Language of document : ECLI:EU:F:2009:31

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

2 avril 2009 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recrutement – Choix de la procédure – Chef de représentation – Vacance – Détachement dans l’intérêt du service – Incompétence – Champ d’application de la procédure de détachement »

Dans l’affaire F‑129/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Georges-Stavros Kremlis, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me S. A. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. G. Berscheid et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, H. Kreppel et S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 octobre 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 31 octobre 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 7 novembre suivant), M. Kremlis demande l’annulation de la décision du 21 décembre 2006 rejetant sa candidature au poste vacant de chef de la représentation de la Commission des Communautés européennes à Athènes (Grèce) et portant nomination à ce poste de M. P.

 Cadre juridique

 Le détachement dans l’intérêt du service

2        Aux termes de l’article 35 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») :

« Tout fonctionnaire est placé dans une des positions suivantes :

a)      l’activité ;

b)      le détachement ;

c)      le congé de convenance personnelle ;

d)      la disponibilité ;

e)      le congé pour services militaires ;

f)      le congé parental ou le congé familial. »

3        L’article 36 du statut précise :

« L’activité est la position du fonctionnaire qui exerce dans les conditions prévues au titre IV les fonctions correspondant à l’emploi auquel il a été affecté ou dont il assure l’intérim. »

4        L’article 37, premier alinéa, du statut dispose :

« Le détachement est la position du fonctionnaire titulaire qui, par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination :

a)      dans l’intérêt du service :

–        est désigné pour occuper temporairement un emploi en dehors de son institution

ou

–        est chargé d’exercer temporairement des fonctions auprès d’une personne remplissant un mandat prévu par les traités ou auprès d’un président élu d’une institution ou d’un organe des Communautés ou auprès d’un groupe politique du Parlement européen, ou auprès d’un groupe politique du Comité des régions [de l’Union européenne] ou d’un groupe du Comité économique et social européen ;

–        est désigné pour occuper temporairement un emploi compris dans le tableau des effectifs rémunérés sur les crédits de recherche et d’investissement et auquel les autorités budgétaires ont conféré un caractère temporaire.

[…] »

5        Selon l’article 38 du statut :

« Le détachement dans l’intérêt du service obéit aux règles suivantes :

a)      il est décidé par l’autorité investie du pouvoir de nomination, l’intéressé ayant été entendu ;

b)      sa durée est fixée par l’autorité investie du pouvoir de nomination ;

c)      à l’expiration de chaque période de six mois, l’intéressé peut demander qu’il soit mis fin à son détachement ;

d)      le fonctionnaire détaché en vertu des dispositions prévues à l’article 37[, premier alinéa, sous a),] premier tiret, a droit à un traitement différentiel lorsque l’emploi de détachement comporte une rémunération globale inférieure à celle afférente à son grade et à son échelon, dans son institution d’origine; il a droit également au remboursement de la totalité des charges supplémentaires qu’entraîne pour lui son détachement ;

e)      le fonctionnaire détaché en vertu des dispositions prévues à l’article 37[, premier alinéa, sous a),] premier tiret, continue à supporter les contributions au régime des pensions sur la base du traitement d’activité afférent à son grade et à son échelon dans son institution d’origine ;

f)      le fonctionnaire détaché conserve son emploi, ses droits à l’avancement et sa vocation à la promotion ;

g)      à l’expiration du détachement, le fonctionnaire réintègre immédiatement l’emploi qu’il occupait antérieurement. »

6        Enfin, la table des autorités investies du pouvoir de nomination pour le personnel rémunéré sur le budget de fonctionnement, figurant à l’annexe I de la décision de la Commission, du 16 juin 2005, modifiée en dernier lieu par la décision de la Commission C(2006)2318, du 13 juin 2006, relative à l’exercice des pouvoirs dévolus par le statut à l’autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) et par le régime applicable aux autres agents (RAA) à l’autorité habilitée à conclure des contrats d’engagement (AHCC) (publiée aux Informations administratives n° 47‑2005 du 24 juin 2005, ci-après la « décision AIPN »), prévoit, au point 5 de sa partie III « Déroulement de carrière », s’agissant du détachement dans l’intérêt du service, notamment :

« Pour le [c]hef de cabinet, le [c]hef de cabinet adjoint et le [c]hef de représentation : ce pouvoir [de nomination] est délégué au [m]embre de la Commission responsable des questions du personnel et de l’[a]dministration, en accord avec le [p]résident, lorsqu’il s’agit du détachement auprès d’un membre de la Commission. La [d]irection générale d’origine est informée. »

 La décision relative au personnel d’encadrement intermédiaire

7        La Commission a adopté, le 28 avril 2004, la décision C(2004)1597, relative au personnel d’encadrement intermédiaire, publiée aux Informations administratives n° 73‑2004 du 23 juin 2004 (ci-après la « décision PEI »).

8        L’article 2, paragraphe 1, de la décision PEI prévoit :

« Fonctions et personnel d’encadrement intermédiaire

Une fonction d’encadrement intermédiaire se définit suivant deux critères cumulatifs :

–        elle consiste en la direction permanente et continue d’une unité administrative,

–        elle figure dans l’organigramme officiel de la Commission.

Appartient au personnel d’encadrement intermédiaire une personne qui remplit en même temps ces deux critères.

Par conséquent, les fonctions de chef d’unité, chef de délégation […], chef de bureau ou de représentation dans les États membres ainsi que celles de chef adjoint de délégation de niveau AD 13/AD 14 […] sont des fonctions d’encadrement intermédiaire […] et sont couvertes par la présente décision.

Ces fonctions sont pourvues soit aux grades AD 9/AD 12, soit aux grades AD 13/AD 14. »

9        L’article 14, paragraphe 2, de la décision PEI prévoit ce qui suit :

« Chefs de bureau ou de représentation dans les États membres

2.1 Sélection

Les entretiens finaux prévus à l’article 8, [paragraphe 1, point] 3, et à l’article 10, [paragraphe] 1, sont menés par le directeur général de la presse et de la communication, le directeur général du personnel et le secrétaire général ou, à la demande de celui-ci, un rapporteur désigné (voir article 8, paragraphe [1, point] 3).

2.2 Nomination

Pour les emplois de niveau AD 9/AD 12, l’AIPN est le directeur général de la presse et de la communication.

Pour les emplois de niveau AD 13/AD 14, l’AIPN est le directeur général de la presse et de la communication, en accord avec le président et les membres de la Commission chargés du personnel et de la presse et de la communication.

[…] »

10      Le point 9.2 du guide administratif, du 10 décembre 2004, relatif aux rôle, tâches, sélection et nomination du personnel d’encadrement intermédiaire de la Commission (A*9/A*12 et A*13/A*14, ci-après le « guide administratif »), prévoit ce qui suit :

« Sélection : les entretiens finaux avec les chefs de bureau ou de représentation dans les États membres sont menés par le directeur général de la presse et de la communication, le directeur général du personnel et de l’administration, le secrétaire général ou, à la demande de celui-ci, un rapporteur désigné […].

Nomination : pour les postes de niveau AD 9/AD 12, l’[AIPN] est le directeur général de la presse et de la communication.

Pour les postes de niveau AD 13/AD 14, l’[AIPN] est le directeur général de la presse et de la communication, en accord avec le président et les membres de la Commission chargés du personnel et de la presse et de la communication. »

 La décision relative aux modalités de pourvoi des fonctions de chef de représentation

11      La Commission a également adopté, le 7 juillet 2004, la décision C(2004)2662 relative aux modalités de pourvoi de fonctions de chef de représentation (ci-après la « décision PCR »), dont l’article 1er dispose :

« Les fonctions de chef de représentation de la Commission dans les États membres seront pourvues soit par le détachement d’un fonctionnaire (au titre de l’article 37 [, premier alinéa, sous a), deuxième tiret, et de l’article] 38 du [s]tatut), soit par l’engagement d’un agent temporaire sous contrat [relevant de l’article 2, sous c),] du RAA, au grade A*/AD 12). »

12      La procédure applicable aux décisions de détachement d’un fonctionnaire en qualité de chef de représentation a été établie par le directeur général de la direction générale (DG) « Personnel et administration » par notes des 20 avril et 26 mai 2005. Cette procédure comprend les étapes suivantes :

« –      Désignation d’un rapporteur par la DG [‘Personnel et administration’] ;

–        envoi des candidatures à la DG [‘Communication’] ;

–        procédure de présélection, adoption d’une liste restreinte ;

–        entretien avec le directeur général de la DG [‘Communication’] et le rapporteur ;

–        transmission du rapport de sélection à la DG [‘Personnel et administration’ ; c]e rapport devrait comprendre la phase de présélection, le choix de la liste restreinte ;

–        procédure écrite du [comité consultatif de nomination (CCN)] ;

–        choix final du directeur général de la DG [‘Communication’] ;

–        procédure simplifiée (accord des [c]abinets du [p]résident ainsi que du ]v]ice-[p]résident Wallström et du [v]ice-[p]résident Kallas) ;

–        décision du [v]ice-[p]résident Kallas. » (Traduction de l’anglais.)

 Antécédents du litige

13      Le 9 mars 2006, la Commission a publié l’avis de vacance COM/2006/961 visant le détachement d’un fonctionnaire ou l’engagement d’un agent temporaire pour l’exercice des fonctions de chef de la représentation de la Commission en Grèce.

14      Il ressort de cet avis de vacance notamment ce qui suit :

« Le poste est ouvert aux fonctionnaires et agents temporaires de groupe de fonctions A* en activité à la Commission au moment de la clôture des candidatures. Les candidats doivent réunir les conditions d’admission suivantes :

1. avoir au minimum dix ans d’expérience professionnelle [postuniversitaire] de préférence dans le domaine de l’information, de la communication, des médias et/ou des affaires politiques et économiques dont au moins cinq ans dans une fonction de coordination et/ou d’encadrement d’équipe,

2. posséder une connaissance approfondie du grec, écrit et oral, et une connaissance satisfaisante d’une autre langue officielle de l’Union européenne. Une bonne maîtrise du français et/ou de l’anglais serait un avantage.

Les fonctions de [c]hef de représentation de la Commission sont pourvues soit par le détachement d’un fonctionnaire (au titre de l’article 37 [, premier alinéa, sous a), deuxième tiret, et de l’article] 38 du [s]tatut), soit par l’engagement d’un agent temporaire sous contrat [relevant de l’article 2, sous c),] du RAA, au grade A*12. La durée du mandat initial[…] sera de trois ans, renouvelable une fois pour un maximum de deux ans.

Si le candidat retenu est un fonctionnaire avec un grade substantif supérieur au grade A*12, il/elle sera détaché(e) avec son grade et échelon actuel. »

15      Le requérant ainsi que onze autres candidats ont déposé leur candidature au poste de chef de la représentation de la Commission à Athènes. Lors de la première phase de sélection, après l’examen des dossiers de candidatures, le panel de présélection a retenu sept candidats, dont le requérant, en vue des entretiens de présélection.

16      Les entretiens préliminaires avec le panel de présélection ont eu lieu les 15 et 18 mai 2006. Sur les sept candidats interviewés, le panel a proposé au directeur général de la DG « Communication » d’en retenir quatre, dont le requérant, pour les entretiens finaux.

17      Les quatre candidats présélectionnés ont été invités à un entretien avec le panel de sélection, composé de M. Sørensen, directeur général de la DG « Communication », de M. K., en qualité de rapporteur, et de M. R., en tant que secrétaire. Les entretiens ont eu lieu le 7 juillet 2006.

18      Lors des entretiens finaux, M. P. a obtenu une note de 82/100, le requérant, 74/100, et les deux autres candidats, respectivement 69/100 et 65/100.

19      Le CCN, dans son avis du 6 septembre 2006, est parvenu à la conclusion que, « compte tenu de l’acte de candidature de chaque candidat au titre de l’article 37 [, premier alinéa, sous a), et de l’article 38 du statut] et de leur dossier personnel, […] les candidatures de MM. Y., K. [le requérant] et P. pourraient être prises en considération ». Il a néanmoins considéré que « la candidature de M. P. pourrait plus particulièrement être prise en considération ».

20      Par décision du vice-président de la Commission, M. Kallas, du 20 décembre 2006, M. P. a été détaché dans l’intérêt du service en qualité de chef de la représentation de la Commission à Athènes, avec effet au 1er janvier 2007 pour une durée de trois ans. Pour la durée de son détachement, M. P. a été classé, par la même décision, au grade AD 12.

21      Par note du 21 décembre 2006, le requérant a été informé que sa candidature avait été rejetée et que M. P. avait été nommé au poste de chef de la représentation de la Commission à Athènes (ci-après la « décision attaquée »).

22      Le 28 février 2007, le requérant a adressé une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, au directeur général de la DG « Communication » contre la décision attaquée. Cette réclamation a été transmise au service compétent de la DG « Personnel et administration » et enregistrée le 13 avril 2007.

23      Par décision du 25 septembre 2007, notifiée au requérant le 1er octobre suivant, la Commission a rejeté la réclamation susvisée.

 Conclusions des parties et procédure

24      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

26      À l’issue de l’audience, le Tribunal a invité la Commission à lui transmettre des informations à caractère factuel de nature à caractériser le lien personnel qui, selon elle, unit les chefs de représentation au membre de la Commission responsable de la stratégie de la communication et justifie le recours à l’article 37 du statut, ainsi que le prévoit la décision PCR. La Commission a déféré à cette demande par note du 31 octobre 2008, parvenue au greffe du Tribunal le même jour par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 3 novembre 2008), laquelle note a été transmise au requérant, pour observations, le 4 novembre suivant. Par note du 14 novembre 2008, parvenue au greffe du Tribunal par télécopie le même jour (le dépôt de l’original étant intervenu le 19 novembre 2008), le requérant a déposé des observations écrites. À cette dernière date, la procédure orale a été clôturée et la présente affaire mise en délibéré.

27      Par ordonnance du 1er décembre 2008, le Tribunal a rouvert la procédure orale et invité la Commission à présenter, le cas échéant, de brèves observations sur la note du requérant, du 14 novembre 2008, susvisée. La Commission a déféré à cette invitation en déposant, le 15 décembre 2008, des observations écrites.

28      Par arrêt rendu ce même jour, dans l’affaire F-128/07, Menidiatis/Commission, le Tribunal a annulé notamment la décision de la Commission, du 21 décembre 2004, portant nomination de M. P. au poste de chef de la représentation de la Commission à Athènes.

29      Dans ces conditions, le recours est devenu sans objet en ce qu’il concerne la nomination de M. P. visée ci-dessus et il y a lieu, en conséquence, de n’examiner le recours qu’en tant qu’il concerne le rejet de la candidature du requérant au poste litigieux.

 En droit

30      À l’appui de son recours, le requérant soulève plusieurs moyens tirés, premièrement, de l’illégalité et du non-respect de la procédure de sélection, deuxièmement, de l’illégalité de l’avis de vacance, troisièmement, du non-respect de l’avis de vacance, quatrièmement, de la violation de l’article 11 bis du statut, cinquièmement, de l’illégalité de l’abaissement du niveau du poste de chef de la représentation à Athènes et de l’illégalité de la décision PCR, sixièmement, de la tardiveté de la publication de l’avis de vacance, septièmement, de la violation des règles relatives à la rotation du personnel occupant des postes sensibles, huitièmement, de l’absence de motivation de la décision refusant l’accès aux documents demandés par le requérant dans sa réclamation, enfin, neuvièmement, d’un détournement de pouvoir.

31      Il y a tout particulièrement lieu d’examiner le premier moyen, tiré de l’illégalité et du non-respect de la procédure de sélection du chef de représentation.

 Arguments de parties

32      Le requérant subdivise son premier moyen en deux branches.

33      Dans le cadre de la première branche, le requérant soutient que l’intervention des membres de la Commission dans la procédure de nomination des chefs de représentation est illégale. Il constate que, en l’espèce, le chef de la représentation de la Commission à Athènes a été nommé par décision du vice-président Kallas après avoir reçu l’accord des cabinets du président de la Commission, du vice-président Wallström et du vice-président Kallas.

34      Or, cette immixtion des membres de la Commission dans la procédure de sélection en cause ne serait pas objectivement justifiée, ces derniers n’ayant pas de compétences ou de responsabilités managériales et n’étant pas tenus d’avoir des relations directes avec les chefs de représentation, lesquels resteraient en poste indépendamment de la durée du mandat des commissaires. Les représentations constitueraient des unités décentralisées de la DG « Communication », sans statut politique. Le choix intuitu personae des chefs de représentation, selon une procédure identique à celle relative à la sélection des membres des cabinets des commissaires, ne reposerait sur aucune base juridique.

35      Dans ses observations en date du 14 novembre 2008, le requérant fait valoir que le détachement afin « d’exercer temporairement des fonctions auprès d’une personne remplissant un mandat », selon les termes de l’article de l’article 37, premier alinéa, sous a), deuxième tiret, du statut suppose une présence physique du fonctionnaire détaché auprès de cette personne. En tout état de cause, la Commission n’aurait pas démontré l’existence de contacts fréquents, réguliers et structurés reflétant un rapport de confiance entre le chef de représentation et spécifiquement le commissaire responsable de la stratégie de la communication. Le requérant souligne, à cet égard, le rattachement organique et hiérarchique du chef de représentation aux services de la DG « Communication ».

36      La Commission rétorque qu’il s’agit, en l’espèce, non pas d’un recrutement, mais d’un détachement, au titre de l’article 37, premier alinéa, sous a), deuxième tiret, du statut, qui se justifierait par la nature des fonctions.

37      D’abord, la représentation jouerait un rôle clef dans la mise en œuvre de la stratégie de communication en s’adressant, dans la langue nationale, aux publics cibles dans l’État membre concerné, de manière à tenir compte de leurs besoins et préoccupations spécifiques. Ensuite, en coopération avec le service du porte-parole de la Commission, la représentation suivrait les médias nationaux, régionaux et locaux, en s’exprimant au nom de la Commission, en fournissant des informations pertinentes sur les développements de l’action de la Commission, en analysant les tendances nationales et en faisant rapport à la Commission. Enfin, elle agirait comme une interface entre cette dernière et le monde politique ainsi que la société civile dans l’État membre d’accueil.

38      De telles fonctions auraient incontestablement un caractère politique et sensible, ce qui expliquerait la limitation à trois ans de la durée du mandat du chef de représentation.

39      Dans ces conditions, la sélection du chef de représentation ne saurait être traitée de la même façon que celle d’un chef d’unité de grade AD 12 exerçant ses fonctions à Bruxelles. La Commission aurait pour cette raison décidé de détacher, dans l’intérêt du service, « l’exercice des fonctions de [c]hef de représentation auprès du [m]embre de la Commission chargé de la stratégie de la communication ». Il s’agirait d’un détachement fonctionnel des chefs de représentation, même si les représentations elles-mêmes, du point de vue organisationnel, font partie de la DG « Communication ».

40      La Commission ajoute que l’article 37, premier alinéa, sous a), deuxième tiret, du statut n’exige pas l’existence d’un poste spécifique, faisant partie du cabinet du commissaire et relevant, du point de vue organisationnel, d’un organigramme distinct de celui des services de la Commission. Les termes de cette disposition mettraient expressément l’accent sur les fonctions à exercer qui nécessiteraient, en l’occurrence, l’existence d’un lien particulier entre le fonctionnaire détaché et le membre de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 16 juillet 1998, Forcheri/Commission, T‑162/96, RecFP p. I‑A‑421 et II‑1203, point 65).

41      L’intervention de trois cabinets de commissaires dans le cadre de la procédure de détachement d’un fonctionnaire en vue d’exercer les fonctions de chef de représentation se justifierait précisément par les responsabilités particulières de ce dernier.

42      Le fait que la durée du détachement du chef de la représentation à Athènes peut ne pas correspondre à la durée du mandat du commissaire serait sans pertinence, puisque seule l’AIPN déciderait de la durée du détachement en fonction de l’intérêt du service (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 23 janvier 2002, Reynolds/Parlement, T‑237/00, Rec. p. II‑163, points 51 à 53, et du 8 décembre 2005, Reynolds/Parlement, T‑237/00, RecFP p. I‑A‑385 et II‑1731, points 64 à 66).

43      Enfin, dans ses observations en date du 31 octobre 2008, en réponse à la question posée par le Tribunal, comme indiqué au point 27 du présent arrêt, la Commission fait encore valoir, pour justifier le recours à l’article 37 du statut, que l’intensité des contacts entre le commissaire responsable de la stratégie de la communication et les chefs de représentation varie en fonction des événements politiques et de l’agenda du collège des commissaires. Il serait impossible, vu l’éloignement géographique entre le siège de la Commission et les sièges de ses 27 représentations, d’entretenir des rencontres directes entre le commissaire concerné et les 27 chefs de représentation sur une base hebdomadaire, voire mensuelle. Cependant, le caractère fréquent des contacts directs entre la personne auprès de laquelle le détachement a lieu et le détaché ne constituerait pas, en soi, une condition d’application de l’article 37, premier alinéa, sous a), deuxième tiret, du statut, l’appréciation de l’existence de rapports de confiance mutuelle ne reposant pas nécessairement sur des paramètres quantifiables, tels le nombre de rencontres directes ou le nombre d’appels téléphoniques. L’important serait le contenu de ces rapports qui, dans la plupart des cas, aurait un caractère confidentiel.

44      Les contacts directs entre les chefs de représentation et le commissaire responsable de la stratégie de la communication prendraient des formes diverses. Il s’agirait, en règle générale :

–        de contacts téléphoniques ou de courriels entre le commissaire et les membres de son cabinet, d’une part, et les chefs de représentation, d’autre part[ ; c]es contacts seraient variables, en fonction des événements sur le plan national et sur le plan communautaire, et auraient une intensité accrue avant les visites du commissaire dans l’État membre concerné ;

–        de visites du commissaire dans l’État membre concerné pendant lesquelles il serait accompagné du chef de représentation ;

–        de missions du chef de représentation à Bruxelles, pendant lesquelles une rencontre avec le commissaire serait obligatoire ;

–        de la participation du commissaire aux réunions des chefs de représentation à Bruxelles au moins deux fois par an ;

–        de rapports établis par les chefs de représentation et adressés directement au commissaire.

45      Dans le cadre de la seconde branche de son premier moyen, le requérant conteste la compétence en tant qu’AIPN du vice-président de la Commission, M. Kallas, en matière de détachement d’un fonctionnaire en tant que chef de représentation ainsi que le déroulement des entretiens finaux.

46      Il invoque, à cet égard, l’article 14, paragraphe 2, de la décision PEI d’où il ressortirait que c’est le directeur général de la DG « Communication » qui aurait la qualité d’AIPN pour nommer un chef de représentation de grade AD 12. Or, en l’espèce, ledit directeur général aurait uniquement proposé la nomination de M. P., la décision de nomination ayant été finalement prise par le vice-président de la Commission, M. Kallas.

47      Le requérant estime également que l’audition des candidats présélectionnés s’est déroulée en violation de l’article 14, paragraphe 2, de la décision PEI, lequel prévoit que les entretiens finaux des candidats à un poste de chef de représentation « sont menés par le directeur général de la presse et de la communication, le directeur général du personnel et le secrétaire général ou, à la demande de celui-ci, un rapporteur désigné ». Or, en l’espèce, le directeur général de la DG « Personnel et administration » n’aurait pas été présent lors des entretiens finaux. En outre, la Commission aurait implicitement refusé de fournir au requérant la preuve que la présence du rapporteur, M. K., lors de son audition résultait bien d’une demande du secrétaire général.

48      Selon le requérant, le champ d’application de la décision PEI ne peut pas être circonscrit aux seuls cas de mutation et de nomination au titre des articles 7 et 29 du statut. En effet, cette décision, qui concernerait l’ensemble du personnel d’encadrement intermédiaire et s’appliquerait, ainsi qu’il ressort de son article 1er, à tous les services de la Commission et aux services qui lui sont administrativement rattachés, aurait une portée générale et étendue : elle régirait la procédure de sélection et de nomination des chefs de bureau et de représentation, indépendamment du point de savoir si la procédure en cause « concerne » une nomination, une mutation, un transfert, une promotion ou une sélection externe. L’article 2, paragraphe 1, de la décision PEI préciserait également que les chefs de représentation sont concernés par cette décision sans spécifier leur mode de désignation.

49      La décision PCR ne ferait pas obstacle à l’applicabilité de la décision PEI. Il n’existerait aucune contradiction entre les deux textes. La circonstance que la décision PCR serait postérieure à la décision PEI serait donc sans pertinence.

50      Le requérant souligne, d’ailleurs, que, selon le point 9 du guide administratif, postérieur à la décision PCR les règles de sélection et de nomination des chefs de représentation sont généralement les mêmes que celles applicables aux autres postes d’encadrement intermédiaire, quelques différences existant toutefois relativement à l’AIPN et à la participation d’autres comités que le CCN intervenant en vertu de l’article 14, paragraphe 2, de la décision PEI.

51      Par ailleurs, le point 5 de la partie III de la table des AIPN pour le personnel rémunéré sur le budget de fonctionnement, figurant à l’annexe I de la décision AIPN ne serait pas de nature à conforter la thèse de la Commission, dès lors qu’il ressortirait de ce texte que le commissaire responsable des questions du personnel et de l’administration n’a la qualité d’AIPN que lorsque le détachement en cause a lieu auprès d’un membre de la Commission, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

52      Enfin, le requérant observe que la décision de rejet de sa réclamation a été adoptée par le collège des commissaires qui n’était pas l’AIPN à laquelle il incombait d’adopter ladite décision. Cette irrégularité traduirait la politisation inacceptable de l’ensemble de la procédure de recrutement d’un fonctionnaire censé être de grade AD 12. Cette violation des règles de répartition des pouvoirs dévolus à l’AIPN porterait atteinte au principe d’impartialité de la procédure et jetterait le doute sur l’existence d’un réel examen comparatif des mérites des candidats à un emploi vacant, lequel examen constituerait pourtant la garantie du respect de l’égalité de traitement des fonctionnaires et du principe à la vocation à la carrière.

53      La Commission observe, en premier lieu, que, selon son deuxième considérant, la décision PEI repose sur les articles 2, 4, 5, 7 et 29 du statut et que son champ d’application concerne, par conséquent, les pourvois aux postes d’encadrement intermédiaire par voie de mutation dans l’intérêt du service au titre de l’article 7 du statut, ou de nomination d’un fonctionnaire, au titre de l’article 29 du statut. Les articles 37 et 38 du statut ne seraient pas visés.

54      En deuxième lieu, la Commission souligne que la procédure litigieuse ne pouvait pas être soumise à la décision PEI puisque, selon le tableau des AIPN pour le personnel rémunéré sur le budget de fonctionnement annexé à la décision AIPN, l’autorité compétente pour prendre la décision de détacher, dans l’intérêt du service, un fonctionnaire en vue d’exercer des fonctions de chef de représentation est le membre de la Commission responsable des questions du personnel et de l’administration. Il aurait donc été indispensable de prévoir une procédure de sélection distincte, ce qui a été fait par l’adoption des décisions du directeur général de la DG « Personnel et administration » des 20 avril et 26 mai 2005.

55      L’argument du requérant tiré du guide administratif et de la décision PEI serait dans ces circonstances inopérant, le membre de la Commission ne pouvant pas, en tout état de cause, veiller au respect de la procédure de sélection se concluant par l’adoption d’une décision pour laquelle ce membre n’est pas l’AIPN compétente.

56      En troisième lieu, s’agissant de l’argument du requérant tiré de l’intervention prétendument non fondée de trois cabinets de commissaires dans la nomination du chef de la représentation à Athènes, la Commission rétorque que l’intervention des commissaires concernés, à l’avant-dernière étape de la procédure de sélection, découle de la nature des fonctions du chef de représentation et de la qualité d’AIPN du vice-président Kallas en la matière.

57      En dernier lieu, quant à la prétendue incompétence du collège des commissaires pour adopter la décision de rejet de la réclamation, la Commission relève que la note en bas de page 2, relative au point 12 « Réclamation » de la partie V du tableau des AIPN pour le personnel rémunéré sur le budget de fonctionnement, annexée à la décision AIPN, stipule :

« […] si la décision contestée a été prise par le [c]ommissaire chargé du [p]ersonnel et de l’[a]dministration ou par la Commission : l’AIPN est la Commission […] »

58      Dès lors que, en l’espèce, la décision attaquée a été adoptée par le vice-président de la Commission, M. Kallas, la réponse à la réclamation dirigée contre cette décision devait être adoptée par le collège des commissaires.

59      En tout état de cause, la Commission estime que le premier moyen a été soulevé dans l’intérêt de la loi et est donc irrecevable.

60      En effet, selon la jurisprudence, pour qu’un vice de procédure puisse entraîner l’annulation d’un acte, il faut qu’il soit substantiel et qu’en son absence le contenu de cet acte aurait été différent. Or, le requérant aurait manqué de démontrer, à suffisance de droit, que la prétendue violation de la décision PEI, voire sa non-application en l’espèce, aurait été de nature à influencer le contenu de la décision attaquée.

61      Au cours de l’audience, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre du moyen tiré de l’inapplicabilité en l’espèce de l’article 37, premier alinéa, sous a), deuxième tiret, du statut au motif qu’il n’aurait été invoqué ni dans la réclamation ni dans la requête, mais pour la première fois à l’audience, en réponse aux questions posées par le Tribunal.

62      La Commission a également, au cours de l’audience, souligné la possibilité pour le chef de représentation de réintégrer immédiatement, à l’expiration de son détachement, conformément à l’article 38, sous g), du statut, l’emploi qu’il occupait antérieurement. Une telle possibilité répondrait parfaitement aux exigences du poste, eu égard au lien personnel existant entre l’intéressé et le membre de la Commission responsable de la stratégie de la communication, la fin du mandat de ce dernier étant susceptible d’entraîner la fin du détachement. La Commission a, enfin, relevé la difficulté d’organiser une procédure de mobilité entre représentations de la Commission dans les États membres, comparable à celle qui existe entre délégations, compte tenu de la contrainte linguistique qui pèse sur la fonction de chef de représentation, ce dernier étant, d’ailleurs, le plus souvent de la nationalité du pays d’accueil.

 Appréciation du Tribunal

63      Il convient tout d’abord d’examiner la recevabilité du grief tiré de l’inapplicabilité de l’article 37 du statut, et ensuite la question de savoir si c’est légalement que la Commission a fait application, en l’espèce en vue du recrutement du chef de la représentation à Athènes, des dispositions du statut en matière de détachement dans l’intérêt du service auprès d’une personne remplissant un mandat prévu par les traités.

 Sur la recevabilité du grief tiré de l’inapplicabilité de l’article 37 du statut

64      La Commission a, au cours de l’audience, soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre du grief tiré de l’inapplicabilité, en l’espèce, de l’article 37, premier alinéa, sous a), deuxième tiret, du statut au motif que ce grief n’aurait pas été soulevé dans la requête.

65      Une telle exception ne saurait être accueillie. En effet, c’est précisément en réponse au moyen tiré par le requérant de l’illégalité de la procédure de sélection du chef de représentation suivie en l’espèce, au regard des articles 7 et 29 du statut, ainsi que de l’article 14, paragraphe 2, de la décision PEI, que la Commission a fait valoir l’argument selon lequel il lui avait incombé, lors de la procédure de sélection, de faire application de l’article 37, premier alinéa, sous a), deuxième tiret, du statut, de telle sorte que c’est au regard de cette disposition, plutôt que des articles 7 et 29 du statut qu’il conviendrait, selon la Commission, d’apprécier la légalité de la procédure de sélection litigieuse.

66      Dans ces conditions, l’examen du bien-fondé du premier moyen suppose nécessairement que le Tribunal examine, tout d’abord, l’applicabilité, en l’espèce, de l’article 37 du statut.

67      En tout état de cause, l’argumentation du requérant revient à mettre en cause la compétence du commissaire responsable des questions de personnel et de l’administration pour la désignation du chef de la représentation à Athènes, ainsi que le champ d’application de l’article 37 du statut, dont la Commission a fait application, ce qui constitue des moyens d’ordre public susceptibles d’être soulevés d’office à tout stade de la procédure devant le Tribunal.

68      Il convient, en conséquence, de rejeter l’exception d’irrecevabilité dirigée contre le grief tiré de l’inapplicabilité de l’article 37 du statut.

 Sur le bien-fondé du grief tiré de l’inapplicabilité de l’article 37 du statut

69      Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, en vertu de l’article 35 du statut, tout fonctionnaire est placé dans l’une des positions suivantes : l’activité, le détachement, le congé de convenance personnelle, la disponibilité, le congé pour services militaires ou le congé parental ou familial. Il est clair que l’activité, qui, selon l’article 36 du statut, est « la position du fonctionnaire qui exerce dans les conditions prévues au titre IV [relatif aux conditions de travail] les fonctions correspondant à l’emploi auquel il a été affecté ou dont il assure l’intérim », constitue la position ordinaire du fonctionnaire, les autres positions ayant un caractère extraordinaire. D’ailleurs, pour être placé dans l’une de ces autres positions, le fonctionnaire doit répondre aux conditions particulières prévues à cet effet par le statut.

70      Ainsi, en vertu de l’article 37, premier alinéa, sous a), deuxième tiret, du statut, un fonctionnaire peut être détaché, dans l’intérêt du service, afin « d’exercer temporairement des fonctions auprès d’une personne remplissant un mandat prévu par les traités », tel un membre de la Commission.

71      Ainsi que l’a souligné la Cour dans son arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson (C‑432/04, Rec. p. I‑6387, point 137), la finalité du détachement auprès d’un commissaire est, de façon générale, de permettre à des personnes précédemment recrutées en raison de leur mérite, souvent par concours, et qui ont fait la preuve de leurs compétences, d’exercer celles-ci au service des cabinets. La Cour a également constaté que le recrutement de ces collaborateurs est effectué intuitu personae, c’est-à-dire de manière largement discrétionnaire, les intéressés étant choisis tant pour leurs qualités professionnelles et morales que pour leur aptitude à s’adapter aux méthodes de travail propres du commissaire concerné et à celles de l’ensemble de son cabinet (arrêt Commission/Cresson, précité, point 130 ; voir également, en ce sens, à propos de la désignation des référendaires dans les cabinets des juges de la Cour de justice, arrêt du Tribunal du 4 septembre 2008, Duta/Cour de justice, F‑103/07, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 26, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes, affaire T‑475/08 P).

72      Le pouvoir discrétionnaire de la personne ou du service bénéficiant du détachement, ainsi que la confiance mutuelle qui doit présider aux rapports établis entre cette personne ou ce service et le fonctionnaire détaché, durant toute la durée du détachement, ont également été mis en évidence par la Cour et le Tribunal de première instance à propos du recrutement d’un fonctionnaire auprès d’un groupe politique du Parlement européen, ce qui permet à l’AIPN de mettre fin à tout moment à ce détachement lorsque les rapports de confiance mutuelle ont cessé d’exister (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Parlement/Reynolds, C‑111/02 P, Rec. p. I‑5475, points 54 à 56 ; arrêt du Tribunal de première instance du 8 décembre 2005, Reynolds/Parlement, précité, point 66). Dans le même sens, l’article 38 du statut permet au fonctionnaire détaché de demander, à l’expiration de chaque période de six mois, qu’il soit mis fin à son détachement, ce qui témoigne de la précarité qui caractérise la relation de travail entre l’intéressé et la personne auprès de laquelle il est détaché.

73      En l’espèce, la Commission fait valoir, en premier lieu, que la nature même des fonctions exercées par le chef de représentation, lequel constituerait un relais entre la Commission et les autorités nationales, régionales ou locales de l’État membre d’accueil, justifie le recours au détachement dans l’intérêt du service, au titre de l’article 37, premier alinéa, sous a), deuxième tiret, du statut.

74      Cette justification ne saurait être retenue. En effet, le « caractère politique et sensible », selon la Commission, des fonctions exercées par les chefs de représentation, aussi réel soit-il, ne saurait, comme tel, suffire à justifier le recours à la position de détachement d’un fonctionnaire. Une telle interprétation de l’article 37, premier alinéa, sous a), deuxième tiret, du statut reviendrait à permettre le détachement auprès des commissaires respectifs de tous les fonctionnaires exerçant des fonctions « politiques et sensibles » au sein de l’institution relevant normalement du personnel d’encadrement supérieur et porterait ainsi atteinte à la structure même de la fonction publique européenne, telle qu’elle est établie à l’article 35 du statut, en remettant notamment en cause la lisibilité des liens hiérarchiques.

75      Au demeurant, la décision PEI inclut en son article 2, paragraphe 1, les chefs de représentation dans le personnel d’encadrement intermédiaire.

76      En deuxième lieu, la Commission fait valoir que l’article 37, premier alinéa, sous a), deuxième tiret, du statut n’exige pas que le fonctionnaire détaché auprès d’un membre d’une institution exerce effectivement ses fonctions au sein de son cabinet ou relève de l’organigramme de celui-ci.

77      À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été souligné aux points 70 et 71 du présent arrêt, qu’un détachement dans l’intérêt du service « auprès d’une personne remplissant un mandat prévu par les traités » suppose l’existence d’une relation de confiance intuitu personae entre cette dernière et le fonctionnaire détaché, laquelle relation implique que des rapports directs et étroits puissent en permanence être noués entre les intéressés, en fonction des méthodes de travail propres au membre concerné et de celles de l’ensemble de son cabinet.

78      À supposer même que l’éloignement physique ne rende pas, en principe, impossible ou particulièrement difficile l’établissement de rapports personnels entre les chefs de représentation et le commissaire responsable de la stratégie de la communication, force est de constater que la Commission n’a pas établi, en l’espèce, l’existence de tels rapports.

79      Au contraire, il ressort du dossier, et notamment de l’organigramme de la DG « Communication », que les interlocuteurs directs des chefs de représentation relèvent, au premier chef, de la direction B « Représentations » de ladite direction générale, sous l’autorité de son directeur général. La Commission elle-même a souligné, dans ses écrits, que l’intensité des contacts avec le commissaire responsable de la communication ou les membres de son cabinet varie en fonction d’événements politiques de nature conjoncturelle, telle une visite du commissaire dans l’État membre concerné. Les circonstances que des rapports établis par le chef de représentation soient directement adressés au commissaire responsable, que des contacts téléphoniques, des échanges de courriels ou des réunions aient lieu entre le chef de représentation et le commissaire ou les membres de son cabinet, ou encore que le contenu de ces échanges soient confidentiels, ne permettent pas en elles-mêmes d’établir le caractère intuitu personae du rapport de travail entre le commissaire en charge de la communication et le chef de représentation concerné. De telles circonstances peuvent aussi caractériser les rapports noués entre un directeur général de la Commission et un commissaire, sans que le directeur général soit détaché, dans l’intérêt du service, auprès de ce dernier. De plus, il ressort du dossier que les chefs de représentation sont, en réalité, amenés à devoir prêter assistance à l’ensemble des commissaires, en particulier, lorsque ceux-ci se déplacent dans l’État membre d’accueil.

80      Enfin, s’il est vrai que la durée du détachement du chef de la représentation de la Commission à Athènes est limitée à trois ans, ainsi qu’il ressort de l’avis de vacance litigieux, cette durée, renouvelable une fois pour un maximum de deux ans, ne correspond pas nécessairement à celle du mandat du commissaire responsable de la stratégie de la communication et il n’a pas été établi que, à l’expiration du mandat de ce dernier, les chefs de représentation voient, en général, leur détachement prendre fin.

81      En troisième lieu, la Commission a fait valoir que la règle énoncée à l’article 38, sous g), du statut, selon laquelle, à l’expiration du détachement, le fonctionnaire réintègre immédiatement l’emploi qu’il occupait antérieurement, permettrait de résoudre les difficultés découlant de l’impossibilité d’organiser une procédure de mobilité comparable à celle qui est prévue pour les fonctionnaires affectés dans des pays tiers. Sans que soient mises en doute les difficultés pratiques liées à la mobilité des chefs de représentation, on ne saurait faire dépendre l’applicabilité du régime de détachement de l’intérêt opérationnel que représenterait l’application d’un tel régime à une certaine catégorie de fonctionnaires. En d’autres termes, l’applicabilité de l’article 37, premier alinéa, sous a), deuxième tiret, du statut dépend uniquement des conditions énoncées dans cette disposition, mais nullement des conséquences administratives qui découleraient de son application. Toute autre interprétation reviendrait à permettre le recours à l’article 37 du statut dans un but autre que celui pour lequel il a été prévu et donc à légitimer un détournement de procédure.

82      En quatrième lieu, force est de constater, ainsi d’ailleurs que la Commission l’a reconnu au cours de l’audience, que la procédure de sélection des chefs de représentation, détachés auprès du commissaire responsable de la stratégie de la communication, telle qu’elle a été organisée par les notes des 20 avril et 26 mai 2005 du directeur général de la DG « Personnel et administration », n’est pas tellement éloignée, par sa lourdeur, de la procédure de sélection du personnel d’encadrement intermédiaire, telle que prévue aux articles 8 et 14, paragraphe 2, de la décision PEI, la différence fondamentale ayant trait à la désignation de l’AIPN. Dans le premier cas, s’agissant de la nomination d’un chef de représentation de grade AD 12, il s’agit du commissaire responsable du personnel et de l’administration, en accord avec les cabinets du président de la Commission et du commissaire responsable de la stratégie de la communication ; dans le second cas, il s’agit, conformément à l’article 14, paragraphe 2, de la décision PEI, du directeur général de la presse et de la communication.

83      Or, l’organisation systématique d’une procédure de sélection pour le détachement d’un fonctionnaire auprès d’un commissaire, comparable à celle qui est organisée pour le pourvoi de postes d’encadrement intermédiaire, se concilie difficilement avec le caractère discrétionnaire qui, en principe, caractérise le choix, par un commissaire, de ses collaborateurs, détachés auprès de lui.

84      En cinquième et dernier lieu, la Commission fait valoir que, en tout état de cause, le requérant a manqué de démontrer que la prétendue violation de la décision PEI ou sa non-application en l’espèce aurait été de nature à influencer le contenu de la décision attaquée, de telle sorte que le vice de procédure invoqué, non substantiel, ne pourrait entraîner l’annulation de la décision attaquée.

85      À cet égard, il importe de souligner que, selon la décision PEI, le pouvoir de nomination, pour les emplois de chef de représentation de niveau AD 9/AD 12, est détenu par le directeur général de la DG « Communication » alors que, pour ces mêmes emplois, ce pouvoir appartient au membre de la Commission responsable des questions du personnel et de l’administration, en accord avec le président, selon la décision AIPN, lorsque le chef de représentation est détaché auprès d’un membre de la Commission. Cette différence est en elle-même de nature à influencer l’issue de toute procédure de nomination. Au demeurant, le requérant conserve un intérêt à agir afin que l’illégalité en cause ne se reproduise pas dans le cadre d’une procédure analogue de sélection (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, point 50 ; arrêt du Tribunal de première instance du 5 juillet 2005, Wunenburger/Commission, T‑370/03, RecFP p. I‑A‑189 et II‑853, point 20).

86      Il découle de tout ce qui précède et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs relevant du premier moyen et les autres moyens soulevés par le requérant que c’est illégalement que la Commission a, en l’espèce, fait application de l’article 37, premier alinéa, sous a), deuxième tiret, du statut, en lieu et place de ses articles 7 et 29, pour le recrutement du chef de la représentation à Athènes et que, par voie de conséquence, la décision attaquée, en ce qu’elle concerne le rejet de la candidature du requérant, doit être annulée, pour avoir été adoptée sur la base d’une procédure elle-même illégale et, en particulier, pour vice d’incompétence.

 Sur les dépens

87      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

88      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à l’ensemble des dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a pas lieu à statuer sur les conclusions à fins d’annulation de la décision de la Commission des Communautés européennes, du 21 décembre 2006, en tant qu’elle porte nomination de M. P. au poste vacant de chef de la représentation de la Commission à Athènes (Grèce).

2)      La décision de la Commission des Communautés européennes, du 21 décembre 2006, en tant qu’elle rejette la candidature de M. Kremlis au poste vacant de chef de la représentation de la Commission à Athènes est annulée.

3)      La Commission des Communautés européennes est condamnée à l’ensemble des dépens.

Kanninen

Kreppel

Van Raepenbusch

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 avril 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kanninen


* Langue de procédure : le français.