Language of document : ECLI:EU:T:2020:318

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

8 juillet 2020 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Maintien du nom de la partie requérante sur les listes des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Obligation de motivation – Erreur de droit – Erreur d’appréciation – Modulation dans le temps des effets d’une annulation »

Dans l’affaire T‑490/18,

Neda Industrial Group, établie à Téhéran (Iran), représentée par Me L. Vidal, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. V. Piessevaux et M. Bishop, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision (PESC) 2018/833 du Conseil, du 4 juin 2018, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2018, L 140, p. 87), et du règlement d’exécution (UE) 2018/827 du Conseil, du 4 juin 2018, mettant en œuvre le règlement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2018, L 140, p. 3), pour autant que ces actes concernent la requérante, et d’autre part, de la lettre du 6 juin 2018 adressée par le Conseil à la requérante

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 6 février 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Contexte

1        La requérante, Neda Industrial Group, est une société privée fondée en 1984 sous le nom Pariz Industries Company et immatriculée en Iran. Son changement de nom est intervenu le 10 décembre 2003. Les activités de la requérante étaient originairement centrées sur l’automatisation industrielle, puis ont été étendues aux domaines de la fourniture de services électriques pour différentes industries, de la rénovation et de la mise en conformité de diverses usines, de la fourniture d’une gamme d’instruments de terrain et d’équipements de détection d’incendies et de gaz et de la robinetterie industrielle. Aujourd’hui, elle affirme proposer ses services dans divers domaines, tels que la conception, la fourniture, l’intégration et la mise en service de systèmes d’automatisation industrielle, de systèmes d’électricité pour des installations industrielles, de systèmes de détection d’incendie et de gaz, de scanners pour fours rotatifs, en particulier pour les fours des cimenteries, la fourniture d’une large variété d’instruments de terrain, de différentes gammes de robinetterie industrielle, de systèmes de protection de pression de haute intégrité pour les industries pétrolières et gazières et, enfin, la rénovation et la mise en conformité d’usines, incluant, notamment, des turbocompresseurs, des stations de pompage de gaz ou de pétrole ainsi que des chaudières.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées par le Conseil de l’Union européenne en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran, afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

3        En juin 2006, la requérante a fourni des services à la société iranienne Kala-Electric Company (également connue sous le nom de Kalaye Electric Company, ci-après « KEC »).

4        Le 23 décembre 2006, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1737 (2006) [RCSNU 1737 (2006)], dont le paragraphe 12, lu conjointement avec l’annexe de celle-ci, énumère une série de personnes et d’entités qui seraient impliquées dans la prolifération nucléaire et dont les fonds ainsi que les ressources économiques devraient être gelés. Conformément à ladite résolution, KEC a été inscrite sur la liste des personnes et des entités visées par les sanctions imposées par le Conseil de sécurité des Nations unies pour avoir été le fournisseur de l’usine expérimentale d’enrichissement de combustible de Natanz (Iran) [RCSNU 1737 (2006), annexe, titre A, point 3].

 Actes de base et modifications successives prévoyant le régime des mesures restrictives

5        Le 26 juillet 2010, le Conseil a, sur le fondement de l’article 29 TUE, adopté la décision 2010/413/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO 2010, L 195, p. 39). Les annexes I et II de la décision 2010/413 énumèrent les personnes et les entités dont les avoirs sont gelés.

6        Le 25 octobre 2010, le Conseil a, sur le fondement de l’article 215 TFUE, adopté le règlement (UE) no 961/2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) no 423/2007 (JO 2010, L 281, p. 1). L’annexe VIII du règlement no 961/2010 énumérait les personnes et les entités dont les avoirs étaient gelés.

7        Le 23 mars 2012, le Conseil a, sur le fondement de l’article 215 TFUE, adopté le règlement (UE) no 267/2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 961/2010 (JO 2012, L 88, p. 1). L’annexe IX du règlement no 267/2012 a repris la liste qui figurait à l’annexe VIII du règlement no 961/2010 et énumère donc les personnes et les entités dont les avoirs sont gelés.  

8        Le 14 juillet 2015, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et la République fédérale d’Allemagne, avec l’appui de la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ont conclu avec la République islamique d’Iran un plan d’action global commun sur la question du nucléaire iranien (ci-après le « plan d’action global commun »). Le 20 juillet 2015, le Conseil de sécurité a adopté, à l’unanimité, la résolution 2231 (2015), par laquelle il a approuvé ledit plan. Afin de mettre en œuvre le plan d’action global commun, le Conseil a adopté, le 18 octobre 2015, d’une part, la décision (PESC) 2015/1863, modifiant la décision 2010/413 (JO 2015, L 274, p. 174), et, d’autre part, le règlement (UE) 2015/1861, modifiant le règlement no 267/2012 (JO 2015, L 274, p. 1).

 Critère appliqué pour adopter les mesures restrictives visant la requérante

9        L’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2013/497/PESC du Conseil, du 10 octobre 2013 (JO 2013, L 272, p. 46), prévoit le gel des fonds et des ressources économiques des « personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui participent, sont directement associées ou apportent un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou qui apportent un appui à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, y compris en concourant à l’acquisition des articles, biens, équipements, matières et technologies interdits, ou les personnes ou entités agissant pour leur compte ou sur leurs ordres, ou les entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites, ou les personnes et les entités qui se sont soustraites aux dispositions des [résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies] 1737 (2006), 1747 (2007), 1803 (2008) et 1929 (2010) ou de la […] décision [2010/413], les ont enfreintes ou ont aidé les personnes ou les entités désignées à s’y soustraire ou à les enfreindre, ainsi que d’autres membres et entités de l’IRGC [corps des Gardiens de la révolution islamique] et de l’IRISL [compagnie Islamic Republic of Iran Shipping Lines] et des entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle, ou des personnes et entités qui agissent pour leur compte, ou des personnes et entités qui fournissent des services d’assurance ou d’autres services essentiels à l’IRGC [corps des Gardiens de la révolution islamique] et à l’IRISL [compagnie Islamic Republic of Iran Shipping Lines] ou à des entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle ou qui agissent pour leur compte, telles qu’elles sont énumérées à l’annexe II [de la décision 2010/413] ».

10      Conformément à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 267/2012 prévoit le gel des fonds des personnes, entités et organismes énumérés à son annexe IX, qui ont été reconnus « comme participant, étant directement associés ou apportant un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires par l’Iran, y compris en concourant à l’acquisition de biens et technologies interdits, ou appartenant à une telle personne, entité ou organisme, ou se trouvant sous son contrôle, y compris par des moyens illicites, ou agissant pour son compte ou selon ses instructions ».

 Inscription du nom de la requérante par des actes postérieurs aux actes de base

11      Par sa décision 2011/299/PESC, du 23 mai 2011, modifiant la décision 2010/413 (JO 2011, L 136, p. 65), le Conseil a inscrit la requérante sur la liste des personnes et des entités visées à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 (voir point 9 ci-dessus). Cette liste figure à l’annexe II de cette dernière décision.

12      Par son règlement d’exécution (UE) no 503/2011, du 23 mai 2011, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO 2011, L 136, p. 26), le Conseil a inscrit la requérante sur la liste des personnes et des entités auxquelles l’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement no 961/2010 s’applique. Ladite disposition prévoyait le gel des fonds et des ressources économiques appartenant aux personnes, entités ou organismes énumérés à son annexe VIII, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possédaient, détenaient ou contrôlaient. L’annexe VIII du règlement no 961/2010 comprenait les personnes physiques et morales, les entités et les organismes non cités à l’annexe VII qui avaient été reconnus conformément à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 « comme participant, étant directement associés ou apportant un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires par l’Iran, y compris en concourant à l’acquisition de biens et technologies interdits, ou comme étant détenus par une telle personne ou entité ou par un tel organisme, ou se trouvant sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites, ou agissant pour leur compte ou selon leurs instructions ».

13      Par le règlement no 267/2012, qui a abrogé le règlement no 961/2010, le nom de la requérante a été inscrit à l’annexe IX du règlement no 267/2012, conformément à l’article 23, paragraphe 2, sous a), de ce dernier règlement (voir point 10 ci-dessus). 

 Motifs justifiant les mesures restrictives visant la requérante

14      Dans la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2011/299, et dans le règlement no 267/2012, le Conseil a justifié l’adoption des mesures restrictives visant la requérante, sur le fondement du critère fixé à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous a) du règlement no 267/2012 (ci-après le « critère litigieux »). Il a inscrit la requérante sur les listes des entités figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe IX du règlement no 267/2012 (ci-après, prises ensemble, les « listes litigieuses »).

15      Au point 47 de chacune des listes litigieuses, le motif d’inscription du nom de la requérante est libellé comme suit :

« Entreprise d’automatisation industrielle qui a travaillé pour la Kalaye Electric Company (KEC) sanctionnée par [les Nations unies], à l’usine d’enrichissement de l’uranium à Natanz. »

 Notification et réexamen des mesures restrictives

16      Par lettre du Conseil du 24 mai 2011, la requérante a été informée de son inscription sur les listes figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement no 961/2010. À cette occasion, le Conseil a transmis à la requérante une copie de la décision 2011/299 et du règlement d’exécution no 503/2011 (ci-après, pris ensemble, les « actes de 2011 ») et a fixé au 31 juillet 2011 l’expiration du délai pour demander la révision de l’inscription de son nom sur lesdites listes. Le Conseil a également informé la requérante de la possibilité, qui lui était reconnue conformément aux dispositions de l’article 275, paragraphe 2, TFUE et de l’article 263, paragraphes 4 et 6, TFUE, de saisir le juge de l’Union pour demander l’annulation des actes de 2011.

17      Par lettre du 13 juillet 2011, la requérante a présenté ses observations au Conseil.

18      Par lettre du 5 décembre 2011, le Conseil a informé la requérante de la décision de maintien de son nom sur les listes des personnes et des entités visées par des mesures restrictives figurant à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement no 961/2010 et lui a transmis à nouveau une copie des actes de 2011 la concernant. Le Conseil a également rappelé à la requérante la possibilité, qui lui était reconnue conformément aux dispositions de l’article 275, paragraphe 2, TFUE et de l’article 263, paragraphes 4 et 6, TFUE, de saisir le juge de l’Union pour demander l’annulation des actes de 2011.

19      Par lettre du Conseil du 11 décembre 2012, la requérante a été informée de l’inscription de son nom sur la liste figurant à l’annexe IX du règlement no 267/2012 en raison de l’abrogation du règlement no 961/2010. Par cette lettre, le Conseil a transmis à la requérante une copie de la décision 2010/413 et du règlement no 267/2012 et lui a indiqué que le délai pour demander la révision de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses était fixé au 31 janvier 2013.  

20      Par lettre du 20 août 2013, la requérante a présenté des observations au Conseil.  

21      Par lettre du 14 mars 2014, le Conseil a indiqué à la requérante, premièrement, qu’il avait procédé à un réexamen de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses en prenant en compte les observations de cette dernière contenues dans la lettre du 20 août 2013, deuxièmement, que, à la suite dudit réexamen, son nom avait été maintenu sur les listes en question et, troisièmement, qu’un délai expirant au 15 avril 2014 lui avait été accordé pour réagir et présenter de nouvelles observations.  La requérante n’a pas présenté d’observations dans le délai qui lui avait été imparti.

22      Le 13 octobre 2017, la requérante a présenté au Conseil une demande de retrait de son nom des listes litigieuses. D’une part, cette demande était fondée sur la circonstance qu’il ressortait de son organisation interne, de ses activités, des projets qu’elle menait et de l’identité de ses principaux clients qu’elle n’était pas liée à des entités agissant dans le secteur nucléaire, ni ne fournissait de services destinés audit secteur. La requérante a notamment allégué que, depuis la prestation de services fournie à Kalaye Electric Company (KEC), intervenue en juin 2006, elle avait appliqué une politique très sévère, en vertu de laquelle elle avait refusé tout potentiel associé ou client sanctionnés par les Nations unies ou soumis à des mesures restrictives de l’Union. Cela aurait résulté de la liste des projets qu’elle avait menés au cours des cinq dernières années (voir lettre du 13 octobre 2017, points 1 à 32). D’autre part, cette demande était fondée sur le fait que, dans la mesure où le plan d’action global commun avait autorisé la poursuite des activités à l’usine d’enrichissement de l’uranium à Natanz, la principale préoccupation du Conseil, liée au lieu où la requérante avait fourni des prestations de services à KEC en 2006, aurait disparu (voir lettre du 13 octobre 2017, point 33). Enfin, la requérante a mis en exergue le fait que le maintien des mesures restrictives à son égard avait non seulement entraîné des pertes considérables en termes de chiffres d’affaires et d’opportunités commerciales, mais allait également à l’encontre de l’esprit de coopération mentionné dans le texte du plan d’action global commun.

 Décision de maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses

23      Par lettre du 6 juin 2018, d’une part, le Conseil a répondu à la lettre du 13 octobre 2017 (voir point 22 ci-dessus) en indiquant ce qui suit :

« [Neda Industrial Group] est maintenue sur la liste des personnes et des entités désignées [et] le maintien des mesures restrictives contre Neda Industrial Group est conforme au plan d’action global commun conclu avec l’Iran, approuvé par la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies 2231 (2015). »

24      D’autre part, dans sa lettre du 6 juin 2018, le Conseil a fait référence à sa décision (PESC) 2018/833, du 4 juin 2018, modifiant la décision 2010/413 (JO 2018, L 140, p. 87), et au règlement d’exécution (UE) 2018/827 du Conseil, du 4 juin 2018, mettant en œuvre le règlement no 267/2012 (JO 2018, L 140, p. 3) (ci‑après, pris ensemble, les « actes de 2018 »).

25      La décision 2018/833 a été adoptée conformément à l’article 26, paragraphe 3, de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2012/35/PESC du Conseil, du 23 janvier 2012 (JO 2012, L 19 p. 22), et le règlement d’exécution 2018/827 a été adopté conformément à l’article 46, paragraphe 7, du règlement no 267/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1861. Lesdites dispositions prévoient l’obligation, pour le Conseil, de procéder à un réexamen annuel des listes litigieuses.

26      Par les actes de 2018, le Conseil a procédé à une mise à jour des listes litigieuses sans supprimer le nom de la requérante desdites listes. Le critère litigieux (voir points 9 et 10 ci-dessus) et les motifs ayant justifié les mesures restrictives visant la requérante (voir point 15 ci‑dessus) sont donc, implicitement, mais nécessairement, restés inchangés.

 Procédure et conclusions des parties

27      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 août 2018, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du Conseil de maintien de son nom sur les listes litigieuses.

28      Les 5 et 12 septembre 2018, la requérante a été invitée, par le greffe du Tribunal, à régulariser la requête afin, notamment, de préciser les actes faisant l’objet de son recours et de les produire devant le Tribunal.

29      Le 24 septembre 2018, la requérante a déposé au greffe du Tribunal une lettre expliquant que son recours visait à obtenir l’annulation de la décision du Conseil contenue dans la lettre du 6 juin 2018 de maintien de son nom sur les listes litigieuses.

30      Le 7 décembre 2018, le Conseil a déposé le mémoire en défense.

31      Par une mesure d’organisation de la procédure, adoptée le 19 décembre 2018 conformément aux articles 89 et 90 du règlement de procédure du Tribunal, les parties ont été invitées à répondre à une question.

32      Le Conseil et la requérante ont répondu, respectivement, le 15 et le 16 janvier 2019.

33      Le 25 mars et le 8 mai 2019, la requérante et le Conseil ont, respectivement, déposé la réplique et la duplique.

34      Le 7 juin 2019, la requérante a demandé la tenue d’une audience.

35      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent été attribuée.

36      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        « annuler la décision adoptée par le Conseil le 6 juin 2018 de maint[ien] [d]es sanctions à son égard » ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

37      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Observations liminaires sur l’objet du litige

38      Il importe de noter que, dans la requête, la requérante indique, comme actes faisant l’objet du recours, la lettre du Conseil du 6 juin 2018 ainsi que l’annexe IX du règlement no 267/2012 et l’annexe II de la décision 2010/413, pour autant que ces actes la concernent.

39      À la suite d’une demande du Tribunal visant à ce que la requérante produise, outre la lettre du Conseil du 6 juin 2018, les actes faisant l’objet du recours, cette dernière a produit, le 24 septembre 2018, le règlement no 267/2012 et la décision 2010/413 telle que modifiée par la décision 2011/299. Elle a, en outre, précisé que son recours visait à obtenir l’annulation de la décision du Conseil contenue dans la lettre du 6 juin 2018 de maintien de son nom sur les listes litigieuses.

40      Dans le mémoire en défense, déposé au greffe du Tribunal le 7 décembre 2018, le Conseil n’a soulevé aucune fin de non-recevoir et s’est défendu sur le fond du recours.

41      Par une mesure d’organisation de la procédure adoptée le 19 décembre 2018, conformément aux articles 89 et 90 du règlement de procédure, les parties ont été invitées à répondre à la question de savoir si la lettre du Conseil du 6 juin 2018 constituait un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE. En outre, la requérante a été invitée à indiquer au Tribunal les actes autres que la lettre du Conseil du 6 juin 2018 qui faisaient l’objet du recours et les points du recours dans lesquels ces différents actes étaient visés.

42      Par lettre du 15 janvier 2019, le Conseil a répondu au Tribunal que le recours devait être interprété comme visant les actes de 2018 mentionnés dans sa lettre du 6 juin 2018 et non cette lettre en tant que telle.

43      Par lettre du 16 janvier 2019, la requérante a répondu au Tribunal, premièrement, que son recours devait être interprété comme visant la décision du Conseil contenue dans la lettre du 6 juin 2018. À ce titre, elle a précisé que cette lettre n’était ni « purement informative » ni « confirmative » de la décision du Conseil d’inscrire son nom sur les listes litigieuses. Deuxièmement, la requérante a indiqué que la lettre en question devait, en tout état de cause, être considérée comme un acte attaquable en ce qu’elle représentait, en substance, le refus du Conseil de supprimer son nom des listes litigieuses. Troisièmement, elle a avancé que, conformément à la jurisprudence (arrêt du 11 décembre 2012, Sina Bank/Conseil, T‑15/11, EU:T:2012:661, points 34 et 37), le contenu de la lettre du 6 juin 2018, interprété dans son contexte, permettait de qualifier ladite lettre de décision de maintien de son nom sur les listes litigieuses et de la rendre, ainsi, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE. Enfin, dans ses conclusions contenues dans sa réponse du 16 janvier 2019, la requérante a indiqué notamment que le recours avait pour objet, « sans aucune ambigüité », l’annulation de la « lettre du 6 juin 2018 et, ensemble avec celle-ci, du règlement […] no 267/2012 et de la décision […] 2010/413, tels que modifiés et intégrés jusqu’à la date [du] recours, dans la mesure où ils [la] concern[ai]ent », produits devant le Tribunal en annexe à l’acte déposé au greffe du Tribunal le 24 septembre 2018.

44      En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la requérante a précisé, ainsi qu’il a été acté au procès-verbal, que le recours avait pour objet, non seulement la lettre du 6 juin 2018, mais également les actes de 2018, mentionnés dans cette lettre, pour autant que ces actes contenaient la décision du Conseil de maintien de son nom sur les listes litigieuses. En outre, toujours lors de l’audience, et ainsi qu’il a été acté au procès-verbal, elle a précisé que son recours ne visait pas à demander l’annulation des actes antérieurs à ceux de 2018 par lesquels le Conseil avait procédé d’abord à l’inscription de son nom, puis à son maintien.

45      En ce qui concerne l’identification des actes qui font l’objet du litige, il convient de procéder aux observations suivantes.

46      En premier lieu, en tant que le recours de la requérante vise à obtenir l’annulation de la lettre du Conseil du 6 juin 2018, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci. Par ailleurs, il a été jugé qu’un acte à caractère purement informatif ne saurait ni affecter les intérêts du destinataire ni modifier la situation juridique de celui-ci par rapport à la situation antérieure à la réception dudit acte (voir arrêt du 3 juillet 2014, Alchaar/Conseil, T‑203/12, non publié, EU:T:2014:602, point 58 et jurisprudence citée).

47      En l’espèce, par la lettre du 6 juin 2018, le Conseil a informé la requérante de l’adoption des actes de 2018, maintenant son nom sur les listes litigieuses. À cet égard, il a indiqué, d’une part, que les observations contenues dans la lettre du 13 octobre 2017 ne lui avaient pas permis de modifier son point de vue et, d’autre part, que le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses demeurait conforme au plan d’action global commun, contrairement à ce qu’elle soutenait dans lesdites observations (voir points 23 à 26 ci-dessus).

48      La lettre du 6 juin 2018 ne saurait constituer un acte adopté à la suite d’un réexamen formel des mesures restrictives visant la requérante en application de l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et de l’article 46, paragraphe 5, du règlement no 267/2012, selon lesquels, en cas de nouveaux éléments de preuve ou d’observations présentés par les intéressés, le Conseil est tenu de procéder à un réexamen des mesures restrictives et de communiquer les motifs de sa décision aux intéressés. En effet, ladite lettre se limite à informer la requérante du fait que son nom est maintenu sur les listes litigieuses, à la suite de l’adoption des actes de 2018, qui contiennent une mise à jour desdites listes. Cette mise à jour est généralement effectuée dans le cadre du réexamen annuel des mesures restrictives, conformément aux dispositions de l’article 26, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et de l’article 46, paragraphe 7, du règlement no 267/2012, issu de la modification apportée audit article par le règlement 2015/1861.

49      La lettre du 6 juin 2018, de nature purement informative, n’est donc pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE. Il s’ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable en ce qu’il vise la lettre du 6 juin 2018.

50      En second lieu, il convient d’apprécier si les actes de 2018 ont eu pour objet de maintenir le nom de la requérante sur les listes litigieuses et, dans la mesure où tel serait le cas, si le recours peut être interprété, ainsi que le soutient le Conseil dans ses observations en réponse à la mesure d’organisation de la procédure (voir point 42 ci-dessus) et ainsi que l’a indiqué la requérante en réponse à une question posée lors de l’audience (voir point 44 ci-dessus), comme visant lesdits actes.

51      À cet égard, il convient de préciser, d’emblée, que le Conseil est tenu, en application de l’article 26, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et de l’article 46, paragraphe 7, du règlement no 267/2012, de réexaminer les listes litigieuses à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois et que, conformément à l’article 26, paragraphe 3, de la décision 2010/413, les mesures restrictives cessent de s’appliquer à l’égard des personnes et des entités concernées « si le Conseil établit, conformément à la procédure visée à l’article 24 [de la décision 2010/413], que les conditions nécessaires à leur application ne sont plus remplies ».

52      En outre, il ressort de la jurisprudence que, même dans un cas où la personne concernée n’est pas mentionnée par un acte subséquent modifiant la liste sur laquelle son nom a été inscrit et même si cet acte subséquent ne modifie pas les motifs pour lesquels le nom de cette personne a initialement été inscrit, un tel acte doit être compris comme constituant une manifestation de la volonté du Conseil de maintenir le nom de la personne concernée sur ladite liste, avec pour conséquence le maintien du gel de ses fonds, étant donné que le Conseil a l’obligation de procéder à un examen de cette liste à intervalles réguliers (voir arrêt du 9 juillet 2014, Al-Tabbaa/Conseil, T‑329/12 et T‑74/13, non publié, EU:T:2014:622, point 44 et jurisprudence citée).

53      De plus, il a été jugé que l’identification de l’acte attaqué ne peut pas toujours dépendre d’une lecture strictement littérale des conclusions, sauf à méconnaître le droit à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2018, Spliethoff’s Bevrachtingskantoor/Commission, C‑635/16 P, EU:C:2018:510, points 70 à 72). L’identification de l’acte attaqué peut résulter implicitement des mentions reprises dans la requête et de l’ensemble de son argumentation. Il a également été jugé qu’un recours dirigé formellement contre un acte faisant partie d’un ensemble d’actes formant un tout pourrait être considéré comme étant dirigé également, pour autant que de besoin, contre les autres (voir arrêt du 13 octobre 2015, Commission/Verile et Gjergji, T‑104/14 P, EU:T:2015:776, point 108 et jurisprudence citée).

54      En l’espèce, le Conseil a communiqué à la requérante les actes de 2018 par sa lettre du 6 juin 2018. Il résulte du libellé de ces actes qu’ils ont été adoptés en application de l’article 26, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et de l’article 46, paragraphe 7, du règlement no 267/2012 (voir point 25 ci-dessus) et qu’ils arrêtent les modifications à apporter aux listes litigieuses sans faire mention du nom de la requérante. Or, selon la jurisprudence mentionnée au point 52 ci-dessus, c’est l’absence de mention du nom de la requérante dans les actes de 2018 qui conduit au maintien de celui-ci sur les listes litigieuses.

55      Ensuite, il importe de noter que le Conseil lui-même considère qu’il convient d’interpréter le recours de la requérante comme visant les actes de 2018, dont mention est faite dans la lettre du 6 juin 2018 (voir point 42 ci-dessus). En effet, dans ses observations du 15 janvier 2019 en réponse à une mesure d’organisation de la procédure, il souligne qu’il ressort des expressions utilisées par la requérante à la première et à la dernière page de la requête qu’elle demande l’annulation de la « décision du Conseil du 6 juin 2018 de maint[ien] [d]es sanctions à [son] égard ». Selon le Conseil, la seule « décision » de maintien des sanctions à l’égard de la requérante adoptée en juin 2018 est celle implicitement contenue dans les actes de 2018.

56      Enfin, il importe de rappeler, d’une part, que, le 16 janvier 2019, dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure mentionnée au point 31 ci-dessus, la requérante a notamment indiqué au Tribunal que le recours avait pour objet le règlement no 267/2012 et la décision 2010/413, « tels que modifiés et intégrés jusqu’à la date [d’introduction] [du] recours », pour autant qu’ils la concernaient (voir point 43 ci‑dessus). D’autre part, interrogée par le Tribunal lors de l’audience, la requérante a confirmé qu’il convenait d’interpréter son recours comme visant les actes de 2018.

57      Dans la mesure où les actes de 2018 modifient le règlement no 267/2012 et la décision 2010/413 avant la date d’introduction du recours, en ce qu’ils procèdent à une mise à jour des listes litigieuses, contenues dans ces derniers actes, et dans la mesure où les actes de 2018 sont ceux qui ont été communiqués à la requérante dans la lettre du Conseil du 6 juin 2018, en réponse aux observations de la requérante visant à demander la suppression de son nom des listes litigieuses, il y a lieu d’interpréter le recours comme visant, en substance, à l’annulation des actes de 2018, qui intègrent la décision du Conseil de maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses.

58      Étant donné que le recours a été déposé au greffe du Tribunal le 16 août 2018 et que les actes de 2018 ont été communiqués à la requérante le 6 juin 2018, force est de constater que le recours a été introduit dans les délais prévus à l’article 263 TFUE, à savoir le délai de deux mois à compter de la date de communication du maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses, augmenté du délai de distance de dix jours en application de l’article 60 du règlement de procédure.

59      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours comme irrecevable pour autant qu’il vise la lettre du 6 juin 2018 et de le déclarer recevable pour autant qu’il est interprété comme dirigé à l’encontre des actes de 2018, en ce que ces actes concernent la requérante.

 Sur le fond

60      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré de ce que la décision de maintien de son nom sur les listes litigieuses est entachée d’erreurs de droit. Le deuxième moyen est tiré de ce que cette décision est entachée d’erreurs d’appréciation. Le troisième moyen est tiré de ce que ladite décision méconnaît le principe de proportionnalité.

61      Dans le cadre du premier moyen, tiré de ce que la décision de maintien du nom la requérante sur les listes litigieuses est entachée d’erreurs de droit, la requérante avance plusieurs arguments. Premièrement, le Conseil n’aurait pas démontré, conformément aux points 80, 81 et 83 de l’arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, EU:C:2013:776), et au point 85 de l’arrêt du 14 septembre 2016, National Iranian Tanker Company/Conseil (T‑207/15, non publié, EU:T:2016:471), l’importance « qualitative ou quantitative » de l’appui au développement de la prolifération nucléaire reproché à la requérante. Deuxièmement, les motifs de son inscription sur les listes litigieuses ne seraient pas étayés par une démonstration ou des éléments de preuve. En d’autres termes, le Conseil ne se serait pas fondé, comme le requiert les points 42 et 43 de l’arrêt du 22 septembre 2015, First Islamic Investment Bank/Conseil (T‑161/13, EU:T:2015:667), sur une base factuelle suffisamment solide, existant à la date d’adoption de la décision de maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses. Troisièmement, la liste des personnes et des entités visées par des mesures restrictives « ne serait pas conforme au principe de protection juridictionnelle effective » et ne respecterait donc pas le point 349 de l’arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461). Quatrièmement, les motifs indiqués par le Conseil pour justifier l’inscription de son nom sur les listes litigieuses seraient vagues. Cinquièmement, la motivation du maintien du nom de la requérante, contenue dans la lettre du 6 juin 2018, demeurerait manifestement insuffisante, puisque, en réponse aux arguments invoqués dans ses observations contenues dans la lettre du 13 octobre 2017, le Conseil se serait borné à répondre que lesdites observations ne lui permettaient pas de modifier son point de vue.

62      Dans le cadre du deuxième moyen, tiré d’erreurs d’appréciation, la requérante fait valoir que le maintien de son nom sur les listes litigieuses ne repose sur aucun fondement. À cet égard, elle soutient, premièrement, que le motif d’inscription indiquant qu’elle a travaillé pour une entité sanctionnée est erroné. En effet, elle aurait fourni des prestations de services à KEC à une époque où cette dernière n’avait pas encore été sanctionnée par les Nations unies. Deuxièmement, la démonstration qu’elle aurait apporté un appui quantitativement ou qualitativement important aux activités nucléaires de la République islamique d’Iran posant un risque de prolifération ferait défaut en l’espèce. Troisièmement, elle ne serait liée ni à des entités sanctionnées ni à des activités nucléaires. Quatrièmement, étant donné que le plan d’action global commun avait autorisé la poursuite d’une activité à l’usine de Natanz, la principale préoccupation concernant le lieu où elle avait réalisé ses activités en 2006 aurait disparu.

63      Dans le cadre du troisième moyen, la requérante soutient, en premier lieu, que la politique poursuivie par l’application de mesures restrictives de l’Union à l’encontre de la République islamique d’Iran est contraire au droit de l’Union et ne peut pas davantage tirer sa légitimité des principes de l’organisation des Nations unies. En second lieu, les mesures restrictives maintenues à son égard pendant huit ans ne seraient ni de nature à permettre d’atteindre les objectifs visés par le Conseil, à savoir le maintien de la paix et de la sécurité internationale, ni nécessaires pour ce faire.

64      À titre liminaire, il importe de relever que la question de la motivation des actes attaqués est distincte de celle de la preuve du comportement reproché à la requérante, à savoir les faits mentionnés dans ces actes et la qualification de ces faits comme constituant un appui à la prolifération nucléaire conformément au critère litigieux appliqué (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, EU:C:2011:735, point 88).

65      L’obligation de motiver un acte constitue une forme substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte attaqué. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cet acte. Si ces motifs sont entachés d’erreurs de droit ou de fait, celles-ci entachent la légalité au fond dudit acte, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 96 et jurisprudence citée).

66      Il convient d’observer que, dans le cadre du premier moyen du recours, tiré de ce que le maintien de son nom sur les listes litigieuses serait entaché d’erreurs de droit, la requérante soulève également des arguments tirés de ce que le Conseil aurait commis des erreurs d’appréciation et violé les formes substantielles. En effet, dans le cadre du premier moyen, la requérante fait valoir, premièrement, que le Conseil aurait interprété de manière erronée le critère litigieux (erreur de droit), deuxièmement, que le Conseil ne se serait pas fondé sur une base factuelle suffisamment solide existante à la date d’adoption des actes de 2018 (erreur d’appréciation) et, troisièmement, que la motivation du maintien de son nom sur les listes litigieuses serait insuffisante, ce qui impliquerait que ledit maintien est entaché d’une violation des formes substantielles. Enfin, par ses deuxième et troisième moyens, la requérante soulève, en substance, des erreurs d’appréciation.

67      Au vu des considérations exposées aux points 64 et 65 ci-dessus, il convient de traiter séparément, d’une part, les allégations de la requérante visant à contester la violation des formes substantielles (légalité externe) et, d’autre part, les allégations visant à contester le bien-fondé des motifs des actes de 2018 (légalité interne) indépendamment des moyens dans le cadre desquels lesdites allégations sont avancées.

68      Cela étant précisé, le Tribunal estime utile d’examiner, premièrement, les arguments de la requérante selon lesquels les actes de 2018 sont entachés d’une violation de l’obligation de motivation, deuxièmement, les arguments de la requérante selon lesquels ces actes sont entachés d’erreurs de droit et, troisièmement, les arguments de la requérante selon lesquels lesdits actes sont entachés d’erreurs d’appréciation.

 Sur la violation de l’obligation de motivation

69      Dans le cadre du premier moyen, la requérante soulève, notamment, des arguments visant à soutenir que les motifs d’inscription de son nom sur les listes litigieuses seraient vagues et que la motivation du maintien de son nom sur les listes litigieuses, contenue dans la lettre du Conseil du 6 juin 2018, serait insuffisante. Plus précisément, selon la requérante, dans la lettre du 6 juin 2018, le Conseil ne pouvait pas se limiter à affirmer que les observations qu’elle avait formulées dans sa lettre du 13 octobre 2017 (voir point 22 ci-dessus) ne lui permettaient pas de changer son point de vue.

70      Le Conseil conteste les arguments de la requérante.

71      S’agissant de l’obligation de motiver un acte faisant grief, ainsi prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et, plus particulièrement en l’espèce, à l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et à l’article 46, paragraphe 3, du règlement no 267/2012, il convient de rappeler qu’elle a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil, T‑562/10, EU:T:2011:716, point 32, et du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil, T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142, point 48 et jurisprudence citée).

72      Partant, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’opposent à la communication de certains éléments, le Conseil est tenu, en vertu des dispositions rappelées au point 71 ci‑dessus, de porter à la connaissance de l’entité visée par une mesure adoptée en vertu de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 267/2012, les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère que ces dispositions lui sont applicables. Il doit donc mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l’ont amené à la prendre (voir arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil, T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142, point 49 et jurisprudence citée).

73      Par ailleurs, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 54 ; voir également, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, EU:C:2011:735, points 76, 86 et 87).

74      Ainsi, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne doit pas seulement permettre d’identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 52, et du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 55).

75      De surcroît, lorsque des observations sont formulées par la personne concernée au sujet de l’exposé des motifs, l’autorité compétente de l’Union a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués, à la lumière de ces observations et des éventuels éléments à décharge joints à celles-ci (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 114).

76      Enfin, sans aller jusqu’à imposer de répondre de manière détaillée aux observations soulevées par la personne concernée, l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE implique, en toutes circonstances, que l’institution en cause identifie les raisons individuelles, spécifiques et concrètes, pour lesquelles il est considéré que la personne concernée doit faire l’objet de mesures restrictives (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 116).

77      C’est au vu de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante rappelés au point 69 ci-dessus.

78      À cet égard, pour apprécier le respect de l’obligation de motivation et de l’obligation de communiquer à l’entité intéressée les éléments retenus à sa charge, il y a lieu de prendre en compte, outre les motifs figurant dans les actes de 2018, le contexte dans lequel ces actes s’inscrivent (voir point 73 ci-dessus).

79      En l’espèce, il convient de vérifier, d’une part, si, eu égard au contexte factuel et juridique dans lequel les actes de 2018 ont été adoptés, la requérante était en mesure de comprendre les motifs du maintien de son nom sur les listes litigieuses et le critère appliqué par le Conseil pour justifier ledit maintien. D’autre part, il importe d’apprécier si la requérante a été mise en mesure de vérifier le bien-fondé de la motivation de la décision de maintien de son nom sur les listes litigieuses et de se défendre devant le Tribunal et si ce dernier peut exercer son contrôle.

80      Premièrement, il y a lieu de rappeler que les actes de 2018 ont été adoptés conformément aux dispositions de l’article 26, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et aux dispositions de l’article 46, paragraphe 7, du règlement no 267/2012, selon lesquelles le Conseil est tenu de réexaminer les listes litigieuses à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois (voir point 25 ci-dessus). Ces dispositions fixent donc le principe selon lequel le Conseil est tenu de procéder à une révision et à une actualisation périodique des listes des personnes et des entités assujetties à des mesures restrictives.

81      Le réexamen de la situation des personnes ou des entités inscrites sur les listes litigieuses peut ne pas s’achever par l’adoption d’un acte formel contenant une décision explicite de maintien du nom de la personne ou de l’entité concernée sur les listes en question. C’est ainsi que, comme il a été rappelé au point 52 ci-dessus, le juge de l’Union a précisé que, même dans un cas où la personne concernée n’est pas nommément mentionnée par un acte subséquent modifiant la liste sur laquelle son nom a été inscrit et même si cet acte subséquent ne modifie pas les motifs pour lesquels le nom de cette personne a initialement été inscrit, un tel acte doit être compris comme constituant une manifestation de la volonté du Conseil de maintenir le nom de la partie requérante sur ladite liste, avec pour conséquence le maintien du gel de ses fonds, étant donné que le Conseil a l’obligation de procéder à un examen de cette liste à intervalles réguliers (voir arrêt du 9 juillet 2014, Al-Tabbaa/Conseil, T‑329/12 et T‑74/13, non publié, EU:T:2014:622, point 44 et jurisprudence citée)

82      Deuxièmement, il importe de noter que, dans sa lettre du 6 juin 2018, le Conseil a non seulement indiqué que les observations de la requérante contenues dans la lettre du 13 octobre 2017 ne lui avaient pas permis de changer son point de vue et que le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses demeurait conforme au plan d’action global commun (voir point 23 ci-dessus), mais il a également communiqué à la requérante les actes de 2018 (voir point 24 ci-dessus), lesquels ont été adoptés conformément aux dispositions mentionnées au point 80 ci-dessus.

83      Ainsi, la lettre du Conseil du 6 juin 2018, informant la requérante de l’adoption des actes de 2018, permet de constater qu’aucune modification ou mise à jour du libellé des motifs d’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses n’a été apportée par le Conseil lors de l’adoption desdites actes.

84      À ce titre, il y a lieu de souligner que, par les lettres du 24 mai 2011 et du 11 décembre 2012, le Conseil avait informé la requérante que, en application de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 267/2012, son nom avait été inscrit sur les listes litigieuses. Ces dispositions prévoient, notamment, le gel des fonds des « personnes et entités […] qui participent, sont directement associées ou apportent un appui [à la prolifération nucléaire] ».

85      En outre, il importe de rappeler que le motif sur lequel le Conseil s’est fondé pour justifier le gel des fonds de la requérante est resté le suivant dans les actes de 2018 :

« Entreprise d’automatisation industrielle qui a travaillé pour la Kalaye Electric Company (KEC), sanctionnée par [les Nations unies], à l’usine d’enrichissement de l’uranium à Natanz. »

86      Il résulte de ce qui précède que, d’une part, l’inscription et le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses reposent sur une base juridique qui renvoie aux critères d’inscription rappelés aux points 9 et 10 ci‑dessus. D’autre part, ladite inscription précise les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil a considéré, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, que la requérante devait continuer à faire l’objet de mesures restrictives. Enfin, le contexte de l’adoption des actes de 2018, à savoir le réexamen annuel des mesures restrictives adoptées pour éviter la prolifération nucléaire en Iran et l’existence du plan d’action commun global, était également connu de la requérante, étant donné qu’elle‑même en fait mention dans sa lettre du 13 octobre 2017.

87      Eu regard aux dispositions rappelées au point 80 ci-dessus et à la jurisprudence citée aux points 52 et 81 ci-dessus, la requérante était en mesure de comprendre, d’une part, que l’absence de mention de son nom dans les actes de 2018 conduisait à son maintien sur les listes litigieuses et, d’autre part, que les motifs de son inscription demeuraient inchangés. En effet, les actes de 2018 arrêtent, dans le cadre du réexamen annuel des mesures restrictives auquel le Conseil est tenu, les modifications à apporter aux listes litigieuses sans faire mention du nom de la requérante et sans modifier les motifs de son inscription.

88      À la lumière du libellé, demeuré inchangé, des motifs de son inscription sur les listes litigieuses, de la base juridique des actes de 2018 qui renvoie aux critères d’inscription rappelés aux points 9 et 10 ci‑dessus, du contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit le maintien des mesures restrictives à l’encontre de la requérante, cette dernière était donc en mesure de contester utilement le bien-fondé du maintien des mesures restrictives adoptées à son égard. C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait lorsqu’elle a soutenu que l’inscription de son nom était entachée d’erreurs de droit et de fait.

89      Dès lors, il convient de conclure que, au regard du contexte dans lequel s’inscrit le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses, du libellé, demeuré inchangé, des motifs d’inscription du nom de la requérante sur lesdites listes, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière et de la jurisprudence exposées aux points 71 à 76 ci‑dessus, les actes de 2018 sont motivés à suffisance de droit pour permettre à la requérante d’en contester la validité et au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité.

90      Partant, il y a lieu de rejeter les arguments relatifs à la violation de l’obligation de motivation rappelés au point 69 ci‑dessus.

 Sur les erreurs de droit

91      La requérante fait valoir, par la première branche du premier moyen, que le Conseil l’a inscrite sur les listes litigieuses sans respecter les conditions fixées par la jurisprudence pour considérer comme étant satisfait le critère litigieux, tiré d’un appui à la prolifération nucléaire en Iran. À cet égard, la requérante fait référence aux points 80, 81 et 83 de l’arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, EU:C:2013:776), et au point 85 de l’arrêt du 14 septembre 2016, National Iranian Tanker Company/Conseil (T‑207/15, non publié, EU:T:2016:471), pour soutenir que, selon la jurisprudence, l’application dudit critère requiert que le Conseil démontre l’importance « qualitative ou quantitative » de l’appui à la prolifération nucléaire en Iran. En outre, la requérante fait référence aux points 81 et 83 de l’arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, EU:C:2013:776), pour soutenir que le critère litigieux requiert que le Conseil démontre l’existence d’un « appui intentionnel », « susceptible, par son importance quantitative et qualitative », de favoriser la prolifération nucléaire en Iran. Enfin, elle fait référence aux points 42 et 43 de l’arrêt du 22 septembre 2015, First Islamic Investment Bank/Conseil (T‑161/13, EU:T:2015:667), pour soutenir que le critère litigieux requiert, selon la jurisprudence, que le Conseil démontre que les activités exercés par la personne ou l’entité visée par des mesures restrictives sont destinées au secteur de l’industrie nucléaire.

92      Le Conseil conteste les arguments de la requérante.

93      À titre liminaire, il importe de rappeler que le nom de la requérante a été initialement inscrit et maintenu sur les listes litigieuses sur le fondement de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 et, en des termes quasi identiques, sur le fondement de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 267/2012.

94      L’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413 prévoit que sont gelés les fonds et les ressources économiques des personnes et des entités qui « participent, sont directement associées ou apportent un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou qui apportent un appui à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, y compris en concourant à l’acquisition des articles, biens, équipements, matières et technologies interdits, ou les personnes ou entités agissant pour leur compte ou sur leurs ordres, ou les entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites ».

95      Le Conseil a précisé que le critère au titre duquel le nom de la requérante a été inscrit puis maintenu sur les listes litigieuses est celui tiré de la fourniture d’un appui aux activités nucléaires de la République islamique d’Iran posant un risque de prolifération.

96      En premier lieu, il convient de noter que, comme le fait valoir à juste titre le Conseil, le point 85 de l’arrêt du 14 septembre 2016, National Iranian Tanker Company/Conseil (T‑207/15, non publié, EU:T:2016:471) concerne l’application d’un critère distinct prévu à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement no 267/2012. Ce critère doit être compris dans le sens qu’il vise tout appui qui, bien que n’ayant aucun lien direct ou indirect avec le développement de la prolifération nucléaire, est cependant susceptible, par son importance quantitative ou qualitative, de favoriser un tel développement en fournissant au gouvernement iranien des ressources ou des facilités d’ordre matériel, financier ou logistique lui permettant de poursuivre les activités de prolifération nucléaire. C’est au regard de ce dernier critère que le juge de l’Union a précisé qu’il ne vise pas toute forme d’appui au gouvernement iranien, mais seulement les appuis susceptibles, par leur importance quantitative ou qualitative, de contribuer à la poursuite des activités nucléaires iraniennes.

97      En outre, la Cour, au point 80 de l’arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, EU:C:2013:776), cité par la requérante, a jugé que la notion d’« appui » impliquait un degré de rattachement aux activités nucléaires de l’Iran moindre que les notions de « participation » et d’« association directe », et que ladite notion était susceptible de recouvrir l’acquisition ou la commercialisation de biens et de technologies liés à l’industrie du gaz et du pétrole. Dans cet arrêt, la Cour a estimé que la commercialisation d’équipements pour le secteur pétrolier et gazier, susceptibles d’être utilisés pour le programme nucléaire iranien, justifiait l’inscription de l’entité concernée sur les listes litigieuses, au titre du critère relatif à un « appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération » sans qu’il fût nécessaire de démontrer que de tels équipements avaient été effectivement vendus à une installation nucléaire iranienne (arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 85 ; voir également, en ce sens, arrêt du 7 mars 2017, Neka Novin/Conseil, T‑436/14, non publié, EU:T:2017:142, points 29 à 31).

98      Or, comme le fait valoir, en substance, le Conseil, la situation examinée par la Cour au point 80 de l’arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft (C‑348/12 P, EU:C:2013:776), était différente de celle de l’espèce. En effet, dans l’affaire susmentionnée, la Cour a examiné dans quelle mesure des activités pétrolières, gazières et pétrochimiques, à savoir des activités externes au secteur nucléaire, pouvaient être considérées comme répondant au critère relatif à la fourniture d’un appui aux activités nucléaires. En revanche, en l’espèce, le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses étant fondé sur les services qu’elle avait fournis à l’usine d’enrichissement de l’uranium à Natanz, à savoir directement pour le secteur nucléaire, le critère relatif à la fourniture d’un appui aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération était a fortiori satisfait. Dans ces circonstances, le Conseil n’était pas tenu de prouver l’importance qualitative ou quantitative dudit appui.

99      Il ressort de ce qui précède qu’il ne saurait être reproché au Conseil d’avoir commis une erreur de droit du fait de ne pas avoir démontré l’importance qualitative ou quantitative de l’appui fourni par la requérante à la prolifération nucléaire.

100    En second lieu, la requérante fait valoir, en substance, que l’application du critère litigieux exige de démontrer que la personne ou l’entité visée par des mesures restrictives fournit un « appui intentionnel » au programme nucléaire iranien.

101    Cette argumentation repose sur une interprétation erronée du critère litigieux.

102    En effet, il suffit de relever qu’il a été jugé que le critère litigieux est un critère objectif, lié aux activités de la personne visée par des mesures restrictives et qui ne comporte pas d’élément intentionnel (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2017, Neka Novin/Conseil, T‑436/14, non publié, EU:T:2017:142, point 31).

103    Il en découle que le critère litigieux n’exige pas, contrairement à ce que soutient la requérante, de démontrer que la personne ou l’entité visée par des mesures restrictives a la volonté de participer au programme nucléaire iranien.

104    Partant, il y a lieu de considérer que le Conseil n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que le critère litigieux ne requérait pas que, pour le maintien des mesures restrictives, il fût démontré que la personne ou l’entité visée par celles-ci apportait un appui intentionnel au programme nucléaire iranien.

105    Au regard de ce qui précède, il convient de rejeter les arguments de la requérante tirés des erreurs de droit.

 Sur les erreurs d’appréciation

106    La requérante, par la deuxième branche du premier moyen, fait référence aux points 42 et 43 de l’arrêt du 22 septembre 2015, First Islamic Investment Bank/Conseil (T‑161/13, EU:T:2015:667), pour soutenir que le Conseil ne se serait pas fondé, comme le requiert la jurisprudence, sur une base factuelle suffisamment solide, existant à la date à laquelle sa décision de maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses a été adoptée. Elle ajoute que les motifs d’inscription ne sont pas étayés par une démonstration ou par des éléments de preuve.

107    En outre, la requérante fait valoir, par son deuxième moyen, que les motifs fondant le maintien de son nom sur les listes litigieuses reposent sur des erreurs de fait.

108    À cet égard, premièrement, elle observe que, au moment de la prestation de services à KEC, cette dernière n’avait pas encore été sanctionnée par les Nations unies. Ainsi, le motif d’inscription, indiquant que la requérante a travaillé pour une entité sanctionnée, serait erroné et rendrait invalide la décision du Conseil de maintien de son nom sur les listes litigieuses. La requérante ajoute qu’il lui était impossible de prévoir, six mois à l’avance, que KEC allait être sanctionnée par les Nations unies.

109    Deuxièmement, la requérante insiste sur la circonstance que le Conseil n’a pas démontré l’importance « quantitative ou qualitative » de l’appui qu’elle avait apporté aux activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération. D’ailleurs, la valeur des services fournis par la requérante à KEC exclurait clairement qu’ils aient pu avoir la moindre importance.  

110    Troisièmement, la requérante soutient qu’elle n’est liée ni à des entités sanctionnées ni à des activités nucléaires, ainsi que cela résulterait de la nature des services qu’elle fournit actuellement, principalement centrés sur l’automatisation industrielle (voir point 1 ci-dessus), des principaux projets qu’elle a mis en œuvre et de l’identité de ses principaux clients, à savoir des compagnies pétrolières, gazières et d’électricité de réputation nationale et internationale.

111    Quatrièmement, la requérante fait valoir que, puisque le plan d’action global commun a autorisé la poursuite d’une activité à l’usine de Natanz, la principale préoccupation concernant le lieu où elle avait réalisé ses activités en 2006 aurait disparu. Il n’existerait donc plus aucun fondement permettant de justifier la décision du Conseil de maintien de son nom sur les listes litigieuses. Le Conseil ne pourrait donc justifier le maintien de son nom sur la base d’une opération unique de fourniture de services à KEC, effectuée en juin 2006 à Natanz, à savoir un an avant que le régime de sanctions à l’encontre de l’Iran ne soit établi pour la première fois par l’Union, cinq ans avant que le Conseil ne décide d’inscrire le nom de la requérante sur les listes litigieuses et douze ans avant la décision du Conseil de maintien de son nom sur lesdites listes. En effet, il ressortirait de la jurisprudence que les mesures restrictives devraient être fondées sur l’évaluation d’une menace actuelle ou future et non sur l’appréciation d’un comportement passé. Le seul risque que l’entité concernée participe, soit associée, ou apporte un soutien à des activités prohibées dans le futur ne serait pas suffisant.

112    Le Conseil conteste les arguments de la requérante.

113    L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

114    Au demeurant, il y a lieu de noter que, lors de l’adoption des actes successifs visant la même entité, le Conseil est tenu, conformément à l’article 24, paragraphe 4, et à l’article 26, paragraphe 3, de la décision 2010/413, de réexaminer à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois la nécessité du maintien desdites mesures, notamment, à la lumière des observations présentées par cette entité (voir, en ce sens, arrêt du 5 février 2013, Bank Saderat Iran/Conseil, T‑494/10, EU:T:2013:59, point 94).

115    En l’espèce, d’une part, il convient d’observer que la requérante ne conteste pas le fait d’avoir fourni des prestations de services à KEC en juin 2006, ni la circonstance que la prestation desdits services a eu lieu à Natanz. Ainsi, comme le fait valoir le Conseil, ce dernier n’est pas tenu d’apporter la preuve de ces circonstances admises par la requérante elle‑même.

116    D’autre part, il convient d’apprécier si les faits en question permettent de considérer que le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses repose sur une base factuelle suffisamment solide et est donc justifié.

117    En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante exposé au point 108 ci-dessus, il importe de noter, à l’instar du Conseil, que le moment auquel la société KEC a été sanctionnée par les Nations unies et son nom inscrit sur la liste des personnes et des entités visées par des mesures restrictives aurait été pertinent uniquement si le nom de la requérante avait été inscrit sur les listes litigieuses au titre du critère permettant de viser les personnes et les entités ayant aidé une personne ou une entité désignée à enfreindre des mesures restrictives de l’Union ou des Nations unies. Le nom de la requérante ayant été inscrit sur les listes litigieuses non pas au titre de ce dernier critère, mais en raison d’un appui aux activités nucléaires en Iran, la circonstance que KEC a été sanctionnée par les Nations unies après que la requérante lui avait fourni une prestation de services à l’usine d’enrichissement nucléaire à Natanz ne saurait être pertinente pour apprécier si la requérante a apporté ou est susceptible d’apporter un appui à la prolifération nucléaire.

118    Ainsi, l’argument de la requérante tiré de ce qu’elle a fourni des prestations de services à KEC à une date à laquelle cette dernière n’avait pas encore été sanctionnée par les Nations unies ne permet pas de constater que le maintien de son nom est entaché d’une erreur d’appréciation et doit être rejeté.

119    En deuxième lieu, s’agissant des arguments de la requérante exposés au point 109 ci-dessus, ainsi qu’il a été démontré aux points 96 à 105 ci‑dessus, ils reposent sur une interprétation et application erronée de la jurisprudence. Ces arguments ne sont donc pas fondés. En d’autres termes, le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation du fait de ne pas avoir vérifié l’importance « quantitative ou qualitative » de l’appui apporté par la requérante aux activités nucléaires.

120    En troisième lieu, s’agissant des arguments de la requérante exposés aux points 110 et 111 ci-dessus, il convient de procéder aux observations suivantes.

121    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le Conseil conteste les arguments de la requérante et fait valoir que, si les activités à l’usine d’enrichissement nucléaire à Natanz n’ont pas été interdites par le plan d’action global commun ou son annexe 1, elles ont été soumises à des conditions très strictes et à une surveillance continue de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), ce qui atteste la persistance d’un risque que l’Iran se livre, sur ce site, à des activités nucléaires posant un risque de prolifération. D’ailleurs, les prestations de la requérante à l’usine d’enrichissement d’uranium à Natanz seraient intervenues pendant la période au cours de laquelle les activités nucléaires de l’Iran suscitaient une vive inquiétude au sein de la communauté internationale. De surcroît, le plan d’action global commun établirait une distinction entre les mesures devant être levées à sa date d’adoption (à savoir le 18 octobre 2015), à sa date d’application (à savoir le 16 janvier 2016), à sa date de transition (à savoir en 2023) et à sa date d’extinction (à savoir en 2025). Par ailleurs, ce plan établirait que le nom de la requérante ne figure pas dans la liste des personnes et des entités qui ont été radiées de la liste à sa date d’application, à savoir le 16 janvier 2016. Dès lors, le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses, par les actes de 2018, serait conforme au plan d’action global commun et reposerait sur un fondement juridique valide.

122    En outre, il convient de préciser que, en vertu de l’article 24, paragraphe 4, de la décision 2010/413 et de l’article 46, paragraphe 5, du règlement no 267/2012, en cas de nouveaux éléments de preuve ou d’observations présentées par les intéressés, le Conseil est tenu de procéder à un réexamen des mesures restrictives et de communiquer les motifs de sa décision aux intéressés.

123    À titre principal, tout d’abord, il importe de rappeler que, pour inscrire le nom de la requérante sur les listes litigieuses, le Conseil s’est fondé sur l’opération qu’elle a accomplie pour KEC, en juin 2006, à l’usine d’enrichissement d’uranium à Natanz.

124    Ensuite, il convient d’observer que le maintien des mesures restrictives à l’encontre de la requérante a été décidé en 2018, à savoir, comme le souligne la requérante, douze ans après la prestation de services effectuée au profit de KEC à Natanz en 2006. S’agissant des années qui se sont écoulées entre l’inscription de son nom et l’adoption des actes de 2018, la requérante soutient, sans que cela soit contesté par le Conseil, qu’il résulte de la nature des services qu’elle fournit actuellement, des principaux projets qu’elle a mis en œuvre et de l’identité de ses principaux clients pour les années 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017, qu’elle ne fournit pas de prestations de services dans le secteur nucléaire.  

125    En outre, il est constant que les activités à l’usine de Natanz n’ont pas été interdites par le plan d’action global commun ou son annexe I. Lesdites activités ont été soumises à des conditions très strictes et à une surveillance continue de l’AIEA. À cet égard, le point 48.2 de l’annexe I du plan d’action global commun indique que « [l’Iran retirera] [...] le câblage électrique, les armoires de commande des cascades, les pompes à vide et les blocs de montage des centrifugeuses » et que « les centrifugeuses et l’infrastructure excédentaires seront entreposées dans le bâtiment B de l’installation d’enrichissement de Natanz et placées sous la surveillance continue de l’AIEA ». En outre, le point 71 de la même annexe précise que « [l’]Iran autorisera l’AIEA à accéder régulièrement, voire quotidiennement si l’Agence en fait la demande, aux bâtiments utilisés pour l’enrichissement de l’uranium à Natanz, notamment, et dans leur intégralité, à l’installation d’enrichissement de combustible et à l’installation expérimentale d’enrichissement de combustible, et ce pendant 15 ans ».

126    Enfin, il convient de noter que la requérante affirme, sans être contredite sur ce point par le Conseil, que les rapports établis par l’AIEA depuis le 16 janvier 2016 confirment que, à la date d’adoption des actes de 2018, l’Iran respectait ses engagements renforcés découlant du plan d’action global commun et que son programme nucléaire était exclusivement pacifique.

127    Les circonstances mentionnées aux points 123 à 126 ci-dessus étaient de nature à faire peser sur le Conseil une obligation d’examiner, conformément aux dispositions mentionnées au point 122 ci-dessus, si les motifs ayant justifié l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses restaient d’actualité et justifiaient son maintien sur lesdites listes, au regard du risque qu’elle apportait, à ce moment et dans le futur, un appui à la prolifération nucléaire en Iran.

128    Or, premièrement, pour justifier le maintien de la requérante sur les listes litigieuses, le Conseil, d’une part, s’est limité à rappeler l’opération effectuée par la requérante à l’usine d’enrichissement de l’uranium à Natanz en 2006. D’autre part, dans sa lettre du 6 juin 2018, il a répondu aux observations de la requérante contenues dans la lettre du 13 octobre 2017 en indiquant que le maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses était conforme au plan d’action global commun. À cet égard, le Conseil a précisé, dans ses écritures déposées devant le Tribunal, qu’il ressortait du point 16.3 de l’annexe V du plan d’action global commun que les personnes et les entités dont les noms avaient été radiées des listes litigieuses à la date d’application dudit plan, à savoir le 16 janvier 2016, étaient mentionnées dans la pièce jointe 1 de l’annexe II de ce plan. La requérante ne figurant pas parmi celles-ci, son nom aurait donc été maintenu sur les listes litigieuses conformément audit plan.

129    Deuxièmement, il importe de constater que, dans les actes de 2018 et dans la lettre du 6 juin 2018, le Conseil s’est borné à faire référence au plan d’action global commun et n’a pas répondu aux arguments de la requérante, tirés de l’écoulement du temps et, notamment, de la longue période qui a séparé, d’une part, l’unique prestation de services qui lui est reprochée, qu’elle a fournie à KEC en juin 2006, et, d’autre part, le maintien de son nom par les actes de 2018. Le Conseil n’a pas davantage pris en considération le fait qu’il résulterait de la nature des services fournis actuellement par la requérante, centrés sur l’automatisation industrielle (voir point 1 ci-dessus), des principaux projets qu’elle a mis en œuvre et de l’identité de ses principaux clients, à savoir des compagnies pétrolières, gazières et d’électricité de réputation nationale et internationale, qu’elle n’est plus liée à des entités sanctionnées, ni ne fournit de prestations de services dans le secteur nucléaire. Ainsi, en l’absence de prise de position expresse du Conseil sur les arguments avancés par la requérante et compte tenu de ce qu’il s’est limité à constater que le nom de la requérante ne figurait pas sur la liste des personnes et des entités qui, selon le plan d’action global commun, devaient être radiées des listes litigieuses le 16 janvier 2016, il convient de constater que le Conseil n’a pas dûment procédé à la vérification de la nécessité de maintenir des mesures restrictives à l’encontre de la requérante.

130    Certes, la résolution 2231 (2015) appelait à l’application immédiate du plan d’action global commun conformément au calendrier qu’il prévoit. Toutefois, l’exigence de respecter le calendrier en question ne dispensait pas le Conseil de l’obligation qui lui était impartie, lors de la révision des listes litigieuses, d’examiner, in concreto, si les motifs ayant justifié l’inscription du nom d’une personne ou d’une entité sur les listes litigieuses restaient d’actualité et justifiaient son maintien sur lesdites listes, en fournissant des indications précises à cet égard dans des actes arrêtés conformément aux dispositions mentionnées au point 122 ci-dessus.

131    Troisièmement, ainsi qu’il a été précisé au point 126 ci-dessus, le Conseil n’a pas contesté que, selon les rapports établis par l’AIEA depuis le 16 janvier 2016, à la date d’adoption des actes de 2018, la République islamique d’Iran respectait ses engagements renforcés découlant du plan d’action global commun et que son programme nucléaire était exclusivement pacifique. Dans ledit contexte, le Conseil ne pouvait se limiter à soutenir que l’absence de confiance totale dans la nature exclusivement pacifique du programme nucléaire de la République islamique d’Iran et le choix d’une surveillance étroite des activités nucléaires de la République islamique d’Iran par l’AIEA justifiaient le maintien des mesures prises à l’égard de la requérante jusqu’en 2023, à condition que la République islamique d’Iran continuât de respecter les obligations qui lui incombaient en vertu dudit plan. Le Conseil aurait dû apprécier et préciser notamment les éléments qui lui permettaient de considérer qu’il existait, à la date à laquelle il a maintenu le nom de la requérante sur les listes litigieuses, un risque raisonnable que cette dernière apportât un appui à la prolifération nucléaire en Iran, afin de justifier le maintien de mesures restrictives à son égard.

132    Dans ces circonstances, il convient d’accueillir la deuxième branche du premier moyen et le deuxième moyen du recours, tirés de ce que le Conseil ne s’est pas fondé sur une base factuelle suffisamment solide lorsqu’il a adopté les actes de 2018. En effet, il y a lieu de constater que le Conseil n’a pas dûment examiné si, au moment de l’adoption des actes de 2018, il existait un lien, direct ou indirect, entre les activités de la requérante et la prolifération nucléaire (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2017, Neka Novin/Conseil, T‑436/14, non publié, EU:T:2017:142, point 30) ou si un tel lien pouvait être présumé. La seule circonstance établie par le Conseil que la requérante avait fourni, en 2006 à Natanz, des services, dont le contenu n’est de surcroît pas précisé, ne suffit pas pour considérer que, en 2018, à savoir douze ans après ladite prestation de services, un lien entre les activités de la requérante et la prolifération nucléaire subsistait toujours. Ainsi, le Conseil n’a pas démontré que le maintien des mesures restrictives à l’encontre de la requérante était fondé sur une base factuelle suffisamment solide et donc justifié. La décision de maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses, résultant de l’adoption des actes de 2018, est donc entachée d’erreurs d’appréciation.

133    Dans la mesure où la décision de maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses est implicitement contenue dans les actes de 2018, ces derniers doivent être annulés pour autant qu’ils la concernent, sans qu’il soit besoin d’analyser les arguments de la requérante tirés de la violation du principe de protection juridictionnelle effective et le troisième moyen du recours.

 Sur les effets de l’arrêt d’annulation

134    S’agissant du règlement d’exécution 2018/827, il doit être rappelé que, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci (voir arrêt du 5 février 2013, Bank Saderat Iran/Conseil, T‑494/10, EU:T:2013:59, point 119 et jurisprudence citée).

135    Dans ces circonstances, en l’absence de pourvoi, le Conseil dispose d’un délai de deux mois, augmenté du délai de distance de dix jours, à compter de la notification du présent arrêt, pour remédier aux violations constatées en adoptant, le cas échéant, de nouvelles mesures restrictives à l’égard de la requérante.

136    En ce qui concerne les effets dans le temps de l’annulation partielle de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2018/833, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

137    Interrogé lors de l’audience sur la question de savoir si la requérante avait été maintenue sur les listes litigieuses par l’adoption d’actes postérieurs aux actes de 2018, le Conseil n’a pas apporté de réponse claire. En revanche, il a demandé à ce qu’il plaise au Tribunal, en cas d’annulation, de maintenir les effets de la décision 2018/833 en ce qui concerne la requérante, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement d’exécution 2018/827.

138    En l’espèce, l’existence d’une différence entre la date d’effet de l’annulation du règlement d’exécution 2018/827 et celle de la décision 2018/833 serait susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique, ces deux actes infligeant à la requérante des mesures identiques. Les effets de la décision 2018/833 doivent donc être maintenus, en ce qui concerne la requérante, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement d’exécution 2018/827 (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2011, Kadio Morokro/Conseil, T‑316/11, non publié, EU:T:2011:484, point 39).

 Sur les dépens

139    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision (PESC) 2018/833 du Conseil, du 4 juin 2018, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et le règlement d’exécution (UE) 2018/827 du Conseil, du 4 juin 2018, mettant en œuvre le règlement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, sont annulés pour autant qu’ils concernent Neda Industrial Group.

2)      Les effets de la décision 2018/833 sont maintenus en ce qui concerne Neda Industrial Group jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement d’exécution 2018/827.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.




Gervasoni

Madise

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2020.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Contexte

Actes de base et modifications successives prévoyant le régime des mesures restrictives

Critère appliqué pour adopter les mesures restrictives visant la requérante

Inscription du nom de la requérante par des actes postérieurs aux actes de base

Motifs justifiant les mesures restrictives visant la requérante

Notification et réexamen des mesures restrictives

Décision de maintien du nom de la requérante sur les listes litigieuses

Procédure et conclusions des parties

En droit

Observations liminaires sur l’objet du litige

Sur le fond

Sur la violation de l’obligation de motivation

Sur les erreurs de droit

Sur les erreurs d’appréciation

Sur les effets de l’arrêt d’annulation

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.