Language of document : ECLI:EU:T:2018:532

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

12 septembre 2018 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Recrutement – Concours interne – Constitution d’une liste de réserve pour le recrutement d’assistants – Condition d’admission relative à l’exigence d’activité sans interruption pendant les douze mois précédant la clôture du délai pour le dépôt des candidatures – Congé de convenance personnelle – Non-admission à participer aux épreuves d’un concours »

Dans l’affaire T‑73/17,

RS, ancien agent temporaire de la Commission européenne, représenté par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Berscheid et Mme L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du jury du concours interne COM/02/AST/16 (AST 2) portant rejet de la candidature du requérant et, d’autre part, à la réparation du préjudice qu’il aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 18 janvier 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Entre le 16 juin 2010 et le 15 juin 2013, le requérant, RS, a travaillé à la Commission européenne en tant qu’agent contractuel du groupe de fonctions III. Du 16 juin 2013 au 15 juin 2016, il a exercé ses fonctions en qualité d’agent temporaire en vertu d’un contrat conclu au titre de l’article 2, sous b), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »).

2        Du 1er octobre au 30 novembre 2015, l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement a autorisé le requérant à bénéficier d’un congé sans rémunération au titre de l’article 17 du RAA.

3        Le 9 février 2016, la Commission a publié un avis de concours internes sur épreuves, pour la constitution d’une liste de réserve pour le recrutement de secrétaires/commis de grade 2 (AST/SC 2), d’assistants de grade 2 (AST 2) et d’administrateurs de grade 6 (AD 6) (ci-après l’« avis de concours »). Ces trois concours étaient respectivement référencés comme suit : COM/01/AST-SC/16 (AST/SC 2) – Secrétaires/commis, COM/02/AST/16 (AST 2) – Assistants, et COM/03/AD/16 (AD 6) – Administrateurs.

4        Sous le titre III, intitulé « Éligibilité », l’article 2.1 de l’avis de concours prévoyait notamment ce qui suit s’agissant du statut administratif des candidats :

« Vous devez :

a)      avoir acquis une ancienneté de service d’une durée minimale de 42 mois, qui ne sont pas nécessairement consécutifs, en tant que fonctionnaire, agent temporaire ou agent contractuel auprès de la Commission ; les périodes d’activité accomplies au sein des agences ou d’autres institutions ne sont pas prises en considération ; les périodes d’activité accomplies au sein de la Commission en tant qu’agent intérimaire, agent auxiliaire, agent local ou expert national détaché (END) ne sont pas non plus prises en considération ;

b)      avoir passé au moins les douze derniers mois précédant la date de clôture de l’inscription électronique en tant que fonctionnaire, agent temporaire ou agent contractuel auprès de la Commission ; durant ces douze mois, vous devez avoir été en position administrative “d’activité”, “congé pour service militaire”, “congé parental ou familial”, “détachement dans l’intérêt du service” ou “détachement sur demande” (au cours des six premiers mois du détachement sur demande), au sens des articles 37 et suivants du [statut des fonctionnaires de l’Union européenne.] »

5        À une date indéterminée, le requérant s’est porté candidat au concours interne COM/02/AST/16 (AST 2).

6        Le 11 avril 2016, le jury du concours interne COM/02/AST/16 (AST 2) a informé le requérant de sa décision de rejeter sa candidature (ci-après la « décision attaquée »), dès lors qu’il ne remplissait pas la condition fixée par l’avis de concours exigeant d’« avoir passé au moins les douze derniers mois précédant la date de clôture de l’inscription électronique en position administrative “d’activité”, “congé pour service militaire”, “congé parental ou familial”, “détachement dans l’intérêt du service”, ou “détachement sur demande” (au cours des six premiers mois du détachement sur demande), au sens des articles 37 et suivants du [statut des fonctionnaires de l’Union européenne] » (ci-après la « condition litigieuse »).

7        Le 11 juillet 2016, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée.

8        Par décision du 21 octobre 2016 notifiée au requérant le 24 octobre suivant, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation de celui-ci et a transmis sa décision à ses conseils.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 février 2017, le requérant a introduit le présent recours.

10      Par courrier du 3 février 2017, le requérant a demandé, d’une part, à pouvoir bénéficier de l’anonymat conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal et, d’autre part, à ce que son affaire soit jointe, pour cause de connexité, à l’affaire T‑55/17, Healy/Commission, conformément à l’article 68 dudit règlement.

11      Par courrier du 15 février 2017, le requérant et la Commission ont été invités à présenter leurs observations sur une éventuelle jonction de la présente affaire et des affaires T‑55/17, Healy/Commission, et T‑79/17, Schoonjans/Commission.

12      Par courrier du 23 février 2017, le requérant s’est déclaré favorable à la jonction de la présente affaire et des affaires T‑55/17, Healy/Commission, et T‑79/17, Schoonjans/Commission, et n’a pas demandé le traitement confidentiel des données contenues dans les actes de procédure et les pièces du dossier.

13      Le 4 avril 2017, la Commission a déposé le mémoire en défense.

14      Par décision du 6 avril 2017, le Tribunal a fait droit à la demande d’anonymat présentée par le requérant.

15      Par courrier du 18 mai 2017, le requérant a indiqué renoncer à déposer une réplique.

16      Par courrier du 30 mai 2017, le requérant a sollicité la tenue d’une audience.

17      Par décision du 14 novembre 2017, le président de la neuvième chambre du Tribunal a décidé de ne pas joindre la présente affaire et les affaires T‑55/17, Healy/Commission, et T‑79/17, Schoonjans/Commission.

18      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 18 janvier 2018.

19      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission à lui verser la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral prétendument subi ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

 Arguments des parties

21      Au soutien du recours, le requérant soulève un moyen unique, pris, en substance, d’une exception d’illégalité de l’avis de concours tirée de ce que la condition litigieuse, sur laquelle est fondée la décision attaquée, méconnaît, d’une part, l’article 24 bis et l’article 27, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), et, d’autre part, le principe d’égalité de traitement.

22      Selon le requérant, il ressort de l’article 29 du statut que les concours internes à une institution sont ouverts à toute personne travaillant pour celle-ci, y compris les agents temporaires, et que toute exception à ce principe doit être dûment motivée au regard de l’intérêt du service.

23      Pour le requérant, il n’est pas discuté qu’il était au service de la Commission au moment du dépôt et de l’examen de sa candidature au concours interne COM/02/AST/16 (AST 2). Il estime aussi que ce serait la première fois que la Commission interpréterait la condition pour le candidat de « se trouver au service de l’institution » comme consistant à avoir été en position administrative d’activité (ou dans l’une des situations de congé visées par l’avis de concours) pendant les douze mois précédant la clôture des inscriptions au concours.

24      Contrairement à ce qu’aurait affirmé l’AIPN dans sa décision du 21 octobre 2016, la condition litigieuse ne permettrait pas, selon le requérant, d’atteindre le double objectif recherché, à savoir, d’une part, de disposer d’un personnel hautement qualifié et immédiatement opérationnel et, d’autre part, de régulariser, au titre de l’intérêt du service, la situation des agents contractuels et temporaires qui travaillaient pour la Commission depuis une période continue et prolongée.

25      En premier lieu, le requérant estime que rien ne permet de présumer qu’il risquait d’être « moins immédiatement opérationnel » qu’un autre agent ayant bénéficié d’un congé plus long (par exemple un congé parental ou pour service militaire), mais disposant d’une ancienneté de service inférieure.

26      La condition litigieuse violerait également le principe d’égalité de traitement dans la mesure où les candidats auraient été traités différemment, sans raison objective, selon le type de congé qu’ils avaient pris au cours des douze mois ayant précédé la clôture des inscriptions au concours interne COM/02/AST/16 (AST 2). Selon le requérant, l’AIPN se méprend en considérant que ce principe a été respecté, tous les candidats ayant pris un congé de convenance personnelle ou un congé sans rémunération ayant été traités de la même manière. De même, cette différence de traitement ne saurait être expliquée par le fait que, contrairement aux agents prenant un congé pour convenance personnelle, les agents prenant un congé parental ou familial restent affiliés au régime commun d’assurance maladie de l’Union européenne et continuent d’acquérir des droits à la pension.

27      Enfin, le requérant conteste que son congé soit un choix personnel sans lien avec l’intérêt du service. D’une part, un tel congé ne serait octroyé, aux termes de l’article 17 du RAA, que si la demande est conforme à l’intérêt du service. D’autre part, ce congé lui aurait permis de faciliter son perfectionnement professionnel, lequel devrait être pris en compte conformément à l’article 24 bis du statut.

28      En second lieu, le requérant estime que l’objectif de régulariser la situation d’agents ayant travaillé à la Commission ne trouverait aucun fondement dans l’avis de concours. Par ailleurs, ledit avis prévoirait notamment que les candidats doivent disposer d’une expérience de service d’au moins 42 mois non nécessairement consécutifs.

29      Pour ces raisons, la condition litigieuse méconnaîtrait les articles 24 bis et 27 du statut, dès lors qu’elle serait sans lien avec les mérites des agents candidats au concours interne COM/02/AST/16 (AST 2).

30      En toute hypothèse, compte tenu de la brièveté de son congé, le requérant fait valoir, en substance, que la condition litigieuse aboutit à un résultat disproportionné au regard de l’objectif poursuivi par l’avis de concours.

31      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

 Appréciation du Tribunal

32      Aux termes de l’article 24 bis du statut :

« L’Union facilite le perfectionnement professionnel du fonctionnaire dans la mesure où celui-ci est compatible avec les exigences du bon fonctionnement des services et conforme à leurs propres intérêts.

Il est tenu compte également de ce perfectionnement pour le déroulement de la carrière. »

33      L’article 27, premier alinéa, du statut dispose :

« Le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique la plus large possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union. Aucun emploi ne peut être réservé aux ressortissants d'un État membre déterminé. »

34      En premier lieu, il convient de rappeler les principes posés par la jurisprudence relatifs aux conditions et aux modalités d’organisation d’un concours.

35      Premièrement, le rôle essentiel de l’avis de concours consiste à informer les intéressés d’une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s’agit, afin de les mettre en mesure d’apprécier s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature (voir arrêt du 31 janvier 2006, Giulietti/Commission, T‑293/03, EU:T:2006:37, point 63 et jurisprudence citée).

36      Deuxièmement, l’institution dispose, à cet égard, d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les critères de capacité exigés par les emplois à pourvoir et pour déterminer, en fonction de ces critères et dans l’intérêt du service, les conditions et les modalités d’organisation d’un concours (voir, en ce sens, arrêts du 9 octobre 2008, Chetcuti/Commission, C‑16/07 P, EU:C:2008:549, points 76 et 77 et jurisprudence citée ; du 31 janvier 2006, Giulietti/Commission, T‑293/03, EU:T:2006:37, point 63 et jurisprudence citée, et du 13 décembre 2006, Heus/Commission, T‑173/05, EU:T:2006:392, point 36 et jurisprudence citée).

37      Toutefois, l’exercice du pouvoir d’appréciation qui appartient aux institutions en matière d’organisation de concours, en particulier en ce qui concerne la fixation des conditions d’admission, doit être compatible avec les dispositions impératives de l’article 27, premier alinéa, et de l’article 29, paragraphe 1, du statut. C’est de manière impérative que l’article 27, premier alinéa, du statut définit le but de tout recrutement et que l’article 29, paragraphe 1, du statut fixe le cadre des procédures à suivre en vue de pourvoir aux vacances d’emploi. En conséquence, ce pouvoir doit toujours être exercé en fonction des exigences liées aux emplois à pourvoir et, plus généralement, de l’intérêt du service (voir arrêt du 13 décembre 2006, Heus/Commission, T‑173/05, EU:T:2006:392, point 37 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 17 novembre 2009, Di Prospero/Commission, F‑99/08, EU:F:2009:153, points 28 et 29 et jurisprudence citée).

38      S’agissant spécifiquement des conditions limitant l’inscription de candidats à un concours, si elles sont certes susceptibles de restreindre les possibilités pour l’institution de recruter les meilleurs candidats au sens de l’article 27, premier alinéa, du statut, il n’en résulte pas pour autant que toute condition portant une telle limitation est contraire à l’article susmentionné. En effet, le pouvoir d’appréciation de l’administration dans l’organisation des concours et, plus généralement, l’intérêt du service permettent à l’institution de poser les conditions qu’elle juge appropriées et qui, tout en limitant l’accès des candidats à un concours, et donc forcément le nombre des candidats inscrits, ne comportent cependant pas le risque de compromettre l’objectif d’assurer l’inscription des candidats qui présentent les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité au sens de l’article 27, premier alinéa, du statut (voir, en ce sens, arrêt du 17 novembre 2009, Di Prospero/Commission, F‑99/08, EU:F:2009:153, point 30).

39      À cet égard et comme le soutient la Commission, la jurisprudence a déjà considéré qu’il n’existait aucune obligation d’admettre à un concours interne à l’institution toutes les personnes se trouvant au service de celle-ci. Une telle obligation porterait, en effet, atteinte au large pouvoir d’appréciation reconnu à cette institution (voir, en ce sens, arrêts du 9 octobre 2008, Chetcuti/Commission, C‑16/07 P, EU:C:2008:549, points 70 à 76, et du 24 septembre 2009, Brown/Commission, F‑37/05, EU:F:2009:121, point 68). Aucun droit absolu de participer à un concours interne à une institution ne saurait, dès lors, être reconnu aux agents et aux fonctionnaires de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Berge/Commission, T‑40/96 et T‑55/96, EU:T:1997:28, point 39, et du 8 novembre 2006, Chetcuti/Commission, T‑357/04, EU:T:2006:339, point 42).

40      Ne sont ainsi jugées contraires à l’article 27, premier alinéa, du statut que les conditions limitant l’accès des candidats à un concours qui comportent le risque de compromettre l’objectif d’assurer l’inscription des candidats qui présentent les plus hautes qualités (voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Berge/Commission, T‑40/96 et T‑55/96, EU:T:1997:28, point 40, et du 17 novembre 2009, Di Prospero/Commission, F‑99/08, EU:F:2009:153, point 32).

41      Troisièmement, il y a lieu de rappeler que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions en ce domaine, le contrôle du Tribunal portant sur le respect de la condition relative à l’intérêt du service doit se limiter à la question de savoir si l’institution s’est tenue dans des limites raisonnables, non critiquables, et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2015, Z/Cour de justice, T‑88/13 P, EU:T:2015:393, point 106).

42      En second lieu, il convient également de rappeler dans quelles conditions les institutions peuvent exiger des candidats à un concours interne qu’ils justifient d’une durée d’ancienneté de service.

43      À cet égard, il a déjà été jugé que l’exigence d’un certain nombre d’années d’ancienneté de service constituait un moyen approprié pour s’assurer que les fonctionnaires possèdent les qualités prescrites par l’article 27, premier alinéa, du statut et, partant, pour garantir l’intérêt du service. En effet, la possession d’une certaine ancienneté, et donc d’une expérience significative au sein des institutions de l’Union européenne, constitue un « indice certain » de l’existence des qualités susvisées (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2006, Heus/Commission, T‑173/05, EU:T:2006:392, point 40 et jurisprudence citée).

44      Une telle condition d’ancienneté permet d’assurer que les personnes admises au concours interne ont été soumises au régime applicable au personnel administratif des institutions, notamment aux règles relatives à la notation et à la discipline, pendant une certaine période et qu’elles ont fait preuve de leurs aptitudes dans ce cadre. La procédure de recrutement assure donc à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité telles qu’elles ont été appréciées par les institutions elles-mêmes (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2006, Heus/Commission, T‑173/05, EU:T:2006:392, point 41).

45      Ainsi, la jurisprudence a déjà admis des conditions d’ancienneté de service d’une durée de trois ans (arrêts du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Berge/Commission, T‑40/96 et T‑55/96, EU:T:1997:28, point 47, et du 17 novembre 2009, Di Prospero/Commission, F‑99/08, EU:F:2009:153, point 31), de cinq ans (arrêt du 13 décembre 2006, Heus/Commission, T‑173/05, EU:T:2006:392, points 38, 40 et 42) et de dix ans (arrêt du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, T‑214/99, EU:T:2000:272, points 56 et 61), dès lors que, dans ces affaires, l’institution en cause avait exercé son large pouvoir d’appréciation dans le respect de la condition liée à l’intérêt du service.

46      En revanche, une condition supplémentaire consistant à exiger, outre une certaine ancienneté de service, que les fonctionnaires ou les agents candidats aient été au service de l’institution de façon ininterrompue pendant la période visée par cette condition d’ancienneté de service peut avoir pour résultat d’écarter du concours interne des fonctionnaires ou des agents justifiant d’une ancienneté de service égale ou supérieure à celle requise par cette dernière condition. Il s’ensuit que, en l’absence de justification apportée par l’institution, une telle exigence doit être tenue pour illégale (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Berge/Commission, T‑40/96 et T‑55/96, EU:T:1997:28, points 48 à 54).

47      En l’espèce, il est constant que, sous le titre III, intitulé « Éligibilité », l’article 2.1, sous a) et b), de l’avis de concours exige des candidats non seulement qu’ils disposent d’une ancienneté de service d’au moins 42 mois, qui ne sont pas nécessairement consécutifs, mais aussi qu’ils aient passé les douze mois précédant la date de clôture de l’inscription électronique auprès de la Commission, les candidats devant avoir été durant ces douze mois en position administrative d’activité, de congé pour service militaire, de congé parental ou familial, de détachement dans l’intérêt du service ou de détachement sur demande pour une durée n’excédant pas six mois.

48      Ainsi, il apparaît que l’avis de concours exige que, pendant la période de douze mois précédant la date de clôture de l’inscription électronique, les candidats aient été au service de la Commission sans interruption et dans une des positions administratives énumérées au point 47 ci-dessus, parmi lesquelles ne figure notamment pas le congé de convenance personnelle.

49      Il y a lieu de constater que la condition litigieuse a pour résultat d’écarter des concours internes visés par l’avis de concours certains fonctionnaires ou agents justifiant d’une ancienneté de service supérieure à celle de 42 mois exigée par l’avis de concours, au seul motif qu’ils n’ont pas été au service de la Commission de façon ininterrompue au cours de la période de douze mois précédant la date de clôture de l’inscription électronique, par exemple parce qu’ils ont pris un congé de convenance personnelle, même de courte durée. Telle est d’ailleurs la situation du requérant, lequel justifiait d’une ancienneté de service de 69 mois mais avait pris un congé de convenance personnelle d’une durée de deux mois au cours des douze mois précédant la date de clôture de l’inscription électronique.

50      Or, pour justifier la condition litigieuse, la Commission se borne à indiquer que ladite condition avait pour objectif de recruter des fonctionnaires non seulement méritants et hautement qualifiés, mais également immédiatement opérationnels grâce à leur expérience avérée. À cet égard, il est vrai que cet objectif était expressément mentionné sous le titre « Cadre général » de l’avis de concours. Toutefois, la Commission ne fait état d’aucune circonstance particulière, liée aux caractéristiques des emplois à pourvoir, impliquant que seuls les agents ayant été au service de la Commission sans interruption au cours des douze mois précédant la date de clôture de l’inscription électronique auraient été immédiatement opérationnels et justifiant, par conséquent, que les agents n’ayant pas été au service de la Commission de façon ininterrompue au cours de cette période, notamment parce qu’ils auraient pris un congé de convenance personnelle, soient exclus du concours interne litigieux, alors même qu’ils justifieraient d’une ancienneté de service supérieure à celle de 42 mois exigée.

51      Dans ces conditions, la Commission doit être regardée comme ayant usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée en introduisant dans l’avis de concours une condition supplémentaire à la condition liée à l’ancienneté dans le service exigeant que, pendant la période de douze mois précédant la date de clôture de l’inscription électronique, les candidats aient été au service de la Commission sans interruption.

52      En tout état de cause, il ne peut être déduit qu’un agent serait plus hautement qualifié ou plus immédiatement opérationnel qu’un autre au seul motif que le type de leurs congés respectifs diffère. Cette solution s’impose d’autant plus que la condition litigieuse conduit paradoxalement à exclure certains agents, comme le requérant, alors même que, en raison d’une durée inférieure de leurs congés, ils ont été davantage présents au cours des douze derniers mois au sein des services de la Commission que d’autres agents pourtant admis à se présenter au concours interne en cause. Ce constat contredit d’ailleurs l’affirmation de la Commission qui, en réponse à une question écrite du Tribunal, a indiqué que ladite condition permettait de donner une chance de titularisation aux agents ayant démontré la mériter par des prestations et une performance effective qui avaient pu être évaluées de la façon la plus récente et donc la plus fiable possible.

53      L’exclusion des agents ayant pris un congé de convenance personnelle n’est donc justifiée ni au regard des objectifs poursuivis ni au regard de l’article 27, premier alinéa, du statut.

54      Cette conclusion n’est pas infirmée par le prétendu risque, évoqué à l’audience par la Commission, que le principe de non-discrimination ait été violé si des conditions d’éligibilité distinctes avaient été envisagées selon que les agents concernés étaient des agents contractuels ou des agents temporaires.

55      À cet égard, contrairement à ce qu’a soutenu la Commission en réponse à une question écrite du Tribunal, il est sans importance qu’il se soit agi des premiers concours internes ouverts aux agents contractuels depuis la réforme du statut de 2013 et que, partant, il n’ait pas existé de pratique antérieure contraire. Cet élément est d’autant moins pertinent que, en l’espèce, le requérant n’était pas un agent contractuel, mais un agent temporaire. De plus et en tout état de cause, il était loisible à la Commission d’aligner les conditions d’éligibilité des agents contractuels sur celles des agents temporaires, dans le respect des principes énoncés par la jurisprudence.

56      Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et sans même devoir se prononcer sur une éventuelle violation de l’article 24 bis du statut ou du principe d’égalité de traitement, il y a lieu d’accueillir l’exception d’illégalité en ce que la condition litigieuse méconnaît l’article 27, premier alinéa, du statut et, par voie de conséquence, d’annuler la décision attaquée.

 Sur les conclusions indemnitaires

57      Dès lors que l’annulation de la décision attaquée ne saurait, d’après le requérant, suffire à réparer le préjudice moral qu’il estime avoir subi, il demande au Tribunal de condamner la Commission au paiement d’une somme de 5 000 euros. La Commission rétorque que, en l’absence d’illégalité entachant la décision attaquée, ces conclusions, formulées pour la première fois devant le Tribunal, doivent être rejetées. En tout état de cause, à supposer cette décision illégale, son annulation serait suffisante pour réparer le préjudice moral allégué.

58      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé (arrêt du 9 novembre 2004, Montalto/Conseil, T‑116/03, EU:T:2004:325, point 127 ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 juillet 1987, Hochbaum et Rawes/Commission, 44/85, 77/85, 294/85 et 295/85, EU:C:1987:348, point 22).

59      Toutefois, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité ne peut constituer en elle-même une réparation adéquate lorsque, d’une part, l’acte attaqué comporte une appréciation explicitement négative des capacités de la partie requérante susceptible de la blesser (voir, en ce sens, arrêts du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, EU:C:1990:49, points 27 à 29 ; du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T‑197/98, EU:T:2000:86, point 98, et du 13 décembre 2005, Cwik/Commission, T‑155/03, T‑157/03 et T‑331/03, EU:T:2005:447, points 205 et 206) et, d’autre part, la partie requérante démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et n’étant pas susceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (arrêts du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, point 131, et du 19 novembre 2009, Michail/Commission, T‑49/08 P, EU:T:2009:456, point 88).

60      En l’espèce, le requérant affirme que son préjudice moral résulte de l’incapacité de la Commission à le replacer dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles le concours aurait dû être organisé pour que soient garanties l’égalité de traitement entre tous les candidats et l’objectivité de la notation.

61      Force est de constater que, d’une part, le requérant ne reproche à la Commission aucune appréciation négative de ses capacités susceptible de le blesser et, d’autre part, il ne démontre pas avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation.

62      Dans ces conditions et en application de la jurisprudence rappelée aux points 58 et 59 ci-dessus, le Tribunal estime que tout préjudice moral que le requérant pourrait avoir subi en raison de l’illégalité de la décision attaquée est réparé de manière adéquate et suffisante par l’annulation de celle-ci. Les conclusions indemnitaires doivent donc être rejetées.

63      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être accueilli en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée et rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

64      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, la Commission ayant, pour l’essentiel, succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du jury du concours interne COM/02/AST/16 (AST 2) portant rejet de la candidature de RS est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 septembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.