Language of document : ECLI:EU:T:2011:646

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

9 novembre 2011 (*)

« Accès aux documents des institutions – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Refus implicite d’accès – Intérêt à agir – Décision explicite adoptée après l’introduction du recours – Refus d’adaptation des conclusions – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑120/10,

ClientEarth, établie à Londres (Royaume-Uni),

European Federation for Transport and Environment (T&E), établie à Bruxelles (Belgique),

European Environmental Bureau (EEB), établi à Bruxelles,

BirdLife International, établie à Bruxelles,

représentés par M. S. Hockman, QC, et Me P. Kirch, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes K. Herrmann et C. ten Dam, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 9 février 2010, refusant l’accès à certains documents relatifs à la modélisation des biocarburants,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, V. Vadapalas et K. O’Higgins (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige

1        ClientEarth est une association caritative dont la mission est notamment de promouvoir le développement, la conservation et la protection de l’environnement ainsi que d’informer sur tout sujet relatif au droit, à la pratique et à l’administration de la justice en relation avec l’environnement.

2        L’European Federation for Transport and Environment (T&E) est une association sans but lucratif dont la mission est de promouvoir une politique des transports fondée sur la science et les principes du développement durable.

3        L’European Environmental Bureau (EEB) est une fédération regroupant environ 140 organisations écologistes dont la mission est de protéger et d’améliorer l’environnement en Europe et de permettre aux citoyens européens de jouer un rôle dans la poursuite de cet objectif.

4        BirdLife International est une association caritative regroupant des organisations dont la mission est de lutter pour la conservation des oiseaux, de leurs habitats et de la biodiversité globale en travaillant en vue du développement durable des ressources naturelles.

5        Par lettre du 15 octobre 2009, l’European Federation for Transport and Environment (T&E) a demandé à la direction générale (DG) « Agriculture et développement rural » de la Commission européenne à avoir accès à l’ensemble des documents relatifs à la modélisation des effets du changement indirect d’affectation des sols induits par la production accrue de biocarburants, établis pour le compte de la Commission par l’Institute for prospective Technological Studies (IPTS), du Centre commun de recherche (JRC), et, le cas échéant, par d’autres consultants, à partir du 1er janvier 2009. Lesdits documents ont été demandés en vertu du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43).

6        Ladite demande a été enregistrée par la Commission le 15 octobre 2009.

7        Par lettre du 3 novembre 2009, la DG « Agriculture et développement rural » a informé l’European Federation for Transport and Environment (T&E) que le délai pour sa réponse était prolongé de 15 jours.

8        Par lettre du 27 novembre 2009, la DG « Agriculture et développement rural » a octroyé une partie des documents demandés, mais a refusé de communiquer un certain nombre d’entre eux, au motif qu’ils étaient couverts par l’exception visée à l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001.

9        Par lettre du 17 décembre 2009, l’European Federation for Transport and Environment (T&E), à laquelle se sont joints ClientEarth, l’European Environmental Bureau (EEB) et BirdLife International, a déposé une demande confirmative, au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, auprès du secrétariat général de la Commission.

10      Cette dernière a été enregistrée par le secrétariat général de la Commission le 18 décembre 2009.

11      Par lettre du 19 janvier 2010, le secrétariat général de la Commission a informé les requérantes que le délai pour répondre à leur demande était prolongé de 15 jours, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

12      Par lettre du 8 février 2010, le secrétariat général de la Commission a informé les requérantes qu’il ne pourrait prendre une décision finale sur la demande d’accès aux documents dans le délai requis, qui venait à échéance le 9 février 2010, dans la mesure où le traitement de leur demande impliquait l’évaluation de nombreux documents de différentes directions générales et de tiers. Le secrétariat général de la Commission a également proposé aux requérantes de trouver un arrangement équitable, conformément à l’article 6, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, consistant, en premier lieu, à leur donner une réponse partielle à la suite de l’examen d’une série de documents puis, en second lieu, une réponse finale à la suite de l’examen des documents restants.

13      Par lettre du 8 février 2010, les requérantes ont répondu à la Commission en établissant une liste de documents considérés comme prioritaires et dont elles souhaitaient la communication pour le 9 février 2010. Elles précisaient, en outre, qu’elles ne renonçaient pas pour autant à leur droit d’exercer un recours, conformément à l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, à l’encontre de la décision implicite de refus de la Commission et sollicitaient une réunion dans les meilleurs délais avec cette dernière.

14      Par lettre du 9 février 2010, le secrétariat général de la Commission a rappelé qu’il n’avait pas terminé l’analyse des documents demandés et qu’il n’était pas en mesure, comme indiqué dans son courrier du 8 février 2010, de prendre une décision sur la demande d’accès aux documents et notamment aux documents listés comme prioritaires par les requérantes dans le délai fixé par le règlement n° 1049/2001. Il a précisé que le fait qu’il n’ait pas adopté de décision finale ne devait pas être interprété comme une décision de refus implicite de donner accès aux documents demandés, mais a ajouté que les requérantes étaient toutefois en mesure d’introduire un recours devant le Tribunal ou une plainte auprès du Médiateur européen.

15      Dans sa lettre du 22 février 2010, le secrétariat général de la Commission a examiné la demande de documents qui avaient été considérés comme prioritaires par les requérantes dans leur lettre du 8 février 2010. Il a octroyé un accès à un certain nombre de documents. En ce qui concerne, d’une part, l’étude externe qui a été réalisée par l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires à partir d’une approche fondée sur des modèles d’équilibre général, en utilisant une version complétée de la base de données du Global Trade Analysis Project (GTAP) et le modèle MIRAGE, ainsi que, d’autre part, l’évaluation du Centre commun de recherche de la Commission relative à d’autres exercices de modélisation existants, le secrétariat général a indiqué qu’il était encore en train de les examiner.

16      Par lettre du 22 février 2010, les requérantes ont demandé à la Commission de les informer de ce qu’il advenait des 140 documents qui n’avaient pas été divulgués sur les 200 documents qui avaient été auparavant identifiés dans la lettre de la Commission du 9 février 2010.

17      Par lettre du 24 février 2010, le secrétariat général de la Commission a précisé qu’il avait procédé, dans son courrier du 22 février, à un examen partiel de la demande d’accès des requérantes et qu’il continuait l’examen des documents restants dans les meilleurs délais. Il a également indiqué que l’ensemble des documents divulgués aux requérantes s’élevait à 115 documents, en comptant les documents joints.

18      Par lettre du 2 juillet 2010, le secrétariat général de la Commission a transmis une partie des documents demandés. Il a précisé avoir identifié 140 documents, rappelant que 8 documents avaient été divulgués par la DG « Agriculture et développement rural » et que 74 documents avaient été divulgués lors de sa décision du 22 février 2010. Parmi les 63 documents restants, la Commission a octroyé aux requérantes l’accès à 37 documents, un accès partiel à 2 documents, en vertu de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, et refusé l’accès aux 24 documents restants, au motif que leur divulgation porterait atteinte, d’une part, à la protection de l’intérêt public, en ce qui concerne les relations internationales, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement n° 1049/2001, et, d’autre part, à la protection des intérêts commerciaux, au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 2010, les requérantes ont introduit le présent recours.

20      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

21      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, en vertu de l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, les requérantes ont été invitées à se prononcer sur les conséquences qu’elles tiraient pour le présent recours des arrêts du Tribunal du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission (T‑355/04 et T‑446/04, Rec. p. II‑1), et du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission (T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, non encore publié au Recueil). De surcroît, M. S. Hockman, QC, a été invité à fournir au Tribunal toutes les informations relatives à ses fonctions et à sa position au sein de ClientEarth qu’il représente depuis l’introduction du présent recours.

22      La Commission et les requérantes ont présenté leurs réponses aux questions du Tribunal respectivement les 14 avril et 27 avril 2011.

23      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Commission du 9 février 2010 ;

–        constater que la Commission a violé l’article 8, paragraphe 1, l’article 7, paragraphe 1, l’article 4, paragraphes 3, 6 et 7, du règlement n° 1049/2001 et l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO L 264, p. 13) ;

–        constater que les motifs d’une décision refusant l’accès aux documents, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, doivent être indiqués dans une réponse écrite avant l’expiration des délais impartis dans les deux phases de la procédure administrative ou être écartés en tant que motifs permettant d’invoquer une exception, faute de quoi ils échapperaient à tout contrôle juridictionnel ;

–        ordonner à la Commission de leur fournir l’accès à l’ensemble des documents demandés ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, constater que le recours est devenu sans objet ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

25      En vertu de l’article 111 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

26      Par ailleurs, en vertu de l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public ou constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

27      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la recevabilité des deuxième, troisième et quatrième chefs de conclusions

28      Par leur deuxième et troisième chefs de conclusions, les requérantes demandent au Tribunal de constater que la Commission a violé certaines dispositions du règlement n° 1049/2001 et du règlement n° 1367/2006 et que les motifs de refus d’accès aux documents doivent être indiqués dans une réponse écrite avant l’expiration des délais prévus dans le règlement n° 1049/2001. Par leur quatrième chef de conclusions, les requérantes demandent également au Tribunal d’ordonner à la Commission de leur fournir l’accès à l’ensemble des documents demandés.

29      À cet égard, il y a lieu de considérer qu’il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, de faire des déclarations en droit (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 5 novembre 1996, Mazzocchi-Alemanni/Commission, T‑21/95 et T‑186/95, RecFP p. I‑A‑501 et II‑1377, point 44). De surcroît, selon une jurisprudence bien établie, le Tribunal est incompétent pour adresser des injonctions aux institutions communautaires (ordonnance du Tribunal du 12 novembre 1996, SDDDA/Commission, T‑47/96, Rec. p. II‑1559, point 45 et arrêt du Tribunal du 9 septembre 1999, UPS Europe/Commission, T‑127/98, Rec. p. II‑2633, point 50). En effet, conformément à l’article 264 TFUE, le Tribunal a uniquement la possibilité d’annuler l’acte contesté. Il incombe ensuite à l’institution concernée, en application de l’article 266 TFUE, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal (arrêts du Tribunal du 24 janvier 1995, Ladbroke Racing/Commission, T‑74/92, Rec. p. II‑115, point 75, et UPS Europe/Commission, précité, point 50).

30      Les chefs de conclusions susmentionnés doivent, par suite, être déclarés irrecevables.

 Sur les conclusions visant à l’annulation de la lettre de la Commission du 9 février 2010

 Sur la nature de la lettre de la Commission du 9 févier 2010

–       Arguments des parties

31      La Commission soutient que sa lettre du 9 février 2010 dans laquelle elle a énoncé qu’elle n’était pas en mesure de prendre une décision sur la demande d’accès aux documents dans le délai fixé par le règlement n° 1049/2001 ne peut être considérée comme une décision, ni comme un refus d’accès aux documents. Selon elle, il n’existerait pas, à la date d’introduction du recours des requérantes de décision implicite de refus, au sens de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

32      Les requérantes rappellent qu’en vertu de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 l’absence de réponse de l’institution dans le délai requis est considérée comme une réponse négative et habilite le demandeur à former un recours. En outre, elles relèvent que, dans sa lettre du 9 février 2010, la Commission, sans donner accès aux documents, ni fournir de motifs valables de refus, les a informées de leur droit d’introduire un recours devant le Tribunal.

–       Appréciation du Tribunal

33      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, seuls constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires, de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêts du Tribunal du 27 novembre 2007, Pitsiorlas/Conseil et BCE, T‑3/00 et T‑337/04, Rec. p. II‑4779, point 58, et Co-Frutta/Commission, précité, point 32).

34      S’agissant, plus particulièrement, d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, ne constituent, en principe, des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution concernée au terme de la procédure. Il en résulte que des mesures préliminaires ou de nature purement préparatoire ne peuvent faire l’objet d’un recours en annulation (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 10 et ordonnance du Tribunal du 17 juin 2010, Jurašinović/Conseil, T‑359/09, non publiée au Recueil, point 27).

35      La procédure d’accès aux documents, régie par les articles 6 à 8 du règlement n° 1049/2001, se déroule en deux étapes. Dans un premier temps, le demandeur doit adresser à la Commission une demande initiale d’accès aux documents. En principe, la Commission doit répondre à la demande initiale dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de l’enregistrement de ladite demande. Dans un second temps, en cas de refus total ou partiel, le demandeur peut présenter, dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de la réponse initiale de la Commission, une demande confirmative auprès du secrétariat général de la Commission, demande à laquelle ce dernier doit, en principe, répondre dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de l’enregistrement de ladite demande. En cas de refus total ou partiel, le demandeur peut former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou présenter une plainte au Médiateur, selon les conditions prévues respectivement aux articles 263 TFUE et 228 TFUE.

36      En l’espèce, il y a lieu de relever qu’à la suite de la demande confirmative des requérantes enregistrée le 18 décembre 2009 le secrétariat général de la Commission a prolongé, par courrier du 19 janvier 2010, le délai de réponse de 15 jours, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001. Puis, par courrier du 8 février 2010, il a informé les requérantes de son incapacité à répondre à leur demande d’accès aux documents dans les délais prévus à l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001. Il a réitéré, par lettre du 9 février 2010, son incapacité à prendre une décision définitive dans les délais requis, en réponse à la lettre des requérantes du 8 février 2010 lui demandant en priorité un ensemble de documents pour le 9 février 2010. Il ne ressort pas des termes de ladite lettre que la Commission ait pris une position finale concernant la demande d’accès aux documents des requérantes.

37      Toutefois, force est de constater que la Commission, dans sa lettre du 9 février 2010, a non seulement constaté sa propre incapacité à répondre dans le délai qui lui était imparti, après une prolongation du délai, à la demande confirmative des requérantes, mais a également veillé à rappeler que les requérantes étaient en mesure d’introduire un recours devant le Tribunal ou une plainte auprès du Médiateur.

38      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, l’absence de réponse de l’institution dans le délai requis est considérée comme une réponse négative et habilite le demandeur à former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou à présenter une plainte au Médiateur, selon les dispositions pertinentes du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

39      Il en résulte que la Commission ne pouvait prolonger le délai pour sa décision qu’une seule fois et que, à l’expiration du délai prolongé, à savoir le 9 février 2010, une décision implicite de refus d’accès était réputée adoptée.

40      L’absence de réponse de la Commission doit être considérée comme ayant donné naissance, à l’expiration du délai, à une réponse négative susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. Le fait que la Commission ait adopté le jour même de l’expiration du délai prévu à l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, une lettre réitérant son impossibilité de répondre dans les délais à la demande de documents des requérantes ne saurait infirmer cette conclusion.

 Sur l’intérêt à agir des requérantes

–       Arguments des parties

41      La Commission soutient que dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait qu’il existe une décision implicite de refus, le recours en annulation serait devenu sans objet dans la mesure où elle a adopté une décision explicite qui a remplacé la décision implicite de refus du 9 février 2010.

42      Les requérantes considèrent qu’elles ont toujours un intérêt à demander l’annulation de la décision implicite de refus du 9 février 2010 dans la mesure où la Commission refusait l’accès à environ 200 documents sur les incidences environnementales des politiques de l’Union en matière de biocarburants. Par ailleurs, leur intérêt à agir continuerait toujours à exister, nonobstant la décision explicite de refus de la Commission, afin d’empêcher la pratique constante de la Commission de ne pas respecter les délais prévus par le règlement n° 1049/2001.

43      Elles rejettent la possibilité d’introduire un nouveau recours en annulation à l’encontre de la décision explicite de la Commission du 2 juillet 2010 ou de modifier leurs conclusions, soutenant qu’elles ne souhaitent pas de retard supplémentaire dans le traitement de leur recours.

44      Dans leur réponse à la question écrite posée par le Tribunal, les requérantes ont considéré que leur affaire se distingue de celles ayant donné lieu aux arrêts Co-Frutta/Commission et Ryanair/Commission, précités. En effet, la présente affaire se fonderait sur des textes législatifs spécifiques, à savoir la convention d’Aarhus et le règlement n° 1367/2006. Selon les requérantes, la pratique de la Commission consistant à adopter des décisions explicites de refus en dehors des délais requis viole les droits établis par la convention d’Aarhus et le règlement n° 1367/2006 et les empêcherait notamment d’intervenir, en l’espèce, dans le processus décisionnel pour les biocarburants en matière environnementale.

45      Elles précisent que le préjudice subi, à savoir le temps perdu dans le cadre de la participation au processus décisionnel, ne saurait faire l’objet d’une réparation pécuniaire, contrairement à ce qui avait été considéré dans l’arrêt Co-Frutta/Commission, précité.

–       Appréciation du Tribunal

46      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où la partie requérante a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué (voir arrêt Ryanair/Commission, précité, point 41, et la jurisprudence citée).

47      L’intérêt à agir de la requérante doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité (voir arrêt Ryanair/Commission, précité, point 42, et la jurisprudence citée).

48      En l’espèce, il y a lieu de constater que, au moment de l’introduction du recours, les requérantes avaient un intérêt à demander l’annulation de la décision implicite de refus de leur demande d’accès aux documents du 9 février 2010 et que leur recours était recevable à cette date.

49      Toutefois, l’intérêt à agir doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt Ryanair/Commission, précité, point 43, et la jurisprudence citée).

50      Si l’intérêt à agir de la requérante disparaît au cours de la procédure, une décision sur le fond ne saurait procurer aucun bénéfice à celle-ci (voir arrêt Ryanair/Commission, précité, point 44, et la jurisprudence citée).

51      En l’espèce, il est constant que les requérantes demandent l’annulation de la lettre de la Commission du 9 février 2010. En effet, malgré l’adoption par la Commission des décisions explicites de refus partiel des 22 février et 2 juillet 2010, donnant accès à un certain nombre de documents, les requérantes ont, dans leur réplique, indiqué ne pas vouloir adapter leurs conclusions à la suite de l’adoption de la décision de la Commission du 2 juillet 2010, bien que, selon une jurisprudence constante, cela leur était loisible (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, points 28 et 29, et ordonnance du Tribunal du 12 janvier 2011, Terezakis/Commission, T‑411/09, non encore publiée au Recueil, point 18).

52      Il s’ensuit qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours en ce qu’il est dirigé contre la décision implicite de refus de la Commission du 9 février 2010, dans la mesure où les requérantes n’ont plus d’intérêt à agir contre celle-ci, du fait de l’adoption des décisions explicites du 22 février 2010 et du 2 juillet 2010. En effet, par l’adoption de ces décisions explicites, la Commission a, de fait, procédé au retrait de la décision implicite de refus du 9 février 2010.

53      Une éventuelle annulation pour défaut de motivation de la décision implicite ne pourrait que donner lieu à une nouvelle décision, identique quant au fond aux décisions explicites. En outre, l’examen du recours contre la décision implicite ne peut se justifier ni par l’objectif d’éviter que se reproduise l’illégalité reprochée, au sens du point 50 de l’arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission (C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333), ni par celui de faciliter un éventuel recours en indemnité, lesdits objectifs pouvant être atteints par l’examen des recours à l’encontre des décisions explicites (voir, en ce sens, arrêt Ryanair/Commission, précité, point 46, et la jurisprudence citée).

54      L’argument selon lequel le préjudice subi, à savoir l’impossibilité de participer au processus décisionnel du fait du retard de la Commission à adopter ses décisions explicites, n’est pas susceptible de faire l’objet d’une réparation pécuniaire ne saurait remettre en cause les considérations précédentes. En effet, quelles que soient la nature du préjudice prétendument subi et la voie de recours choisie pour faire valoir leurs droits, les requérantes devaient soulever leurs moyens d’annulation à l’encontre des décisions explicites de la Commission ayant fait disparaître de l’ordre juridique la décision implicite du 9 février 2009.

55      Les conclusions précédentes ne sont pas davantage infirmées par la prétendue application spécifique, évoquée par les requérantes, de la convention d’Aarhus et du règlement n° 1367/2006 pour l’accès aux documents en matière environnementale dans la mesure où, en vertu de l’article 3 dudit règlement, il est expressément prévu que le règlement n° 1049/2001 s’applique à toute demande d’accès à des informations environnementales détenues par les institutions ou organes communautaires. Il s’ensuit que le traitement des demandes d’accès aux documents, en matière environnementale relève également du régime général d’accès aux documents et notamment des articles 7 et 8 du règlement n° 1049/2001.

56      Partant, il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

58      En l’espèce, s’agissant de la perte de l’intérêt à agir à l’encontre de la décision implicite de refus, il y a lieu de constater, d’une part, que la Commission, comme elle l’a reconnu elle-même dans sa lettre du 8 février 2010, n’était pas en mesure, à l’expiration du délai prévu à l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, d’adopter une décision. D’autre part, bien qu’elle ait répondu partiellement à la demande des requérantes, en octroyant, par sa lettre du 22 février 2010, l’accès à des documents demandés, force est de constater que, contrairement à ce qui était indiqué dans sa lettre du 24 février 2010, à savoir que les requérantes pouvaient compter sur une réponse dans les plus brefs délais, la décision définitive n’a été adoptée que le 2 juillet 2010, soit près de cinq mois après l’expiration du délai prévu en vertu de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001.

59      Partant, eu égard aux circonstances factuelles qui caractérisent le cas d’espèce et notamment le fait que la Commission a manifestement dépassé le délai dont elle disposait, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, pour répondre à la demande confirmative, de sorte que les requérantes n’avaient pas d’autre choix, afin de sauvegarder leurs droits, que d’introduire le présent recours contre la décision implicite de refus, il y a lieu de condamner la Commission à supporter ses propres dépens ainsi que ceux des requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de ClientEarth, de l’European Federation for Transport and Environment (T&E), de l’European Environmental Bureau (EEB) et de BirdLife International.

Fait à Luxembourg, le 9 novembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       S. Papasavvas


* Langue de procédure : l’anglais.