Language of document : ECLI:EU:T:2021:525

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

1er septembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative PALLADIUM HOTEL GARDEN BEACH – Nom commercial national antérieur GRAND HOTEL PALLADIUM – Motif relatif de refus – Utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale – Article 8, paragraphe 4, et article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 4, et article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑566/20,

Residencial Palladium, SL, établie à Ibiza (Espagne), représentée par Me D. Solana Giménez, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Crawcour et M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’intervenante devant le Tribunal, admise à se substituer à l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, étant

Palladium Gestión, SL, établie à Ibiza, représentée par Me J. Rojo García-Lajara, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 30 juin 2020 (affaire R 1542/2019-4), relative à une procédure de nullité entre Residencial Palladium et Fiesta Hotels & Resorts, SL,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann (rapporteur), président, U. Öberg et R. Mastroianni, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 11 septembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 24 novembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 23 novembre 2020,

vu la demande de substitution, au titre de l’article 174 du règlement de procédure du Tribunal, déposée par l’intervenante au greffe du Tribunal le 28 janvier 2021 et les observations de l’EUIPO déposées au greffe du Tribunal le 8 février 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 22 septembre 2009, Fiesta Hotels & Resorts, SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2009/50 du 30 novembre 2009 et le signe a été enregistré le 17 mars 2011.

5        Le 3 juillet 2017, la requérante, Residencial Palladium, SL, a présenté une demande en nullité de la marque contestée, sur le fondement, d’une part, de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] et, d’autre part, de l’article 53, paragraphe 1, sous c) du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001).

6        La demande en nullité était fondée, d’une part, sur la prétendue mauvaise foi de Fiesta Hotels & Resorts au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée et, d’autre part, sur l’usage du nom commercial GRAND HOTEL PALLADIUM (ci-après le « signe invoqué »), utilisé en Espagne pour des services d’hébergement temporaire et de restauration. Elle était dirigée contre tous les services visés par la marque contestée.

7        Le 30 mai 2019, la division d’annulation, ayant mentionné les dispositions du règlement 2017/1001, a fait droit à la demande de nullité, en tant qu’elle était fondée sur l’article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement, au motif que la requérante avait établi que le signe invoqué répondait aux conditions de cette dernière disposition. En revanche, elle a rejeté la demande en nullité en tant qu’elle était fondée sur l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, au motif que la requérante n’avait pas établi que Fiesta Hotels & Resorts avait agi de mauvaise foi au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

8        Le 18 juillet 2019, Fiesta Hotels & Resorts a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 30 juin 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours, annulé la décision de la division d’annulation et rejeté la demande en nullité. Ayant mentionné les dispositions du règlement 2017/1001, elle a considéré, d’une part, s’agissant du motif de la demande en nullité fondé sur l’article 59, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, que la requérante n’avait pas établi la mauvaise foi de Fiesta Hotels & Resorts au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. D’autre part, s’agissant du motif de la demande en nullité fondé sur l’article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement, elle a examiné les conditions prévues par cette dernière disposition pour qu’une marque non enregistrée ou un autre signe utilisé dans la vie des affaires permette à son titulaire d’obtenir une déclaration de nullité d’une marque enregistrée postérieurement. En particulier, elle a relevé que les services d’hébergement temporaire et de restauration pour lesquels le signe invoqué avait été utilisé étaient uniquement fournis dans un établissement hôtelier sur le territoire espagnol et que les éléments de preuve produits par la requérante ne permettaient pas d’établir à suffisance de droit que, à la date d’introduction de la demande en nullité, les dimensions économique et géographique de l’usage du signe invoqué étaient suffisantes pour que ce signe puisse être utilement invoqué au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        constater la nullité de la marque contestée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO et Fiesta Hotels & Resorts concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande de substitution

12      Par courrier du 28 janvier 2021, le représentant de Fiesta Hotels & Resorts, fournissant la preuve d’un mandat donné par Palladium Gestión, SL, a indiqué que cette dernière était désormais titulaire de la marque contestée et qu’elle souhaitait se substituer à Fiesta Hotels & Resorts en application de l’article 174 du règlement de procédure du Tribunal.

13      Aux termes de l’article 176, paragraphes 1 à 3, du règlement de procédure, après que la demande de substitution a été notifiée aux parties et que celles-ci ont été mises en mesure de présenter leurs observations, il est statué sur la demande de substitution par voie d’ordonnance motivée du président ou dans la décision mettant fin à l’instance.

14      Conformément à l’article 174 du règlement de procédure, lorsqu’un droit de propriété intellectuelle concerné par le litige a été transféré d’une partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO à un tiers, l’ayant cause peut demander à se substituer à la partie initiale dans le cadre de la procédure devant le Tribunal. Il est précisé à l’article 176, paragraphe 5, du règlement de procédure que, s’il est fait droit à la demande de substitution, l’ayant cause accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de la substitution. Il est lié par les actes de procédure déposés par la partie à laquelle il se substitue.

15      Il ressort, par ailleurs, des articles 20 et 27 du règlement 2017/1001 que, après l’inscription du transfert d’une demande de marque de l’Union européenne au registre de l’EUIPO, l’ayant cause peut se prévaloir des droits découlant de cette demande.

16      En l’espèce, le représentant de Fiesta Hotels & Resorts, ancienne titulaire des droits liés à la marque contestée, a informé le Tribunal du transfert de ladite marque à Palladium Gestión et a demandé, en tant que représentant de cette dernière, la substitution de Fiesta Hotels & Resorts dans la présente procédure par Palladium Gestión. Il a produit la preuve que Fiesta Hotels & Resorts avait cédé à cette dernière, le 23 décembre 2020, la marque contestée. Il a, en outre, produit, devant le Tribunal, une notification de l’enregistrement, auprès de l’EUIPO, du transfert de la marque contestée à Palladium Gestión.

17      Dans ces circonstances, les parties ayant été entendues et ne s’étant pas opposées à la demande de substitution, il y a lieu d’autoriser Palladium Gestión à se substituer à Fiesta Hotels & Resorts en tant que partie intervenante dans la présente affaire.

 Sur les conclusions en annulation

18      À titre liminaire, il convient de relever que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 22 septembre 2009, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

19      Dès lors, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références aux articles 8, paragraphe 4, 59, paragraphe 1, sous b), et 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et les parties dans leurs écritures comme visant les articles 8, paragraphe 4, 52, paragraphe 1, sous b), et 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

20      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, en ce que la chambre de recours aurait considéré, à tort, que les conditions d’application de cette disposition relative à l’usage dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale n’étaient pas remplies s’agissant du signe invoqué.

21      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

22      Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement, le titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires peut obtenir la nullité d’une marque de l’Union européenne si ce signe remplit cumulativement quatre conditions, à savoir ledit signe doit être utilisé dans la vie des affaires, il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale, le droit à ce signe doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où ce signe était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne et, enfin, le droit audit signe doit permettre à son titulaire d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Si les deux premières conditions doivent être interprétées à la lumière du droit de l’Union européenne, les deux dernières s’apprécient au regard du droit qui régit le signe concerné (voir arrêt du 19 avril 2018, Fiesta Hotels & Resorts/EUIPO, C‑75/17 P, non publié, EU:C:2018:269, point 34 et jurisprudence citée). Ces conditions sont cumulatives, de sorte que, lorsqu’une marque non enregistrée ou un signe ne remplit pas l’une de ces conditions, la demande en nullité fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée ou d’autres signes utilisés dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, ne peut aboutir [voir arrêt 16 décembre 2020, H.R. Participations/EUIPO – Hottinger Investment Management (JCE HOTTINGUER), T‑535/19, non publié, EU:T:2020:614, point 37 et jurisprudence citée].

23      En ce qui concerne l’interprétation de la condition relative à la portée du signe invoqué à l’appui d’une demande de nullité, selon laquelle celle‑ci ne doit pas être seulement locale, il convient de souligner, tout d’abord, que la ratio legis de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 consiste à limiter les conflits entre signes, en empêchant qu’un droit antérieur qui n’est pas suffisamment caractérisé, c’est-à-dire important et significatif dans la vie des affaires, puisse permettre de contester soit l’enregistrement, soit la validité d’une marque de l’Union européenne. Une telle faculté de contestation doit être réservée aux signes qui sont effectivement et réellement présents sur leur marché pertinent [voir arrêt du 19 avril 2018, Fiesta Hotels & Resorts/EUIPO, C‑75/17 P, non publié, EU:C:2018:269, point 35 et jurisprudence citée ; arrêt du 24 mars 2009, Moreira da Fonseca/OHMI – General Óptica (GENERAL OPTICA), T‑318/06 à T‑321/06, EU:T:2009:77, point 36].

24      En outre, ainsi que cela ressort d’une interprétation textuelle de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, l’examen de l’exigence selon laquelle la portée du signe invoqué ne doit pas seulement être locale impose de tenir compte, en premier lieu, de la dimension géographique de la portée du signe, c’est‑à‑dire du territoire sur lequel il est utilisé pour identifier l’activité économique de son titulaire. Il convient de tenir compte, en second lieu, de la dimension économique de la portée du signe, qui est évaluée au regard de la durée pendant laquelle il a rempli sa fonction dans la vie des affaires et de l’intensité de son usage, au regard du cercle des destinataires parmi lesquels le signe en cause est devenu connu en tant qu’élément distinctif, à savoir les consommateurs, les concurrents, voire les fournisseurs, ou encore de la diffusion qui a été donnée au signe, par exemple, par voie de publicité ou sur Internet. Aussi, afin d’établir l’importance effective et réelle du signe invoqué sur le territoire concerné, il convient donc de ne pas se limiter à des appréciations purement formelles, mais d’examiner l’impact de ce signe sur le territoire en cause après avoir été utilisé en tant qu’élément distinctif [arrêts du 24 mars 2009, GENERAL OPTICA, T‑318/06 à T‑321/06, EU:T:2009:77, points 37 et 38, et du 18 avril 2013, Peek & Cloppenburg/OHMI – Peek & Cloppenburg (Peek & Cloppenburg), T‑506/11, non publié, EU:T:2013:197, point 49].

25      À cet égard, le règlement no 207/2009 laisse à la requérante le choix des moyens de preuve pour établir que la portée du signe qu’elle invoque n’est pas seulement locale. Celle-ci peut, certes, être établie par l’existence d’un réseau de succursales économiquement actives sur l’ensemble du territoire concerné, mais aussi de façon plus simple, par exemple, en produisant des factures délivrées en dehors de la région où elle a son siège, des articles de presse mettant en évidence le degré de connaissance par le public du signe invoqué ou en établissant que des références sont faites à l’établissement dans les guides de voyages (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2009, GENERAL OPTICA, T‑318/06 à T‑321/06, EU:T:2009:77, point 43).

26      En l’espèce, la requérante ne conteste pas la constatation de la chambre de recours selon laquelle le signe invoqué est un nom commercial non enregistré qui a été utilisé pour désigner un établissement hôtelier situé dans la ville de Santa Eulalia del Río, sur l’île d’Ibiza, en Espagne.

27      La requérante ne conteste pas davantage, et à juste titre, que la portée non uniquement locale du signe invoqué devait être établie à la fois à la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 22 septembre 2009, et à la date de la demande en nullité de cette marque, le 3 juillet 2017 [voir, par analogie, arrêt du 21 septembre 2017, Repsol YPF/EUIPO – Basic (BASIC), T‑609/15, EU:T:2017:640, point 48].

28      Il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, les dates du 22 septembre 2009 et du 29 septembre 2009 sont, à plusieurs reprises, indifféremment mentionnées pour évoquer la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée et, partant, l’une des deux dates à laquelle la portée du signe invoqué devait être établie.

29      Bien que les mentions du 29 septembre 2009 soient erronées, force est de constater qu’il s’agit d’erreurs de plume qui ne sont pas de nature à faire douter de la date à partir de laquelle la chambre de recours a effectivement apprécié la portée du signe invoqué. En effet, il convient de relever que, à plusieurs reprises au cours de son examen et nonobstant la mention d’une date erronée, la chambre de recours a rappelé que la portée du signe invoqué devait être appréciée à partir de la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée. En outre, seule la date correcte du 22 septembre 2009 est mentionnée dans la partie de la décision attaquée dans laquelle la chambre de recours a statué sur la demande en nullité de la requérante fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, relative à la mauvaise foi de Fiesta Hotels & Resorts au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée.

30      Pour ces mêmes raisons, il y a lieu de considérer que la requérante n’a pu se méprendre sur la date à partir de laquelle la chambre de recours avait apprécié la portée du signe invoqué. À cet égard, la requête ne contient d’ailleurs aucun argument en ce sens reposant sur une erreur de date commise par la chambre de recours.

31      En revanche, la requérante reproche à la chambre de recours des erreurs dans l’appréciation des preuves de la portée du signe invoqué soumises à son examen.

32      Il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a examiné la portée du signe invoqué sur la base des éléments de preuve, énumérés au point 4 de la décision attaquée, produits par la requérante devant la division d’annulation. Au terme de cet examen, elle a considéré que lesdits éléments de preuve ne permettaient pas d’établir que ledit signe avait une portée qui n’était pas seulement locale, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009.

33      Premièrement, la requérante, qui se réfère à des arrêts de la Cour et du Tribunal ainsi qu’à un extrait des directives de l’EUIPO relatives à l’examen des marques de l’Union européenne, reproche à la chambre de recours d’avoir méconnu le principe d’interdépendance des facteurs à prendre en compte aux fins d’apprécier la portée du signe invoqué. À cet égard, elle énumère des éléments de preuve qu’elle reproche, en substance, à la chambre de recours de n’avoir pas pris en considération dans le cadre de son examen.

34      Il convient de relever que la jurisprudence et l’extrait des directives de l’EUIPO auxquels se réfère la requérante concernent la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, au sens des articles 15, paragraphe 1, et 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009.

35      Or, l’expression « utilisation dans la vie des affaires », au sens de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement, a une signification différente de celle de l’« usage sérieux », au sens des articles 15, paragraphe 1, et 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009. En effet, la preuve de l’usage sérieux pendant une certaine période constitue, lorsqu’elle est demandée, une condition préalable à l’examen du bien-fondé d’une opposition reposant soit sur une marque de l’Union européenne, soit sur une marque nationale antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 207/2009. Cette exigence est liée au fait que l’absence d’usage sérieux d’une marque antérieure peut, dans les conditions prévues à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du même règlement, donner lieu à la déchéance de son titulaire, si bien qu’une telle marque ne peut plus servir de fondement à une opposition à l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ou à une demande en nullité à l’encontre d’une telle marque. Or, contrairement à ce qui est le cas pour une marque de l’Union européenne, le droit de l’Union ne contient pas de disposition prévoyant des conséquences en cas d’absence d’usage sans juste motif d’une dénomination sociale ou d’un nom commercial pendant une certaine période, cette question relevant donc du droit national applicable en vertu de l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement no 207/2009 [voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2010, Granuband/OHMI – Granuflex (GRANUflex), T‑534/08, non publié, EU:T:2010:417, points 24 à 26].

36      En l’espèce, la requérante devant prouver, au soutien de sa demande en nullité, une utilisation dans la vie des affaires du signe invoqué dont la portée n’est pas seulement locale, et non un usage sérieux de ce signe, la jurisprudence et l’extrait des directives de l’EUIPO auxquels elle se réfère sont dénués de pertinence pour contester les appréciations portées par la chambre de recours sur la portée du signe invoqué.

37      En outre, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait omis de prendre en considération certains éléments de preuve produits devant elle, à savoir les annexes 5, 5 bis, 10 et 15 à 21 de la demande en nullité, repose sur une lecture erronée de la décision attaquée.

38      En effet, s’agissant des annexes 5 et 5 bis de la demande en nullité, composées d’un acte notarié daté du 3 mars 2014 et d’impressions de copies d’écran de différents sites Internet, la chambre de recours a relevé, au point 94 de la décision attaquée, que ledit acte notarié ne faisait que reproduire le contenu de plusieurs pages Internet, dont l’une contenait une référence à l’établissement hôtelier « Grand Hotel Palladium », et des détails sur les services proposés par cet établissement. Elle a ajouté que ce dernier document, bien que daté de 2014 et montrant le contenu du site Internet en question à cette date, ne contenait aucune information autre que la simple référence à l’établissement précité, et qu’il ne fournissait, dès lors aucune donnée objective sur l’usage du signe invoqué sur le marché, ni aucun élément en rapport avec l’importance de cet éventuel usage.

39      S’agissant de l’annexe 10 de la demande en nullité, constituée d’un exemplaire du registre des clients de l’hôtel « Residencia – Thermal – Palladium », la chambre de recours a relevé, au point 91 de la décision attaquée, que ce document portait sur la période comprise entre le 22 juillet 2000 et le 24 octobre 2002 et qu’il ne contenait donc aucune information pertinente concernant la période pertinente en l’espèce. Elle a ajouté que la division d’annulation s’était référée à ce document lors de l’appréciation des éléments de preuve produits, mais qu’elle avait commis une erreur en ayant indiqué que ce document couvrait la période comprise entre 2000 et 2010.

40      S’agissant des annexes 15 à 17 de la demande en nullité, constituées, respectivement, du jugement du 4 février 2011 rendu par le Juzgado de lo Mercantil no 2 Mallorca (tribunal de commerce n° 2 de Majorque, Espagne) dans le cadre de la procédure ordinaire no 431/09, de la décision no 391, du 28 novembre 2011, rendue par l’Audiencia Provincial de Palma de Mallorca (cour provinciale de Palma de Majorque, Espagne) et d’une ordonnance interprétative de cette dernière décision, la chambre de recours a considéré, aux points 120 à 122 de la décision attaquée, que ces décisions de justice n’apportaient pas d’informations pertinentes en l’espèce. Elle a relevé qu’elles ne lui permettaient de savoir ni quelles preuves avaient été produites au cours des procédures ayant conduit à ces décisions, ni si ces preuves étaient les mêmes ou si elles étaient comparables à celles produites dans le cadre de la procédure devant elle. Elle a ajouté que, en tout état de cause, il était clair que la période mentionnée dans ces décisions ne correspondait pas à celle qui était pertinente en l’espèce et que ces décisions ne pouvaient être transposées à la présente procédure.

41      Quant aux annexes 18 à 21 de la demande en nullité, elles concernent la procédure de nullité no 7056, par laquelle la requérante avait, en se fondant sur le signe invoqué, demandé la nullité de la marque de l’Union européenne, représentée ci-après, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009. Ces annexes sont, respectivement, la décision la division d’annulation de l’EUIPO du 15 octobre 2013, la décision de la chambre de recours du 23 février 2015 (affaire R 2391/2013-2) et les arrêts du 19 avril 2018, Fiesta Hotels & Resorts/EUIPO (C‑75/17 P, non publié, EU:C:2018:269), et du 30 novembre 2016, Fiesta Hotels & Resorts/EUIPO – Residencial Palladium (PALLADIUM PALACE IBIZA RESORT & SPA) (T‑217/15, non publié, EU:T:2016:691) :

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42      S’agissant de ces annexes, la chambre de recours a notamment relevé, aux points 123, 125, 127, 129 et 130 de la décision attaquée, que, dans le cadre de la procédure de nullité no 7056, la période pertinente pour apprécier l’usage dans la vie des affaires du signe antérieur était différente de celle pertinente en l’espèce et que les preuves produites dans le cadre de ladite procédure ne coïncidaient pas avec celles qui avaient été déposées en l’espèce et qu’elles étaient plus nombreuses et pertinentes que ces dernières.

43      Il résulte de ce qui précède que, contrairement aux allégations de la requérante, la chambre de recours a dûment tenu compte des annexes 5, 5 bis, 10 et 15 à 21 de la demande en nullité, dont elle a expressément apprécié la valeur probante aux fins de son examen de la portée du signe invoqué. Dès lors, lesdites allégations doivent être rejetées.

44      Au demeurant, force est de constater que la requérante n’avance aucun élément de nature à contester le bien-fondé des appréciations portées par la chambre de recours sur lesdites annexes.

45      Deuxièmement, la requérante, ayant constaté que sa demande en nullité avait été rejetée par la chambre de recours en raison d’une démonstration insuffisante de la portée non uniquement locale du signe invoqué, a joint à la requête des éléments de preuve de l’usage de ce signe au cours des années pour lesquelles de tels éléments faisaient défaut. Par ces éléments, elle entend démontrer l’usage continu du signe invoqué jusqu’à la date d’introduction de la demande en nullité de la marque contestée.

46      Il y a lieu de constater que ces éléments de preuve, à l’exception d’une facture, datée du 24 mai 2016, sont produits pour la première fois devant le Tribunal.

47      Or, il convient de rappeler qu’un recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 65 du règlement 2017/1001 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours. Dans le cadre dudit règlement, en application de son article 76, ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, point 17 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait annuler ou réformer la décision objet du recours pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé (arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 55, et du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 53).

48      Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de ces preuves est contraire à l’article 188 du règlement de procédure, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Partant, les preuves produites pour la première fois devant le Tribunal doivent être déclarées irrecevables, sans qu’il soit nécessaire de les examiner [voir arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 22 et jurisprudence citée].

49      Quant à la facture datée du 24 mai 2016, qui correspond à un séjour de deux personnes pendant trois nuits à l’hôtel Grand Hotel Palladium, elle fait partie de l’annexe 14 à la demande en nullité, composée d’environ 90 factures, dont la chambre de recours a apprécié la valeur probante aux points 105 à 117 de la décision attaquée. À l’issue de son examen de ces factures, ladite chambre a considéré qu’elles n’étaient pas étayées par d’autres preuves montrant que le signe invoqué avait été diffusé ou qu’il avait fait l’objet d’une promotion dans une grande partie du territoire espagnol, et que, dès lors, elles ne permettaient pas d’établir à suffisance de droit que, à la date d’introduction de la demande en nullité de la marque contestée, le signe invoqué était utilisé, ou continuait de l’être, de manière suffisamment importante sur les plans économique et géographique pour que celui-ci puisse être valablement invoqué au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009.

50      La requérante n’ayant pas avancé d’argument aux fins de contester spécifiquement cette appréciation, la simple production de la facture du 24 mai 2016 susvisée ne saurait suffire à remettre en cause la conclusion de la chambre de recours.

51      Troisièmement, la requérante soutient que la portée non uniquement locale du signe invoqué avait été reconnue dans les arrêts du 19 avril 2018, Fiesta Hotels & Resorts/EUIPO (C‑75/17 P, non publié, EU:C:2018:269), et du 30 novembre 2016, PALLADIUM PALACE IBIZA RESORT & SPA (T‑217/15, non publié, EU:T:2016:691).

52      Il est constant que, dans le cadre de la procédure de nullité no 7056 visée au point 41 ci-dessus, la requérante avait fondé sa demande en nullité sur le signe qu’elle a également invoqué à l’appui de sa demande en nullité en l’espèce. Au point 50 de l’arrêt du 30 novembre 2016, PALLADIUM PALACE IBIZA RESORT & SPA (T‑217/15, non publié, EU:T:2016:691), le Tribunal a jugé que la chambre de recours avait considéré à bon droit que le signe invoqué avait fait l’objet d’un usage dans la vie des affaires dont la portée n’était pas seulement locale.

53      Or, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 123 de la décision attaquée, sans être contredite par la requérante, dans le cadre de la procédure de nullité no 7056, la demande d’enregistrement de la marque reproduite au point 41 ci-dessus et la demande en nullité de cette marque avaient été respectivement présentées le 23 décembre 2011 et le 14 septembre 2012, tandis qu’en l’espèce, la demande d’enregistrement de la marque contestée et la demande en nullité de cette marque l’ont respectivement été au mois de septembre 2009 et le 3 juillet 2017. À cet égard, elle en a déduit, à juste titre et sans que la requérante ne le conteste, que les dates auxquelles la portée non uniquement locale du signe invoqué devait être établie n’étaient pas les mêmes dans le cadre de la procédure de nullité no 7056 et dans la procédure de nullité en cause en l’espèce.

54      En outre, ainsi qu’il ressort du point 42 ci-dessus, la chambre de recours a relevé, sans que la requérante ne le conteste, que les preuves produites dans le cadre de la procédure de nullité no 7056 étaient plus nombreuses et pertinentes que celles produites dans le cadre de la procédure de nullité en cause en l’espèce. À cet égard, elle a relevé, à titre d’exemple, que, dans la procédure de nullité no 7056, plus de 300 factures émises tout au long de la période pertinente avaient été produites alors que, en l’espèce, seules 98 factures au total avaient été produites, dont 24 datant de l’année 2009 et 69 de l’année 2016. Elle a également identifié certains documents qui avaient été produits dans le cadre de la procédure de nullité no 7056, mais qui n’avaient pas été produits en l’espèce.

55      La chambre de recours en a conclu que, même si les appréciations figurant dans l’arrêt 30 novembre 2016, PALLADIUM PALACE IBIZA RESORT & SPA (T‑217/15, non publié, EU:T:2016:691), au sujet de la portée du signe invoqué étaient transposées au cas d’espèce, ces appréciations pourraient uniquement être valables pour apprécier la portée du signe invoqué à la date de dépôt de la demande de marque contestée, mais non à la date de la demande en nullité.

56      Or, la requérante n’ayant même pas contesté le bien-fondé des appréciations rappelées aux points 53 à 55 ci-dessus, elle n’a a fortiori pas démontré que la chambre de recours aurait dû, en raison des constatations énoncées dans les arrêts du 19 avril 2018, Fiesta Hotels & Resorts/EUIPO (C‑75/17 P, non publié, EU:C:2018:269), et du 30 novembre 2016, PALLADIUM PALACE IBIZA RESORT & SPA (T‑217/15, non publié, EU:T:2016:691), considérer que le signe invoqué avait acquis une portée non uniquement locale durant l’ensemble de la période pertinente, telle que définie au point 27 ci-dessus.

57      Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a avancé aucun argument de nature à remettre en cause le bien-fondé de la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le signe invoqué n’avait pas, aux dates rappelées , notamment, au point 27 ci-dessus, une portée qui n’était pas seulement locale, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009.

58      Dès lors, le moyen unique doit être écarté.

59      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation de la requérante ainsi que, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Palladium Gestión, SL est autorisée à se substituer à Fiesta Hotels & Resorts, SL en tant que partie intervenante.

2)      Le recours est rejeté.

3)      Residencial Palladium, SL est condamnée aux dépens exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Palladium Gestión.

Spielmann

Öberg

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.