Language of document : ECLI:EU:F:2007:68

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

20 avril 2007 (*)

« Fonctionnaires – Invalidité – Commission d’invalidité – Refus de convocation – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire F‑13/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

L, ancien agent temporaire de l’Agence européenne des médicaments, demeurant à Londres (Royaume-Uni), représenté par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et E. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Agence européenne des médicaments (EMEA),

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kreppel, président, H. Tagaras et S. Gervasoni (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 7 février 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 16 février suivant), le requérant demande l’annulation de la décision, du 31 mars 2006, par laquelle l’Agence européenne des médicaments (EMEA) (ci-après l’« Agence ») a rejeté sa demande tendant à la constitution d’une commission d’invalidité, ainsi que, pour autant que de besoin, de la décision du 25 octobre 2006 rejetant sa réclamation contre ladite décision.

 Cadre juridique

2        Le régime applicable aux autres agents des Communautés (ci-après le « RAA ») vise, en vertu de son article 1er, tout agent engagé par contrat par les Communautés et dispose, à son article 31, premier alinéa :

« L’agent temporaire est couvert, dans les conditions prévues […], contre les risques de décès et d’invalidité pouvant survenir pendant la durée de son engagement. »

3        L’article 33, paragraphes 1 et 2, du RAA prévoit :

« 1. L’agent atteint d’une invalidité considérée comme totale et qui, pour ce motif, est tenu de suspendre son service auprès de l’institution, bénéficie, aussi longtemps que dure cette invalidité, d’une allocation d’invalidité […]

2. L’état d’invalidité est déterminé par la commission d’invalidité prévue à l’article 9 du statut. »

4        Aux termes de l’article 59, paragraphe 4, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), applicable par analogie aux agents temporaires en vertu de l’article 16, premier alinéa, du RAA :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination peut saisir la commission d’invalidité du cas du fonctionnaire dont les congés cumulés de maladie excèdent douze mois pendant une période de trois ans. »

5        Il résulte de l’article 6 du RAA que, au sein de chaque institution ou agence au sens du statut, les pouvoirs dévolus par celui-ci à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») sont exercés, en ce qui concerne les agents soumis au RAA, par l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »).

6        Le règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO L 136, p. 1), prévoit, à son article 75, que le personnel de l’Agence est soumis aux règles et réglementations applicables aux fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes et que l’Agence exerce à l’égard de son personnel les pouvoirs qui sont dévolus à l’AIPN.

7        En vertu de l’article 64, paragraphe 2, sous f), du règlement n° 726/2004, le directeur exécutif de l’Agence est chargé « de toutes les questions de personnel » et est, à ce titre, l’AHCC au sein de celle-ci.

 Faits, procédure et conclusions du requérant

8        Le requérant est entré au service de l’Agence en qualité d’agent temporaire de catégorie C, le 16 octobre 1996. Son contrat, conclu pour cinq ans, a été renouvelé pour la même durée à compter du 16 octobre 2001.

9        Le 17 mars 2005, le requérant a été victime d’un accident du travail. Depuis lors, il a été placé en congé de maladie.

10      Par courrier du 14 février 2006, le directeur exécutif de l’Agence a informé le requérant que son contrat ne serait pas renouvelé au-delà de sa date d’expiration, soit le 15 octobre 2006.

11      Par courrier du 17 février 2006, le requérant a introduit une réclamation contre cette décision et a demandé la constitution d’une commission d’invalidité.

12      Par lettre du 31 mars 2006, le directeur exécutif de l’Agence a rejeté cette réclamation. Il a également, par la même lettre, refusé de constituer une commission d’invalidité (ci-après la « décision litigieuse »).

13      Par courrier du 3 juillet 2006, le requérant a formé une réclamation à l’encontre de ce refus.

14      Par lettre du 25 octobre 2006, qui aurait été reçue le 31 octobre suivant par le conseil du requérant, le directeur exécutif de l’Agence a rejeté ladite réclamation au motif, notamment, qu’elle avait été transmise après le délai prévu à cet effet par l’article 90, paragraphe 2, du statut.

15      Par ailleurs, le 8 août 2006, le requérant avait introduit une demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, tendant à la constitution d’une commission d’invalidité.

16      Par lettre du 29 novembre 2006, le chef du service juridique de l’Agence a indiqué au requérant que le directeur exécutif de ladite Agence avait dûment considéré, dans sa décision du 25 octobre 2006, que la demande du 8 août 2006 n’était pas une nouvelle demande au sens de l’article 59, paragraphe 4, du statut et qu’elle devait donc être rejetée, pour les raisons mentionnées dans ladite décision.

17      Par lettre du 25 janvier 2007, le requérant a présenté une nouvelle réclamation, dans laquelle il a sollicité le retrait de la décision de rejet de sa demande du 8 août 2006. Dans cette réclamation, le requérant a attiré l’attention du directeur exécutif de l’Agence sur la portée de l’arrêt du 16 janvier 2007, Gesner/OHMI (F‑119/05, non encore publié au Recueil), par lequel le Tribunal a considéré que les agents temporaires avaient droit à la couverture du risque d’invalidité et que l’AHCC ne pouvait légalement se fonder sur la condition de durée de congé de maladie énoncée à l’article 59, paragraphe 4, du statut, pour refuser de convoquer une commission d’invalidité.

18      Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 19 mars 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 20 mars suivant) et enregistrée sous le numéro F‑23/07, le requérant a demandé l’annulation, d’une part, de la décision susmentionnée de l’AHCC, du 25 octobre 2006, et, d’autre part, d’une décision de l’AHCC, du 31 janvier 2007, refusant l’indemnisation des préjudices matériels et moraux prétendument subis en raison des fautes de service qu’aurait commises l’Agence.

19      Dans le présent recours, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision litigieuse ainsi que, pour autant que de besoin, la décision rejetant la réclamation formée à son encontre ;

–        condamner l’Agence aux dépens.

 Sur la recevabilité

20      En vertu de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

21      En ce qui concerne en particulier l’hypothèse d’irrecevabilité manifeste, la disposition susmentionnée ne s’applique pas aux seuls cas où la méconnaissance des règles en matière de recevabilité est à ce point évidente et flagrante qu’aucun argument sérieux ne peut être invoqué en faveur de la recevabilité, mais également aux cas dans lesquels, à la lecture du dossier, la formation de jugement, s’estimant suffisamment éclairée par les pièces du dossier, est entièrement convaincue de l’irrecevabilité de la requête, du fait notamment que cette dernière méconnaît les exigences posées par une jurisprudence constante, et considère de surcroît que la tenue d’une audience ne serait pas de nature à offrir le moindre élément nouveau à cet égard. Dans une telle hypothèse, le rejet de la requête par voie d’ordonnance non seulement contribue à l’économie du procès, mais épargne également aux parties les frais que la tenue d’une audience comporterait (ordonnance du Tribunal du 27 mars 2007, Manté/Conseil, F‑87/06, non encore publiée au Recueil, point 16).

22      Tel est le cas en l’espèce.

23      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les délais de réclamation et de recours, visés aux articles 90 et 91 du statut, sont d’ordre public et ne sauraient être laissés à la disposition des parties et du juge à qui il appartient de vérifier, même d’office, s’ils sont respectés. Ces délais répondent à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir, notamment, arrêts de la Cour du 7 juillet 1971, Müllers/CES, 79/70, Rec. p. 689, point 18, et du 29 juin 2000, Politi/ETF, C‑154/99 P, Rec. p. I‑5019, point 15 ; ordonnance du Tribunal du 15 mai 2006, Schmit/Commission, F‑3/05, RecFP
p. I-A-1-9 et II-A-1-33, point 24).

24      Il y a donc lieu d’examiner si la réclamation a été introduite dans le respect du délai de trois mois visé à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

25      Ainsi qu’il ressort de la lettre du chef du service juridique de l’Agence, du 29 novembre 2006, la lettre contenant la décision litigieuse, bien qu’elle porte la date du 31 mars 2006, a été signée par le directeur exécutif de l’Agence dès le 30 mars 2006 et a été expédiée par erreur avec le courrier de ce jour-là.

26      Or, le requérant ne conteste pas que la décision litigieuse lui a été notifiée dès le 31 mars 2006. Il indique, au point 20 de sa requête, que son épouse « s’est rendue au bureau de poste le 31 mars 2006 et a effectivement retiré un pli [qui lui était] adressé par [l’Agence] ». Dans une lettre du 7 novembre 2006, le conseil du requérant a indiqué au directeur exécutif de l’Agence que « [la] décision [litigieuse] a[vait] été communiquée à [s]on client par [la] lettre du 31 mars [2006] ». Le requérant ne conteste pas davantage dans sa requête que son épouse, lorsqu’elle s’est rendue au bureau de poste, a apposé sa signature sur l’avis de réception de la lettre contenant la décision litigieuse, ainsi qu’il ressort de la lettre du chef du service juridique de l’Agence, du 29 novembre 2006.

27      Toutefois, le requérant fait valoir que le 31 mars 2006 était un vendredi et qu’il n’a pu effectivement prendre connaissance de la lettre contenant la décision litigieuse que le lundi 3 avril suivant, dans la soirée, lors de son retour d’un séjour en Irlande.

28      Cette argumentation ne peut, en l’espèce, être retenue.

29      En effet, le requérant n’est pas fondé à soutenir que la notification du 31 mars 2006 ne lui aurait pas permis de prendre utilement connaissance de la décision litigieuse (voir, a contrario, pour une hypothèse dans laquelle l’administration reste silencieuse sur la date de la notification d’une décision, arrêt du Tribunal de première instance du 8 juin 1993, Fiorani/Parlement, T‑50/92, Rec. p. II‑555, points 15 et 16).

30      D’une part, son épouse ayant reçu notification de la décision litigieuse le 31 mars 2006, le requérant ne peut valablement prétendre avoir été placé dans l’ignorance du contenu de ce document jusqu’au 3 avril suivant. La présente affaire se distingue ainsi de celles dans lesquelles l’absence du fonctionnaire faisait par elle-même obstacle à la notification de l’acte litigieux ou retardait celle-ci (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 3 juin 1997, H/Commission, T‑196/95, RecFP p. I‑A‑133 et II‑403, points 32 à 35).

31      En outre, le requérant avait, par lettre du 17 février 2006, saisi l’Agence d’une réclamation et d’une demande relatives à sa situation personnelle et était dans l’attente d’une prise de position de l’administration à cet égard. Sur ce point, le requérant ne soutient pas que son épouse n’aurait pas été informée d’une telle démarche. De plus, la lettre contenant la décision litigieuse est un document très court, de cinq paragraphes. Or, le requérant n’a nullement allégué que son épouse aurait été dans l’incapacité d’en comprendre le sens et la portée, par exemple pour des raisons linguistiques (voir, a contrario, arrêt du Tribunal de première instance du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T‑197/98, RecFP p. I‑A‑55 et II‑241, point 46).

32      D’autre part, si la thèse du requérant était admise, l’établissement de la preuve de la notification effective d’une décision et de la date à laquelle celle-ci est utilement portée à la connaissance de son destinataire serait impossible pour l’administration, alors même que ladite décision aurait été dûment notifiée à une personne ayant toute qualité pour représenter le fonctionnaire ou l’agent temporaire. La date à laquelle un fonctionnaire ou un agent temporaire prend effectivement connaissance de la décision le concernant dépendrait de circonstances aléatoires, d’ordre privé, indépendantes de la diligence avec laquelle l’administration a notifié la décision.

33      Or, ainsi qu’il a déjà été jugé, la « connaissance » d’un acte à laquelle fait référence l’article 90, paragraphe 2, du statut, et qui ouvre le délai de réclamation de trois mois, est la connaissance résultant de la notification ou de la publication d’un tel acte, (arrêt du Tribunal de première instance du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, T‑35/96, RecFP p. I‑A‑61 et II‑187, point 40). Dans le même esprit, rappelant que les délais de recours sont d’ordre public et qu’il n’appartient pas aux parties de les fixer à leur convenance, la Cour a jugé, certes à propos d’une personne morale, que le point de départ du délai de recours ne saurait varier au gré des statuts ou des pratiques de la personne morale ni, par conséquent, être fixé au jour où l’organe compétent, siégeant dans des conditions régulières, prend valablement connaissance de la décision à contester (arrêt de la Cour du 11 mai 1989, Maurissen et Union syndicale/Cour des comptes, 193/87 et 194/87, Rec. p. 1045, point 39).

34      Le requérant ne parvient donc pas à renverser la présomption selon laquelle la décision litigieuse lui a bien été notifiée et qu’il a pu en prendre utilement connaissance le 31 mars 2006 (voir, par analogie, à propos du cachet d’enregistrement d’une réclamation, ordonnance Schmit/Commission, précitée, points 29 et 30).

35      Dans ces conditions, le délai de réclamation a couru à compter du 31 mars 2006 et a expiré le 30 juin suivant, en vertu de l’article 101, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

36      Or, il est constant que la réclamation formée par le requérant à l’encontre de la décision litigieuse n’a été introduite que le 3 juillet 2006, soit en dehors du délai fixé par l’article 90, paragraphe 2, du statut.

37      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être considéré comme irrecevable pour tardiveté de la réclamation préalable.

 Sur les dépens

38      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, RecFP p. I-A-1-3 et II-A-1-7, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

39      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 20 avril 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       H. Kreppel


* Langue de procédure : le français.