Language of document : ECLI:EU:F:2008:68

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

23 mai 2008 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Pensions – Pension de survie – Versement à hauteur de 50 % en raison de l’existence d’un second conjoint survivant – Irrecevabilité – Tardiveté de la réclamation – Fin de non-recevoir d’ordre public – Relevé d’office – Application dans le temps du règlement de procédure du Tribunal »

Dans l’affaire F‑79/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Kurt-Wolfgang Braun-Neumann, demeurant à Merzig (Allemagne), représenté par Me P. Ames, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. J. F. De Wachter, Mmes K. Zejdová et S. Seyr, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, H. Tagaras (rapporteur) et S. Gervasoni, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 juillet 2007, M. Braun-Neumann demande la condamnation du Parlement européen à lui verser, avec effet rétroactif au 1er août 2004, l’autre moitié de la pension de survie du chef de son épouse Mme Mandt, née Neumann (ci-après « feu Mme Mandt »), par mensualités de 1 670,84 euros, majorées d’intérêts calculés au taux appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à la facilité permanente de prêt marginal, augmenté de 3 %.

 Cadre juridique

2        L’article 79 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci‑après le « statut ») énonce :

« Dans les conditions prévues au chapitre 4 de l’annexe VIII, le conjoint survivant d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire a droit à une pension de survie égale à 60 % de la pension d’ancienneté ou de l’allocation d’invalidité dont son conjoint bénéficiait ou dont il aurait bénéficié s’il avait pu y prétendre, sans condition de durée de service ni d’âge, au moment de son décès.

[…] »

3        L’article 18, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut prévoit :

« Le conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire titulaire d’une pension d’ancienneté, pour autant que le mariage ait été contracté avant que l’intéressé ait cessé d’être au service d’une institution et qu’il ait été son conjoint pendant un an au moins, a droit, sous réserve des dispositions prévues à l’article 22, à une pension de survie égale à 60 % de la pension d’ancienneté dont bénéficiait son conjoint au jour de son décès. […] »

 Faits à l’origine du litige

4        Feu Mme Mandt, ressortissante allemande, est entrée en fonction au Parlement le 1er janvier 1964.

5        Le requérant, également ressortissant allemand, et feu Mme Mandt se sont mariés à Straubing (Allemagne), le 3 mai 1993, puis se sont installés à Vezin (Belgique).

6        Les époux ayant à l’époque leur domicile à Vezin, feu Mme Mandt a saisi, en mars 1995, le Tribunal de première instance de Namur (Belgique) d’une demande de divorce. Le requérant n’ayant pas comparu à l’audience de divorce du 7 juillet 1995, le Tribunal de première instance de Namur a prononcé un jugement de divorce par défaut en date du 6 septembre 1995. Le requérant, selon lequel ce jugement ne lui aurait été notifié qu’au mois de décembre 1995, aurait exercé à cette date un recours contre celui-ci.

7        En décembre 1996, feu Mme Mandt aurait demandé la reconnaissance de ce jugement en Allemagne, auprès du Bayerisches Staatsministerium der Justiz (Ministère d’État bavarois de la Justice). Par décision du 23 décembre 1998, le Bayerisches Staatsministerium der Justiz a constaté que les conditions légales pour la reconnaissance du jugement belge de divorce étaient remplies.

8        Cependant, le requérant a introduit un recours contre cette décision devant le Bayerisches Oberstes Landesgericht (Tribunal suprême de Bavière), lequel a décidé, par ordonnance du 11 octobre 1999, que le jugement belge de divorce ne pouvait être reconnu, en se fondant notamment sur le non-respect des droits de la défense du requérant.

9        Le 25 avril 2000, feu Mme Mandt, domiciliée à cette date à Bruxelles (Belgique), a contracté à New York (États-Unis) un mariage avec M. Mandt, ressortissant allemand, domicilié en Allemagne.

10      Feu Mme Mandt a cessé ses fonctions au sein du Parlement le 28 février 2001 et a ensuite bénéficié d’une pension d’ancienneté. Lors du décès de feu Mme Mandt, survenu le 25 juillet 2004, le Parlement a accordé le bénéfice de la pension de survie à M. Mandt, qui figurait comme conjoint survivant de celle-ci sur l’acte de décès transmis.

11      Auparavant, le requérant avait entamé une procédure de divorce devant l’Amtsgericht-Familiengericht-Merzig (le tribunal de la famille au sein du tribunal cantonal de Merzig). Par décision du 25 août 2004, l’Amtsgericht-Familiengericht-Merzig, se référant à l’audience du même jour et indiquant au surplus que feu Mme Mandt ne s’était pas opposée à cette demande de divorce, a prononcé le divorce du requérant et de feu Mme Mandt.

12      Toutefois, l’Amtsgericht-Familiengericht-Merzig a constaté, par ordonnance du 21 janvier 2005, que la procédure de divorce était réputée caduque, le mariage du requérant et de feu Mme Mandt ayant été dissous par le décès de celle-ci, survenu le 25 juillet 2004.

13      Suite à une action qui aurait été engagée d’office par le Landrat des Kreises Siegen-Wittgenstein (le chef du district de Siegen-Wittgenstein), l’Amtsgericht Siegen (le tribunal cantonal de Siegen), après avoir constaté que feu Mme Mandt était mariée aussi bien avec M. Mandt qu’avec le requérant – le mariage avec ce dernier n’ayant pas été dissous de manière valable –, a décidé, par ordonnance du 25 janvier 2006, qu’il y avait lieu de procéder à la modification du registre des décès (« Sterbeeintrag ») de feu Mme Mandt (ci-après l’« ordonnance du 25 janvier 2006 »), en ce sens que ce registre désigne comme époux de feu Mme Mandt, outre M. Mandt, également le requérant.

14      Par lettres du 29 mars et du 13 avril 2006, le requérant a envoyé au Parlement l’ordonnance du 25 janvier 2006, accompagnée d’un acte de décès (« Sterbeurkunde ») de feu Mme Mandt, émis le 23 mars 2006 et reflétant la modification citée au point précédent, et a fait valoir ses droits de conjoint survivant.

15      Par lettre du 8 septembre 2006, le Parlement a informé le requérant qu’il ressortait des documents joints à ses lettres du 29 mars et du 13 avril 2006 que les autorités allemandes reconnaissaient effectivement l’existence d’un mariage entre celui-ci et feu Mme Mandt au moment du décès de cette dernière. Le Parlement a donc décidé de verser au requérant, à partir du 1er avril 2006, soit à compter du premier jour du mois suivant l’introduction de sa demande, 50 % de la pension de survie de feu Mme Mandt (ci-après la « lettre du 8 septembre 2006 »). Le Parlement a, en outre, prié le requérant de lui retourner les formulaires joints à la lettre du 8 septembre 2006, dûment renseignés et signés par celui-ci ainsi que par sa banque, afin de pouvoir effectuer le virement de la part de la pension de survie lui revenant. Par lettre du même jour, le Parlement a informé M. Mandt que la pension de survie qu’il touchait en totalité depuis le 1er août 2004 devait être réduite, à partir du 1er avril 2006, à hauteur de 50 %.

16      Par courrier du 20 septembre 2006, le requérant, se référant à la lettre du 8 septembre 2006, a fait parvenir au Parlement les formulaires dûment renseignés et signés, tels que demandés par celui-ci.

17      Le 18 octobre 2006, le Parlement a établi l’avis de fixation des droits à une pension de survie, lequel avis a été envoyé au requérant en annexe d’une lettre d’accompagnement datée du 20 octobre 2006 (ci-après l’« avis de fixation des droits du 18 octobre 2006 »).

18      Par lettre du 19 janvier 2007, le requérant a introduit une réclamation en demandant le bénéfice de la totalité de la pension de survie, à partir du 1er août 2004, à savoir le premier jour du mois suivant le décès de feu Mme Mandt, ou, à titre subsidiaire, à partir du 1er avril 2005, à savoir le premier jour du mois suivant une première demande que le requérant aurait effectuée devant le Parlement afin de bénéficier de cette pension de survie.

19      Par décision du 2 mai 2007, le Parlement a partiellement fait droit à la réclamation introduite par le requérant. En effet, après avoir estimé que le requérant ne pouvait toucher l’intégralité du montant de la pension de survie dans la mesure où M. Mandt était également le conjoint survivant de feu Mme Mandt, le Parlement a cependant décidé de verser rétroactivement au requérant, pour la période allant du 1er août 2004 au 31 mars 2006, la moitié de la pension de survie, en se fondant sur le fait que son droit à la pension de survie était né à compter du premier jour du mois civil suivant le décès de feu Mme Mandt.

 Conclusions des parties et procédure

20      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner le Parlement à lui verser, avec effet rétroactif au 1er août 2004, l’autre moitié de la pension de survie du chef de feu Mme Mandt, par mensualités de 1 670,84 euros, majorées d’intérêts calculés au taux appliqué par la BCE à la facilité permanente de prêt marginal, augmenté de 3 % ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

21      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable et, subsidiairement, non fondé ;

–        décider sur les dépens comme de droit.

22      En vue d’assurer, dans les meilleures conditions, la mise en état de l’affaire, le déroulement de la procédure et le règlement du litige, le Tribunal a décidé à deux reprises de prendre des mesures d’organisation de la procédure. À cet effet, il a été procédé en application de l’article 55, paragraphe 2, de son règlement de procédure, entré en vigueur le 1er novembre 2007 (JO L 225, p. 1).

23      Dans le cadre de premières mesures d’organisation de la procédure décidées par le Tribunal et portées à la connaissance des parties par courrier du 7 décembre 2007, le Tribunal a invité les parties, d’une part, à produire certaines pièces, d’autre part, à prendre position sur certains aspects du litige, enfin, à lui fournir certaines informations relatives à l’affaire. Les parties ont déféré à ces mesures d’organisation de la procédure dans les délais impartis.

24      Dans le cadre de secondes mesures d’organisation de la procédure décidées par le Tribunal et portées à la connaissance des parties par courrier du 10 janvier 2008, le Tribunal a invité les parties à l’informer, et à apporter la preuve par tous moyens, de la date de réception par le requérant de l’avis de fixation des droits du 18 octobre 2006, ainsi que de la date de réception par le Parlement de la réclamation du requérant du 19 janvier 2007.

25      Par ce même courrier du 10 janvier 2008, le Tribunal a informé les parties qu’il envisageait, conformément à l’article 77 de son règlement de procédure, de relever d’office une fin de non-recevoir tirée du déroulement irrégulier de la procédure précontentieuse, tenant à la tardiveté de la réclamation du requérant ; en effet, celle-ci a été introduite le 19 janvier 2007, alors que le requérant avait été informé de l’accueil partiel de sa demande de pension de survie par la lettre du 8 septembre 2006. Par courrier du requérant parvenu au greffe du Tribunal le 24 janvier 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 4 février suivant) et par courrier du Parlement déposé au greffe le 25 janvier 2008, les parties ont déféré à ces secondes mesures d’organisation de la procédure et ont formulé des observations sur le relevé d’office.

 En droit

 Arguments des parties

 Sur l’exception d’irrecevabilité et sur la fin de non-recevoir relevée d’office

26      Le Parlement soulève l’irrecevabilité du recours en ce que le Tribunal ne saurait statuer dans la présente affaire dans la mesure où, contrairement à la jurisprudence communautaire, le requérant n’aurait formulé aucune conclusion en annulation d’un acte lui faisant grief, la conclusion visant à la seule condamnation du Parlement ne pouvant subsister en elle-même.

27      Concernant la fin de non-recevoir relevée par le Tribunal, le requérant considère que seul l’avis de fixation des droits du 18 octobre 2006 est susceptible de constituer un acte faisant grief, la lettre du 8 septembre 2006 n’étant qu’une simple « lettre informelle ». En toute hypothèse, le requérant fait remarquer que ni l’avis de fixation des droits du 18 octobre 2006 ni la lettre du 8 septembre 2006 ne comportait d’indications sur les voies de recours ainsi que sur les délais à respecter à cet égard et que, de ce fait, il ne serait alors pas possible de se fonder sur le non-respect par le requérant du délai de réclamation de trois mois. Il ajoute qu’une hypothétique forclusion serait toutefois couverte par la décision de rejet de la réclamation, décision adoptée le 2 mai 2007 et par laquelle le Parlement n’aurait statué que sur le fond, démontrant ainsi l’absence d’importance pour celui-ci d’une éventuelle forclusion.

28      Quant au Parlement, il soutient la fin de non-recevoir relevée par le Tribunal, en ce que la « décision » du 8 septembre 2006 devrait être considérée comme un acte faisant grief ; en effet, par cette lettre du 8 septembre 2006, le requérant aurait été informé que sa demande d’octroi de la pension de survie ne serait satisfaite qu’à concurrence de 50 %. Le Parlement ajoute que s’il ignore la date de réception de cette lettre par le requérant, il n’en demeure pas moins que ce dernier, lequel a fait référence à la lettre du 8 septembre 2006 dans un courrier du 20 septembre 2006 adressé au Parlement, a donc dû en avoir connaissance au plus tard à cette dernière date. Il s’ensuit que la réclamation introduite le 19 janvier 2007 serait tardive et le recours irrecevable.

 Sur le fond

29      Le requérant demande le versement de la totalité de la pension de survie du fait que, premièrement, il serait l’unique conjoint « légitime » de feu Mme Mandt, deuxièmement, le second mariage serait « dépourvu de validité », troisièmement, le jugement de divorce du Tribunal de première instance de Namur, du 6 septembre 1995, n’aurait pas acquis de caractère définitif en raison du recours du requérant contre ce jugement (voir point 6 de la présente ordonnance), quatrièmement, M. Mandt devrait être exclu du droit à la pension de survie. En outre, le requérant fait valoir que la décision du Parlement du 2 mai 2007 est basée sur des dispositions du droit allemand relatives au mariage qui ne seraient plus en vigueur.

30      Quant au Parlement, d’une part, il conteste la recevabilité du moyen tiré de la violation du droit allemand et relève que sa décision de partager la pension de survie entre les deux conjoints survivants est basée sur des actes d’autorités judiciaires ou administratives allemandes, à savoir l’acte de décès de feu Mme Mandt ainsi que l’ordonnance du 25 janvier 2006 ; or, le juge communautaire n’aurait pas compétence pour se prononcer sur la bonne application du droit national par les autorités nationales. D’autre part, en réponse aux moyens soulevés au fond par le requérant, le Parlement estime tout d’abord que, au regard des actes des autorités judiciaires et administratives allemandes, notamment de l’acte de décès de feu Mme Mandt et de l’ordonnance du 25 janvier 2006, sur lesquels le Parlement ne dispose d’aucun pouvoir de décision ou de révision, il ne pouvait pas considérer le requérant comme le « mari légitime unique » et devait prendre en considération l’existence formelle du second mariage contracté par feu Mme Mandt avec M. Mandt, lequel mariage serait reconnu par le droit allemand. De plus, si le Parlement reconnaît avoir erronément fait référence à certaines dispositions du droit allemand qui ne sont plus en vigueur, il fait cependant remarquer que les règles régissant l’annulation du mariage sont restées les mêmes sur le fond.

 Appréciation du Tribunal

31      S’agissant de la fin de non-recevoir relevée d’office par le Tribunal, en vertu de l’article 77 de son règlement de procédure, le Tribunal peut, à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public. Cet article ajoute que, si le Tribunal s’estime suffisamment éclairé, il peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voir d’ordonnance motivée.

32      Selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur. Néanmoins, il est également de jurisprudence constante que la recevabilité d’un recours s’apprécie au moment de son introduction.

33      Il résulte de ces considérations que, si la règle énoncée à l’article 77 du règlement de procédure, selon laquelle le Tribunal peut, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public et, ce faisant, rejeter un recours par ordonnance sans poursuivre la procédure, est une règle de procédure qui s’applique dès la date de son entrée en vigueur à tous les litiges pendants devant le Tribunal, il n’en va pas de même des règles qui énoncent des fins de non-recevoir d’ordre public. En effet, ces dernières règles, dans la mesure où elles déterminent la recevabilité d’un recours, sont nécessairement celles qui étaient applicables à la date d’introduction de celui-ci.

34      Dans le présent litige, à la date à laquelle le recours a été introduit, le 31 juillet 2007, les règles qui fixent les conditions de recevabilité applicables et, notamment, celles qui énoncent des fins de non-recevoir d’ordre public pouvant être relevées d’office, étaient celles auxquelles renvoyait l’article 113 du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier. En effet, ledit article 113 est la disposition qui, dans le règlement de procédure du Tribunal de première instance, correspond à l’article 77 du règlement de procédure.

35      Par conséquent, il y a lieu d’appliquer, d’une part, la règle de procédure visée par l’article 77 du règlement de procédure, et, d’autre part, les règles de recevabilité auxquelles renvoyait l’article 113 du règlement de procédure du Tribunal de première instance (voir, en ce sens, au sujet d’une exception d’irrecevabilité manifeste soulevée par la partie défenderesse, ordonnance du Tribunal du 11 décembre 2007, Martin Bermejo/Commission, F‑60/07, non encore publiée au Recueil, points 23 à 27), y compris, en ce qui concerne cette deuxième catégorie de règles, les règles qui énoncent des fins de non-recevoir d’ordre public.

36      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de ces dispositions, de statuer sans poursuivre la procédure.

37      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, les délais de réclamation et de recours, visés aux articles 90 et 91 du statut, sont d’ordre public et ne sauraient être laissés à la disposition des parties et du juge à qui il appartient de vérifier, même d’office, s’ils ont été respectés. Ces délais répondent à l’exigence de la sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir, notamment, arrêts de la Cour du 7 juillet 1971, Müllers/CES, 79/70, Rec. p. 689, point 18 ; du 4 février 1987, Cladakis/Commission, 276/85, Rec. p. 495, point 11, et du 29 juin 2000, Politi/Fondation européenne de la formation, C‑154/99 P, Rec. p. I‑5019, point 15 ; ordonnance du Tribunal du 13 décembre 2007, Veramme/Commission, F‑64/05, non publiée au Recueil, point 20).

38      Il y a donc lieu pour le Tribunal d’examiner d’office si la réclamation introduite par le requérant le 19 janvier 2007 l’a été dans le délai de trois mois visé à l’article 90, paragraphe 2, du statut. À cet effet, il appartient au Tribunal de rechercher l’acte faisant grief au requérant, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

39      Selon une jurisprudence bien établie, un acte faisant grief est celui qui produit des effets juridiques et obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (voir arrêt du Tribunal du 28 juin 2006, Grünheid/Commission, F‑101/05, non encore publié au Recueil, point 33, et la jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du Tribunal du 24 mai 2007, Lofaro/Commission, F‑27/06 et F‑75/06, non encore publiée au Recueil, point 57, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de première instance, affaire T‑293/07 P).

40      En l’espèce, le requérant a été informé par la lettre du 8 septembre 2006 du rejet partiel de sa demande de bénéficier de la totalité de la pension de survie de feu Mme Mandt. Il convient de relever que la décision du Parlement de ne faire bénéficier le requérant que de 50 % de la pension de survie de feu Mme Mandt ressort expressément de cette lettre du 8 septembre 2006, laquelle comporte d’ailleurs une motivation certes succincte, mais toutefois claire et explicite. En effet, en substance, le Parlement, après avoir fait observer qu’il ressortait des documents joints par le requérant à ses courriers des 29 mars et 13 avril 2006 que les autorités allemandes reconnaissaient l’existence de son mariage avec feu Mme Mandt, a cependant fait remarquer que l’ordonnance du 25 janvier 2006 établissait également que le mariage de M. Mandt et de feu Mme Mandt subsistait encore au jour du décès de celle-ci ; le Parlement concluait que, eu égard à ces éléments, le requérant avait dès lors droit à la moitié de la pension de survie à compter du premier jour du mois suivant l’introduction de sa demande, soit le 1er avril 2006.

41      Ainsi, l’avis de fixation des droits du 18 octobre 2006, envoyé au requérant en annexe d’une note du 20 octobre 2006, a seulement permis d’indiquer au requérant le calcul de la pension de survie dont il pouvait bénéficier, ainsi que son montant, et ne peut donc être considéré comme un acte faisant grief attaquable, mais comme un simple acte confirmatif de la décision n’accordant au requérant que 50 % de la pension de survie, ceci d’autant plus que l’avis susmentionné, contrairement à la lettre du 8 septembre 2006, ne comporte aucune motivation. Au surplus, le Tribunal relève que le requérant n’attaque pas le calcul de ces 50 % ni le montant en résultant, lesquels ressortent de l’avis précité, mais la décision même du Parlement, reflétée dans la lettre du 8 septembre 2006, de n’accorder au requérant que 50 % de la pension de survie.

42      En conséquence, l’acte faisant grief au requérant est la lettre du Parlement du 8 septembre 2006.

43      En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que le délai de réclamation, prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut court à compter du jour de la notification de la décision au destinataire et en tout cas au plus tard du jour où l’intéressé en a eu connaissance s’il s’agit d’une mesure de caractère individuel (voir arrêt du Tribunal de première instance du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, T‑35/96, RecFP p. I‑A‑61 et II‑187, point 40).

44      En l’espèce, il n’est pas contesté que le requérant ait pris connaissance de la lettre du 8 septembre 2006 quelques jours seulement après cette date. En effet, il ressort des pièces du dossier que le requérant a fait expressément référence à la lettre du 8 septembre 2006 dans un courrier qu’il a adressé au Parlement le 20 septembre 2006, de sorte que le Tribunal ne peut que constater que, au plus tard le 20 septembre 2006, le requérant avait eu connaissance de la lettre du 8 septembre 2006, soit de l’acte lui faisant grief.

45      Il résulte de ce qui précède que le requérant a disposé d’un délai de trois mois, à compter du moment où il a eu connaissance de l’acte lui faisant grief, à savoir de la lettre du 8 septembre 2006, pour introduire sa réclamation. Dans la mesure où il apparaît que le requérant a pris connaissance de cette lettre au plus tard le 20 septembre 2006, dès lors, il s’ensuit que sa réclamation, introduite le 19 janvier 2007, est tardive.

46      Les arguments en sens inverse invoqués par le requérant ne sauraient infirmer la position du Tribunal.

47      D’une part, l’allégation par le requérant du caractère informel de la lettre du 8 septembre 2006 ne saurait retirer à celle-ci sa qualité d’acte faisant grief. La jurisprudence n’exige en effet aucune condition de forme pour un acte faisant grief, un tel acte pouvant même être verbal (voir arrêts du Tribunal de première instance du 30 juin 1993, Devillez e.a./Parlement, T‑46/90, Rec. p. II‑699, point 14, et du 16 avril 2002, Fronia/Commission, T‑51/01, RecFP p. I‑A‑43 et II‑187, point 31). En l’espèce, il convient en outre de relever que la lettre du 8 septembre 2006 émane de l’autorité du Parlement qui a également émis l’avis de fixation des droits du 18 octobre 2006, à savoir de Mme Puech, chef de l’unité « Affaires sociales » de la direction générale du personnel et de l’administration.

48      D’autre part, même s’il serait souhaitable qu’un acte faisant grief comporte l’indication des voies de recours ainsi que des délais à respecter à cet égard, il n’en demeure pas moins que le défaut de mention des voies de recours dans l’acte faisant grief, du 8 septembre 2006, ne saurait avoir comme conséquence, en absence de dispositions réglementaires imposant une telle mention, de s’opposer à l’irrecevabilité du recours.

49      Enfin, conformément à une jurisprudence constante (voir arrêt de la Cour du 12 juillet 1984, Moussis/Commission, 227/83, Rec. p. 3133, point 13 ; arrêts du Tribunal de première instance du 11 juillet 1991, Von Hoessle/Cour des comptes, T‑19/90, Rec. p. II‑615, point 23 ; du 25 septembre 1991, Lacroix/Commission, T‑54/90, Rec. p. II‑749, point 25 ; du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T‑197/98, RecFP p. I‑A‑55 et II‑241, point 41, et du 17 janvier 2001, Kraus/Commission, T‑14/99, RecFP p. I‑A‑7 et II‑39, point 20 ; ordonnance Veramme/Commission, précitée, point 21), le fait que le Parlement ait répondu au fond, par décision du 2 mai 2007, à la réclamation du requérant, introduite le 19 janvier 2007, ne peut avoir pour effet, contrairement à ce que soutient le requérant, de déroger au système des délais impératifs institués par les articles 90 et 91 du statut ni de dispenser le Tribunal de l’obligation, mentionnée au point 37 de la présente ordonnance, de vérifier, même d’office, le respect des délais statutaires.

50      Ainsi, et sans que le Tribunal soit tenu d’examiner l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement, le recours doit être considéré comme irrecevable en raison de l’irrégularité de la procédure précontentieuse du fait de la tardiveté de la réclamation.

 Sur les dépens

51      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement relatives aux dépens et frais de justice ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

52      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

53      Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 23 mai 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : l’allemand.