Language of document : ECLI:EU:T:2019:646

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

20 septembre 2019 (*)

« Recours en annulation – Fonction publique – Procédure de sélection d’agents contractuels – Recrutement – Appel à manifestation d’intérêt EP/CAST/S/16/2016 – Chauffeurs – Tests pratiques et théorique organisés à la suite de l’établissement d’une base de données – Échec au test théorique – Annulation de l’appel à manifestation d’intérêt et de la base de données – Disparition de l’objet du litige – Persistance de l’intérêt à agir – Non-lieu à statuer partiel – Irrecevabilité partielle »

Dans l’affaire T‑467/17,

Carlos Manuel Henriques Barata, demeurant à Lisbonne (Portugal), représenté par Mes G. Pandey, D. Rovetta et V. Villante, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. J. Steele, I. Terwinghe et Mme M. Windisch, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de l’appel à manifestation d’intérêt EP/CAST/S/16/2016, lancé par le Parlement en vue du recrutement des chauffeurs, et de plusieurs actes adoptés par le Parlement dans le cadre de cette procédure de sélection, dont notamment la décision du 26 octobre 2016 informant le requérant qu’il ne figurait pas parmi les candidats sélectionnés à un poste de chauffeur et la décision du 25 avril 2017 rejetant la réclamation du requérant introduite à l’encontre de ladite décision,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, D. Spielmann et Z. Csehi (rapporteur), juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 11 avril 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Carlos Manuel Henriques Barata, s’est porté candidat à la procédure de sélection EP/CAST/S/16/2016, organisée en vue de constituer une base de données de candidats susceptibles d’être recrutés par le Parlement européen en vertu de l’article 3 bis du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne en tant qu’agents contractuels relevant du groupe de fonctions I pour exercer les fonctions de chauffeur.

2        Dans l’appel à manifestation d’intérêt publié au Journal officiel de l’Union européenne du 14 avril 2016 (JO 2016, C 131 A, p. 1), il était notamment indiqué que la sélection était effectuée uniquement sur titres, sur la base de l’examen des réponses aux questions de l’« évaluateur de talent » figurant dans le formulaire d’inscription (ci-après la « première phase de sélection »).

3        Au terme de la première phase de sélection, le nom du requérant a été inscrit dans la base de données visée au titre VIII de l’appel à manifestation d’intérêt concerné.

4        Par la suite, au stade de recrutement, conformément au titre IX de l’appel à manifestation d’intérêt concerné, le requérant a été invité à se présenter à des tests théorique et pratiques, qui ont eu lieu à Bruxelles (Belgique) le 19 octobre 2016 (ci-après la « seconde phase de sélection »). L’organisation, la réalisation et l’évaluation de ces tests ont été confiées par le Parlement à un prestataire externe. Le test théorique, sous forme de questions à choix multiple, consistait à répondre à 30 questions, choisies par les candidats eux-mêmes parmi 67 questions.

5        Par lettre du 26 octobre 2016 ayant pour objet la « suite de la procédure EP/CAST/S/16/2016 » (ci-après la « décision du 26 octobre 2016 »), le chef de l’unité du personnel de la direction des ressources à la direction générale (DG) des infrastructures et de la logistique du Parlement a informé le requérant que, en raison des résultats insuffisants obtenus pour les tests pratiques et théorique, il ne figurait pas parmi les candidats sélectionnés. Le requérant a également été informé du fait que son nom restait inscrit dans la base de données visée au point 3 ci-dessus, dont la validité était de trois ans.

6        Par courriel du 7 novembre 2016, le requérant a demandé l’accès à ses notes obtenues pour les tests pratiques et théorique, aux seuils requis ainsi qu’à des informations complémentaires permettant de comprendre lesdites notes. Il a obtenu l’accès à ces notes et aux seuils requis par courriel du 21 novembre 2016. Sur les trois tests effectués, uniquement pour le test théorique, le requérant n’a pas atteint le seuil fixé (15 points), dans la mesure où il n’a obtenu que 14 points sur 30.

7        Par courriel du 21 novembre 2016, le requérant a demandé l’accès à ses résultats détaillés pour le test théorique. Dans ce contexte, il a explicitement demandé la communication des questions auxquelles il avait répondu, l’identification des questions auxquelles il n’avait pas répondu correctement ainsi que la transmission des réponses correctes à ces dernières questions. Par un autre courriel du même jour, le requérant a réitéré sa demande. En réponse à ces demandes, il a obtenu, par courriel du 25 novembre 2016, l’accès à un formulaire de réponses, présenté comme le sien, ainsi qu’à une grille indiquant, sous la forme d’une lettre de l’alphabet, les réponses correctes pour le test théorique.

8        Par courriel du 25 novembre 2016, le requérant a introduit une plainte en ce qui concerne l’évaluation de son test théorique. À la suite de cette plainte, l’unité du personnel de la direction des ressources à la DG des infrastructures et de la logistique du Parlement a confirmé, par courriel du 28 novembre 2016, la décision du 26 octobre 2016 (ci-après le « courriel du 28 novembre 2016 »). Plus précisément, une référence a été faite à la réponse fournie par l’entreprise chargée de l’organisation des tests pour le compte du Parlement informant ce dernier que, immédiatement après le test théorique, il avait été constaté que le requérant avait répondu à 31 questions au lieu de 30 et que, faisant suite à la demande de l’examinateur, le requérant avait choisi de supprimer sa réponse à la question no 63.

9        Le 28 novembre 2016, le requérant a sollicité par courriel la transmission des 31 questions auxquelles il avait apporté une réponse. Par courriel du 1er décembre 2016, il a réitéré sa demande.

10      Le 9 janvier 2017, le requérant a introduit une réclamation, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, à l’encontre de la décision du 26 octobre 2016. Dans cette réclamation, il remettait en cause l’authenticité du formulaire de réponses qui lui avait été transmis le 25 novembre 2016. En outre, il faisait observer qu’il n’avait pas obtenu l’accès aux questions du test théorique. Enfin, il contestait la description des faits relatés dans le courriel du 28 novembre 2016. Selon lui, l’examinateur lui avait demandé de supprimer les réponses à deux questions et non à une seule. Par ailleurs, il demandait que la réponse à la question no 63, permettant d’atteindre le seuil fixé pour le test théorique et supprimée sur le formulaire de réponses qui lui avait été communiqué, soit prise en considération.

11      Par lettre du 25 avril 2017, la réclamation du requérant a été rejetée par le secrétaire général du Parlement (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 juillet 2017, le requérant a introduit le présent recours.

13      Dans la requête et dans la réplique, le requérant a demandé l’adoption de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction.

14      Le 12 avril 2018, le requérant a introduit une demande d’audience de plaidoiries.

15      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues par l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, a d’office invité les parties à répondre par écrit à certaines questions. Les parties ont déféré à ces mesures d’organisation de la procédure dans le délai imparti.

16      À la suite du prononcé de l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), par lequel la Cour a annulé tant l’appel à manifestation d’intérêt concerné que la base de données établie en vertu de cet appel dans le cadre de la première phase de sélection, le Tribunal, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, a invité les parties à se prononcer lors de l’audience sur les conséquences éventuelles à tirer dudit arrêt pour la présente affaire.

17      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 11 avril 2019. Au cours de cette audience, le débat a porté notamment sur la question de la persistance de l’intérêt à agir du requérant à la suite du prononcé de l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249).

18      Le requérant conclut, compte tenu des précisions apportées au cours de l’audience, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre préliminaire, déclarer que l’appel à manifestation d’intérêt concerné ne s’applique pas à lui en vertu de l’article 277 TFUE ;

–        annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        annuler la décision du 26 octobre 2016 ;

–        annuler la décision notifiée par le courriel du 28 novembre 2016 ;

–        annuler ledit appel à manifestation d’intérêt ;

–        annuler « toute autre décision ayant eu pour effet de confirmer la non-inscription du requérant sur le projet de liste des candidats susceptibles d’être recrutés en tant qu’agents contractuels […] en vertu de la procédure [concernée] » ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

19      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur le premier chef de conclusions, tendant à la déclaration que l’appel à manifestation d’intérêt concerné ne s’applique pas au requérant en vertu de l’article 277 TFUE, et sur le cinquième chef de conclusions, tendant à l’annulation dudit appel à manifestation d’intérêt

20      S’agissant du cinquième chef de conclusions, tendant à l’annulation de l’appel à manifestation d’intérêt concerné, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’intérêt à agir d’une partie requérante doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42, et ordonnance du 27 mars 2017, Palos Caravina/CdT, T‑725/16, non publiée, EU:T:2017:238, point 11).

21      En l’espèce, ainsi qu’il a déjà été indiqué, la Cour a annulé, par l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), l’appel à manifestation d’intérêt concerné. Partant, cet acte a disparu de l’ordre juridique, avec effet ex tunc et erga omnes. Par conséquent, le cinquième chef de conclusions doit être considéré comme étant devenu sans objet et il n’y a plus lieu de statuer sur celui-ci, sans qu’il y ait besoin de se prononcer sur sa recevabilité, qui a été contestée par le Parlement (voir, en ce sens, ordonnance du 25 octobre 2018, Cheverny Investments/Commission, T‑585/11, non publiée, EU:T:2018:748, point 22).

22      S’agissant du premier chef de conclusions, tendant à la déclaration que l’appel à manifestation d’intérêt concerné ne s’applique pas au requérant en vertu de l’article 277 TFUE, il convient de relever que ladite disposition ne crée pas un droit d’action autonome et ne peut être invoquée que de manière incidente dans le cadre d’une demande d’annulation d’un acte individuel. En tout état de cause, ce chef de conclusions vise l’inapplicabilité d’un acte qui a disparu de l’ordre juridique (voir point 21 ci-dessus). Partant, il n’y a pas non plus lieu de statuer sur le premier chef de conclusions.

 Sur le deuxième chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation, et sur le troisième chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision du 26 octobre 2016

23      À titre liminaire, en ce qui concerne la demande d’annulation de la décision de rejet de la réclamation, il convient de relever que cette décision confirme la décision du 26 octobre 2016 en apportant des précisions complémentaires en réponse aux arguments opposés par le requérant dans la réclamation. La décision de rejet de la réclamation a également un contenu autonome pour autant qu’elle rejette la demande du requérant d’accéder aux questions du test théorique. Il s’ensuit que les deux décisions en cause (ci-après les « décisions attaquées ») se complètent et sont susceptibles de faire grief au requérant (voir, en ce sens, ordonnance du 18 septembre 2018, Dreute/Parlement, T‑732/17, non publiée, EU:T:2018:582, points 39 à 41).

24      Dans ces conditions et compte tenu du fait que le requérant invoque la même argumentation en ce qui concerne les décisions attaquées, il convient d’examiner les demandes d’annulation visant ces décisions conjointement.

25      Au soutien de l’annulation des décisions attaquées, le requérant invoque quatre moyens, étant précisé que, selon le Parlement, les deuxième à quatrième moyens ainsi que certains griefs invoqués dans le cadre du premier moyen sont irrecevables.

26      Le premier moyen, divisé formellement en deux branches, s’articule, en substance, autour de cinq griefs. Le premier grief est tiré de la violation de l’obligation de motivation, le deuxième de la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, le troisième d’erreurs manifestes d’appréciation, le quatrième, en substance, de la violation du droit à une bonne administration et le cinquième de la méconnaissance de l’appel d’offres à l’issue duquel un prestataire externe a été choisi pour effectuer des tests de conduite dans le cadre de la seconde phase de sélection.

27      Le deuxième moyen est tiré, en substance, de l’absence de compétence du Parlement pour engager un prestataire externe ainsi que de la violation de l’appel à manifestation d’intérêt concerné.

28      Dans le cadre des troisième et quatrième moyens, le requérant excipe de l’illégalité, au titre de l’article 277 TFUE, de l’appel à manifestation d’intérêt concerné. Au soutien de la première branche du troisième moyen, le requérant invoque la violation du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié, en ce que l’appel à manifestation d’intérêt concerné limite le choix de la seconde langue dans le cadre de la procédure de sélection en cause à l’allemand, à l’anglais et au français. Au soutien de la seconde branche du troisième moyen, le requérant conteste la légalité des critères d’évaluation d’aptitudes des chauffeurs retenus dans ledit appel. Dans le cadre du quatrième moyen, portant également sur la limitation du choix de la seconde langue, le requérant invoque la violation de l’article 1er quinquies du statut des fonctionnaires de l’Union européenne ainsi que des principes de non-discrimination et de proportionnalité.

29      À titre liminaire, ainsi qu’il a déjà été rappelé (voir point 20), il convient de relever que l’objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté.

30      En l’espèce, compte tenu de l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), il convient de déterminer si un arrêt quant au fond en ce qui concerne les décisions attaquées est susceptible de procurer un bénéfice au requérant.

31      À cet égard, en premier lieu, s’agissant de l’objet du présent litige, il y a lieu de relever que les décisions attaquées n’ont pas été abrogées ou retirées, de sorte que le présent recours conserve son objet en ce qui concerne ces décisions (voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 48, et du 6 avril 2017, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑219/14, EU:T:2017:266, point 57).

32      En second lieu, s’agissant de la persistance de l’intérêt à agir, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, il faut que le requérant conserve un intérêt personnel à l’annulation de l’acte attaqué et que, faute d’un intérêt à agir actuel, il n’y a plus lieu de statuer sur le litige (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2018, Cocchi et Falcione/Commission, T‑724/16 P, non publié, EU:T:2018:759, point 50 et jurisprudence citée).

33      Il ressort également de la jurisprudence que la persistance de l’intérêt à agir d’un requérant doit être appréciée in concreto, en tenant compte, notamment, des conséquences de l’illégalité alléguée et de la nature du préjudice prétendument subi (arrêts du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 65, et du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission, C‑544/17 P, EU:C:2018:880, point 45).

34      En l’espèce, il n’est pas contesté que, au moment de l’introduction du recours, le requérant avait encore un intérêt à agir à l’encontre des décisions attaquées. Certes, leur annulation n’aurait pas impliqué directement le recrutement du requérant en tant que chauffeur par le Parlement, ce que le requérant a admis lors de l’audience. Cependant, pareille annulation était susceptible de procurer un avantage au requérant. En effet, en fonction de l’illégalité constatée, le Parlement aurait pu soit reconnaître que le requérant avait atteint le seuil nécessaire pour le test théorique, ce qui aurait impliqué que ses résultats pour les tests pratiques et théorique auraient été suffisants dans leur ensemble, soit inviter le requérant à répéter le test théorique. Dans les deux cas, un arrêt annulant lesdites décisions aurait été susceptible de modifier la situation juridique du requérant en tant que candidat à la procédure de sélection en cause et de lui procurer un bénéfice.

35      En l’occurrence, la question se pose de savoir si cet intérêt à agir persiste encore à la suite du prononcé de l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249).

36      À cet égard, il convient de relever qu’il découle de l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), notamment, que la procédure de sélection en cause a été entachée d’illégalité dès le début, dans la mesure où le Parlement n’a pas établi que la limitation du choix de la seconde langue de cette procédure aux seules langues anglaise, française et allemande était objectivement et raisonnablement justifiée au regard d’un objectif légitime d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel. Il s’ensuit que le test théorique organisé au stade de recrutement, dont celui effectué par le requérant, est également entaché d’illégalité (voir, en ce sens, ordonnance du 2 décembre 2013, Pachtitis/Commission, F‑49/12, non publiée, EU:F:2013:197, point 31), étant donné qu’il a eu lieu dans la seconde langue choisie par les candidats pour les besoins de ladite procédure de sélection.

37      En outre, il convient de rappeler que, par l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), la Cour a annulé tant l’appel à manifestation d’intérêt concerné que la base de données en cause. Il y a lieu également de préciser que le nom du requérant avait été inscrit dans cette base de données qui a été annulée. Il ressort de la décision du 26 octobre 2016 que son nom y figurait, malgré le fait qu’il n’avait pas atteint le seuil fixé pour le test théorique, organisé au stade de recrutement et donc dans le cadre de la seconde phase de sélection.

38      Il s’ensuit que, à la suite de l’annulation de la base de données en cause, le Parlement ne saurait plus procéder à des recrutements des personnes dont le nom avait été inscrit dans cette base, et ce indépendamment de la question de savoir si les candidats en cause avaient ou non réussi avec succès les tests pratiques et théorique organisés en 2016.

39      Dès lors, même à supposer que les moyens du requérant soient fondés, une telle conclusion n’entraînerait pour lui aucune conséquence en tant que candidat à la procédure de sélection en cause et, notamment, ne saurait nullement améliorer ses perspectives de recrutement dans le cadre de ladite procédure, ainsi que cela a été souligné par le Parlement lors de l’audience.

40      Dans ces conditions, à la suite de l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), les décisions attaquées ne sauraient plus, par elles-mêmes, produire des effets et sont devenues caduques.

41      L’extinction des effets des décisions attaquées, survenue après l’introduction du recours, n’entraîne cependant pas à elle seule une obligation de déclarer la disparition de l’intérêt à agir au cours de l’instance (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T‑199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 50). Il faut encore examiner si l’intérêt à agir du requérant s’est maintenu en dépit du caractère caduc des décisions attaquées.

42      Selon la jurisprudence, une partie requérante peut conserver un intérêt à demander l’annulation d’un acte d’une institution de l’Union européenne pour permettre d’éviter que l’illégalité dont celui-ci est prétendument entaché ne se reproduise à l’avenir indépendamment des circonstances de l’affaire ayant donné lieu au recours formé par celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, points 50 à 52 et jurisprudence citée). En outre, une partie requérante peut conserver un intérêt à demander l’annulation de l’acte attaqué pour obtenir la constatation, par le juge de l’Union, d’une illégalité commise à son égard, de sorte qu’une telle constatation puisse servir de base à un éventuel recours en indemnité destiné à réparer de façon adéquate le dommage causé par l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêts du 29 mai 1997, Contargyris/Conseil, T‑6/96, EU:T:1997:76, point 32, et du 10 avril 2013, GRP Security/Cour des comptes, T‑87/11, non publié, EU:T:2013:161, point 47). Par ailleurs, une partie requérante peut, dans certains cas, avoir un intérêt à obtenir l’élimination de déclarations négatives sur sa personne afin d’être réhabilité (voir, en ce sens, arrêts du 10 juin 1980, M./Commission, 155/78, EU:C:1980:150, point 6, et du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, points 70 et 72).

43      L’intérêt à obtenir l’annulation de l’acte attaqué persiste lorsque cette annulation est de nature à procurer un bénéfice à la partie requérante, et ce indépendamment de l’absence de nécessité ou de l’impossibilité matérielle, pour l’institution défenderesse, d’adopter des mesures d’exécution de l’arrêt d’annulation au titre de l’article 266 TFUE (voir arrêt du 6 juin 2013, Ayadi/Commission, C‑183/12 P, non publié, EU:C:2013:369, point 77 et jurisprudence citée).

44      Il ressort également de la jurisprudence que c’est au requérant qu’il appartient d’apporter la preuve de son intérêt à agir, qui constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice (voir arrêt du 23 octobre 2012, Vanhecke/Parlement, T‑14/09, non publié, EU:T:2012:560, point 26 et jurisprudence citée). Il incombe donc au requérant d’établir l’existence d’une circonstance particulière justifiant le maintien d’un intérêt personnel et actuel à agir en annulation (arrêt du 8 décembre 2005, Rounis/Commission, T‑274/04, EU:T:2005:442, point 25).

45      Au cours de l’audience, le requérant a invoqué, en substance, trois séries d’arguments afin de justifier la persistance de son intérêt à agir. Premièrement, il a avancé qu’il avait une confiance légitime quant à son recrutement en cas d’annulation des décisions attaquées, deuxièmement, il a fait allusion au rétablissement de sa réputation en tant que chauffeur en pareil cas et, troisièmement, il a fait référence à un futur recours en indemnité.

46      À cet égard, d’abord, il convient de relever que le requérant n’a pas soutenu qu’il conservait un intérêt à demander l’annulation des décisions attaquées pour permettre d’éviter que l’illégalité dont celles-ci étaient prétendument entachées ne se reproduise à l’avenir.

47      En outre, s’agissant des arguments soulevés par le requérant au cours de l’audience, il convient de constater que ceux-ci ne sauraient prospérer.

48      En effet, premièrement, s’agissant de l’argument du requérant tiré d’une confiance légitime quant à son recrutement en cas d’annulation des décisions attaquées, il convient de rappeler que pareille annulation n’aurait en aucun cas impliqué automatiquement un tel recrutement (voir point 34 ci-dessus). Il ressort de l’appel à manifestation d’intérêt concerné que ni l’inscription du nom d’un candidat dans la base de données en cause ni les résultats positifs dans les tests organisés au stade de recrutement ne constituaient une garantie de recrutement en tant que chauffeur. Cela est d’autant plus vrai à la suite de l’annulation de cette base de données par l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249) (voir point 38 ci-dessus).

49      Dans ce contexte, il y a lieu de souligner que la Cour n’a reconnu le bénéfice d’une confiance légitime qu’en faveur des candidats qui se sont d’ores et déjà vu offrir un poste d’agent contractuel sur le fondement de leur inscription dans la base de données en cause (arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 86). En outre, en l’absence d’une garantie de recrutement en cas d’annulation des décisions attaquées, le requérant ne saurait justifier son intérêt à agir à l’encontre desdites décisions par la protection accordée aux candidats recrutés par le Parlement à la suite de l’appel à manifestation d’intérêt concerné, qui a été jugé ultérieurement illégal par la Cour et annulé en conséquence.

50      Par ailleurs, dans la mesure où le requérant, dans le cadre de son argument tenant à la confiance légitime, a fait référence à son droit à une protection juridictionnelle effective, il suffit de constater que ce droit est soumis à certaines conditions et, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 44 ci-dessus, l’intérêt à agir constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice.

51      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument du requérant tiré, en substance, de sa réhabilitation éventuelle en tant que chauffeur en cas d’annulation des décisions attaquées, il convient de relever que le requérant n’a pas spécifié en quoi ces décisions porteraient atteinte à sa réputation.

52      En tout état de cause, outre le fait que les décisions attaquées n’étaient pas publiquement accessibles, elles constatent, en substance, l’échec du requérant au test théorique, organisé dans le cadre de la procédure de sélection en cause sous la forme de questions à choix multiple, et ne remettent donc que très indirectement en cause les capacités du requérant en tant que chauffeur. En d’autres termes, la circonstance que le requérant n’a pas obtenu un résultant suffisant audit test et ne figurait, partant, pas parmi les candidats sélectionnés par le Parlement ne porte pas de jugement sur ses capacités à exercer la profession de chauffeur d’une manière générale. Dans ce contexte, il convient de relever que les appréciations figurant dans le formulaire d’évaluation portant sur l’entretien passé par le requérant le 19 octobre 2016 sont très élogieuses à son égard.

53      D’ailleurs, le requérant n’a pas cherché à protéger sa réputation en demandant l’octroi de l’anonymat dans le cadre de la présente instance.

54      Troisièmement, en ce qui concerne l’intérêt potentiel d’un arrêt constatant l’illégalité alléguée par le requérant pour un futur recours visant à la réparation des dommages résultant de cette illégalité, il convient de rappeler (voir point 42 ci-dessus) qu’une partie requérante peut conserver un intérêt à demander l’annulation de l’acte attaqué pour obtenir la constatation, par le juge de l’Union, d’une illégalité commise à son égard, de sorte qu’une telle constatation puisse servir de base à un éventuel recours en indemnité destiné à réparer de façon adéquate le dommage causé par l’acte attaqué.

55      En l’espèce, il convient de relever que, dans l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), la Cour a déjà déclaré que la procédure de sélection en cause avait été entachée d’illégalité (voir point 36 ci-dessus). Partant, la constatation de la même illégalité par le Tribunal en accueillant les troisième et quatrième moyens du requérant portant sur le régime linguistique, même à supposer que ceux-ci soient recevables, n’apporterait pas un avantage au requérant en vue d’un éventuel recours en indemnité.

56      En outre, ainsi qu’il a déjà été rappelé, la persistance de l’intérêt à agir d’une partie requérante doit être appréciée in concreto, en tenant compte, notamment, des conséquences de l’illégalité alléguée et de la nature du préjudice prétendument subi (voir point 33 ci-dessus). Le requérant, en se limitant à invoquer, sans autre précision, un futur recours en indemnité, n’a pas établi que la constatation d’une illégalité autre que celle déjà constatée par la Cour dans l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), lui faciliterait l’obtention d’un gain de cause dans un futur recours tendant à la réparation du dommage prétendument causé par les décisions attaquées.

57      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’annulation des décisions attaquées, sans qu’il y ait besoin de se prononcer sur la recevabilité des deuxième à quatrième moyens ainsi que sur celle de certains griefs du premier moyen invoqués par le requérant au stade de la réplique.

 Sur le quatrième chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision signifiée par le courriel du 28 novembre 2016, et sur le sixième chef de conclusions, tendant à l’annulation de « toute autre décision ayant eu pour effet de confirmer la non-inscription du requérant sur le projet de liste des candidats susceptibles d’être recrutés en tant qu’agents contractuels […] en vertu de la procédure [concernée] »

58      S’agissant du sixième chef de conclusions, visant l’annulation de « toute autre décision ayant eu pour effet de confirmer la non-inscription du requérant sur le projet de liste des candidats susceptibles d’être recrutés en tant qu’agents contractuels […] en vertu de la procédure [concernée] », il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal aux termes de l’article 53 dudit statut, ainsi que de l’article 76 du règlement de procédure que toute requête introductive d’instance doit indiquer de manière claire et précise l’objet du litige, les conclusions ainsi que l’exposé sommaire des moyens invoqués pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle. Il en découle que les conclusions de la requête doivent être formulées de manière précise et non équivoque afin d’éviter que le juge ne statue ultra petita ou bien n’omette de statuer sur un grief (voir arrêt du 26 janvier 2017, GGP Italy/Commission, T‑474/15, EU:T:2017:36, point 31 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce, ainsi que l’avance le Parlement, le sixième chef de conclusions ne répond manifestement pas à ces exigences et est donc irrecevable.

59      S’agissant du quatrième chef de conclusions, visant l’annulation de la décision signifiée au requérant par le courriel du 28 novembre 2016, il y a lieu de rappeler que ledit courriel confirmait la décision du 26 octobre 2016 (voir point 8 ci-dessus). Même à supposer que cette communication puisse être interprétée comme ayant une teneur décisionnelle, son contenu est purement confirmatif au regard de la décision du 26 octobre 2016, ce que le requérant a admis lors de l’audience. Par ailleurs, elle n’a pas été précédée d’un réexamen réel et approfondi de la situation du requérant et n’est pas fondée sur des éléments nouveaux. Partant, le quatrième chef de conclusions doit être rejeté comme irrecevable. En tout état de cause, pour les raisons avancées aux points 30 à 56 ci-dessus, le requérant n’a plus d’intérêt à agir à l’encontre du courriel du 28 novembre 2016.

60      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les premier à troisième et cinquième chefs de conclusions. En outre, il convient de rejeter les quatrième et sixième chefs de conclusions comme irrecevables. Par voie de conséquence, les demandes de mesures d’organisation et de mesures d’instruction du requérant doivent être rejetées.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

62      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

63      En l’espèce, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que le Parlement supportera, outre ses propres dépens, ceux du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’annulation de l’appel à manifestation d’intérêt EP/CAST/S/16/2016, de la décision du 26 octobre 2016 informant M. Carlos Manuel Henriques Barata qu’il ne figurait pas parmi les candidats sélectionnés à un poste de chauffeur et de la décision du 25 avril 2017 rejetant la réclamation introduite par M. Barata contre cette dernière.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer non plus sur la demande visant à déclarer que l’appel à manifestation d’intérêt EP/CAST/S/16/2016 ne s’applique pas à M. Barata.

3)      Le recours est rejeté comme irrecevable pour le surplus.

4)      Le Parlement européen supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par M. Barata.

Berardis

Spielmann

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.