Language of document : ECLI:EU:T:2012:303

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

14 juin 2012 (*)

« Recours en annulation – Sixième programme-cadre de recherche, de développement technologique et de démonstration – Lettre confirmant les conclusions d’un rapport d’audit financier et informant de la suite de la procédure – Actes indissociables du contrat – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑546/11,

Technion – Israel Institute of Technology et Technion Research & Development Foundation Ltd, établis à Haïfa (Israël), représentés par Mes D. Grisay et D. Piccininno, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Dintilhac et Mme B. Conte, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision prétendument contenue dans la lettre de la Commission du 2 août 2011 confirmant les conclusions de l’audit financier ayant porté sur les relevés des coûts déclarés par Technion – Israel Institute of Technology, en ce qui concerne quatre contrats conclus dans le cadre du sixième programme‑cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et à l’innovation (2002‑2006), et informant Technion de la suite de la procédure,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. J. Azizi (rapporteur), président, S. Soldevila Fragoso et S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Les requérants, Technion – Israel Institute of Technology (ci‑après « Technion ») et Technion Research & Development Foundation Ltd (ci‑après « TRDF »), sont deux entités actives dans l’enseignement et dans la recherche. Plus particulièrement, Technion est un institut d’éducation supérieure en technologie qui a été créé en 1912, tandis que TRDF, créée en 1952, est une fondation, appartenant totalement à Technion et entièrement financée par ce dernier, qui gère les aspects financier et administratif des projets dans lesquels Technion est engagé.

2        Technion est l’un des membres des différents consortiums de contractants qui, en décembre 2003 et en juillet 2006, ont conclu avec la Commission des Communautés européennes, agissant pour le compte de la Communauté européenne, quatre contrats (à savoir le contrat Terregov, signé le 3 décembre 2003 et portant le numéro 507749 ; le contrat Cocoon, signé le 11 décembre 2003 et portant le numéro 507126 ; le contrat Qualeg, signé le 17 décembre 2003 et portant le numéro 507767, et le contrat Mosaica, signé également le 17 décembre 2003 et portant le numéro 034984) dans le cadre du sixième programme‑cadre de la Communauté pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et à l’innovation (2002‑2006).

3        L’article 12 du contrat n° 034984 (Mosaica) désigne le droit luxembourgeois comme droit applicable, tandis que les articles 12 des contrats n° 507749 (Terregov), n° 507126 (Cocoon) et n° 507767 (Qualeg) désignent le droit belge à cet égard. En outre, l’article 13 de tous ces contrats stipule que les juridictions de l’Union européenne, la Cour ou le Tribunal, ont compétence exclusive pour connaître de tout litige entre les parties relatif à la validité, à l’exécution ou à l’interprétation desdits contrats.

4        Selon l’article 14 de ces contrats, les conditions générales figurant à l’annexe II desdits contrats (ci‑après les « conditions générales FP6 ») font partie intégrante de ceux‑ci.

5        Par lettre du 29 avril 2009, la Commission a informé Technion qu’elle ferait l’objet d’un audit financier en application de l’article II.29 des conditions générales FP6, en ce qui concerne les contrats Qualeg, Cocoon et Mosaica.

6        Au titre de l’article II.29.1 des conditions générales FP6, la Commission a confié à une société d’audit externe, Witkowski & Co. CPA’s (ci‑après l’« auditeur »), la mission d’effectuer un audit financier des coûts déclarés par Technion en vertu desdits contrats.

7        Le 10 mai 2010, l’auditeur a transmis le projet de rapport d’audit, proposant des ajustements de coûts en ce qui concerne les quatre contrats en cause, à Technion, en lui demandant de formuler ses commentaires dans un délai d’un mois. Selon ce rapport, Technion avait amplifié les coûts de personnel invoqués, concernant principalement les activités de M. K., l’une des personnes engagées à titre temporaire pour l’exécution des contrats en cause.

8        Le 10 juin 2010, le conseil de Technion a demandé à l’auditeur une extension de délai pour répondre au projet de rapport d’audit. En outre, il a demandé à l’auditeur de lui fournir toutes les informations ayant trait au travail effectué par M. K. dans le cadre des prestations réalisées, autres que celles en faveur de Technion, durant la période d’engagement à plein temps avec ce dernier.

9        Le 19 juillet 2010, le chef de l’unité « Audit externe » de la direction générale (DG) « Société de l'information et Médias » (ci‑après « DG INFSO »), faisant référence à ladite lettre envoyée par le conseil de Technion à l’auditeur, a accordé une extension de délai, en expliquant aussi qu’il ne pouvait accéder à la demande de documents visant les activités de M. K. en dehors de Technion, en raison de leur caractère confidentiel. Dans cette lettre, il était, en outre, indiqué qu’il existait la preuve d’un certain nombre d’activités exercées par M. K. pour d’autres entités que Technion pendant la période auditée, ce qui démontrerait que les déclarations concernant les temps et coûts effectués par Technion, pour le travail de M. K., n’étaient ni plausibles ni fiables.

10      Par lettre du 13 août 2010, envoyée en réponse à ladite lettre du chef de l’unité « Audit externe » de la DG INFSO, le conseil de Technion a contesté le caractère confidentiel des documents en cause et demandé à tout le moins un accès partiel à ceux‑ci.

11      Par lettre du 4 octobre 2010, la Commission a répondu en confirmant le caractère confidentiel de ces documents et en refusant leur divulgation sur la base de l’article 4 du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), à l’exception de ceux élaborés dans le cadre des projets auxquels Technion participe en tant que contractant, à savoir les rapports de gestion relatifs aux projets Qualeg et Mosaica, et a signalé la possibilité de faire une demande expresse d’accès aux documents auprès du secrétariat général de la Commission.

12      Le 18 octobre 2010, le conseil de Technion a adressé au secrétariat général de la Commission une demande confirmative d’accès aux documents auxquels il est fait référence dans le projet de rapport d’audit.

13      Le 19 octobre 2010, le conseil de Technion a adressé une lettre à la DG INFSO l’informant de la demande confirmative d’accès aux documents et lui expliquant que, en l’absence de la communication de ces documents, Technion ne serait pas en mesure de présenter ses observations sur le projet de rapport d’audit. Or, cela serait contraire aux principes des droits de la défense ainsi que du contradictoire, surtout au vu du fait que la Commission pourrait infliger des sanctions administratives ou financières à Technion, en vertu de l’article 96 du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), tel que modifié.

14      Par courriers des 18 novembre et 9 décembre 2010, le secrétariat général de la Commission a annoncé devoir proroger le délai, prévu par l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, pour répondre à ladite demande d’accès aux documents.

15      Par lettre du 30 juin 2011, le secrétariat général de la Commission a rejeté la demande d’accès aux documents des requérants sur la base de deux exceptions prévues au règlement n° 1049/2001 et en a fourni une motivation détaillée.

16      Par lettre du 2 août 2011, qui est l’acte attaqué en l’espèce, la Commission a indiqué à Technion qu’elle confirmait les conclusions du rapport d’audit, dont une copie était annexée, relatives aux ajustements nécessaires à opérer, à savoir 57 858,53 euros pour le contrat Cocoon, 99,57 euros pour le contrat Qualeg, 71 782,33 euros pour le contrat Terregov et 97 784,86 euros pour le contrat Mosaica. En outre, la lettre précisait, d’une part, que Technion avait eu l’occasion de présenter ses observations même si elle n’en avait pas formulées officiellement et que, d’autre part, les ajustements se feraient ultérieurement au regard de paiements futurs ou par le biais de recouvrement de créances.

17      Le 26 août 2011, le conseil des requérants a adressé une lettre à la Commission dans laquelle, tout en contestant les conclusions du rapport d’audit, il informait celle‑ci de l’intention des requérants de déposer un recours contre la lettre du 30 juin 2011 du secrétariat général de la Commission et demandait la suspension de la procédure d’audit dans l’attente d’une décision de justice.

18      Le 8 septembre 2011, les requérants ont introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision du secrétariat général de la Commission du 30 juin 2011 (voir point 15 ci‑dessus), enregistré sous la référence T-480/11.

19      Le 22 septembre 2011, la Commission a répondu qu’elle ne pouvait pas accéder à la demande de suspension de la procédure d’audit, puisque les documents déjà transmis démontraient à suffisance l’inéligibilité des coûts et la non-fiabilité des temps de travail déclarés par Technion à la Commission.

20      Le 19 octobre 2011, la Commission a adressé à Technion une lettre de préinformation indiquant son intention de lui demander de payer un montant de 97 106,72 euros, correspondant au montant ajusté pour le projet Mosaica à la suite du rapport d’audit.

21      Le 2 novembre 2011, le conseil des requérants a demandé à la Commission de suspendre la procédure de recouvrement dans l’attente de la décision de justice dans la présente affaire.

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 octobre 2011, les requérants ont introduit le présent recours, dans lequel ils concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la lettre de la Commission du 2 août 2011 (ci‑après la « lettre attaquée ») ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 21 décembre 2011, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

24      Les requérants ont présenté leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité le 16 février 2012. Ils concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer le recours en annulation recevable.

25      Un membre de la chambre étant empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure, un autre juge pour compléter la chambre.

 En droit

26      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

27      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sur la demande présentée par la Commission sans ouvrir la procédure orale.

28      La Commission soulève une exception d’irrecevabilité tirée de la nature contractuelle du litige l’opposant aux requérants, qui implique que le Tribunal n’est pas compétent pour se prononcer sur celui‑ci dans le cadre d’un recours en annulation, au titre de l’article 263 TFUE. À titre subsidiaire, elle soutient que, dans l’hypothèse où le Tribunal estimerait que la lettre attaquée d’après les requérants est un acte se détachant des contrats conclus avec Technion, le recours serait irrecevable du fait de la nature préparatoire dudit acte. Enfin, à titre extrêmement subsidiaire, la Commission fait valoir que TRDF est irrecevable à intenter un recours dans la présente affaire que ce soit sur la base de l’article 263 TFUE, car elle n’est pas concernée par l’acte attaqué, ou sur la base de l’article 272 TFUE, car elle est étrangère aux contrats en cause.

29      Les requérants rétorquent que, bien que la lettre attaquée s’inscrive dans le cadre d’un audit contractuel réalisé en vue de vérifier l’éligibilité des coûts réclamés par les requérants, elle est, d’une part, une décision mettant fin à une procédure administrative d’audit et, d’autre part, une mesure adoptant, de manière arbitraire et en violation des droits de la défense, les conclusions issues du rapport d’audit tel que rédigé par le réviseur externe auquel il avait été confié. Au vu de cette approbation arbitraire des conclusions de l’audit, la lettre attaquée serait empreinte de partialité et de prérogative de puissance publique et, de ce fait, détachable de la relation contractuelle des parties.

 Sur la nature du présent recours, tel qu’introduit par les requérants

30      À titre liminaire, il convient de rappeler que c’est à la partie requérante qu’il appartient de faire le choix du fondement juridique de son recours et non au juge de l’Union de choisir lui-même la base légale la plus appropriée (arrêt de la Cour du 15 mars 2005, Espagne/Eurojust, C‑160/03, Rec. p. I‑2077, point 35 ; ordonnances du Tribunal du 26 février 2007, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑205/05, non publiée au Recueil, point 38, et du 10 avril 2008, Imelios/Commission, T‑97/07, non publiée au Recueil, point 19).

31      En l’espèce, il ressort des écrits des requérants devant le Tribunal que leur recours, qui tend à l’annulation de la lettre attaquée, est expressément fondé sur l’article 263 TFUE.

32      En vertu de cet article, les juridictions de l’Union européenne contrôlent la légalité des actes adoptés par les institutions destinés à produire des effets juridiques obligatoires à l’égard des tiers, en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique (arrêt du Tribunal du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, Rec. p. II‑2431, point 51 ; ordonnances du Tribunal du 6 octobre 2008, Austrian Relief Program/Commission, T‑235/06, non publiée au Recueil, point 34, et du 30 juin 2011, Cross Czech/Commission, T‑252/10, non publiée au Recueil, point 36).

33      Comme cela a été constaté par une jurisprudence constante, cette compétence ne concerne que les actes visés par l’article 288 TFUE que les institutions sont amenées à prendre dans les conditions prévues par le traité FUE (ordonnances du Tribunal du 9 janvier 2001, Innova/Commission, T‑149/00, Rec. p. II‑1, point 28 ; du 10 mai 2004, Musée Grévin/Commission, T‑314/03 et T‑378/03, Rec. p. II‑1421, point 63, et Cross Czech/Commission, point 32 supra, point 37).

34      En revanche, les actes adoptés par les institutions qui s’inscrivent dans un cadre purement contractuel dont ils sont indissociables ne figurent pas, en raison de leur nature même, au nombre des actes visés à l’article 288 TFUE, dont l’annulation peut être demandée en vertu de l’article 263 TFUE (ordonnances Musée Grévin/Commission, point 33 supra, point 64 ; Austrian Relief Program/Commission, point 32 supra, point 35, et arrêt CEVA/Commission, point 32 supra, point 52).

35      Dans ces circonstances, il convient, dès lors, d’examiner si la décision prétendument contenue dans la lettre de la Commission du 2 août 2011 figure au nombre des actes visés qui peuvent être annulés par le juge de l’Union, en vertu de l’article 263 TFUE, ou si, au contraire, elle revêt une nature contractuelle (voir, en ce sens, ordonnances Musée Grévin/Commission, point 33 supra, point 66 ; Evropaïki Dynamiki/Commission, point 30 supra, point 42, et Imelios/Commission, point 30 supra, point 23).

36      En l’espèce, la Commission a, tout d’abord, précisé, par la lettre attaquée, que, d’une part, elle confirmait les conclusions de l’audit financier et, d’autre part, informait Technion de la suite de la procédure. La Commission y a précisé, ensuite, que, à la suite de la transmission du projet de rapport d’audit, elle considérait que Technion, bien qu’il n’ait pas présenté d’observations à cet égard dans les délais indiqués, était en total désaccord avec les conclusions du projet de rapport. Elle considérait néanmoins les conclusions présentées dans le rapport d’audit, joint à la lettre attaquée, comme appropriées et estimait donc que l’audit était désormais terminé et que, par conséquent, les ajustements concernant les quatre contrats en cause opérés par l’auditeur étaient nécessaires.

37      En outre, dans cette lettre, la Commission a, premièrement, informé Technion que le rapport d’audit serait transmis à ses services compétents pour la mise en œuvre de ses conclusions quant aux contrats et aux périodes concernés par l’audit et que ses services procéderaient à un ajustement des coûts excédentaires déclarés soit en réduisant de futurs paiements éventuellement dus, soit en émettant un ordre de recouvrement. En outre, la Commission a précisé que ses services pourraient également calculer le montant de l’indemnité forfaitaire due à la Communauté en application de l’article II.30 des conditions générales FP6.

38      Deuxièmement, la Commission a rappelé les recommandations du rapport d’audit aux fins d’améliorer le système de contrôle interne de Technion en ce qui concerne sa participation aux contrats en cause.

39      Troisièmement et pour ce qui concerne les périodes futures, la Commission a rappelé à Technion la nécessité de conformer ses rapports financiers aux dispositions financières convenues dans les contrats et lui a demandé de respecter les conclusions et recommandations du rapport d’audit dans tous les rapports financiers qu’il serait amené à soumettre dans le contexte de projets relevant du sixième programme-cadre.

40      Quatrièmement, la Commission, après certaines considérations sur l’importance de joindre des certificats d’audit fiables aux rapports financiers, a invité Technion à informer ses auditeurs des conclusions du rapport d’audit, en les invitant également à consulter les informations disponibles sur le site Internet Cordis en ce qui concerne les audits FP6 et FP7 et la politique de certification.

41      Or, s’agissant tout d’abord, des éléments de la lettre attaquée rappelés aux points 36 et 37 ci‑dessus et relatifs tant à l’acceptation par la Commission des conclusions du rapport d’audit qu’à la transmission de ce rapport aux services compétents de la Commission, force est de constater qu’ils s’inscrivent dans le cadre des contrats en cause conclus avec Technion.

42      À cet égard, il résulte de l’article II.29 des conditions générales FP6, que, « [à] tout moment au cours du contrat et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, la Commission peut faire procéder à des audits [...] se rapportant à la bonne exécution du projet et du contrat ». Cette disposition contractuelle prévoit également que « [l]es montants qui seraient dus à la Commission en raison des résultats de ces audits peuvent faire l’objet d’un recouvrement comme indiqué à l’article II.31 ».

43      Il en est de même pour ce qui est des ajustements des coûts excédentaires qui pourraient être effectués par les services de la Commission et des modalités moyennant lesquelles ces ajustements pourraient être opérés. En effet, l’article II.31 des conditions générales FP6, ayant trait au remboursement de la Commission et aux ordres de recouvrement, précise, notamment, que le recouvrement des sommes dues à la Commission peut se faire par compensation avec les sommes dues au contractant, après que celui‑ci en a été informé et sans que son accord préalable soit nécessaire.

44      S’agissant, ensuite, des éléments de la lettre attaquée évoqués aux points 38 à 40 ci-dessus, le rappel de la nécessité de respecter les stipulations financières des contrats s’inscrit, à l’évidence, dans le cadre des relations contractuelles. Quant aux demandes de respecter, pour l’avenir, les recommandations de cet audit, elles sont également indissociables des relations contractuelles entre Technion et la Commission. En effet, ces demandes découlent directement du droit de la Commission de contrôler la bonne exécution des contrats (article II.29.1 des conditions générales FP6), de l’obligation du contractant de fournir à la Commission les informations demandées dans le cadre des contrôles [article II.3.2, sous c), et article II.29.2 des conditions générales FP6] et de l’obligation de celui‑ci de ne déclarer que des coûts réellement éligibles (articles II.19 et II.30 des conditions générales FP6, lus en combinaison). Il en va de même pour ce qui est de l’invitation à informer les auditeurs de Technion.

45      Les considérations qui précèdent, desquelles il ressort que la lettre attaquée est de nature purement contractuelle, ne sont nullement remises en cause par les divers arguments avancés par les requérants dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité.

46      Tout d’abord, s’agissant de l’argument que les requérants essaient de tirer de l’arrêt de la Cour du 22 avril 1997, Geotronics/Commission (C‑395/95 P, Rec. p. I‑2271), il convient de relever que le contexte juridique de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt diffère de manière substantielle de celui du cas d’espèce. En effet, ainsi qu’il a été précisé par la Cour, même si l’acte mis en cause dans cette affaire s’inscrivait dans le cadre d’une procédure de nature contractuelle, devant aboutir à la conclusion d’un marché national (dans le cadre du programme PHARE), il était détachable de ce contexte dans la mesure où, d’une part, il avait été adopté par la Commission dans l’exercice de ses compétences propres et où, d’autre part, il visait spécifiquement une entreprise individuelle qui perdait, du seul fait de l’adoption de cet acte, toute chance effective de se voir attribuer le marché. Dans ces conditions, la Cour a considéré que la décision de la Commission d’exclure Geotronics du bénéfice du financement communautaire avait produit par elle‑même des effets juridiques obligatoires à l’égard de cette entreprise et était donc susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. Or, la solution retenue par la Cour dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Geotronics/Commission, précité, se référant à un contexte totalement différent de celui de la présente affaire, où l’acte attaqué a été adopté dans le cadre de l’exécution d’un contrat entre Technion et la Commission, n’est pas transposable au cas d’espèce.

47      Selon les requérants, la lettre attaquée constitue un acte pouvant faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal, dès lors que celle‑ci, d’une part, contiendrait une décision mettant fin à une procédure administrative d’audit, confiée par la Commission à un auditeur externe, et, d’autre part, adopterait, de facto, le rapport d’audit rédigé par ce dernier.

48      Or, à cet égard, il convient de rappeler, premièrement, que, en vertu des contrats mêmes en cause, ainsi qu’il a été précisé au point 42 ci‑dessus, la Commission peut, afin de s’assurer de la bonne exécution du projet et du contrat, à tout moment au cours du contrat et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, faire procéder à des audits soit par des auditeurs externes, soit par ses services, y compris l’Office européen de lutte antifraude.

49      Il s’ensuit que l’audit effectué par l’auditeur choisi par la Commission relève de l’exercice, par celle‑ci, de ses droits découlant des contrats en cause et s’inscrit, partant, dans le cadre contractuel défini par ces contrats (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 8 février 2010, Alisei/Commission, T‑481/08, Rec. p. II‑117, point 54).

50      Par conséquent, quand bien même la lettre attaquée devrait être comprise en ce sens que, comme le prétendent les requérants, elle met un terme à la procédure d’audit relative aux contrats en cause et qu’elle valide les conclusions de l’auditeur en adoptant le rapport final, elle n’est pas, contrairement à ce que font valoir les requérants, dissociable du cadre contractuel constitué par lesdits contrats et ne saurait être qualifiée d’acte pouvant faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal (voir, en ce sens, ordonnance Alisei/Commission, point 49 supra, point 55).

51      Ensuite, s’agissant de l’argument des requérants selon lequel la Commission, en approuvant les conclusions d’un audit se fondant sur des documents qui ne leur avaient pas été transmis, aurait exercé une activité relevant de ses prérogatives de puissance publique, il suffit de relever qu’un tel argument ne saurait remettre en question le fait que la lettre attaquée est un acte indissociable du cadre contractuel dans lequel il s’inscrit et n’est donc pas susceptible de fonder la compétence du Tribunal au titre de l’article 263 TFUE.

52      Aucun élément dans la lettre attaquée ne permet de conclure que la Commission a agi, en l’espèce, en faisant usage de ses prérogatives de puissance publique. En effet, la Commission s’est, en substance, bornée, sur la base de l’interprétation des faits et des stipulations pertinentes des contrats en cause, à communiquer à Technion qu’elle confirmait les conclusions de l’audit financier ainsi que la suite de la procédure. Par ailleurs, pour autant que le grief concernant l’exercice par la Commission d’une prérogative de puissance publique vise la décision de refus d’accès aux documents, il convient de relever que celle‑ci fait l’objet d’un autre recours introduit par les requérants devant le Tribunal (voir point 18 ci‑dessus). En tout état de cause, un tel grief est inopérant dans le cadre du présent litige.

53      S’agissant, enfin, du grief visant à critiquer l’approche suivie dans le rapport d’audit, en ce qui concerne l’utilisation des documents qui en auraient constitué la base, il convient de relever que, à supposer même que les allégations des requérants soient recevables et fondées, elles ne démontrent nullement que la lettre attaquée contient une décision susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal. Tout au plus, de telles affirmations pourraient tendre à démontrer le caractère irrégulier de l’audit effectué par l’auditeur externe à la demande de la Commission. Or, ainsi qu’il a déjà été souligné au point 41 ci‑dessus, cet audit s’inscrit dans un cadre contractuel dont il est indissociable.

54      En conclusion, aucun des arguments avancés par les requérants ne parvient à remettre en cause le fait que la lettre attaquée s’inscrit dans un cadre purement contractuel dont elle est indissociable. Il s’ensuit qu’elle n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 263 TFUE.

55      En conclusion, dès lors qu’il tend à l’annulation, sur le fondement de l’article 263 TFUE, de la lettre attaquée, le présent recours est irrecevable.

 Sur la demande, à titre subsidiaire, des requérants de requalifier le présent recours en recours en vertu d’une clause compromissoire, au titre de l’article 272 TFUE

56      Dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérants demandent, à titre subsidiaire, de requalifier le présent recours en recours en vertu d’une clause compromissoire, au titre de l’article 272 TFUE.

57      Eu égard à la clause compromissoire prévue à l’article 12 des contrats en cause, qui prévoit la compétence des juridictions de l’Union pour trancher tout litige relatif à la validité, à l’application ou à toute interprétation des contrats en cause, il convient donc d’examiner si le présent recours peut être requalifié de recours au titre de l’article 272 TFUE.

58      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que le soulignent les requérants, le Tribunal, lorsqu’il a été saisi d’un recours en annulation, alors que le litige était, en réalité, de nature contractuelle, a déjà accepté de requalifier le recours si les conditions d’une telle requalification étaient réunies (arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, Lecureur/Commission, T‑26/00, Rec. p. II‑2623, point 38, et CEVA/Commission, point 32 supra, point 57 ; ordonnances du Tribunal Musée Grévin/Commission, point 33 supra, point 88, et du 9 juin 2005, Helm Düngemittel/Commission, T‑265/03, Rec. p. II‑2009, point 54).

59      Plus particulièrement, tel que cela a été reconnu par la jurisprudence, en présence d’un litige d’une telle nature, le Tribunal est dans l’impossibilité de requalifier un recours en annulation soit lorsque la volonté expresse du requérant de ne pas fonder sa demande sur l’article 272 TFUE s’oppose à une telle requalification (voir, en ce sens, arrêt CEVA/Commission, point 32 supra, point 59 ; ordonnances du Tribunal Musée Grévin/Commission, point 33 supra, point 88, et du 2 avril 2008, Maison de l’Europe Avignon Méditerranée/Commission, T‑100/03, non publiée au Recueil, point 54), soit lorsque le recours ne s’appuie sur aucun moyen tiré de la violation des règles régissant la relation contractuelle en cause, qu’il s’agisse des clauses contractuelles ou des dispositions de la loi nationale désignée dans le contrat (voir, en ce sens, arrêt CEVA/Commission, point 32 supra, point 59 ; ordonnances Evropaïki Dynamiki/Commission, point 30 supra, point 57, et Imelios/Commission, point 30 supra, point 33).

60      En l’espèce, il convient de constater, tout d’abord, que les requérants, confrontés à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, se sont limités, à titre principal, à défendre la recevabilité du recours en ce qu’il serait fondé, à juste titre, sur l’article 263 TFUE. Ce n’est qu’à titre subsidiaire que les requérants ont demandé la requalification du recours en recours sur le fondement de l’article 272 TFUE.

61      À cet égard, il y a lieu d’observer que, à l’appui de leur demande en annulation de la lettre attaquée, les requérants invoquent trois moyens. Le premier moyen est pris de la violation de formes substantielles et s’articule en deux branches, la première tirée du défaut de motivation de la lettre attaquée et la seconde de la violation du principe de respect des droits de la défense. Les deuxième et troisième moyens sont tirés, respectivement, d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de proportionnalité. Or, contrairement à ce que prétendent les requérants, ces moyens tendent à demander au Tribunal d’exercer ses compétences en matière de contrôle de légalité, compétences dont celui‑ci ne dispose pas dans le cadre d’un litige contractuel.

62      D’ailleurs, contrairement à ce que prévoit l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, les requérants n’exposent, même de manière sommaire, aucun moyen, argument ou grief tiré de la violation des dispositions des contrats en cause ou de celles du droit belge ou luxembourgeois, auxquelles ils sont soumis en vertu de leur article 12 respectif (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 12 octobre 2011, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, T‑353/10, non encore publiée au Recueil, point 37).

63      À cet égard, au point 14 de leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, ils se bornent à renvoyer à leur requête, tout en précisant que les moyens d’annulation repris par celle‑ci correspondraient à des principes qui pourraient également être évoqués comme moyens de défense dans le cadre de litiges contractuels et se retrouveraient également dans les dispositions des lois nationales, sans toutefois préciser lesquelles, désignées dans les contrats en cause.

64      Ainsi que le souligne à juste titre la Commission, ce n’est que dans le cadre du deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, que les requérants font valoir, à titre incident, qu’aucune disposition contractuelle ou légale n’interdit à une personne physique de cumuler plusieurs emplois auprès de différentes entités, même à plein temps.

65      Or, de telles références, tout à fait génériques, ne sont pas suffisantes à considérer comme remplies les conditions fixées par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

66      Au vu des considérations qui précèdent et conformément à la jurisprudence citée au point 59 ci‑dessus, il convient de conclure qu’il n’est pas possible de requalifier le présent recours de recours au titre de l’article 272 TFUE.

67      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de faire droit à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et, par conséquent, de rejeter comme irrecevable le présent recours, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments de la Commission portant sur la recevabilité.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Technion – Israel Institute of Technology et Technion Research & Development Foundation Ltd sont condamnés aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 14 juin 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      J. Azizi


* Langue de procédure : le français.