Language of document : ECLI:EU:C:2000:38

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

27 janvier 2000 (1)

Table des matières

I -    Sur les conclusions des parties et les résultats de l'expertise

I - 5

    A - Les conclusions dans l'affaire C-104/89

I - 5

         B - Les conclusions dans l'affaire C-37/90

I - 7

         C - Les résultats de l'expertise

I - 8

II -    Sur la recevabilité

I - 8

    A - Sur la tardiveté des conclusions

I - 9

        1.    Sur la tardiveté des conclusions chiffrées

I - 10

        2.    Sur la tardiveté des demandes tendant au versement d'intérêts

            compensatoires

I - 10

         B - Sur l'exception d'irrecevabilité tirée de l'autorité de la chose jugée

I - 13

III -    Sur le fond commun aux deux affaires

I - 13

    A - Sur le calcul du manque à gagner selon l'arrêt interlocutoire

I - 13

         B - Sur les principes régissant la réparation du préjudice subi par les requérants

I - 14

        1. Sur le mode de calcul

I - 15

             2. Sur les valeurs statistiques

I - 16

             3. Sur la charge de la preuve

I - 17

IV -    Sur le fond dans l'affaire C-104/89

I - 18

    A - Sur les périodes pertinentes aux fins de l'indemnisation

I - 18

         B - Sur les revenus hypothétiques des requérants

I - 19

        1.    Sur les revenus hypothétiques tirés de la livraison de lait

I - 19

            a) Les quantités de référence hypothétiques

I - 19

                 b) Le prix du lait

I - 20

             2.    Sur les revenus hypothétiques tirés de la vente des vaches de réforme et des veaux

I - 21

         C - Sur les charges variables à déduire

I - 24

        1.    Sur les coûts variables, à l'exception du coût d'une main-d'oeuvre extérieure

I - 24

            a)    Sur les calculs présentés par les parties et par l'expert

I - 24

                 b)    Sur la notion de coûts variables

I - 25

                 c)    Sur le coût du fourrage

I - 26

                 d)    Sur les frais afférents au poste «location et entretien des machines»

I - 26

                 e)    Sur la prise en compte de la surproduction de lait

I - 27

                 f)    Sur la double comptabilisation des frais d'insémination et d'autres frais

I - 28

            g)    Sur la critique relative aux surfaces prises en compte ou à prendre en compte

I - 28

                 h)    Sur la rentabilité individuelle

I - 29

        2.    Sur le coût d'une main-d'oeuvre extérieure

I - 29

         D - Sur les revenus alternatifs

I - 32

        1.    Sur la pertinence des revenus alternatifs moyens et des revenus alternatifs réels

I - 32

             2.    Sur le revenu tiré du capital libéré

I - 33

             3.    Sur le revenu tiré des terres libérées

I - 36

             4.    Sur le revenu tiré du temps de travail libéré

I - 38

    E - Sur les intérêts compensatoires

I - 39

         F - Sur les indemnités individuelles

I - 41

        1. Sur l'indemnité due à M. Mulder

I - 41

             2. Sur l'indemnité due à M. Brinkhoff

I - 43

             3. Sur l'indemnité due à M. Muskens

I - 44

             4. Sur l'indemnité due à M. Twijnstra

I - 45

     V -    Sur le fond dans l'affaire C-37/90

I - 47

    A - Sur la période pertinente aux fins de l'indemnisation

I - 47

         B - Sur le revenu hypothétique du requérant

I - 48

             1.    Sur le revenu hypothétique tiré de la vente du lait et de la vente

         des vaches de réforme et des veaux

I - 49

            a) Les quantités de référence hypothétiques

I - 49

                 b) Le prix du lait

I - 51

                 c) La vente des vaches de réforme et des veaux

I - 51

             2.    Sur les coûts variables

I - 52

         C - Sur les revenus alternatifs moyens

I - 53

        1. Sur le revenu tiré du capital libéré

I - 53

             2. Sur le revenu tiré des terres libérées

I - 56

        3. Sur le revenu tiré du temps de travail libéré

I - 57

         D - Sur les revenus alternatifs réels tirés de l'engraissement de taureaux

I - 58

         E - Sur les intérêts compensatoires

I - 60

    F - Sur l'indemnité due à M. Heinemann

I - 60

     VI - Sur les dépens

I - 61

«Prélèvement supplémentaire sur le lait - Responsabilité non-contractuelle - Réparation et évaluation du préjudice»

Dans les affaires jointes C-104/89 et C-37/90,

J. M. Mulder,

W. H. Brinkhoff,

J. M. M. Muskens,

T. Twijnstra,

représentés par Mes H. J. Bronkhorst, avocat au barreau de La Haye, et E. H. Pijnacker Hordijk, avocat au barreau d'Amsterdam, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me J. Loesch, 11, rue Goethe,

parties requérantes dans l'affaire C-104/89,

et

Otto Heinemann, représenté par Me M. Düsing, avocat à Münster, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Lambert, Dupong et Konsbrück, 14 a, rue des Bains,

partie requérante dans l'affaire C-37/90,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté, dans l'affaire C-104/89, par MM. Arthur Brautigam, conseiller juridique, et G. Houttuin, membre du service juridique, et, dans l'affaire C-37/90, par M. A. Brautigam, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. A. Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

et

Commission des Communautés européennes, représentée,

-    dans l'affaire C-104/89, par M. T. van Rijn, conseiller juridique, en qualité d'agent,

-    dans l'affaire C-37/90, par M. D. Booß, conseiller juridique, en qualité d'agent, assisté de Me H.-J. Rabe, avocat à Hambourg,

ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

parties défenderesses,

ayant pour objet des demandes en dommages et intérêts présentées au titre des articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité CE (devenus articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE),

LA COUR (sixième chambre),

composée de MM. P. J. G. Kapteyn, faisant fonction de président de la sixième chambre, G. Hirsch (rapporteur) et H. Ragnemalm, juges,

avocat général: M. A. Saggio,


greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

vu le rapport d'audience et ses deux addenda,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 28 mai 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 10 décembre 1998,

rend le présent

Arrêt

1.
    Par arrêt interlocutoire du 19 mai 1992 (Rec. p. I-3061, ci-après l'«arrêt interlocutoire»), rendu dans les présentes affaires jointes, la Cour a condamné la Communauté européenne, représentée par le Conseil de l'Union européenne et la Commission des Communautés européennes, à réparer le préjudice subi par les requérants en raison de l'application du règlement (CEE) n° 857/84 du Conseil, du 31 mars 1984, portant règles générales pour l'application du prélèvement visé à l'article 5 quater du règlement (CEE) n° 804/68 dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 90, p. 13), tel que complété par le règlement (CEE) n° 1371/84 de la Commission, du 16 mai 1984, fixant les modalités d'application du prélèvementsupplémentaire visé à l'article 5 quater du règlement n° 804/68 (JO L 132, p. 11), dans la mesure où ces règlements n'ont pas prévu l'attribution d'une quantité de référence aux producteurs n'ayant pas livré de lait pendant l'année de référence retenue par l'État membre concerné, en exécution d'un engagement pris au titre du règlement (CEE) n° 1078/77 du Conseil, du 17 mai 1977, instituant un régime de primes de non-commercialisation du lait et des produits laitiers et de reconversion de troupeaux bovins à orientation laitière (JO L 131, p. 1).

2.
    La Cour a dit pour droit que les montants des indemnités dues seront assortis d'intérêts aux taux de 8 % par an dans l'affaire C-104/89 et de 7 % dans l'affaire C-37/90 à compter de la date du prononcé de l'arrêt interlocutoire. Les recours ont été rejetés pour le surplus.

3.
    Selon les points 4 et 5 du dispositif de l'arrêt interlocutoire, les parties devaient transmettre à la Cour, dans un délai de douze mois à compter de la date du prononcé de l'arrêt, les montants à payer, établis d'un commun accord, ou, à défaut d'accord, faire parvenir à cette dernière, dans le même délai, leurs conclusions chiffrées. Les dépens ont été réservés.

4.
    À la suite de cet arrêt interlocutoire, les parties ont entrepris des négociations en vue de l'évaluation du préjudice. Celles-ci n'ont pas abouti dans le délai imparti. Les requérants ont alors déposé leurs conclusions chiffrées le 19 juin 1993 dans l'affaire C-104/89 et le 30 juin suivant dans l'affaire C-37/90, tandis que les conclusions du Conseil et de la Commission, communes aux deux affaires, ont été respectivement déposées les 3 novembre et 29 octobre 1993.

5.
    En vue de tirer les conséquences de l'arrêt interlocutoire en faveur de tous les producteurs concernés, le Conseil a adopté, le 22 juillet 1993, le règlement (CEE) n° 2187/93 prévoyant l'offre d'une indemnisation à certains producteurs de lait ou de produits laitiers qui ont été empêchés temporairement d'exercer leur activité (JO L 196, p. 6). Ce règlement a été complété par le règlement (CEE) n° 2648/93 de la Commission, du 28 septembre 1993, portant modalités d'application du règlement n° 2187/93 (JO L 243, p. 1).

6.
    En application de ces règlements et notamment du premier d'entre eux, la Commission a offert à tous les producteurs concernés une indemnisation forfaitaire calculée en fonction essentiellement de la quantité de lait et de la période pertinente aux fins de l'indemnisation. En vue de déterminer le montant de l'indemnité forfaitaire due, le règlement n° 2187/93 établit un mode de calcul et en fixe les critères. Dans son annexe, il énonce, campagne par campagne et pour trois tranches de volume de production, un montant forfaitaire par 100 kg de lait, exprimé en écus verts.

7.
    En vertu de l'article 10, paragraphe 2, du règlement n° 2187/93, le délai pour déposer une demande d'indemnisation expirait le 30 septembre 1993. Ayant fait parvenir à laCour leurs conclusions chiffrées avant l'entrée en vigueur dudit règlement, les requérants n'ont pas fait usage de cette offre d'indemnisation.

I - Sur les conclusions des parties et les résultats de l'expertise

A - Les conclusions dans l'affaire C-104/89

8.
    Dans l'affaire C-104/89, les requérants ont sollicité, dans leur requête, au titre des dommages-intérêts, les montants suivants, majorés des intérêts légaux au taux de 8 % par an jusqu'à la date du paiement des indemnités dues et sans préjudice du dommage restant à subir:

-    pour M. Mulder        533 937 NLG,

-    pour M. Brinkhoff    288 473 NLG,

-    pour M. Muskens    448 099 NLG,

-    pour M. Twijnstra    787 366 NLG.

9.
    Ils ont ensuite révisé à la hausse leurs demandes en indemnité, une première fois dans leur réplique et une seconde fois après le prononcé de l'arrêt interlocutoire. À la suite de ce dernier, ils ont sollicité, au titre du manque à gagner, les sommes de 1 159 000 NLG pour M. Mulder, 1 166 000 NLG pour M. Brinkhoff, 778 500 NLG pour M. Muskens et 1 069 000 NLG pour M. Twijnstra.

10.
    S'agissant des intérêts, les requérants ont demandé, dans leur réplique, des «intérêts au taux de 8 % l'an pour la période allant du 30 mars 1989 jusqu'au jour du paiement», pour réclamer ensuite, dans leur mémoire présenté après le prononcé de l'arrêt interlocutoire, des «intérêts de 8 % par an à compter du jour du prononcé de l'arrêt interlocutoire en l'espèce, à savoir à partir du 19 mai 1992 jusqu'au jour du paiement».

11.
    En outre, en sus de la condamnation de la Communauté aux dépens, les requérants ont demandé que «les frais liés à l'estimation du dommage des parties requérantes» soient inclus dans ceux-ci.

12.
    Dans leur mémoire en réponse au rapport d'expertise, les requérants concluent à ce que leur soient alloués, à titre de réparation, les montants suivants:

-    pour M. Mulder        703 090 NLG,

-    pour M. Brinkhoff    570 020 NLG,

-    pour M. Muskens    535 762 NLG,

-    pour M. Twijnstra    751 141 NLG,

lesdits montants étant majorés des intérêts compensatoires jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt interlocutoire au taux des emprunts d'État appliqué par les autorités néerlandaises. Les requérants concluent également à la condamnation du Conseil et dela Commission aux dépens de l'instance, y compris les frais liés à l'estimation de leurs dommages.

13.
    Le Conseil fait siens les chiffres et arguments présentés par la Commission, mais se déclare prêt, à titre subsidiaire, à offrir une indemnisation conforme au règlement n° 2187/93.

14.
    En se fondant, dans la mesure du possible, sur la situation individuelle des requérants pour déterminer le montant du préjudice subi par ces derniers, la Commission considère que ce préjudice s'élève:

-    pour M. Mulder à 50 579,15 NLG,

-    pour M. Brinkhoff à 109 675,55 NLG,

-    pour M. Muskens à 120 090,83 NLG,

-    pour M. Twijnstra à 137 299,20 NLG.

15.
    Toutefois, dans la mesure où la Commission se déclare prête à accepter, à titre subsidiaire, une indemnisation conforme au règlement n° 2187/93, elle évalue les indemnités dues aux montants suivants:

-    pour M. Mulder        377 240,60 NLG,

-    pour M. Brinkhoff     308 241,20 NLG,

-    pour M. Muskens    291 121,49 NLG,

-    pour M. Twijnstra    393 014,95 NLG.

16.
    Le Conseil et la Commission concluent à la condamnation des requérants aux dépens dans la mesure où leurs prétentions auront été rejetées.

B - Les conclusions dans l'affaire C-37/90

17.
    Dans sa requête, M. Heinemann a demandé la condamnation solidaire du Conseil et de la Commission à lui payer, au titre du préjudice subi, une indemnité de 52 652 DEM, majorée des intérêts légaux au taux de 7 % par an à compter de la date d'introduction du recours. Dans sa réplique, il a conclu à la condamnation des institutions défenderesses aux dépens.

18.
    Dans son mémoire déposé après le prononcé de l'arrêt interlocutoire, M. Heinemann sollicite, d'une part, une indemnité de 71 826 DEM, majorée des intérêts de retard au taux de 7 % à partir du 19 mai 1992, et, d'autre part, une somme additionnelle de 4 000 DEM au titre de la compensation de l'impôt sur le revenu au taux majoré dont sera grevé le montant de l'indemnisation qui lui sera allouée.

19.
    Le Conseil se déclare prêt à offrir une indemnisation calculée selon les dispositions du règlement n° 2187/93.

20.
    La Commission accepte d'indemniser le requérant à hauteur de 1 239 DEM, mais déclare, à titre subsidiaire, ne pas s'opposer à une indemnisation conforme au règlement n° 2187/93.

21.
    Le Conseil et la Commission demandent en outre de condamner le requérant aux dépens dans la mesure où ses conclusions auront été rejetées par la Cour.

C - Les résultats de l'expertise

22.
    Par ordonnance du 12 juillet 1996, la Cour a ordonné une expertise, après avoir procédé auparavant à une audition informelle des parties qui s'est tenue le 20 mai 1996. L'expert a déposé son rapport d'expertise au greffe de la Cour le 27 février 1997. Ladite expertise porte sur l'évaluation du manque à gagner subi par chaque requérant et sur la détermination des différents éléments de calcul du préjudice qui ont fait l'objet des questions formulées par la Cour.

23.
    Dans l'affaire C-104/89, l'expert propose les montants suivants au titre de l'indemnisation du manque à gagner:

-    pour M. Mulder        475 767 NLG,

-    pour M. Brinkhoff    386 891 NLG,

-    pour M. Muskens    318 938 NLG,

-    pour M. Twijnstra    517 186 NLG.

24.
    Dans l'affaire C-37/90, il ressort du rapport d'expertise que le montant dû à M. Heinemann, au titre du manque à gagner, dépend des différents taux d'abattement applicables aux quantités de référence auxquels le requérant aurait eu droit selon le cours normal des choses. Selon qu'il est procédé à un abattement de 2 %, de 4 %, ou de 7 % pour toute la période, ou à un abattement dit «progressif» - à savoir 2 % pour les trois premières campagnes et 7,5 % pour les deux dernières -, le montant du préjudice évalué par l'expert s'élève respectivement à 13 096 DEM, 11 648 DEM, 13 325 DEM ou 17 167 DEM.

II - Sur la recevabilité

25.
    Dans l'affaire C-104/89, la Commission et le Conseil soulèvent une exception d'irrecevabilité tirée de ce que les montants sollicités en dernier lieu au titre du manque à gagner (ci-après les «conclusions chiffrées») ont été révisés à la hausse et excèdent de ce fait les sommes réclamées dans la requête.

26.
    Selon la Commission, serait également irrecevable, dans cette affaire, la demande en réparation de trois chefs complémentaires du préjudice que les requérants ont fait valoir après le prononcé de l'arrêt interlocutoire (ci-après les «préjudices complémentaires»). En effet, ladite demande vise à obtenir la réparation du préjudice résultant de la progressivité du barème de l'impôt (ci-après le «préjudice fiscal»), de la perte économique consécutive à l'érosion monétaire et du refus de la Cour d'allouer desintérêts de retard pour la période antérieure au prononcé de l'arrêt interlocutoire. La Commission soutient que ces préjudices complémentaires ont été invoqués pour la première fois après le prononcé de l'arrêt interlocutoire.

27.
    Les deux institutions défenderesses excipent pour la même raison de l'irrecevabilité des conclusions par lesquelles les requérants, dans leurs dernières écritures, sollicitent des intérêts compensatoires.

28.
    Dans l'affaire C-37/90, le Conseil et la Commission soulèvent une exception d'irrecevabilité tirée principalement du fait que les conclusions chiffrées contiennent une demande complémentaire par rapport aux conclusions initiales, correspondant aux intérêts compensatoires capitalisés pour la période antérieure au prononcé de l'arrêt interlocutoire. La Commission prétend en outre que la demande en réparation d'un préjudice prétendument causé par la progressivité du barème de l'impôt est irrecevable.

29.
    Le Conseil invoque en sus, dans les deux affaires, le non-respect par les requérants de l'autorité de la chose jugée par l'arrêt interlocutoire étant donné que la Cour n'a accordé que des intérêts moratoires à compter du 19 mai 1992 et rejeté les recours pour le surplus.

30.
    Dans les deux affaires, les requérants rétorquent que les montants exacts et la composition du préjudice subi par eux n'ont pas encore fait l'objet du débat dans la mesure où la Cour n'a statué que sur le bien-fondé de la responsabilité de la Communauté. Ils font référence à l'arrêt du 2 juin 1976, Kampffmeyer e.a./Commission et Conseil (56/74 à 60/74, Rec. p. 711), selon lequel une modification, lors de la procédure, du montant de l'indemnité demandée n'entrerait pas dans le champ d'application de l'article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour. Afin de justifier leur droit à des intérêts compensatoires, ils renvoient à l'arrêt du 2 août 1993, Marshall (C-271/91, Rec. p. I-4367).

31.
    En premier lieu, il convient de relever que, dans les deux affaires, en faisant grief aux requérants d'avoir méconnu l'interdiction, édictée par l'article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure, de produire des moyens nouveaux en cours d'instance, les institutions défenderesses excipent de la tardiveté de l'ensemble des conclusions nouvelles des requérants.

32.
    En second lieu, le Conseil invoque, à propos seulement des conclusions tendant au versement d'intérêts compensatoires, l'autorité de la chose jugée.

33.
    Dans ces conditions, il y a lieu d'examiner séparément l'exception d'irrecevabilité tirée de la tardiveté et celle tirée du non-respect de l'autorité de la chose jugée.

A - Sur la tardiveté des conclusions

34.
    Pour la clarté du raisonnement, il y a lieu de traiter de manière séparée les conclusions chiffrées et les autres conclusions en indemnité.

35.
    Dans l'affaire C-104/89, les requérants ont tout d'abord révisé à la hausse, après le prononcé de l'arrêt interlocutoire, leurs conclusions chiffrées en y incluant un montant qu'ils réclament, malgré l'insuffisance de précision à cet égard, au titre des préjudices complémentaires. Cette révision du montant des indemnités sollicitées est également destinée à tenir compte des modalités de calcul du préjudice définies par l'arrêt interlocutoire et précisées au cours de la procédure et résulte, en outre, du fait que d'autres statistiques ont été utilisées pour établir ledit montant, telles que celles retenues dans le rapport d'expertise.

36.
    Dans l'affaire C-37/90, en revanche, M. Heinemann a été conduit à majorer ses conclusions chiffrées aux fins essentiellement d'y intégrer un montant correspondant aux intérêts compensatoires capitalisés.

37.
    Dans ces conditions, il convient d'examiner dans un premier temps uniquement la recevabilité des conclusions chiffrées dans l'affaire C-104/89 dans la mesure où celles-ci sont majorées en raison seulement du fait que le mode de calcul et les statistiques ont changé. Il y a lieu de traiter ensuite ensemble la question de la recevabilité des conclusions chiffrées tendant, dans l'affaire C-104/89, à la réparation des préjudices complémentaires ainsi que, dans les deux affaires, celle des conclusions relatives à l'octroi d'intérêts compensatoires. Ce procédé est d'autant plus justifié que, dans l'affaire C-104/89, les préjudices complémentaires s'avèrent identiques à ceux pour lesquels le versement d'intérêts compensatoires est sollicité.

1. Sur la tardiveté des conclusions chiffrées

38.
    L'exception d'irrecevabilité tirée de la tardiveté des conclusions chiffrées dans l'affaire C-104/89 ne saurait être accueillie pour autant que ces conclusions ont été modifiées pour tenir compte des modalités de calcul du préjudice définies par l'arrêt interlocutoire et sont fondées sur les données statistiques retenues par l'expert.

39.
    En effet, les conclusions ainsi modifiées, présentées après le dépôt de l'expertise, ne peuvent pas être jugées comme tardives. À la lumière de l'arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann (25/62, Rec. p. 197, 224), elles se présentent comme un développement admissible, voire nécessaire, de celles contenues dans la requête, dans la mesure surtout où, d'une part, la Cour a déterminé les éléments nécessaires au calcul du préjudice pour la première fois dans son arrêt interlocutoire et, d'autre part, la composition exacte du préjudice et le mode de calcul précis des indemnités dues n'avaient pas encore fait l'objet de discussions.

40.
    Par ailleurs, la Cour avait invité les parties, dans le dispositif de son arrêt interlocutoire, à présenter des conclusions chiffrées dans l'hypothèse où elles ne parviendraient pas à s'accorder sur les montants du préjudice. Cette invitation serait dénuée de sens et de portée si les parties ne pouvaient formuler, postérieurement àl'intervention dudit arrêt, des conclusions différentes de celles contenues dans leur requête.

2. Sur la tardiveté des demandes tendant au versement d'intérêts compensatoires

41.
    À titre liminaire, il y a lieu de préciser que, s'agissant des deux affaires, il suffit d'examiner la tardiveté des seules conclusions par lesquelles les requérants sollicitent des intérêts compensatoires. Celles-ci se confondent en effet avec les conclusions chiffrées qui ont été majorées aux fins d'obtenir réparation des préjudices complémentaires. Les deux séries de conclusions ayant le seul et même objet, qui vise pour l'essentiel à la réparation d'un préjudice que les requérants qualifient de financier, c'est en effet la demande de réparation des préjudices complémentaires par l'allocation d'intérêts compensatoires qui explique la majoration des conclusions chiffrées.

42.
    Certes, les explications que les requérants donnent à ce sujet lorsqu'ils précisent la nature, le contenu et l'étendue de ces préjudices complémentaires ne sont pas dénuées d'équivoque. Mais, en interprétant les conclusions de façon raisonnable, il en résulte que, bien que ces préjudices incorporent également d'éventuelles conséquences fiscales, ils se composent essentiellement des intérêts compensatoires et d'un montant correspondant à l'érosion monétaire.

43.
    En effet, les intérêts compensatoires sollicités dans les deux affaires visent à obtenir réparation d'un préjudice financier prétendument dû, hormis l'érosion monétaire, à l'indisponibilité des bénéfices provenant de l'activité de production laitière.

44.
    À la lumière d'une telle interprétation, ce sont uniquement les ultimes conclusions des requérants dans l'affaire C-104/89 pour lesquelles il convient d'examiner l'exception d'irrecevabilité tirée de leur tardiveté.

45.
    En ce qui concerne l'affaire C-37/90, M. Heinemann demande également, sans formuler des conclusions expresses à cet égard, l'octroi d'intérêts compensatoires en majorant ses conclusions chiffrées du montant correspondant à ceux-ci.

46.
    Il en résulte que, dans les deux affaires, seule reste à vérifier, hormis le préjudice fiscal dans l'affaire C-37/90, la recevabilité des conclusions tendant au versement d'intérêts compensatoires.

47.
    À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour, notamment dans les litiges portant sur la régularisation tardive de la rémunération des fonctionnaires (voir, par exemple, arrêts du 15 janvier 1985, Battaglia/Commission, 737/79, Rec. p. 71, point 13, et Roumengous Carpentier/Commission, 158/79, Rec. p. 39, point 14), que des conclusions complémentaires, portant sur l'octroi d'intérêts compensatoires, sont irrecevables lorsqu'elles sont introduites pour la première fois en cours d'instance et, plus particulièrement, après le prononcé d'un arrêt interlocutoire. Cette jurisprudence est fondée sur les dispositions des articles 19 du statut CE de la Cour de justice et 38du règlement de procédure, qui excluent l'adjonction de demandes nouvelles en cours de procédure, alors que l'article 42, paragraphe 2, dudit règlement n'interdit expressément que la production de moyens nouveaux.

48.
    Néanmoins, dans l'affaire C-104/89, les griefs tirés de la tardiveté des conclusions tendant au versement d'intérêts compensatoires ne sauraient être accueillis au motif que celles-ci ne constituent pas des conclusions nouvelles. En effet, les annexes de la requête enregistrée le 30 mars 1989, intitulées «Schadeberekening verzoeker», révèlent que les conclusions chiffrées que les requérants ont présentées à cette date comprenaient déjà un montant correspondant aux intérêts de retard capitalisés au titre de la période pour laquelle l'indemnisation était demandée. Dès lors, il n'est plus nécessaire d'examiner le sens et la portée exacts des premières conclusions relatives «aux intérêts légaux de 8 % l'an» que les requérants ont soumises à la Cour dans leur requête et précisées dans leur réplique; plus particulièrement, il n'est pas non plus nécessaire d'examiner la question de savoir si ces dernières conclusions comprenaient, au moins partiellement, une demande portant sur le même type d'intérêts courant à compter de la date à laquelle le préjudice est apparu.

49.
    En revanche, dans l'affaire C-37/90, la demande relative à l'octroi d'intérêts compensatoires ne peut qu'être écartée en raison de sa tardiveté. En effet, M. Heinemann a expressément déclaré dans sa requête son intention de ne pas solliciter des intérêts compensatoires en raison du fait que les frais de procédure risquaient d'être plus élevés, bien qu'il soit évident qu'à la date à laquelle il a fait cette déclaration il ait eu connaissance du lien existant entre le droit aux intérêts compensatoires et le bien-fondé de la responsabilité extracontractuelle.

50.
    En effet, selon une jurisprudence constante, il importe qu'un requérant ait satisfait aux conditions de la responsabilité extracontractuelle pour qu'il puisse prétendre à l'allocation d'intérêts compensatoires (voir arrêts Kampffmeyer e.a./Commission et Conseil et Roumengous Carpentier/Commission, précités; arrêts du Tribunal du 26 février 1992, Brazzelli e.a./Commission, T-17/89, T-21/89 et T-25/89, Rec. p. II-293, point 35, et de la Cour du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C-136/92 P, Rec. p. I-1981, point 42).

51.
    Toutefois, il y a lieu de rappeler que, selon l'arrêt du 3 février 1994, Grifoni/CEEA (C-308/87, Rec. p. I-341, point 40), la réparation du préjudice dans le cadre de la responsabilité extracontractuelle a pour objet de reconstituer autant que possible le patrimoine de la victime. Par conséquent, dès lors que sont remplies les conditions de la responsabilité extracontractuelle, les conséquences défavorables résultant du laps de temps qui s'est écoulé entre la survenance du fait dommageable et la date du paiement de l'indemnité ne sauraient être ignorées malgré ladite déclaration expresse du requérant, dans la mesure où il y a lieu de tenir compte de l'érosion monétaire.

52.
    Ainsi, la modification des conclusions chiffrées en raison de la demande de versement d'intérêts compensatoires au titre de l'érosion monétaire - demande présentée aprèsle prononcé de l'arrêt interlocutoire par lequel la responsabilité de la Communauté a été constatée - apparaît dès lors comme une adaptation nécessaire.

53.
    En revanche, la majoration des conclusions chiffrées en raison de l'indisponibilité des bénéfices éventuels tirés de l'activité de production laitière doit être déclarée irrecevable, de même que les conclusions en réparation du préjudice fiscal.

B - Sur l'exception d'irrecevabilité tirée de l'autorité de la chose jugée

54.
    Dans la mesure où l'octroi des intérêts compensatoires ne serait pas sollicité tardivement, le Conseil excipe de l'autorité de la chose jugée pour s'opposer à la demande des requérants. Selon lui, en octroyant des intérêts moratoires à compter de la date du prononcé de l'arrêt interlocutoire, la Cour a statué sur tous les intérêts en cause et a notamment refusé d'accorder aux requérants le bénéfice des intérêts compensatoires.

55.
    À cet égard, il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour, relative notamment aux litiges portant sur la régularisation tardive de la rémunération des fonctionnaires, qu'il convient de distinguer les intérêts moratoires des intérêts compensatoires (arrêt Commission/Brazzelli Lualdi e.a., précité, point 35). La décision sur les intérêts moratoires ne saurait dès lors avoir d'incidence sur le sort des intérêts compensatoires.

56.
    Par conséquent, l'exception d'irrecevabilité tirée de l'autorité de la chose jugée à l'encontre des intérêts compensatoires doit être écartée.

57.
    En réponse à l'ensemble des griefs tirés de l'irrecevabilité des conclusions soumises en dernier lieu à la Cour, il y a lieu de constater, dans l'affaire C-104/89, qu'aucune des exceptions soulevées par les institutions défenderesses ne saurait être accueillie et que dès lors les dernières conclusions des requérants sont recevables (voir points 38 à 40 ainsi que 48 et 56 du présent arrêt).

58.
    En revanche, dans l'affaire C-37/90, pour autant que les conclusions chiffrées de M. Heinemann excèdent le montant initialement sollicité, elles ne sont recevables que dans la mesure où la majoration traduit la prise en compte des intérêts capitalisés qui correspondent à l'érosion monétaire. Pour le surplus, les conclusions majorées ainsi que celles par lesquelles le requérant sollicite une indemnité pour un prétendu préjudice fiscal sont irrecevables (voir points 53 et 56 du présent arrêt).

III - Sur le fond commun aux deux affaires

A - Sur le calcul du manque à gagner selon l'arrêt interlocutoire

59.
    À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à l'arrêt interlocutoire, le dommage à réparer dans les deux affaires correspond au manque à gagner que chacun des requérants a réellement subi au cours de la période à indemniser.

60.
    Le manque à gagner est constitué, selon le point 26 de l'arrêt interlocutoire, par la différence entre, d'une part, les revenus que les requérants auraient tirés, selon le cours normal des choses, des livraisons de lait qu'ils auraient effectuées s'ils avaient obtenu, pendant la période comprise entre le 1er avril 1984, date d'entrée en vigueur du règlement n° 857/84, et le 29 mars 1989, date d'entrée en vigueur du règlement (CEE) n° 764/89 du Conseil, du 20 mars 1989, modifiant le règlement n° 857/84 (JO L 84, p. 2), les quantités de référence auxquelles ils avaient droit (ci-après les «revenus hypothétiques») et, d'autre part, les revenus qu'ils ont effectivement tirés de leurs livraisons de lait, réalisées au cours de cette période en dehors de toute quantité de référence, majorés de ceux qu'ils ont tirés, ou auraient pu tirer, pendant cette même période, d'éventuelles activités de remplacement (ci-après les «revenus alternatifs»).

61.
    Après avoir pris position, aux points 28 à 31 de l'arrêt interlocutoire, à propos de la détermination de la quantité de référence, la Cour précise, au point 32, que le calcul des revenus hypothétiques, correspondant aux livraisons de lait qu'auraient effectuées les requérants s'ils avaient disposé des quantités de référence auxquelles ils avaient droit, doit prendre pour base de calcul la rentabilité d'une exploitation représentative du type de celle de chacun de ces derniers tout en permettant la prise en compte d'une rentabilité réduite lors de la période de mise en route de la production laitière.

62.
    En vertu du point 33 de l'arrêt interlocutoire, les revenus alternatifs englobent les revenus effectivement tirés d'activités de remplacement (ci-après les «revenus alternatifs réels»), mais également ceux que les requérants auraient pu réaliser s'ils s'étaient raisonnablement engagés dans de telles activités (ci-après les «revenus alternatifs moyens»).

B - Sur les principes régissant la réparation du préjudice subi par les requérants

63.
    Ainsi qu'il a déjà été constaté au point 51 du présent arrêt, il est de jurisprudence constante que la réparation du préjudice a pour objet de reconstituer autant que possible le patrimoine de la victime de l'illégalité du comportement des institutions communautaires (voir arrêt Grifoni/CEEA, précité, point 40). Afin de remettre les victimes dans la situation où elles se seraient trouvées si l'acte dommageable ne s'était pas produit, c'est au premier chef le dommage réellement subi qui doit être réparé. Ainsi faut-il que le manque à gagner soit évalué, dans toute la mesure du possible, sur le fondement des données et des chiffres individuels reflétant la situation réelle de chaque requérant et de son exploitation.

64.
    Toutefois, une telle évaluation fondée sur des données individuelles et concrètes se heurte, en l'occurrence, à des obstacles structurels et de fait qui concernent tant les revenus hypothétiques que les revenus alternatifs.

65.
    Ainsi qu'il ressort de l'arrêt interlocutoire, les revenus que les requérants auraient tirés des livraisons de lait selon le cours normal des choses - c'est-à-dire s'ils avaient eu une production de lait correspondant aux quantités de référence auxquelles ils avaient droit -, sont des revenus à caractère hypothétique. Par conséquent, de par leur nature,ceux-ci ne sauraient être établis que par le recours à des valeurs statistiques moyennes correspondant - ainsi que le prescrit l'arrêt interlocutoire - à une exploitation représentative du type de celle de chacun des requérants.

66.
    Une telle méthode est également valable pour les revenus alternatifs dans la mesure où ceux-ci englobent, conformément au point 33 de l'arrêt interlocutoire, les revenus alternatifs moyens que les requérants auraient pu réaliser s'ils s'étaient raisonnablement engagés dans des activités de remplacement.

1. Sur le mode de calcul

67.
    En raison de ces difficultés, les parties se sont mises d'accord sur les principes qui doivent régir le mode de calcul du manque à gagner. L'accord porte sur la plupart des différents éléments constitutifs des revenus hypothétiques et alternatifs. Ces différents éléments pertinents pour établir les revenus en cause correspondent, dans une large mesure, à ceux proposés par les institutions défenderesses. L'expertise ordonnée par la Cour a également respecté ce mode de calcul.

68.
    Pour déterminer les recettes hypothétiques, les parties ont tenu compte, outre les recettes provenant des livraisons hypothétiques de lait, des revenus hypothétiques tirés de la vente des vaches de réforme et des veaux.

69.
    Du fait que certaines dépenses sont inhérentes à toute production de lait, les parties sont convenues de déduire les coûts variables des revenus hypothétiques bruts, à savoir des coûts qui disparaissent avec la cessation de la production de lait (ci-après les «coûts variables» ou «charges variables»). En revanche, les frais fixes ne viennent pas en déduction puisque l'exploitant les supporte même lorsqu'il interrompt la production laitière.

70.
    Si le principe de la déduction des coûts variables n'est pas contesté en tant que tel dans les deux affaires, la composition et certains des éléments constitutifs de ceux-ci le sont en revanche dans l'affaire C-104/89.

71.
    Dans cette affaire, est plus particulièrement critiquée, soit comme élément figurant au nombre des éléments constitutifs des coûts variables, soit comme élément isolé, la déduction des coûts afférents à l'emploi d'une main-d'oeuvre extérieure. La discussion entre les parties à ce sujet se déroule tant sur le plan du principe de la déductibilité que sur celui de la réalité de tels coûts.

72.
    Pour établir le revenu alternatif de chacun d'entre eux, les requérants, à l'exception de M. Heinemann, ont fini par admettre le recours aux revenus alternatifs moyens, calculés en fonction des trois facteurs de production qui ont été libérés par l'interruption de la production laitière et qui ont pu être utilisés pour d'autres activités économiques, à savoir le capital, la terre et le travail.

2. Sur les valeurs statistiques

73.
    Les parties se sont également entendues sur les sources des chiffres et données pertinentes dans les deux affaires. En fin de compte, elles acceptent ceux qui ont été utilisés pour les calculs effectués par l'expert. Les statistiques ainsi que les chiffres et données retenus résultent des organismes étatiques compétents, spécialisés en la matière. Il s'agit, dans l'affaire C-104/89, du Landbouw Economisch Instituut (institut d'économie agricole, ci-après le «LEI») et, dans l'affaire C-37/90, essentiellement de la Landwirtschaftskammer Hannover (chambre d'agriculture de Hanovre).

74.
    Néanmoins, les institutions défenderesses s'opposent, en soulignant leur préférence pour l'emploi de chiffres réels, à une combinaison de données statistiques et de chiffres réels dont elles contestent le bien-fondé. Une telle combinaison risquerait de fausser la réalité des préjudices que chaque requérant a effectivement subis.

75.
    Il convient de relever que, si les institutions défenderesses critiquent la combinaison de valeurs statistiques et de chiffres réels, elles ont néanmoins reconnu, lors de l'audition du 20 mai 1996, l'exactitude de certains de ceux-ci et en ont accepté la pertinence, s'agissant par exemple du prix du lait payé par les laiteries auxquelles les livraisons auraient été effectuées. Elles ne peuvent non plus méconnaître que le recours à des valeurs statistiques s'avère inévitable lorsque des activités hypothétiques doivent être évaluées.

76.
    Étant donné que les revenus tant hypothétiques qu'alternatifs, déterminés sur la base de valeurs statistiques, ne reflètent que la situation moyenne de la catégorie d'exploitations à laquelle appartiennent celles des requérants, l'emploi des chiffres réels, dans la mesure où ceux-ci sont disponibles, permet cependant une approche plus précise de la situation individuelle de chaque requérant.

77.
    Néanmoins, le risque dont font état les institutions défenderesses, ainsi que l'expert lors de l'audience, ne peut pas être ignoré. En effet, d'une part, il ne saurait être exclu que l'utilisation concomitante de données statistiques et de chiffres réels fausse effectivement le calcul de l'indemnité et aboutisse à des résultats entachés d'erreurs. Toutefois, en vue de reconstituer dans la mesure du possible le préjudice réellement subi par les requérants, les chiffres réels disponibles ne sauraient être complètement négligés, à moins que les institutions défenderesses ou toute partie qui s'estimerait défavorisée par cette méthode d'évaluation du préjudice ne démontrent dans quelle mesure le calcul est faussé par le recours aux chiffres réels.

78.
    D'autre part, le recours à des revenus moyens ne garantit pas non plus que la situation économique de chacun des requérants soit correctement appréciée, dès lors que les spécificités économiques de chaque exploitation ne sont pas prises en compte.

79.
    Il convient de souligner que, dans les présentes affaires, le manque à gagner n'est pas le fruit d'un simple calcul mathématique, mais le résultat d'une opération d'évaluation et d'appréciation de données économiques complexes. La Cour est ainsi appelée àévaluer des activités économiques qui ont en grande partie un caractère hypothétique. Dès lors, à l'instar du juge national, elle dispose d'une marge d'appréciation importante soit à l'endroit des chiffres et données statistiques à retenir, soit surtout en ce qui concerne l'utilisation de ceux-ci pour le calcul et l'évaluation du préjudice.

80.
    Pour ce qui est de l'argumentation des requérants dans l'affaire C-104/89, tirée d'un défaut de différenciation ou, à tout le moins, d'une différenciation insuffisante par pays ou par région, elle est devenue sans objet dès lors que les statistiques sur lesquelles reposent les calculs retenus pour l'évaluation du préjudice sont celles relatives aux régions où sont situées les exploitations des intéressés. Ainsi les données propres à la région argileuse ou tourbeuse septentrionale («Nordliches Klei- und Moorbodengebiet») sont-elles appliquées à la situation de MM. Mulder, Brinkhoff et Twijnstra, tandis que les données de la région occidentale des prairies («Westliches Weidegebiet») s'appliquent à la situation de M. Muskens.

81.
    Pour autant que, dans l'affaire C-104/89, les requérants se plaignent d'une rigueur apparente dans ce contexte de régionalisation des données, ce grief doit être rejeté au motif qu'il n'est pas assez circonstancié. S'agissant notamment de M. Muskens, il n'invoque aucun élément de nature à établir que sa situation serait mieux appréciée par l'application des données propres à l'autre région.

3. Sur la charge de la preuve

82.
    Dans l'hypothèse d'un désaccord au sujet des données factuelles et des éléments constitutifs du préjudice, il incombe aux requérants dans les deux affaires de prouver, d'une part, l'existence du préjudice subi ainsi que, d'autre part, les éléments constitutifs et l'étendue de celui-ci. Or, l'existence d'un préjudice ayant été constatée en l'espèce par l'arrêt interlocutoire, les requérants sont seulement tenus d'établir les différents éléments constitutifs et l'étendue de ce préjudice.

83.
    Dans la mesure où les institutions défenderesses contestent les données et les chiffres présentés par les requérants, il ne leur suffit pas de dénier l'existence de ces données ou l'exactitude de ces chiffres. Il leur incombe notamment de préciser leurs critiques de manière circonstanciée.

84.
    Il convient également de préciser que, en raison de la nature essentiellement hypothétique de l'évaluation du manque à gagner, l'expertise joue un rôle prépondérant lorsque aucune des parties n'est à même d'apporter la preuve de l'exactitude des données ou des chiffres qu'elle invoque et que ceux-ci sont controversés.

IV - Sur le fond dans l'affaire C-104/89

A - Sur les périodes pertinentes aux fins de l'indemnisation

85.
    Conformément au point 26 de l'arrêt interlocutoire, la période à prendre en considération pour déterminer le dommage à réparer est celle comprise entre le 1er avril 1984 et le 29 mars 1989, pendant laquelle les requérants auraient perçu, selon le cours normal des choses, des revenus tirés de la livraison de lait s'ils avaient disposé des quantités de référence auxquelles ils avaient droit.

86.
    La période individuelle d'indemnisation de chaque requérant débute à la date à laquelle son engagement de non-commercialisation est venu à expiration. Il est constant que cette date est, pour M. Mulder, le 1er octobre 1984, pour M. Brinkhoff, le 5 mai 1984, pour M. Muskens, le 22 novembre 1984, et, pour M. Twijnstra, le 10 avril 1985.

87.
    La période donnant lieu à indemnisation s'achève au plus tard, conformément au même point 26 de l'arrêt interlocutoire, le 29 mars 1989, date de l'entrée en vigueur du règlement n° 764/89. Or, la Commission allègue que tous les requérants et notamment MM. Brinkhoff et Muskens ont repris leur production avant le 31 décembre 1988 et qu'ils semblent considérer cette date comme la fin de la période à prendre en considération. En ce qui concerne M. Brinkhoff, la Commission s'est référée, à l'audience du 28 mai 1998, à une information émanant du ministère de l'Agriculture néerlandais selon laquelle ce requérant avait repris sa production le 25 décembre 1988.

88.
    À l'exception de M. Muskens pour lequel aucun indice ne permet de conclure à une reprise prématurée de la production laitière, une telle reprise est confirmée pour les trois autres requérants. En effet, il ressort de la réplique que M. Mulder a repris la production le 10 juillet 1988 et M. Twijnstra le 1er mai 1988. S'agissant de M. Brinkhoff, il a lui-même avancé la date du 31 décembre 1988 lors de l'audience du 28 mai 1998.

89.
    Dès lors, en ce qui concerne MM. Mulder, Brinkhoff et Twijnstra, la période pertinente aux fins de l'indemnisation s'achève le jour où ils ont effectivement repris, de manière prématurée, leur production de lait même si l'arrêt interlocutoire a jugé que ladite période expirait au plus tard le 29 mars 1989.

90.
    Certes, la période d'exclusion totale s'achève effectivement le jour de l'entrée en vigueur du règlement n° 764/89 permettant aux producteurs concernés (ci-après les «producteurs SLOM»), après l'octroi de la quantité de référence spécifique à laquelle ils avaient droit, de reprendre la production laitière. Cette période est toutefois susceptible de s'achever avant cette date par une reprise effective de la production lorsque celle-ci est conforme au régime du prélèvement supplémentaire et à la jurisprudence de la Cour en la matière. En effet, l'arrêt interlocutoire vise à l'indemnisation des requérants pour la période durant laquelle ils étaient exclus du régime initial du prélèvement supplémentaire et, par voie de conséquence, de toute production laitière. En l'espèce, une fois les conditions remplies, les requérants ont pu reprendre la production au lendemain du prononcé des arrêts du 28 avril 1988, Mulder (120/86, Rec. p. 2321), et Von Deetzen (170/86, Rec. p. 2355).

91.
    Il résulte de ce qui précède que la période à indemniser court du 1er octobre 1984 au 10 juillet 1988 pour M. Mulder (soit 182 jours pour la campagne 1984/1985, 365 jours pour les trois campagnes suivantes et 100 jours pour la campagne 1988/1989), du 5 mai 1984 au 31 décembre 1988 pour M. Brinkhoff (soit 331 jours pour la campagne 1984/1985, 365 jours pour les trois campagnes suivantes et 275 jours pour la campagne 1988/1989), du 22 novembre 1984 au 29 mars 1989 pour M. Muskens (soit 130 jours pour la campagne 1984/1985 et 365 jours pour les quatre campagnes suivantes), et du 10 avril 1985 au 1er mai 1988 pour M. Twijnstra (soit 356 jours pour la campagne 1985/1986, 365 jours pour les deux campagnes suivantes et 30 jours pour la campagne 1988/1989).

B - Sur les revenus hypothétiques des requérants

1. Sur les revenus hypothétiques tirés de la livraison de lait

92.
    Les revenus que les requérants auraient tirés de la livraison de lait, selon le cours normal des choses, sont calculés en multipliant les quantités de lait qu'ils auraient pu livrer pendant la période à retenir aux fins de l'indemnisation par le prix du lait. Il est donc nécessaire de déterminer dans un premier temps les quantités de référence auxquelles les requérants auraient eu droit durant ladite période (ci-après les «quantités de référence hypothétiques»).

a) Les quantités de référence hypothétiques

93.
    Les quantités de référence hypothétiques doivent être calculées, conformément aux points 28 à 32 de l'arrêt interlocutoire, sur le fondement des quantités qui ont servi à déterminer la prime de non-commercialisation. Il n'est pas contesté que cette quantité est de 463 566 kg pour M. Mulder, 296 507 kg pour M. Brinkhoff, 300 340 kg pour M. Muskens et 591 905 kg pour M. Twijnstra.

94.
    À ces quantités, il convient de faire application du taux d'augmentation de 1 % et des taux d'abattement indiqués aux points 29 à 31 de l'arrêt interlocutoire. Les parties n'ont pas de divergence de vues sur les différents taux d'abattement applicables par campagne laitière. Toutefois, lorsqu'une campagne laitière ne peut être prise en compte que pour une partie seulement - la période de non-commercialisation se terminant au cours d'une campagne ou le requérant ayant repris la production du lait pendant une campagne -, la quantité de référence se trouve réduite à due proportion. Dès lors, s'agissant des quotas réels par campagne, les quantités de référence hypothétiques s'élèvent aux montants suivants, selon les estimations effectuées par l'expert:

-    228 049 kg de lait pour la campagne 1984/1985, 454 015 kg de lait pour les campagnes 1985/1986 et 1986/1987, 444 932 kg de lait pour la campagne 1987/1988 et 118 859 kg de lait pour la campagne 1988/1989, en ce qui concerne M. Mulder;

-    265 282 kg de lait pour la campagne 1984/1985, 290 398 kg de lait pour les campagnes 1985/1986 et 1986/1987, 284 588 kg de lait pour la campagne 1987/1988 et 209 069 kg de lait pour la campagne 1988/1989, en ce qui concerne M. Brinkhoff;

-    105 536 kg de lait pour la campagne 1984/1985, 294 152 kg de lait pour les campagnes 1985/1986 et 1986/1987, 288 267 kg de lait pour la campagne 1987/1988 et 281 078 kg de lait pour la campagne 1988/1989, en ce qui concerne M. Muskens,

-    565 416 kg de lait pour la campagne 1985/1986, 579 710 kg de lait pour la campagne 1986/1987, 568 112 kg de lait pour la campagne 1987/1988 et 45 530 kg de lait pour la campagne 1988/1989, en ce qui concerne M. Twijnstra.

b) Le prix du lait

95.
    Le prix du lait concernant les quantités de référence hypothétiques ainsi retenues a fait l'objet de discussions, ainsi que le relève M. l'avocat général au point 56 de ses conclusions.

96.
    Lors de l'audition du 20 mai 1996, les parties sont convenues de retenir les prix effectivement payés pendant la période à indemniser par les laiteries auxquelles les requérants effectuaient leurs livraisons avant et, pour la plupart d'entre eux, également après leur engagement de non-commercialisation. Dans ces conditions, l'expert a dressé, à la page 18 de son rapport, le tableau des prix par laiterie, en NLG par 100 kg de lait, la taxe sur la valeur ajoutée néerlandaise étant incluse. Ce sont ces prix qui sont repris par M. l'avocat général dans le tableau A figurant au point 57 de ses conclusions.

97.
    La multiplication des prix ainsi retenus par les quantités de référence hypothétiques que chaque requérant aurait livrées, selon le cours normal des choses, aboutit, après correction de certaines erreurs de calcul et compte tenu tant des périodes à indemniser telles que fixées pour chaque requérant que des laiteries auxquelles les livraisons auraient été faites, aux revenus totaux suivants:

-    pour M. Mulder        1 353 918 NLG,

-    pour M. Brinkhoff    1 075 069 NLG,

-    pour M. Muskens    1 002 178 NLG,

-    pour M. Twinjstra    1 399 748 NLG.

98.
    Conformément à ce que soutiennent le Conseil et la Commission en réponse au rapport de l'expert, les prix à retenir en ce qui concerne M. Twijnstra sont ceux de la laiterie Twee Provinciën et non pas ceux de la laiterie De Goede Verwachting. En effet, le requérant a lui-même indiqué qu'il effectuait ses livraisons à la même laiterie que M. Mulder. Or, même si la laiterie De Goede Verwachting a repris la première, celle-cicontinue à appliquer ses propres prix, comme le montre le cas de M. Mulder. En outre, ni l'expert ni l'intéressé n'ont produit d'élément de nature à justifier la raison pour laquelle ce dernier devrait être rattaché de manière hypothétique à une autre laiterie que celle à laquelle il effectuait ses livraisons.

99.
    En revanche, la critique des requérants selon laquelle l'expert aurait dû appliquer des prix se rapportant à une campagne laitière et non pas à une année civile ne saurait être retenue. Les prix communiqués par les laiteries en cause sont des prix moyens qui ne se prêtent pas à une conversion en prix par campagne laitière. Ainsi, dans le cas d'une production laitière ayant débuté en 1984, le fait de retenir un prix plus élevé à partir du 1er janvier 1985 bénéficie au producteur dès la campagne 1984/1985, alors que, dans l'hypothèse d'un prix calculé non pas par année civile mais par campagne, l'augmentation serait demeurée sans incidence sur ladite campagne 1984/1985.

2. Sur les revenus hypothétiques tirés de la vente des vaches de réforme et des

veaux

100.
    Le deuxième élément à prendre en compte pour établir les revenus hypothétiques des requérants est celui des recettes consécutives à la vente, d'une part, des vaches de réforme, à savoir les vaches destinées à l'abattage, et, d'autre part, des veaux.

101.
    Ayant consenti au principe de la prise en compte de ces revenus, les requérants aboutissent, dans leurs tableaux de calcul intitulés «Begroting inkomstenschade» et annexés à leur mémoire du 18 juin 1993, à des recettes moins élevées que celles auxquelles est parvenue la Commission dans ses tableaux de calcul dénommés «Schadeberekening» et annexés à son mémoire du 28 octobre 1993.

102.
    Ainsi, pour se limiter au cas de M. Mulder, les requérants indiquent, sous le poste «omzet en aanwas», un revenu de 13,24 NLG/100 kg de lait pour 1984, 13,99 NLG/100 kg de lait pour 1985, 11,84 NLG/100 kg de lait pour 1986 et 13,51 NLG/100 kg de lait pour 1987, tandis que les montants correspondants mentionnés par la Commission sous le poste «recettes = vente du veau et de la vache» s'élèvent à 18,11 NLG/100 kg de lait pour la campagne 1984/1985, 18,63 NLG/100 kg de lait pour la campagne 1985/1986, 19,46 NLG/100 kg de lait pour la campagne 1986/1987, 20,27 NLG/100 kg de lait pour la campagne 1987/1988 et 21,12 NLG/100 kg de lait pour la dernière campagne. Cette différence s'explique notamment par le recours des requérants à des statistiques établies par un organisme privé.

103.
    Lors de l'audition du 20 mai 1996, les parties sont parvenues à un accord sur les prix des vaches de réforme et des veaux, lesquels ont été fixés, en ce qui concerne les premières, à 1 600 NLG pour 1984/1985, 1 650 NLG pour 1985/1986, 1 700 NLG pour 1986/1987, 1 750 NLG pour 1987/1988, 1 800 NLG pour 1988/1989 et, pour les veaux, à 385 NLG pour 1984/1985, 395 NLG pour 1985/1986, 418 NLG pour 1986/1987, 440 NLG pour 1987/1988 et 465 NLG pour 1988/1989.

104.
    Les recettes en provenance de la vente des vaches de réforme et des veaux dépendent également du nombre d'animaux que chaque requérant aurait pu vendre par campagne. À cet égard, les parties sont convenues que 25 % des vaches laitières d'un troupeau sont chaque année destinés à l'abattage et 90 % de celles-ci fournissent des veaux qui sont susceptibles d'être vendus.

105.
    Or, cet accord des parties sur les prix susmentionnés ainsi que sur le taux des vaches de réforme et des veaux qui, au sein de chaque troupeau, auraient pu être vendus ne suffit pas pour que la Cour soit en mesure de déterminer le nombre exact des animaux mis en vente. En effet, la taille même du troupeau, plus précisément le nombre de vaches laitières nécessaire à chaque requérant pour produire les quantités de référence hypothétiques pertinentes par campagne reste controversé.

106.
    Aussi la Commission persiste-t-elle à considérer qu'il est nécessaire - en raison d'une prétendue rentabilité des exploitations des requérants qui se situerait au-dessous de la moyenne néerlandaise - de connaître le nombre total des vaches laitières que chaque requérant détenait à la date à laquelle son engagement de non-commercialisation a commencé. En revanche, les requérants font état de l'évolution de la productivité de lait par vache et estiment dès lors que leur besoin en vaches aurait été considérablement plus faible.

107.
    En se fondant sur les prix indiqués par les parties, l'expert considère en revanche qu'il est nécessaire de prendre en compte - pour établir le nombre de vaches de réforme et de veaux disponibles à la vente - l'adaptation nécessaire du nombre de vaches laitières aux quantités de référence qui varient lors de chaque campagne, l'évolution de la productivité moyenne d'une vache, la nécessité de remplacer les vaches de réforme vendues, les pertes dues à la mortalité et l'adaptation du troupeau en vue de son autorenouvellement.

108.
    Aussi, pour établir le nombre de vaches de réforme et de veaux susceptibles d'être vendus au sein du troupeau de chaque requérant, l'expert détermine-t-il dans un premier temps l'évolution de la productivité moyenne par vache sur le fondement des données statistiques propres aux deux régions concernées.

109.
    Exprimées en kg de lait par vache et par campagne, les quantités moyennes, telles qu'elles ressortent du premier tableau figurant au point 70 des conclusions de M. l'avocat général, ne représentent, par rapport aux quantités moyennes effectivement produites, que la part des quantités susceptibles d'être livrées aux laiteries. Cette part de lait livré constitue entre 95,51 % et 97,54 % du lait produit, le reste de la production étant destiné à nourrir les veaux, à l'autoconsommation et à d'autres fins.

110.
    Après avoir établi, sur le fondement de la quantité de lait livrée en moyenne par vache et par campagne, le nombre des vaches laitières que chaque requérant aurait dû détenir - nombre qui ressort du deuxième tableau figurant au point 70 des conclusions de M. l'avocat général - et après avoir reconstitué la taille totale de chaque troupeau enrespectant le besoin de son autorenouvellement, l'expert parvient à établir le nombre exact de vaches de réforme et de veaux susceptibles d'être vendus.

111.
    Sur la base du nombre de vaches de réforme et de veaux ainsi établi et des prix dont les parties sont convenues, l'expert parvient à des revenus qui sont, au total, de 255 980 NLG pour M. Mulder, 174 324 NLG pour M. Brinkhoff, 157 090 NLG pour M. Muskens et 228 641 NLG pour M. Twijnstra.

112.
    Tant les requérants que les institutions défenderesses critiquent ces résultats au motif notamment que l'expert a arrondi le nombre de vaches nécessaire à la production des quantités octroyées à l'unité supérieure au lieu de fonder ses calculs sur des «dixièmes de bêtes» correspondant à la quantité exacte de celles-ci nécessaire à la production. Le fait d'arrondir les chiffres pourrait, selon la Commission, entraîner la prise en compte de 5 000 ou 6 000 litres de lait surnuméraires et aboutir, selon les requérants, à des désavantages de plusieurs milliers de florins.

113.
    Cet argument tiré de la divergence entre la réalité de chacune des exploitations et les statistiques ne saurait être retenu. Sans vraiment contester le bien-fondé du procédé ayant consisté à arrondir le nombre de vaches à l'unité supérieure - ce qui conduit à comptabiliser une vache de plus par requérant et par campagne -, les parties s'opposent essentiellement quant aux désavantages qu'entraîne la surévaluation de la production de lait. Or, sans entrer dans les détails, il suffit de renvoyer aux points 137 à 139 du présent arrêt où il est précisé que l'expert a tenu compte de cette surévaluation dans le cadre des coûts variables, si bien que les quantités considérées comme relevant de la surproduction ne constituent ni un avantage ni un désavantage pour l'une ou l'autre des parties.

114.
    La Commission réitère en outre sa critique relative à la faible rentabilité des exploitations des requérants et reproche à l'expert d'avoir omis d'établir le niveau individuel de la rentabilité de chacune de celles-ci et de se prononcer sur les problèmes structurels qu'elles connaissent. Elle maintient notamment que, à l'exception de celle de M. Twijnstra, la rentabilité des autres exploitations se situe au-dessous de la rentabilité moyenne d'une exploitation comparable.

115.
    Les arguments de la Commission ne sauraient être retenus. S'agissant d'apprécier le développement d'une production hypothétique de lait, l'évolution de la productivité ne peut être reconstituée, en raison d'un manque total d'éléments propres à la situation de chaque requérant, qu'à l'aide de données statistiques reflétant la progression moyenne qui caractérise la même catégorie d'exploitations que celles des requérants dans les deux régions où elles se trouvent situées. Au surplus, la Commission n'invoque pas d'indices précis et circonstanciés permettant de conclure à une rentabilité plus faible.

116.
    Il ressort de ce qui précède que, puisque les parties ne contestent pas les données générales relatives à la composition du troupeau et ne s'opposent pas de façoncirconstanciée au mode d'établissement du nombre de vaches de réforme et de veaux propre à chaque exploitation, il y a lieu pour la Cour de faire siennes les évaluations de l'expert.

C - Sur les charges variables à déduire

1. Sur les coûts variables, à l'exception du coût d'une main-d'oeuvre extérieure

a) Sur les calculs présentés par les parties et par l'expert

117.
    Alors qu'elles sont convenues du principe de la déduction des coûts variables (voir point 69 du présent arrêt), les parties sont, en revanche, en désaccord sur plusieurs points, portant notamment sur le bien-fondé du calcul soit en fonction des quantités de référence attribuées, soit en fonction de la taille de chaque exploitation, sur certains éléments susceptibles de faire partie intégrante de ces coûts - tels que notamment le coût d'une main-d'oeuvre extérieure - et sur le calcul de certains éléments constitutifs des coûts variables - tels que les coûts afférents au fourrage.

118.
    Les résultats différents auxquels sont parvenues les parties - et qui sont relevés par M. l'avocat général au point 63 de ses conclusions - s'expliquent tout d'abord et surtout par le désaccord portant sur le besoin en nombre de vaches laitières nécessaire à la production des quantités de référence hypothétiques attribuées, alors qu'elles semblent au contraire d'accord sur le principe selon lequel le coût du fourrage, considéré comme l'élément le plus important des coûts variables, doit être déterminé en fonction précisément du nombre de vaches nécessaire pour produire les quantités de référence hypothétiques. Ainsi qu'il a été indiqué au point 106 du présent arrêt, le Conseil et la Commission privilégient l'importance du troupeau que chaque requérant détenait au début de la période de non-commercialisation, tandis que les requérants se fondent sur un nombre moins élevé de vaches en raison de l'évolution de la productivité par animal.

119.
    Les requérants critiquent également le mode de calcul de la Commission dans la mesure où celle-ci prend comme référence le montant des coûts variables par hectare. Selon les requérants, en mettant les coûts variables en relation avec la superficie des terres exploitées, la Commission supposerait à tort que les coûts variables par kg de lait croissent à mesure que la production par hectare décroît. Plus l'exploitation serait grande, moins sa taille aurait d'incidence sur le coût de la production totale.

120.
    En outre, les requérants contestent les frais occasionnés par l'alimentation de la volaille et des porcs. Sans nier la présence fréquente de ceux-ci, y compris dans des exploitations à orientation laitière hautement spécialisées, ils relèvent que les recettes en provenance de ces élevages dépassent les frais nécessaires pour nourrir ces animaux.

121.
    À la différence des chiffres invoqués par les parties, l'expert présente deux tableaux de calcul des coûts variables, fondés sur le différentiel de productivité qui caractérise les deux régions où sont situées les exploitations des requérants.

122.
    Les tableaux figurant dans le rapport d'expertise, que M. l'avocat général a reproduit au point 64 de ses conclusions, font apparaître, à la lumière des explications fournies par l'expert lors de l'audience, que les éléments constitutifs des coûts variables sont, d'une part, des valeurs statistiques indiquées en NLG par animal et, d'autre part, des éléments pris en compte par l'expert, exprimés en NLG par hectare, et qui proviennent des calculs effectués par ce dernier.

123.
    La première catégorie d'éléments est composée, comme le montrent les deux premiers postes des deux tableaux, du «fourrage» et des «autres coûts variables». Au nombre de la deuxième catégorie figurent les postes suivants: «énergie», «charges cultures», «produits cultures et autres», «sous-traitance», «location et entretien des machines», «entretien des bâtiments» et «nourriture des autres animaux».

124.
    C'est également en NLG par hectare que l'expert exprime le montant total qu'il retient au titre des coûts variables.

125.
    Eu égard au nombre et à l'importance des critiques soulevées par les parties à propos du calcul des coûts variables, il convient de les traiter séparément.

b) Sur la notion de coûts variables

126.
    Les requérants critiquent essentiellement la notion de coûts variables telle qu'elle est employée par l'expert. À l'instar de la méthode choisie par les institutions défenderesses dans le cadre du règlement n° 2187/93, ils caractérisent ces coûts en se référant aux définitions contenues dans l'annexe I de la décision 85/377/CEE de la Commission, du 7 juin 1985, portant établissement d'une typologie communautaire des exploitations agricoles (JO L 220, p. 1). Conformément à ladite décision, ils constatent, sur le fondement d'un rapport établi par le LEI, qu'aucune des rubriques mentionnées par l'expert ne satisfait exactement à la définition des coûts variables. Tel est notamment le cas des postes concernant les frais afférents à l'énergie, à l'entretien, à la sous-traitance et plus particulièrement encore aux charges pour «location et entretien des machines», pour lesquels les définitions desdits coûts ne seraient pas respectées. Dès lors, les requérants considèrent qu'il convient de se référer aux définitions des coûts variables admises par la décision 85/377.

127.
    Outre cette critique, ils jugent approprié de défalquer des revenus hypothétiques bruts non seulement des coûts variables tels que les frais d'engrais, mais aussi un certain nombre d'autres coûts non variables qui disparaissent avec la cessation de la production laitière. Au nombre de ces derniers figureraient les frais de «combustibles», de «location de machines», de «salaires», et ceux afférents à «l'eau et l'électricité» et au «matériel», ainsi qu'il ressort des tableaux A et B, également repris par M. l'avocat général au point 64 de ses conclusions.

128.
    En réponse aux critiques articulées par les requérants à propos de cette notion de coûts variables, l'expert a fait valoir, lors de l'audience, que les définitions divergentes deceux-ci n'ont pas de conséquences dans la mesure où les requérants proposent également de défalquer des revenus hypothétiques les mêmes éléments de frais indépendamment de la distinction qu'ils font entre «coûts variables» et «autres coûts non variables à défalquer».

c) Sur le coût du fourrage

129.
    Conformément à ce qui ressort des points 122 et 123 du présent arrêt, l'expert se contente d'indiquer les frais de fourrage par vache, en NLG, tels qu'ils résultent des statistiques propres à chaque région. À la différence des parties, il évite de calculer un montant total correspondant au coût du fourrage par campagne et par troupeau afin de ne pas être obligé de se fonder, pour un tel calcul, sur le nombre total de vaches qui constituent le troupeau nécessaire pour produire les quantités attribuées à chaque requérant. Les frais de fourrage, par tête d'animal, s'élèvent dès lors, pour la région septentrionale, à 1 391 NLG en 1984/1985, 1 398 NLG en 1985/1986, 1 319 NLG en 1986/1987, 1 129 NLG en 1987/1988, 1 142 NLG en 1988/1989 et, pour la région occidentale, à 1 622 NLG en 1984/1985, 1 589 NLG en 1985/1986, 1 517 NLG en 1986/1987, 1 286 NLG en 1987/1988 et 1 229 NLG en 1988/1989.

130.
    Étant donné que le grief des requérants touchant au manque de différenciation des données par région est, ainsi qu'il a été dit au point 80 du présent arrêt, devenu sans objet, il n'y a donc aucune raison de ne pas retenir ces chiffres comme équitables et raisonnables.

d) Sur les frais afférents au poste «location et entretien des machines»

131.
    Les requérants soutiennent que le poste «location et entretien des machines» est inexact. Ce poste comporte les charges relatives aux frais de l'outillage et de l'ensemble des installations telles que tracteurs, moissonneuses, étables, machines à traire et cuves réfrigérées.

132.
    Toutefois, ne saurait être retenue la critique que les requérants font du calcul desdites charges, même si les montants indiqués par eux et ceux retenus par l'expert à ce titre divergent considérablement.

133.
    Selon les explications que l'expert a fournies à l'audience, la différence de résultats ne s'explique pas par le fait que des éléments différents ont été retenus dans la constitution des coûts variables, mais elle provient du fait qu'il a intégré à ces éléments, contrairement aux sources employées par les requérants, les dépenses correspondant respectivement à des amortissements et à des frais liés au financement des machines. Il justifie cette méthode par la circonstance qu'il n'a retenu, dans le cadre du calcul des revenus alternatifs, aucun montant correspondant à un capital libéré au titre des machines et des installations.

134.
    Il y a lieu de constater que ce procédé d'évaluation des frais correspondant audit poste s'inscrit dans la logique de la méthode que l'expert a choisie pour déterminer le capitallibéré. Celle-ci repose, notamment, sur l'hypothèse que le capital libéré ne consiste que dans les montants nécessaires pour reconstituer le troupeau de vaches laitières lors de la reprise de la production. En revanche, il ressort de ses explications que la cessation de la production laitière a pour conséquence que les requérants réalisent des économies sur les frais de location et d'entretien des machines et des installations. Par conséquent, l'expert n'attache aucune valeur à celles-ci dans le cadre de l'estimation du capital libéré, mais en tient compte lors de l'évaluation des coûts variables.

135.
    Il ne peut être contesté que de telles appréciations économiques sont logiques et paraissent correspondre à la réalité économique des exploitations des requérants. D'ailleurs, elles ne font l'objet d'aucune critique circonstanciée de leur part.

e) Sur la prise en compte de la surproduction de lait

136.
    Tandis que les requérants soutiennent qu'ils ne sont pas en mesure d'accepter les charges pour «produits cultures et autres» retenues par l'expert, la Commission fait valoir qu'il convient de substituer au chiffre des «produits cultures et autres» non consommés au sein de l'exploitation celui relatif aux «coûts de production de ces cultures».

137.
    Selon l'expert, figurent à ce poste «produits cultures et autres» des montants par lesquels il essaie d'évaluer les effets économiques d'une certaine surévaluation de la production de lait. Celle-ci s'explique, ainsi qu'il ressort déjà du point 113 du présent arrêt, par le fait que l'expert a cru bon d'arrondir à l'unité supérieure le nombre de vaches nécessaire à la production des quantités de lait octroyées. Tandis que ce poste comprend, selon ses explications, les fourrages vendus, les excédents de lait par rapport aux quantités livrées et autoconsommées et d'éventuelles subventions dans le cadre de la réduction des quotas laitiers, le poste «nourriture des autres animaux» tente d'évaluer, de manière forfaitaire, le bénéfice que chaque requérant tire des quantités autoconsommées ainsi que du fourrage destiné à nourrir les autres animaux présents sur une exploitation à orientation laitière.

138.
    Les montants inscrits à ces deux postes viennent, selon l'expert, en déduction des coûts variables. En effet, selon ses propres indications, il y tient compte d'avantages économiques annexes et en rapport avec la production hypothétique de lait.

139.
    La déduction de ces montants des coûts variables paraît plausible à la lumière de ce que l'expert expose à propos de la différence entre les quantités de lait livrées et les quantités produites. Dans la mesure où les requérants bénéficient des avantages économiques qui trouvent leur source dans la production de lait excédant les quantités de référence hypothétiques - seules susceptibles de faire l'objet de l'indemnisation -, de tels avantages constituent en effet une valeur économique égale soit à un revenu hypothétique supplémentaire, soit à des dépenses économisées.

140.
    D'ailleurs, le poste «nourriture des autres animaux» ne saurait être contesté puisque les requérants admettent la présence d'autres animaux, notamment ceux de la basse-cour, même dans les exploitations hautement spécialisées dans la production de lait.

141.
    Dès lors, il n'existe aucune raison de nature à empêcher la prise en compte d'une telle diminution des charges afférentes à la production laitière.

f) Sur la double comptabilisation des frais d'insémination et d'autres frais

142.
    Les requérants ayant prétendu que les frais de semence, de plants et de produits phytosanitaires étaient pris en compte à deux reprises, une première fois en leur qualité d'«autres charges variables» et une seconde fois au titre de «charges de cultures», l'expert a expliqué à l'audience que le premier poste comprend les frais d'insémination, de soins de santé, de semences et de plants, de protection des plants et des litières, tandis que le second poste regroupe les dépenses d'engrais.

143.
    Cette explication est convaincante. Par voie de conséquence, les arguments des requérants relatifs à une double comptabilisation de certains postes, tels que les frais d'insémination, ne sauraient être accueillis.

g) Sur la critique relative aux surfaces prises en compte ou à prendre en compte

144.
    Dans la mesure où les requérants critiquent la prise en compte des coûts par hectare des plantes fourragères et des coûts par hectare des terres cultivées au motif que la surface par hectare de culture fourragère, seule à retenir, ne correspond pas à la surface totale des terrains cultivés, cette critique ne saurait être retenue. En effet, les requérants ne précisent pas, de manière circonstanciée, dans quelle mesure cette différence de culture est susceptible d'avoir des incidences sur les résultats auxquels l'expert est parvenu.

145.
    La Commission estime que l'absence d'indication du nombre d'hectares par catégorie de culture détenus par chaque requérant est susceptible d'exercer une influence sur la détermination des coûts variables, sans préciser toutefois, de manière circonstanciée, l'importance d'un tel impact.

146.
    D'emblée, il convient de constater par voie de conséquence que cette critique ne saurait être retenue.

h) Sur la rentabilité individuelle

147.
    Pour autant que soit pertinente, dans le contexte des coûts variables, la critique de la Commission selon laquelle l'expert a omis d'examiner la rentabilité individuelle de chaque exploitation, il suffit à cet égard de renvoyer à ce qui a été dit aux points 114 à 116 du présent arrêt.

148.
    Il résulte de toutes les considérations qui précèdent que les explications qu'a fournies l'expert pour déterminer les montants des coûts variables paraissent raisonnables et équitables, notamment en ce qui concerne le mode de calcul de ceux-ci qui diffère de celui utilisé par les parties. Partant, il convient de retenir les chiffres de l'expert alors surtout que les requérants n'apportent aucune critique déterminante à l'encontre d'un tel mode de calcul et n'invoquent aucun argument ou moyen susceptible d'invalider la méthode de l'expert.

149.
    Ainsi, les coûts variables totaux qu'auraient dû supporter les requérants, selon le cours normal des choses, s'élèvent à 756 323 NLG pour M. Mulder, 607 116 NLG pour M. Brinkhoff, 574 588 NLG pour M. Muskens et 773 196 NLG pour M. Twijnstra.

2. Sur le coût d'une main-d'oeuvre extérieure

150.
    Les parties sont en désaccord sur le bien-fondé et l'importance des coûts afférents à l'emploi d'ouvriers salariés. Il est constant que ne sont pas concernés par ce point litigieux les coûts relatifs à la sous-traitance de certains travaux saisonniers et à temps limité.

151.
    La Commission soutient qu'il est nécessaire de retenir, au titre des coûts apparentés aux coûts variables, des coûts de production qui trouvent leur origine dans le fait qu'un certain nombre d'heures de travail auraient été effectuées par des ouvriers salariés. Elle prend en compte à ce titre, par requérant et par campagne, les montants auxquels M. l'avocat général se réfère au point 74 de ses conclusions. Les chiffres reposeraient sur un temps de travail de 60 heures annuelles par vache, multiplié par le nombre de vaches présentes sur chaque exploitation au début de la période de non-commercialisation; de ce nombre total d'heures consacrées au troupeau, elle déduit 2 496 heures que le propriétaire est censé effectuer lui-même, les heures restantes correspondant aux heures de travail des ouvriers salariés.

152.
    Les requérants affirment qu'ils n'ont jamais eu recours à des ouvriers salariés. Ils contestent le principe de la prise en compte du coût d'une main-d'oeuvre extérieure au motif notamment que le recours au personnel salarié des exploitations agricoles des Pays-Bas ne dépasserait pas, en temps normal, le seuil de 4 % du total de la main-d'oeuvre occupée sur l'exploitation. Ils font valoir à cet égard que la Commission elle-même n'a retenu de tels coûts salariaux ni dans sa décision 85/377 ni dans sa proposition de règlement (CEE) du Conseil, du 13 mai 1993, prévoyant l'offre d'une indemnisation à certains producteurs de lait ou de produits laitiers qui ont été empêchés temporairement d'exercer leur activité [COM(93) 161 final, JO C 157, p. 11], laquelle est devenue, après quelques modifications apportées par le Conseil, le règlement n° 2187/93.

153.
    Lors de l'audition du 20 mai 1996, les requérants ont accepté le chiffre de 60 heures de travail par vache et par an que la Commission a proposé de retenir.

154.
    À la différence notamment de la Commission, l'expert estime que, pour établir le nombre d'heures dont dispose le titulaire d'une quantité de référence hypothétique, il faut prendre en compte non seulement le travail effectué directement par l'exploitant lui-même, mais également celui des membres de sa famille. En s'appuyant sur les statistiques en provenance du LEI, il prend comme base de calcul les 2 496 heures de travail par an (soit 312 jours à raison de 8 heures par jour) consacrées par l'exploitant lui-même à son exploitation, auxquelles s'ajoute, selon ses indications, un temps de travail réalisé par les membres de sa famille qu'il faut évaluer à 80 % du travail de l'exploitant. Ainsi, au total, l'exploitant et sa famille disposeraient-ils de 4 492 heures de travail par an.

155.
    Le recours à une main-d'oeuvre extérieure ne deviendrait nécessaire, selon l'expert, que lorsque l'exploitation requiert un besoin en heures de travail supérieur à ces 4 492 heures accomplies par l'exploitant et sa famille. Le besoin en heures de travail que réclame chaque exploitation s'établirait en fonction de la taille du troupeau.

156.
    Dans ces conditions, après avoir évalué, au moyen d'une soi-disant unité standard de production, le temps de travail nécessaire par vache et par an, l'expert constate un besoin en main-d'oeuvre extérieure uniquement dans le cas de l'exploitation de M. Twijnstra et seulement pour la campagne 1985/1986, besoin qui s'élève, ainsi qu'il ressort du tableau reproduit par M. l'avocat général au point 75 de ses conclusions, à 1,35 NLG par 100 kg de lait livré.

157.
    Si les requérants expriment leur accord avec le résultat auquel aboutit l'expert en incluant dans son évaluation les membres de la famille, ils réitèrent, cependant, leurs critiques en contestant, de manière circonstanciée, tout recours à une main-d'oeuvre extérieure et toute collaboration des membres de leur famille. Le nombre d'heures de travail par vache dépendrait plus de la taille et du fonctionnement de l'exploitation que de la région où celle-ci est située. En outre, il serait loisible à un exploitant d'effectuer plus d'heures de travail que ne l'indique l'expert.

158.
    La Commission se prévaut du compromis trouvé lors de l'audition du 20 mai 1996 selon lequel MM. Mulder et Twijnstra ont effectué 60 heures de travail par vache et par an et MM. Brinkhoff et Muskens 65 heures.

159.
    Il y a lieu de relever que l'approche statistique choisie par l'expert s'appuie sur l'hypothèse selon laquelle, pendant la période en cause, des membres de la famille des requérants auraient collaboré aux tâches liées à la production de lait. Cette collaboration supposée aurait permis à ces derniers, à l'exception d'une seule campagne laitière pour M. Twijnstra, de renoncer à l'embauche d'ouvriers salariés.

160.
    Selon le raisonnement de l'expert, cette hypothèse doit avoir comme conséquence, en ce qui concerne les revenus alternatifs, que le revenu que les membres de la famille sont censés avoir tiré d'autres occupations rémunérées pendant la période d'interruption de la production laitière viendrait impérativement s'ajouter aux revenus alternatifs dechaque requérant. Selon lui, si tel n'était pas le cas, l'approche économique ne serait pas cohérente.

161.
    Lors de l'audience, l'expert n'a pas contredit les conclusions des requérants selon lesquelles sa méthode fondée sur des données statistiques relatives à l'emploi d'une main-d'oeuvre extérieure n'exclut pas qu'ils aient pu produire les quantités retenues en leur faveur sans recourir à une telle main-d'oeuvre. L'expert n'a pas non plus réfuté les affirmations selon lesquelles les requérants n'ont en réalité jamais employé d'ouvriers salariés et les résultats auxquels l'expertise aboutit n'indiquent qu'une moyenne et ne sont pas de nature à donner une exacte représentation de la situation propre à chacun d'eux.

162.
    Néanmoins, de telles affirmations ne sont pas non plus dénuées de toute équivoque. En effet, les requérants estiment que leur besoin en heures de travail par vache et par an est plus grand que ne l'indique l'expert, tout en affirmant en même temps qu'ils sont en mesure d'accomplir seuls une charge de travail supérieure, sans recourir à la collaboration des membres de leur famille ni à celle d'ouvriers salariés.

163.
    À cet égard, il y a lieu de constater que les résultats auxquels parvient l'expert en application des valeurs statistiques ne permettent ni de présumer l'existence d'une main-d'oeuvre extérieure ni d'écarter l'affirmation des requérants selon laquelle ils n'auraient pas bénéficié de la collaboration des membres de leur famille. Cependant, le recours aux valeurs statistiques n'ayant pas nécessairement pour conséquence que les circonstances réelles caractérisant les activités professionnelles des requérants soient ignorées, il y aurait donc lieu de tenir compte de ces dernières.

164.
    Toutefois, ainsi que le relève M. l'avocat général au point 77 de ses conclusions, la Commission, appelée, d'une part, à justifier la nécessité d'inclure, dans les coûts variables, le coût d'une main-d'oeuvre extérieure et à en établir le volume et, d'autre part, à démontrer que les requérants ont effectivement eu recours à des ouvriers salariés, n'invoque aucun argument pour justifier une prise en compte des coûts du travail extérieur et ne se prévaut d'aucun indice concret permettant de conclure à l'emploi d'ouvriers salariés. Au demeurant, il y a lieu de rappeler que la Commission elle-même a renoncé à tenir compte de cet élément de calcul lors de sa proposition de règlement.

165.
    Dans ces conditions, les affirmations des requérants selon lesquelles ils n'ont jamais eu d'ouvriers salariés n'étant ni infirmées par une approche statistique ni réfutées par l'argumentation de la Commission, il y a lieu pour la Cour d'exclure des coûts variables les charges correspondant à l'emploi d'ouvriers salariés.

166.
    Par voie de conséquence, il convient de ne défalquer des revenus hypothétiques que les coûts variables tels que fixés au point 149 du présent arrêt.

D - Sur les revenus alternatifs

1. Sur la pertinence des revenus alternatifs moyens et des revenus alternatifs réels

167.
    En principe, ainsi que le relève M. l'avocat général au point 79 de ses conclusions, les revenus alternatifs sont des revenus réels en provenance d'activités effectivement exercées. Il convient donc de tenir compte de toutes les sommes que les requérants ont réellement perçues à ce titre, notamment en raison du fait que seul le dommage réellement subi doit être réparé.

168.
    Toutefois, en vertu du principe général, rappelé au point 33 de l'arrêt interlocutoire, selon lequel toute personne lésée doit faire preuve d'une diligence raisonnable pour limiter la portée du préjudice, le revenu alternatif englobe celui qu'un requérant aurait pu réaliser s'il s'était raisonnablement engagé dans des activités de remplacement. Ce principe conduit à ce que, en toute hypothèse, les revenus alternatifs moyens soient pertinents pour autant que les revenus réels ne soient pas supérieurs.

169.
    Les requérants ne contestent pas qu'ils s'appuient eux-mêmes essentiellement sur des valeurs statistiques pour établir leurs revenus alternatifs et, dans la mesure où ils présentent des données et chiffres tirés d'activités réellement exercées, ceux-ci sont incomplets et peu circonstanciés.

170.
    Il résulte de ces considérations qu'il y a lieu d'établir, dans un premier temps, les revenus alternatifs moyens que les requérants auraient dû réaliser grâce aux différents facteurs de production pour les comparer ensuite avec les montants qu'ils prétendent avoir tirés des activités qu'ils ont réellement exercées. Afin d'éviter le risque évoqué tant par les institutions défenderesses que par l'expert de fausser les éléments de cette comparaison, ce sont les montants totaux valables pour toute la période pertinente aux fins de l'indemnisation qui doivent être mis en balance et non pas les montants respectifs par campagne.

2. Sur le revenu tiré du capital libéré

171.
    Tout d'abord, les requérants contestent le principe selon lequel des intérêts sont considérés comme un revenu tiré d'un capital hypothétique. Selon eux, le capital tiré de la vente des vaches aurait été réinvesti dans des activités de substitution. En tout cas, d'un point de vue plus général, les intérêts ne sauraient être retenus que lorsqu'ils sont également considérés comme tels dans le cadre du revenu hypothétique.

172.
    Ensuite, les parties n'ont pu convenir ni des montants totaux à retenir au titre de la valeur du capital libéré ni des éléments constitutifs de celui-ci. Les débats font notamment apparaître qu'elles sont en désaccord sur le prix des vaches, sur le bien-fondé de la prise en compte de certains autres éléments constitutifs du capital libéré ainsi que sur les taux d'intérêts applicables au capital retenu.

173.
    Le Conseil et la Commission évaluent le revenu que chaque requérant aurait pu tirer du capital libéré à la cessation de l'activité laitière à 6 700 NLG par vache. Ce montant se compose, selon les précisions apportées par la Commission, de 3 800 NLG pour lecapital afférent aux étables, aux silos et au matériel agricole, de 1 100 NLG pour le capital représentant les machines à traire et les installations frigorifiques et de 1 800 NLG au titre du prix d'une vache laitière.

174.
    La Commission ajoute que ce capital de 6 700 NLG par vache, libéré au moment de l'interruption de la production laitière, doit rester disponible jusqu'à la reprise de celle-ci et peut rapporter, au cours de cette période, des intérêts à un taux de 5,5 %. Dans ces conditions, le revenu serait de 368,50 NLG par vache et par an.

175.
    En revanche, les requérants estiment dans un premier temps que la valeur comptable d'une vache laitière s'élève en moyenne à 3 100 NLG. Toutefois, la valeur d'abattage d'une telle vache, qu'ils jugent plus appropriée pour la détermination des revenus alternatifs, serait de 1 630 NLG à la fin des années 70. En convertissant cette valeur en production manquée par kg de lait, sur la base d'intérêts calculés au taux de 5,5 % l'an et d'une productivité de 5 500 kg de lait par vache et par an, ils parviennent à un montant de 1,63 NLG par 100 kg. Selon eux, le revenu tiré du capital libéré ne devrait en aucun cas dépasser 3,10 NLG par 100 kg de lait.

176.
    Enfin, à l'encontre des éléments qui, selon les institutions défenderesses, sont constitutifs du capital libéré, les requérants soulèvent trois critiques, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général aux points 87 à 89 de ses conclusions. En premier lieu, ils n'acceptent pas la prise en compte d'un capital libéré représentatif des moyens de production, tels que les étables, les machines à traire et les installations frigorifiques; en deuxième lieu, ils soutiennent que la valeur marchande d'une vache vendue au début de leur engagement de non-commercialisation était beaucoup moins élevée que la valeur admise par la Commission; en troisième lieu, ils refusent les taux d'intérêt pris en considération pour le calcul des revenus du capital libéré.

177.
    S'agissant des moyens de production, les requérants font valoir que, contrairement à ce que la Commission estime, ils ont dû entretenir les installations, notamment en vue d'autres activités, et n'en ont tiré aucun revenu. Dans l'hypothèse d'une vente du matériel, la valeur marchande de celui-ci aurait été minime.

178.
    La Commission rétorque qu'elle a prévu une réutilisation des moyens de production à d'autres fins économiques en ne retenant que 50 % des coûts d'entretien.

179.
    En ce qui concerne la valeur d'une vache, les requérants ont recours, selon leurs propres affirmations, au prix payé à l'époque à laquelle a commencé leur période de non-commercialisation. À propos de la différence entre le chiffre de 3 100 NLG retenu par les requérants et celui de 6 700 NLG de la Commission, cette dernière rappelle que ce montant inclut les coûts, par vache, de la production du lait. En ce qui concerne la valeur de l'animal à l'abattage, la Commission constate que la différence entre le chiffre des requérants, qui est de 1 630 NLG par vache, et celui qu'elle retient, qui s'élève à 1 800 NLG, est relativement insignifiante.

180.
    Quant à l'évaluation de l'expert, sur la base d'un capital libéré de 2 358 NLG par vache, du nombre de vaches nécessaire lors de la reprise envisagée en 1984 ou en 1985 et des taux de rapport de ce capital, diminués des taux de l'inflation ou augmentés de ceux de la déflation, elle aboutit aux revenus qui figurent au tableau reproduit par M. l'avocat général au point 91 de ses conclusions.

181.
    Pour expliciter ces chiffres, l'expert rappelle les raisons économiques qui l'ont amené à retenir uniquement le capital en provenance de la vente des vaches. Selon ses explications, l'exploitant doit avoir économisé, par le biais des amortissements comptables et de la vente du troupeau, lors de l'arrêt de la production, le montant nécessaire à la reconstitution de celui-ci. Par conséquent, l'expert se fonde - pour évaluer le capital nécessaire - sur une valeur composée, d'une part, du capital que l'exploitant a obtenu de la vente des vaches et, d'autre part, des amortissements cumulés à la date de l'arrêt de la production, valeur qui correspond au coût d'acquisition des vaches laitières à la même date.

182.
    L'expert ne retient pas le même prix par vache que la Commission au motif que l'exploitant, pour redémarrer la production laitière, doit investir dans un troupeau composé de 25 % de vaches de 1re lactation, 25 % de vaches de 2e lactation, 25 % de vaches de 3e lactation et 25 % de vaches de 4e lactation. En tenant compte d'une telle composition du troupeau, ses calculs aboutissent à un prix d'acquisition moyen par vache de 2 358 NLG.

183.
    La Commission rétorque qu'une telle composition du troupeau est inadéquate; elle considère que l'expert aurait dû tenir compte, à côté du nombre de vaches laitières, du nombre de génisses de plus de deux ans et du nombre de celles de moins de deux ans; elle indique un prix de 2 390 NLG pour une vache laitière et de 2 265 NLG pour une génisse de plus de deux ans.

184.
    Il y a lieu de rappeler que, dans le calcul de l'expert, les deux autres éléments sur lesquels la Commission fonde son calcul - à savoir les machines à traire et les installations frigorifiques, d'une part, les étables et les silos, d'autre part - soit font partie des coûts variables, comme les dépenses correspondant respectivement à des amortissements et à des frais liés au financement des machines et des installations ou aux charges de location de celles-ci (voir point 133 du présent arrêt), soit sont incorporés dans les revenus tirés des terres libérées, comme les étables et les silos.

185.
    Le taux de rémunération que l'expert applique à la valeur retenue par vache est le taux offert par les caisses d'épargne locales, diminué du taux de l'inflation.

186.
    La Commission n'accepte pas que les taux d'intérêt applicables aux capitaux libérés soient diminués du taux de l'inflation.

187.
    Il convient de relever que le mode de calcul employé par l'expert paraît raisonnable et convaincant, à l'exception toutefois de la déduction du taux de l'inflation.

188.
    D'une part, les précisions que l'expert a apportées lors de l'audience font apparaître que la prise en compte des seules vaches qui font partie du troupeau au moment de la cessation de la production n'est pas, par elle-même, de nature à fausser le calcul du capital tiré de la vente des vaches. En effet, pour reconstituer ledit troupeau au moment de la reprise de la production, ne sont prises en compte que les seules vaches nécessaires à la production du quota laitier attribué. Or, compte tenu de l'évolution de la productivité, le nombre de ces dernières est moins élevé que celui des vaches vendues au moment de l'arrêt de la production laitière.

189.
    D'autre part, ne saurait davantage être retenue la critique de la Commission à propos des différentes catégories de vaches à intégrer dans la composition du troupeau dès lors que, selon les déclarations faites lors de l'audience, ces catégories ont été prises en compte.

190.
    En revanche, sa critique qui porte sur la déduction du taux de l'inflation des taux d'intérêt doit être admise, ainsi que le relève M. l'avocat général au point 94 de ses conclusions. Étant donné la constance de la valeur nominale de la monnaie et l'augmentation des prix à la consommation, le revenu du capital diminue en fonction de la baisse du pouvoir d'achat de la monnaie. Pour contrecarrer cette baisse au détriment du détenteur du capital, le taux d'intérêt, constituant en quelque sorte le revenu de celui-ci, doit en tenir compte. Si tel n'était pas le cas, les pertes dues à l'inflation seraient à la charge des créanciers de l'indemnisation, c'est-à-dire à la charge des requérants.

191.
    Compte tenu des considérations qui précèdent et en application des taux retenus par l'expert avant déduction du taux de l'inflation, à savoir 7,65 % pour 1984/1985, 6,46 % pour 1985/1986, 6,36 % pour 1986/1987, 5,97 % pour 1987/1988 et 7,4 % pour 1988/1989, il y a lieu d'évaluer le revenu total que M. Mulder aurait tiré du capital libéré à 49 370 NLG, celui de M. Brinkhoff à 40 596 NLG, celui de M. Muskens à 37 499 NLG et celui de M. Twijnstra à 47 179 NLG.

3. Sur le revenu tiré des terres libérées

192.
    Les requérants soutiennent qu'ils n'ont pas donné en location leurs terres pendant l'interruption de la production laitière et expriment dès lors une opposition de principe à la méthode de la Commission consistant à déterminer cette catégorie de revenu sur la base d'un fermage moyen par hectare d'un fonds agricole situé dans les régions où sont établies les exploitations respectives.

193.
    Néanmoins, après l'audition du 20 mai 1996, les requérants ne contestent plus les prix du fermage à l'hectare retenus par la Commission - à savoir 435 NLG pour la campagne 1984/1985, 443 NLG pour la campagne 1985/1986, 468 NLG pour la campagne 1986/1987, 490 NLG pour la campagne 1987/1988 et 478 NLG pour la campagne 1988/1989, ces prix étant calculés sur la base du fermage moyen par hectare d'un fonds agricole situé dans la région où est établie l'exploitation concernée.

194.
    Malgré l'accord sur les prix du fermage, l'expert renonce à les utiliser tels quels au motif que ces prix excluent la location des bâtiments. Ce dernier, en majorant le prix du fermage par la valeur locative des bâtiments, obtient les prix du fermage suivants par hectare, à savoir, pour la région septentrionale: 642 NLG en 1984/1985, 653 NLG en 1985/1986, 659 NLG en 1986/1987, 699 NLG en 1987/1988 et 685 NLG en 1988/1989 et, pour la région occidentale: 538 NLG en 1984/1985, 558 NLG en 1985/1986, 528 NLG en 1986/1987, 529 NLG en 1987/1988 et 577 NLG en 1988/1989.

195.
    Selon l'expert, les bâtiments libérés pendant l'interruption de la production ne constituent pas un capital disponible, mais ils pourront être donnés en location avec les terres libérées. Par conséquent, il conviendrait d'intégrer la valeur des bâtiments dans le revenu de substitution provenant des terres libérées en retenant le montant moyen du fermage des terres, y compris les bâtiments.

196.
    Pour calculer ensuite le montant total du revenu tiré de la location des terres, bâtiments y afférents inclus, l'expert a multiplié le prix du fermage par le nombre d'hectares dont chaque requérant aurait eu besoin pour produire les quantités hypothétiquement attribuées, lequel varie, selon ses propres explications, de campagne en campagne en fonction du nombre de vaches nécessaire à la production laitière.

197.
    Les institutions défenderesses considèrent cette valeur représentant les bâtiments comme appartenant au revenu tiré du capital, ainsi qu'il a été dit au point 173 du présent arrêt. En outre, la Commission argue de l'origine incertaine de ces prix relatifs au fermage des terres et des bâtiments. Les requérants font valoir que la méthode retenue par l'expert les aurait contraints à chercher des logements alternatifs, ce qui aurait entraîné des frais qui devraient venir en déduction des revenus tirés des terres libérées.

198.
    Il est évident et il n'est au demeurant pas contesté par les parties que les bâtiments libérés par l'interruption de la production laitière ont pu et dû servir dans le cadre des activités alternatives. Leur réutilisation constitue une plus-value dont il faut tenir compte pour établir les revenus alternatifs moyens. Tandis que la Commission estime qu'il convient de tenir compte de cette plus-value dans le calcul du capital libéré, l'expert la prend en compte en tant qu'élément du revenu tiré du facteur terre et justifie les raisons économiques de cette méthode de manière convaincante. Aucun élément n'étant susceptible d'infirmer celle-ci, il y a lieu dès lors de l'admettre.

199.
    S'agissant du calcul des montants totaux des revenus tirés de la location des terres et des bâtiments, il y a lieu de constater que la modulation des surfaces par campagne en fonction des besoins en vaches n'a pas conduit l'expert à préciser le nombre d'hectares par requérant et par campagne qu'il juge lui-même nécessaire. Il ressort seulement du tableau afférent auxdits revenus, qui est reproduit par M. l'avocat général au point 95 de ses conclusions, qu'il se réfère à une surface moyenne par requérant qui s'élève pour M. Mulder à 42 ha, pour MM. Brinkhoff et Muskens à 24 ha chacun et pour M. Twijnstra à 54 ha.

200.
    Or, les indications que fournissent les requérants dans leurs «schadereports» annexés à leur réplique semblent - à l'exception du cas de M. Twijnstra - correspondre davantage à la réalité, d'autant plus que le nombre de vaches laitières que les requérants considèrent comme nécessaire dans ce contexte est approximativement celui indiqué par l'expert. Dès lors, il paraît plus équitable, ainsi que le fait M. l'avocat général à la note 22 de ses conclusions, de prendre en compte les surfaces suivantes, à savoir: pour M. Mulder, 46 ha en 1984, 43,5 ha en 1985, 41,5 ha en 1986, 38 ha en 1987 et 36 ha en 1988; pour M. Brinkhoff, 27 ha en 1984, 1985 et 1986, 25 ha en 1987 et 23 ha en 1988; pour M. Muskens, 29 ha en 1984, 28 ha en 1985, 26,5 ha en 1986, 24,5 ha en 1987 et 23,5 ha en 1988, et pour M. Twijnstra, 54 ha de 1984 à 1988.

201.
    S'agissant de la catégorie des revenus tirés des terres libérées, eu égard aux corrections qui s'imposent en ce qui concerne les surfaces telles que précisées au point précédent, aucun élément du dossier ne permet de mettre en doute les résultats auxquels parvient l'expert. Dans ces conditions, il y a lieu d'évaluer le montant total du revenu alternatif tiré des terres libérées à 103 796 NLG pour M. Mulder, 80 746 NLG pour M. Brinkhoff, 61 692 NLG pour M. Muskens et 110 764 NLG pour M. Twijnstra.

4. Sur le revenu tiré du temps de travail libéré

202.
    La Commission considère et les requérants ne contestent pas que le revenu découlant du temps de travail libéré par la cessation de la production laitière est celui que l'exploitant seul aurait pu gagner en exerçant une ou plusieurs autres activités. En revanche, ne sont pas compris dans son calcul les membres de la famille de l'exploitant.

203.
    Quant aux modalités de détermination de ce revenu, la Commission se fonde, comme pour le calcul du coût d'une main-d'oeuvre extérieure, sur un temps de travail annuel de 2 496 heures. Ce chiffre est ensuite multiplié par le salaire horaire moyen des travailleurs agricoles par campagne, à savoir: 14,80 NLG pour 1984/1985, 15,14 NLG pour 1985/1986, 15,46 NLG pour 1986/1987, 15,62 NLG pour 1987/1988 et 15,88 NLG pour 1988/1989. En divisant le résultat de cette opération par la quantité de référence attribuée à chaque requérant et après avoir multiplié le résultat ainsi obtenu par 100, la Commission parvient à un salaire exprimé en NLG par 100 kg de lait.

204.
    Lors de l'audition du 20 mai 1996, les requérants ont accepté les chiffres et les calculs présentés par la Commission. Néanmoins, ils ont fait valoir leur situation réelle telle que décrite dans leur mémoire introduit après le prononcé de l'arrêt interlocutoire.

205.
    S'agissant du revenu hypothétique que l'exploitant gagne seul, l'expert retient le même nombre d'heures de travail annuelles et le même salaire horaire moyen que ceux indiqués au point 203 et dont sont convenues les parties.

206.
    En revanche, il estime qu'il est nécessaire de retenir, en sus du revenu alternatif que l'exploitant gagne seul en consacrant son temps de travail libéré à d'autres activités, les revenus que les membres de la famille perçoivent en exerçant d'autres activités. Il rappelle que l'absence d'une prise en compte des heures effectuées par la famille au niveau des charges variables ne peut se justifier qu'à la condition seulement que ces heures soient incluses dans le calcul des revenus de substitution.

207.
    Il convient de constater que cette méthode qui conduit à prendre en compte, lors du calcul du manque à gagner, la valeur d'une collaboration des membres de la famille de l'exploitant ne saurait convaincre. Par voie de conséquence, dans le revenu tiré du temps de travail libéré ne saurait être inclus un montant correspondant à un éventuel revenu alternatif perçu par des membres de la famille.

208.
    Ainsi que le relève M. l'avocat général au point 99 de ses conclusions, il n'est pas établi que les requérants auraient pu bénéficier d'une collaboration substantielle de la part des membres de leur famille. Cette constatation n'est nullement infirmée par les informations circonstanciées et non contestées que fournissent les requérants sur leur situation familiale en réponse au rapport d'expertise, même si, selon ces informations, il ne peut être exclu que l'un ou l'autre d'entre eux aurait pu compter, à certaines périodes données, sur des membres de sa famille susceptibles de collaborer dans une certaine mesure aux activités agricoles.

209.
    À supposer que les membres de la famille d'un exploitant agricole aient en réalité l'habitude de se charger de certaines tâches et de prêter la main à certaines activités, rien ne permet de croire que cette collaboration prenne la forme d'une véritable occupation ou qu'elle se poursuive de la même façon lorsque l'exploitant se consacre à d'autres activités ou modifie le mode d'exploitation de ses terres.

210.
    Par ailleurs, lorsque les membres de la famille exercent une activité alternative en dehors de l'exploitation agricole, il ne saurait être présumé qu'ils fassent bénéficier l'exploitant du revenu qu'ils ont perçu à titre personnel. Il leur est au contraire loisible de disposer librement des fruits d'une telle activité.

211.
    Au surplus, dans l'hypothèse où les membres de la famille décideraient de leur plein gré de mettre leurs revenus à la disposition de l'exploitant et de contribuer ainsi au revenu de la famille, ce choix serait strictement personnel et ne saurait avoir d'incidence sur la constatation selon laquelle les revenus éventuels des membres de la famille ne sauraient entrer dans le calcul du manque à gagner.

212.
    Au vu des considérations qui précèdent, il convient de modifier le tableau de l'expert, reproduit par M. l'avocat général à la fin du point 97 de ses conclusions, afin de ne tenir compte que du temps de travail des seuls requérants.

213.
    En ne retenant - conformément à l'accord des parties - que le seul revenu alternatif que les requérants eux-mêmes ont tiré de leur temps de travail libéré, il convientd'évaluer ce revenu à 144 591 NLG pour M. Mulder, 158 532 NLG pour M. Brinkhoff, 160 575 NLG pour M. Muskens et 117 680 NLG pour M. Twijnstra.

E - Sur les intérêts compensatoires

214.
    L'analyse des différentes conclusions, aux points 41 à 45 du présent arrêt, a fait apparaître que les requérants sollicitent des intérêts compensatoires pour la période antérieure à la date du prononcé de l'arrêt interlocutoire. Ces intérêts sont destinés à réparer leurs pertes résultant, d'une part, de l'érosion monétaire depuis l'apparition des dommages et, d'autre part, de l'indisponibilité des bénéfices qu'ils étaient susceptibles de tirer, selon le cours normal des choses, de l'activité laitière. À ce titre, ils soutiennent que ces intérêts doivent être calculés, à compter de la date de la survenance du préjudice, conformément aux taux des emprunts d'État néerlandais, à savoir: 7,91 % pour la campagne 1984/1985, 7,08 % pour la campagne 1985/1986, 6,36 % pour la campagne 1986/1987, 6,30 % pour la campagne 1987/1988, 6,39 % pour la campagne 1988/1989, 7,66 % pour la campagne 1989/1990, 8,94 % pour la campagne 1990/1991 et 8,63 % pour la campagne 1991/1992.

215.
    S'agissant de la réparation des pertes causées par l'érosion monétaire, il suffit de renvoyer au point 51 du présent arrêt ainsi qu'au point 40 de l'arrêt Grifoni/CEEA, précité, et de constater le bien-fondé de ce chef des conclusions.

216.
    En ce qui concerne les dommages causés par l'indisponibilité des bénéfices tirés de la production laitière, il convient de se référer, ainsi que le fait à juste titre M. l'avocat général au point 105 de ses conclusions, au principe, commun aux États membres, de la reconstitution intégrale du patrimoine lésé, également rappelé au point 40 de l'arrêt Grifoni/CEEA, précité. En application de ce principe, seul le dommage réellement subi est susceptible de réparation.

217.
    Or, les requérants se contentent d'alléguer à cet égard qu'ils auraient placé les bénéfices provenant de leur activité de production laitière sur un compte en banque. En revanche, l'expert, suivi dans sa démarche par M. l'avocat général, a déclaré lors de l'audience que les revenus tirés de l'activité laitière - ainsi d'ailleurs que les revenus de substitution - sont des revenus destinés à la consommation et non pas des revenus susceptibles de faire l'objet d'un placement bancaire.

218.
    À la lumière tant des déclarations de l'expert que des conclusions de M. l'avocat général, il convient à l'évidence d'admettre que les revenus que les requérants auraient tirés d'une activité de production laitière auraient été destinés à pourvoir essentiellement à leurs besoins quotidiens et à ceux de leur famille. Les requérants ne produisent aucun indice permettant de réfuter une telle analyse.

219.
    À cet égard, même s'il ne peut être totalement exclu qu'une partie, même minime, des revenus soit disponible pour un placement en banque ou pour une autre forme d'économie, il ne saurait en être tenu compte dès lors que les requérants, auxquelsincombe la charge de la preuve en la matière, n'ont pas fourni d'indices circonstanciés à ce sujet.

220.
    Il résulte des considérations qui précèdent que les requérants sont en droit de prétendre aux intérêts correspondant au taux de l'inflation pour la période allant de la date de la survenance du préjudice jusqu'à celle du prononcé de l'arrêt interlocutoire. Audit point 105 de ses conclusions, M. l'avocat général relève que, pour les années allant de 1984 jusqu'à 1992, ce taux a été, en moyenne, de 1,85 % selon les données Eurostat. Ce taux correspond à celui que l'on peut inférer des indications de l'expert.

221.
    En outre, il apparaît aussi raisonnable et économiquement approprié que - pour pallier le préjudice causé par l'érosion monétaire - l'indemnité totale à laquelle peuvent prétendre les requérants soit assortie d'intérêts au taux annuel de 1,85 % à compter de la date à laquelle chacun d'eux aurait pu, selon le cours normal des choses, recommencer la production de lait jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt interlocutoire.

F - Sur les indemnités individuelles

222.
    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de dresser le compte individuel du manque à gagner de chaque requérant et, ce faisant, il convient de moduler l'appréciation des revenus alternatifs moyens par une analyse des revenus alternatifs réels, étant donné que ceux-ci sont seuls pertinents dans l'hypothèse où ils excèdent les revenus moyens.

1. Sur l'indemnité due à M. Mulder

223.
    S'agissant de M. Mulder, les prix qu'il convient de retenir sont ceux pratiqués par la laiterie Twee Provinciën à laquelle il effectue ses livraisons. Ces prix s'élèvent, par 100 kg de lait, à 77,87 NLG pour 1984, 78,97 NLG pour 1985, 78,77 NLG pour 1986, 80,55 NLG pour 1987, 85,63 NLG pour 1988 et 84,35 NLG pour 1989. Compte tenu de ces données, le revenu total que M. Mulder aurait tiré de la livraison hypothétique de lait doit être fixé, conformément au calcul de l'expert, à 1 353 918 NLG (voir point 97 du présent arrêt).

224.
    La vente des vaches de réforme et des veaux lui aurait rapporté, ainsi qu'il a été dit au point 111 du présent arrêt, la somme totale de 255 980 NLG qui correspond à celle que l'expert a arrêtée.

225.
    Viennent en déduction des sommes susdites les coûts variables qui correspondent, conformément à ce qui a été dit au point 149 du présent arrêt, à ceux retenus par l'expert. Au total, les coûts variables se seraient élevés à 756 323 NLG.

226.
    S'agissant des trois facteurs de production qui constituent les revenus alternatifs moyens, il y a lieu d'évaluer le revenu que M. Mulder aurait tiré du capital libéré à 49 370 NLG, celui qu'il aurait obtenu de la terre devenue disponible à 103 796 NLGet celui que lui aurait procuré un travail alternatif à 144 591 NLG (voir, respectivement, points 191, 201 et 213 du présent arrêt).

227.
    Conformément au principe de la réparation intégrale du préjudice réellement subi, il y a lieu de retenir les revenus alternatifs réels pour le calcul de l'indemnité due lorsque ceux-ci excèdent le montant des revenus alternatifs moyens.

228.
    En ce qui concerne ses revenus alternatifs réels, il ressort des observations de M. Mulder lui-même qu'il a vendu, en 1984, un troupeau comprenant 70 vaches laitières et dix génisses, consécutivement au refus d'un quota laitier. Il n'est pas contesté qu'il a dû vendre celles-ci à des conditions peu favorables. Il ressort en outre de ses indications qu'il a constitué, à partir de 68 moutons en 1985, un troupeau ovin comprenant 463 têtes en 1988. Il a également tenu des taureaux d'embouche, en nombre variable - à savoir entre 2 en 1985 et 49 un an plus tard -, ainsi qu'un troupeau de vaches allaitantes, de veaux et de génisses.

229.
    Bien que ces données confirment que M. Mulder a eu des revenus alternatifs réels et alors que la charge de préciser la nature et l'importance de ceux-ci lui incombe, il n'a pas fourni à la Cour des éléments suffisamment précis permettant d'établir que ses revenus alternatifs réels auraient été supérieurs aux revenus alternatifs moyens et d'écarter ceux-ci, en application du principe de la réparation intégrale du préjudice subi, pour retenir les revenus alternatifs réels.

230.
    Par conséquent, il convient d'arrêter le compte individuel de M. Mulder conformément aux montants figurant dans le tableau ci-après:

Total (en NLG)
Vente de lait

Vente de vaches et de veaux

Somme (revenu hypothétique brut)

Coûts variables

1 353 918

255 980

1 609 898

756 323
Revenu hypothétique
853 575
Revenus alternatifs moyens

- Revenu du capital

- Revenu de la terre

- Revenu du travail

49 370

103 796

144 591
Somme des revenus alternatifs moyens
297 757
Manque à gagner
555 818

231.
    Compte-tenu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de condamner solidairement le Conseil et la Commission à payer à M. Mulder, au titre du manque à gagner, une indemnité totale de 555 818 NLG, assortie d'intérêts au taux annuel de 1,85 % à compter du 1er octobre 1984 jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt interlocutoire.

232.
    Cette somme sera productrice d'intérêts moratoires au taux annuel de 8 % à compter de cette dernière date jusqu'à celle de son paiement effectif.

2. Sur l'indemnité due à M. Brinkhoff

233.
    S'agissant de M. Brinkhoff, les prix qu'il convient de retenir sont la moyenne de ceux pratiqués par les laiteries Noord Nederland et Nestlé Nederland Friesland auxquelles il effectue ses livraisons. Ces prix s'élèvent, par 100 kg de lait, à 77,66 NLG pour 1984, 79,55 NLG pour 1985, 79,20 NLG pour 1986, 80,20 NLG pour 1987 et 86 NLG pour la dernière année. Compte tenu de ces données, le revenu total que M. Brinkhoff aurait tiré de la livraison de lait doit être fixé, conformément au calcul de l'expert, à 1 075 069 NLG (voir point 97 du présent arrêt).

234.
    La vente des vaches de réforme et des veaux lui aurait rapporté, ainsi qu'il a été dit au point 111 du présent arrêt, la somme totale de 174 324 NLG qui correspond à celle que l'expert a arrêtée.

235.
    Viennent en déduction des sommes susdites les coûts variables qui correspondent, conformément à ce qui a été dit au point 149 du présent arrêt, à ceux retenus par l'expert. Au total, les coûts variables se seraient élevés à 607 116 NLG.

236.
    S'agissant des trois facteurs de production qui constituent les revenus alternatifs moyens, il y a lieu d'évaluer le revenu que M. Brinkhoff aurait tiré du capital libéré à 40 596 NLG, celui qu'il aurait obtenu de la terre devenue disponible à 80 746 NLG et celui que lui aurait procuré un travail alternatif à 158 532 NLG (voir, respectivement, points 191, 201 et 213 du présent arrêt).

237.
    Conformément au principe de la réparation intégrale du préjudice réellement subi, il y a lieu de retenir les revenus alternatifs réels pour le calcul de l'indemnité due lorsque ceux-ci excèdent le montant des revenus alternatifs moyens.

238.
    En ce qui concerne ses revenus alternatifs réels, M. Brinkhoff fait lui-même état de certaines activités agricoles et autres, telles que la prise en pension de jeune bétail, la vente de fourrage, le lancement d'une entreprise de sous-traitance et une activité de chauffeur de camion. Bien qu'il ait fait état du peu de succès de ses entreprises, il ne conteste pas les allégations de la Commission selon lesquelles ses revenus alternatifs réels auraient été, pendant les trois premières années de la période indemnisable, supérieurs aux revenus alternatifs moyens.

239.
    Toutefois, ni les indications que M. Brinkhoff a fournies ni celles de la Commission, qui ne comportent pas de données circonstanciées et reposent en partie sur des éléments statistiques, ne permettent à la Cour d'établir de manière précise et par campagne le montant des revenus alternatifs réels du requérant.

240.
    Par conséquent, il convient d'arrêter le compte individuel de M. Brinkhoff conformément aux montants figurant dans le tableau ci-après:

Total (en NLG)
Vente de lait

Vente de vaches et de veaux

Somme (revenu hypothétique brut)

Coûts variables

1 075 069

174 324

1 249 393

607 116
Revenu hypothétique
642 277
Revenus alternatifs moyens

- Revenu du capital

- Revenu de la terre

- Revenu du travail

40 596

80 746

158 552
Somme des revenus alternatifs moyens
279 894
Manque à gagner
362 383

241.
    Compte tenu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de condamner solidairement le Conseil et la Commission à payer à M. Brinkhoff, au titre du manque à gagner, une indemnité totale de 362 383 NLG, assortie d'intérêts au taux annuel de 1,85 % à compter du 5 mai 1984 jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt interlocutoire.

242.
    Cette somme sera productrice d'intérêts moratoires au taux annuel de 8 % à compter de cette dernière date jusqu'à celle de son paiement effectif.

3. Sur l'indemnité due à M. Muskens

243.
    S'agissant de M. Muskens, les prix qu'il convient de retenir sont ceux pratiqués par la laiterie Campina à laquelle il effectue ses livraisons. Ces prix s'élèvent, par 100 kg de lait, à 76,73 NLG pour 1984, 77,09 NLG pour 1985, 78,63 NLG pour 1986, 79,57 NLG pour 1987, 82,12 NLG pour 1988 et 86,32 NLG pour la dernière année. Compte tenu de ces données, le revenu total que M. Muskens aurait tiré de la livraison hypothétique de lait doit être fixé, conformément au calcul de l'expert, à 1 002 178 NLG (voir point 97 du présent arrêt).

244.
    La vente des vaches de réforme et des veaux lui aurait rapporté, ainsi qu'il a été dit au point 111 du présent arrêt, la somme totale de 157 090 NLG qui correspond à celle que l'expert a arrêtée.

245.
    Viennent en déduction des sommes susdites les coûts variables qui correspondent, conformément à ce qui a été dit au point 149 du présent arrêt, à ceux retenus par l'expert. Au total, les coûts variables se seraient élevés à 574 588 NLG.

246.
    S'agissant des trois facteurs de production qui constituent les revenus alternatifs moyens, il y a lieu d'évaluer le revenu que M. Muskens aurait tiré du capital libéré à 37 499 NLG, celui qu'il aurait obtenu de la terre devenue disponible à 61 692 NLG et celui que lui aurait procuré un travail alternatif à 160 575 NLG (voir, respectivement, points 191, 201 et 213 du présent arrêt).

247.
    Conformément au principe de la réparation intégrale du préjudice réellement subi, il y a lieu de retenir les revenus alternatifs réels pour le calcul de l'indemnité due lorsque ceux-ci excèdent le montant des revenus alternatifs moyens. M. Muskens ne conteste pas l'allégation de la Commission selon laquelle il a bénéficié, au cours des trois premières années de la période indemnisable, d'un revenu mensuel se situant entre 8 000 et 9 000 NLG. Il fait toutefois valoir que ces montants représentent le chiffre d'affaires de ses diverses productions, mais non le bénéfice après déduction des coûts afférents à celles-ci.

248.
    Ces indications tant de la Commission que de M. Muskens confirment que ce dernier a exercé des activités alternatives réelles et permettent également d'estimer le volume de ses revenus alternatifs, même si le requérant s'abstient d'apporter à cet égard des éléments de preuve précis. Il ressort toutefois de telles indications que les revenus réels ne se situent guère au-dessus des montants moyens mentionnés au point 246 du présent arrêt. Partant, il convient de retenir ceux-ci au titre des revenus alternatifs de M. Muskens.

249.
    Par conséquent, il convient d'arrêter le compte individuel de M. Muskens conformément aux montants figurant dans le tableau ci-après:

Total (en NLG)
Vente de lait

Vente de vaches et de veaux

Somme (revenu hypothétique brut)

Coûts variables

1 002 178

157 090

1 159 268

574 588
Revenu hypothétique
584 680
Revenus alternatifs moyens

- Revenu du capital

- Revenu de la terre

- Revenu du travail

37 499

61 692

160 575
Sommes des revenus alternatifs moyens
259 766
Manque à gagner
324 914

250.
    Compte tenu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de condamner solidairement le Conseil et la Commission à payer à M. Muskens, au titre du manque à gagner, une indemnité totale de 324 914 NLG, assortie d'intérêts au taux annuel de 1,85 % à compter du 22 novembre 1984 jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt interlocutoire.

251.
    Cette somme sera productrice d'intérêts moratoires au taux annuel de 8 % à compter de cette dernière date jusqu'à celle de son paiement effectif.

4. Sur l'indemnité due à M. Twijnstra

252.
    S'agissant de M. Twijnstra, les prix qu'il convient de retenir sont ceux pratiqués par la laiterie Twee Provinciën à laquelle, selon ses propres déclarations, il effectue ses livraisons. Ces prix s'élèvent, par 100 kg de lait, à 78,97 NLG pour 1985, 78,77 NLG pour 1986, 80,55 NLG pour 1987 et 85,63 NLG pour la dernière année. Compte tenu de ces données, le revenu total que M. Twijnstra aurait tiré de la livraison de lait doit être fixé, conformément au calcul de l'expert, à 1 399 748 NLG (voir point 97 du présent arrêt).

253.
    La vente des vaches de réforme et des veaux lui aurait rapporté, ainsi qu'il a été dit au point 111 du présent arrêt, la somme totale de 228 641 NLG qui correspond à celle que l'expert a arrêtée.

254.
    Viennent en déduction des sommes susdites les coûts variables qui correspondent, conformément à ce qui a été dit au point 149 du présent arrêt, à ceux retenus par l'expert, à l'exception des frais de main-d'oeuvre extérieure. Au total, les coûts variables se seraient élevés à 773 196 NLG.

255.
    S'agissant des trois facteurs de production qui constituent les revenus alternatifs moyens, il y a lieu d'évaluer le revenu que M. Twijnstra aurait tiré du capital libéré à 47 179 NLG, celui qu'il aurait obtenu de la terre devenue disponible à 110 764 NLG et celui que lui aurait procuré un travail alternatif à 117 680 NLG (voir, respectivement, points 191, 201 et 213 du présent arrêt).

256.
    Conformément au principe de la réparation intégrale du préjudice réellement subi, il y a lieu de retenir les revenus alternatifs réels pour le calcul de l'indemnité due lorsque ceux-ci excèdent les revenus alternatifs moyens.

257.
    En ce qui concerne les revenus alternatifs réels, M. Twijnstra admet que, pendant les années 1985, 1986 et 1987, il s'est consacré à la culture maraîchère sur une surface de 10 ha. Cette activité lui a rapporté, selon ses propres déclarations qui ne sont pas contestées, environ 9 000 NLG par mois. Il fait valoir toutefois qu'il faut déduire de cette somme le montant des frais afférents à cette activité.

258.
    Selon lui, la limitation de celle-ci à une superficie de 10 ha, qui constitue environ un cinquième de ses terres, résulte de trois facteurs: d'abord, toutes les parcelles ne se prêtent pas à ce type d'activité; ensuite, son temps de travail disponible était limité; enfin, il était nécessaire d'acquérir les connaissances nécessaires pour réaliser cette nouvelle production.

259.
    Bien que M. Twijnstra, qui supporte la charge de la preuve sur ce point, n'apporte pas de précisions à cet égard, la Cour est cependant en mesure, grâce à ces indications, d'estimer le montant des revenus alternatifs allégués. Toutefois, ces indications ne permettent pas de conclure à des revenus alternatifs réels plus élevés que les revenus alternatifs moyens dès lors qu'il est tenu compte des frais qui doivent venir en déduction des gains réalisés.

260.
    Par conséquent, il convient d'arrêter le compte individuel de M. Twijnstra conformément aux montants figurant dans le tableau ci-après:

Total (en NLG)
Vente de lait

Vente de vaches et de veaux

Somme (revenu hypothétique brut)

Coûts variables

1 399 748

228 641

1 628 389

773 196
Revenu hypothétique
855 193
Revenus alternatifs moyens

- Revenu du capital

- Revenu de la terre

- Revenu du travail

47 179

110 764

117 680
Sommes des revenus alternatifs moyens
275 623
Manque à gagner
579 570

261.
    Compte tenu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de condamner solidairement le Conseil et la Commission à payer à M. Twijnstra, au titre du manque à gagner, une indemnité totale de 579 570 NLG, assortie d'intérêts au taux annuel de 1,85 % à compter du 10 avril 1985 jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt interlocutoire.

262.
    Cette somme sera productrice d'intérêts moratoires au taux annuel de 8 % à compter de cette dernière date jusqu'à celle de son paiement effectif.

V - Sur le fond dans l'affaire C-37/90

263.
    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le manque à gagner est établi conformément aux principes énoncés dans l'arrêt interlocutoire et précisés aux points 63 à 84 du présent arrêt. Les dernières conclusions chiffrées que M. Heinemann a présentées après le prononcé de l'arrêt interlocutoire au titre du manque à gagner reposent sur des calculs réalisés lors d'une nouvelle expertise effectuée à sa demande par M. Spandau (ci-après l'«expertise Spandau»). Il n'est pas contesté que M. Spandau lui-même s'appuie sur les données fournies par les statistiques de la chambre d'agriculture de Hanovre, à l'exception des chiffres relatifs aux coûts variables et aux prix des vaches de réforme et des veaux. La Commission en revanche se prévaut des chiffres résultant des trois expertises précédemment diligentées à l'initiative du requérant.

A - Sur la période pertinente aux fins de l'indemnisation

264.
    M. Heinemann demande à être indemnisé pour la période allant du début de la première campagne, à savoir le 1er avril 1984, jusqu'au 28 août 1989, date à laquelle il a effectivement repris la production laitière. Le Conseil et la Commission n'acceptentni la date initiale ni la date finale de la période indemnisable, ainsi que le relève M. l'avocat général au point 128 de ses conclusions.

265.
    Lors de l'audition du 20 mai 1996, les parties se sont mises d'accord sur la date du 20 novembre 1984 comme étant celle à laquelle la période pertinente aux fins de l'indemnisation a commencé à courir, la période de l'engagement de non- commercialisation pris par le requérant ayant expiré à cette date.

266.
    Quant à la date d'expiration de ladite période, les institutions défenderesses infèrent du point 26 de l'arrêt interlocutoire qu'aucune indemnité n'est due au-delà de la période y indiquée. À compter du 29 mars 1989, seul le requérant devrait supporter les conséquences du retard dans la reprise de son activité laitière.

267.
    En revanche, en contestant la date finale du 29 mars 1989, M. Heinemann fait valoir que la reprise tardive de son activité laitière en août 1989 serait entièrement due au fait qu'il lui fut impossible d'obtenir un quota laitier avant cette date. Selon lui, aucun producteur allemand de lait n'a été en mesure de recommencer la production laitière avant cette dernière date.

268.
    M. l'avocat général relève à juste titre, au point 129 de ses conclusions, que la réparation doit être calculée en fonction de la durée effective de la période durant laquelle la commercialisation du lait a été empêchée. Toutefois, le point 26 de l'arrêt interlocutoire ne permet de considérer comme pertinente aux fins de l'indemnisation que la période située entre le 1er avril 1984 et le 29 mars 1989. Il en résulte que la période indemnisable ne saurait dépasser le 29 mars 1989, date après laquelle le retard dans la reprise de la production laitière ne peut en aucun cas être imputé à la Communauté.

269.
    Par conséquent, la période pertinente aux fins de l'indemnisation court, pour M. Heinemann, du 20 novembre 1984 au 29 mars 1989. Dans ces conditions, lorsque, pour les campagnes 1985/1986, 1986/1987 et 1987/1988, 365 jours sont à prendre en compte, la première campagne ne comprend que 132 jours et la dernière 363 jours.

B - Sur le revenu hypothétique du requérant

270.
    Le revenu hypothétique de M. Heinemann est constitué, conformément au mode de calcul précisé aux points 67 à 69 du présent arrêt, par les revenus qu'il aurait tirés - selon le cours normal des choses - de la livraison de lait et de la vente des vaches de réforme et des veaux, déduction faite des coûts variables.

271.
    Bien que la Commission critique le résultat auquel aboutit l'évaluation du préjudice de M. Heinemann, elle ne conteste pas les différents éléments constitutifs du calcul effectué par ce dernier, à l'exception des taux d'abattement applicables à la quantité de référence initiale en vertu des points 29 à 32 de l'arrêt interlocutoire.

    1. Sur le revenu hypothétique tiré de la vente du lait et de la vente des vaches de

réforme et des veaux

272.
    Conformément à la méthode retenue au point 92 du présent arrêt, les revenus que M. Heinemann aurait tirés de la livraison de lait, selon le cours normal des choses, sont calculés en multipliant la quantité de lait qu'il aurait pu livrer pendant la période pertinente aux fins de l'indemnisation par le prix du lait; au montant, ainsi obtenu, il convient d'ajouter le revenu tiré de la vente des vaches de réforme et des veaux.

a) Les quantités de référence hypothétiques

273.
    Les parties sont d'accord sur la quantité de lait à retenir comme base pour établir les quantités de référence hypothétiques par campagne laitière. Cette quantité est calculée, conformément aux points 28 à 32 de l'arrêt interlocutoire, sur le fondement des quantités qui ont servi à déterminer la prime de non-commercialisation. Ladite quantité s'élève à 36 705 kg.

274.
    Conformément au point 29 de l'arrêt interlocutoire, cette quantité de base, augmentée de 1 %, est affectée d'un taux d'abattement représentatif des taux d'abattement applicables aux livraisons visées à l'article 2, paragraphe 2, du règlement n° 857/84. Ce taux d'abattement représentatif est en litige.

275.
    Alors qu'il n'est pas contesté que le taux d'abattement normal est de 4 % selon la Milch-Garantiemengen-Verordnung (règlement pour la mise en oeuvre du régime communautaire du prélèvement supplémentaire, ci-après la «MGVO»), le requérant sollicite l'application d'un taux de 2 % valable, selon lui, pour des quantités minimes telles que les siennes.

276.
    Le taux général d'abattement étant de 4 %, la Commission soutient que l'application de ce taux est favorable au requérant puisque, pour les campagnes postérieures à celle de 1984/1985, les taux d'abattement ont été plus élevés.

277.
    En se référant notamment à l'arrêt du 5 mai 1994, Kamp (C-21/92, Rec. p. I-1619), le Conseil déclare qu'il est disposé à accepter un taux d'abattement représentatif de 7,5 %.

278.
    Eu égard à ces divergences de vues, l'expert se réfère à la réglementation allemande sur les taux d'abattement prévue à l'article 4, paragraphes 2 et 3, de la MGVO et notamment à la dérogation instaurée en faveur des exploitations dont les livraisons sont inférieures à 161 000 kg de lait par campagne. Il estime que la solution la plus appropriée consiste à adopter des taux différenciés tels qu'ils ressortiraient d'une application hypothétique de la seule réglementation allemande. Selon lui, pour les trois premières campagnes, le taux d'abattement s'élève à 2 % et, pour les deux dernières, à 7,5 %.

279.
    L'expert fait état également d'une subvention de 300 DEM pour 1 000 kg de lait non produit en raison de l'augmentation de 5,5 % du taux d'abattement initial pour la campagne 1987/1988 et de 241 DEM dans les mêmes conditions pour la campagne suivante. Ainsi que le relève M. l'avocat général à la fin du point 130 de ses conclusions, l'expert inclut dans le calcul du revenu hypothétique découlant de la vente du lait un montant de 600 DEM pour la campagne 1987/1988 et de 482 DEM pour la dernière campagne.

280.
    Le requérant accepte la proposition de l'expert sous réserve que son droit à une indemnité à concurrence de ladite subvention soit reconnu. En raison d'un abattement supplémentaire qu'il prétend avoir subi, il sollicite en outre, en application de la MGVO, une indemnité de 440 DEM pour chacune des deux dernières campagnes. Il fait valoir au soutien de cette demande qu'il aurait dû supporter un autre abattement de 3 % à compter du 1er avril 1987.

281.
    La Commission réitère son argumentation en faisant valoir que le choix des taux d'abattement applicables est une question de droit à laquelle il incombe à la Cour de répondre.

282.
    À cet égard, il convient de relever qu'une telle question relève du droit interne d'un État membre. Dès lors, il n'appartient pas à la Cour d'interpréter celui-ci même lorsqu'il assure la transposition d'une réglementation communautaire.

283.
    Il est constant que ni le taux d'abattement uniforme de 4 % que propose la Commission pour toute la période d'indemnisation pertinente ni celui de 7,5 % que le Conseil accepte de retenir ne reflète les taux d'abattement réels qui auraient été applicables au requérant selon le cours normal des choses. En effet, la Commission admet elle-même l'existence d'un taux supérieur vers la fin de la période en cause et le Conseil propose, selon ses propres affirmations, le taux retenu dans le cadre de l'offre d'indemnisation effectuée en application du règlement n° 2187/93.

284.
    En revanche, il est certain - ainsi d'ailleurs que la Cour l'a jugé à plusieurs reprises (voir par exemple arrêt du 15 avril 1997, Irish Farmers Association e.a., C-22/94, Rec. p. I-1809) - que les quantités de référence attribuées au requérant auraient subi des réductions diverses au titre de différentes périodes, soit en raison des abattements appliqués, soit du fait d'une suspension de la commercialisation d'une partie de ces quantités.

285.
    Dans ces conditions, la méthode de l'expert apparaît plus appropriée à la situation réelle de M. Heinemann. Par conséquent, il y a lieu d'appliquer à la quantité initiale de 36 705 kg de lait un taux d'abattement de 2 % pour les trois premières campagnes et de 7,5 % pour les deux dernières campagnes en cause. Étant donné que le législateur allemand, en contrepartie de l'augmentation de 5,5 % du taux de l'abattement applicable à celles-ci, a prévu une subvention, celle-ci doit être prise en compte dans le calcul de l'indemnité. En revanche, la subvention de 440 DEMsollicitée par le requérant ne saurait être retenue dès lors que ce dernier n'a assorti sa demande d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé.

286.
    Par conséquent, eu égard à la durée pertinente de chaque campagne aux fins de l'indemnisation, il y a lieu de retenir des quantités de référence hypothétiques de lait s'élevant à 13 139 kg pour la campagne 1984/1985, 36 331 kg pour les campagnes 1985/1986 et 1986/1987, 34 292 kg pour la campagne 1987/1988, et 34 104 kg pour la campagne 1988/1989.

b) Le prix du lait

287.
    M. Heinemann se prévaut des prix du lait qui ressortent de l'expertise Spandau. Le Conseil fait valoir que ces prix sont approximativement ceux qui avaient été retenus dans le cadre de l'offre d'une indemnisation à certains producteurs par le règlement n° 2187/93.

288.
    Lors de l'audition du 20 mai 1996, les parties se sont expressément accordées sur ces prix. C'est sur le fondement de cet accord que l'expert a retenu, par campagne et par 100 kg de lait livré, des prix s'élevant à 67,10 DEM pour 1984/1985, 70,10 DEM pour 1985/1986, 69,30 DEM pour 1986/1987 et 1987/1988 ainsi que 75,20 DEM pour 1988/1989.

289.
    Pour obtenir les montants correspondant aux résultats par campagne tirés de la vente du lait, il convient de multiplier ces prix par les quantités indiquées au point 286 du présent arrêt, opération qui aboutit à des montants de 8 816 DEM en 1984/1985, 25 468 DEM en 1985/1986, 25 177 DEM en 1986/1987, 24 364 DEM en 1987/1988 et 26 128 DEM en 1988/1989.

290.
    Les revenus des deux dernières campagnes doivent être majorés respectivement d'un montant de 600 DEM et de 482 DEM au titre de subventions manquées.

291.
    Il résulte de ce qui précède que, sur le fondement des chiffres et des calculs de l'expert, il y a lieu d'évaluer le revenu hypothétique que M. Heinemann aurait pu obtenir grâce à une production laitière à 111 035 DEM.

c) La vente des vaches de réforme et des veaux

292.
    Les parties sont également parvenues à s'accorder sur les prix des vaches de réforme et des veaux ainsi que sur le nombre, d'une part, des vaches de réforme à abattre chaque année et, d'autre part, des veaux qui naissent chaque année dans le troupeau. En effet, même si la Commission avait initialement demandé l'application des chiffres résultant d'une première expertise annexée à la requête de M. Heinemann, les institutions défenderesses acceptent les montants par kg de lait indiqués par ce dernier, à savoir: 0,159 DEM en 1984/1985, 0,154 DEM en 1985/1986, 0,140 DEM en 1986/1987, 0,130 DEM en 1987/1988 et 0,141 DEM en 1988/1989. Selon les affirmations du requérant, ces chiffres proviennent des statistiques de la chambred'agriculture de la région voisine de Westphalie-Lippe puisque les chiffres relatifs à la vente des vaches de réforme et des veaux font défaut dans les statistiques de la chambre d'agriculture de Hanovre.

293.
    En se fondant sur ces chiffres, l'expert obtient un revenu tiré de la vente des vaches de réforme et des veaux s'élevant à 2 089 DEM en 1984/1985, 5 595 DEM en 1985/1986, 5 086 DEM en 1986/1987, 4 458 DEM en 1987/1988 et 4 809 DEM en 1988/1989.

294.
    Il ressort des considérations qui précèdent qu'il n'existe aucune raison de ne pas suivre les calculs de l'expert, lesquels, hormis les quantités de référence à retenir, reposent sur des chiffres non contestés.

295.
    Dès lors, les revenus hypothétiques que le requérant aurait tirés de la vente des vaches de réforme et des veaux doivent être fixés au montant total de 22 037 DEM.

296.
    Dans ces conditions, il y a lieu d'évaluer les revenus hypothétiques totaux que M. Heinemann aurait obtenus grâce à la vente du lait ainsi que des vaches de réforme et des veaux à 133 072 DEM.

2. Sur les coûts variables

297.
    Les parties sont d'accord sur le mode de calcul des coûts variables, mais un différend subsiste quant aux montants à retenir à ce titre.

298.
    Sans avancer ses propres chiffres, la Commission reproche au requérant d'utiliser ceux de l'expertise Spandau au lieu de se fonder sur les chiffres contenus dans la requête et ses annexes.

299.
    Il est constant, d'une part, que les chiffres auxquels se réfère M. Heinemann sont ceux de l'expertise Spandau et, d'autre part, que celle-ci fait exceptionnellement usage, aux fins du calcul des coûts variables, des statistiques de la chambre d'agriculture de Westphalie-Lippe.

300.
    Afin de déterminer les coûts variables, l'expert établit, à partir de l'évolution de la productivité moyenne par vache, le nombre de vaches que le requérant aurait dû détenir pour produire les quantités de référence hypothétiques indiquées au point 286 du présent arrêt.

301.
    En se fondant, pour déterminer l'évolution de la productivité, contrairement à l'expertise Spandau, sur les statistiques établies par la chambre d'agriculture de Hanovre, l'expert obtient une quantité moyenne de lait par vache s'élevant à 4 515 kg en 1984/1985, 4 630 kg en 1985/1986, 4 705 kg en 1986/1987, 4 400 kg en 1987/1988 et 4 390 kg en 1988/1989. L'expert précise à cet égard que les statistiques établies par la chambre d'agriculture de Westphalie-Lippe attestent une productivité supérieure àcelle qui ressort des statistiques de la chambre d'agriculture de Hanovre et, dès lors, elles ne correspondent pas à la situation réelle de l'exploitation du requérant.

302.
    Après avoir rappelé que, pour une certaine quantité de lait livrée aux laiteries, il faut qu'une quantité supérieure soit produite, l'expert, d'une part, relève que l'évolution de la productivité indiquée au point précédent est celle des quantités de lait livrées et, d'autre part, précise que, pour définir la relation entre quantité livrée et quantité produite par l'exploitation de M. Heinemann, il s'est fondé sur les taux valables pour les Pays-Bas.

303.
    Les évaluations de l'expert aboutissent, en fin de compte, à un besoin en vaches laitières qui s'élève à neuf pour la première campagne, huit pour les trois campagnes suivantes et sept pour la dernière campagne.

304.
    Partant, en employant les statistiques élaborées par la chambre d'agriculture de Hanovre, l'expert retient, ainsi que le relève M. l'avocat général dans le tableau reproduit au point 136 de ses conclusions, les montants suivants pour les coûts variables exposés par le requérant: 7 157 DEM en 1984/1985, 18 120 DEM en 1985/1986, 17 736 DEM en 1986/1987, 18 136 DEM en 1987/1988 et 15 608 DEM en 1988/1989. Au total, les coûts variables s'élèvent donc, selon ses calculs, à 76 757 DEM.

305.
    La critique adressée à l'expert par la Commission, selon laquelle ce dernier aurait considéré à tort que les taux valables pour les Pays-Bas seraient appropriés pour définir, dans le cadre de l'évolution de la productivité, la relation entre la quantité de lait livrée et celle produite, ne saurait être retenue. En effet, les justifications qu'a fournies l'expert au soutien de la méthode qu'il a utilisée sont convaincantes et suffisantes.

306.
    Dès lors, il résulte de toutes les considérations qui précèdent que, en ce qui concerne les coûts variables, il y a lieu de retenir les montants calculés par l'expert qui sont raisonnables et équitables.

C - Sur les revenus alternatifs moyens

307.
    À titre liminaire, il convient de relever que, tout en maintenant sa thèse selon laquelle seuls seraient pertinents les revenus alternatifs réels procurés par l'engraissement de taureaux, M. Heinemann a produit les éléments permettant de calculer les trois facteurs de production.

1. Sur le revenu tiré du capital libéré

308.
    Bien que le requérant continue à soutenir que, en réalité, il n'a jamais disposé du capital libéré, les parties sont convenues, dans le cadre du mode de calcul retenu en dernier lieu, du montant représentatif du capital libéré. Celui-ci s'élève selon le requérant à 6 200 DEM par place d'étable. Cette somme se compose, d'une part, dela moitié de la valeur d'un emplacement d'étable, estimé à 8 000 DEM, et, d'autre part, du prix d'achat moyen d'une génisse, évalué à 2 200 DEM.

309.
    La Commission fait valoir que le prix des investissements nécessaires pour le renouvellement des machines et notamment des installations de traite n'a pas été inclus dans la somme susmentionnée.

310.
    S'agissant du taux d'intérêt applicable, le requérant soutient que celui-ci s'élève à 3,5 %, ce taux étant celui que retient le gouvernement allemand dans les statistiques agricoles. La Commission et le Conseil considèrent qu'un taux fixé autour de 5,5 % est plus raisonnable. La Commission rappelle notamment que les intérêts de retard dus à partir du prononcé de l'arrêt interlocutoire sont de 8 % et que le requérant lui-même a envisagé, pour les intérêts compensatoires, un taux qui se situe entre 5 et 6,5 %.

311.
    Quant à l'expert, il ne considère comme capital libéré que le seul montant nécessaire pour réinvestir dans les vaches laitières au moment de la reprise de la production en 1984. À cet égard, il prend pour base de calcul le prix dont les parties sont convenues, à savoir 2 200 DEM par génisse, et multiplie celui-ci par le nombre de vaches nécessaire à la production de lait. Il rappelle que, comme dans l'affaire C-104/89, il tient compte, d'une part, des montants relatifs au capital représentatif des machines à traire et des installations frigorifiques au niveau des charges variables et, d'autre part, des montants afférents aux bâtiments destinés au logement du troupeau lors de l'évaluation des revenus provenant des terres libérées (voir point 184 du présent arrêt).

312.
    Compte tenu de l'abattement progressif appliqué à la quantité de référence, à savoir 2 % pendant les trois premières campagnes et 7,5 % pour les deux dernières campagnes, l'expert retient un montant de 17 600 DEM au titre du capital total libéré.

313.
    Au capital ainsi obtenu, l'expert applique les taux d'intérêt offerts par les caisses d'épargne locales auxquels il défalque, ainsi qu'il a été dit au point 185 du présent arrêt, le taux de variation annuel de l'indice des prix à la consommation des ménages. Ainsi, le taux appliqué est-il de 0,99 % en 1984/1985, 1,25 % en 1985/1986, 2,88 % en 1986/1987, 2,18 % en 1987/1988 et 0,95 % en 1988/1989.

314.
    Il ressort de ces considérations que l'expert propose, au titre des revenus tirés du capital libéré, des montants de 71 DEM pour 1984/1985, 248 DEM pour 1985/1986, 570 DEM pour 1986/1987, 432 DEM pour 1987/1988 et 187 DEM pour 1988/1989.

315.
    Le requérant fait valoir que, en déduisant le taux de l'inflation du produit du capital libéré, il n'aurait pas eu de revenus puisque le taux d'intérêt aurait été négatif pendant la période pertinente.

316.
    Les institutions défenderesses critiquent également la déduction du taux de l'inflation. La Commission rappelle que, si l'exploitant avait placé le capital libéré à la banque, il aurait reçu des intérêts calculés au taux normal sans déduction du taux de l'inflation.

317.
    Elles contestent en outre la seule prise en compte du prix des génisses. Selon elles, toutes les catégories de vaches laitières doivent être retenues afin de respecter la composition du troupeau par des vaches étant à différents stades de lactation.

318.
    S'agissant de la composition du troupeau retenue par l'expert pour déterminer le capital libéré, il y a lieu de constater que l'expert adopte la même méthode que celle décrite au point 188 du présent arrêt dans la mesure où il ne tient compte que des vaches nécessaires pour produire les quantités hypothétiquement octroyées dès le début de la reprise de la production laitière.

319.
    Il convient de relever que l'expert se fonde, dans le cas de M. Heinemann, sur le seul prix d'une génisse et ne respecte pas, contrairement à ce qu'il a fait dans l'affaire C-104/89, les différentes catégories de vaches qui composent nécessairement le troupeau à la reprise de la production laitière (voir point 182 du présent arrêt).

320.
    Néanmoins, la méthode adoptée par l'expert doit être considérée comme raisonnable et équitable pour deux raisons. D'une part, la taille restreinte du troupeau de M. Heinemann ne permet pas de tenir compte de toutes les caractéristiques des vaches qui composent un troupeau d'une dimension plus importante; d'ailleurs, la variation des prix des animaux en fonction des différentes catégories auxquelles ils appartiennent est minime, ainsi qu'il ressort de l'analyse des prix néerlandais. D'autre part, nonobstant sa critique, la Commission s'est elle-même fondée, pour ses propres calculs, sur un prix de 2 200 DEM.

321.
    En revanche, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 191 du présent arrêt, il y a lieu d'écarter la déduction du taux de l'inflation et, par voie de conséquence, d'admettre l'application des taux d'intérêt offerts par les caisses d'épargne locales.

322.
    Compte tenu de taux de 3,39 % pour 1984/1985, 3,25 % pour 1985/1986, 2,78 % pour 1986/1987, 2,38 % pour 1987/1988, et 2,25 % pour 1988/1989, le capital nécessaire en 1984 pour acheter neuf génisses au prix de 2 200 DEM chacune aurait procuré au requérant des revenus de respectivement 243 DEM, 643 DEM, 550 DEM, 471 DEM et 443 DEM.

323.
    Il résulte des considérations qui précèdent que les revenus alternatifs moyens de M. Heinemann provenant du capital libéré s'élèvent au total à 2 350 DEM.

2. Sur le revenu tiré des terres libérées

324.
    Les parties - sur le fondement des données résultant soit des statistiques de la chambre d'agriculture de Hanovre, utilisées par M. Heinemann, soit de celles de la chambre d'agriculture de Westphalie-Lippe, auxquelles se réfère la Commission - invoquent des chiffres différents tant en ce qui concerne les prix du fermage que le besoin en hectare par vache, ainsi qu'il ressort des tableaux reproduits par M. l'avocat général au point 142 de ses conclusions.

325.
    Conformément à la méthode de calcul appliquée dans l'affaire C-104/89, l'expert prend en compte, outre le prix du fermage des terres libérées, le prix de la location des bâtiments qui se trouvent sur ces terres. En se référant aux mêmes données statistiques que le requérant, il évalue respectivement le prix du fermage par hectare et la superficie totale libérée à 560 DEM et 5,06 ha pour 1984/1985, 520 DEM et 4,74 ha pour 1985/1986, 717 DEM et 4,46 ha pour 1986/1987, 644 DEM et 4,27 ha pour 1987/1988 et 610 DEM et 4,26 ha pour 1988/1989.

326.
    Sur le fondement de ces données, il parvient à un revenu tiré du fermage de 1 026 DEM en 1984/1985, 2 463 DEM en 1985/1986, 3 289 DEM en 1986/1987, 2 749 DEM en 1987/1988 et 2 585 DEM en 1988/1989, ce qui donne un revenu total s'élevant à 12 112 DEM au titre des terres libérées.

327.
    M. Heinemann considère en premier lieu que l'expert a inclu à tort dans ses calculs le loyer des bâtiments et que, en tout état de cause, les montants retenus au titre du fermage par hectare ne pouvaient pas excéder ceux auxquels se réfère la Commission. En second lieu, il réitère son argumentation selon laquelle la seule catégorie de revenu devant être prise en considération est celle tirée de son activité d'engraissement de neuf taureaux.

328.
    Étant donné que seule la surface occupée par le troupeau de vaches laitières est libérée à la suite de la cessation de la production laitière et que c'est cette surface seulement qui est susceptible d'être affermée, il y a lieu de déterminer celle-ci en multipliant le nombre de vaches nécessaire par campagne par le taux de chargement par hectare; ce dernier élément indique, en unité de gros bétail (ci-après «UGB»), le nombre de vaches pouvant être élevées par hectare.

329.
    Les divergences existant, malgré l'emploi des mêmes données statistiques, entre le résultat dont fait état le requérant et celui auquel parvient l'expert, résultent, selon les explications de ce dernier, d'une interprétation erronée par M. Heinemann des chiffres relatifs au taux de chargement en UGB.

330.
    Les explications que fournit l'expert à propos de l'erreur commise par le requérant sont logiques et convaincantes. Au demeurant, il n'a été produit par les parties aucun élément permettant d''écarter l'analyse de l'expert, laquelle doit en conséquence être retenue en corrigeant toutefois les quelques menues erreurs de calcul qu'elle contient. Ainsi apparaît-il justifié et raisonnable d'évaluer le revenu hypothétique que le requérant aurait tiré de l'affermage des terres libérées à 12 112 DEM.

3. Sur le revenu tiré du temps de travail libéré

331.
    Le requérant soutient que le temps de travail consacré aux vaches laitières était d'une heure et demie par jour, à savoir 45 minutes le matin et 45 minutes le soir. Il en résulte que la cessation de la production de lait aurait libéré 547,5 heures de travail par an.

332.
    Selon la Commission, le nombre total d'heures nécessaire à l'élevage d'une vache laitière s'élève à 80 par an. Ce chiffre serait susceptible de varier en fonction de la taille du troupeau, un grand troupeau exigeant en principe moins d'heures de travail par vache qu'un troupeau plus petit. La Commission estime que le requérant aurait eu besoin, pour 9 vaches laitières, d'un temps total de travail de 720 heures par an.

333.
    En ce qui concerne la rémunération du travail, le requérant réitère son argumentation selon laquelle le revenu qui doit être pris en compte est celui que l'exploitant ou un membre de sa famille aurait obtenu en exerçant une activité dans le secteur de l'engraissement de taureaux. Toutefois, il fait valoir que le travail dans le secteur de l'engraissement de taureaux s'est soldé par des rémunérations négatives, à l'exception de la campagne 1985/1986 qui lui a procuré un revenu de 8 567 DEM.

334.
    La Commission, en revanche, fonde son évaluation sur un salaire horaire moyen par travailleur agricole s'élevant à 9,79 DEM en 1984/1985, 8,15 DEM en 1985/1986, 4,50 DEM en 1987/1988 et 9,77 DEM en 1988/1989. Multipliés par les heures de travail libérées, ces chiffres aboutissent à un revenu de 25 390 DEM au titre du temps de travail libéré.

335.
    L'expert relève que, selon les statistiques de la chambre d'agriculture de Hanovre, le temps de travail par vache consacré annuellement à l'élevage serait de l'ordre de 60 heures. Il confirme l'indication de la Commission selon laquelle le besoin en heures de travail est plus élevé pour les troupeaux de petite taille, tel celui du requérant. Pour cette raison, en prenant en considération les 547,5 heures de travail par an alléguées par le requérant, il parvient à un chiffre de 68,44 heures par vache et par an, chiffre qu'il arrondit à 70 heures pour tenir compte de la taille réduite du troupeau de M. Heinemann, soit au total 560 heures par an.

336.
    En multipliant le temps que le requérant aurait ainsi dû consacrer à l'élevage de son troupeau par campagne par le salaire horaire minimal net de charges sociales d'un ouvrier agricole, à savoir: 9,67 DEM en 1984/1985, 9,97 DEM en 1985/1986, 10,17 DEM en 1986/1987, 10,40 DEM en 1987/1988 et 10,55 DEM en 1988/1989, l'expert obtient des revenus s'élevant à 2 203 DEM en 1984/1985 pour 227,84 heures de travail nécessaires, 5 583 DEM, 5 695 DEM et 5 824 DEM en 1985/1986, 1986/1987 et 1987/1988 respectivement pour 560 heures de travail, et 5 141 DEM en 1988/1989 pour 487,32 heures de travail. Il en résulte que le revenu alternatif moyen total que le requérant aurait tiré du temps de travail libéré s'élève, selon l'expert, à 24 446 DEM.

337.
    Les parties sont en désaccord avec les évaluations de l'expert. Le requérant considère que le revenu total est trop élevé en raison du fait que les salaires horaires que retient l'expert par campagne sont irréalistes. Tout en critiquant le fait que l'expert a omis de prendre en compte des travaux annexes liés à l'élevage des vaches, tels que la culture et le stockage du fourrage, la Commission persiste à soutenir qu'un besoin de 80 heures par vache et par an est plus proche de la réalité.

338.
    La critique des parties ne saurait être accueillie. Étant donné que l'expert, pour établir le nombre d'heures de travail libérées du fait de la cessation de la production laitière, se réfère à la fois aux données de la chambre d'agriculture compétente et aux informations fournies par le requérant lui-même, les conclusions auxquelles il aboutit doivent être considérées comme exactes. S'agissant du salaire horaire d'un ouvrier agricole qui serait prétendument trop élevé, le requérant n'apporte pas d'éléments circonstanciés de nature à infirmer l'exactitude des montants retenus par l'expert.

339.
    Il ressort de ce qui précède qu'il convient de retenir un montant de 24 446 DEM au titre des revenus alternatifs moyens que M. Heinemann aurait tirés du temps de travail libéré.

D - Sur les revenus alternatifs réels tirés de l'engraissement de taureaux

340.
    Il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence selon laquelle la réparation du préjudice a pour objet de reconstituer autant que possible le patrimoine de la victime de l'illégalité du comportement des institutions communautaires (voir arrêt Grifoni/CEEA, précité, point 40), il convient de retenir les revenus alternatifs réels pour le calcul de l'indemnité due lorsque ceux-ci excèdent les revenus alternatif moyens.

341.
    En l'espèce, il n'est pas contesté que M. Heinemann a consacré son temps de travail libéré à l'activité de l'engraissement de taureaux. En revanche, il y a désaccord entre les parties sur le nombre de taureaux concernés et sur le résultat obtenu par cette activité.

342.
    Malgré l'incertitude quant au nombre de taureaux destinés à l'engraissement, le requérant admet qu'il a tenu un troupeau comportant en moyenne 14,4 bovidés. Il prétend également qu'il a gardé des vaches laitières durant plus d'une année après l'expiration de la période de non-commercialisation dans l'attente de l'attribution d'un quota laitier. Pour cette raison, il lui aurait été impossible d'élever plus de neuf taureaux. À cet égard, il se borne à faire référence à la taille de son étable conçue pour loger neuf vaches.

343.
    La Commission conteste qu'un emplacement pour une vache corresponde à un emplacement pour un taureau et estime à 35 le nombre de taureaux sur l'exploitation du requérant. En outre, elle doute que le requérant ait conservé durant une année un troupeau à orientation laitière.

344.
    S'agissant des résultats obtenus par l'activité de l'engraissement de taureaux, il n'est pas nécessaire d'examiner en détail les chiffres du requérant puisque celui-ci prétend que ce type d'activité a généré des pertes, à l'exception de la campagne 1985/1986 pour laquelle il indique des bénéfices de 8 567 DEM.

345.
    La Commission présente divers résultats au titre des revenus alternatifs réels. En premier lieu, elle se prévaut d'un certificat émanant d'une société d'experts-comptables, annexé à la requête mais ne comportant aucune spécification, qui fait état de revenus alternatifs réels de 15 227 DEM.

346.
    En second lieu, en s'appuyant sur un nombre de 35 taureaux et une marge brute par taureau et par campagne dont l'origine reste imprécise, la Commission effectue un calcul qu'elle qualifie de «concret» et qui aboutit à des revenus alternatifs réels de 67 541 DEM, correspondant à un bénéfice effectif de 9 303 DEM en 1984/1985, 15 227 DEM pour chacune des trois campagnes suivantes et 12 557 DEM en 1988/1989.

347.
    En troisième lieu, en effectuant le même calcul, mais fondé cette fois sur les marges brutes par taureau et par campagne qui ressortent respectivement de la requête et de l'expertise Spandau, elle aboutit à des montants de 50 252 DEM et de 57 286 DEM.

348.
    À supposer, ainsi que le fait M. l'avocat général au point 149 de ses conclusions, que les marges brutes par taureau qui résultent de l'expertise Spandau - à savoir: 356 DEM en 1984/1985, 340 DEM en 1985/1986, 432 DEM en 1986/1987, 325 DEM en 1987/1988 et 389 DEM en 1988/1989 - ne soient pas contestées et que le nombre de taureaux destinés à l'engraissement s'élève à 21 conformément aux évaluations de l'expert, le requérant aurait obtenu des revenus réels de 33 448 DEM, montant qui est celui auquel est parvenu M. l'avocat général audit point 149 de ses conclusions.

349.
    Face à cette diversité de montants susceptibles de correspondre aux revenus alternatifs que le requérant a réellement obtenus grâce à l'engraissement de taureaux, il y a lieu de constater que la Commission n'a pas apporté d'éléments suffisamment précis pour infirmer les chiffres sur lesquels M. Heinemann s'est lui-même fondé. Aucun des éléments de calcul invoqués par cette dernière ne repose effectivement sur le nombre exact de taureaux détenus par le requérant puisque, malgré les efforts de l'expert pour évaluer ce nombre, celui-ci est demeuré imprécis. Au surplus, les marges brutes concernant l'activité d'engraissement de taureaux proviennent de données statistiques et revêtent dès lors un caractère plus ou moins hypothétique.

350.
    Par conséquent, il y a lieu pour la Cour de constater qu'il n'est pas établi que le requérant a tiré de son activité d'engraissement de taureaux des revenus alternatifs réels excédant les revenus alternatifs moyens.

E - Sur les intérêts compensatoires

351.
    Dans la mesure où le requérant, par sa demande d'intérêts compensatoires, vise à obtenir une majoration des conclusions chiffrées contenues dans sa requête, il y a lieu de rappeler qu'une telle demande n'est recevable qu'en tant qu'elle concerne la réparation des pertes dues à l'érosion monétaire (voir points 52, 53 et 58 du présent arrêt).

352.
    À cet égard, il semble raisonnable et équitable d'assortir le montant total de l'indemnité due d'intérêts au taux de 1,5 % à partir du 20 novembre 1984, date à laquelle l'engagement de non-commercialisation a expiré. Ce taux résulte du fait que, selon le rapport d'expertise, le taux de l'inflation était de 1,2 % en moyenne pendant la période pertinente.

F - Sur l'indemnité due à M. Heinemann

353.
    Établi en fonction des quantités de lait à retenir et des prix correspondant à sa situation, le revenu total que le requérant aurait tiré de la livraison hypothétique de lait doit être fixé, sur la base de ces données, à 111 035 DEM (voir point 291 du présent arrêt).

354.
    La vente des vaches de réforme et des veaux lui aurait rapporté, ainsi qu'il a été dit au point 295 du présent arrêt, la somme totale de 22 037 DEM qui correspond à celle que l'expert a arrêtée.

355.
    Viennent en déduction des sommes susdites les coûts variables qui correspondent, conformément à ce qui a été dit au point 304 du présent arrêt, à ceux retenus par l'expert. Au total, les coûts variables se seraient élevés à 76 757 DEM.

356.
    S'agissant des trois facteurs de production qui constituent les revenus alternatifs moyens, il y a lieu d'évaluer le revenu que M. Heinemann aurait tiré du capital libéré à 2 350 DEM, celui qu'il aurait obtenu de la terre devenue disponible à 12 112 DEM et celui que lui aurait procuré un travail alternatif à 24 446 DEM (voir points 323, 330 et 336 du présent arrêt).

357.
    Le principe de la réparation intégrale du préjudice réellement subi exige que soient retenus les revenus alternatifs réels pour le calcul de l'indemnité due lorsqu'ils excèdent les revenus alternatifs moyens. Or, le requérant soutient qu'il n'a pas eu de revenus positifs, à l'exception d'une seule campagne. Les indications de la Commission à cet égard ne permettant pas d'infirmer les chiffres dont se prévaut M. Heinemann, il y a lieu de constater que ce dernier n'a pas eu des revenus alternatifs réels plus élevés que les revenus alternatifs moyens.

358.
    Par conséquent, il convient d'arrêter le compte individuel de M. Heinemann conformément aux montants figurant dans le tableau ci-après:

Total (en DEM)
Vente de lait

Vente de vaches et de veaux

Somme (revenu hypothétique brut)

Coûts variables

111 035

22 037

133 072

76 753
Revenu hypothétique
56 319
Revenus alternatifs moyens

- Revenu du capital

- Revenu de la terre

- Revenu du travail

2 350

12 112

24 446
Sommes des revenus alternatifs moyens
38 908
Manque à gagner
17 411

359.
    Compte tenu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de condamner solidairement le Conseil et la Commission à payer à M. Heinemann, au titre du manque à gagner, une indemnité totale de 17 411 DEM, assortie d'intérêts au taux annuel de 1,5 % à compter du 20 novembre 1984 jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt interlocutoire.

360.
    Cette somme sera productrice d'intérêts moratoires au taux annuel de 7 % à compter de cette dernière date jusqu'à celle de son paiement effectif.

VI - Sur les dépens

361.
    Conformément à l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Étant donné qu'une demande de condamnation aux dépens est susceptible d'être présentée lors de l'audience, la circonstance que M. Heinemann a formulé une telle demande dans sa réplique est sans influence sur sa recevabilité. Dès lors, il y a lieu de constater que toutes les parties ont présenté des conclusions relatives aux dépens.

362.
    En vertu de l'article 69, paragraphe 3, du même règlement, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels, la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

363.
    À cet égard, il y a lieu de relever qu'il ressort tant du dispositif de l'arrêt interlocutoire que des motifs qui en constituent le soutien nécessaire que les requérants ont obtenu satisfaction pour l'essentiel. En effet, la Cour a reconnu leur droit à réparation du préjudice que chacun d'eux a subi en raison de l'invalidité de la réglementation instaurée par les règlements nos 857/84 et 1371/84 dans la mesure où celle-ci ne prévoyait pas l'attribution d'une quantité de référence à la catégorie des producteurs SLOM dont faisaient partie les requérants.

364.
    Il convient de relever également que, même si ces derniers ont partiellement succombé en leurs demandes d'indemnités dans la mesure où la Cour n'a pas admis la totalité des montants réclamés au titre du manque à gagner, il n'en demeure pas moins que tous les requérants ont obtenu une indemnisation supérieure à celle que les institutions défenderesses étaient disposées à leur accorder.

365.
    Par conséquent, au vu de l'importance du litige et des chefs de conclusions pour lesquels les requérants ont obtenu satisfaction, les institutions défenderessessupporteront leurs propres dépens et, solidairement, 90 % des dépens des requérants, à l'exception des frais de l'expertise.

366.
    Ceux-ci figurant, conformément à l'article 73, sous a), du règlement de procédure, au nombre des dépens récupérables, ils sont donc à la charge des parties.

367.
    Dès lors, il convient de décider que les frais de l'expertise seront supportés solidairement, à hauteur de 90 %, par le Conseil et la Commission. Dans la mesure où il demeure à la charge de l'ensemble des requérants dans les deux affaires 10 % desdits frais, ceux-ci seront supportés, en tenant compte de leur participation au montant global demandé à titre d'indemnité et dans la mesure où chacun a obtenu gain de cause, par les requérants dans l'affaire C-104/89 à hauteur de 22 % chacun et par M. Heinemann à hauteur de 12 %.

368.
    Aux fins de la répartition des dépens est sans pertinence la circonstance que le Conseil et la Commission se sont déclarés disposés, à titre subsidiaire, à indemniser les requérants sur le fondement du règlement n° 2187/93, dès lors qu'une telle déclaration n'a pas été accompagnée ou à tout le moins suivie du versement des montants correspondants, limitant ainsi le litige aux montants restant dus après un tel versement.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

déclare et arrête:

- dans l'affaire C-104/89:

1)    a)    Le Conseil de l'Union européenne et la Commission des Communautés européennes sont condamnés solidairement à payer à M. Mulder une indemnité de 555 818 NLG.

    b)    Cette somme sera assortie d'intérêts au taux annuel de 1,85 % à compter du 1er octobre 1984 jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt interlocutoire.

    c)    À compter de cette dernière date, ladite somme sera productrice d'intérêts moratoires au taux annuel de 8 % jusqu'au paiement effectif.

2)    a)    Le Conseil et la Commission sont condamnés solidairement à payer à M. Brinkhoff une indemnité de 362 383 NLG.

    b)    Cette somme sera assortie d'intérêts au taux annuel de 1,85 % à compter du 5 mai 1984 jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt interlocutoire.

    c)    À compter de cette dernière date, ladite somme sera productrice d'intérêts moratoires au taux annuel de 8 % jusqu'au paiement effectif.

3)    a)    Le Conseil et la Commission sont condamnés solidairement à payer à M. Muskens une indemnité de 324 914 NLG.

    b)    Cette somme sera assortie d'intérêts au taux annuel de 1,85 % à compter du 22 novembre 1984 jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt interlocutoire.

    c)    À compter de cette dernière date, ladite somme sera productrice d'intérêts moratoires au taux annuel de 8 % jusqu'au paiement effectif.

4)    a)    Le Conseil et la Commission sont condamnés solidairement à payer à M. Twijnstra une indemnité de 579 570 NLG.

    b)    Cette somme sera assortie d'intérêts au taux annuel de 1,85 % à compter du 10 avril 1985 jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt interlocutoire.

    c)    À compter de cette dernière date, ladite somme sera productrice d'intérêts moratoires au taux annuel de 8 % jusqu'au paiement effectif.

- dans l'affaire C-37/90:

5)    a)    Le Conseil et la Commission sont condamnés solidairement à payer à M. Heinemann une indemnité de 17 411 DEM.

    b)    Cette somme sera assortie d'intérêts au taux annuel de 1,5 % à compter du 20 novembre 1984 jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt interlocutoire.

    c)    À compter de cette dernière date, ladite somme sera productrice d'intérêts moratoires au taux annuel de 7 % jusqu'au paiement effectif.

- dans les deux affaires:

6)    Les recours sont rejetés pour le surplus.

7)    Le Conseil et la Commission supporteront leurs propres dépens et, solidairement, 90 % des dépens des requérants, à l'exception des frais de l'expertise ordonnée par la Cour. Ceux-ci seront supportés solidairement, à hauteur de 90 %, par le Conseil et la Commission. Dans la mesure où il demeure à la charge de l'ensemble des requérants dans les deux affaires 10 % desdits frais, ceux-ci seront supportés par les requérants dans l'affaire C-104/89 à hauteur de 22 % chacun et par M. Heinemann à hauteur de 12 %.

Kapteyn

Hirsch
Ragnemalm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 janvier 2000.

Le greffier

Le président de la sixième chambre

R. Grass

J. C. Moitinho de Almeida


1: Langues de procédure: dans l'affaire C-104/89: le néerlandais; dans l'affaire C-37/90: l'allemand.