations faites dans le cadre de l'examen du deuxième moyen, que le requérant ne remplissait pas les conditions de l'avis de vacance. Partant, l'AIPN était en droit de pourvoir au poste concerné par d'autres moyens.

88.
    Il s'ensuit qu'il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

Sur le quatrième moyen, tiré d'une violation de droits fondamentaux et de principes généraux du droit

Arguments des parties

89.
    Par ce moyen, le requérant invoque une violation de l'article 6, paragraphe 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) ainsi que de l'article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO 2000, C 364, p. 1). Il considère que son droit à un procès équitable a été violé pour deux raisons. En premier lieu, il expose que les comportements qui lui sont reprochés n'ont pas été évoqués lors de l'entretien du 16 janvier 2002 et que M. Marro n'a pas cherché à les éclaircir. De plus, il souligne l'attention qui a été portée aux commentaires sévères et inutiles ajoutés spontanément par Mme Maggioni, en tant que notateur d'appel, dans le rapport de notation 2000, alors qu'elle n'avait pas été saisie, ainsi qu'au mémorandum de M. Kennedy, dont il n'avait pas eu connaissance. Selon lui, tous ces éléments montrent que le dossier est biaisé et qu'il n'a été jugé que sur sa conduite, laquelle a été présentée de façon unilatérale de manière à lui nuire.

90.
    En second lieu, il estime que le système précontentieux tel qu'il est organisé au sein de la Cour ne présente pas toutes les garanties d'indépendance et d'objectivité requises. Il fait valoir que, alors que dans d'autres institutions, cette fonction est assurée par de hauts fonctionnaires faisant partie du service administratif, à la Cour, le comité chargé des réclamations est composé d'un juge et de deux avocats généraux, soit de membres de la Cour. Il considère que cette composition peut influencer le stade ultérieur de la procédure qui consiste à porter l'affaire par un recours, devant le Tribunal, par nature composé de juges, en l'occurrence d'une instance inférieure par rapport à celle des membres du comité chargé des réclamations. La Cour pourrait d'ailleurs, éventuellement, faire fonction de juge d'appel, à la suite d'un pourvoi, ce qui, selon le requérant, l'amènerait à apprécier une décision de certains de ses membres agissant en tant qu'AIPN au sein du comité chargé des réclamations.

91.
    À l'audience, le requérant a précisé qu'il ne met pas en question l'indépendance ou l'impartialité du Tribunal, mais que les problèmes soulevés par lui peuvent influencer l'éventuel pourvoi au cas où la défenderesse serait condamnée par le Tribunal.

92.
    La défenderesse fait valoir que le traitement des réclamations au sein de la Cour est conforme aux dispositions du droit primaire et du droit dérivé, chaque institution ayant le droit de déterminer l'autorité qui, en son sein, exerce les pouvoirs d'AIPN.

93.
    En outre, la défenderesse estime que l'argumentation du requérant n'est pas pertinente à ce stade de la procédure. Elle rappelle que, la procédure précontentieuse devant le comité chargé des réclamations n'étant pas judiciaire, le droit à un procès équitable, tel que celui visé par l'article 6 de la CEDH, ne saurait être invoqué dans le cadre d'une procédure de réclamation. Ce ne serait qu'après l'examen de l'affaire par un juge que le grief pourrait éventuellement être formulé.

Appréciation du Tribunal

94.
    Il échet de remarquer, à titre liminaire, en ce qui concerne les arguments du requérant tirés des prétendues irrégularités de la procédure de nomination, que ces arguments ont déjà été examinés et rejetés lors de l'examen des premier et deuxième moyens du présent recours.

95.
    En ce qui concerne la prétendue violation de l'article 6, paragraphe 2, de la CEDH ainsi que de l'article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui découlerait de ce que le système précontentieux au sein de la Cour ne présenterait pas toutes les garanties d'indépendance et d'objectivité requises, il suffit de constater que le requérant a précisé à l'audience qu'il ne mettait pas en question l'impartialité et l'indépendance de la procédure devant le Tribunal.

96.
    En effet, le requérant se limite à faire valoir que, le comité chargé des réclamations étant composé d'un juge et de deux avocats généraux, soit de membres de la Cour, cette composition peut influencer le stade ultérieur de la procédure qui consiste à porter l'affaire par un pourvoi devant la Cour. Cette dernière pourrait éventuellement être amenée à prendre en considération une décision de certains de ses membres agissant en tant qu'AIPN au sein du comité chargé des réclamations.

97.
    Or, à cet égard, il suffit de constater, sans qu'il soit besoin de l'examiner, que le problème, tel que posé par le requérant, est de nature purement hypothétique. Le requérant ne mettant pas en question la procédure devant le Tribunal, les arguments relatifs à la prétendue violation de son droit à un procès équitable doivent être rejetés.

98.
    Il s'ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté ainsi que le recours dans son intégralité.

Sur les dépens

99.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la défenderesse.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chaque partie supportera ses propres dépens.

Tiili
Mengozzi

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili


1: Langue de procédure: le français.