Language of document : ECLI:EU:T:2007:207

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

11 juillet 2007 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – Gel des fonds – Compétence de la Communauté – Recours en annulation – Droits de la défense – Motivation – Droit à une protection juridictionnelle effective – Recours en indemnité »

Dans l’affaire T‑47/03,

Jose Maria Sison, demeurant à Utrecht (Pays-Bas), représenté par Mes J. Fermon, A. Comte, H. Schultz, D. Gurses et T. Olsson, avocats,

partie requérante,

soutenu par

Negotiating Panel of the National Democratic Front of the Philippines, établi à Utrecht,

Luis G. Jalandoni, demeurant à Utrecht,

Fidel V. Agcaoili, demeurant à Utrecht,

Maria Consuelo K. Ledesma, demeurant à Utrecht,

représentés par Me B. Tomlow, avocat,

parties intervenantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Vitsentzatos et M. Bishop, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme H. Sevenster, en qualité d’agent,

et par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mme R. Caudwell, puis par Mme C. Gibbs, en qualité d’agents, assistées de Mme S. Moore, barrister,

parties intervenantes,

ayant pour objet initial, d’une part, une demande d’annulation partielle de la décision 2002/974/CE du Conseil, du 12 décembre 2002, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et abrogeant la décision 2002/848/CE (JO L 337, p. 85), et, d’autre part, une demande en indemnité,


LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 mai 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique et antécédents du litige

1        Aux termes de l’article 301 CE :

« Lorsqu’une position commune ou une action commune adoptées en vertu des dispositions du traité sur l’Union européenne relatives à la politique étrangère et de sécurité commune prévoient une action de la Communauté visant à interrompre ou à réduire, en tout ou en partie, les relations économiques avec un ou plusieurs pays tiers, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, prend les mesures urgentes nécessaires. »

2        L’article 60, paragraphe 1, CE dispose :

« Si, dans les cas envisagés à l’article 301, une action de la Communauté est jugée nécessaire, le Conseil, conformément à la procédure prévue à l’article 301, peut prendre, à l’égard des pays tiers concernés, les mesures urgentes et nécessaires en ce qui concerne les mouvements de capitaux et les paiements. »

3        L’article 308 CE dispose :

« Si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l’un des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, prend les dispositions appropriées. »

4        Le 28 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci‑après le « Conseil de sécurité ») a adopté la résolution 1373 (2001) arrêtant des stratégies pour lutter par tous les moyens contre le terrorisme et, en particulier, contre son financement. Le paragraphe 1, sous c), de cette résolution dispose, notamment, que tous les États gèlent sans attendre les fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, des entités appartenant à ces personnes ou contrôlées par elles, et des personnes et entités agissant au nom, ou sur instruction, de ces personnes et entités.

5        Le 27 décembre 2001, considérant qu’une action de la Communauté était nécessaire afin de mettre en œuvre la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité, le Conseil a adopté, en vertu des articles 15 UE et 34 UE, la position commune 2001/930/PESC relative à la lutte contre le terrorisme (JO L 344, p. 90) et la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO L 344, p. 93).

6        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la position commune 2001/931, celle‑ci s’applique « aux personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme et dont la liste figure à l’annexe ». Le nom du requérant n’apparaît pas dans ladite liste.

7        L’article 1er, paragraphes 2 et 3, de la position commune 2001/931 définit, respectivement, ce qu’il y a lieu d’entendre par « personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme » et par « acte de terrorisme ».

8        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 4, premier alinéa, de la position commune 2001/931, « la liste [figurant] à l’annexe est établie sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, groupes et entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte, basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse d’une condamnation pour de tels faits ». Aux termes de l’article 1er, paragraphe 4, second alinéa, de la position commune 2001/931, « on entend par ‘autorité compétente’ une autorité judiciaire ou, si les autorités judiciaires n’ont aucune compétence dans le domaine couvert par le présent paragraphe, une autorité compétente équivalente dans ce domaine ».

9        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 5, de la position commune 2001/931, « le Conseil fait en sorte que les noms des personnes physiques ou morales, des groupes ou entités énumérés à l’annexe soient accompagnés de suffisamment de précisions pour permettre l’identification précise d’individus, de personnes morales, d’entités ou d’organismes, ce qui facilitera la disculpation de ceux qui portent des noms identiques ou similaires ».

10      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, « les noms des personnes et entités reprises sur la liste figurant à l’annexe feront l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que leur maintien sur la liste reste justifié ».

11      Aux termes des articles 2 et 3 de la position commune 2001/931, la Communauté européenne, agissant dans les limites des pouvoirs que lui confère le traité CE, ordonne le gel des fonds et des autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes, groupes et entités dont la liste figure en annexe et veille à ce que des fonds, avoirs financiers ou ressources économiques ou des services financiers ne soient pas, directement ou indirectement, mis à leur disposition.

12      Le 27 décembre 2001, considérant qu’un règlement était nécessaire afin de mettre en œuvre au niveau communautaire les mesures décrites dans la position commune 2001/931, le Conseil a adopté, sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE, le règlement (CE) n° 2580/2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (JO L 344, p. 70). Il ressort de ce règlement que, sous réserve des dérogations qu’il autorise, tous les fonds détenus par une personne physique ou morale, un groupe ou une entité inclus dans la liste visée par son article 2, paragraphe 3, doivent être gelés. De même, il est interdit de mettre des fonds ou des services financiers à la disposition de ces personnes, groupes ou entités. Le Conseil, statuant à l’unanimité, établit, révise et modifie la liste de personnes, de groupes et d’entités auxquels le règlement s’applique (ci‑après la « liste litigieuse »), conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphes 4 à 6, de la position commune 2001/931.

13      La liste initiale des personnes, groupes et entités auxquels s’applique le règlement n° 2580/2001 a été arrêtée par la décision 2001/927/CE du Conseil, du 27 décembre 2001, établissant la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 (JO L 344, p. 83). Le nom du requérant n’y apparaît pas.

14      Le 28 octobre 2002, le Conseil a adopté, en vertu des articles 15 UE et 34 UE, la position commune 2002/847/PESC, portant mise à jour de la position commune 2001/931 et abrogeant la position commune 2002/462/PESC (JO L 295, p. 1). Son annexe met à jour la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’applique la position commune 2001/931.

15      Le point 1 de cette annexe, intitulé « Personnes », comprend notamment le nom du requérant, identifié comme suit :

« 32. SISON Jose Maria (alias Armando Liwanag, alias Joma, responsable de la NPA), né le 8. 2. 1939 à Cabugao, Philippines. »

16      Le point 2 de cette même annexe, intitulé « Groupes et entités », comprend notamment le nom de la New People’s Army (ci-après la « NPA »), identifiée comme suit :

« 17. New People’s Army (NPA), Philippines, liée à Sison Jose Maria C. (alias Armando Liwanag, alias Joma, responsable de la NPA). »

17      Par décision 2002/848/CE, du 28 octobre 2002, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2002/460/CE (JO L 295, p. 12), le Conseil a adopté une liste actualisée des personnes, groupes et entités auxquels s’applique ledit règlement. Le nom du requérant et celui de la NPA sont repris dans cette liste, dans les mêmes termes que ceux employés dans l’annexe de la position commune 2002/847.

18      Par décision 2002/974/CE, du 12 décembre 2002, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2002/848 (JO L 337, p. 85), le Conseil a adopté une nouvelle liste actualisée des personnes, groupes et entités auxquels s’applique ledit règlement. Le nom du requérant et celui de la NPA sont repris dans cette liste, dans les mêmes termes que ceux employés dans l’annexe de la position commune 2002/847 et dans l’annexe de la décision 2002/848.

19      Depuis lors, le Conseil a adopté diverses positions communes et décisions mettant à jour les listes respectivement prévues par la position commune 2001/931 et par le règlement n° 2580/2001 (ci‑après, prises ensemble, les « listes litigieuses ») [voir, en dernier lieu, position commune 2005/936/PESC du Conseil, du 21 décembre 2005, mettant à jour la position commune 2001/931 et abrogeant la position commune 2005/847 (JO L 340, p. 80), position commune 2006/231/PESC du Conseil, du 20 mars 2006, mettant à jour la position commune 2001/931 et abrogeant la position commune 2005/936 (JO L 82, p. 20), et position commune 2006/380/PESC du Conseil, du 29 mai 2006, mettant à jour la position commune 2001/931 et abrogeant la position commune 2006/231 (JO L 144, p. 25) ; voir également, successivement, décision 2003/480/CE du Conseil, du 27 juin 2003, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2002/974 (JO L 160, p. 81), décision 2003/646/CE du Conseil, du 12 septembre 2003, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2003/480 (JO L 229, p. 22), décision 2003/902/CE du Conseil, du 22 décembre 2003, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2003/646 (JO L 340, p. 63), décision 2004/306/CE du Conseil, du 2 avril 2004, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2003/902 (JO L 99, p. 28), décision 2005/221/PESC du Conseil, du 14 mars 2005, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2004/306 (JO L 69, p. 64), décision 2005/428/PESC du Conseil, du 6 juin 2005, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2005/221 (JO L 144, p. 59), décision 2005/722/CE du Conseil, du 17 octobre 2005, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2005/428 (JO L 272, p. 15), décision 2005/848/CE du Conseil, du 29 novembre 2005, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2005/722 (JO L 314, p. 46), décision 2005/930/CE du Conseil, du 21 décembre 2005, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2005/848 (JO L 340, p. 64), et décision 2006/379/CE du Conseil, du 29 mai 2006, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2005/930 (JO L 144, p. 21)]. Le nom du requérant a toujours été maintenu dans les listes litigieuses par les actes ainsi adoptés, aussi bien dans celles des personnes que, associé au nom de la NPA, dans celles des groupes et entités.

 Procédure

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 février 2003, le requérant a introduit, contre le Conseil et la Commission, un recours en annulation partielle de la décision 2002/974 et un recours en indemnité.

21      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 28 février 2003, le requérant a introduit, contre les mêmes institutions, une demande de mesures provisoires visant, premièrement, à obtenir le sursis à l’exécution de l’article 1er, points 1.25 et 2.14, de la décision 2002/974 en ce qu’il mentionne son nom, deuxièmement, à ce qu’il soit ordonné au Conseil et à la Commission de ne pas mentionner son nom dans toute nouvelle décision mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et, troisièmement, à ce qu’il soit ordonné au Conseil et à la Commission d’informer tous les États membres que les mesures restrictives prises à son égard sont dépourvues de base juridique.

22      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 12 mars 2003, la Commission a soulevé, au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal, une exception d’irrecevabilité du recours en tant qu’il était dirigé contre cette institution.

23      Par ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2003, la demande de mesures provisoires introduite contre la Commission a été radiée du rôle.

24      Par ordonnance du 15 mai 2003, le président du Tribunal a rejeté la demande de mesures provisoires introduite contre le Conseil, au motif que la condition relative à l’urgence n’était pas remplie, tout en réservant les dépens.

25      Par actes respectivement déposés au greffe du Tribunal les 27 mai et 11 juin 2003, le Royaume des Pays-Bas et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Conseil et de la Commission. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 10 juin 2003, le Negotiating Panel of the National Democratic Front of the Philippines, ainsi que MM. Jalandoni et Agcaoili et Mme Ledesma (ci‑après le « Negotiating Panel et ses membres ») ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du requérant. Par ordonnances des 16 juillet et 22 octobre 2003, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis ces interventions. Les parties intervenantes ont déposé leurs mémoires et les autres parties ont pu déposer leurs observations sur ceux-ci dans les délais impartis.

26      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 juillet 2003, le requérant a déclaré se désister de son recours en tant qu’il était dirigé contre la Commission.

27      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 22 septembre 2003, l’affaire T‑47/03 a été radiée du rôle en tant qu’elle était dirigée contre la Commission.

28      Dans sa réplique, déposée au greffe du Tribunal le 15 juillet 2003, puis par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 septembre 2003, puis dans ses observations sur les mémoires en intervention du Royaume-Uni et des Pays‑Bas, déposées au greffe du Tribunal le 5 février 2004, puis par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2004, puis par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 mai 2005, par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 juillet 2005, puis par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 décembre 2005 et, enfin, par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 février 2006, le requérant a successivement adapté ses conclusions, moyens et arguments de façon à ce qu’ils visent, respectivement, la décision 2003/480 abrogeant la décision 2002/974, la décision 2003/646 abrogeant la décision 2003/480, la décision 2003/902 abrogeant la décision 2003/646, la décision 2004/306 abrogeant la décision 2003/902, la décision 2005/221 abrogeant la décision 2004/306, la décision 2005/428 abrogeant la décision 2005/221, la décision 2005/722 abrogeant la décision 2005/428, la décision 2005/848 abrogeant la décision 2005/722 et, enfin, la décision 2005/930 abrogeant la décision 2005/848. Il a invoqué, en ce sens, la jurisprudence selon laquelle, lorsqu’un acte communautaire est, en cours de procédure, remplacé par un acte ayant le même objet, celui-ci doit être considéré comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Le requérant a ajouté que son recours devait être considéré comme contestant la légalité de toutes les décisions le maintenant sur les listes litigieuses.

29      Le Conseil a déclaré n’avoir pas d’objections à cette adaptation des conclusions, moyens et arguments du requérant. Dans ses observations écrites déposées au greffe du Tribunal le 22 mars 2006, à la suite de l’adoption de la décision 2005/930, cette institution estime que le présent recours doit être considéré comme étant dirigé contre ladite décision 2005/930 ou contre toute autre décision ayant le même contenu et le même objet, dans la mesure où elle concerne le requérant, qui serait en vigueur à la date de clôture de la procédure orale.

30      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 22 octobre 2003, le requérant a demandé à pouvoir déposer des observations sur la duplique. Cette demande a été rejetée au double motif que le règlement de procédure ne prévoyait pas une telle possibilité et que le requérant pourrait faire valoir ses observations lors de l’audience.

31      Dans l’acte déposé au greffe du Tribunal le 17 décembre 2005, visé au point 28 ci‑dessus, le requérant a exprimé certains commentaires sur la pertinence, aux fins du présent litige, de l’arrêt du Tribunal du 21 septembre 2005, Yusuf et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (T‑306/01, Rec. p. II‑3533, actuellement sous pourvoi, ci-après l’« arrêt Yusuf »). Ces commentaires et les observations écrites en réponse des autres parties ont été versés au dossier.

32      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, de poser des questions écrites aux Pays-Bas et au Conseil, en les invitant à y répondre à l’audience.

33      À l’exception du Royaume-Uni, excusé, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal à l’audience du 30 mai 2006.

34      Par document déposé au greffe du Tribunal le 5 juin 2006, le requérant a demandé à pouvoir adapter ses conclusions, moyens et arguments de façon à ce qu’ils visent la décision 2006/379. Ce document a été interprété par le Tribunal (deuxième chambre) comme comportant une demande de réouverture de la procédure orale, en vue de l’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure permettant au requérant d’adapter ses conclusions, moyens et arguments à la lumière de l’adoption de ladite décision. Ledit document a été versé au dossier et notifié aux autres parties, la décision du Tribunal sur les demandes qui y sont contenues étant réservée à un stade ultérieur de la procédure.

35      Par ordonnance du 24 mai 2007, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 62 du règlement de procédure. Par lettre du greffe du 30 mai 2007, les autres parties ont été invitées à prendre position sur la demande d’adoption de mesures d’organisation de la procédure contenue dans le document visé au point 34 ci‑dessus. Ces parties entendues, la décision du Tribunal sur cette demande a été réservée et la procédure orale a été close à nouveau par décision du 12 juin 2007.

 Sur les conséquences procédurales de l’abrogation et du remplacement de la décision initialement attaquée

36      Ainsi qu’il ressort des points 18 et 19 ci-dessus, l’acte initialement attaqué par la voie du présent recours, à savoir la décision 2002/974 (ci-après la « décision initialement attaquée »), a été abrogé et remplacé à diverses reprises, depuis le dépôt de la requête, par des actes qui ont toujours maintenu le requérant sur la liste litigieuse. Il s’agit, à la date de clôture de la procédure orale, de la décision 2005/930 et, à la date du prononcé du présent arrêt, de la décision 2006/379.

37      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une décision est, en cours de procédure, remplacée par une décision ayant le même objet, celle-ci doit être considérée comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours (arrêts de la Cour du 3 mars 1982, Alpha Steel/Commission, 14/81, Rec. p. 749, point 8 ; du 29 septembre 1987, Fabrique de fer de Charleroi et Dillinger Hüttenwerke/Commission, 351/85 et 360/85, Rec. p. 3639, point 11, et du 14 juillet 1988, Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission, 103/85, Rec. p. 4131, points 11 et 12 ; arrêt du Tribunal du 3 février 2000, CCRE/Commission, T‑46/98 et T‑151/98, Rec. p. II‑167, point 33).

38      Dans l’arrêt Yusuf et dans l’arrêt du Tribunal du 21 septembre 2005, Kadi/Conseil et Commission (T‑315/01, Rec. p. II‑3649, actuellement sous pourvoi, ci-après l’« arrêt Kadi », point 54), le Tribunal a transposé cette jurisprudence à l’hypothèse dans laquelle un règlement concernant directement et individuellement un particulier est remplacé, en cours de procédure, par un règlement ayant le même objet.

39      Il convient donc en l’espèce, conformément à cette jurisprudence, de faire droit aux diverses demandes du requérant visées aux points 28 et 34 ci-dessus et de considérer que son recours tend, à la date du prononcé du présent arrêt, à l’annulation de la décision 2006/379 (ci-après la « décision attaquée »), pour autant que celle-ci le concerne, après avoir permis aux parties de reformuler leurs conclusions, moyens et arguments à la lumière de ces éléments nouveaux.

40      Pour le surplus, le Tribunal considère qu’il ne peut être valablement saisi que d’une demande tendant à l’annulation d’un acte existant et faisant grief. Si le requérant peut donc être autorisé, comme il a été jugé au point 39 ci-dessus, à reformuler ses conclusions de façon à ce que celles-ci visent l’annulation des actes qui ont, en cours de procédure, remplacé la décision initialement attaquée, cette solution ne saurait autoriser le contrôle spéculatif de la légalité d’actes hypothétiques non encore adoptés (voir ordonnance du Tribunal du 18 septembre 1996, Langdon/Commission, T‑22/96, Rec. p. II‑1009, point 16, et la jurisprudence citée).

41      Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu d’autoriser le requérant à reformuler ses conclusions de façon à ce qu’elles soient dirigées non seulement contre la décision attaquée, mais aussi, le cas échéant, contre toutes les décisions susceptibles de le maintenir, à l’avenir, sur la liste litigieuse (voir point 28 ci-dessus).

 Conclusions des parties

42      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler, au titre de l’article 230 CE, l’article 1er de la décision 2006/379, pour autant qu’il mentionne son nom ;

–        déclarer illégal, au titre de l’article 241 CE, le règlement n° 2580/2001 ;

–        condamner la Communauté et le Conseil, au titre de l’article 235 CE et de l’article 288, deuxième alinéa, CE, à lui payer des dommages et intérêts d’un montant, à fixer ex aequo et bono, qui ne soit pas inférieur à 100 000 euros ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

43      Le Negotiating Panel et ses membres soutiennent les deux premiers chefs de conclusions du requérant et concluent, en outre, à ce que le Conseil soit condamné à supporter les dépens exposés au titre de leur intervention.

44      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens ;

–        condamner le Negotiating Panel et ses membres aux dépens occasionnés par leur intervention.

45      Le Royaume des Pays-Bas et le Royaume-Uni soutiennent le premier chef de conclusions du Conseil.

 En fait

 Procédures administratives et juridictionnelles visant le requérant aux Pays-Bas

46      Il ressort du dossier que le requérant, qui est un ressortissant philippin, réside aux Pays‑Bas depuis 1987. Après que le gouvernement philippin lui eut retiré son passeport, en septembre 1988, il a introduit une demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié et à obtenir un permis de séjour aux Pays-Bas, pour des motifs humanitaires. Cette demande a été rejetée par décision du secrétaire d’État à la Justice (ci‑après le « secrétaire d’État ») du 13 juillet 1990, sur la base de l’article 1er, paragraphe F, de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, modifiée par le protocole de New York du 31 janvier 1967 (ci‑après la « convention de Genève »), aux termes duquel les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

« a)      qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ;

b)      qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés ;

c)      qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies. »

47      La demande du requérant tendant à la révision de cette décision ayant été implicitement rejetée par le secrétaire d’État, le requérant a formé un recours devant le Raad van State (Conseil d’État, Pays‑Bas), contre cette décision implicite de rejet.

48      Par arrêt du 17 décembre 1992 (ci-après l’« arrêt du Raad van State de 1992 »), le Raad van State a annulé ladite décision implicite de rejet. Cette juridiction a considéré, en substance, que le secrétaire d’État n’avait pas indiqué à suffisance de droit quels actes supposés du requérant l’avaient amené à conclure que celui‑ci relevait de l’article 1er, paragraphe F, de la convention de Genève. Dans ce contexte, le Raad van State a souligné que les documents qui lui avaient été communiqués à titre confidentiel par le secrétaire d’État n’apportaient pas une clarté suffisante sur ce point. Étant donné qu’il ne pouvait pas être remédié à ce manque de clarté par une audition contradictoire des parties, vu le caractère confidentiel des documents en question, le Raad van State a considéré que les informations que ceux‑ci contenaient, dans la mesure où elles n’étaient pas claires, ne pouvaient pas être interprétées dans un sens défavorable au requérant.

49      Par décision du 26 mars 1993, le secrétaire d’État a de nouveau rejeté la demande du requérant tendant à la révision de sa décision du 13 juillet 1990. Cette décision de rejet a été motivée, à titre principal, sur la base de l’article 1er, paragraphe F, de la convention de Genève et, à titre subsidiaire, sur la base de l’article 15, deuxième alinéa, de la Vreemdelingenwet (loi néerlandaise sur les étrangers), en considération des intérêts impérieux de l’État néerlandais, à savoir l’intégrité et la crédibilité des Pays‑Bas en tant qu’État souverain, en particulier en relation avec leurs responsabilités vis‑à‑vis des autres États.

50      Sur recours du requérant, le Raad van State a, par arrêt du 21 février 1995 (ci‑après l’« arrêt du Raad van State de 1995 »), annulé ladite décision du secrétaire d’État du 26 mars 1993.

51      Dans cet arrêt, le Raad van State a constaté que le secrétaire d’État avait justifié sa décision en se fondant sur les éléments d’appréciation suivants :

–        une lettre du Binnenlandse Veiligheidsdienst (service de la sûreté intérieure des Pays‑Bas, ci-après le « BVD ») du 3 mars 1993, de laquelle il ressortait, d’une part, que le requérant était le président en titre et le chef du parti communiste philippin (ci‑après le « CPP ») et, d’autre part, que la branche militaire du CPP, la NPA, dépendait du comité central du CPP et, dès lors, du requérant ;

–        les constatations du BVD selon lesquelles, d’une part, le requérant dirigeait en fait la NPA et, d’autre part, la NPA – et donc l’intéressé – était responsable d’un grand nombre d’actes de terrorisme aux Philippines.

52      Le Raad van State a relevé les exemples suivants de tels actes de terrorisme, donnés par le secrétaire d’État dans sa décision du 26 mars 1993 :

–        le meurtre de 40 habitants (pour la plupart des femmes et des enfants sans défense) du village de Digos, sur l’île de Mindanao (Philippines), le 25 juin 1989 ;

–        le passage par les armes de quatorze personnes, dont six enfants, dans le village de Dipalog (Philippines), en août 1989 ;

–        l’exécution de quatre habitants du village de Del Monte (Philippines), le 16 octobre 1991.

53      Le Raad van State a encore relevé que le secrétaire d’État s’était référé aux purges opérées en 1985 dans les rangs du CPP et de la NPA, au cours desquelles il était estimé que 800 membres de ces organisations avaient été assassinés sans autre forme de procès.

54      Enfin, le Raad van State a relevé que, selon le secrétaire d’État, le BVD avait également constaté que le CPP et la NPA entretenaient des contacts avec des organisations terroristes dans le monde entier, et que des contacts personnels entre le requérant et des représentants de ces organisations avaient également été observés.

55      Le Raad van State a alors pris connaissance, selon une procédure spéciale, de certains éléments confidentiels du dossier du secrétaire d’État ainsi que des « éléments opérationnels » sur lesquels la lettre adressée à celui-ci par le BVD le 3 mars 1993 (point 51 ci‑dessus) était fondée.

56      Se fondant sur les éléments susmentionnés, le Raad van State a ensuite jugé comme suit en droit :

« Le [Raad van State], sur la base des éléments susmentionnés, considère comme suffisamment plausible que le [requérant] était, à l’époque de la décision [du 26 mars 1993], le président et le chef du CPP. En outre, les pièces justifient la conclusion selon laquelle la NPA est subordonnée au comité central du CPP et la conclusion selon laquelle, à l’époque de la décision [du 26 mars 1993], le [requérant] a au moins tenté de diriger effectivement la NPA, depuis les Pays-Bas. Le [Raad van State] considère également comme suffisamment plausible, sur la seule base des sources publiques telles que les rapports d’Amnesty International, que la NPA est responsable d’un grand nombre d’actes de terrorisme aux Philippines. Les pièces offrent, en outre, un fondement factuel à la conclusion selon laquelle le [requérant] a au moins tenté de diriger les activités susmentionnées, exercées sous la responsabilité de la NPA aux Philippines. Il ressort également des pièces fournies qu’il existe un fondement factuel justifiant la thèse du [secrétaire d’État] selon laquelle le CPP [et la] NPA entretiennent des contacts avec des organisations terroristes dans le monde entier et selon laquelle il y a eu des contacts personnels entre le [requérant] et des représentants de telles organisations. Les pièces en question n’offrent toutefois pas un fondement factuel suffisant pour justifier la conclusion selon laquelle le [requérant] a dirigé les opérations en question et en est responsable dans une mesure telle qu’il puisse être considéré qu’il existe des raisons sérieuses de supposer que le [requérant] a effectivement commis les crimes graves visés [à l’article 1er, paragraphe F, de la convention de Genève]. À cet égard, le [Raad van State] a expressément tenu compte de ce que, ainsi que le [Raad van State] l’a déjà considéré dans son arrêt du 17 décembre 1992, l’article 1er, paragraphe F, de la convention [de Genève] doit être interprété restrictivement.

Dès lors, le [Raad van State] considère que le [secrétaire d’État] ne pouvait pas admettre, sur la base des pièces susmentionnées, que le [requérant] devait se voir refuser la protection de la convention [de Genève]. »

57      Le Raad van State a, par ailleurs, jugé que le requérant avait des raisons valables de craindre d’être persécuté s’il était renvoyé aux Philippines et qu’il devait dès lors être considéré comme un réfugié au sens de l’article 1er, paragraphe A, point 2, de la convention de Genève.

58      Le Raad van State a alors examiné le bien-fondé de la motivation fournie à titre subsidiaire par le secrétaire d’État pour refuser l’admission du requérant aux Pays‑Bas pour des raisons d’intérêt public, sur la base de l’article 15, deuxième alinéa, de la Vreemdelingenwet.

59      À cet égard, le Raad van State a notamment jugé comme suit :

« Bien que le [Raad van State] reconnaisse l’importance de l’intérêt mis en avant par le [secrétaire d’État], compte tenu notamment des indices qu’il a relevés de contacts personnels entre le [requérant] et des représentants d’organisations terroristes, cela ne peut justifier d’invoquer l’article 15, deuxième alinéa, de la Vreemdelingenwet s’il n’est pas garanti que le [requérant] sera admis dans un autre pays que les Philippines. S’y oppose le fait qu’un tel refus d’admettre le [requérant] doit être considéré comme contraire à l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »

60      À la suite de cet arrêt, le secrétaire d’État a, par décision du 4 juin 1996, rejeté une nouvelle fois la demande du requérant tendant à la révision de sa décision du 13 juillet 1990. Tout en ordonnant au requérant de quitter les Pays-Bas, le secrétaire d’État a décidé que celui-ci ne serait pas éloigné vers les Philippines aussi longtemps qu’il aurait de bonnes raisons de craindre des poursuites au sens de la convention de Genève, ou un traitement incompatible avec l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH).

61      Par décision du 11 septembre 1997 (ci‑après la « décision de la rechtbank »), l’arrondissementsrechtbank te ’s‑Gravenhage, Sector Bestuursrecht, Rechts-eenheidskamer Vreemdelingenzaken (tribunal d’arrondissement de La Haye, section droit administratif, chambre pour l’application uniforme du droit, affaires relatives aux étrangers, ci‑après la « rechtbank ») a rejeté comme non fondé le recours formé par le requérant contre ladite décision du secrétaire d’État du 4 juin 1996.

62      Au cours de la procédure devant la rechtbank, l’ensemble des documents relatifs à l’enquête menée par le BVD sur les activités du requérant aux Pays-Bas et, notamment, la lettre de ce service au secrétaire d’État du 3 mars 1993 (point 51 ci‑dessus), ainsi que les éléments opérationnels sur lesquels elle se fonde, ont été confidentiellement communiqués à la rechtbank. Le président de la rechtbank en a pris connaissance selon une procédure spéciale. Sur la base du rapport établi par son président, la rechtbank a décidé qu’il était légitime de refuser la communication de ces pièces au requérant. Celui‑ci ayant donné l’autorisation à cet effet prévue par la loi, la rechtbank a néanmoins tenu compte du contenu de ces documents pour trancher le litige.

63      La rechtbank a alors apprécié si la décision attaquée devant elle pouvait être confirmée en droit, dans la mesure où elle refusait l’admission du requérant en tant que réfugié et l’octroi à celui‑ci d’un permis de séjour.

64      Quant aux faits devant servir de base à sa décision, la rechtbank a opéré par renvoi à l’arrêt du Raad van State de 1995.

65      Sur la base de cet arrêt, la rechtbank a considéré qu’il devait être tenu pour établi en droit que l’article 1er, paragraphe F, de la convention de Genève ne pouvait être opposé au requérant, que celui‑ci avait des craintes fondées d’être poursuivi au sens de l’article 1er, paragraphe A, de cette convention et de l’article 15 de la Vreemdelingenwet, et que l’article 3 de la CEDH s’opposait à ce que le requérant soit éloigné, directement ou indirectement, vers son pays d’origine.

66      La rechtbank a ensuite examiné la question de savoir si l’arrêt du Raad van State de 1995 donnait au secrétaire d’État la possibilité de refuser l’admission du requérant en tant que réfugié, en application de l’article 15, deuxième alinéa, de la Vreemdelingenwet, aux termes duquel « l’admission ne pourrait être refusée que pour des motifs graves tirés de l’intérêt général si ce refus contraignait l’étranger à se rendre immédiatement dans un pays visé au premier alinéa », alors que le secrétaire d’État n’avait pas réussi à assurer l’admission du requérant dans un pays autre que les Philippines.

67      À cet égard, la rechtbank a cité in extenso le point de l’arrêt du Raad van State de 1995 reproduit au point 59 ci‑dessus.

68      La rechtbank s’est alors prononcée sur le point de savoir si c’était à juste titre que le secrétaire d’État avait, en l’espèce, exercé son pouvoir de dérogation à la règle selon laquelle un étranger est normalement admis comme réfugié aux Pays‑Bas, lorsque celui‑ci fait état d’une crainte fondée d’être poursuivi au sens de l’article 1er, paragraphe A, de la convention de Genève et qu’il n’existe aucun autre pays qui l’admettra comme demandeur d’asile, circonstances qui correspondaient, dans l’opinion de la rechtbank, à celles de l’espèce. À cet égard, la rechtbank a conclu comme suit :

« L[a r]echtbank estime qu’on ne peut soutenir que le [secrétaire d’État] n’a pas utilisé ce pouvoir d’une manière raisonnable à l’égard du [requérant], compte tenu de ‘l’intérêt essentiel de l’État néerlandais, à savoir l’intégrité et la crédibilité des Pays-Bas en tant qu’État souverain, notamment en ce qui concerne ses responsabilités à l’égard des autres États’, également reconnu par le [Raad van State]. Les faits sur lesquels le [Raad van State] a fondé cette appréciation revêtent pour l[a r]echtbank aussi une importance décisive. Il n’a pas été constaté que le [secrétaire d’État] aurait dû donner une autre signification à ces faits au moment où a été prise la décision [en cause en l’espèce]. Les observations du [requérant] quant au changement de la situation politique aux Philippines et quant à son rôle dans les négociations entre les autorités philippines et le [CPP] n’y changent rien, vu que les motifs importants reposent sur d’autres faits, comme cela ressort de l’arrêt du [Raad van State]. »

69      La rechtbank a, dès lors, rejeté comme non fondé le recours formé par le requérant contre le refus de l’admettre en tant que réfugié aux Pays‑Bas.

70      La rechtbank a pareillement rejeté comme non fondé le recours formé par le requérant contre le refus de lui octroyer un permis de séjour. Se prononçant plus particulièrement sur la question de savoir si le secrétaire d’État avait pris sa décision après une mise en balance raisonnable des intérêts, la rechtbank a renvoyé à sa conclusion citée au point 68 ci‑dessus et a ajouté que c’était à bon droit que le secrétaire d’État avait donné moins de poids aux intérêts allégués, à cet égard, par le requérant.

 Autres allégations factuelles des parties

71      Le requérant déclare être un intellectuel et un patriote philippin, titulaire de différents postes universitaires et lauréat de plusieurs prix littéraires. À partir des années 60 jusque dans les années 80 du siècle dernier, il aurait été, avec le président Ferdinand E. Marcos et le sénateur Benigno « Ninoy » Aquino Jr., l’un des trois personnages clés de la scène politique philippine.

72      Il reconnaît avoir été président du comité central du CPP du 26 décembre 1968 au 10 novembre 1977, date à laquelle il aurait été remplacé à ce poste par Rodolfo Salas, à la suite de son arrestation et de son emprisonnement par le régime du président Marcos, qui se serait prolongé jusqu’au 5 mars 1986. Après sa libération, il aurait brièvement enseigné à l’université des Philippines, sous la surveillance constante des autorités militaires et sans possibilité d’être impliqué dans une quelconque activité clandestine. Il aurait quitté les Philippines, le 31 août 1986, pour entamer une tournée de conférences universitaires, d’abord dans la région Asie-Pacifique puis, à partir du 23 janvier 1987, en Europe. Depuis lors il vivrait en exil, menant des recherches, écrivant et participant à des activités pacifiques diverses au sein de la communauté philippine. Le requérant affirme que, à aucun moment de son séjour à l’étranger, de 1986 jusqu’à ce jour, il ne lui a été possible d’assumer les fonctions de président du comité central du CPP, celui‑ci étant tenu, en vertu de la constitution du CPP, d’être présent quotidiennement sur le sol philippin.

73      À la suite d’une action civile intentée en 1986, avec l’assistance de l’American Civil Liberties Union (ACLU), devant les juridictions des États‑Unis, la succession de Ferdinand E. Marcos aurait consenti en 1997, en faveur du requérant, à un « stipulated judgment » lui accordant des dommages et intérêts d’un montant de 750 000 dollars des États‑Unis (USD). Ce montant n’aurait jamais été versé au requérant.

74      Le requérant affirme que nulle part dans le monde il ne fait l’objet d’« accusations pénales valables » et que, historiquement, ni le gouvernement philippin ni la communauté internationale ne l’ont jamais considéré comme un terroriste ou comme un criminel de droit commun. Il ajoute, toutefois, que, récemment, l’administration de la présidente des Philippines, Mme Gloria Macapagal-Arroyo, a engagé des poursuites pénales à son égard. Selon lui, ces poursuites sont injustifiées et font partie d’une campagne visant à le persécuter.

75      S’agissant plus particulièrement des Philippines, le requérant fait état de deux certificats attestant l’absence de poursuites pénales à son égard, qui lui ont été respectivement délivrés le 2 mars 1994, par le bureau du procureur de la ville de Manille (Philippines), et le 20 avril 1998, par le secrétaire à la Justice du gouvernement philippin. Ce dernier document ferait, notamment, état d’une décision d’une juridiction philippine du 22 septembre 1992, rejetant les poursuites engagées à l’encontre du requérant, en octobre 1988, pour activités subversives, à la suite de l’abrogation de la loi antisubversion, en 1992. Il fait également état d’une décision du 2 mars 1994, rejetant pour « insuffisance de preuves » les poursuites engagées contre lui, en 1991, par le bureau du procureur de la ville de Manille. Selon le requérant, ces poursuites concernaient une accusation d’assassinats en liaison avec un attentat à la bombe commis en 1971.

76      S’agissant plus particulièrement des Pays‑Bas, le requérant fait état d’une déclaration du 8 octobre 2002 du ministre des Affaires étrangères, M. J. De Hoop Scheffer, qui, en réponse à une question parlementaire posée le 16 août 2002, a confirmé que, selon l’office du ministère public, il n’existait pas d’éléments permettant d’ouvrir une instruction judiciaire à l’encontre du requérant.

77      Le requérant, soutenu par le Negotiating Panel et ses membres, expose que, depuis 1990, il est le consultant politique principal du National Democratic Front of the Philippines (ci-après le « NDFP ») et que, à ce titre, il joue un rôle considérable dans le cadre des négociations que le NDFP mène avec le gouvernement philippin, en vue de trouver une solution pacifique au conflit armé en cours aux Philippines. Dans des résolutions adoptées en 1997 et en 1999, le Parlement européen aurait apporté son soutien à ces négociations. Celles‑ci seraient également soutenues par l’ensemble du peuple philippin et de la communauté internationale, notamment les gouvernements néerlandais, belge et norvégien.

78      Le requérant conclut de ce qui précède que, depuis plus de 25 ans, il a été mis dans l’impossibilité, à la fois physiquement et pour des raisons organisationnelles, de jouer un rôle dirigeant dans l’actuelle guerre civile aux Philippines, ou même de participer à celle‑ci.

79      Le requérant expose néanmoins que, le 9 août 2002, le secrétaire d’État américain a classé le CPP et la NPA parmi les « organisations terroristes étrangères » et que, le 12 août 2002, le Bureau de contrôle des avoirs étrangers (Office of Foreign Assets Control), organisme dépendant du département du Trésor américain, a inclus le CPP et la NPA ainsi que le requérant dans la liste des individus et des groupes terroristes visés par l’ordonnance présidentielle (Executive Order) n° 13224, signée par le président George W. Bush le 23 septembre 2001, et a ordonné le gel de leurs avoirs.

80      Le requérant expose encore que, le 13 août 2002, le ministre des Affaires étrangères néerlandais a adopté une réglementation en matière de lutte contre le terrorisme (Sanctieregeling Terrorisme 2002 III, Staatscourant n° 153), qui place le CPP et la NPA ainsi que le requérant sur une liste d’individus et de groupes soumis à des sanctions économiques. Le même jour, le ministre des Finances néerlandais a ordonné, puis mis en œuvre, le gel du compte postal joint dont le requérant est titulaire avec son épouse, ainsi que la suppression des prestations sociales qu’il percevait en tant que réfugié aux Pays-Bas. Ces prestations auraient été partiellement rétablies le 9 octobre 2002, pour des motifs humanitaires, puis de nouveau interrompues le 13 décembre 2002.

81      Enfin, le requérant expose que, vers la fin du mois de janvier 2003, le ministre des Affaires étrangères des Philippines a fait la déclaration suivante :

« [L]orsqu’un accord de paix aura été conclu, je demanderai à l’Union européenne, aux États‑Unis et à d’autres pays de radier [les rebelles] de la liste des terroristes. S’ils signent, ils ne seront plus des terroristes. »

82      MM. Jalandoni et Agcaoili et Mme Ledesma se présentent comme étant des membres du Negotiating Panel du NDFP. À ce titre, ils auraient participé aux négociations de paix entre le NDFP et le gouvernement philippin. Dans le cadre de ces négociations, ils auraient conclu, au nom du NDFP, divers accords avec ce gouvernement.

83      Lors de l’audience, le Conseil a indiqué, en réponse à une question écrite du Tribunal, qu’il n’avait aucunement pris en considération d’éventuelles enquêtes ou poursuites pénales intentées aux Philippines à l’encontre du requérant, selon les dires de ce dernier (voir point 74 ci-dessus), à l’occasion de l’adoption de l’un quelconque des actes ayant successivement mis à jour les listes litigieuses.

84      Lors de l’audience, le gouvernement néerlandais a, par ailleurs, indiqué, en réponse à une question écrite du Tribunal, qu’aucune décision d’ouverture d’enquêtes, de poursuites ou de condamnation pour un acte terroriste, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, n’avait été prise par une autorité néerlandaise compétente à l’égard du requérant, entre la date du prononcé de la décision de la rechtbank et celle de l’audience dans la présente affaire.

85      Enfin, le gouvernement néerlandais a indiqué, lors de l’audience, que le requérant ne percevait plus aucune prestation de sécurité sociale aux Pays-Bas depuis son inscription sur les listes litigieuses. Les demandes de dérogation au gel de ses fonds, introduites au titre des articles 5 et 6 du règlement n° 2580/2001, auraient été rejetées par décisions du ministre des Finances des 7 mars et 16 mai 2003, ultérieurement confirmées par un arrêt du Raad van State du 28 septembre 2005. Le requérant ne serait toutefois pas menacé dans son existence, car il serait hébergé et entretenu par son épouse, elle-même titulaire d’un permis de séjour et bénéficiaire de prestations de sécurité sociale aux Pays-Bas.

 Sur la demande en annulation

 Observations liminaires

86      Au soutien de ses conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée, le requérant invoque onze moyens. Le premier est tiré de la violation de l’article 253 CE. Le second est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001. Le troisième est tiré de violations du principe de proportionnalité et du droit à la vie. Le quatrième est tiré de la violation de l’article 56 CE. Le cinquième est tiré de violations du droit à un procès équitable, des droits de la défense et de la présomption d’innocence. Le sixième est tiré de la violation du principe de légalité des peines. Le septième est tiré de la violation du droit à la liberté d’expression et d’association. Le huitième est tiré de la violation du droit à la propriété. Le neuvième est tiré, par voie d’exception, de l’incompétence du Conseil pour adopter le règlement n° 2580/2001. Le dixième est tiré, par voie d’exception, de violations du principe de proportionnalité et du principe de sécurité juridique. Enfin, le onzième moyen est tiré, par voie d’exception, du détournement de pouvoir. Le Negotiating Panel et ses membres développent, quant à eux, une argumentation qui, tout en visant à justifier leur intérêt personnel à l’annulation de la décision attaquée, tend essentiellement à soutenir le moyen du requérant tiré d’un détournement de pouvoir.

87      Il convient d’examiner par priorité les griefs tirés de l’incompétence de la Communauté pour adopter les actes attaqués et ensuite, ensemble, les griefs tirés de violations de l’obligation de motivation, des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

 Sur les griefs tirés de l’incompétence de la Communauté pour adopter les actes attaqués

88      Ces griefs sont articulés dans le cadre du neuvième moyen, tiré, par voie d’exception, de l’incompétence du Conseil pour adopter le règlement n° 2580/2001.

 Arguments des parties

89      Le requérant fait valoir que le Conseil n’était pas compétent pour adopter le règlement n° 2580/2001 sur la base juridique des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE.

90      D’une part, en effet, les articles 60 CE et 301 CE autoriseraient uniquement l’adoption de mesures à l’encontre de pays tiers et non, comme en l’espèce, à l’encontre de particuliers et d’organisations, à l’intérieur de la Communauté.

91      D’autre part, l’article 308 CE ne permettrait pas au Conseil, sous le prétexte de garantir l’efficacité de l’action communautaire, d’exercer des pouvoirs incompatibles avec sa nature fondamentale, qui serait celle d’un organe exécutif. À cet égard, le requérant expose que l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 confère au Conseil le pouvoir d’établir, unilatéralement et sans recourir à des critères objectifs, la liste des individus et des groupes prétendument liés au terrorisme et auxquels s’appliquent des sanctions de nature pénale. Ce faisant, le règlement n° 2580/2001 attribuerait au Conseil, institution déjà dotée de larges pouvoirs exécutifs, une fonction de nature judiciaire que le traité n’envisage pas, entraînant une concentration de pouvoirs sans précédent.

92      Le requérant invoque, au soutien de son argumentation, la résolution du Parlement européen du 24 octobre 2002 sur l’évaluation et les perspectives de la stratégie de l’Union européenne en matière de terrorisme un an après le 11 septembre 2001. Dans cette résolution, le Parlement aurait exprimé des doutes quant au fait qu’une « coordination efficace de la politique européenne contre le terrorisme soit possible dans le cadre de la structure actuelle de l’Union » et aurait invité instamment la Convention sur l’avenir de l’Europe à créer « la base juridique nécessaire pour permettre à l’Union européenne de geler les avoirs et supprimer les financements des personnes, groupes et entités de l’Union européenne impliqués dans des actes terroristes et figurant sur la liste de l’Union européenne ».

93      Dans sa réplique, le requérant ajoute qu’il ressort de l’avis de la Cour du 28 mars 1996 (avis 2/94, Rec. p. I‑1759, points 29 et 30) que l’article 308 CE ne peut être considéré comme une base juridique adéquate pour l’adoption des actes attaqués.

94      Le Conseil et les gouvernements intervenants reconnaissent que le règlement n° 2580/2001 vise, notamment, des entités et des individus, tels que le requérant, qui n’ont pas nécessairement de liens avec le gouvernement ou le régime dirigeant d’un pays tiers. Telle serait précisément la raison pour laquelle la base juridique des articles 60 CE et 301 CE aurait été complétée par celle de l’article 308 CE. Le Conseil et les gouvernements intervenants estiment que, en procédant de la sorte, la Communauté a été en mesure d’accompagner l’évolution de la pratique internationale, qui consisterait désormais à prendre des « sanctions intelligentes » dirigées contre des individus ou des entités qui constituent une menace pour la sécurité internationale, eu égard, en particulier, aux nouvelles circonstances politiques issues du 11 septembre 2001. En ce sens, le règlement n° 2580/2001 s’inscrirait dans le droit fil de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité.

95      Le Conseil ajoute que le recours aux articles 60 CE et 301 CE, en vue de mettre en œuvre une position commune adoptée dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), est conforme à l’obligation d’assurer la cohérence de l’action de l’Union, prévue par l’article 3 UE. Par ailleurs, l’un des principaux objectifs de la PESC serait le maintien de la paix et le renforcement de la sécurité internationale, conformément aux principes de la charte des Nations unies (article 11 UE). En outre, le traité CE lui-même ferait référence, dans son préambule, à la charte des Nations unies et exprimerait la résolution des Hautes parties contractantes d’affermir les sauvegardes de la paix et de la liberté. Le Conseil en déduit que la promotion de la paix et de la sécurité internationales est un principe de la charte des Nations unies qui trouve écho dans le cadre général du traité CE, plus précisément dans ses articles 60 CE et 301 CE. Toutefois, dans la mesure où ni ces articles ni aucune autre disposition spécifique du traité CE ne pouvaient s’appliquer à la situation de personnes telles que le requérant, le recours à l’article 308 CE se serait avéré nécessaire et justifié.

96      Le Royaume-Uni soutient que des mesures visant à geler les fonds des particuliers dans le but d’interrompre les relations économiques avec des organisations terroristes internationales, plutôt qu’avec des pays tiers, ne peuvent pas être considérées comme élargissant « le domaine des compétences de la Communauté au-delà du cadre général résultant de l’ensemble des dispositions du traité », selon les termes de l’avis 2/94 de la Cour, point 93 supra. Conformément au cadre général du traité, la Communauté serait, en effet, compétente pour adopter des mesures visant à réglementer les mouvements de capitaux, et ce en prenant des mesures contre les particuliers.

97      Les Pays-Bas relèvent que les domaines de compétences de la Communauté ont souvent été complétés, à l’occasion de modifications du traité, après qu’il eut été recouru dans un premier temps à la base juridique de l’article 308 CE. Selon ce gouvernement, il n’était pas possible de prévoir, lors de l’adoption de l’article 301 CE, qu’il y aurait lieu de prendre des sanctions à l’encontre de personnes, groupes et entités. Cette nécessité étant, entre-temps, apparue, le recours à l’article 308 CE serait justifié, en attendant une future révision du traité. À cet égard, les Pays-Bas soulignent que le projet de traité constitutionnel issu des travaux de la Convention pour l’avenir de l’Europe (doc. CONV 850/03) prévoit, en son article III‑282, paragraphe 2, que le Conseil peut adopter des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, d’organisations non gouvernementales ou d’entités.

 Appréciation du Tribunal

98      À l’instar du règlement (CE) n° 881/2002 du Conseil, du 27 mai 2002, instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban, et abrogeant le règlement (CE) n° 467/2001 (JO L 139, p. 9), qui était en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Yusuf et Kadi, le règlement n° 2580/2001 a été adopté sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE. Ainsi qu’il ressort du point 5 de ses considérants, il vise à mettre en œuvre dans la Communauté les mesures qui relèvent de la PESC, décrites dans la position commune 2001/931, elle-même adoptée afin de mettre en œuvre au niveau de l’Union la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité. Tout comme celles prévues par le règlement n° 881/2002, ces mesures consistent, essentiellement, en l’adoption de sanctions économiques et financières (gel des fonds) à l’encontre de particuliers (personnes et entités), dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Le point 14 des considérants du règlement n° 2580/2001 reconnaît explicitement que les mesures en question peuvent viser des personnes et des entités n’ayant aucun lien ou relation avec des pays tiers.

99      La question de savoir si la Communauté est compétente pour adopter de telles mesures à l’encontre de particuliers, sans établir un quelconque lien entre ceux-ci et un ou plusieurs pays tiers, a été examinée par le Tribunal dans les arrêts Yusuf (points 107 à 170) et Kadi (points 87 à 134). Au terme de cet examen, le Tribunal a conclu que c’était « à bon droit que les institutions et le Royaume-Uni sout[enaient] que le Conseil était compétent pour adopter le règlement [n° 881/2002], qui met en œuvre dans la Communauté les sanctions économiques et financières prévues par la position commune 2002/402, sur le fondement combiné des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE » (arrêt Yusuf, point 107, et arrêt Kadi, point 135).

100    À cette occasion, le Tribunal a répondu de façon exhaustive à des arguments substantiellement identiques à ceux invoqués par les parties, en rapport avec cette question, dans le cadre du présent recours (voir, pour ce qui est des arguments analogues invoqués par les parties dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Yusuf, points 80 à 106 dudit arrêt Yusuf et, pour ce qui est des arguments analogues invoqués par les parties dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kadi, points 64 à 86 dudit arrêt Kadi).

101    Quant à l’allégation du requérant selon laquelle le Conseil se serait arrogé une fonction de nature judiciaire et des compétences en matière pénale non envisagées par le traité, qui est la seule à pouvoir distinguer la présente affaire de celles ayant donné lieu aux arrêts Yusuf et Kadi, elle doit être rejetée sans autre forme d’examen dès lors qu’elle apparaît comme un simple corollaire des autres arguments du requérant relatifs à la compétence. Au demeurant, elle est fondée sur la prémisse erronée selon laquelle les mesures restrictives en cause en l’espèce sont de nature pénale. En effet, les avoirs des intéressés n’étant pas confisqués en tant que produits du crime, mais gelés à titre conservatoire, ces mesures ne constituent pas une sanction pénale et elles n’impliquent, par ailleurs, aucune accusation de cette nature (voir, en ce sens et par analogie, arrêts Yusuf, point 299, et Kadi, point 248).

102    Il convient dès lors de rejeter comme non fondés les griefs du requérant tirés de l’incompétence de la Communauté pour adopter le règlement n° 2580/2001, articulés dans le cadre du neuvième moyen (voir, s’agissant de la faculté pour le juge communautaire de motiver un arrêt par renvoi à un arrêt antérieur statuant sur des questions substantiellement identiques, arrêt de la Cour du 25 octobre 2005, Crailsheimer Volksbank, C‑229/04, Rec. p. I‑9273, points 47 à 49, et arrêt du Tribunal du 12 juillet 2006, Ayadi/Conseil, T‑253/02, Rec. p. II‑2139, sous pourvoi, point 90 ; voir également, en ce sens, ordonnance de la Cour du 5 juin 2002, Aalborg Portland/Commission, C‑204/00 P, non publiée au Recueil, point 29).

 Sur les griefs tirés de violations de l’obligation de motivation, des droits de la défense et du droit à un procès équitable

103    Ces griefs sont articulés, d’une part, dans le cadre du premier moyen, tiré de la violation de l’article 253 CE, et, d’autre part, dans le cadre du cinquième moyen, tiré de violations du droit à un procès équitable, des droits de la défense et de la présomption d’innocence.

 Arguments des parties

–       Griefs tirés de la violation de l’obligation de motivation

104    Le requérant soutient que la décision attaquée ne satisfait pas à l’exigence de motivation prévue par l’article 253 CE, dès lors qu’elle se borne à exposer, dans son deuxième considérant, qu’il a été « décidé d’adopter une liste actualisée des personnes, groupes et entités auxquels s’applique le règlement n° 2580/2001 », sans indiquer concrètement les raisons qui ont conduit le Conseil à établir cette liste, telle qu’elle est présentée. En particulier, le Conseil n’établirait aucun lien entre les critères généraux énoncés dans le règlement n° 2580/2001 et la situation personnelle de l’intéressé et ne mentionnerait même pas les « informations précises » ou les « éléments de dossier » qui montrent qu’une décision justifiant son inclusion dans les listes litigieuses a été prise à son égard par une autorité nationale compétente. Le requérant se trouverait ainsi dans l’impossibilité de connaître les justifications des graves sanctions qui le frappent, afin de défendre ses droits, et le juge communautaire ne pourrait exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée (arrêts de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, point 71, et du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I‑395, point 15 ; arrêt du Tribunal du 5 mars 1997, WWF UK/Commission, T‑105/95, Rec. p. II‑313, point 66).

105    Selon le requérant, l’exigence d’une motivation suffisante s’imposait d’autant plus, en l’espèce, que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation et que les effets de la mesure discrétionnaire contestée sont sévères (arrêts de la Cour du 15 juillet 1960, Präsident e.a./Haute Autorité, 36/59 à 38/59 et 40/59, Rec. p. 857, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719 ; arrêt du Tribunal du 3 avril 2003, Vieira e.a./Commission, T‑44/01, T‑119/01 et T‑126/01, Rec. p. II‑1209). À cet égard, le requérant observe, dans ses observations sur l’arrêt Yusuf, que, à la différence de ce qui a été jugé dans ledit arrêt à propos d’Oussama ben Laden et des personnes qui lui sont associées, lui‑même n’a pas fait l’objet d’une désignation du Conseil de sécurité des Nations unies. La décision de geler ses fonds relèverait ainsi d’une initiative du Conseil, prise au titre d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation. Or, il ressortirait du point 225 de l’arrêt Yusuf que, dans un tel cas, le Conseil lui-même admet que le contrôle juridictionnel doit s’étendre à l’examen des preuves retenues contre les personnes sanctionnées. L’attitude du Conseil en l’espèce serait cependant en totale contradiction avec cette déclaration. Il n’aurait jamais apporté la moindre preuve permettant au requérant de se défendre et au Tribunal d’exercer un contrôle juridictionnel complet.

106    Le requérant ajoute que ses diverses demandes d’accès aux documents sur la base desquels le Conseil a adopté la décision attaquée, introduites au titre du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), ont été systématiquement rejetées au motif que ces documents seraient classés « CONFIDENTIEL UE » et que leur divulgation porterait atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité et les relations internationales. Dans sa réplique, le requérant souligne la contradiction flagrante entre cette motivation des décisions de refus d’accès aux documents en question et les explications données par le Conseil dans son mémoire en défense, desquelles il ressortirait que le seul élément justifiant l’inclusion du requérant dans les listes litigieuses est un document public, à savoir la décision de la rechtbank. Cette contradiction affecterait la validité de la décision attaquée.

107    Le Conseil et les Pays-Bas reconnaissent que la décision attaquée, qui consiste en une simple liste mise à jour des personnes visées par le règlement n° 2580/2001, ne comporte pas elle-même un exposé des motifs détaillé. Il ressortirait toutefois clairement de son visa et de ses considérants que cette décision d’application se fonde sur ledit règlement, dont l’article 2, paragraphe 3, fixerait les critères régissant l’inclusion des personnes dans les listes litigieuses, et dont l’article 1er, paragraphe 4, définirait l’acte de terrorisme, par renvoi à l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931. Par ailleurs, l’objectif du règlement n° 2580/2001, à savoir la lutte contre toute forme de financement des activités terroristes, ressortirait clairement de son deuxième considérant.

108    Considérés ensemble, les actes attaqués satisferaient ainsi à l’obligation de motivation prévue par l’article 253 CE, tel qu’interprété par la jurisprudence. À cet égard, le Conseil et les Pays-Bas soulignent qu’il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents et qu’il y a lieu de tenir compte du contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Le degré de précision de la motivation d’une décision devrait également être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles elle doit intervenir (arrêt Delacre e.a./Commission, point 104 supra, points 15 et 16).

109    Dans sa duplique, le Conseil ajoute qu’il n’était aucunement tenu de divulguer les éléments de fait précis qui l’avaient amené à conclure que le requérant était impliqué dans des activités terroristes, dès lors que la procédure applicable impliquait l’utilisation de matériel sensible, qui ne pouvait être rendu public sans compromettre gravement la sécurité publique.

110    Dans ses observations sur l’arrêt Yusuf, le Conseil reconnaît qu’il dispose en l’espèce d’une marge d’appréciation plus importante que dans l’affaire à l’origine de cet arrêt. Le Conseil reconnaît pareillement que le contrôle juridictionnel de la décision attaquée peut être plus étendu en l’espèce que dans l’affaire Yusuf. Cela ne signifierait pas, toutefois, qu’il y aurait lieu de divulguer et de réexaminer, dans le cadre de la présente procédure, l’ensemble des éléments de preuve relatifs au requérant. Il en irait particulièrement ainsi des documents examinés par le Raad van State et par la rechtbank, dont le caractère confidentiel aurait été reconnu par ces juridictions.

–       Griefs tirés de violations des droits de la défense et du droit à un procès équitable

111    Par un premier grief, le requérant soutient que la décision attaquée a été prise en violation de ses droits de la défense. En effet, il se serait vu infliger les sanctions en cause en l’espèce, et accuser du crime de terrorisme, sans avoir été préalablement entendu ou avoir eu l’occasion de se défendre, sans avoir pu accéder au dossier secret et aux éléments sur la base desquels ces mesures ont été prises, et sans que celles-ci aient été soumises au moindre contrôle juridictionnel. Une telle irrégularité ne serait pas susceptible d’être régularisée au stade de la procédure devant le Tribunal (arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 1022).

112    En réponse à l’argument du Conseil selon lequel la réglementation en cause en l’espèce ne prévoit pas un droit d’audition préalable, le requérant souligne que le droit d’être entendu est une application de la règle générale selon laquelle les destinataires de décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue. Il ajoute que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions constitue un principe fondamental du droit communautaire qui doit être observé en toutes circonstances, même en l’absence de réglementation le prévoyant (arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 111 supra, point 1011).

113    L’argument du Conseil tiré du précédent des sanctions prises à l’égard de l’ex‑République fédérale de Yougoslavie (point 128 ci-après) ne serait pas davantage pertinent, car, dans le cadre de ce précédent, et à la différence de la présente espèce, les sociétés incluses dans la « liste noire » avaient eu des contacts préalables avec les autorités allemandes, qui les avaient averties de leur inclusion imminente dans cette liste. Elles auraient donc été en mesure de transmettre leurs observations détaillées aux autorités allemandes et à la Commission. Telle serait précisément la raison pour laquelle le Tribunal a refusé de constater une violation de leurs droits de la défense (ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 2 août 2000, « Invest » Import und Export et Invest commerce/Commission, T‑189/00 R, Rec. p. II‑2993, point 41).

114    Dans ses observations sur l’arrêt Yusuf, le requérant reconnaît que, au point 308 de cet arrêt, le Tribunal a jugé comme incontestable le fait qu’une audition des intéressés préalablement au gel de leurs fonds serait de nature à compromettre l’efficacité des sanctions et s’avérerait ainsi incompatible avec l’objectif d’intérêt général poursuivi. Le requérant estime, toutefois, que l’éventuelle nécessité de tirer parti d’un effet de surprise ne doit pas aboutir à supprimer toute garantie. L’efficacité de la mesure pourrait ainsi être sauvegardée en prévoyant une audition a posteriori. Le requérant renvoie, à cet égard, aux garanties juridictionnelles prévues par le droit de la procédure pénale des États membres, en cas de gel des fonds décidé par les organes répressifs ou par les juges d’instruction.

115    Par un second grief, le requérant soutient que la décision attaquée viole le droit à un procès équitable devant un tribunal impartial, garanti par l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH et reconnu par la jurisprudence de la Cour.

116    À cet égard, il fait valoir que son inclusion dans les listes litigieuses équivaut à une « accusation en matière pénale », au sens de cette disposition, telle qu’elle serait interprétée de manière « matérielle » et non pas « formelle » par la Cour européenne des droits de l’homme (ci‑après la « Cour EDH ») (voir Cour eur. D. H., arrêt Deweer du 27 février 1980, série A n° 35, § 44). Dans ce contexte, le requérant expose que, selon la Cour EDH, l’existence d’une telle accusation dépend de trois critères, à savoir la qualification légale de l’infraction en droit interne, la nature de l’accusation et la nature et le degré de sévérité de la peine encourue. En l’espèce, ces trois critères seraient réunis. Premièrement, la décision attaquée relèverait de la lutte contre le terrorisme, laquelle ferait partie intégrante du droit pénal communautaire, ainsi que le confirmerait l’adoption de la décision‑cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme (JO L 164, p. 3). Deuxièmement, la nature de l’accusation ne laisserait place à aucun doute dès lors que le règlement n° 2580/2001 vise les personnes « commettant ou tentant de commettre un acte de terrorisme, participant à un tel acte ou facilitant sa réalisation ». Troisièmement, le gel des fonds serait comparable à une déchéance totale, et pour une durée indéterminée, du droit de propriété sur les avoirs gelés.

117    Par la décision attaquée, le Conseil infligerait, de surcroît, une sanction pénale au requérant, sans qu’aucune décision judiciaire ait été adoptée au terme d’un procès équitable.

118    En réponse à l’argument du Conseil selon lequel le droit du requérant à un procès équitable a été garanti, en l’espèce, dans le cadre des procédures nationales ayant mené à son inclusion dans les listes litigieuses, le requérant soutient que les procédures devant le Raad van State et devant la rechtbank sont dénuées de toute pertinence à cet égard, dès lors qu’elles ne concernaient pas son implication dans des actes de terrorisme, mais uniquement la reconnaissance de son statut de réfugié et la délivrance d’un permis de séjour. Aucune procédure nationale n’aurait donc garanti le respect du droit à un procès équitable.

119    En réponse à l’argument du Conseil selon lequel le droit à un procès équitable est également garanti dans le cadre de la présente procédure, le requérant réplique que celle‑ci n’est pas suffisante pour offrir une telle garantie, en raison de la nature et des limites de la compétence du Tribunal au contentieux de l’annulation.

120    Le Conseil fait valoir que la procédure ayant mené à l’inclusion du requérant dans les listes litigieuses est telle que ses droits de la défense sont garantis à un double niveau, national et communautaire.

121    En premier lieu, le Conseil rappelle que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, une personne ne peut être incluse dans les listes litigieuses que s’il est établi qu’une décision a été prise à son égard par une autorité nationale compétente, à savoir une autorité judiciaire ou équivalente (voir point 8 ci‑dessus). Selon le Conseil, il va de soi que cette autorité a dû, à cet effet, respecter les droits de la défense de l’intéressé. Le gouvernement néerlandais confirme qu’une telle décision doit être revêtue de toutes les garanties requises dans l’ordre juridique national.

122    En l’occurrence, le requérant aurait fait l’objet, aux Pays‑Bas, de plusieurs procédures administratives et judiciaires visant à déterminer son statut administratif (voir points 46 à 70 ci‑dessus), et il aurait eu amplement l’occasion de faire valoir utilement son point de vue dans le cadre de ces procédures, sous réserve des règles appliquées par les juridictions concernées pour garantir la confidentialité des informations sensibles.

123    En réponse à l’argument du requérant selon lequel ces procédures ne devraient pas être prises en considération dès lors qu’elles concernaient l’octroi d’un permis de séjour, et non son implication dans des activités terroristes, le Conseil souligne que celle-ci a joué un rôle fondamental dans la décision du secrétaire d’État, confirmée par la décision de la rechtbank, de lui refuser un tel permis. Loin d’être considérés comme accessoires, les faits révélant cette implication auraient été considérés par la rechtbank comme « revêt[a]nt […] une importance décisive » (voir point 68 ci‑dessus).

124    En second lieu, le Conseil rappelle que le requérant a eu la possibilité de former le présent recours en annulation et en indemnité devant le Tribunal. Dans une décision du 23 mai 2002, Segi e.a. et Gestoras pro Amnistía c. les 15 États membres de l’Union européenne (nos 6422/02 et 9916/02, Recueil des arrêts et décisions, 2002‑V), la Cour EDH aurait rejeté la requête de certaines entités incluses dans les listes litigieuses, précisément au motif, notamment, que le règlement n° 2580/2001 était soumis au contrôle du juge communautaire.

125    Le Conseil conteste, en revanche, que le requérant ait dû être entendu par lui‑même avant l’adoption de la décision attaquée.

126    À cet égard, le Conseil souligne, premièrement, que la jurisprudence invoquée par le requérant concerne le droit d’être entendu dans le cadre de procédures administratives réglementées, en matière de concurrence et de dumping. Renvoyant aux points 326 et 327 de l’arrêt Yusuf, le Conseil ajoute qu’il ne disposait pas, en l’espèce, de « pouvoirs d’enquête et d’instruction étendus » pour déterminer s’il y avait lieu de geler les fonds du requérant. Les institutions communautaires ne disposeraient ni de la compétence ni des ressources nécessaires pour mener le type d’enquête et d’instruction requis pour déterminer si une personne telle que le requérant est impliquée dans des activités terroristes. Elles devraient s’en remettre, sur ces questions, à l’appréciation des autorités nationales. Par conséquent, ce serait également devant ces autorités nationales que les droits de la défense des intéressés devraient trouver à s’exercer.

127    Deuxièmement, le Conseil et le Royaume-Uni font valoir qu’il aurait, en tout état de cause, été impossible de prévoir une procédure permettant aux intéressés d’être entendus préalablement au gel de leurs fonds, car cela aurait privé ladite mesure de toute efficacité. Le Royaume-Uni ajoute qu’il existe vraisemblablement des raisons impérieuses, tenant à la sécurité nationale, de ne pas divulguer les informations et les preuves sur la base desquelles une autorité compétente peut adopter une décision constatant qu’une personne est impliquée dans des actes de terrorisme.

128    Troisièmement, le Conseil soutient que, selon la jurisprudence du Tribunal, les institutions communautaires n’ont aucune obligation de prévoir une audition des intéressés lorsqu’elles établissent, sur la base des noms communiqués par les autorités nationales, une « liste noire » de personnes visées par des sanctions, telle celle établie en vertu du règlement (CE) n° 1294/1999 du Conseil, du 15 juin 1999, relatif à un gel des capitaux et à une interdiction des investissements en relation avec la République fédérale de Yougoslavie (RFY) et abrogeant les règlements (CE) n° 1295/98 et (CE) n° 1607/98 (JO L 153, p. 63). Une telle liste résulterait, en effet, d’une procédure administrative à deux niveaux, dans le cadre de laquelle les autorités nationales joueraient un rôle essentiel, et le droit des intéressés d’être entendus devrait être effectivement garanti, avant tout, dans le cadre de leurs relations avec l’administration nationale (ordonnance « Invest » Import und Export et Invest commerce/Commission, point 113 supra, point 40 ; voir, également, arrêt Yusuf, points 315 et 316). En l’occurrence, le requérant aurait eu toute latitude pour faire valoir son point de vue devant le Raad van State et devant la rechtbank.

129    Quatrièmement, il ne ressortirait pas de la jurisprudence de la Cour EDH que les garanties de l’article 6 de la CEDH auraient dû s’appliquer dans le cadre de la procédure d’adoption de la décision attaquée. Le Conseil relève, en particulier, que le gel des fonds du requérant n’est pas une sanction pénale au sens de cette jurisprudence, dès lors qu’il n’y a pas eu de qualification comme infraction pénale, que la mesure en cause concerne seulement un groupe précis de personnes et que la rigueur de cette mesure n’est pas suffisante pour fonder une telle qualification (voir Cour eur. D. H., arrêts Engel du 8 juin 1976, série A n° 22, Öztürk du 21 février 1984, série A n° 73, et Campbell et Fell du 28 juin 1984, série A n° 80).

130    Le Royaume-Uni conteste également que l’article 6, paragraphe l, de la CEDH vise l’adoption de mesures législatives. Cette disposition s’appliquerait uniquement à des contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil ou à des accusations en matière pénale, et les garanties qu’elle prévoit dans le premier cas ne seraient applicables que dans la mesure où il existe un litige exigeant l’adoption d’une décision. Elle ne conférerait donc pas aux particuliers le droit d’être entendus avant l’adoption d’une réglementation qui porte atteinte à leurs droits de propriété. Dans un tel cas, les particuliers seraient seulement en droit de contester a posteriori la légalité de cette réglementation ou de son application au cas d’espèce (voir Cour eur. D. H., arrêts Lithgow e.a. du 8 juillet 1986, série A n° 102, § 192, et James e.a. du 21 février 1986, série A n° 98, § 81). La distinction entre actes administratifs et législatifs, aux fins de l’application du droit d’être entendu, aurait été reconnue par le Tribunal dans l’arrêt du 11 décembre 1996, Atlanta e.a./CE (T‑521/93, Rec. p. II‑1707, points 70 à 74).

131    En l’espèce, ni l’inclusion du requérant dans les listes litigieuses ni, dès lors, le gel de ses avoirs ne relevaient, selon le Royaume-Uni, de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Ces mesures n’impliqueraient pas une décision relative aux droits de caractère civil du requérant ni une accusation pénale portée contre lui, mais l’adoption de dispositions législatives par les institutions communautaires. Par conséquent, la question des « droits de la défense » ne se poserait tout simplement pas. Toutefois, les droits du requérant au titre de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH seraient garantis par l’accès à une juridiction compétente pour déterminer si les mesures législatives en question ont été adoptées légalement et/ou si le requérant relève bien de leur champ d’application. Le requérant aurait d’ailleurs fait usage de ces droits en introduisant le présent recours devant le Tribunal.

132    Dans ses observations sur l’arrêt Yusuf, le Royaume-Uni ajoute que la question pertinente est celle de savoir si le droit d’accès à un tribunal a été violé du fait que l’intéressé ne peut contester au fond, devant une juridiction, le bien-fondé de son inclusion dans la liste litigieuse. Le Royaume-Uni considère que cette impossibilité n’entraîne pas une violation des droits fondamentaux du requérant.

133    Premièrement, le requérant serait en mesure de contester la légalité des décisions ordonnant le gel de ses fonds en invoquant les motifs énoncés à l’article 230, deuxième alinéa, CE (voir, en ce sens, arrêt Kadi, points 278 et 279).

134    Deuxièmement, bien que le requérant soit dans l’impossibilité de contester le bien-fondé de la décision de principe d’inclure son nom dans la liste litigieuse, le Royaume-Uni fait valoir que, selon une jurisprudence constante de la Cour EDH, le droit fondamental d’accès à un tribunal est un droit implicite soumis à des limitations inhérentes à l’ordre juridique (voir également, en ce sens, arrêt Kadi, point 287). Selon cette jurisprudence, le droit d’accéder à un tribunal en vue de contester le bien-fondé d’une décision ou d’une mesure législative ferait souvent l’objet de restrictions et, dans ces circonstances, il conviendrait de mettre en balance les intérêts de l’individu et ceux de la société dans son ensemble afin d’apprécier la légalité de telles restrictions (voir Cour eur. D. H., arrêts Ashingdane du 28 mai 1985, série A n° 93, et Alatulkkila e.a. c. Finlande du 28 juillet 2005, n° 33538/96, non publié au Recueil des arrêts et décisions).

135    En l’espèce, la limitation du droit d’accès du requérant aux tribunaux serait justifiée à la fois par la nature des décisions que le Conseil a été tenu d’adopter en vue de donner effet à la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité et par l’objectif légitime poursuivi par ces mesures (voir, en ce sens, arrêt Kadi, points 284 et 289). L’intérêt du requérant à ce qu’un tribunal examine son cas au fond ne serait pas suffisant pour l’emporter sur l’intérêt supérieur du maintien de la paix et de la sécurité internationales face à une menace identifiée par les forces de sécurité des États membres. Il s’agirait là d’un domaine qui se caractérise tout spécialement par des choix politiques et des décisions de principe et dans lequel les autorités compétentes doivent disposer de la marge d’appréciation la plus large.

136    Le Royaume-Uni souligne, toutefois, que, dans ce contexte, le requérant n’est pas privé de toute protection ou voie de recours. D’une part, il existerait des mécanismes permettant de s’assurer que la liste litigieuse est établie sur la base d’informations spécifiques et détaillées (voir article 1er, paragraphes 4 et 5, de la position commune 2001/931). D’autre part, les dispositions en cause prévoiraient un réexamen régulier de ladite liste (voir article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931). À cette occasion, les États membres seraient en mesure d’évoquer la question du maintien d’une ou de plusieurs personnes dans cette liste, s’ils considèrent qu’il existe des motifs justifiant l’examen d’un retrait. Il serait ainsi loisible au requérant de tenter de convaincre les autorités nationales compétentes de revenir sur leur décision et, en cas de refus de celles-ci, d’intenter un recours juridictionnel fondé sur le droit interne (voir, en ce sens, arrêt Kadi, point 270).

 Appréciation du Tribunal

137    Il convient d’examiner ensemble les griefs tirés de la violation des droits de la défense, de la violation de l’obligation de motivation et de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective, dès lors que ces griefs sont étroitement liés. D’une part, en effet, la garantie des droits de la défense contribue à assurer le bon exercice du droit à une protection juridictionnelle effective. D’autre part, il existe un rapport étroit entre le droit à un recours juridictionnel effectif et l’obligation de motivation. Comme le souligne une jurisprudence constante, l’obligation incombant aux institutions communautaires, en vertu de l’article 253 CE, de motiver leurs actes, ne répond pas seulement à un souci formel, mais vise à permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle de légalité et aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise, afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si l’acte est ou non bien fondé (arrêts de la Cour du 4 juillet 1963, Allemagne/Commission, 24/62, Rec. p. 131, 143, et du 10 mai 2005, Italie/Commission, C‑400/99, Rec. p. I‑3657, point 22 ; arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T‑346/02 et T‑347/02, Rec. p. II‑4251, point 225). Ainsi, les intéressés ne peuvent véritablement faire fruit de leur recours juridictionnel que s’ils ont une connaissance exacte du contenu et des motifs de l’acte en cause (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 février 1998, Commission/Conseil, C‑309/95, Rec. p. I‑655, point 18, et arrêt du Tribunal du 7 juillet 1999, British Steel/Commission, T‑89/96, Rec. p. II‑2089, point 33).

138    Eu égard aux arguments développés à titre principal par le Conseil et les gouvernements intervenants, le Tribunal vérifiera tout d’abord si les droits et garanties dont la violation est invoquée par le requérant trouvent en principe à s’appliquer dans le contexte de l’adoption d’une décision de gel des fonds au titre du règlement n° 2580/2001. Le Tribunal déterminera ensuite l’objet et précisera les limitations de ces droits et garanties dans un tel contexte. Enfin, le Tribunal se prononcera sur la violation alléguée des droits et garanties en question, dans les circonstances particulières de l’espèce.

 Applicabilité des garanties afférentes au respect des droits de la défense, à l’obligation de motivation et au droit à une protection juridictionnelle effective dans le contexte de l’adoption d’une décision de gel des fonds au titre du règlement n° 2580/2001

–       Droits de la défense

139    Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause. Ce principe exige que toute personne qui peut se voir infliger une sanction soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder la sanction (voir arrêt de la Cour du 29 juin 1994, Fiskano/Commission, C‑135/92, Rec. p. I‑2885, points 39 et 40, et la jurisprudence citée).

140    En l’occurrence, la décision attaquée, par laquelle le requérant se voit infliger une mesure individuelle de sanction économique et financière (gel des fonds), lui fait incontestablement grief (voir également point 146 ci-après). Cette jurisprudence est donc pertinente en l’espèce.

141    Il découle de cette jurisprudence que, sauf exceptions (voir points 174 et suivants ci-après), la garantie des droits de la défense comporte, en principe, deux volets principaux. D’une part, l’intéressé doit se voir communiquer les éléments retenus à sa charge pour fonder la sanction administrative envisagée (ci-après la « communication des éléments à charge »). D’autre part, il doit être mis en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet de ces éléments (ci-après l’« audition »).

142    Ainsi entendue, la garantie des droits de la défense dans le cadre de la procédure administrative elle-même est à distinguer de celle qui résulte du droit à un recours juridictionnel effectif contre l’acte faisant grief éventuellement adopté au terme de cette procédure (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 avril 2002, Campolargo/Commission, T‑372/00, RecFP p. I‑A‑49 et II‑223, point 36). Les arguments du Conseil et du Royaume-Uni en rapport avec l’article 6 de la CEDH sont, dès lors, dénués de pertinence dans le cadre du présent grief.

143    Par ailleurs, la garantie afférente au respect des droits de la défense proprement dits, dans le contexte de l’adoption d’une décision de gel des fonds au titre du règlement n° 2580/2001, ne saurait être déniée aux intéressés au seul motif, invoqué par le Conseil et le Royaume-Uni, que ni la CEDH ni les principes généraux du droit communautaire ne confèrent aux particuliers un quelconque droit d’être entendus préalablement à l’adoption d’un acte à caractère normatif (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Yusuf, point 322).

144    Il est vrai que la jurisprudence relative au droit d’être entendu ne saurait être étendue au contexte d’une procédure législative communautaire aboutissant à l’adoption de mesures normatives qui impliquent un choix de politique économique et s’appliquent à la généralité des opérateurs concernés (arrêt Atlanta e.a./CE, point 130 supra, point 70, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, Rec. p. I‑6983, points 34 à 38).

145    Il est vrai également que la décision attaquée, qui maintient le requérant dans la liste litigieuse, après que celui-ci y a été inclus par la décision initialement attaquée, a la même portée générale que le règlement n° 2580/2001 et est, comme celui-ci, directement applicable dans tout État membre. Elle participe donc bien, malgré son intitulé, de la nature réglementaire de cet acte au sens de l’article 249 CE (voir, par analogie, ordonnance du Tribunal du 6 mai 2003, DOW AgroSciences/Parlement et Conseil, T‑45/02, Rec. p. II‑1973, points 31 à 33, et la jurisprudence citée, et arrêt Yusuf, points 184 à 188).

146    Toutefois, cette décision n’a pas une nature exclusivement normative. Tout en déployant ses effets erga omnes, elle concerne directement et individuellement le requérant, qu’elle désigne d’ailleurs nommément comme devant être inclus dans la liste des personnes, groupes et entités dont les fonds doivent être gelés en application du règlement n° 2580/2001. S’agissant d’un acte qui inflige une mesure individuelle de sanction économique et financière (voir point 140 ci‑dessus), la jurisprudence citée au point 144 ci-dessus n’est, dès lors, pas pertinente (voir, par analogie, arrêt Yusuf, point 324).

147    Il convient, par ailleurs, de relever les éléments qui distinguent la présente affaire des affaires à l’origine des arrêts Yusuf et Kadi, dans lesquels il a été jugé que les institutions communautaires n’étaient pas tenues d’entendre les intéressés dans le contexte de l’adoption et de la mise en œuvre d’une mesure analogue de gel des fonds de personnes et d’entités liées à Oussama ben Laden, au réseau Al-Qaida et aux Taliban.

148    Cette solution a été justifiée, dans lesdites affaires, par la circonstance que les institutions communautaires s’étaient bornées à transposer dans l’ordre juridique communautaire, comme elles y étaient tenues, des résolutions du Conseil de sécurité et des décisions de son comité des sanctions qui imposaient le gel des fonds des intéressés, nominativement désignés, sans habiliter aucunement ces institutions, au stade de leur mise en œuvre concrète, à prévoir un quelconque mécanisme communautaire d’examen ou de réexamen des situations individuelles. Le Tribunal en a déduit que le principe de droit communautaire relatif au droit d’être entendu ne trouvait pas à s’appliquer dans de telles circonstances, où une audition des intéressés ne pouvait en aucun cas amener les institutions à revoir leur position (arrêts Yusuf, point 328, et Kadi, point 258).

149    Dans la présente affaire, en revanche, s’il est vrai que la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité dispose notamment, en son paragraphe 1, sous c), que tous les États gèlent sans attendre les fonds et autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, des entités appartenant à ces personnes ou contrôlées par elles, et des personnes et entités agissant au nom, ou sur instruction, de ces personnes et entités, c’est sans aucune détermination individuelle des personnes, groupes et entités qui doivent faire l’objet de ces mesures. Le Conseil de sécurité n’a pas davantage établi de normes juridiques précises concernant la procédure de gel des fonds, ni les garanties ou recours juridictionnels assurant aux personnes et entités concernées par une telle procédure une possibilité effective de contester les mesures adoptées à leur égard par les États.

150    Ainsi, dans le contexte de la résolution 1373 (2001), il incombe aux États membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) – et, en l’occurrence, à la Communauté, par l’intermédiaire de laquelle ses États membres ont décidé d’agir – d’identifier concrètement quels sont les personnes, groupes et entités dont les fonds doivent être gelés en application de cette résolution, en se conformant aux normes de leur propre ordre juridique.

151    À cet égard, le Conseil et le Royaume-Uni ont reconnu, en substance, dans leurs observations écrites sur l’arrêt Yusuf, que, dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité, les mesures que le Conseil a adoptées au titre d’une compétence liée et qui, de ce fait, bénéficient de l’effet de « primauté » découlant des articles 25 et 103 de la charte des Nations unies, sont essentiellement celles prévues par les dispositions matérielles du règlement n° 2580/2001, qui déterminent la teneur des mesures restrictives à adopter à l’égard des personnes visées au paragraphe 1, sous c), de ladite résolution. En revanche, à la différence des actes en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Yusuf, les actes qui font concrètement application de ces mesures restrictives à telle ou telle personne ou entité, telle la décision attaquée, ne relèveraient pas de l’exercice d’une compétence liée et ne bénéficieraient donc pas de l’effet de « primauté » en question (voir également point 110 ci-dessus). Le Conseil estime que l’adoption de ces actes relève plutôt de l’exercice du large pouvoir discrétionnaire d’appréciation dont il dispose dans le domaine de la PESC.

152    Ces considérations peuvent, en substance, être approuvées par le Tribunal, sous réserve des éventuelles difficultés d’application du paragraphe 1, sous c), de la résolution 1373 (2001) qui pourraient découler de l’absence, à ce jour, d’une définition universellement acceptée des notions de « terrorisme » et d’« acte de terrorisme » en droit international [voir, à cet égard, le document final (A/60/L1) adopté par l’assemblée générale de l’ONU le 15 septembre 2005, à l’occasion du sommet mondial célébrant le soixantième anniversaire de cette organisation].

153    Enfin, il convient de relever que la Communauté n’agit pas au titre d’une compétence liée par la volonté de l’Union ou par celle de ses États membres, telle qu’elle peut s’exprimer dans une position commune adoptée dans le domaine de la PESC, lorsque le Conseil prend, comme en l’espèce, des mesures de sanctions économiques sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE. Ce point de vue est, en effet, le seul compatible avec le libellé même de l’article 301 CE, aux termes duquel le Conseil décide en la matière « à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission », de même qu’avec celui de l’article 60, paragraphe 1, CE, aux termes duquel le Conseil « peut prendre », selon la même procédure, les mesures urgentes jugées nécessaires par un acte relevant de la PESC.

154    Dès lors que l’identification des personnes, groupes et entités visés par la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité, et l’adoption de la mesure de gel des fonds qui s’ensuit, relèvent de l’exercice d’un pouvoir propre, impliquant une appréciation discrétionnaire de la Communauté, le respect des droits de la défense des intéressés s’impose en principe aux institutions communautaires concernées, en l’occurrence le Conseil, lorsqu’elles agissent en vue de se conformer à ladite résolution.

155    Il s’ensuit que la garantie des droits de la défense est, en principe, pleinement applicable dans le contexte de l’adoption d’une décision de gel des fonds au titre du règlement n° 2580/2001.

–       Obligation de motivation

156    En principe, la garantie afférente à l’obligation de motivation prévue par l’article 253 CE est, elle aussi, pleinement applicable dans le contexte de l’adoption d’une décision de gel des fonds au titre du règlement n° 2580/2001, cela n’ayant d’ailleurs été mis en doute par aucune des parties.

–       Droit à une protection juridictionnelle effective

157    Quant à la garantie afférente au droit à une protection juridictionnelle effective, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les particuliers doivent pouvoir bénéficier d’une protection juridictionnelle effective des droits qu’ils tirent de l’ordre juridique communautaire, le droit à une telle protection faisant partie des principes généraux du droit qui découlent des traditions constitutionnelles communes aux États membres et ayant été consacré par les articles 6 et 13 de la CEDH (voir arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 421, et la jurisprudence citée).

158    Il en va notamment ainsi à l’égard des mesures de gel des fonds des personnes ou organisations soupçonnées d’activités terroristes (voir, en ce sens, le point XIV des lignes directrices sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, adoptées par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe le 11 juillet 2002).

159    Dans le cadre du présent recours, la seule réserve émise par le Conseil, quant à l’applicabilité de principe de cette garantie, tient à ce que, d’après cette institution, le Tribunal ne serait pas compétent pour contrôler la légalité interne des dispositions matérielles du règlement n° 2580/2001, dans la mesure où celles-ci ont été adoptées au titre d’une compétence liée par la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité et où elles bénéficient, par conséquent, de l’effet de « primauté » mentionné au point 151 ci-dessus.

160    Il n’est toutefois pas nécessaire que le Tribunal se prononce sur le bien-fondé de cette réserve, dès lors que le présent litige peut être résolu, ainsi qu’il sera exposé ci-après, sur la base du seul contrôle juridictionnel de la légalité de la décision attaquée, dont aucune des parties ne conteste qu’il relève bien de la compétence du Tribunal.

 Objet et limitations des garanties afférentes au respect des droits de la défense, à l’obligation de motivation et au droit à une protection juridictionnelle effective dans le contexte de l’adoption d’une décision de gel des fonds au titre du règlement n° 2580/2001

–       Droits de la défense

161    Il convient, en premier lieu, de définir l’objet de la garantie des droits de la défense dans le contexte de l’adoption d’une décision de gel des fonds prise au titre de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, en distinguant selon qu’il s’agit d’une décision initiale de gel des fonds visée à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 (ci-après la « décision initiale de gel des fonds ») ou de l’une quelconque des décisions subséquentes de maintien du gel des fonds après réexamen périodique, visées à l’article 1er, paragraphe 6, de cette même position commune (ci-après les « décisions subséquentes de gel des fonds »).

162    Dans ce contexte, il y a tout d’abord lieu de souligner que les droits de la défense ne sauraient trouver à s’exercer qu’à l’égard des éléments de fait et de droit susceptibles de conditionner l’application de la mesure en cause à l’intéressé, conformément à la réglementation pertinente.

163    En l’espèce, la réglementation pertinente est prévue par l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, aux termes duquel le Conseil, statuant à l’unanimité, établit, révise et modifie la liste de personnes, de groupes et d’entités auxquels ledit règlement s’applique, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphes 4 à 6, de la position commune 2001/931. La liste en question doit donc être établie, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, groupes et entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte, basée sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse de la condamnation pour de tels faits. On entend par « autorité compétente » une autorité judiciaire ou, si les autorités judiciaires n’ont aucune compétence en la matière, une autorité compétente équivalente dans ce domaine. Par ailleurs, les noms des personnes et entités reprises sur la liste doivent faire l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que leur maintien sur la liste reste justifié, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.

164    Ainsi que l’ont relevé à juste titre le Conseil et les États membres intervenants, la procédure susceptible d’aboutir à une mesure de gel des fonds au titre de la réglementation pertinente se déroule donc à deux niveaux, l’un national, l’autre communautaire. Dans un premier temps, une autorité nationale compétente, en principe judiciaire, doit prendre à l’égard de l’intéressé une décision répondant à la définition de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. S’il s’agit d’une décision d’ouverture d’enquêtes ou de poursuites, celle-ci doit être basée sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles. Dans un second temps, le Conseil, statuant à l’unanimité, doit décider d’inclure l’intéressé dans la liste litigieuse, sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une telle décision a été prise. Par la suite, le Conseil doit s’assurer à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, que le maintien de l’intéressé sur la liste litigieuse reste justifié. À cet égard, la vérification de l’existence d’une décision d’une autorité nationale répondant à ladite définition apparaît comme une condition préalable essentielle à l’adoption, par le Conseil, d’une décision initiale de gel des fonds, tandis que la vérification des suites réservées à cette décision au niveau national apparaît indispensable dans le contexte de l’adoption d’une décision subséquente de gel des fonds.

165    Dès lors, la question du respect des droits de la défense dans le contexte de l’adoption d’une mesure de gel des fonds est susceptible de se poser elle aussi à ces deux niveaux (voir, par analogie, ordonnance « Invest » Import und Export et Invest commerce/Commission, point 113 supra, point 40).

166    Les droits de la défense de l’intéressé doivent tout d’abord être effectivement garantis dans le cadre de la procédure nationale ayant abouti à l’adoption, par l’autorité nationale compétente, de la décision visée à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. C’est essentiellement dans ce cadre national que l’intéressé doit être mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder la décision en question, sous réserve d’éventuelles restrictions aux droits de la défense légalement justifiées en droit national, notamment pour des motifs d’ordre public, de sécurité publique ou de maintien des relations internationales (voir, en ce sens, Cour eur. D. H., arrêt Tinnelly & Sons e.a. et McElduff e.a. c. Royaume-Uni du 10 juillet 1998, Recueil des arrêts et décisions, 1998‑IV, § 78).

167    Les droits de la défense de l’intéressé doivent ensuite être effectivement garantis dans le cadre de la procédure communautaire devant aboutir à l’adoption, par le Conseil, de la décision de l’inclure ou de le maintenir dans la liste litigieuse, conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001. En principe, dans ce cadre, l’intéressé doit seulement être mis en mesure de faire valoir utilement son point de vue sur les conditions légales d’application de la mesure communautaire en cause, à savoir, s’il s’agit d’une décision initiale de gel des fonds, l’existence d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision répondant à la définition donnée à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 a été prise à son égard par une autorité nationale compétente, et, s’il s’agit d’une décision subséquente de gel des fonds, les justifications du maintien de l’intéressé sur la liste litigieuse.

168    En revanche, pour autant que la décision en question émane d’une autorité compétente d’un État membre, le respect des droits de la défense au niveau communautaire ne requiert normalement plus, à ce stade, que l’intéressé soit à nouveau mis en mesure de se prononcer sur l’opportunité et le bien-fondé de ladite décision, ces questions ne pouvant être discutées qu’au niveau national, devant l’autorité en question ou, sur recours de l’intéressé, devant la juridiction nationale compétente. De même, en principe, il n’appartient pas au Conseil de se prononcer sur la régularité de la procédure ouverte à l’encontre de l’intéressé et ayant abouti à ladite décision, prévue par le droit de l’État membre applicable, ou sur le respect des droits fondamentaux de l’intéressé par les autorités nationales. Ce pouvoir appartient, en effet, exclusivement aux juridictions nationales compétentes ou, le cas échéant, à la Cour EDH (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 10 avril 2003, Le Pen/Parlement, T‑353/00, Rec. p. II‑1729, point 91, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 7 juillet 2005, Le Pen/Parlement, C‑208/03 P, Rec. p. I‑6051).

169    Dans le cas où la mesure communautaire de gel des fonds est adoptée sur la base d’une décision d’une autorité nationale d’un État membre rendue en matière d’enquêtes ou de poursuites (plutôt que sur la base d’une décision de condamnation), le respect des droits de la défense ne requiert pas non plus, en principe, que l’intéressé soit mis en mesure de faire valoir son point de vue sur le point de savoir si cette décision est « basée sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles », comme le prescrit l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. En effet, bien que cet élément constitue l’une des conditions légales d’application de la mesure en question, le Tribunal estime qu’il serait inapproprié, eu égard au principe de coopération loyale visé à l’article 10 CE, de le soumettre à l’exercice des droits de la défense au niveau communautaire.

170    À cet égard, le Tribunal rappelle que, en vertu de l’article 10 CE, les relations entre les États membres et les institutions communautaires sont régies par des devoirs réciproques de coopération loyale (voir arrêt de la Cour du 16 octobre 2003, Irlande/Commission, C‑339/00, Rec. p. I‑11757, points 71 et 72, et la jurisprudence citée). Ce principe est d’application générale et s’impose, notamment, dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale (communément appelée « justice et affaires intérieures ») (JAI) régie par le titre VI du traité UE, qui est d’ailleurs entièrement fondée sur la coopération entre les États membres et les institutions (arrêt de la Cour du 16 juin 2005, Pupino, C‑105/03, Rec. p. I‑5285, point 42).

171    Dans un cas d’application de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, dispositions qui instaurent une forme de coopération spécifique entre le Conseil et les États membres, dans le cadre de la lutte commune contre le terrorisme, le Tribunal estime que ce principe entraîne, pour le Conseil, l’obligation de s’en remettre autant que possible à l’appréciation de l’autorité nationale compétente, à tout le moins s’il s’agit d’une autorité judiciaire, tant pour ce qui est de l’existence « des preuves ou des indices sérieux et crédibles » sur lesquels la décision de celle-ci est fondée que pour ce qui concerne la reconnaissance des éventuelles restrictions d’accès à ces preuves ou indices, légalement justifiées en droit national pour des motifs impérieux d’ordre public, de sécurité publique ou de maintien des relations internationales (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Postbank/Commission, T‑353/94, Rec. p. II‑921, point 69, et la jurisprudence citée).

172    Il y a toutefois lieu d’ajouter que ces considérations ne sont valables que pour autant que les preuves ou indices en question aient bien été soumis à l’appréciation de l’autorité nationale compétente visée au point précédent. En revanche, si, au cours de la procédure devant lui, le Conseil fonde sa décision initiale ou une décision subséquente de gel des fonds sur des éléments d’information ou de preuve qui lui sont communiqués par les représentants des États membres sans avoir été soumis à l’appréciation de ladite autorité nationale compétente, ces éléments sont à considérer comme de nouveaux éléments à charge qui doivent, en principe, faire l’objet d’une communication et d’une audition au niveau communautaire, à défaut d’en avoir déjà fait l’objet au niveau national.

173    Il découle de ce qui précède que, dans le cadre des relations entre la Communauté et ses États membres, le respect des droits de la défense a un objet relativement restreint, au niveau de la procédure communautaire de gel des fonds. Dans le cas d’une décision initiale de gel des fonds, il exige en principe, d’une part, que l’intéressé se voie communiquer par le Conseil les informations précises ou les éléments de dossier qui montrent qu’une décision répondant à la définition donnée à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 a été prise à son égard par une autorité compétente d’un État membre, ainsi que, le cas échéant, les éléments nouveaux visés au point 172 ci-dessus, et, d’autre part, qu’il soit mis en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet de ces informations ou éléments de dossier. Dans le cas d’une décision subséquente de gel des fonds, le respect des droits de la défense exige pareillement, d’une part, que l’intéressé se voie communiquer les informations ou éléments de dossier qui, selon le Conseil, justifient son maintien sur les listes litigieuses, ainsi que, le cas échéant, les éléments nouveaux visés au point 172 ci-dessus, et, d’autre part, qu’il soit mis en mesure de faire valoir utilement son point de vue à ce sujet.

174    Dans le même temps, il convient néanmoins d’admettre que certaines limitations des droits de la défense, ainsi définis quant à leur objet, peuvent être légitimement envisagées et imposées aux intéressés, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, où sont en cause des mesures restrictives spécifiques consistant en un gel des fonds et avoirs financiers des personnes, groupes et entités identifiés par le Conseil comme étant impliqués dans des actes de terrorisme.

175    Ainsi, le Tribunal considère, à l’instar de ce qui a été jugé dans l’arrêt Yusuf et comme le soutiennent en l’espèce le Conseil et les gouvernements intervenants, qu’une communication des éléments à charge et une audition des intéressés, préalablement à l’adoption de la décision initiale de gel des fonds, seraient de nature à compromettre l’efficacité des sanctions et qu’elles s’avéreraient ainsi incompatibles avec l’objectif d’intérêt général poursuivi par la Communauté, conformément à la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité. Une mesure initiale de gel des fonds doit, par sa nature même, pouvoir bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer avec effet immédiat. Une telle mesure ne saurait, dès lors, faire l’objet d’une notification préalable à sa mise en œuvre (arrêt Yusuf, point 308 ; voir également, en ce sens et par analogie, conclusions de l’avocat général M. Warner sous l’arrêt de la Cour du 26 juin 1980, National Panasonic/Commission, 136/79, Rec. p. 2033, 2061, 2068, 2069).

176    Encore faut-il cependant, pour que les intéressés puissent défendre utilement leurs droits, notamment dans le cadre d’un éventuel recours juridictionnel devant le Tribunal, que les éléments à charge leur soient communiqués, dans toute la mesure du possible, soit concomitamment, soit aussitôt que possible après l’adoption de la décision initiale de gel des fonds (voir également point 186 ci‑après).

177    Dans ce contexte, les intéressés doivent également avoir la possibilité de demander le réexamen immédiat de la mesure initiale de gel de leurs fonds (voir, en ce sens, dans le contentieux de la fonction publique communautaire, arrêts du Tribunal du 15 juin 2000, F/Commission, T‑211/98, RecFP p. I‑A‑107 et II‑471, point 34 ; du 18 octobre 2001, X/BCE, T‑333/99, Rec. p. II‑3021, point 183, et Campolargo/Commission, point 142 supra, point 32). Le Tribunal reconnaît toutefois qu’une telle audition a posteriori ne s’impose pas d’office dans le contexte d’une décision initiale de gel des fonds, compte tenu de la possibilité qu’ont également les intéressés d’introduire immédiatement un recours devant le Tribunal, possibilité qui garantit elle aussi le maintien d’un équilibre entre le respect des droits fondamentaux des personnes incluses dans la liste litigieuse et la nécessité de prendre des mesures préventives dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international (voir, en ce sens et par analogie, conclusions de l’avocat général M. Warner sous l’arrêt National Panasonic/Commission, point 175 supra, Rec. p. 2069).

178    Il importe néanmoins de souligner que les considérations qui précèdent ne sont pas pertinentes pour ce qui concerne les décisions subséquentes de gel des fonds adoptées par le Conseil dans le cadre du réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, de la justification du maintien des intéressés sur la liste litigieuse, prévu par l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931. À ce stade, en effet, les fonds sont déjà gelés et il n’est donc plus nécessaire de garantir un effet de surprise pour assurer l’efficacité des sanctions. Toute décision subséquente de gel des fonds doit dès lors être précédée d’une nouvelle possibilité d’audition et, le cas échéant, d’une communication des nouveaux éléments à charge.

179    À cet égard, le Tribunal ne saurait admettre la thèse selon laquelle le Conseil ne devrait entendre les intéressés, dans le contexte de l’adoption d’une décision subséquente de gel des fonds, que pour autant que ceux-ci lui en fassent préalablement et expressément la demande. Conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, en effet, le Conseil ne peut adopter une telle décision qu’après s’être assuré que le maintien des intéressés sur la liste litigieuse reste justifié, ce qui implique qu’il mette préalablement ceux-ci en mesure de faire valoir utilement leur point de vue sur cette question.

180    Ensuite, le Tribunal reconnaît que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, où est en cause une mesure conservatoire limitant la disponibilité des biens de certaines personnes, groupes et entités, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, des considérations impérieuses touchant à la sûreté de la Communauté et de ses États membres, ou à la conduite de leurs relations internationales, peuvent s’opposer à la communication de certains éléments à charge aux intéressés et, dès lors, à l’audition de ceux-ci sur ces mêmes éléments, au cours de la procédure administrative (voir, par analogie, arrêt Yusuf, point 320).

181    De telles limitations sont conformes aux traditions constitutionnelles communes aux États membres. Ainsi, des exceptions au droit général d’être entendu dans le cadre d’une procédure administrative sont admises, dans de nombreux États membres, pour des motifs d’intérêt public, d’ordre public ou de maintien des relations internationales, ou encore lorsque le but de la décision à prendre serait ou pourrait être mis en échec si ce droit était accordé.

182    Au demeurant, elles sont conformes à la jurisprudence de la Cour EDH qui, même dans le contexte plus strict d’un procès pénal contradictoire soumis aux exigences de l’article 6 de la CEDH, admet que, dans des affaires touchant à la sécurité nationale et plus particulièrement en matière de terrorisme, certaines restrictions des droits de la défense peuvent être envisagées, notamment en ce qui concerne la divulgation des éléments à charge ou les modalités d’accès au dossier (voir, par exemple, arrêts Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil des arrêts et décisions, 1996‑V, § 131, et Jasper c. Royaume-Uni du 16 février 2000, n° 27052/95, non publié au Recueil des arrêts et décisions, § 51 à 53, et la jurisprudence citée ; voir également le point IX.3 des lignes directrices du Comité des ministres du Conseil de l’Europe citées au point 158 ci-dessus).

183    Dans les circonstances de l’espèce, ces considérations s’appliquent, avant tout, aux « preuves ou […] indices sérieux et crédibles » sur lesquels se fonde la décision nationale d’ouverture d’enquêtes ou de poursuites, tels qu’ils peuvent avoir été portés à la connaissance du Conseil, mais il est concevable que les restrictions d’accès puissent concerner également le contenu précis ou la motivation particulière de ladite décision, voire l’identité de l’autorité dont elle émane. Il se pourrait même que, dans certaines circonstances très particulières, l’identification de l’État membre ou du pays tiers dans lequel une autorité compétente a pris une décision à l’égard d’une personne soit susceptible de nuire à la sécurité publique, en fournissant à l’intéressé une information sensible dont il pourrait faire un mauvais usage.

184    Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le principe général de respect des droits de la défense exige, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de la Communauté ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’y opposent, que les éléments à charge, tels qu’identifiés au point 173 ci-dessus, soient communiqués à l’intéressé, dans toute la mesure du possible, soit concomitamment, soit aussitôt que possible après l’adoption d’une décision initiale de gel des fonds. Sous les mêmes réserves, toute décision subséquente de gel des fonds doit en principe être précédée d’une communication des nouveaux éléments à charge et d’une audition. En revanche, le respect des droits de la défense n’exige ni que les éléments à charge soient communiqués à l’intéressé préalablement à l’adoption d’une mesure initiale de gel des fonds, ni que celui-ci soit entendu a posteriori d’office dans un tel contexte.

–       Obligation de motivation

185    Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge communautaire et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (arrêts de la Cour du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec. p. I‑11177, point 145, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 462). L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit communautaire auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses (voir arrêt du Tribunal du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, RecFP p. I‑A‑267 et II‑1221, point 57, et la jurisprudence citée).

186    La motivation doit donc, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief. L’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge communautaire (arrêts de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 185 supra, point 463). En effet, la possibilité de régulariser l’absence totale de motivation après la formation d’un recours porterait atteinte aux droits de la défense, puisque le requérant disposerait uniquement de la réplique pour présenter ses moyens à l’encontre de la motivation dont il ne prendrait connaissance qu’après l’introduction de la requête. Le principe d’égalité des parties devant le juge communautaire s’en trouverait ainsi affecté (arrêts du Tribunal du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, RecFP p. I‑A‑253 et II‑1169, point 33, et Napoli Buzzanca/Commission, point 185 supra, point 62).

187    Dans la mesure où l’intéressé ne dispose pas d’un droit d’audition préalable à l’adoption d’une décision initiale de gel des fonds, il y a lieu d’ajouter que le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important, puisqu’il constitue l’unique garantie permettant à l’intéressé, à tout le moins après l’adoption de cette décision, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision (arrêt du Tribunal du 8 décembre 2005, Reynolds/Parlement, T‑237/00, RecFP p. I‑A‑385 et II‑1731, point 95 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, T‑371/94 et T‑394/04, Rec. p. II‑2405, point 64).

188    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. Elle doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise, et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle de légalité. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts de la Cour du 29 octobre 1981, Arning/Commission, 125/80, Rec. p. 2539, point 13 ; Commission/Sytraval et Brink’s France, point 105 supra, point 63 ; du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission, C‑301/96, Rec. p. I‑9919, point 87, et du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C‑42/01, Rec. p. I‑6079, point 66 ; arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec. p. II‑435, points 278 à 280). De plus, le degré de précision de la motivation d’une décision doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles elle doit intervenir (voir arrêt Delacre e.a./Commission, point 104 supra, point 16, et la jurisprudence citée).

189    Dans le contexte de l’adoption d’une décision de gel des fonds au titre du règlement n° 2580/2001, la motivation de celle-ci doit être appréciée avant tout au regard des conditions légales d’application de ce règlement à un cas d’espèce, telles qu’elles sont énoncées à son article 2, paragraphe 3, et, par renvoi, soit à l’article 1er, paragraphe 4, soit à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, selon qu’il s’agit d’une décision initiale ou d’une décision subséquente de gel des fonds.

190    À cet égard, le Tribunal ne saurait admettre que, comme le soutiennent le Conseil et les Pays-Bas, la motivation puisse consister seulement en une formulation générale et stéréotypée, calquée sur la rédaction de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et de l’article 1er, paragraphes 4 ou 6, de la position commune 2001/931. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, le Conseil est tenu de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de sa décision et les considérations qui l’ont amené à la prendre. La motivation d’une telle mesure doit donc indiquer les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère que la réglementation pertinente est applicable à l’intéressé (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 février 2002, Roman Parra/Commission, T‑117/01, RecFP p. I‑A‑27 et II‑121, point 31, et Napoli Buzzanca/Commission, point 185 supra, point 74).

191    Cela implique, en principe, que la motivation d’une décision initiale de gel des fonds doit au moins porter sur chacun des éléments visés au point 163 ci-dessus ainsi que, le cas échéant, sur les éléments visés aux points 172 et 173 ci-dessus, tandis que la motivation d’une décision subséquente de gel des fonds doit indiquer les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, après réexamen, que le gel des fonds de l’intéressé reste justifié.

192    Il convient d’ajouter que, dans le cadre de l’adoption, à l’unanimité, d’une mesure de gel des fonds au titre du règlement n° 2580/2001, le Conseil n’agit pas au titre d’une compétence liée. L’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, lu conjointement avec l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, ne peut pas être lu en ce sens que le Conseil serait obligé d’inclure dans la liste litigieuse toute personne dont il apparaîtrait qu’elle fît l’objet d’une décision prise par une autorité compétente, au sens de ces dispositions. Cette interprétation est confirmée par l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, auquel renvoie également l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, et aux termes duquel le Conseil doit procéder à un « réexamen » à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que le maintien des intéressés sur la liste litigieuse « reste justifié ».

193    Il s’ensuit que, en principe, la motivation d’une mesure de gel des fonds au titre du règlement n° 2580/2001 doit porter non seulement sur les conditions légales d’application de ce règlement, mais également sur les raisons pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure.

194    Les considérations énoncées aux points 190 à 193 ci-dessus doivent néanmoins tenir compte de ce qu’une décision de gel des fonds au titre du règlement n° 2580/2001, tout en infligeant une mesure individuelle de sanction économique et financière, participe également de la nature réglementaire de cet acte, ainsi qu’il a été exposé aux points 145 et 146 ci-dessus. Par ailleurs, une publication détaillée des griefs retenus à la charge des intéressés pourrait non seulement se heurter aux considérations impérieuses d’intérêt général dont il sera question au point 195 ci‑après, mais aussi porter atteinte aux intérêts légitimes des personnes et des entités en question, dans la mesure où elle est susceptible de nuire gravement à leur réputation. Il convient dès lors d’admettre exceptionnellement que seuls le dispositif ainsi qu’une motivation générale du type de celle évoquée au point 190 ci-dessus doivent figurer dans la version de la décision de gel des fonds publiée au Journal officiel, étant entendu que la motivation spécifique et concrète de cette décision doit être formalisée et portée à la connaissance des intéressés par toute autre voie appropriée.

195    Dans des circonstances telles que celles de l’espèce, il convient par ailleurs de reconnaître que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de la Communauté et de ses États membres, ou à la conduite de leurs relations internationales, peuvent s’opposer à ce que soient révélés aux intéressés les motifs précis et complets de la décision initiale ou subséquente de gel de leurs fonds, de même qu’elles peuvent s’opposer à ce que les éléments à charge leur soient communiqués au cours de la procédure administrative. Le Tribunal renvoie, à cet égard, aux considérations déjà exprimées, notamment, aux points 180 à 184 ci‑dessus, en ce qui concerne les restrictions au principe général de respect des droits de la défense admissibles dans un tel contexte. Ces considérations sont valables, mutatis mutandis, pour ce qui concerne les restrictions admissibles à l’obligation de motivation.

196    À cet égard, et bien qu’elle ne soit pas applicable dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal considère qu’il convient de s’inspirer des dispositions de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77, rectificatif JO L 229, p. 35, rectificatif au rectificatif JO 2005, L 197, p. 34). Celle-ci prévoit, en son article 30, paragraphe 2, que « [l]es motifs précis et complets d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique qui sont à la base d’une décision [restreignant la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille] sont portés à la connaissance de l’intéressé, à moins que des motifs relevant de la sûreté de l’État ne s’y opposent ».

197    Conformément à la jurisprudence de la Cour (arrêts du 28 octobre 1975, Rutili, 36/75, Rec. p. 1219, et du 22 mai 1980, Santillo, 131/79, Rec. p. 1585), relative à la directive 64/221/CEE du Conseil, du 25 février 1964, pour la coordination des mesures spéciales aux étrangers en matière de déplacement et de séjour justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique (JO 56, p. 850), abrogée par la directive 2004/38 et dont l’article 6 était identique, en substance, à l’article 30, paragraphe 2, de celle-ci, toute personne protégée par les dispositions citées doit jouir d’une double garantie, consistant dans la communication des motifs de toute mesure restrictive prise à son égard, à moins que des motifs intéressant la sûreté de l’État ne s’y opposent, et dans l’ouverture d’une voie de recours. Sous la même réserve, cette exigence implique notamment, de la part de l’État concerné, une communication à l’intéressé, au moment même où la mesure restrictive prise à son égard lui est notifiée, des motifs précis et complets de la décision, en vue de le mettre en mesure d’assurer utilement sa défense.

198    Il découle de l’ensemble de ce qui précède que, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de la Communauté ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’y opposent, et sous réserve également de ce qui est dit au point 194 ci-dessus, la motivation d’une décision initiale de gel des fonds doit au moins porter, de façon spécifique et concrète, sur chacun des éléments visés au point 163 ci-dessus ainsi que, le cas échéant, sur les éléments visés aux points 172 et 173 ci-dessus, et indiquer les raisons pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure. Par ailleurs, la motivation d’une décision subséquente de gel des fonds doit, sous les mêmes réserves, indiquer les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, après réexamen, que le gel des fonds de l’intéressé reste justifié.

–       Droit à une protection juridictionnelle effective

199    S’agissant, enfin, de la garantie afférente au droit à une protection juridictionnelle effective, celle-ci est assurée par le droit qu’ont les intéressés de former un recours devant le Tribunal contre une décision de gel de leurs fonds, conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE (voir, en ce sens, Cour eur. D. H., arrêt Bosphorus c. Irlande du 30 juin 2005, n° 45036/98, non encore publié au Recueil des arrêts et décisions, § 165, et décision Segi e.a. et Gestoras pro Amnistía c. les 15 États membres de l’Union européenne, point 124 supra).

200    Dans ce contexte, le contrôle juridictionnel de la légalité d’une décision de gel des fonds prise au titre de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 est celui prévu à l’article 230, deuxième alinéa, CE, aux termes duquel le juge communautaire est compétent pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité CE ou de toute règle de droit relative à son application, ou détournement de pouvoir.

201    Au titre de ce contrôle, et eu égard aux moyens d’annulation soulevés par l’intéressé ou relevés d’office, il incombe au Tribunal de vérifier, notamment, que sont remplies les conditions légales d’application du règlement n° 2580/2001 à un cas d’espèce, telles qu’elles sont énoncées à l’article 2, paragraphe 3, de ce règlement et, par renvoi, soit à l’article 1er, paragraphe 4, soit à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, selon qu’il s’agit d’une décision initiale ou d’une décision subséquente de gel des fonds. Cela implique que le contrôle juridictionnel de la légalité de la décision en question s’étend à l’appréciation des faits et circonstances invoqués comme la justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels est fondée cette appréciation, ainsi que le Conseil l’a expressément reconnu dans ses écritures dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Yusuf (voir point 225 de l’arrêt Yusuf). Le Tribunal doit également s’assurer du respect des droits de la défense et de l’exigence de motivation à cet égard ainsi que, le cas échéant, du bien-fondé des considérations impérieuses exceptionnellement invoquées par le Conseil pour s’y soustraire.

202    En l’occurrence, ce contrôle s’avère d’autant plus indispensable qu’il constitue la seule garantie procédurale permettant d’assurer un juste équilibre entre les exigences de la lutte contre le terrorisme international et la protection des droits fondamentaux. Les limitations apportées par le Conseil aux droits de la défense des intéressés devant être contrebalancées par un strict contrôle juridictionnel indépendant et impartial (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 mai 2006, Eurofood, C‑341/04, Rec. p. I‑3813, point 66), le juge communautaire doit pouvoir contrôler la légalité et le bien-fondé des mesures de gel des fonds, sans que puissent lui être opposés le secret ou la confidentialité des éléments de preuve et d’information utilisés par le Conseil.

203    À cet égard, il y a lieu de souligner que, si la Cour EDH reconnaît que l’utilisation d’informations confidentielles peut se révéler indispensable lorsque la sécurité nationale est en jeu, cela ne signifie cependant pas, selon elle, que les autorités nationales échappent à tout contrôle des tribunaux internes dès lors qu’elles affirment que l’affaire touche à la sécurité nationale et au terrorisme (voir Cour eur. D. H., arrêts Chahal c. Royaume-Uni, point 182 supra, § 131, et la jurisprudence citée, et Öcalan c. Turquie du 12 mars 2003, n° 46221/99, non publié au Recueil des arrêts et décisions, § 106, et la jurisprudence citée).

204    Le Tribunal considère qu’il convient, ici aussi, de s’inspirer des dispositions de la directive 2004/38. Conformément à la jurisprudence de la Cour citée au point 197 ci-dessus, cette directive prévoit, en son article 31, paragraphe 1, que les personnes concernées ont accès aux voies de recours juridictionnelles et, le cas échéant, administratives dans l’État membre d’accueil pour attaquer une décision prise à leur égard pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Par ailleurs, aux termes de l’article 31, paragraphe 3, de cette directive, les procédures de recours permettent un examen de la légalité de la décision ainsi que des faits et circonstances justifiant la mesure envisagée.

205    La question de savoir si le requérant et/ou ses avocats peuvent recevoir communication des éléments de preuve et d’information dont la confidentialité est alléguée, ou si la communication de ceux-ci doit être réservée au seul Tribunal, selon une procédure particulière restant à définir de façon à préserver les intérêts publics en cause tout en accordant à l’intéressé un degré suffisant de protection juridictionnelle, est une question distincte, sur laquelle il n’est pas nécessaire que le Tribunal prenne position dans le cadre du présent recours (voir néanmoins Cour eur. D. H., arrêts Chahal c. Royaume-Uni, point 182 supra, § 131 et 144 ; Tinnelly & Sons e.a. et McElduff e.a. c. Royaume-Uni, point 166 supra, § 49, 51, 52 et 78 ; Jasper c. Royaume-Uni, point 182 supra, § 51 à 53, et Al-Nashif c. Bulgarie du 20 juin 2002, n° 50963/99, non publié au Recueil des arrêts et décisions, § 95 à 97, ainsi que le point IX.4 des lignes directrices du Comité des ministres du Conseil de l’Europe citées au point 158 ci-dessus).

206    Enfin, il y a lieu d’admettre que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption de mesures de sanctions économiques et financières sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE, conformément à une position commune adoptée au titre de la PESC. Le juge communautaire ne pouvant, en particulier, substituer son appréciation des preuves, faits et circonstances justifiant l’adoption de telles mesures à celle du Conseil, le contrôle exercé par le Tribunal sur la légalité de décisions de gel des fonds doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir. Ce contrôle restreint s’applique, en particulier, à l’appréciation des considérations d’opportunité sur lesquelles de telles décisions sont fondées (voir point 193 ci-dessus et, en ce sens, Cour eur. D. H., arrêts Leander c. Suède du 26 mars 1987, série A n° 116, § 59, et Al-Nashif c. Bulgarie, point 205 supra, § 123 et 124).

 Application au cas d’espèce

207    Le Tribunal relève, tout d’abord, que la réglementation pertinente, à savoir le règlement n° 2580/2001 et la position commune 2001/931 à laquelle celui-ci renvoie, ne prévoit explicitement aucune procédure de communication des éléments à charge et d’audition des intéressés, que ce soit préalablement ou concomitamment à l’adoption d’une décision initiale de gel de leurs fonds ou, dans le contexte de l’adoption des décisions subséquentes, en vue d’obtenir leur retrait de la liste litigieuse. Tout au plus est-il indiqué, à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, que « [l]es noms des personnes et entités reprises sur la liste figurant à l’annexe feront l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que leur maintien sur la liste reste justifié », et, à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, que « [l]e Conseil […] révise et modifie la liste […] conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphe […] 6, de la position commune 2001/931 ».

208    Ensuite, le Tribunal constate que, à aucun moment avant l’introduction du présent recours, les éléments à charge n’ont été communiqués au requérant. Celui-ci souligne, à juste titre, que tant la décision initiale de gel de ses fonds que les décisions subséquentes, jusques et y compris la décision attaquée, ne mentionnent même pas les « informations précises » ou les « éléments de dossier » qui montrent qu’une décision justifiant son inclusion dans la liste litigieuse a été prise à son égard par une autorité nationale compétente.

209     Dès avant l’introduction de ce recours et, ensuite, en cours de procédure, le requérant a vainement tenté de remédier à cette situation en adressant au Conseil, au titre du règlement n° 1049/2001, diverses demandes d’accès aux documents sur la base desquels celui-ci a adopté les diverses décisions le concernant. Le Conseil a systématiquement refusé de faire droit aux demandes d’accès de l’intéressé à ces documents, y compris la décision de l’autorité nationale visée à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, au motif que ces documents seraient classés « CONFIDENTIEL UE » et que leur divulgation porterait atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne la sécurité et les relations internationales. Le Conseil est même allé jusqu’à refuser de communiquer au requérant l’identité de l’État membre à l’origine de cette décision, au motif que ledit État membre s’y opposait (voir, sur ces questions, arrêt du Tribunal du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, Rec. p. II‑1429).

210    Si le Tribunal a rejeté, dans ledit arrêt, les recours en annulation formés par le requérant contre les décisions de refus en question, c’est uniquement en application des dispositions du règlement n° 1049/2001, qui régissent le droit général d’accès du public aux documents détenus par les institutions, et non sans avoir précisé, au point 55 dudit arrêt, que la question de savoir si les documents demandés étaient nécessaires à la défense du requérant dans le cadre de la présente affaire était une question distincte qui relevait de l’examen de celle-ci.

211    Au titre de cet examen, auquel il convient maintenant de procéder, le Tribunal constate que, d’après les explications avancées par le Conseil et par les Pays-Bas dans leurs écritures, tant la décision initialement attaquée que la décision attaquée sont avant tout fondées sur la décision de la rechtbank de 1997 et, indirectement, sur les arrêts du Raad van State de 1992 et de 1995, ainsi que sur le dossier confidentiel du BVD qui a été produit – mais non communiqué au requérant – au cours des procédures devant ces juridictions. Ainsi, le Conseil a soutenu, dans sa duplique, qu’il avait dûment tenu compte « non seulement des décisions susmentionnées des juridictions néerlandaises, mais également des autres éléments de preuve qui y [étaient] visés », à savoir les « informations fournies par [le BVD] » après avoir « enquêté sur la participation du requérant à des activités terroristes ». Aux points 21 à 24 de leur mémoire en intervention, les Pays-Bas ont confirmé que la décision nationale sur la base de laquelle la décision initialement attaquée a été adoptée était la décision de la rechtbank de 1997, prise dans le prolongement de l’arrêt du Raad van State de 1995 et sur la base du dossier du BVD. Les Pays-Bas ont par ailleurs affirmé, dans leur mémoire en intervention, que « [d]e plus, d’autres éléments du dossier [avaient] également joué un rôle lors de l’appréciation du Conseil ». Selon les Pays-Bas, « [c]es éléments sont secrets, ces informations n’ont pas été rendues publiques et n’ont pas été conservées par le Conseil ».

212    Conformément aux principes exposés aux points 161 à 183 ci-dessus et résumés au point 184 ci-dessus, le Tribunal estime que, dans la mesure où le Conseil entendait fonder la mesure de gel des fonds du requérant sur ces éléments, il lui incombait, à tout le moins, de porter à la connaissance de celui-ci, soit concomitamment à la décision initialement attaquée, soit aussitôt que possible après l’adoption de celle-ci, que les arrêts du Raad van State de 1992 et de 1995 ainsi que la décision de la rechtbank de 1997 avaient été retenus contre lui en tant qu’éléments à charge. S’agissant, en effet, d’actes officiels adoptés au terme de procédures judiciaires publiques auxquelles l’intéressé avait été partie, il est manifeste qu’aucun impératif de confidentialité ne s’opposait à leur communication au requérant.

213    Conformément à ces mêmes principes, le Tribunal estime, par ailleurs, que les décisions subséquentes adoptées à l’égard du requérant, jusques et y compris la décision attaquée, auraient dû être précédées d’une communication des éventuels nouveaux éléments à charge, sous réserve de leur caractère confidentiel, ainsi que d’une audition.

214    Force est de constater que tel n’a pas été le cas, en violation des droits de la défense du requérant.

215    Les considérations qui précèdent, consacrées à la vérification du respect des droits de la défense, sont également applicables, mutatis mutandis, à la vérification du respect de l’obligation de motivation.

216    En l’espèce, ni la décision initialement attaquée ni aucune des décisions subséquentes, jusques et y compris la décision attaquée, ne satisfont à l’exigence de motivation telle que délimitée ci-dessus, dès lors qu’elles se bornent à exposer, dans leur deuxième considérant, qu’il est « souhaitable » ou qu’il a été « décidé » d’adopter une liste actualisée des personnes, groupes et entités auxquels s’applique le règlement n° 2580/2001. De telles formules générales et stéréotypées équivalent à une absence totale de motivation.

217    Conformément aux principes exposés aux point 185 à 197 ci-dessus et résumés au point 198 ci-dessus, le Tribunal estime que, dans la mesure où le Conseil entendait fonder la décision initialement attaquée sur les éléments visés au point 211 ci‑dessus, la motivation de celle-ci aurait dû viser, à tout le moins, les arrêts du Raad van State de 1992 et de 1995 ainsi que la décision de la rechtbank de 1997 et, sous réserve de leur éventuel caractère confidentiel, indiquer l’essentiel des raisons pour lesquelles le Conseil considérait, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que le requérant devait faire l’objet d’une telle décision sur la base de ces arrêts et de cette décision. Par ailleurs, dans la motivation des décisions subséquentes de gel des fonds, jusques et y compris la décision attaquée, le Conseil aurait dû, sous les mêmes réserves, indiquer l’essentiel des raisons pour lesquelles il considérait, après réexamen, que le gel des fonds du requérant restait justifié.

218    Force est de constater que tel n’a pas été le cas, en violation de l’article 253 CE.

219    Non seulement le requérant n’a pas pu faire valoir utilement son point de vue auprès du Conseil, mais, en l’absence de toute indication, dans la décision initialement attaquée comme dans la décision attaquée, des motifs spécifiques et concrets qui les justifient, il n’a pas non plus été mis en mesure de faire fruit de son recours devant le Tribunal, compte tenu des rapports, déjà relevés ci-dessus, qui existent entre la garantie des droits de la défense, celle qui découle de l’obligation de motivation et celle du droit à un recours juridictionnel effectif. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la possibilité de régulariser une absence totale de motivation après la formation d’un recours est actuellement considérée par la jurisprudence comme portant atteinte aux droits de la défense et qu’elle est dès lors interdite (voir point 186 ci-dessus).

220    Plus particulièrement, le requérant n’a pas été mis en mesure de contester, dès l’introduction du présent recours, le point de vue du Conseil selon lequel les arrêts du Raad van State de 1992 et de 1995 et la décision de la rechtbank satisfont à la définition de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, contestation qu’il n’a été en mesure de formuler, et qu’il n’a effectivement formulée, qu’au stade de la réplique.

221    À cet égard, le Tribunal relève que, si le requérant a lui-même invoqué les arrêts du Raad van State de 1992 et de 1995 dans sa requête, il ne semble pas avoir eu conscience de ce que ces deux arrêts avaient été considérés par le Conseil comme justifiant son inclusion dans les listes litigieuses. Au contraire, le requérant s’est référé à ces deux arrêts, dans sa requête, en tant que la haute juridiction administrative néerlandaise y aurait considéré, à l’encontre de l’avis du secrétaire d’État, que le requérant devait bénéficier du statut de réfugié aux Pays-Bas. Par ailleurs, la décision de la rechtbank de 1997 n’a été invoquée et produite par le Conseil qu’au stade du mémoire en défense.

222    Force est de constater, par ailleurs, que les écritures des parties et les éléments du dossier produits devant le Tribunal ne permettent pas de déterminer avec certitude si la décision initialement attaquée a bien été adoptée au vu des seuls éléments contenus dans les arrêts du Raad van State de 1992 et de 1995, dans la décision de la rechtbank de 1997 et dans le dossier du BVD auquel ont eu accès ces juridictions, comme l’a soutenu le Conseil au cours de la procédure écrite. Bien que les écritures du Conseil ne laissent rien entendre de tel, un doute légitime surgit, à cet égard, en effet, à la lecture du mémoire en intervention des Pays‑Bas, dans lequel il est affirmé que « [d]e plus, d’autres éléments du dossier ont également joué un rôle lors de l’appréciation du Conseil » et où il est précisé que « [c]es éléments sont secrets, ces informations n’ont pas été rendues publiques et n’ont pas été conservées par le Conseil » (voir point 211 ci‑dessus).

223    À défaut de toute autre précision apportée sur ce point par le Conseil et les gouvernements intervenants à l’audience, le Tribunal n’est en mesure ni d’exclure que ces « autres éléments du dossier » existent et ont bien « joué un rôle » dans l’appréciation du Conseil ni d’apprécier si ces éléments, à supposer qu’ils existent, auraient dû être portés à la connaissance du requérant ou si leur communication pouvait légitimement lui être refusée en raison de leur caractère confidentiel.

224    Force est, enfin, de constater que, lors de l’audience, le Conseil a soutenu, en réponse aux questions du Tribunal, que l’autorité nationale compétente en l’espèce, au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, était le secrétaire d’État. Cette thèse apparaît difficilement conciliable avec celle que le Conseil a soutenue dans ses écritures, selon laquelle la décision initialement attaquée serait avant tout fondée sur la décision de la rechtbank de 1997 (voir point 211 ci‑dessus). En revanche, le Royaume des Pays-Bas a maintenu la thèse, déjà soutenue dans son mémoire en intervention, selon laquelle l’autorité nationale compétente en l’espèce était la rechtbank. Même si le Conseil a ultérieurement précisé que la décision du secrétaire d’État ne devait pas être considérée isolément, mais avec la décision de la rechtbank, les hésitations manifestées à cet égard par l’institution défenderesse rendent impossible, même à ce stade de la procédure, le contrôle juridictionnel des motifs précis sur lesquels se fonde la décision attaquée.

225    Dans ces conditions, le Tribunal ne s’estime pas en mesure d’exercer adéquatement son contrôle de la légalité de la décision initialement attaquée ni, dès lors, de la légalité de la décision attaquée, au regard des autres moyens, griefs et arguments de fond invoqués au soutien de la demande en annulation.

226    En conclusion, le Tribunal constate que la décision attaquée n’est pas motivée et qu’elle a été adoptée dans le cadre d’une procédure au cours de laquelle les droits de la défense du requérant n’ont pas été respectés. Pour le surplus, le Tribunal n’est pas en mesure, même à ce stade de la procédure, de procéder au contrôle juridictionnel de la légalité de cette décision au regard des autres moyens, griefs et arguments de fond invoqués au soutien de la demande en annulation.

227    Ces considérations ne peuvent qu’entraîner l’annulation de la décision attaquée, pour autant qu’elle concerne le requérant.

 Sur la demande en indemnité

 Arguments des parties

228    Le requérant invoque l’article 288, deuxième alinéa, CE et décrit comme suit les divers préjudices subis par lui du fait des actes attaqués :

a)      le gel de ses avoirs financiers, en particulier celui de son compte bancaire ;

b)      l’interdiction faite à toute institution financière ou agent d’assurances de lui fournir des services ;

c)      l’interruption du versement de ses prestations de sécurité sociale et le refus du gouvernement néerlandais de lui octroyer un permis de travail ;

d)      l’obstacle fait aux paiements dus au requérant à divers titres, notamment en tant que créancier de la succession de Ferdinand E. Marcos (voir point 73 ci‑dessus), auteur de livres et d’articles, enseignant, conférencier et héritier des biens de membres de sa famille ;

e)      les restrictions injustifiées à sa liberté de mouvement, la surveillance accrue de sa personne et les ordres donnés à la police des frontières et aux autorités douanières de faire obstacle à son passage ;

f)      le préjudice matériel et moral causé par les diffamations, les calomnies et la stigmatisation du requérant comme « terroriste » dans des décisions officielles, dans la presse et devant l’opinion publique ;

g)      la mise en danger de sa sécurité personnelle et de son intégrité physique en raison des menaces et des risques découlant de la stigmatisation du requérant comme « terroriste » ;

h)      l’atteinte au rôle joué par le requérant, en tant que consultant politique principal du NDFP, dans les négociations de paix, et les menaces qui en résultent pour le processus de paix dans son ensemble.

229    Dans sa réplique, le requérant précise que la faute invoquée en l’espèce consiste en l’erreur manifeste d’appréciation commise à son égard par le Conseil en l’incluant dans les listes litigieuses et en le qualifiant de terroriste, sans le faire bénéficier d’aucune garantie procédurale et sans donner aucune motivation valable.

230    Le Conseil soutient que la responsabilité de la Communauté ne saurait être engagée qu’en présence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle supérieure de droit protégeant les particuliers (arrêt de la Cour du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 et C‑37/90, Rec. p. I‑3061, point 12).

231    Or, en l’espèce, les actes attaqués ne violeraient aucune règle de droit.

 Appréciation du Tribunal

232    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, FIAMM et FIAMM Technologies/Conseil et Commission, T‑69/00, Rec. p. II‑5393, point 85, et la jurisprudence citée).

233    Dans la mesure où ces trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours indemnitaire, sans qu’il soit dès lors nécessaire d’examiner les autres conditions (voir arrêt du Tribunal du 13 septembre 2006, CAS Succhi di Frutta/Commission, T‑226/01, non encore publié au Recueil, point 27, et la jurisprudence citée).

234    Le comportement illégal reproché à une institution communautaire doit consister en une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, points 40 à 42, et arrêt FIAMM et FIAMM Technologies/Conseil et Commission, point 232 supra, point 86). Contrairement à ce que soutient le Conseil sur la base de la jurisprudence antérieure à l’arrêt Bergaderm et Goupil/Commission, précité, il n’y a plus lieu de distinguer, à cet égard, entre « règle de droit » et « règle supérieure de droit ».

235    Le critère décisif permettant de considérer que cette exigence est respectée est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution communautaire concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Lorsque cette institution ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (voir arrêt FIAMM et FIAMM Technologies/Conseil et Commission, point 232 supra, points 88 et 89, et la jurisprudence citée).

236    C’est sous le bénéfice de ces observations qu’il convient d’examiner la demande indemnitaire du requérant.

237    En l’espèce, le Tribunal a déjà constaté, dans le cadre de la demande en annulation, que la décision attaquée n’est pas motivée et qu’elle a été adoptée dans le cadre d’une procédure au cours de laquelle les droits de la défense du requérant n’ont pas été respectés.

238    S’agissant du premier de ces vices, le Tribunal observe que, selon une jurisprudence constante, la violation de l’obligation de motivation, consacrée par l’article 253 CE, n’est pas en soi de nature à engager la responsabilité de la Communauté (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 septembre 1982, Kind/CEE, 106/81, Rec. p. 2885, point 14 ; du 6 juin 1990, AERPO e.a./Commission, C‑119/88, Rec. p. I‑2189, point 20, et du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C‑76/01, Rec. p. I‑10091, point 98 ; arrêts du Tribunal du 18 septembre 1995, Nölle/Conseil et Commission, T‑167/94, Rec. p. II‑2589, point 57 ; du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T‑481/93 et T‑484/93, Rec. p. II‑2941, point 104, et du 20 mars 2001, Cordis/Commission, T‑18/99, Rec. p. II‑913, point 79).

239    S’agissant du second de ces vices, en revanche, il y a lieu de rappeler que le principe fondamental du respect des droits de la défense constitue bien une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt Fiskano/Commission, point 139 supra, points 39 et 40, et arrêt Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, point 238 supra, point 102).

240    En l’espèce, le Tribunal considère que la violation des droits de la défense du requérant est suffisamment caractérisée pour être de nature à engager la responsabilité de la Communauté.

241    Toutefois, le principe fondamental du respect des droits de la défense consistant essentiellement en une garantie de procédure (arrêt de la Cour du 9 novembre 2006, Commission/De Bry, C‑344/05 P, Rec. p. I‑10915, point 39), le Tribunal considère que le préjudice découlant de sa violation sera adéquatement réparé, en l’espèce, par l’annulation de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 décembre 2004, De Nicola/BEI, T‑120/01 et T‑300/01, RecFP p. I‑A‑365 et II‑1671, points 140 à 142, et la jurisprudence citée).

242    Pour le surplus, le Tribunal a déjà constaté, dans le cadre de la demande en annulation, qu’il n’était pas en mesure, à ce stade de la procédure, de procéder au contrôle juridictionnel de la légalité de la décision attaquée au regard des autres moyens, griefs et arguments de fond invoqués par le requérant. En conséquence, dans le cadre de la demande en indemnité, il n’est pas davantage en mesure d’apprécier, dès à présent, au regard de ces mêmes moyens, griefs et arguments de fond, si la condition relative à l’illégalité du comportement reproché, telle que précisée par la jurisprudence, est satisfaite en l’espèce. En particulier, il n’est pas en mesure d’apprécier dès à présent si le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en décidant de geler les fonds du requérant sur la base des éléments dont il disposait ni s’il a méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation au titre de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001. Telle est précisément l’une des raisons pour lesquelles la décision attaquée doit être annulée.

243    La demande en indemnité doit toutefois être rejetée, en tout état de cause, dès lors que ni la réalité et l’étendue des préjudices allégués, tels qu’énumérés au point 228 ci-dessus, ni l’existence d’un lien de causalité entre ces préjudices et les illégalités de fond invoquées au soutien de cette demande, ne sont établies à suffisance de droit.

244    À cet égard, le Tribunal rappelle que, dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 235 CE en combinaison avec l’article 288, deuxième alinéa, CE, le requérant est tenu de prouver non seulement l’illégalité du comportement reproché à l’institution concernée et la réalité du préjudice, mais également l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (arrêts de la Cour du 17 décembre 1981, Ludwigshafener Walzmühle e.a./Conseil et Commission, 197/80 à 200/80, 243/80, 245/80 et 247/80, Rec. p. 3211, point 18, et du 14 janvier 1993, Italsolar/Commission, C‑257/90, Rec. p. I‑9, point 33 ; arrêts du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T‑175/94, Rec. p. II-729, point 44, et du 27 juin 2000, Meyer/Commission, T‑72/99, Rec. p. II‑2521, point 49). Quant à cette dernière condition, il est de jurisprudence constante que le préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché (arrêt de la Cour du 4 octobre 1979, Dumortier frères e.a./Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, Rec. p. 3091, point 21). Un lien de causalité au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE est ainsi admis lorsqu’il existe un lien direct de cause à effet entre la faute commise par l’institution concernée et le préjudice invoqué (voir arrêt CAS Succhi di Frutta/Commission, point 233 supra, point 37, et la jurisprudence citée).

245    En l’espèce, s’agissant plus particulièrement des préjudices visés au point 228 ci‑dessus sous a), b) et d), il convient de rappeler que le gel des fonds, avoirs financiers et autres ressources économiques du requérant est une mesure conservatoire qui, à la différence d’une confiscation, ne porte pas atteinte à la substance même du droit de propriété de l’intéressé sur les actifs en question, mais seulement à leur utilisation (arrêt Yusuf, point 299) et donc à leur disponibilité. Il en va de même en ce qui concerne les intérêts et autres fruits produits par ces actifs.

246    Quant au préjudice résultant de l’indisponibilité de ces fonds, avoirs financiers et autres ressources économiques, et consistant en la privation de leur jouissance, force est de constater qu’il ne trouve pas son origine dans l’adoption des actes communautaires en cause en l’espèce, mais dans l’adoption, d’une part, le 12 août 2002, de la décision de l’Office of Foreign Assets Control ordonnant le gel des avoirs du requérant aux États-Unis et, d’autre part, le 13 août 2002, de la décision du ministre des Finances néerlandais ordonnant le gel des avoirs du requérant aux Pays-Bas. Le requérant n’ayant ni établi ni même allégué que ces deux décisions auraient été abrogées ou retirées depuis l’adoption des actes communautaires en cause en l’espèce, il y a lieu de conclure à l’absence de preuve d’un lien de causalité direct entre lesdits actes et les divers préjudices allégués.

247    La même constatation s’impose en ce qui concerne le préjudice matériel et moral visé au point 228 ci-dessus, sous f). En effet, ce préjudice trouve lui aussi son origine, d’une part, dans l’adoption des décisions nationales visées au point précédent et, d’autre part, dans l’adoption de la position commune 2001/931, laquelle échappe à la compétence du Tribunal dans le cadre du présent recours (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 7 juin 2004, Segi e.a./Conseil, T‑338/02, Rec. p. II‑1647, point 40, confirmée sous pourvoi par arrêt de la Cour du 27 février 2007, Segi e.a./Conseil, C‑355/04 P, non encore publié au Recueil). Pour le surplus, la preuve de l’existence d’un préjudice additionnel, directement et spécifiquement imputable à l’adoption des actes communautaires en cause en l’espèce, n’a pas été rapportée.

248    S’agissant, plus particulièrement, du préjudice visé au point 228 ci-dessus, sous c), il convient, en outre, de souligner que l’application des dérogations au gel des fonds permises au titre des articles 5 et 6 du règlement n° 2580/2001, qui englobent les prestations de sécurité sociale et s’étendent à l’octroi d’un permis de travail (arrêt Ayadi/Conseil, point 102 supra, points 127 à 132), relève de la compétence et, dès lors, de la responsabilité des États membres. Les éventuelles difficultés rencontrées, à cet égard, par le requérant, dans ses relations avec les autorités néerlandaises, ne sont donc pas susceptibles par elles-mêmes d’engager la responsabilité de la Communauté.

249    S’agissant plus particulièrement des préjudices visés au point 228 ci-dessus, sous d), e), g) et h), outre l’absence de preuve d’un lien de causalité avec les actes communautaires en cause en l’espèce, à laquelle il convient de conclure pour les raisons indiquées au point 246 ci-dessus, force est de constater que leur réalité n’est elle-même étayée par aucun élément de preuve. Au contraire, s’agissant plus particulièrement des préjudices visés sous e) et h), le gouvernement néerlandais a affirmé à l’audience, sans être utilement contredit par le requérant, que ce dernier se voyait régulièrement octroyer des laissez-passer pour pouvoir participer aux négociations de paix. Par ailleurs, s’agissant plus particulièrement du préjudice visé sous h), à le supposer même établi, il serait subi par le NDFP et non par le requérant à titre personnel.

250    Enfin, il convient de souligner que le requérant n’a pas cherché à évaluer, même de façon approximative, le montant de ces divers préjudices, pour lesquels il se borne à demander « des dommages et intérêts d’un montant, à fixer ex aequo et bono, qui ne soit pas inférieur à 100 000 euros ». Or, toute demande en réparation d’un préjudice, qu’il s’agisse d’un préjudice matériel ou d’un préjudice moral, à titre symbolique ou pour l’obtention d’une véritable indemnité, doit préciser la nature du préjudice allégué au regard du comportement reproché et, même de façon approximative, évaluer l’ensemble de ce préjudice (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, Rec. p. II‑1825, point 81, et la jurisprudence citée).

251    Dans ces conditions, et sous réserve des considérations exposées aux points 240 et 241 ci-dessus, la demande en indemnité doit être rejetée.

 Sur les dépens

252    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l’espèce, le Conseil ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de décider qu’il supportera, outre ses propres dépens, la totalité des dépens du requérant, en ce compris ceux afférents à la procédure en référé, ainsi que la totalité des dépens du Negotiating Panel et ses membres.

253    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision 2006/379/CE du Conseil, du 29 mai 2006, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et abrogeant la décision 2005/930/CE est annulée pour autant qu’elle concerne le requérant.

2)      La demande en indemnité est rejetée.

3)      Le Conseil est condamné à supporter, outre ses propres dépens, les dépens du requérant, y compris ceux afférents à la procédure en référé, ainsi que les dépens du Negotiating Panel of the National Democratic Front of the Philippines, de MM. Luis G. Jalandoni et Fidel V. Agcaoili et de Mme Maria Consuelo K. Ledesma.

4)      Le Royaume des Pays-Bas et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supporteront leurs propres dépens.

Pirrung

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung

Table des matières


Cadre juridique et antécédents du litige

Procédure

Sur les conséquences procédurales de l’abrogation et du remplacement de la décision initialement attaquée

Conclusions des parties

En fait

Procédures administratives et juridictionnelles visant le requérant aux Pays-Bas

Autres allégations factuelles des parties

Sur la demande en annulation

Observations liminaires

Sur les griefs tirés de l’incompétence de la Communauté pour adopter les actes attaqués

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les griefs tirés de violations de l’obligation de motivation, des droits de la défense et du droit à un procès équitable

Arguments des parties

– Griefs tirés de la violation de l’obligation de motivation

– Griefs tirés de violations des droits de la défense et du droit à un procès équitable

Appréciation du Tribunal

Applicabilité des garanties afférentes au respect des droits de la défense, à l’obligation de motivation et au droit à une protection juridictionnelle effective dans le contexte de l’adoption d’une décision de gel des fonds au titre du règlement n° 2580/2001

– Droits de la défense

– Obligation de motivation

– Droit à une protection juridictionnelle effective

Objet et limitations des garanties afférentes au respect des droits de la défense, à l’obligation de motivation et au droit à une protection juridictionnelle effective dans le contexte de l’adoption d’une décision de gel des fonds au titre du règlement n° 2580/2001

– Droits de la défense

– Obligation de motivation

– Droit à une protection juridictionnelle effective

Application au cas d’espèce

Sur la demande en indemnité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.