Language of document : ECLI:EU:T:2013:307

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

7 juin 2013 (*)

« FEOGA – Section ʻGarantieʼ – FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées dans le cadre de la mesure POSEI (exercices 2005, 2006 et 2007) »

Dans l’affaire T‑2/11,

République portugaise, représentée par MM. L. Inez Fernandes, M. Figueiredo et J. Saraiva de Almeida, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Guerra e Andrade et P. Rossi, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2010/668/UE de la Commission, du 4 novembre 2010, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 288, p. 24), en ce qu’elle applique une correction financière à la République portugaise dans le cadre de la mesure POSEI pour les exercices 2005 à 2007 d’un montant total de 743 251,25 euros,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur) et M. A. Popescu, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 septembre 2012,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Réglementation de l’Union européenne régissant le financement de la politique agricole commune

1        La réglementation de base relative au financement de la politique agricole commune est constituée, en ce qui concerne les dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000, par le règlement (CE) no 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), qui a remplacé le règlement (CEE) no 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), qui était applicable aux dépenses effectuées avant cette date.

2        En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 1258/1999, la section « Garantie » du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) finance les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles entreprises selon les règles de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles.

3        L’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999 dispose :

« La Commission décide des dépenses à écarter du financement communautaire visé aux articles 2 et 3 lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires.

Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement.

La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.

Un refus de financement ne peut porter sur :

a)      les dépenses visées à l’article 2 qui ont été effectuées plus de vingt-quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications ;

b)      les dépenses relatives à une mesure ou action visée à l’article 3 pour laquelle le paiement final a été effectué plus de vingt-quatre mois avant que la Commission n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné le résultat des vérifications.

Toutefois, les dispositions du cinquième alinéa ne s’appliquent pas aux conséquences financières :

a)      des irrégularités au sens de l’article 8, paragraphe 2 ;

b)      liées à des aides nationales ou à des infractions pour lesquelles des procédures visées aux articles 88 [CE] et 226 [CE] ont été engagées. »

4        L’article 8 du règlement no 1258/1999 prévoit :

« 1.      Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour :

a)      s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le [FEOGA] ;

b)      prévenir et poursuivre les irrégularités ;

c)      récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences.

Les États membres informent la Commission des mesures prises à ces fins, et notamment de l’état des procédures administratives et judiciaires.

2.      À défaut de récupération totale, les conséquences financières des irrégularités ou des négligences sont supportées par la Communauté, sauf celles résultant d’irrégularités ou de négligences imputables aux administrations ou autres organismes des États membres.

Les sommes récupérées sont versées aux organismes payeurs agréés et portées par ceux-ci en déduction des dépenses financées par le [FEOGA]. Les intérêts afférents aux sommes récupérées ou payées tardivement sont versés au [FEOGA].

3.      Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, arrête les règles générales d’application du présent article. »

5        L’article 9 du règlement no 1258/1999 précise :

« 1.      Les États membres mettent à la disposition de la Commission toutes les informations nécessaires au bon fonctionnement du [FEOGA] et prennent toutes les mesures susceptibles de faciliter les contrôles que la Commission estimerait utile d’entreprendre dans le cadre de la gestion du financement communautaire, y compris des contrôles sur place.

Les États membres communiquent à la Commission les dispositions législatives, réglementaires et administratives qu’ils ont adoptées pour l’application des actes communautaires ayant trait à la politique agricole commune, lorsque ces actes comportent une incidence financière pour le [FEOGA].

2.      Sans préjudice des contrôles effectués par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, des dispositions de l’article 248 [CE], ainsi que de tout contrôle organisé sur la base de l’article 279, [sous] c), [CE], les agents mandatés par la Commission pour les contrôles sur place ont accès aux livres et à tous autres documents, y compris les données établies ou conservées sur support informatisé, ayant trait aux dépenses financées par le [FEOGA].

Ils peuvent notamment vérifier :

a)      la conformité des pratiques administratives avec les règles communautaires ;

b)      l’existence des pièces justificatives nécessaires et leur concordance avec les opérations financées par le [FEOGA] ;

c)      les conditions dans lesquelles sont réalisées et vérifiées les opérations financées par le [FEOGA].

La Commission avise, en temps utile avant le contrôle, l’État membre concerné ou l’État membre sur le territoire duquel le contrôle doit avoir lieu. Des agents de l’État membre concerné peuvent participer à ce contrôle.

À la demande de la Commission et avec l’accord de l’État membre, des contrôles ou enquêtes concernant les opérations visées par le présent règlement sont effectués par les instances compétentes de cet État membre. Des agents de la Commission peuvent y participer.

Afin d’améliorer les vérifications, la Commission peut, avec l’accord des États membres concernés, associer des administrations de ces États membres à certains contrôles ou certaines enquêtes.

3.      Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission arrête, en tant que de besoin, les règles générales d’application du présent article. »

6        Le règlement no 1258/1999 a été abrogé par le règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1), qui est entré en vigueur, selon son article 49, le septième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, soit le 18 août 2005.

7        Toutefois, l’article 47 du règlement no 1290/2005 a précisé que « le règlement […] no 1258/1999 demeur[ait] applicable jusqu’au 15 octobre 2006 pour les dépenses effectuées par les États membres, et jusqu’au 31 décembre 2006 pour celles effectuées par la Commission ».

8        Le règlement (CE) no 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement no 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 158, p. 6), tel que modifié notamment par le règlement (CE) no 2245/1999 de la Commission, du 22 octobre 1999 (JO L 273, p. 5), prévoit, en son article 8, paragraphe 1 :

« Si, à l’issue d’une enquête, la Commission considère que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, elle communique les résultats de ses vérifications à l’État membre concerné et indique les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles précitées.

La communication fait référence au présent règlement. L’État membre répond dans un délai de deux mois et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation de ce délai.

Après l’expiration du délai accordé pour la réponse, la Commission convoque une discussion bilatérale et les deux parties essayent d’arriver à un accord sur les mesures à prendre, ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à la Communauté européenne. Après cette discussion et après toute date fixée par la Commission, en consultation avec l’État membre, après la discussion bilatérale pour la communication d’informations supplémentaires ou, si l’État membre n’accepte pas la convocation dans un délai fixé par la Commission, après l’échéance de ce délai, cette dernière communique formellement ses conclusions à l’État membre en faisant référence à la décision 94/442/CE de la Commission. Sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa du présent paragraphe, cette communication évaluera les dépenses qu’elle envisage d’exclure au titre de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement […] no 729/70.

L’État membre informe la Commission dans les meilleurs délais des mesures correctives prises pour assurer le respect des règles communautaires et de la date effective de leur mise en œuvre. La Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions en application de l’article 5, paragraphe 2, [sous] c), du règlement […] no 729/70 pour exclure jusqu’à la date effective de mise en œuvre des mesures correctives les dépenses affectées par le non-respect des règles communautaires. »

9        Le règlement (CE) no 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90), dispose, en son article 11 :

« 1.      Si, à la suite d’une enquête, la Commission considère que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément à la réglementation communautaire, elle communique ses constatations à l’État membre concerné et lui indique les mesures correctives qui s’imposent afin d’assurer à l’avenir le respect de ladite réglementation.

La communication fait référence au présent article. L’État membre répond dans un délai de deux mois à compter de la réception de la communication et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation du délai de réponse.

À l’expiration du délai de réponse, la Commission convoque une réunion bilatérale et les deux parties s’efforcent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à la Communauté.

2.      Dans les deux mois suivant la réception du procès-verbal de la réunion bilatérale visée au paragraphe 1, troisième alinéa, l’État membre communique les informations éventuellement demandées au cours de la réunion ainsi que toute information complémentaire qu’il juge utile au traitement du dossier.

Dans des cas justifiés et sur demande motivée de l’État membre, la Commission peut accorder une prolongation de la période visée au premier alinéa. La demande en est adressée à la Commission avant le terme de ladite période.

Au terme de la période visée au premier alinéa, la Commission communique officiellement à l’État membre les conclusions auxquelles elle est parvenue sur la base des informations reçues dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité. Cette communication présente l’évaluation des dépenses que la Commission envisage d’exclure du financement communautaire en vertu de l’article 31 du règlement […] no 1290/2005 et fait référence à l’article 16, paragraphe 1, du présent règlement.

3.      L’État membre informe la Commission des mesures correctives qu’il a prises en vue d’assurer le respect de la réglementation communautaire, en précisant la date de leur mise en œuvre effective.

Après avoir examiné tout rapport éventuellement établi par l’organe de conciliation conformément au chapitre 3 du présent règlement, la Commission adopte, le cas échéant, une ou plusieurs décisions au titre de l’article 31 du règlement […] no 1290/2005, visant à exclure du financement communautaire les dépenses concernées par le non-respect de la réglementation communautaire jusqu’à la mise en œuvre effective par l’État membre des mesures correctives.

Lors de l’évaluation des dépenses à exclure du financement communautaire, la Commission peut prendre en compte toute information transmise par l’État membre après le terme de la période visée au paragraphe 2 si cela est nécessaire pour mieux estimer le préjudice financier causé au budget communautaire, dès lors que le retard dans la transmission desdites informations est justifié par des circonstances exceptionnelles.

4.      En ce qui concerne le FEAGA, les montants à déduire du financement communautaire sont soustraits par la Commission des paiements mensuels correspondant aux dépenses effectuées au cours du deuxième mois suivant la décision au titre de l’article 31 du règlement […] no 1290/2005.

En ce qui concerne le Feader, les montants à déduire du financement communautaire sont soustraits par la Commission du paiement intermédiaire suivant ou du paiement final.

Toutefois, à la demande de l’État membre, lorsque l’importance des montants à déduire le justifie, et après consultation du comité des Fonds agricoles, la Commission peut décider d’appliquer les déductions à une autre date.

5.      Le présent article s’applique, mutatis mutandis, aux recettes affectées au sens de l’article 34 du règlement […] no 1290/2005. »

10      Il ressort de l’article 18 du règlement no 885/2006 que le règlement no 1663/95 demeurait applicable à l’apurement des comptes de l’exercice financier 2006 au titre de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 1258/1999.

11      Le règlement (CE) no 1453/2001 du Conseil, du 28 juin 2001, portant mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des Açores et de Madère et abrogeant le règlement (CEE) no 1600/92 (Poseima) (JO L 198, p. 26), institue un programme de mesures spécifiques en faveur de ces régions périphériques de l’Union.

12      Par ailleurs, le règlement (CE) no 43/2003 de la Commission, du 23 décembre 2002, portant modalités d’application des règlements (CE) no 1452/2001, no 1453/2001 et (CE) no 1454/2001 du Conseil en ce qui concerne les aides en faveur des productions locales de produits végétaux dans les régions ultrapériphériques de l’Union (JO 2003, L 7, p. 25), met en œuvre des aides en faveur de productions locales de produits végétaux dans les régions ultrapériphériques de l’Union.

13      Le considérant 26 du règlement no 43/2003 prévoit que « [l]e nombre minimal d’exploitations devant être soumis à un contrôle sur place au titre des différents régimes d’aides doit être déterminé ».

14      Le considérant 27 dudit règlement énonce :

« L’échantillon correspondant au taux minimal de contrôles sur place doit être constitué en partie sur la base d’une analyse des risques et en partie de manière aléatoire. Les principaux facteurs à prendre en considération pour l’analyse des risques doivent être spécifiés. »

15      Le considérant 28 du règlement no 43/2003 précise que « [l]a constatation d’irrégularités significatives doit entraîner une augmentation du niveau de contrôle sur place pendant l’année en cours et l’année suivante afin d’obtenir des garanties satisfaisantes quant à l’exactitude des demandes d’aide concernées ».

16      L’article 58, paragraphe 1, du règlement no 43/2003 prévoit :

« Les contrôles s’effectuent par le biais de contrôles administratifs et de contrôles sur place. Le contrôle administratif est exhaustif et comporte des vérifications croisées avec, entre autres, dans tous les cas appropriés, les données du système intégré de gestion et de contrôle. Sur la base d’une analyse des risques, les autorités nationales effectuent des contrôles sur place par sondage sur au moins 10 % des demandes d’aide.

Dans tous les cas appropriés, les États membres ont recours au système intégré de gestion et de contrôle instauré par le règlement (CEE) no 3508/92. »

17      L’article 60 du règlement no 43/2003, intitulé « Sélection des demandes devant faire l’objet d’un contrôle sur place », précise :

« 1.      Les exploitants soumis à des contrôles sur place sont sélectionnés par l’autorité compétente sur la base d’une analyse des risques ainsi que de la représentativité des demandes d’aide introduites. L’analyse des risques tient compte :

a)      du montant des aides ;

b)      du nombre des parcelles agricoles, de la superficie faisant l’objet d’une demande d’aide, ou de la quantité produite, transportée, transformée ou commercialisée ;

c)      de l’évolution en comparaison avec l’année précédente ;

d)      des résultats des contrôles effectués au cours des années précédentes ;

e)      d’autres paramètres à définir par les États membres.

Afin d’assurer la représentativité, les États membres sélectionnent au hasard entre 20 et 25 % du nombre minimal d’exploitants devant être soumis à un contrôle sur place.

2.      L’autorité compétente garde trace des raisons pour lesquelles l’exploitant a été choisi pour être soumis à un contrôle sur place. L’inspecteur chargé d’effectuer le contrôle sur place en est dûment informé avant le début du contrôle. »

 Orientations de la Commission

18      Les orientations de la Commission pour l’application des corrections financières ont été définies dans le document no VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie ».

19      L’annexe 2 du document no VI/5330/97, relative aux conséquences financières, pour l’apurement des comptes de la section « Garantie » du FEOGA, des carences des contrôles effectués par les États membres, énonce, dans sa partie intitulée « Introduction » :

« Lorsque la Commission constate qu’une dépense spécifique concerne une demande qui ne satisfait pas aux règles communautaires, les conséquences financières sont claires : sauf si le paiement irrégulier a déjà été détecté par les organismes nationaux de contrôle et a donné lieu aux mesures de correction et de recouvrement appropriées (voir annexe 4), la Commission doit refuser son financement par le budget communautaire. Lorsque les conséquences financières découlent de l’examen des dépenses concernant un grand nombre de dossiers, le montant exclu du financement communautaire est calculé, dans la mesure du possible, sur la base d’une extrapolation des résultats tirés de l’étude d’un échantillon représentatif de dossiers. La même méthode d’extrapolation doit être appliquée pour tous les États membres, y compris en ce qui concerne le niveau de fiabilité et d’ampleur des inexactitudes, la stratification de la population, la taille de l’échantillon et l’évaluation des erreurs lors de l’échantillonnage compte tenu des conséquences financières globales.

Lorsqu’un État membre ne respecte pas les règles communautaires visant à vérifier l’éligibilité des demandes, ce seul manquement implique que les paiements contreviennent aux dispositions communautaires applicables à la mesure concernée et à l’obligation générale, pour les États membres, de détection et de prévention des irrégularités prévue par l’article 8 du règlement no 729/70. Cela ne signifie pas nécessairement que toutes les demandes satisfaites constituent des irrégularités, mais le risque de voir le [FEOGA] supporter des dépenses indues s’en trouve accru. S’il est vrai que, dans certains cas flagrants, la Commission pourrait être habilitée à refuser toutes les dépenses concernées lorsque les contrôles requis par un règlement ne sont pas effectués, dans un certain nombre de cas le montant des dépenses à écarter excéderait, selon toute probabilité, la perte financière subie par la Communauté. Il convient alors d’estimer la perte lors de l’évaluation des corrections financières.

[...] »

20      L’annexe 2 du document no VI/5330/97 précise, dans sa partie intitulée « Évaluation sur la base des erreurs figurant dans les dossiers individuels » :

« Sur la base des procédures déjà fixées en vertu des directives internes, les calculs relatifs à la correction financière sont effectués sur la base de l’une des techniques suivantes :

a)      refus d’une demande individuelle qui n’a pas été soumise au contrôle requis ;

b)      refus d’une somme calculée par extrapolation des résultats de vérifications effectuées sur un échantillon représentatif de dossiers à l’ensemble des dossiers dont un échantillon a été prélevé, mais qui est limitée au secteur administratif dans lequel la même carence risque raisonnablement de se produire. Il est accordé à l’État membre la possibilité de fournir la preuve que les résultats de l’extrapolation ne correspondent pas à ceux obtenus par suite de l’examen de l’ensemble des dossiers dont l’échantillon a été prélevé.

[…] »

21      L’annexe 2 du document no VI/5330/97 précise, dans sa partie intitulée « Évaluation basée sur les risques de perte financière : corrections forfaitaires » :

« Étant donné que le recours à l’audit des systèmes s’est largement répandu, les services de la Commission ont de plus en plus recouru à une évaluation du risque que présentent les carences des systèmes. Lorsque le niveau réel des dépenses irrégulières, et donc le montant des pertes financières subies par la Communauté, ne peut être déterminé, la Commission applique, depuis l’apurement des comptes de l’exercice 1990, des corrections forfaitaires s’élevant à 2 %, 5 % ou 10 % des dépenses déclarées, en fonction de l’ampleur du risque de perte. Des taux de correction supérieurs, jusqu’à 100 %, peuvent être décidés dans des cas exceptionnels. La prérogative de la Commission d’appliquer des corrections de ce type a été confirmée par la Cour de justice statuant sur des recours formés contre des décisions d’apurement annuel des comptes (arrêt C‑50/94, par exemple).

[…] »

22      L’annexe 2 du document no VI/5330/97 énonce, dans sa partie intitulée « Orientations pour l’application de corrections forfaitaires » :

« Des corrections forfaitaires peuvent être envisagées lorsque les informations fournies par l’enquête ne permettent pas au contrôleur d’évaluer la perte à partir d’une extrapolation des pertes déterminées, par des moyens statistiques, ou par référence à d’autres données vérifiables, mais qu’elles lui permettent néanmoins de conclure que l’État membre a manqué à son obligation de vérifier de manière appropriée l’éligibilité de certaines demandes satisfaites.

[…]

Les corrections forfaitaires ne sont pas pertinentes lorsque les irrégularités ont été constatées par les propres services des États membres, dans les conditions visées à l’annexe 4.

[…]

Lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou sont si mal réalisés qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 10 %, car il est raisonnablement permis de penser qu’il existait un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA.

Lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 5 %, car il peut raisonnablement être conclu et que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de pertes pour le FEOGA était significatif.

Lorsqu’un État membre effectue correctement les contrôles clés, mais omet complètement d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 2 %, compte tenu du risque plus faible de perte pour le FEOGA et de la gravité moindre de l’infraction.

Une correction de 2 % est également justifiée lorsqu’un État membre omet de prendre des mesures en vue d’améliorer l’application des contrôles secondaires ou des mesures induites par les règlements communautaires et que la Commission lui a notifié, notamment en application de l’article 8 du règlement no 1663/95, que ces mesures doivent être appliquées afin d’atteindre l’objectif poursuivi par les règlements ou de garantir un niveau raisonnable de protection contre les fraudes et les irrégularités ou d’assurer un contrôle adéquat des fonds communautaires.

[…]

Le taux de correction doit être appliqué à la part des fonds pour laquelle la dépense a constitué un risque. Lorsque la carence résulte de l’absence d’adoption, par un État membre, d’un système de contrôle approprié par un État membre, la correction doit être appliquée à toutes les dépenses auxquelles ce système de contrôle était applicable. Lorsqu’il y a des raisons de supposer que la carence est limitée à la non-application du système de contrôle adopté par l’État membre dans un département ou une région, la correction doit être appliquée aux dépenses gérées par ledit département ou ladite région.

[…] »

23      La Commission indique également, dans l’annexe 2 du document no VI/5330/97, dans sa partie intitulée « Cas limites » :

« […]

Lorsque les carences proviennent de difficultés d’interprétation des textes communautaires, sauf dans les cas où il est raisonnablement permis de penser que l’État membre soulèvera ces difficultés avec la Commission, et lorsque les autorités nationales ont fait le nécessaire pour remédier aux carences dès que celles-ci ont été décelées, ces facteurs de pondération peuvent être pris en compte et donner lieu à l’application d’un taux plus bas ou à l’absence de correction.

[…] »

24      Enfin, l’annexe 4 du document no VI/5330/97, intitulée « Traitement réservé dans le cadre de l’apurement des comptes aux conclusions des organes de contrôle des États membres », précise :

« […]

Les constatations des organismes de contrôle nationaux n’entraîneront pas par elles-mêmes des conséquences financières pour l’apurement des comptes. Les constatations seront traitées comme des éléments de preuves que les procédures de contrôle nationales fonctionnent conformément aux règlements et fonctionnent effectivement. On attend cependant de l’État membre qu’il tire les conséquences nécessaires des conclusions des rapports, y compris qu’il remédie à toute lacune dans les procédures appliquées par un service national, qu’il réexamine les opérations concernées par cette lacune et qu’il récupère tout montant anormalement versé ou jugé irrégulier. Il est évident que, si une suite n’est pas dûment donnée à ces rapports, les conclusions du contrôle deviennent caduques et c’est pourquoi, dans ces circonstances, mais dans ces circonstances seulement, le service de l’apurement des comptes envisagerait d’en tirer les conséquences financières. »

 Antécédents du litige et décision attaquée

25      Par lettre du 8 mars 2005, la Commission des Communautés européennes a, conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 729/70 et au règlement no 1258/1999, informé les autorités portugaises qu’une mission de contrôle serait effectuée entre le 11 et le 15 avril 2005, laquelle se concentrerait sur les années 2003 et 2004 et porterait sur le cadre du contrôle, y compris sur les procédures de contrôle établies et sur les contrôles effectivement réalisés. La Commission demandait également la transmission d’informations relatives auxdites années.

26      Entre le 11 et le 15 avril 2005, les services de la Commission ont effectué ladite mission au Portugal afin de contrôler la mise en œuvre des mesures spécifiques, prévues par le règlement no 1453/2001, concernant certains produits agricoles en faveur des Açores et de Madère (Portugal).

27      À la suite dudit contrôle, la Commission a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 décembre 2006 (ci-après la « première communication du 5 décembre 2006 »), informé les autorités portugaises du résultat de la mission de contrôle effectuée et a précisé que ladite lettre était envoyée en application de l’article 11 du règlement no 885/2006. Une annexe, intitulée « Observations et recommandations », qui comprenait les conclusions de la mission de vérification effectuée auprès des autorités centrales de Lisbonne (Portugal) et auprès des autorités locales, relative au régime des aides pour des mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des Açores et de Madère (Poseima), était jointe à cette lettre.

28      Il ressort de la première communication du 5 décembre 2006 que la Commission a considéré que les autorités portugaises n’avaient pas totalement respecté les exigences de la réglementation communautaire et que des mesures correctives étaient nécessaires pour assurer à l’avenir la conformité avec ces exigences. La Commission a demandé à être informée des mesures correctives déjà adoptées ainsi que du calendrier prévu pour leur mise en œuvre. Par ailleurs, la Commission a indiqué qu’il était proposé d’exclure du financement communautaire la totalité ou une partie des dépenses financées par le FEOGA, section « Garantie », et que cette exclusion pourrait concerner les dépenses effectuées durant la période débutant 24 mois avant la date de la première réception de ladite lettre. En outre, il était précisé que les défaillances relevées serviraient de base de calcul des corrections financières relatives aux dépenses effectuées jusqu’à la mise en œuvre des mesures correctives appropriées.

29      Dans les observations et les recommandations qui figurent à l’annexe de la première communication du 5 décembre 2006, la Commission a indiqué, notamment, en ce qui concerne les « contrôles surface » :

« L’introduction du [système d’information géographique] associée à l’absence de cadastre foncier ainsi qu’à la configuration extrêmement accidentée du terrain ne permettent pas des mesurages aisés notamment lorsque la parcelle n’est que partiellement plantée (cas de la culture des pommes de terre), [ce qui] peut limiter l’efficacité des contrôles. Il a été constaté que, lors des vérifications sur place des parcelles éligibles à l’aide, les inspecteurs ne s’appuyaient que sur la base [du système d’information géographique]. Le recours à ce dernier est un bon outil de vérifications des parcelles, mais doit être accompagné des mesurages physiques pour les rendre sûres et fiables.

Les contrôles de surfaces effectués par les autorités de Madère l’ont été sur la base d’un échantillon qui représentait au moins 10 % des demandes d’aide, tel que prévu à l’article 58 du règlement no 43/2003. Les résultats de ces contrôles démontrent un nombre de demandes d’aide totalement ou partiellement refusé très élevé. En 2004, par exemple, sur un échantillon représentant 10,13 % des 5 825 demandes d’aide pour la culture de pommes de terre, 19,66 % des aides de cet échantillon ont été totalement refusées et 16,10 % l’ont été partiellement, ce qui représente un taux d’erreurs de 36 % des superficies contrôlées (ces résultats sont encore plus frappants dans le cas de la culture de la canne à sucre et de l’osier). Sur la base de ces constatations, il apparaît évident que le taux minimal de contrôles assuré par les autorités portugaises n’était pas suffisant [afin] de sauvegarder [les intérêts] du [FEOGA]. Il a été considéré que l’absence d’une augmentation au cours de 2004 constitue une défaillance dans le système de contrôle.

En ce qui concerne le système de contrôle mis en place pour 2005, les autorités portugaises sont priées de fournir une liste des demandeurs avec une indication de ceux assujettis à un contrôle sur place (une sélection de bulletins de contrôle sera faite par la suite) et un récapitulatif pour indiquer le nombre de demandeurs par produit, le nombre de demandeurs contrôlés, le nombre d’irrégularités établies avec une ventilation entre celles pour lesquelles l’aide a été partiellement refusée et [celles pour lesquelles l’aide a été] entièrement refusée. Une indication des superficies concernées serait aussi utile pour faciliter l’évaluation des erreurs en termes financiers. »

30      La Commission a également indiqué, en annexe à la première communication du 5 décembre 2006, qu’il était recommandé aux autorités portugaises d’avoir recours plus fréquemment aux mesurages physiques lors des contrôles de surface, tel que le GPS ou le mètre.

31      Par lettre du 7 février 2007, l’administration portugaise a répondu en faisant valoir que les erreurs détectées lors des contrôles sur place étaient liées à des parcelles de dimension très réduite affectées à diverses cultures horticoles, ce qui rendait plus difficile la déclaration exacte de la surface utilisée pour la culture faisant l’objet de l’aide. Les autorités portugaises ont ainsi souligné que la surface moyenne d’une exploitation était de 0,4 ha et que celle-ci se divisait en quatre ou cinq parcelles : la surface moyenne par parcelle était donc très réduite, 0,08 ha, et un très grand nombre de parcelles avaient une surface comprise entre 0,01 et 0,05 ha. Il en résulterait qu’une erreur minime dans la délimitation ou dans la mesure de la parcelle entraînerait une erreur significative en termes de pourcentage rapporté à la surface réelle. Les autorités portugaises ont souligné que, en vertu du règlement no 43/2003, la marge d’erreur du contrôle, qui était de 3 %, était très faible pour le régime foncier de la Région autonome de Madère. À titre d’exemple, dans le cas d’une parcelle de 0,01 ha, une irrégularité entraînant une pénalité totale (20 %) correspondrait à 0,002 ha, une surface qu’il serait impossible d’enregistrer dans l’application informatique, en sorte qu’elle devrait être considérée comme négligeable. Il était également joint à cette lettre une annexe 1, par laquelle les autorités portugaises transmettaient à la Commission les informations sollicitées par cette dernière au paragraphe 3 de l’annexe de la première communication du 5 décembre 2006 (voir point 29 ci-dessus).

32      Lors d’une réunion bilatérale entre les services de la Commission et les autorités portugaises qui s’est déroulée à Bruxelles le 5 juillet 2007, dont le procès-verbal a été établi le 25 octobre 2007 et envoyé aux autorités portugaises le 31 octobre 2007, la Commission a attiré l’attention sur le taux élevé d’erreurs relevé lors des contrôles sur place effectués par les autorités régionales de Madère et a indiqué que de tels taux d’erreurs auraient dû conduire ces autorités à augmenter le taux des contrôles afin de mieux assurer le droit et l’octroi de l’aide communautaire conformément aux dispositions réglementaires. Les autorités portugaises ont rappelé, quant à elles, que, la surface moyenne d’une exploitation à Madère étant très petite, une erreur dans le mesurage de la parcelle, au demeurant insignifiante en termes de surface, se traduisait par un taux d’erreurs très élevé. Elles ont souligné que les taux de contrôle sur place en termes de demandes avaient été respectés. Ces contrôles représentaient en termes de surface des taux variant de 25 à plus de 50 %. Par ailleurs, les contrôles visés auraient été exécutés avant paiement, en sorte que l’aide aurait été réduite et les sanctions appliquées. La projection du taux d’erreurs pour déterminer l’éventuel risque pour le FEOGA ne serait donc pas fondée. Par ailleurs, à partir de 2006, les résultats des contrôles (mesurage) auraient été intégrés dans le système d’information géographique (SIG) ce qui aurait permis d’avoir une base de données plus fiable des surfaces réelles.

33      La Commission, afin de mieux évaluer la situation, a demandé aux autorités portugaises, au cours de cette réunion du 5 juillet 2007, de lui communiquer par secteur (culture) et par campagne (à partir de 2005) le nombre de demandes d’aide et de surfaces correspondantes, le pourcentage des bénéficiaires contrôlés sur place, le pourcentage de la superficie couverte par ces contrôles, les taux d’erreurs et les pénalisations partielles et totales qui en résultaient ainsi que le pourcentage de ces erreurs en termes de paiements effectués. La Commission a ajouté que, sur la base des éléments fournis par les autorités portugaises, elle déterminerait l’étendue du risque financier des anomalies constatées et le niveau de dépense à exclure du financement communautaire.

34      Par lettre du 20 décembre 2007, la République portugaise a envoyé à la Commission les informations sollicitées, en particulier un tableau récapitulant les opérations de contrôle qui avaient été effectuées au cours des campagnes 2005 et 2006.

35      Par lettre du 27 octobre 2009, la Commission a transmis à la République portugaise une communication formelle. À la suite de la réunion bilatérale, la Commission, prenant en compte les informations supplémentaires communiquées postérieurement par les autorités portugaises, a confirmé sa position selon laquelle l’octroi des aides pour les exercices 2005, 2006 et 2007, en ce qui concerne les mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur de Madère, n’avait pas été effectué conformément aux dispositions communautaires. Dans l’annexe de la lettre du 27 octobre 2009, la Commission a indiqué que les données fournies par l’administration portugaise relatives aux exercices 2005 et 2006 permettaient, notamment, de conclure que le « taux d’erreurs » qui avait donné lieu au refus total ou partiel de financement avait été, dans tous les cas de figure, supérieur à 40 % en termes de superficie. Or, un contrôle effectué précédemment (enquêtes 2001/006 et 2001/09) avait abouti à des conclusions similaires. La Commission a considéré que, comme le taux d’erreurs relatif à plusieurs années était très élevé, l’administration portugaise aurait dû augmenter le taux de contrôle sur place, afin de protéger le FEOGA contre le risque de paiements indus. Elle a estimé que le taux de contrôle effectué, au niveau statistique et géographique, était suffisamment représentatif pour permettre une extrapolation du résultat par rapport aux demandes qui n’avaient pas fait l’objet d’un contrôle sur place. La Commission a proposé l’exclusion de la somme de 743 251,25 euros de dépenses et, par conséquent, une correction financière en ce qui concerne les exercices financiers 2005, 2006 et 2007. L’attention de l’administration portugaise a été attirée sur la possibilité de présenter une demande de conciliation à l’organe de conciliation, eu égard aux termes de l’article 16 du règlement no 885/2006, qui prévoit une telle possibilité.

36      La République portugaise n’a pas sollicité l’ouverture d’une procédure de conciliation.

37      Le 19 juillet 2010, la Commission a établi le rapport de synthèse, qui reprend les résultats des contrôles effectués, les griefs de la Commission ainsi que la réponse des autorités portugaises.

38      D’abord, ce rapport de synthèse, qui fait état du fait que la position de la direction générale (DG) « Agriculture » de la Commission demeurait inchangée, rappelle la constatation notifiée dans la première communication du 5 décembre 2006 résultant de l’examen et de l’analyse des résultats du contrôle effectué par les autorités de Madère (voir point 29 ci-dessus). Ensuite, s’agissant des données de contrôle fournies par la République portugaise pour les années 2005 et 2006, la Commission indique que l’article 58 du règlement no 43/2003 prévoit que les contrôles sur place doivent porter sur au moins 10 % des demandes d’aide et que ceux effectués par les autorités portugaises ont représenté, selon les secteurs concernés, un taux de 10 à 30 % des demandes d’aide. En termes de superficie contrôlée, celle-ci représentait de 8 à 50 % de la superficie ayant bénéficié d’une intervention financière communautaire et le taux d’erreurs ayant conduit à un refus total ou partiel de financement était dans tous les cas de figure supérieur à 40 % en termes de surface. La Commission a déduit de ces éléments que le taux de contrôle minimal n’était pas de nature à prémunir le FEOGA du risque de paiements indus. Elle a rappelé, dans ce contexte, les considérants 26 à 28 du règlement no 43/2003 et a conclu que, compte tenu des taux très élevés d’erreurs commises pendant plusieurs années, les autorités portugaises auraient dû augmenter le taux de contrôle sur place afin de corroborer la représentativité des résultats obtenus. Elle a enfin considéré que, les taux de contrôle effectués tant sur le plan statistique que sur le plan géographique (Madère) étant suffisamment représentatifs, ils permettaient une extrapolation aux demandes d’aide n’ayant pas fait l’objet d’un contrôle sur place.

39      C’est dans ces conditions que la Commission a adopté la décision 2010/668/UE, du 4 novembre 2010, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEOGA, section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 288, p. 24, ci-après la « décision attaquée »), dont celles effectuées par la République portugaise dans le cadre de la mesure POSEI pour les exercices 2005 à 2007 d’un montant total de 743 251,25 euros en cause dans la présente affaire.

 Procédure et conclusions des parties

40      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 janvier 2011, la République portugaise a introduit le présent recours.

41      La Commission a déposé au greffe du Tribunal un mémoire en défense le 22 mars 2011. La République portugaise a déposé au greffe du Tribunal une réplique le 9 mai 2011 et la Commission a déposé une duplique le 5 juillet 2011.

42      La République portugaise conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle lui applique une correction financière relative à la mesure POSEI pour les exercices 2005 à 2007 d’un montant total de 743 251,25 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

43      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République portugaise aux dépens.

44      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d’instruction préalable. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 septembre 2012.

 En droit

45      La République portugaise invoque quatre moyens au soutien de son recours : le premier est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999 et de l’article 11 du règlement no 885/2006, le deuxième est tiré d’une interprétation erronée du considérant 28 du règlement no 43/2003 et de la violation de l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999, le troisième est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999 et le quatrième est tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999 et de l’article 11 du règlement no 885/2006

46      Selon la République portugaise, la première communication du 5 décembre 2006, envoyée en application de l’article 11 du règlement no 885/2006, ne respecte pas totalement cette disposition, dans la mesure où elle n’indique pas les résultats des vérifications relatives aux années 2005 et 2006. Les autorités portugaises constatent d’ailleurs que la Commission les avait informées, par lettre du 8 mars 2005, que la mission allait se concentrer sur les années 2003 et 2004. Or, la première communication du 5 décembre 2006 ne contiendrait, s’agissant de l’année 2005, ni les résultats des vérifications effectuées par la Commission au cours de sa mission, ni d’observations à cet égard, ni la moindre réserve en rapport avec cette année, ce que la Commission reconnaîtrait d’ailleurs dans le rapport de synthèse dans lequel elle indique qu’elle avait demandé aux autorités portugaises de lui fournir des données de contrôle correspondant aux années 2005 et 2006. S’agissant de l’année 2006, la première communication du 5 décembre 2006 serait silencieuse et ne contiendrait aucune observation ni même aucune demande de données de contrôle relatives à cette année.

47      Dans ces conditions, les autorités portugaises indiquent qu’elles n’ont pu ni démontrer l’inexactitude des constatations de la Commission en ce qui concerne les années 2005 et 2006 ni remédier à d’éventuelles déficiences pour respecter à l’avenir les règles de l’Union, en sorte que, conformément à la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 17 juin 2009, Portugal/Commission, T‑50/07, non publié au Recueil), elles n’ont pas bénéficié de la garantie procédurale accordée aux États membres par l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999 et par l’article 11 du règlement no 885/2006. La première communication du 5 décembre 2006 ne permettant pas de connaître parfaitement les réserves de la Commission, elle ne pourrait donc pas remplir sa fonction d’avertissement, ce que la jurisprudence exigerait.

48      Par ailleurs, il ne serait pas soutenu par la Commission que les irrégularités constatées au cours des années 2005 et 2006 seraient consécutives à celles constatées au cours de l’année 2004. La première communication du 5 décembre 2006 n’ayant été reçue qu’en décembre 2006, cela impliquerait que les autorités portugaises n’avaient plus le temps d’adopter la moindre mesure corrective produisant des effets en 2005 et 2006.

49      En outre, la Commission n’ayant pas effectué de vérifications concernant les années 2005 et 2006, la République portugaise indique qu’elle ne pouvait pas savoir si les réserves émises en 2004 étaient toujours valables pour les deux années suivantes, dont les données ne lui ont été communiquées qu’après la réunion du 5 juillet 2007, en sorte que la République portugaise n’aurait pu exercer ses droits de la défense en ce qui concerne ces deux années.

50      La Commission rappelle que, lorsque des irrégularités justifiant l’application d’une correction financière persistent après la date de la communication écrite des résultats des vérifications, elle est en droit et a même l’obligation de tenir compte de cette situation lorsqu’elle détermine la période sur laquelle doit porter la correction financière en cause. Elle considère donc que les conditions lui permettant de faire une extrapolation étaient remplies.

51      La Commission fait valoir que, selon la jurisprudence, le contrôle ayant été effectué entre le 11 et le 15 avril 2005, elle n’a pas pu examiner les données de contrôle de 2005, qui n’étaient pas encore disponibles. Elle a cependant demandé aux autorités portugaises, dans la première communication du 5 décembre 2006, de lui fournir les données en ce qui concerne 2005. La Commission indique que les données fournies par lesdites autorités le 20 décembre 2007 concernant les campagnes 2005 et 2006 avaient confirmé les vérifications de la Commission en ce qui concerne les données de 2004, en sorte que le problème était systémique. La persistance de taux d’erreurs très élevés et ayant tendance à s’aggraver constituaient en fait une raison objective d’opérer une extrapolation. Aucun droit de la défense de la République portugaise ne serait en cause s’agissant des données de contrôle des années 2005 et 2006, puisque c’est elle-même qui les aurait fournies à la Commission.

52      Par ce moyen, la République portugaise fait, en substance, grief à la Commission d’avoir appliqué une correction financière au titre des campagnes 2005 et 2006 qui sont antérieures à la première communication du 5 décembre 2006, alors même que, dans cette communication, la Commission n’aurait pas indiqué les résultats des vérifications relatives auxdites campagnes. De ce fait, les autorités portugaises n’auraient pas bénéficié de la garantie procédurale qui leur serait accordée par l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999 et par l’article 11 du règlement no 885/2006 et n’auraient pas pu exercer leurs droits de la défense en ce qui concerne les deux années susmentionnées.

53      En réponse à une question du Tribunal, la requérante a reconnu, ce qui a été acté au procès-verbal d’audience, que ce moyen visait l’annulation de la décision attaquée uniquement en ce qui concerne la correction financière effectuée pour les campagnes 2005 et 2006, c’est-à-dire pour les exercices financiers 2006 et 2007, pour des montants respectifs de 239 045,63 et 266 137,96 euros. En revanche, la correction financière relative à la campagne 2004, d’un montant de 238 067,66 euros, qui correspond à l’exercice financier 2005, n’est pas visée dans le cadre de ce moyen.

54      Il convient de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence que la décision finale et définitive relative à l’apurement des comptes doit être prise à l’issue d’une procédure contradictoire spécifique au cours de laquelle les États membres concernés doivent disposer de toutes les garanties requises pour présenter leur point de vue (arrêts de la Cour du 29 janvier 1998, Grèce/Commission, C‑61/95, Rec. p. I‑207, point 39, et du 14 décembre 2000, Allemagne/Commission, C‑245/97, Rec. p. I‑11261, point 47).

55      Par ailleurs, il y a lieu également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission est tenue de respecter, dans les relations avec les États membres, les conditions qu’elle s’est imposées à elle-même par des règlements d’application. En effet, le non-respect de ces conditions peut, selon son importance, vider de sa substance la garantie procédurale accordée aux États membres par l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999 (arrêt Portugal/Commission, point 47 supra, point 27).

56      En outre, l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999, d’une part, et l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1663/95 et l’article 11 du règlement no 885/2006, d’autre part, visent la même étape de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, à savoir l’envoi de la première communication par la Commission à l’État membre, à l’issue des contrôles qu’elle a effectués (arrêt de la Cour du 24 janvier 2002, Finlande/Commission, C‑170/00, Rec. p. I‑1007, point 27 ; voir également arrêt Portugal/Commission, point 47 supra, point 28, et la jurisprudence citée).

57      L’article 11 du règlement no 885/2006 définit les différentes étapes à respecter lors de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA. En particulier, l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement précise le contenu de la première communication écrite par laquelle la Commission communique le résultat de ses vérifications aux États membres, avant l’organisation de la discussion bilatérale (arrêts de la Cour du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, Rec. p. I‑1341, point 68, et du Tribunal du 24 mars 2011, Grèce/Commission, T‑184/09, non publié au Recueil, point 40). Aux termes de cette disposition, la première communication doit préciser le résultat des vérifications de la Commission à l’État membre concerné et indiquer les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles communautaires en cause.

58      À cet égard, il convient de rappeler que le juge de l’Union a jugé que la communication écrite visée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95 doit être de nature à donner à l’État membre une parfaite connaissance des réserves de la Commission, en sorte qu’elle peut alors remplir la fonction d’avertissement qui lui est impartie par le premier alinéa de cette disposition et par l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999 (arrêt Portugal/Commission, point 47 supra, point 39 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C‑153/01, Rec. p. I‑9009, point 93, et du 3 mai 2012, Espagne/Commission, C‑24/11 P, point 27).

59      Il s’ensuit que, dans la première communication visée par l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95, la Commission doit indiquer, de manière suffisamment précise, l’objet de l’enquête menée par ses services et les carences constatées lors de cette enquête, celles-ci étant susceptibles d’être invoquées ultérieurement comme élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard des contrôles effectués par les administrations nationales ou des chiffres transmis par ces dernières et, ainsi, de justifier les corrections financières retenues dans la décision finale écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par l’État membre concerné au titre du FEOGA (arrêt Portugal/Commission, point 47 supra, point 40).

60      En outre, le non-respect de ladite condition imposée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95 et à l’article 11 du règlement no 885/2006 vide de sa substance la garantie procédurale accordée aux États membres par l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement nº 1258/1999, qui limite dans le temps les dépenses sur lesquelles peut porter un refus de financement par le FEOGA (voir arrêt du 3 mai 2012, Espagne/Commission, point 58 supra, point 29, et la jurisprudence citée).

61      L’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 1663/95 et l’article 11 du règlement no 885/2006 doivent ainsi être lus en combinaison avec l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement nº 1258/1999. Selon ces dispositions la Commission ne peut pas exclure les dépenses qui ont été effectuées plus de 24 mois avant qu’elle n’ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications. Il en résulte que la communication écrite prévue au premier alinéa dudit article 8, paragraphe 1, a pour objet d’avertir que les dépenses effectuées pendant la période de 24 mois qui précède la notification de cette communication peuvent être exclues du financement par le FEOGA et, partant, celle-ci constitue l’élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois ainsi prévu (arrêt du 3 mai 2012, Espagne/Commission, point 58 supra, point 30).

62      En conséquence, afin de remplir sa fonction d’avertissement, notamment à la lumière de l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999, la communication visée à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95 et à l’article 11 du règlement no 885/2006 doit d’emblée identifier de manière suffisamment précise toutes les irrégularités reprochées à l’État membre concerné qui ont, en définitive, fondé la correction financière effectuée. Seule une telle communication est en mesure de garantir une parfaite connaissance des réserves de la Commission et peut constituer l’élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois prévu à l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999 et à l’article 31 du règlement no 1290/2005 (arrêt du 3 mai 2012, Espagne/Commission, point 58 supra, point 31).

63      Par ailleurs, lorsque des irrégularités justifiant l’application d’une correction financière persistent après la date de la communication écrite des résultats des vérifications, la Commission est en droit et a même l’obligation de tenir compte de cette situation lorsqu’elle détermine la période sur laquelle doit porter la correction financière en cause (arrêt de la Cour du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, C‑157/00, Rec. p. I‑153, point 45).

64      La Cour a ainsi considéré, dans l’arrêt du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, point 63 supra, que, s’il était vrai que ni l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95 ni l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement no 729/70 ne s’opposaient à ce que la période sur laquelle porte une correction financière s’étende au-delà de la date de la communication écrite des résultats des vérifications aux États membres, il n’en restait pas moins que ces dispositions n’autorisaient pas explicitement la Commission à retenir une période allant au-delà de la date de la communication écrite des résultats des vérifications aux États membres et ne fournissaient donc pas une base juridique suffisante pour opérer une correction forfaitaire. La Cour a, cependant, estimé que cette base juridique était fournie par l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement no 729/70 ainsi que par les articles 2 et 3 de ce même règlement, lesquels obligeaient la Commission à refuser le financement de dépenses irrégulièrement engagées, dès lors que ces dispositions ne permettaient à la Commission de mettre à la charge du FEOGA que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires, en sorte que la Commission avait pu valablement faire porter la correction financière sur une période allant au-delà de la communication écrite (arrêt du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, point 63 supra, points 43, 44 et 46).

65      Il convient, tout d’abord, d’examiner si la lettre du 5 décembre 2006 satisfait aux exigences de l’article 11 du règlement no 885/2006, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999, et constitue, par conséquent, une communication régulière en application desdites dispositions. À cet effet, il devra être vérifié que, dans ladite lettre, la Commission a suffisamment identifié l’objet et les résultats de l’enquête, à savoir les carences constatées sur lesquelles est fondée la correction financière au détriment de Madère pour les campagnes 2004, 2005 et 2006 (exercices financiers 2005, 2006 et 2007), et a indiqué les mesures correctives qui devaient être adoptées à l’avenir.

66      Il y a lieu de rappeler que, par lettre du 8 mars 2005, la Commission a informé les autorités portugaises qu’une mission de contrôle concernant le régime d’aide pour des mesures spécifiques à certains produits agricoles en faveur des Açores et de Madère se déroulerait entre le 11 et le 15 avril 2005, mission qui devait se concentrer sur les années 2003 et 2004 et porterait sur le cadre du contrôle, y compris sur les procédures de contrôle établies et sur les contrôles effectivement réalisés.

67      Afin de préparer ladite mission de contrôle, la Commission a demandé aux autorités portugaises de lui envoyer préalablement certaines informations relatives aux deux années susmentionnées et aux mesures faisant l’objet du contrôle.

68      Les résultats de cette mission de contrôle ont été communiqués à la République portugaise par la première communication du 5 décembre 2006, fondée sur l’article 11 du règlement no 885/2006.

69      La Commission s’est référée, dans l’annexe de la première communication du 5 décembre 2006, intitulée « Observations et recommandations », sous le point 1.1, « Contrôles de superficie », au taux élevé d’erreurs et à l’absence d’augmentation du taux de contrôle au cours de l’année 2004 à la suite de ce taux élevé d’aide totalement ou partiellement refusé. En effet, la Commission a précisé que l’introduction du SIG associée à l’absence de cadastre foncier ainsi qu’à la configuration extrêmement accidentée du terrain et au fait que les parcelles n’étaient que partiellement plantées avait limité l’efficacité des contrôles. Elle a constaté que les inspecteurs ne s’appuyaient que sur le SIG et qu’il manquait des mesurages physiques sur place pour rendre les vérifications des parcelles sûres et fiables. Elle a indiqué, à titre d’exemple, que, en 2004, des contrôles des surfaces avaient été effectués par les autorités de Madère sur la base d’un échantillon qui représentait au moins 10 % des demandes d’aide, conformément à l’article 58 du règlement no 43/2003, et que les résultats de ces contrôles avaient démontré un taux d’erreurs de 36 % pour les superficies contrôlées. Sur la base de ces constatations, la Commission a considéré que le taux minimal des contrôles effectués par l’administration portugaise ne suffisait pas pour sauvegarder les intérêts du FEOGA. En conséquence, la Commission a fait grief aux autorités portugaises de ne pas avoir procédé à une augmentation des contrôles au cours de l’année 2004, ce qui constituait une défaillance du système de contrôle.

70      En ce qui concerne les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles communautaires, la Commission a indiqué, dans la première communication du 5 décembre 2006, qu’il était recommandé aux autorités portugaises d’avoir recours plus fréquemment aux mesurages physiques lors des contrôles de surface, tel que le GPS ou le mètre.

71      Il s’ensuit que, s’agissant de l’année 2004, la première communication du 5 décembre 2006 identifie de manière suffisamment précise toutes les irrégularités reprochées à la République portugaise pouvant fonder une correction financière.

72      S’agissant de l’année 2005, force est de constater que, ainsi que le relève à juste titre la République portugaise, la première communication du 5 décembre 2006 ne contient aucun résultat relatif à des vérifications qui auraient été effectuées ni même aucune réserve à cet égard, cette communication n’ayant d’ailleurs d’autre objet que d’informer la République portugaise des résultats des vérifications effectuées lors de la mission de contrôle qui s’est déroulée du 11 au 15 avril 2005 et qui ne portait que sur les années 2003 et 2004.

73      Certes, il ressort de l’annexe de la première communication du 5 décembre 2006 que la Commission a demandé que, « [e]n ce qui concerne le système de contrôle mis en place pour 2005, les autorités portugaises [fournissent] une liste des demandeurs avec une indication de ceux assujettis à un contrôle sur place (une sélection de bulletins de contrôle [devant être] faite par la suite) et un récapitulatif pour indiquer par produit le nombre de demandeurs, le nombre de demandeurs contrôlés, le nombre d’irrégularités établies avec une ventilation entre celles pour lesquelles l’aide a été partiellement et entièrement refusée ». La Commission a également ajouté qu’« une indication des superficies concernées était aussi utile dans l’analyse pour faciliter l’évaluation des erreurs en termes financiers ».

74      Cependant, il ne saurait être valablement soutenu, et la Commission ne le prétend d’ailleurs nullement, que cette demande de transmission d’informations concernant l’année 2005 pourrait être considérée comme une identification suffisamment précise des irrégularités reprochées à la République portugaise qui ont fondé la correction financière au sens, notamment, de l’arrêt du 3 mai 2012, Espagne/Commission, point 58 supra.

75      S’agissant de l’année 2006, la première communication du 5 décembre 2006 ne comporte aucune observation ni même aucune demande d’information.

76      Il résulte de ce qui précède que, s’agissant des années 2005 et 2006 sur lesquelles portent les contestations de la République portugaise et pour lesquelles des corrections ont été effectuées dans la décision attaquée, la première communication du 5 décembre 2006 n’identifie pas, au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 54 à 60 ci-dessus, les irrégularités reprochées à l’État membre.

77      La Commission fait toutefois valoir, dans ses écritures, que, dans la communication formelle du 27 octobre 2009, elle a manifesté clairement son intention d’effectuer une correction financière par extrapolation et a estimé le montant des dépenses à exclure. Ainsi, la Commission indique avoir extrapolé, sur la base des données de contrôle de 2005 et de 2006, la période de référence de la première communication du 5 décembre 2006, dès lors que les données de contrôle de 2005 et de 2006, communiquées par l’administration portugaise elle-même, ne différaient pas de celles de 2004 et avaient le même ordre de grandeur. La Commission ajoute que les données de 2005 et de 2006 indiquaient même une tendance à l’aggravation, le taux d’erreurs ayant augmenté.

78      Cette argumentation ne saurait être accueillie eu égard à la jurisprudence mentionnée ci-dessus.

79      En effet, la première communication doit, conformément à l’article 11 du règlement no 885/2006, à la suite d’une enquête, comporter les résultats des vérifications de la Commission concernant les dépenses qui n’auraient pas été effectuées conformément aux règles communautaires par l’État membre concerné et indiquer les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles concernées. Par ailleurs, ce sont ces résultats qui constituent la base de toute correction et qui doivent être communiqués à l’État membre concerné aussitôt que possible afin que ce dernier puisse remédier aux déficiences constatées dans les meilleurs délais et, par conséquent, éviter de nouvelles corrections à l’avenir (arrêt Portugal/Commission, point 47 supra, points 29 et 32).

80      En outre, il ressort tant de l’article 8 du règlement no 1663/95, tel que modifié, que de l’article 11 du règlement no 885/2006 que, en l’absence de remède par l’État membre concerné aux irrégularités constatées par la Commission, cette dernière peut, jusqu’à la date effective de mise en œuvre des mesures correctives imposées par la Commission, exclure les dépenses affectées par le non-respect des règles communautaires.

81      Toutefois, force est de constater que, en l’espèce, les résultats qui constituent la base de la correction n’ont pas été communiqués aussi tôt que possible, puisque les résultats de l’enquête n’ont été communiqués par la Commission que le 5 décembre 2006, empêchant par là même les autorités portugaises de mettre en œuvre des mesures correctives concernant les campagnes 2005 et 2006, lesquelles étaient déjà terminées.

82      Certes, selon la jurisprudence, en particulier l’arrêt du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, point 63 supra (point 45) lorsque des irrégularités justifiant l’application d’une correction financière persistent après la date de la communication écrite des résultats des vérifications, la Commission doit tenir compte de cette situation lorsqu’elle détermine la période sur laquelle doit porter la correction financière en cause.

83      Cependant, l’obligation pour la Commission de tenir compte d’une situation dans laquelle les irrégularités justifiant l’application d’une correction financière persistent ne peut plus intervenir lorsque, comme en l’espèce, la communication écrite a eu lieu à une date à laquelle il était devenu impossible à l’État membre concerné de remédier aux irrégularités constatées, puisque ce n’est qu’à partir du moment où ledit État membre a été informé de cette situation qu’il pouvait encore y remédier.

84      Toute autre interprétation conduirait à autoriser la Commission à procéder à une correction financière pour une période antérieure à la date de la première communication des vérifications sans que l’État membre ait été préalablement informé et mis en mesure de remédier auxdites irrégularités.

85      Il s’ensuit que l’obligation pour la Commission de procéder à de telles corrections financières ne saurait s’étendre à une période qui n’était pas couverte par la mission de contrôle et qui était antérieure à la date de la première communication du 5 décembre 2006, dans la mesure où l’État membre, n’étant informé des irrégularités constatés qu’après la clôture des campagnes concernées, n’a pu prendre à temps aucune mesure corrective.

86      S’il est exact, ainsi que la Commission le soutient, que cette dernière s’est fondée sur les propres données qui lui ont été communiquées par la République portugaise et qu’elle n’a d’ailleurs pas remises en cause, il convient toutefois de constater que, à la date de transmission de la première communication du 5 décembre 2006, les autorités portugaises ne pouvaient plus remédier aux déficiences pour respecter à l’avenir les règles de l’Union, alors même que l’un des objectifs de cette communication est précisément de permettre à l’État membre de mettre en œuvre des mesures correctives afin de remédier aux carences constatées et que, à défaut de mise en œuvre de telles mesures, la Commission peut, sans devoir apporter de preuve supplémentaire, procéder, à l’avenir, à des corrections financières.

87      Par ailleurs, il ne saurait être soutenu, ainsi que le fait la Commission, que l’extrapolation à laquelle elle a procédé serait automatique et serait distincte des opérations de contrôle, sans porter atteinte à la fonction même d’avertissement qui est inhérente à la nature de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95.

88      À cet égard, il ressort de la première communication du 5 décembre 2006 que la Commission a fait grief aux autorités portugaises de s’appuyer uniquement sur le SIG, alors même qu’elles auraient dû, selon la Commission, procéder à des mesurages physiques afin de rendre les vérifications des parcelles sûres et fiables. Il s’ensuit que cette première communication comporte l’énoncé de mesures visant à rendre les vérifications sûres et fiables et à éviter ainsi des taux d’irrégularités aussi élevés que ceux constatés par les autorités portugaises et communiqués à la Commission. La mise en place de telles mesures aurait pu permettre à la République portugaise de répondre aux préoccupations exprimées par la Commission et d’éviter ainsi l’imposition de corrections financières futures.

89      Dans cette perspective, il convient de rappeler que la fonction d’avertissement inhérente à la nature de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95 a été soulignée par le Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Portugal/Commission, point 47 supra. Dans cette dernière affaire, alors que l’enquête avait porté sur les campagnes 2002 et 2003, le Tribunal a estimé, au point 64 dudit arrêt, s’agissant de la campagne 2003, que le fait que la Commission ait, dans l’annexe 1 de la lettre envoyée à l’État membre concerné sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95, tel que modifié, fait référence à la campagne 2003 ne suffisait pas à démontrer que ladite lettre faisait état d’irrégularités concernant ladite campagne.

90      Le Tribunal a donc considéré, au point 69 de l’arrêt Portugal/Commission, point 47 supra, que, en l’absence d’une indication de ses vérifications, l’État membre concerné n’avait pas pu démontrer que les constatations de la Commission étaient inexactes ni remédier à d’éventuelles déficiences pour respecter à l’avenir les règles communautaires, en sorte qu’il n’avait pas bénéficié de la garantie procédurale accordée aux États membres. Le Tribunal a, dès lors, estimé, au point 70 dudit arrêt que, en l’absence d’indications des résultats des vérifications de la Commission concernant la campagne 2003, la lettre de cette dernière communiquant les résultats des vérifications ne pouvait constituer la base d’une quelconque correction financière et, partant, être qualifiée de première communication au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95. Le Tribunal a donc, au point 71 de l’arrêt Portugal/Commission, point 47 supra, conclu à la violation de l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999 et de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95.

91      De même, il convient de relever que la Cour, dans l’arrêt du 3 mai 2012, Espagne/Commission, point 58 supra, a annulé l’arrêt du Tribunal du 12 novembre 2010, Espagne/Commission (T‑113/08, non publié au Recueil), au motif que ce dernier avait estimé qu’une lettre de la Commission était une communication formelle au titre du règlement no 1663/95, alors même que le grief qui y était énoncé à l’encontre de l’État membre avait été insuffisamment mentionné. La Cour a ainsi jugé que le Tribunal avait méconnu l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95 ainsi que l’article 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement no 1258/1999, dans la mesure où seule une communication qui identifie de manière suffisamment précise toutes les irrégularités reprochées à l’État membre concerné peut être qualifiée de communication au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1663/95, laquelle constitue l’élément de référence pour le décompte du délai de 24 mois visé à l’article 5, paragraphe 2, sous c), cinquième alinéa, du règlement no 729/70 et à l’article 7, paragraphe 4, cinquième alinéa, du règlement nº 1258/1999 (arrêt du 3 mai 2012, Espagne/Commission, point 58 supra, point 34).

92      En l’espèce, si la première communication du 5 décembre 2006 identifie de manière suffisamment précise les irrégularités reprochées à la République portugaise sur la base des données de contrôle de 2004, en revanche, force est constater que cette même communication ne contient aucune observation concernant les années 2005 et 2006, quand bien même, premièrement, la nature des irrégularités constatées lors de ces années ne serait pas différente de celle des irrégularités constatées en 2004, deuxièmement, la République portugaise ne contesterait pas les données concernant les années 2005 et 2006, qu’elle aurait au demeurant elle-même transmises à la Commission, et, troisièmement, ces données mettraient en exergue une aggravation de la situation par rapport à celle relative à l’année 2004 constatée par la Commission.

93      Ainsi, la première communication du 5 décembre 2006 ne saurait être invoquée au soutien de corrections financières au titre des années antérieures 2005 et 2006 et à l’égard desquelles cette communication ne pouvait, en particulier, pas permettre à l’État membre concerné de remédier, au sens de la jurisprudence susmentionnée, aux irrégularités constatées lors de la mission de contrôle qui s’est déroulée du 11 au 15 avril 2005 et qui était relative aux années 2003 et 2004.

94      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être accueilli, en sorte qu’il convient d’annuler la décision attaquée en ce que la Commission a procédé à une correction financière au titre des campagnes 2005 et 2006, c’est-à-dire des exercices financiers 2006 et 2007, pour des montants respectifs de 239 045,63 et de 266 137,96 euros.

95      Il convient, dès lors, de préciser que, en raison de l’annulation de la décision attaquée en ce qui concerne les campagnes 2005 et 2006, les deuxième, troisième et quatrième moyens ne seront examinés qu’au regard de la campagne 2004.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’interprétation erronée du considérant 28 du règlement no 43/2003 et de la violation de l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999

96      Selon la République portugaise, au cours des campagnes concernées, les autorités nationales ont augmenté le taux de contrôle à un niveau sensiblement supérieur aux niveaux minimaux réglementaires, alors même que l’article 58 du règlement no 43/2003 n’exige pas explicitement une augmentation des contrôles. Ainsi, les contrôles auraient porté sur des échantillons ayant atteint le triple du minimum des contrôles réglementaires. Premièrement, les contrôles auraient concerné des échantillons représentant un taux de 10 à 30 % des demandes d’aide, deuxièmement, pour 40 % des superficies, le taux d’erreurs aurait donné lieu à un refus total ou partiel de financement, troisièmement, les contrôles représenteraient, en termes de superficie, des taux oscillant de 25 à plus de 50 % et, quatrièmement, les contrôles en cause auraient été effectués avant paiement, en sorte que l’aide aurait été réduite et les sanctions appliquées. Les autorités portugaises auraient privilégié la surface éligible, l’augmentation des contrôles ayant surtout porté sur la surface admissible au bénéfice de l’aide, qui a été soumise à un taux situé entre 25 et 50 % en passant par 40 %. La République portugaise rappelle que, selon la jurisprudence, le fait qu’une procédure soit perfectible ne justifie pas, en soi, une correction financière. Il appartenait dès lors à la Commission de démontrer en quoi le niveau d’irrégularité justifiait une augmentation des contrôles différente ou supérieure à celle décidée par les autorités nationales, ce que la Commission n’aurait pas fait au cours de la procédure d’apurement des comptes.

97      La République portugaise ajoute que le fait que la Commission fasse valoir au stade du recours qu’elle s’est fondée sur l’article 58, paragraphe 1, du règlement no 43/2003 pour adopter la décision attaquée, alors même qu’elle n’a jamais invoqué précédemment cette disposition, constitue une violation de ses droits de la défense.

98      S’agissant de la récupération des sommes perdues à la suite d’irrégularités à laquelle la Commission se réfère, d’une part, la République portugaise affirme qu’il ressort du dossier que les autorités portugaises ont effectué des contrôles avant de payer, en sorte qu’il n’y avait pas lieu de procéder à des récupérations. D’autre part, la République portugaise critique la position de la Commission selon laquelle, désormais, si le taux moyen d’irrégularités contrôlé était de 2 %, les États membres seraient tenus de récupérer le montant correspondant au taux moyen des irrégularités détectées dans l’échantillon, c’est-à-dire les mêmes 2 %, auprès de l’ensemble des agriculteurs admissibles au bénéfice de l’aide. Or, selon la République portugaise, la règle qui découlerait de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1258/1999 serait inverse et prévoirait uniquement l’obligation de récupérer les montants perdus en raison d’irrégularités.

99      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles. À cet égard, il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation de ces dispositions. Par conséquent, la Commission est obligée de justifier sa décision constatant l’absence ou les défaillances des contrôles mis en œuvre par l’État membre concerné (voir arrêt du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, point 63 supra, point 15, et la jurisprudence citée).

100    Toutefois, la Commission est tenue non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres (voir arrêt du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, point 63 supra, point 16, et la jurisprudence citée).

101    Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, point 63 supra, point 17, et la jurisprudence citée).

102    L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un système adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir arrêt du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, point 63 supra, point 18, et la jurisprudence citée).

103    Il convient de rappeler également que l’article 58, paragraphe 1, du règlement no 43/2003 prévoit, notamment, d’une part, que le contrôle administratif est exhaustif et comporte des vérifications croisées avec, notamment, dans tous les cas appropriés, les données du système intégré de gestion et de contrôle et, d’autre part, que, sur la base d’une analyse des risques, les autorités nationales effectuent des contrôles sur place par sondage sur au moins 10 % des demandes d’aide. Le considérant 28 dudit règlement no 43/2003 énonce que la constatation d’irrégularités significatives doit entraîner une augmentation du niveau de contrôle sur place pendant l’année en cours et l’année suivante afin d’obtenir des garanties satisfaisantes quant à l’exactitude des demandes d’aide concernées.

104    En premier lieu, s’agissant de la prétendue violation des droits de la défense résultant du fait que la Commission préciserait pour la première fois devant le Tribunal qu’elle s’est fondée sur l’article 58 du règlement no 43/2003, il suffit de constater, d’abord, que, notamment, ce dernier règlement est mentionné dans les visas du rapport de synthèse du 19 juillet 2010, ensuite, que l’article 58 dudit règlement est expressément visé dans ledit rapport en ce qui concerne l’analyse des risques et, enfin, que les considérants 26 à 28 du règlement no 43/2003 ne constituent pas à eux seuls le fondement de l’analyse de la Commission.

105    En effet, il est indiqué au point 1.1.1 du rapport de synthèse, après la constatation selon laquelle les données présentées par les autorités portugaises révèlent que le taux de contrôle minimal appliqué (10 %) n’est pas de nature à protéger le FEOGA contre le risque de paiements indus, que, « dans ce contexte, il est particulièrement pertinent de [rappeler le] préambule du règlement ». C’est dans ce contexte que la Commission a ensuite rappelé les considérants 26 à 28 du règlement no 43/2003.

106    Par cette formulation, il ne saurait être valablement soutenu que la Commission entendait uniquement se prévaloir desdits considérants à l’exclusion des dispositions elles-mêmes dudit règlement.

107    Il s’ensuit qu’aucun grief tiré de la prétendue violation des droits de la défense ne saurait être retenu à l’encontre de la Commission.

108    En second lieu, ainsi que le relève à juste titre la Commission, l’article 58, paragraphe 1, du règlement no 43/2003, lu à la lumière du considérant 28 dudit règlement, fait obligation aux autorités nationales de procéder à des contrôles sur place sur un échantillon correspondant à au moins 10 % des demandes d’aide. Toutefois, lorsque l’analyse des risques que les autorités nationales doivent effectuer révèle une insuffisance du taux de contrôle pour prévenir des irrégularités, ces dernières doivent procéder à une amplification de ces contrôles, dans la mesure où il existe un risque élevé de pertes au préjudice du FEOGA.

109    Cette interprétation est, au demeurant, confirmée par l’article 8 du règlement no 1258/1999, dont la Cour a déjà jugé qu’il impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEOGA, de prévenir et de poursuivre les irrégularités et de récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences, même si l’acte communautaire spécifique ne prévoit pas expressément l’adoption de telle ou de telle mesure de contrôle (arrêt de la Cour du 6 décembre 2001, Grèce/Commission, C‑373/99, Rec. p. I‑9619, point 9 ; arrêt du Tribunal du 30 septembre 2009, Pays-Bas/Commission, T‑55/07, non publié au Recueil, point 62). La Cour a précisé qu’il découle de cette disposition, considérée à la lumière de l’obligation de collaboration loyale avec la Commission, instituée par l’article 4 TUE, pour ce qui est plus particulièrement de l’utilisation correcte des ressources de l’Union, que les États membres sont tenus d’organiser un ensemble de contrôles administratifs et de contrôles sur place permettant d’assurer que les conditions matérielles et formelles à l’octroi des primes en cause soient directement observées (voir arrêt du 9 janvier 2003, Grèce/Commission, point 63 supra, point 11, et la jurisprudence citée).

110    Par ailleurs, ainsi que le relève à juste titre la Commission, lorsque le taux d’erreurs affiche une tendance haussière, l’autorité de contrôle doit nécessairement réagir en renforçant le niveau de contrôle. Ainsi, si, pour un échantillon de 10 %, le taux d’erreurs peut aller jusqu’à 2 %, lorsque, comme en l’espèce, il est constaté, lors de la campagne 2004, un taux d’erreurs de 36 % pour les surfaces contrôlées, le taux de contrôle, donc l’échantillon de contrôle, aurait dû être augmenté en conséquence, dès lors qu’il existait un risque de pertes financières accru pour le FEOGA, ce qui n’a manifestement pas été le cas en l’espèce, nonobstant le fait que, pour certaines cultures, le taux de contrôle des demandes d’aide était notablement supérieur à 10 % des demandes d’aide.

111    Force est de constater que, face à un tel risque de pertes élevées pour le FEOGA, clairement identifié par les résultats des contrôles effectués par les autorités portugaises, ces dernières étaient tenues de réagir, leur défaillance équivalant à un défaut d’adopter les mesures de contrôle implicitement nécessaires pour garantir que les conditions matérielles et formelles d’octroi des primes en cause soient correctement observées.

112    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, si l’organisation des contrôles fait défaut ou si celle mise en place est défaillante au point de laisser subsister des doutes quant à l’observation des conditions posées à l’octroi des primes en question, c’est à juste titre que la Commission ne reconnaît pas certaines dépenses effectuées par l’État membre (voir arrêt du Tribunal du 4 septembre 2009, Autriche/Commission, T‑368/05, non publié au Recueil, point 84, et la jurisprudence citée).

113    C’est donc de manière erronée que les autorités portugaises prétendent avoir, en ayant procédé à des contrôles à un niveau sensiblement supérieur aux niveaux minimaux réglementaires, respecté la réglementation en vigueur, et ne pas avoir ainsi manqué aux obligations qui leur incombent au titre du règlement no 43/2003, dès lors qu’elles ont été en défaut d’adopter les mesures de contrôle implicitement nécessaires pour garantir que les conditions matérielles et formelles d’octroi des primes en cause soient correctement observées.

114    En outre, contrairement à ce que prétend la République portugaise, il y a lieu de relever que, lorsque des irrégularités sont constatées, par exemple, sur 40 % des surfaces dans un échantillon correspondant à 10 % des demandes d’aide, ce même taux d’irrégularités doit, sauf circonstances inhérentes à cet échantillon contrôlé, qu’il appartient à l’État membre concerné de faire valoir, se retrouver nécessairement dans l’ensemble de l’univers statistique.

115    Dès lors, il ne saurait être valablement soutenu, ainsi qu’il ressort des écritures de la République portugaise, que le refus de financement portant uniquement sur la partie de l’échantillon contrôlé soit suffisant, au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 109 et 112 ci-dessus, afin de garantir que des opérations irrégulières ne soient pas financées par le FEOGA.

116    Sauf élément qui serait invoqué par les autorités nationales mettant en exergue la particularité de l’échantillon dont le résultat ne pourrait pas se retrouver à l’échelle de l’ensemble de l’univers statistique, ce dont la République portugaise ne s’est même pas prévalue, force est de constater qu’il n’existe aucune raison qui tendrait à semer le doute quant à l’existence d’un différentiel entre l’échantillon contrôlé et l’ensemble de l’univers statistique.

117    Enfin, s’agissant de l’argument de la République portugaise selon lequel les autorités nationales auraient effectué des contrôles avant de payer, en sorte qu’il n’y avait pas lieu de procéder à des récupérations, il convient de relever que le fait de procéder à cette déduction de paiement uniquement en ce qui concerne l’échantillon dont le contrôle s’est révélé négatif ne saurait être considéré comme étant conforme à la réglementation, dès lors que, ainsi qu’il a été indiqué au point 115 ci-dessus, le refus de financement portant uniquement sur la partie de l’échantillon dont le contrôle s’est révélé négatif ne peut qu’être insuffisant, au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 109 et 112 ci-dessus.

118    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999

119    Selon la République portugaise, en procédant à l’extrapolation du pourcentage des irrégularités constatées par les autorités portugaises sur les surfaces contrôlées à Madère à l’ensemble des demandes qui y ont été introduites, la Commission a violé l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1258/1999. Ainsi, la Commission aurait ignoré ses propres orientations figurant dans le document no VI/5330/97. La République portugaise rappelle que des corrections financières par extrapolation ne peuvent être appliquées par la Commission qu’à la condition que cette dernière ait elle-même procédé à une évaluation sur la base des erreurs figurant dans les dossiers individuels. Or, la Commission n’aurait procédé, s’agissant des années 2004, 2005 et 2006, à l’analyse d’aucun dossier individuel, puisqu’elle se serait fondée, pour procéder à la correction forfaitaire par extrapolation, non pas sur l’analyse des résultats des dossiers individuels auxquels elle serait parvenue pendant la mission de contrôle, mais sur le taux d’irrégularités détectées par les autorités portugaises dans l’échantillon soumis au contrôle, taux que la Commission aurait ensuite appliqué à l’ensemble des demandes introduites à Madère. Une telle pratique consistant à avoir recours à une correction par extrapolation sans vérifier aucun dossier individuel ne trouverait aucun fondement juridique dans le document no VI/5330/97. Les dispositions de l’annexe 4 du document no VI/5330/97 ne sauraient servir de base à une décision de correction financière, dès lors que l’organisme payeur a refusé, partiellement ou intégralement, d’effectuer des paiements lorsque des irrégularités avaient été détectées.

120    À cet égard, il convient de relever que le document no VI/5330/97 prévoit, en son annexe 2, que « des corrections financières sont appliquées lorsque la Commission constate qu’une dépense n’a pas été effectuée dans le respect des règles communautaires ». Ce document prévoit également que, « sauf si le paiement irrégulier a déjà été détecté par les organismes nationaux de contrôle et a donné lieu aux mesures de correction et de recouvrement appropriées, la Commission doit refuser son financement par le budget communautaire ». Dans le cas où les dépenses irrégulières peuvent être déterminées, et donc le montant des pertes financières subies par la Communauté, il est prévu dans le document no VI/5330/97 qu’il est procédé, notamment, au rejet d’une somme calculée par extrapolation des résultats de vérifications effectuées sur un échantillon représentatif de dossiers à l’ensemble des dossiers dont un échantillon a été prélevé, mais qui est limité au secteur administratif dans lequel la même carence risque raisonnablement de se reproduire.

121    Il est également indiqué que, lorsque le niveau réel des dépenses irrégulières ne peut être déterminé, des corrections financières forfaitaires sont appliquées (voir, en ce sens, arrêt Autriche/Commission, point 112 supra, point 183, et la jurisprudence citée).

122    Le document no VI/5330/97 précise que des corrections forfaitaires peuvent être envisagées lorsque les informations fournies par l’enquête ne permettent pas au contrôleur d’évaluer la perte à partir d’une extrapolation des pertes déterminées, par des moyens statistiques, ou par référence à d’autres données vérifiables. Ledit document ajoute que, chaque fois que les services de contrôle des États membres détectent ces défaillances dans les conditions mentionnées à l’annexe 4, les corrections forfaitaires ne sont pas appropriées. Lorsque l’État membre ne procède pas à la récupération de toute somme indûment payée ou irrégulière, le service d’apurement des comptes ne peut s’abstenir de prévoir des mesures de correction financière.

123    Il y a lieu de relever que la Commission s’est fondée, s’agissant de la campagne 2004, seule en cause dans le cadre du présent moyen, sur ses propres vérifications et a considéré que le taux d’irrégularités constaté dans l’échantillon devait être étendu à l’ensemble de l’univers statistique.

124    Il convient de constater que c’est à juste titre que, dès lors que les informations issues de l’enquête avaient permis à l’auditeur d’évaluer les pertes par recours à des moyens statistiques ou par référence à des données vérifiables, la Commission a considéré que les corrections forfaitaires n’étaient pas appropriées au sens du document no VI/5330/97.

125    La République portugaise prétend, toutefois, dans cette perspective, que la Commission ne pouvait se fonder sur les résultats des contrôles des autorités nationales pour procéder aux régularisations, dans la mesure où elles avaient tiré les conséquences des irrégularités qu’elles avaient elles-mêmes constatées.

126    Ainsi, elle précise qu’elle a refusé, partiellement ou intégralement, d’effectuer des paiements dans tous les cas d’irrégularités que l’organisme payeur avait détectés. Elle considère qu’aucune correction financière ne pouvait être décidée en l’espèce, dès lors que l’organisme payeur avait tiré toutes les conséquences des irrégularités qu’il avait constatées en pénalisant intégralement ou partiellement toutes les demandes irrégulières détectées.

127    L’argumentation de la République portugaise ne saurait être accueillie.

128    En effet, dans l’hypothèse d’une irrégularité constatée, le fait de refuser le paiement des seules demandes pour lesquelles l’irrégularité a déjà été constatée ne saurait être considéré comme ayant remédié à la constatation d’une carence et être ainsi de nature à garantir le financement par le FEOGA des seules demandes conformes à la réglementation de l’Union (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 août 1994, Allemagne/Commission, C‑413/92, Rec. p. I‑3781, points 11 à 13).

129    Dès lors, les autorités portugaises auraient dû prendre en considération le taux d’erreurs constaté en ce qui concerne l’échantillon de contrôle et l’appliquer à l’ensemble de l’univers statistique déterminé, permettant ainsi d’évaluer la perte subie par le FEOGA.

130    Il s’ensuit que, en refusant le paiement des seules demandes pour lesquelles l’irrégularité avait déjà été constatée, les autorités portugaises n’ont pas pleinement tiré les conséquences des irrégularités qu’elles avaient constatées.

131    Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricole, il appartient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêt de la Cour du 21 mars 2002, Espagne/Commission, C‑130/99, Rec. p. I‑3005, point 90, et arrêt Autriche/Commission, point 112 supra, point 181).

132    En effet, selon la jurisprudence, la gestion du financement du FEOGA repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles communautaires et est fondée sur la confiance entre les autorités nationales et les autorités communautaires. Seul l’État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes du FEOGA, la Commission ne jouissant pas de la proximité nécessaire pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (voir arrêt Autriche/Commission, point 112 supra, point 182, et la jurisprudence citée).

133    Il appartient donc à l’État membre de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres afin de démontrer que les doutes de la Commission n’étaient pas fondés (arrêt Autriche/Commission, point 112 supra, point 201).

134    Or, la République portugaise n’a présenté aucun élément de nature à démontrer que la Commission avait commis une erreur quant aux conséquences financières des irrégularités constatées.

135    Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité

136    La République portugaise considère que, en écartant l’application du document no VI/5330/97, qui vise à établir, de manière uniforme, les orientations applicables aux corrections financières, la Commission a violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

137    S’agissant, en premier lieu, de la violation du principe d’égalité de traitement, la République portugaise précise que, si la Commission avait respecté les orientations qu’elle s’était engagée à suivre, elle aurait opté pour des corrections forfaitaires. En l’espèce, la République portugaise estime que l’absence d’augmentation des taux de contrôle pour l’année en cours et pour les années suivantes en présence d’un nombre élevé d’irrégularités pouvait être assimilée à un contrôle-clé qui n’aurait pas été effectué de manière assez approfondie, en sorte qu’une correction forfaitaire de 5 % aurait dû être appliquée, ainsi que la Commission l’avait fait dans le cadre de l’enquête AA/2006/10. La République portugaise considère donc que, en ayant traité l’enquête ayant abouti à la décision attaquée de manière différente par rapport à l’enquête AA/2006/10, la Commission aurait violé le principe d’égalité de traitement, puisque deux situations identiques seraient traitées de manière différente.

138    À cet égard, premièrement, il convient de relever que chaque cas doit en principe être apprécié séparément en vue de constater si l’État membre en question a, lors de la réalisation des opérations financées par le FEOGA, respecté ou non les exigences découlant du droit communautaire et, s’il y a manqué, dans quelle mesure (arrêts de la Cour du 18 mai 2000, Belgique/Commission, C‑242/97, Rec. p. I‑3421, point 129, et du 24 avril 2008, Belgique/Commission, C‑418/06 P, Rec. p. I‑3047, point 91).

139    Cela ne signifie pas qu’un État membre n’est pas autorisé à invoquer la violation du principe d’égalité de traitement. Toutefois, il ne saurait le faire que dans la mesure où les cas invoqués sont à tout le moins comparables, eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent, parmi lesquels figurent notamment la période au cours de laquelle les dépenses ont été effectuées, les secteurs concernés et la nature des irrégularités reprochées (arrêts du 18 mai 2000, Belgique/Commission, point 138 supra, point 130, et du 24 avril 2008, Belgique/Commission, point 138 supra, point 92).

140    Il convient de rappeler, deuxièmement, que, selon une jurisprudence constante, il peut y avoir une discrimination prohibée dans le cas où des situations comparables sont traitées de manière différente, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 24 avril 2008, Belgique/Commission, point 138 supra, point 93, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 12 juillet 2011, Slovénie/Commission, T‑197/09, non publié au Recueil, point 89).

141    Force est de constater que les carences constatées dans l’enquête AA/2006/10 ne sont pas comparables à celles de la présente affaire. Ainsi, il ressort de l’enquête AA/2006/10 que la Commission a mis en cause au cours de cette dernière le contrôle sur place. Elle a considéré que le fait que les mesures sur écran aient prévalu sur les mesures effectuées sur le terrain avait conduit à des décisions incorrectes, notamment en ce qui concerne la déduction des éléments non admissibles, ce qui avait nuit à la qualité des contrôles sur place et ce qui s’était soldé par un manquement aux dispositions de la réglementation applicable.

142    En revanche, dans la présente affaire, la Commission met en cause, dans le rapport de synthèse, principalement, le fait que les autorités portugaises se soient fondées sur le SIG, l’absence d’augmentation des taux de contrôle en présence d’un nombre élevé d’irrégularités ainsi que le fait que le taux d’irrégularités n’aurait pas diminué entre 2004 et 2007.

143    Il s’ensuit que, les deux situations n’étant pas comparables, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir violé le principe d’égalité de traitement.

144    S’agissant, en second lieu, de la violation du principe de proportionnalité, la République portugaise soutient que, la superficie moyenne d’une exploitation à Madère étant très faible, une erreur de mesure d’une parcelle, insignifiante en termes de superficie, entraîne un taux d’erreurs particulièrement élevé. Ainsi, si les orientations du document no VI/5330/97 avaient été suivies, la correction aurait été de 5 %, alors que, en l’espèce, les corrections oscillent entre 44,32 et 90,48 %. La Commission aurait opté pour l’extrapolation, solution la plus défavorable pour la République portugaise, sans fournir la moindre justification de l’adéquation de ce choix aux objectifs qu’elle prétend atteindre. L’extrapolation du taux d’irrégularités de l’échantillon sélectionné sur la base d’une analyse des risques enfreindrait le principe de proportionnalité, car ce taux serait nécessairement supérieur au taux d’irrégularités de l’ensemble des demandes. La République portugaise ajoute qu’il ne ressortirait pas des vérifications que les autorités nationales ont effectuées qu’elles aient omis de sélectionner l’échantillon sur la base d’une analyse des risques.

145    Il importe de rappeler que le principe de proportionnalité, consacré à l’article 5 TUE, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêt de la Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25 ; arrêts du Tribunal du 30 avril 2009, Espagne/Commission, T‑281/06, non publié au Recueil, point 64, et Pays-Bas/Commission, point 109 supra, point 117).

146    Or, il a été établi ci-dessus que les orientations du document no VI/5330/97 sont respectées, dès lors qu’elles préconisent que, lorsque les informations inhérentes à la procédure permettent à l’auditeur d’évaluer la perte par extrapolation, la correction doit être effectuée selon une telle méthode. Puisque tel a été le cas des données de l’administration portugaise résultant de la procédure, la Commission a pu, sans violer lesdites orientations, effectuer les corrections financières par extrapolation.

147    Par ailleurs, lorsque la Commission, au lieu de rejeter la totalité des dépenses concernées par l’infraction, s’est efforcée d’établir des règles visant à instaurer un traitement différencié des cas d’irrégularités, selon le niveau de carence des contrôles et le degré de risque encouru par le FEOGA, l’État membre doit démontrer que ces critères sont arbitraires et inéquitables (arrêts de la Cour du 1er octobre 1998, Italie/Commission, C‑242/96, Rec. p. I‑5863, point 75, et du 22 avril 1999, Pays-Bas/Commission, C‑28/94, Rec. p. I‑1973, point 56).

148    À cet égard, d’une part, il ressort du tableau des données fournies dans la communication officielle du 27 octobre 2009 que la Commission a distingué le montant des sanctions en fonction des années, des types de culture et du taux d’erreurs dans les contrôles sur place. En outre, elle a tenu compte du fait qu’aucune indication ne lui permettait de présumer les mêmes défaillances concernant les Açores et a donc appliqué la correction financière aux seules dépenses déclarées par la région de Madère. Dès lors, il ne peut lui être reproché d’avoir appliqué, conformément aux orientations reprises dans le document no IV/5330/97, une correction disproportionnée.

149    D’autre part, il ressort d’une jurisprudence constante que le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (arrêts de la Cour du 6 mars 2001, Pays-Bas/Commission, C‑278/98, Rec. p. I‑1501, point 38, et du Tribunal du 14 février 2008, Espagne/Commission, T‑266/04, non publié au Recueil, point 97). Dans le cas où la réglementation communautaire n’autorise le paiement d’une aide qu’à la condition que certaines formalités de preuve ou de contrôle soient observées, une aide versée en méconnaissance de cette condition ne saurait donc être mise à la charge du FEOGA (arrêt de la Cour du 8 janvier 1992, Italie/Commission, C‑197/90, Rec. p. I‑1, point 38, et arrêt du 14 février 2008, Espagne/Commission, point 149 supra, point 116).

150    En l’espèce, il convient donc de rejeter l’argument de la République portugaise selon lequel, la superficie moyenne d’une exploitation à Madère étant très faible, une erreur de mesure, insignifiante en termes de superficie, entraînerait un taux d’erreurs particulièrement élevé, en sorte que les corrections par extrapolation seraient également élevées. En effet, cette circonstance n’excluant pas le risque de préjudice pour le FEOGA, il s’ensuit que la Commission était en droit d’écarter du financement communautaire les dépenses correspondant aux mesures POSEI à Madère.

151    Par ailleurs, il convient également de rejeter l’argument de la République portugaise selon lequel l’extrapolation du taux d’irrégularités de l’échantillon sélectionné sur la base d’une analyse des risques enfreint le principe de proportionnalité. En effet, en l’espèce, la République portugaise n’a pas fourni d’élément mentionnant la méthode de détermination de l’échantillon ainsi que les facteurs pris en considération au titre de l’analyse des risques.

152    Il s’ensuit qu’il n’y a donc pas eu de violation du principe de proportionnalité, en sorte que le quatrième moyen doit être rejeté.

153    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la décision attaquée doit être annulée en ce que la Commission a appliqué à la République portugaise une correction financière relative à la mesure POSEI pour les exercices financiers 2006 et 2007 et que le recours doit être rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

154    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision 2010/668/UE de la Commission, du 4 novembre 2010, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 288, p. 24), est annulée en ce qu’elle applique à la République portugaise une correction financière relative à la mesure POSEI pour les exercices financiers 2006 et 2007.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Truchot

Martins Ribeiro

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juin 2013.

Signatures


* Langue de procédure : le portugais.