Language of document : ECLI:EU:T:2011:460

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

13 septembre 2011(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative AGATHA RUIZ DE LA PRADA – Marques nationales et communautaire figuratives antérieures représentant une fleur en noir et blanc – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑523/08,

Agatha Ruiz de la Prada de Sentmenat, demeurant à Madrid (Espagne), représentée par Me R. Bercovitz Álvarez, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Mary Quant Cosmetics Japan Ltd, établie à Tokyo (Japon), représentée par MM. R. Arnold, solicitor, et M. Hicks, barrister,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 17 septembre 2008 (affaire R 1522/2007-1), relative à une procédure d’opposition entre Mary Quant Cosmetics Japan Ltd et Mme Agatha Ruiz de la Prada de Sentmenat,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 1er décembre 2008,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 22 avril 2009,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 23 avril 2009,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 30 juillet 2009,

vu le mémoire en duplique déposé au greffe du Tribunal le 17 septembre 2009,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 mai 2003, la requérante, Mme Agatha Ruiz de la Prada de Sentmenat, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La demande de marque visait le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relevaient notamment des classes 3, 4, 5, 8, 9, 11, 12, 14, 16, 18, 19, 20, 21, 24, 25, 27 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4         La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 19/2004, du 10 mai 2004.

5        Le 2 août 2004, l’intervenante, Mary Quant Cosmetics Japan Ltd, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée.

6        L’opposition était fondée sur des marques figuratives composées du motif noir et blanc suivant :

Image not found

7        Au soutien de son opposition, l’intervenante a notamment invoqué la marque communautaire figurative enregistrée sous le numéro 714 394, le 8 juin 1999, pour plusieurs produits relevant des classes 9, 14, 16, 18, 20, 24, 25 et 26 au sens de l’arrangement de Nice.

8        L’opposition était fondée sur tous les produits couverts par les droits antérieurs et était dirigée contre les produits visés par la marque demandée relavant des classes 3, 5, 14 et 21.

9        Au soutien de son opposition, l’intervenante a invoqué l’article 8, paragraphe 1, sous b), paragraphe 4 et paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), paragraphe 4 et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009].

10      Par décision du 30 juillet 2007, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son ensemble.

11      Le 21 septembre 2007, l’intervenante a formé un recours contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 17 septembre 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la chambre de recours a partiellement accueilli le recours. Elle a ainsi rejeté l’enregistrement de la marque demandée pour les « savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux », compris dans la classe 3, et l’a admis pour le surplus.

13      La chambre de recours a tout d’abord constaté que l’intervenante n’avait pas contesté la décision de la division d’opposition rejetant son opposition en tant qu’elle était fondée sur les paragraphes 4 et 5 de l’article 8 du règlement n° 40/94 et que ladite décision était dès lors devenue définitive sur ce point. Elle a ensuite procédé à l’examen de la similitude des produits couverts par les marques en conflit et a considéré que les produits visés au point précédent étaient similaires ou identiques. Enfin, la chambre de recours a considéré que les marques en conflit étaient similaires, de sorte qu’un risque de confusion existait, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 pour ces produits.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et la remplacer par une autre décision accordant l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits demandés relevant de la classe 3 et condamner l’intervenante aux dépens de la procédure d’opposition ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

15      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du premier chef de conclusions

16      L’OHMI conteste la recevabilité du premier chef de conclusions avancé par la requérante, pour autant que celle-ci demande au Tribunal de remplacer la décision attaquée par une décision accordant l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits demandés.

17      Il convient d’observer que ce chef de conclusions constitue, sur ce point, une demande de réformation de la décision attaquée, au sens de l’article 63, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 (devenu article 65, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009).

18      À cet égard, il y a lieu d’observer que, dans le cadre des recours introduits à l’encontre des décisions de l’examinateur ou de la division d’opposition, conformément à l’article 57, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 (devenu article 58, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009), une chambre de recours ne peut être amenée à se prononcer, au regard des compétences qui lui sont conférées par l’article 62, paragraphe 1, du même règlement (devenu article 64, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009), que sur la conformité de la demande d’enregistrement aux dispositions dudit règlement ou sur le sort de l’opposition dont celle-ci peut faire l’objet. Par conséquent, la chambre de recours n’est pas compétente pour connaître d’une demande visant à ce qu’elle enregistre une marque communautaire [ordonnance du Tribunal du 30 juin 2009, Securvita/OHMI (Natur-Aktien-Index), T‑285/08, Rec. p. II‑2171, points 21 et 22].

19      Dans ces circonstances, il n’appartient pas davantage au Tribunal de connaître d’une demande de réformation visant à ce qu’il modifie la décision d’une chambre de recours en ce sens (ordonnance Natur-Aktien-Index, point 18 supra, points 14 à 23).

20      Force est donc de rejeter comme irrecevable le premier chef de conclusions de la requérante, pour autant que par celui-ci, la requérante demande au Tribunal d’accorder l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits demandés.

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

21      La requérante avance, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

22      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

23      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, en tenant compte de tous les facteurs pertinents de l’espèce [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI − Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T-162/01, Rec. p. II-2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

24      Cette appréciation globale tient compte, notamment, de la connaissance de la marque sur le marché, ainsi que du degré de similitude des marques et des produits ou des services désignés. À cet égard, elle implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, de sorte qu’un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, Rec. p. I-5507, point 17, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, Rec. p. I-3819, point 19).

 Sur le public pertinent

25      Selon une jurisprudence constante, le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié par rapport, d’une part, aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé et, d’autre part, à la perception des milieux intéressés, qui sont constitués par les consommateurs desdits produits ou des services. Il s’agit de la perception présumée d’un consommateur moyen des produits ou des services en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir arrêt de la Cour du 12 février 2004, Henkel, C‑218/01, Rec. p. I‑1725, point 50, et la jurisprudence citée). En l’espèce, la chambre de recours a retenu, au point 20 de la décision attaquée, que le public pertinent était composé du consommateur final, raisonnablement attentif et avisé.

26      La requérante fait toutefois valoir que les produits relevant de la classe 3, pour lesquels l’enregistrement de la marque demandée a été refusé, à savoir les savons, les produits de parfumerie, les huiles essentielles, les produits cosmétiques et les lotions pour les cheveux, sont des produits auxquels s’attache une image d’exclusivité, qui ne sont pas d’usage courant et pour lesquels le public visé prête une attention considérable aux marques. En l’espèce, tel serait davantage encore le cas, dans la mesure où les produits en cause arboreraient l’empreinte de la requérante, qui est une dessinatrice célèbre.

27      Cette circonstance ne remet toutefois pas en cause le bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours quant à la définition du public pertinent ainsi qu’au degré d’attention raisonnablement élevé dont il fait preuve dans l’achat des produits considérés. S’il est vrai que le niveau d’attention du public pertinent est susceptible de varier en fonction de la nature du produit en cause, il n’en demeure pas moins que des produits, tels que savons, produits cosmétiques et lotions pour les cheveux sont des articles d’usage courant pour lesquels le degré d’attention du public pertinent ne dépasse pas le niveau du public pertinent retenu par la chambre de recours. De plus, si le grand public est susceptible de porter une attention accrue à certaines marques dans ce secteur, il en est ainsi en raison de l’image positive et de la notoriété que de telles marques ont acquises à la suite d’efforts publicitaires considérables et non en raison de la nature des produits en cause.

 Sur la similitude des produits

28      La requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours quant à la similitude des produits pour lesquels elle a estimé qu’un risque de confusion existait. Elle fait toutefois valoir que les produits de la requérante et de l’intervenante sont vendus dans leurs magasins propres ou dans des espaces qui leur sont consacrés dans de grands magasins.

29      À cet égard, il convient de rappeler que la similitude des produits s’apprécie à la lumière de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits, ces facteurs incluant, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt Canon, point 24 suupra, point 23). D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que, les canaux de distribution des produits concernés [arrêts du Tribunal du 21 avril 2005, Ampafrance/OHMI – Johnson & Johnson (monBeBé), T‑164/03, Rec. p. II‑1401, point 53, et du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37].

30      Les points de vente ne constituent dès lors que l’un des facteurs devant être pris en considération pour apprécier la similitude des produits. En l’espèce, la considération de la chambre de recours, selon laquelle les « savons », « huiles essentielles », « lotions pour les cheveux », pour lesquels la requérante demande l’enregistrement de sa marque, sont inclus dans la catégorie des produits « cosmétiques », désignés par la marque antérieure, n’est pas contestée. De même, l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les produits de « parfumerie » visés par la marque demandée et les « cosmétiques » couverts par la marque antérieure ont une destination similaire, présentent des rapports étroits quant à leur nature et ont des emplois complémentaires, reste incontestée.

31      Or, ces considérations suffisent à fonder la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les « savons », « parfumerie », « huiles essentielles », « cosmétiques » et « lotions pour les cheveux », visés par les marques en conflit, étaient soit identiques, soit similaires.

32      En outre, la requérante ne démontre pas que la considération de la chambre de recours selon laquelle les produits en cause, à savoir les produits cosmétiques et de soins du corps, sont, en règle générale, commercialisés par le biais des mêmes canaux de distribution, est erronée. Il convient dès lors de considérer que ces produits sont susceptibles, de par leur nature et les habitudes commerciales dans le secteur considéré, d’être vendus dans les mêmes points de vente. L’existence d’une similitude entre les produits en cause et, plus largement, d’un risque de confusion entre les marques en conflit, ne saurait être rendue dépendante des modalités que les titulaires des marques en cause ont choisi d’utiliser aux fins de la commercialisation de leurs produits, le droit d’exclusivité que confère la marque communautaire n’étant pas susceptible de varier selon le mode de distribution retenu.

 Sur la similitude des signes

33      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation de la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation de cette similitude. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails [voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 13 septembre 2010, Enercon/OHMI – BP (ENERCON), T‑400/08, non publié au Recueil, point 24].

34      En outre, une marque complexe, verbale et figurative ne peut être considérée comme étant comparable à une autre marque, identique ou comparable à un des composants de la marque complexe, que si celui-ci constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe. Tel est le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 33].

35      En l’espèce, il convient de relever, tout d’abord, que la marque antérieure se compose d’un élément figuratif unique, à savoir une fleur de couleur noire, constituée de cinq pétales, dont les formes géométriques sont parfaites et symétriques. La marque demandée se compose, quant à elle, d’un élément figuratif consistant en une fleur constituée de cinq pétales magenta et d’un cœur jaune, présentée sur un fond vert, ainsi que de l’élément verbal « agatha ruiz de la prada », écrit en petites capitales, en bas et à droite de la fleur.

36      Force est ainsi de considérer que la chambre de recours était fondée à considérer, au point 29 de la décision attaquée, que l’élément dominant de la marque demandée était l’élément figuratif, dans la mesure où ce dernier occupe une place importante par rapport à l’élément verbal, qui, en raison de sa taille très réduite, est à peine perceptible et, dès lors, secondaire par rapport à l’élément graphique.

37      S’agissant de l’analyse de la similitude des marques en conflit, la chambre de recours a retenu qu’une nette similitude visuelle prévalait entre les marques en conflit, compte tenu du fait qu’elles étaient, chacune, composées d’une fleur à cinq pétales et d’un cercle de forme similaire placé au centre de la fleur. Selon la chambre de recours, cette similitude n’était pas affectée par les couleurs arborées par la marque demandée. Sur le plan phonétique, elle a considéré qu’il ne pouvait être procédé à aucune comparaison des marques en conflit, dans la mesure où la marque antérieure était purement figurative. Enfin, sur le plan conceptuel, la chambre de recours a constaté qu’une identité existait entre l’élément dominant de la marque demandée et l’élément unique de la marque antérieure et que, quoique l’élément verbal « agatha ruiz de la prada » pouvait être perçu comme un nom féminin, l’attention du public pertinent se concentrerait en premier lieu sur l’élément figuratif dominant (points 30 à 32 de la décision attaquée).

38      La requérante conteste l’analyse de la chambre de recours quant aux similitudes visuelle et conceptuelle. Elle ne remet toutefois pas en cause le constat selon lequel aucune similitude phonétique n’a, en soi, lieu d’être prise en considération.

39      S’agissant de la similitude visuelle, la requérante fait valoir que l’analyse de la chambre de recours a été influencée par le constat d’une similitude sur le plan conceptuel. Elle souligne, à cet égard, les différences visuelles qui caractérisent les marques en conflit.

40      Le Tribunal constate, à l’instar de ce que fait valoir la requérante, qu’un certain nombre de différences existent sur le plan visuel entre les marques en conflit. Il est ainsi notamment exact que, alors que la marque antérieure est présentée en noir et blanc, la marque demandée arbore trois couleurs vives, à savoir le vert, le magenta et le jaune. De même, tandis que la marque antérieure est constituée d’une fleur géométriquement parfaite et symétrique, la marque demandée est notamment constituée d’une fleur au dessin infantile, dont les formes sont inégales et les contours irréguliers.

41      Il convient toutefois de considérer que ces différences ne suffisent pas pour rendre insignifiante la similitude visuelle des marques en conflit. En effet, ainsi que la chambre de recours l’a retenu, force est de constater que les marques en conflit concernent des fleurs très ressemblantes entre elles. Alors qu’il existe un grand nombre de fleurs dont l’aspect et le nombre de pétales peuvent être très variables, les fleurs en cause dans les marques en conflit présentent globalement des formes similaires et seront toutes deux perçues comme la représentation d’une fleur à cinq pétales. Il convient d’observer, à cet égard, que les pétales sont, dans chacune des marques en conflit, ressemblantes en ce qu’elles sont arrondies, et non allongées. De plus, les deux marques en conflit ne délimitent pas distinctement les pétales, qui sont ainsi en partie fusionnées.

42       Ainsi, hormis la circonstance que les éléments figuratifs des marques en conflit présentent toutes deux une fleur, les représentations en cause sont similaires en ce qu’elles portent sur deux fleurs semblables, à savoir deux fleurs dotées de cinq pétales dont les formes sont très proches, s’apparentant à des renoncules.

43      Par ailleurs, il ne saurait être considéré que la chambre de recours ait commis une erreur en considérant que le fait que, contrairement à la marque antérieure, qui est en noir et blanc, la marque demandée soit également composée de quatre couleurs ne s’oppose pas au constat selon lequel une similitude visuelle entre les marques en conflit existe. En effet, le consommateur moyen des produits en cause ne disposera que rarement de la possibilité de comparer les deux marques lors de ses achats, mais il doit se fier à l’image non parfaite qu’il en a gardé en mémoire (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 24 supra, point 26).

44      En outre, il convient de relever que l’allégation de la requérante, selon laquelle l’appréciation de la chambre de recours quant à la similitude visuelle aurait été conditionnée par le constat d’une similitude sur le plan conceptuel, ne ressort pas des motifs de la décision attaquée. Celle-ci doit donc être rejetée comme manquant en fait.

45      Partant, il n’y a pas lieu de retenir que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que les marques en conflit étaient, dans l’impression d’ensemble qu’elles produisent, similaires sur le plan visuel.

46      En ce qui concerne la similitude conceptuelle, la requérante fait valoir que la chambre de recours a manqué de prendre en considération le fait que le public pertinent percevrait les différences dans la représentation de la fleur. Elle se réfère, à cet égard, au fait que, contrairement à la marque antérieure, la marque demandée consiste en une représentation grotesque d’une fleur, de couleur vive, placée sur un fond de couleur.

47      Il convient cependant de constater que les éléments auxquels la requérante fait référence aux fins de distinguer les marques en conflit concernent l’appréciation d’une similitude visuelle, mais qu’ils sont en revanche dénués de pertinence en ce qui concerne la similitude conceptuelle. Or, il a déjà été établi, au point 41 ci-dessus, que les marques en conflit étaient similaires sur le plan visuel en dépit du fait que la marque demandée consiste en une représentation grotesque d’une fleur, de couleur vive, placée sur un fond de couleur.

48      S’agissant de la similitude conceptuelle, il convient de rappeler que les marques en conflit visent le même type de fleur représenté de manière similaire (voir point 35 ci-dessus). Il ne saurait ainsi être considéré que la chambre de recours a commis une erreur en retenant que les marques en conflit étaient similaires sur le plan conceptuel.

49      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours a considéré à bon droit qu’une similitude sur les plans visuel et conceptuel existait entre les marques en conflit.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

50      La chambre de recours a relevé que l’intervenante n’avait pas fait valoir que sa marque antérieure possédait un caractère distinctif particulier en raison d’un usage intensif ou d’une renommée. Par ailleurs, elle a observé que la requérante n’avait pas démontré que l’élément figuratif constitué d’une fleur à cinq pétales était courant sur le territoire de l’Union. Elle a ainsi retenu que la marque antérieure pouvait être considérée comme ayant un degré normal de caractère distinctif, dans la mesure où l’élément figuratif en cause était susceptible d’exercer un certain pouvoir d’attraction sur le public pertinent en ce qui concerne les produits en cause et ne véhiculait pas de signification spécifique par rapport à ceux-ci (point 33 de la décision attaquée). La chambre de recours a considéré que, eu égard, d’une part, à l’identité ou à la forte similitude des produits en cause et, d’autre part, à la similitude visuelle et à l’identité conceptuelle des signes, un risque de confusion existait entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent (point 35 de la décision attaquée).

51      La requérante conteste l’analyse de la chambre de recours. Elle fait observer que la chambre de recours a considéré qu’un risque de confusion existait sur le fondement de l’existence d’une similitude conceptuelle, alors même que la marque antérieure n’aurait présenté qu’un caractère distinctif normal. Or, elle rappelle qu’il résulte de l’arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL (C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 25), que lorsque la marque antérieure ne jouit pas d’une notoriété particulière et consiste en une image présentant peu d’éléments imaginaires, la simple similitude conceptuelle entre les marques ne suffit pas pour créer un risque de confusion.

52      Il suffit toutefois de relever que la chambre de recours n’a pas estimé que les marques en conflit étaient similaires uniquement sur le plan conceptuel. Elle a constaté qu’elles étaient également similaires sur le plan visuel et en a tenu compte dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion. Force est donc de rejeter le présent grief.

53      La requérante fait encore valoir qu’il existe de nombreux enregistrements contenant la représentation d’une fleur semblable à celle dont est constituée la marque antérieure. À cet égard, la requérante aurait produit devant l’OHMI les résultats d’une recherche présentant une liste d’enregistrements contenant une fleur. L’OHMI excipe de l’irrecevabilité de ce grief au motif qu’il n’aurait pas été avancé au stade de la procédure devant la chambre de recours.

54      S’agissant de la recevabilité du présent grief, il importe de rappeler qu’il existe une continuité fonctionnelle entre les unités de l’OHMI statuant en première instance et les chambres de recours. Il en découle que, dans le champ d’application de l’article 74, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 40/94 (devenu article 76, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 207/2009), la chambre de recours est tenue de fonder sa décision sur tous les éléments de fait et de droit que les parties ont introduits durant la procédure devant l’unité ayant statué en première instance [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec. p. I‑2213, point 57, et arrêt du Tribunal du 23 septembre 2003, Henkel/OHMI – LHS (UK) (KLEENCARE), T‑308/01, Rec. p. II‑3253, points 25 et 32].

55      Dans la mesure où il est constant que la requérante a fait valoir le présent argument lors de la procédure devant la division d’opposition, force est de constater qu’il figurait dans le dossier dont était saisie la chambre de recours. L’OHMI ne saurait par conséquent faire valoir que le présent grief est irrecevable au seul motif qu’il n’aurait pas été réitéré devant la chambre de recours.

56      Toutefois, ce grief ne saurait en tout état de cause pas être accueilli. En effet, la légalité des décisions des chambres de recours s’apprécie uniquement sur la base du règlement n° 40/94 et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure [arrêt du Tribunal du 27 septembre 2005, Cargo Partner/OHMI (CARGO PARTNER), T‑123/04, Rec. p. II‑3979, point 68].

57      Il convient ensuite de relever que la circonstance que la représentation d’une fleur, telle que celle dont est constituée la marque antérieure, fasse l’objet de divers enregistrements pour des produits relevant de nombreuses classes différentes ne suffit pas, en soi, à démontrer que la marque antérieure est dotée d’un faible degré de caractère distinctif [arrêt du Tribunal du 18 juin 2009, LIBRO/OHMI – Causley (LiBRO), T‑418/07, non publié au Recueil, point 74]. En l’espèce, la marque antérieure n’est pas descriptive des produits qu’elle désigne, pour lesquels un risque de confusion avec la marque demandée a été retenu par la chambre de recours. En outre, ainsi qu’il a été relevé au point 42 ci-dessus, les marques en conflit portent sur le dessin d’une fleur spécifique, munie de cinq pétales seulement, dont la forme particulière s’apparente à celle d’une renoncule.

58      La requérante allègue également que les produits désignés par la marque demandée seront ceux d’une dessinatrice célèbre. Selon elle, la valeur de ces produits résiderait précisément dans le fait qu’ils ont été conçus et dessinés par Mme Agatha Ruiz de la Prada de Sentmenat. Or, selon la requérante, le consommateur de produits cosmétiques et de produits destinés aux soins du corps orienterait ses achats en grande partie en fonction des marques qui les distinguent.

59      Cet argument est tiré, en substance, de la notoriété de la requérante en tant que dessinatrice dans le secteur de la mode et, partant, de la marque demandée. Il convient toutefois de relever que seule la renommée de la marque antérieure doit être prise en compte pour apprécier si la similitude entre les produits désignés par deux marques est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Canon, point 24 supra, point 24, et du 3 septembre 2009, Aceites del Sur-Coosur/Koipe, C‑498/07 P, Rec. p. I‑7371, point 84).

60      Il en résulte que, afin d’alléguer l’absence de risque de confusion, la requérante ne saurait utilement arguer qu’elle a participé à de nombreux concours et défilés de mode internationaux, qu’elle a procédé à l’enregistrement de nombreuses marques en Espagne, en Europe et dans des pays tiers ou qu’elle disposerait d’une notoriété de loin supérieure à celle de l’intervenante.

61      Enfin, la prétendue circonstance selon laquelle les produits désignés par les marques en conflit seraient vendus dans des magasins propres aux propriétaires desdites marques ne saurait faire obstacle à la conclusion de risque de confusion. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 32 ci-dessus, l’existence d’un risque de confusion ne saurait être rendue dépendante des modalités que les titulaires des marques en conflit ont choisi d’utiliser aux fins de la commercialisation de leurs produits, le droit d’exclusivité que confère la marque communautaire n’étant pas susceptible de varier selon le mode de distribution retenu. La conclusion de risque de confusion ne saurait dès lors être écartée sur le seul fondement de la prétention selon laquelle la requérante et l’intervenante disposeraient également de leurs propres réseaux de distribution.

62      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que la requérante n’a pas démontré que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que, eu égard à l’identité ou à la forte similitude des produits en cause compris dans la classe 3, et à la similitude des marques en conflit, un risque de confusion existait entre les marques dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et celles de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Agatha Ruiz de la Prada de Sentmenat est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.