Language of document : ECLI:EU:T:2023:133

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

15 mars 2023 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents relatifs à divers projets dans le cadre des programmes eTEN et des cinquième et sixième programmes-cadres pour la recherche et le développement technologique – Refus partiel d’accès – Indisponibilité de documents – Limitation unilatérale du champ d’application de la demande d’accès – Obligation de procéder à un examen concret et individuel – Charge de travail déraisonnable – Article 266 TFUE – Décision adoptée en exécution d’un arrêt du Tribunal – Mesures que comporte l’exécution d’un arrêt d’annulation »

Dans l’affaire T‑597/21,

Giorgio Basaglia, demeurant à Milan (Italie), représenté par Me G. Balossi, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme C. Ehrbar et M. A. Spina, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteure), présidente, MM. G. Hesse et I. Dimitrakopoulos, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Giorgio Basaglia, demande l’annulation partielle de la décision C(2021) 5741 final de la Commission, du 27 juillet 2021, concernant une demande confirmative d’accès à des documents (ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        À la suite d’un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) rendu en 2008, le requérant a fait l’objet de plusieurs enquêtes, procédures et condamnations devant les juridictions pénales et comptables italiennes en raison d’activités illégales commises en lien avec douze projets cofinancés par l’Union européenne dans le cadre des programmes eTEN et des cinquième et sixième programmes-cadres pour la recherche et le développement technologique, à savoir les projets Clinic, Cocoon, Dicoems, E2SP, I-Way, J-Web, Liric, Match, Mosaica, Noesis, Pharmacov et Secure-Justice (ci-après les « douze projets en cause »).

3        Par lettre du 26 février 2019 (ci-après la « demande d’accès »), le requérant a demandé à la Commission européenne l’accès aux documents relatifs aux douze projets en cause sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).

4        Cette demande portait en particulier sur les documents suivants :

–        les rapports d’évaluation ainsi que l’identité des évaluateurs externes ayant pris part à leur élaboration et les ayant signés (ci-après les « documents de la catégorie 1 ») ;

–        les comptes rendus des réunions de consensus ainsi que l’identité des évaluateurs externes et des fonctionnaires de la Commission ayant pris part à leur élaboration et les ayant signés (ci-après les « documents de la catégorie 2 ») ;

–        les rapports finaux de sélection ainsi que les noms des fonctionnaires de la Commission ayant pris part à leur élaboration et les ayant signés (ci-après les « documents de la catégorie 3 ») ;

–        les contrats signés par les partenaires ainsi que leurs annexes et avenants (ci-après les « documents de la catégorie 4 ») ;

–        les lettres de nomination des contrôleurs externes ainsi que l’identité des fonctionnaires de la Commission les ayant signées et des contrôleurs choisis (ci-après les « documents de la catégorie 5 ») ;

–        les rapports de contrôle de tous les contrôles formels, y compris les contrôles effectués au lancement, les contrôles finaux et tous les autres constats auxquels auraient participé les responsables des projets de la Commission ou des contrôleurs externes (ci-après les « documents de la catégorie 6 ») ;

–        les rapports d’audit ainsi que l’identité des fonctionnaires de la Commission les ayant signés et des entreprises externes qui les ont élaborés ou qui y ont contribué (ci-après les « documents de la catégorie 7 »).

5        Par courriel du 29 mars 2019 (ci-après le « courriel du 29 mars 2019 »), la direction générale des réseaux de communication, du contenu et des technologies de la Commission a demandé au requérant de préciser et de réduire la portée de la demande d’accès. Elle a également proposé de limiter à deux, voire à un, le nombre de projets concernés par cette demande et de restreindre ladite demande aux documents des catégories 4, 6 et 7. Enfin, elle a informé le requérant que, en l’absence de réponse de sa part, elle serait contrainte de restreindre unilatéralement l’objet de la demande d’accès.

6        Par lettre du 1er avril 2019, le requérant a répondu qu’il ne lui était pas possible de réduire la portée de la demande d’accès, que ce soit au regard du nombre de projets ou du nombre de documents.

7        Par décision du 24 avril 2019, la direction générale des réseaux de communication, du contenu et des technologies de la Commission a statué sur la demande d’accès (ci-après la « décision du 24 avril 2019 »). En premier lieu, elle a décidé de limiter unilatéralement le champ d’application de cette demande à deux projets choisis aléatoirement parmi les douze projets en cause, à savoir les projets Mosaica et Secure-Justice, et à trois des sept catégories de documents se rapportant à ces projets, à savoir les catégories 4, 6 et 7. En second lieu, après avoir identifié vingt-huit documents entrant dans le champ d’application de ladite demande ainsi limitée, elle a, selon les cas, soit accordé un accès complet, soit accordé un accès partiel, soit refusé totalement l’accès à ces documents.

8        Le 8 mai 2019, le requérant a déposé une demande confirmative d’accès conformément à l’article 7, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001.

9        Le 4 septembre 2019, la secrétaire générale de la Commission a adopté la décision C(2019) 6474 final statuant sur une demande confirmative d’accès à des documents au titre du règlement no 1049/2001 (ci-après la « décision du 4 septembre 2019 »). Elle a, pour l’essentiel, confirmé la décision du 24 avril 2019, notamment en ce que celle-ci avait limité unilatéralement le champ d’application de la demande d’accès.

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 octobre 2019, le requérant a introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision du 4 septembre 2019. Ce recours a été enregistré sous le numéro T‑727/19.

11      Par arrêt du 23 septembre 2020, Basaglia/Commission (T‑727/19, non publié, ci-après l’« arrêt d’annulation », EU:T:2020:446), le Tribunal a annulé partiellement la décision du 4 septembre 2019, notamment en tant qu’elle comportait une limitation unilatérale du champ d’application de la demande d’accès (arrêt d’annulation, points 31 à 58 et 88). À cet égard, il a considéré, en substance, que, dans cette décision, la Commission n’avait pas apprécié de façon suffisamment objective la charge de travail requise par le traitement de la demande d’accès (arrêt d’annulation, points 51 à 54 et 56) et qu’elle n’avait pas non plus établi l’impossibilité pour elle d’examiner un volume plus important de documents (arrêt d’annulation, point 55). Dans ces conditions, il a conclu que, en opérant une limitation unilatérale du champ d’application de la demande d’accès de cette ampleur dans la décision du 4 septembre 2019, la Commission n’avait pas réellement étudié toutes les autres options envisageables et expliqué de façon circonstanciée, dans cette décision, les raisons pour lesquelles ces diverses options impliquaient, elles aussi, une charge de travail déraisonnable (arrêt d’annulation, point 57).

12      Par lettres des 6 octobre et 29 décembre 2020, le requérant a demandé à la Commission d’exécuter l’arrêt d’annulation et de lui donner accès à l’ensemble des documents demandés.

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mai 2021, le requérant a introduit un recours en indemnité tendant à la réparation des préjudices financier, moral et d’atteinte à la réputation qu’il aurait subis du fait du rejet illégal par la Commission de ses demandes d’accès aux documents et du défaut d’exécution par cette institution de l’arrêt d’annulation. Ce recours a été enregistré sous le numéro T‑257/21 et a été ultérieurement rejeté par le Tribunal par arrêt du 5 octobre 2022, Basaglia/Commission (T‑257/21, non publié, EU:T:2022:608).

14      Entre-temps, le 27 juillet 2021, la secrétaire générale de la Commission a adopté la décision attaquée afin d’exécuter l’arrêt d’annulation. En premier lieu, elle a informé le requérant qu’il n’avait pas été possible de retrouver certains des documents demandés et, partant, de faire droit à la demande d’accès en ce qui concerne les documents non retrouvés. En deuxième lieu, elle a confirmé la limitation unilatérale du champ d’application de la demande d’accès opérée dans la décision du 24 avril 2019. En troisième lieu, elle a accordé un accès total ou un accès partiel plus large à certains documents jusque-là non communiqués ou communiqués partiellement. En revanche, elle a maintenu, pour d’autres documents, un refus partiel d’accès fondé sur les dispositions de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001.

II.    Conclusions des parties

15      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la portée du recours

17      Le requérant conclut formellement à l’annulation de la décision attaquée, sans préciser s’il entend demander l’annulation totale ou partielle de cette décision, alors que celle-ci comporte plusieurs volets et lui est même en partie favorable (voir point 14 ci-dessus).

18      Cependant, il résulte des écritures du requérant, et notamment des moyens et arguments soulevés à l’appui du recours, que le requérant doit être regardé comme demandant uniquement l’annulation partielle de cette décision, en tant que celle-ci, d’une part, ne fait pas droit à la demande d’accès en ce qui concerne les documents non retrouvés par la Commission et, d’autre part, procède à une limitation unilatérale du champ d’application de cette demande en ce qui concerne les documents retrouvés par cette institution.

B.      Sur la légalité de la décision attaquée

19      Il y a lieu de distinguer selon que la décision attaquée refuse l’accès, premièrement, à des documents non retrouvés par la Commission et, deuxièmement, à des documents retrouvés, mais non examinés par la Commission du fait de la limitation unilatérale du champ d’application de la demande d’accès.

1.      Sur le refus d’accès aux documents non retrouvés par la Commission 

20      Le requérant soutient, en substance, que la Commission ne pouvait pas refuser l’accès à des documents aux seuls motifs, d’une part, que ces documents, bien qu’existants, seraient difficilement disponibles et, d’autre part, que le temps nécessaire pour les retrouver serait excessif. Il met également en doute l’indisponibilité desdits documents.

21      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

22      Il convient d’examiner successivement les arguments du requérant relatifs, premièrement, à la disponibilité des documents non retrouvés et, deuxièmement, à la prise en compte du temps nécessaire à la recherche de ces documents.

a)      Sur la disponibilité des documents non retrouvés

23      Aux termes de l’article 2 du règlement no 1049/2001 :

« 1. Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, sous réserve des principes, conditions et limites définis par le présent règlement.

[…]

3. Le présent règlement s’applique à tous les documents détenus par une institution, c’est-à-dire établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union […] »

24      Il convient de rappeler que l’exercice du droit d’accès pour toute personne intéressée suppose, nécessairement, que les documents demandés existent et soient détenus par l’institution concernée (arrêts du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 38, et du 20 septembre 2019, Dehousse/Cour de justice de l’Union européenne, T‑433/17, EU:T:2019:632, point 36) et donc qu’ils soient disponibles.

25      En outre, selon la jurisprudence constante du Tribunal, une présomption de véracité s’attache à toute déclaration des institutions relative à l’inexistence de documents demandés. Il s’agit néanmoins d’une présomption simple que le requérant peut renverser par tous moyens, sur la base d’indices pertinents et concordants. Cette présomption doit être appliquée par analogie dans l’hypothèse où l’institution déclare ne pas être en possession des documents demandés (voir arrêts du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, EU:T:2010:15, point 155 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2019, Dehousse/Cour de justice de l’Union européenne, T‑433/17, EU:T:2019:632, points 36 et 37 et jurisprudence citée) ou ne pas les avoir retrouvés matériellement, ce qui aboutit au même résultat, à savoir l’indisponibilité des documents demandés.

26      En l’espèce, dans la partie 2 de la décision attaquée et dans un tableau annexé à cette décision, la Commission a informé le requérant que, malgré ses efforts, elle n’avait pas pu « retrouver matériellement » certains documents des catégories 1, 2 et 3 relatifs à plusieurs des douze projets en cause, à savoir les projets Clinic, I-Way, Liric, Match, Mosaica, Pharmacov et Secure-Justice. En effet, compte tenu du temps écoulé depuis la création de ces documents, la Commission les aurait conservés « en dehors du système d’archivage ». En conséquence, elle ne détiendrait pas lesdits documents et, par suite, ne serait plus en mesure de faire droit à la demande d’accès à ces derniers.

27      Il ressort ainsi des motifs de la décision attaquée que, pour justifier le refus d’accès à certains documents, la Commission n’a pas allégué l’inexistence de ces documents, ni même la non-possession de ceux-ci. Elle a plutôt fait valoir, en substance, que, malgré ses efforts, elle n’avait pas pu retrouver matériellement lesdits documents en raison de leur ancienneté et de leur conservation en dehors du système d’archivage. En d’autres termes, elle s’est fondée sur l’indisponibilité desdits documents.

28      Il s’ensuit que cette déclaration de la Commission doit bénéficier d’une présomption de véracité, à l’instar des déclarations des institutions relatives à l’inexistence ou à la non-possession des documents demandés (voir point 25 ci-dessus).

29      Il importe donc d’examiner si, par les arguments qu’il soulève, le requérant parvient à renverser cette présomption.

30      Premièrement, le requérant estime que l’éventuelle non-conservation des documents serait une circonstance très grave compte tenu de l’importance économique considérable des douze projets en cause et de l’existence de procédures pénales et en responsabilité administrative-comptable en cours en Italie en lien avec ces projets.

31      À cet égard, il y a lieu d’observer que le règlement no 1049/2001 ne crée pas d’obligation générale de conservation des documents et que le requérant ne fait état d’aucune autre règle ou principe imposant la conservation des documents en cause. En tout état de cause, il n’est pas possible, dans le cadre du règlement no 1049/2001, d’imposer le respect d’une éventuelle obligation de conservation par la voie d’une demande d’accès à des documents (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 44).

32      Il s’ensuit que l’éventuelle défaillance de la Commission en ce qui concerne la conservation des documents non retrouvés ne peut avoir aucune incidence sur la présomption de véracité attachée à la déclaration de cette institution selon laquelle elle n’avait pas retrouvé ces documents (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 janvier 2008, Terezakis/Commission, T‑380/04, non publié, EU:T:2008:19, point 156).

33      Deuxièmement, le requérant reproche à la Commission de ne pas préciser dans quel lieu elle conserve les documents non retrouvés, alors qu’elle aurait manifestement connaissance de ce lieu.

34      À cet égard, il est certes vrai que la Commission ne fournit aucune indication quant au lieu, étranger au système d’archivage, où les documents non retrouvés seraient conservés.

35      Toutefois, d’une part, aucun indice ne corrobore l’affirmation du requérant selon laquelle la Commission aurait connaissance du lieu où sont conservés ces documents. D’autre part, l’absence de récupération matérielle desdits documents et l’absence d’indication de leur lieu précis de conservation peuvent s’expliquer mutuellement.

36      Troisièmement, le requérant estime que l’indisponibilité des documents non retrouvés n’est pas vraisemblable à la fois parce que la Commission a pu en indiquer le volume et parce que des procédures pénales et en responsabilité administrative-comptable liées à ces documents étaient en cours en Italie. De plus, la Commission n’aurait jamais fait état de l’indisponibilité desdits documents avant le prononcé de l’arrêt d’annulation.

37      À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, que la Commission a quantifié uniquement le nombre (300) et le volume (9 053 pages) des documents effectivement retrouvés. En revanche, elle n’a aucunement évalué le volume des documents non retrouvés et s’est bornée à les qualifier de « peu nombreux ».

38      Ensuite, la seule circonstance que des procédures pénales et en responsabilité administrative-comptable présentant un lien avec les douze projets en cause étaient en cours en Italie ne suffit pas à rendre invraisemblable la déclaration de la Commission selon laquelle il ne lui a pas été possible de retrouver certains des documents liés à ces projets au motif qu’ils auraient été conservés en dehors du système d’archivage. En effet, il n’est pas contesté que, comme indiqué dans le courriel du 29 mars 2019, certains de ces documents étaient anciens et remontaient déjà à plus de dix ans au début de l’examen de la demande d’accès. Or, s’agissant de documents anciens, l’absence d’archivage et, partant, l’indisponibilité présentent généralement un caractère plausible [voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2016, Strack/Commission, T‑221/08, EU:T:2016:242, point 67(non publié)].

39      Enfin, il y a lieu de relever que, dans le courriel du 29 mars 2019, la Commission avait déjà indiqué qu’elle n’avait pas encore retrouvé et identifié certains documents des catégories 1, 2 et 3. Si, par la suite, dans les décisions des 24 avril et 4 septembre 2019, la Commission n’a plus fait état de l’impossibilité de retrouver ces documents, cela peut s’expliquer par le fait qu’elle avait déjà décidé de limiter la demande d’accès à une partie des documents des catégories 4, 6 et 7 et en pratique renoncé à rechercher et à identifier les documents des autres catégories. En revanche, il est constant que, à la suite de l’arrêt d’annulation, la Commission a procédé à une nouvelle recherche de tous les documents visés par la demande d’accès et a ainsi retrouvé et identifié 300 documents. À cette occasion, la Commission a identifié, pour la première fois, 38 documents des catégories 1, 2 et 3 (23 documents de la catégorie 1, 5 documents de la catégorie 2 et 10 documents de la catégorie 3), sans toutefois retrouver l’ensemble des documents de ces trois catégories. Dès lors, il est logique que, dans la décision attaquée, la Commission ait de nouveau invoqué, cette fois de façon expresse et circonstanciée, l’impossibilité de retrouver certains documents des catégories 1, 2 et 3.

40      Dans ces conditions, le requérant n’apporte pas d’éléments permettant d’infirmer la déclaration de la Commission selon laquelle, malgré ses efforts, elle n’était pas parvenue à retrouver matériellement certains documents des catégories 1, 2 et 3. Dès lors, cette institution doit être regardée comme ayant démontré l’indisponibilité de ces documents.

41      Il s’ensuit que les arguments du requérant relatifs à la disponibilité des documents non retrouvés doivent être écartés.

b)      Sur la prise en compte du temps nécessaire à la recherche des documents non retrouvés

42      À cet égard, force est de constater que, contrairement à ce que soutient le requérant, la Commission ne s’est aucunement fondée, dans la décision attaquée, sur la circonstance selon laquelle le temps nécessaire pour retrouver les documents en cause serait excessif. En effet, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, ce n’est qu’après avoir procédé à une nouvelle recherche de tous les documents visés par la demande d’accès et avoir effectivement retrouvé et identifié 300 documents qu’elle a apprécié la charge de travail induite par l’examen de ces 300 documents et qu’elle a, en conséquence, confirmé la limitation unilatérale du champ d’application de ladite demande. En d’autres termes, la Commission n’a tenu compte de la charge de travail et du temps nécessaire à l’examen de la demande d’accès qu’au stade de l’analyse des documents effectivement retrouvés, et non au stade préalable de la recherche des documents faisant l’objet de cette demande.

43      Il s’ensuit que l’argument du requérant tiré de ce que la Commission ne pouvait pas refuser l’accès aux documents non retrouvés au motif que le temps nécessaire pour retrouver ces documents serait excessif manque en fait.

44      Partant, l’argumentation du requérant dirigée contre le refus d’accès aux documents non retrouvés par la Commission doit être écartée dans son ensemble.

2.      Sur le refus d’accès aux documents retrouvés, mais non examinés par la Commission du fait de la limitation unilatérale du champ d’application de la demande d’accès

45      Le requérant soutient, en substance, que la limitation unilatérale du champ d’application de la demande d’accès opérée par la Commission est illégale et contraire aux motifs de l’arrêt d’annulation. Il fait valoir que l’estimation faite par la Commission du temps nécessaire au traitement de cette demande est erronée et excessive. Il estime que la charge administrative invoquée par la Commission n’est pas disproportionnée au regard de la nécessité pour lui d’accéder à ces documents aux fins d’assurer sa défense devant les juridictions pénales et comptables italiennes. Il considère que la limitation unilatérale du nombre de projets constitue une restriction indue de son droit d’accès aux documents ainsi que de ses droits de la défense dans ces procédures. Enfin, il estime que la Commission s’est comportée de façon contradictoire et paradoxale et a fait preuve de mauvaise foi.

46      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

47      Les arguments du requérant peuvent être regroupés en quatre groupes selon qu’ils sont liés, premièrement, à l’obligation d’examen concret et individuel des documents, deuxièmement, à l’exécution de l’arrêt d’annulation, troisièmement, au respect des droits de la défense devant les juridictions italiennes et, quatrièmement, au comportement de la Commission.

a)      Sur l’obligation d’examen concret et individuel des documents

48      Aux termes de l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 :

« En cas de demande portant sur un document très long ou sur un très grand nombre de documents, l’institution concernée peut se concerter avec le demandeur de manière informelle afin de trouver un arrangement équitable. »

49      Selon une jurisprudence constante, une institution, lorsqu’elle reçoit une demande fondée sur le règlement no 1049/2001, est tenue, en principe, de procéder à un examen concret et individuel du contenu des documents visés dans la demande (voir, en ce sens, arrêts du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, EU:T:2005:125, points 69 à 74 ; du 22 mai 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑300/10, EU:T:2012:247, points 91 et 92, et du 25 septembre 2018, Psara e.a/Parlement, T‑639/15 à T‑666/15 et T‑94/16, EU:T:2018:602, points 103 et 104).

50      Le règlement no 1049/2001 ne comporte aucune disposition permettant expressément à l’institution, en l’absence d’arrangement équitable avec le demandeur, de limiter la portée de l’examen qu’elle est normalement tenue de réaliser en réponse à une demande d’accès (arrêt du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, EU:T:2005:125, point 96).

51      Il convient cependant de tenir compte de la possibilité qu’un demandeur présente, sur le fondement du règlement no 1049/2001, une demande d’accès portant sur un nombre manifestement déraisonnable de documents, le cas échéant pour des motifs futiles, et impose ainsi, du fait du traitement de sa demande, une charge de travail qui serait susceptible de paralyser de façon très substantielle le bon fonctionnement de l’institution (arrêts du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, EU:T:2005:125, point 101, et du 10 septembre 2008, Williams/Commission, T‑42/05, non publié, EU:T:2008:325, point 85).

52      C’est pourquoi, selon la jurisprudence, il découle du principe de proportionnalité que les institutions peuvent, dans des cas particuliers où le volume des documents auxquels l’accès est demandé ou celui des passages à censurer entraînerait une tâche administrative inappropriée, mettre en balance, d’une part, l’intérêt de l’accès du public aux documents et, d’autre part, la charge de travail qui découlerait du traitement de la demande d’accès afin de sauvegarder l’intérêt d’une bonne administration (arrêts du 6 décembre 2001, Conseil/Hautala, C‑353/99 P, EU:C:2001:661, point 30, et du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 27).

53      C’est ainsi à titre exceptionnel et uniquement lorsque la charge administrative provoquée par l’examen concret et individuel des documents se révélerait particulièrement lourde, dépassant ainsi les limites de ce qui peut être raisonnablement exigé, qu’une dérogation à l’obligation d’examen d’une demande d’accès peut être admise (arrêts du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, EU:T:2005:125, point 112, et du 14 décembre 2017, Evropaïki Dynamiki/Parlement, T‑136/15, EU:T:2017:915, point 79).

54      En outre, dans la mesure où le droit à l’accès à des documents détenus par les institutions constitue une solution de principe, c’est sur l’institution qui se prévaut d’une exception liée au caractère déraisonnable de la tâche requise par la demande que repose la charge de la preuve de son ampleur (arrêts du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, EU:T:2005:125, point 113, et du 14 décembre 2017, Evropaïki Dynamiki/Parlement, T‑136/15, EU:T:2017:915, point 80).

55      Enfin, lorsque l’institution a apporté la preuve du caractère déraisonnable de la charge administrative requise par l’examen concret et individuel des documents visés dans la demande, elle est dans l’obligation d’essayer de se concerter avec le demandeur afin, d’une part, de lui faire confirmer ou préciser son souhait d’obtenir la totalité ou seulement une partie des documents en cause et, d’autre part, d’envisager concrètement les options qui se présentent à elle pour l’adoption d’une mesure moins contraignante qu’un examen concret et individuel des documents. Dès lors que le droit d’accès aux documents représente le principe, l’institution reste néanmoins tenue, dans ce contexte, de privilégier l’option qui, tout en ne constituant pas elle-même une tâche dépassant les limites de ce qui peut être raisonnablement exigé, reste la plus favorable au demandeur (voir, en ce sens, arrêts du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, EU:T:2005:125, point 114, et du 14 décembre 2017, Evropaïki Dynamiki/Parlement, T‑136/15, EU:T:2017:915, point 81).

56      Il en résulte que l’institution ne peut se dispenser de tout examen concret et individuel qu’après avoir réellement étudié toutes les autres options envisageables et expliqué de façon circonstanciée, dans sa décision, les raisons pour lesquelles ces diverses options impliquent, elles aussi, une charge de travail déraisonnable (arrêts du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, EU:T:2005:125, point 115, et du 14 décembre 2017, Evropaïki Dynamiki/Parlement, T‑136/15, EU:T:2017:915, point 82).

57      En résumé, il résulte de la jurisprudence citée aux points 49 à 56 ci-dessus qu’une institution peut déroger à l’obligation d’examen concret et individuel d’une demande d’accès uniquement lorsque trois conditions cumulatives sont remplies. Premièrement, la charge de travail que représente l’examen concret et individuel des documents demandés doit s’avérer déraisonnable. Deuxièmement, l’institution doit avoir tenté de se concerter avec le demandeur. Troisièmement, l’institution doit avoir concrètement envisagé des solutions alternatives à un examen concret et individuel des documents demandés et être parvenue à la conclusion que ces diverses options seraient moins favorables au demandeur ou impliqueraient, elles aussi, une charge de travail déraisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, Evropaïki Dynamiki/Parlement, T‑136/15, EU:T:2017:915, point 83).

58      En l’espèce, la Commission a longuement justifié, dans la partie 2.1 de la décision attaquée, la limitation unilatérale du champ d’application de la demande d’accès.

59      Tout d’abord, la Commission a relevé que la demande d’accès couvrait 300 documents identifiés, soit au total 9 053 pages. Elle a alors calculé le temps nécessaire à l’examen de cette demande. Selon elle, la lecture et l’analyse des documents, au rythme de quatre pages par minute, nécessiteraient 75 jours de travail à temps plein d’un agent, auxquels il conviendrait d’ajouter 5,5 jours ouvrables pour la consultation des tiers auteurs de certains documents et 4 jours ouvrables pour la finalisation et la validation interne de la décision. Ainsi, l’examen de la demande nécessiterait au total 84,5 jours ouvrables. Le requérant ayant réitéré, postérieurement à l’arrêt d’annulation, son souhait d’avoir accès à l’ensemble des documents demandés, la Commission n’aurait pas eu d’autre choix que de limiter unilatéralement l’objet de la demande.

60      Ensuite, la Commission a relevé que les documents relevant du champ d’application de la demande d’accès telle que limitée par les décisions des 24 avril et 4 septembre 2019 étaient généralement très complexes et représentaient encore 1 266 pages. Le traitement de la demande d’accès ainsi limitée nécessiterait 10 jours de travail à temps plein d’un agent pour la lecture des documents, auxquels il conviendrait d’ajouter 5,5 jours ouvrables pour la consultation des tiers et 4 jours ouvrables pour la validation de la décision. Ainsi, l’examen de la demande après limitation prendrait au minimum 19,5 jours ouvrables, soit déjà plus que le délai de 15 jours prévu par le règlement no 1049/2001 pour le traitement d’une demande d’accès aux documents.

61      Enfin, la Commission a expliqué que les autres options possibles auraient été moins favorables au requérant que l’option retenue consistant à limiter la demande d’accès aux documents des catégories 4, 6 et 7 et aux projets Mosaica et Secure-Justice. En effet, d’une part, s’agissant des catégories de documents, les documents des catégories 4, 6 et 7 seraient parmi les plus volumineux, tandis que les documents de la catégorie 5 auraient dû être expurgés de nombreuses données à caractère personnel et que ceux des catégories 1, 2 et 3 n’auraient pas pu être tous retrouvés. D’autre part, s’agissant des projets, le choix des projets Mosaica et Secure-Justice aurait permis de donner accès à deux projets au lieu d’un seul projet plus volumineux ainsi qu’à un plus grand nombre de pages, alors que le choix d’autres projets aurait soit limité le volume des documents divulgués soit excédé la charge de travail maximale que la Commission aurait pu consacrer à l’examen d’une demande d’accès aux documents tout en respectant les délais prévus par le règlement no 1049/2001.

62      Il y a lieu de vérifier, au regard notamment des arguments du requérant, si, en procédant à une limitation unilatérale du champ d’application de la demande d’accès, la Commission a méconnu l’obligation d’examen concret et individuel d’une demande d’accès aux documents qui lui incombe conformément à la jurisprudence rappelée aux points 49 à 56 ci-dessus, telle que résumée dans les trois conditions cumulatives énoncées au point 57 ci-dessus.

1)      Sur la condition relative à la charge de travail déraisonnable induite par le traitement de la demande d’accès

63      S’agissant de la première condition énoncée au point 57 ci-dessus, relative à la charge de travail déraisonnable induite par le traitement de la demande d’accès, le requérant conteste, d’une part, l’estimation faite par la Commission du temps de travail nécessaire à ce traitement et, d’autre part, le caractère disproportionné de la charge de travail induite par ce traitement.

64      En premier lieu, en ce qui concerne l’estimation faite par la Commission du temps de travail nécessaire au traitement de la demande d’accès, le requérant formule, en substance, quatre arguments.

65      Premièrement, le requérant soutient que la Commission n’a pas tenu compte de la grande hétérogénéité des documents demandés, constitués en grande partie de plans, de graphiques, de schémas et de factures dont l’examen pourrait être rapide.

66      À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission a constaté dans la décision attaquée que les documents demandés présentaient différents niveaux de complexité. Elle a notamment indiqué que, parmi les documents de la catégorie 4, à savoir les contrats et leurs annexes et avenants, seules les conditions générales desdits contrats pouvaient être considérées comme des documents simples pouvant être examinés de façon superficielle dans la mesure où elles ne contenaient pas d’informations ou de données à caractère personnel susceptibles de relever des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001. Elle a également expliqué que les autres documents, tels que les descriptions de travaux incluses dans les annexes des contrats (catégorie 4), les rapports d’audit (catégorie 7) et les rapports de contrôle (catégorie 6), étaient des documents beaucoup plus complexes car ils présenteraient un caractère technique ou requéraient des connaissances dans le domaine financier. De même, les rapports relevant des catégories 1 à 3 contiendraient des informations spécifiques aux différents projets et ne seraient pas standardisés.

67      Il ressort ainsi de la décision attaquée que la Commission, d’une part, n’a pas ignoré l’hétérogénéité des documents demandés et, d’autre part, a expliqué, de façon circonstanciée, pourquoi de nombreux documents présentaient un caractère complexe. Il s’ensuit que la décision attaquée tient compte du degré de complexité des documents demandés.

68      Or, le requérant se contente de formuler une critique d’ordre général et ne présente pas d’arguments circonstanciés remettant en cause les explications fournies par la Commission quant aux différents niveaux de complexité des documents demandés.

69      En particulier, la Commission fait valoir dans son mémoire en défense, sans être démentie par le requérant, qu’un examen même superficiel des documents effectivement divulgués au requérant contredit l’affirmation de ce dernier selon laquelle les documents demandés étaient, de façon générale, constitués en grande partie de plans, de graphiques, de schémas et de factures. Elle indique également, à juste titre et sans être contredite par le requérant, que même un schéma, un graphique ou une facture peuvent contenir des informations susceptibles de relever des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001.

70      Deuxièmement, le requérant fait valoir que l’agent de la Commission chargé d’examiner les documents demandés ne devait pas les analyser au fond, mais seulement évaluer s’ils pouvaient être divulgués.

71      À cet égard, il convient d’observer que la Commission a expliqué dans la décision attaquée que l’agent devait non seulement lire les documents demandés, mais également analyser leur contenu afin de déterminer s’ils contenaient des informations susceptibles de relever des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001. Elle a également évalué le temps de lecture de ces documents en se fondant sur une vitesse de lecture de quatre pages par minute et en citant un article scientifique selon lequel une personne pourrait lire en moyenne 238 mots par minute.

72      Or, le requérant ne conteste pas la nécessité de lire, même rapidement, et d’analyser, même succinctement, le contenu des documents demandés afin de décider s’ils peuvent être divulgués. S’agissant des calculs effectués par la Commission pour évaluer le temps de lecture et d’analyse de ces documents, il se borne à indiquer que ces calculs sont « vagues » sans formuler aucune critique circonstanciée.

73      Troisièmement, le requérant relève que les documents demandés ont déjà été « examinés » en 2019.

74      Cet argument est dépourvu de toute pertinence dans la mesure où l’estimation de la charge de travail induite par le traitement de la demande d’accès doit être effectuée objectivement et ne saurait dépendre du point de savoir si ces documents ont déjà été « examinés » par la Commission lors de l’adoption d’une précédente décision. Au demeurant, le Tribunal a jugé dans l’arrêt d’annulation que l’estimation de cette charge de travail effectuée par la Commission en 2019 était insuffisante (voir point 11 ci-dessus).

75      Quatrièmement, le requérant reproche à la Commission d’avoir, à tort, pris en compte, tout d’abord, le temps nécessaire à la recherche des documents, ensuite, le temps passé à consulter les tiers et, enfin, le temps correspondant aux procédures internes à la Commission. Il estime que ces différents temps ne pouvaient être pris en considération aux fins de calculer le temps nécessaire au traitement de la demande d’accès.

76      Tout d’abord, s’agissant du temps nécessaire à la recherche des documents, force est de constater que, contrairement à ce que prétend le requérant, la Commission n’a pas tenu compte des opérations de recherche des documents pour évaluer le temps nécessaire à l’analyse des documents effectivement retrouvés. Il s’ensuit que l’argumentation du requérant tirée de la prise en compte, à tort, du temps de recherche des documents manque en fait.

77      Ensuite, s’agissant du temps nécessaire à la consultation des tiers, il y a lieu de relever que l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001 prévoit que, dans le cas de documents de tiers, l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue à l’article 4, paragraphes 1 ou 2, du même règlement est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué.

78      Il a également été jugé que, même en cas de consultation de tiers, l’institution devait statuer sur une demande d’accès aux documents dans les délais impératifs, de quinze jours ouvrables et éventuellement prorogés, prévus aux articles 7 et 8 du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 2007, Suède/Commission, C‑64/05 P, EU:C:2007:802, point 86, et du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, EU:T:2010:15, point 70).

79      Dès lors, le délai de consultation des tiers est nécessairement inclus dans le délai imparti à la Commission pour statuer sur une demande d’accès aux documents. Il s’ensuit que le requérant n’est pas fondé à reprocher à la Commission d’avoir pris en compte un délai de 5,5 jours pour la consultation des tiers, dont il n’allègue d’ailleurs pas le caractère excessif.

80      Enfin, s’agissant du temps correspondant aux procédures internes à la Commission, le requérant se borne à prétendre qu’il ne serait pas pertinent et ne conteste pas la nécessité de préparer et d’adopter une décision formalisée statuant sur une demande d’accès aux documents. Il s’ensuit que le requérant n’est pas fondé à reprocher à la Commission d’avoir pris en compte un délai de 4 jours de travail pour la finalisation et la validation interne de la décision, dont il n’allègue d’ailleurs pas davantage le caractère excessif.

81      Dans ces conditions et compte tenu de l’ensemble des éléments examinés aux points 64 à 80 ci-dessus, le requérant n’établit pas, par les arguments qu’il invoque, le caractère erroné ou excessif de l’estimation faite par la Commission du temps de travail nécessaire au traitement de la demande d’accès.

82      En second lieu, en ce qui concerne le caractère déraisonnable de la charge de travail induite par le traitement de la demande d’accès, le requérant fait valoir, en substance, que la Commission aurait dû tenir compte de sa situation personnelle spécifique et mettre en balance, d’une part, la charge de travail induite par le traitement de la demande d’accès et, d’autre part, la nécessité pour lui de disposer des documents demandés afin de se défendre dans le cadre des procédures pénales et en responsabilité administrative-comptable engagées contre lui en Italie et d’éviter ainsi une condamnation lui infligeant une peine privative de liberté ou l’obligeant à rembourser des sommes à la Commission. Or, en l’espèce, la charge de travail induite par le traitement de la demande d’accès ne serait pas disproportionnée au regard du respect de ses droits de la défense.

83      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le règlement no 1049/2001 a pour objet d’ouvrir un droit d’accès du public en général aux documents des institutions et non d’édicter des règles destinées à protéger l’intérêt spécifique que telle ou telle personne pourrait avoir à accéder à l’un de ceux‑ci (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 43, et ordonnance du 6 novembre 2019, Hércules Club de Fútbol/Commission, C‑332/19 P, non publiée, EU:C:2019:948, points 5 et 6). En d’autres termes, ce règlement a vocation à garantir l’accès de tous aux documents publics et non seulement l’accès du demandeur à des documents le visant (arrêt du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, EU:T:2005:143, point 50).

84      Il s’ensuit que la demande d’accès du requérant devait être examinée de la même façon que l’aurait été une demande émanant de toute autre personne (voir, par analogie, arrêt du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, EU:T:2006:190, point 82).

85      Dans ces conditions, la mise en balance des intérêts que la Commission devait effectuer en vertu de la jurisprudence rappelée au point 52 ci-dessus ne pouvait se faire qu’au regard, d’une part, de la charge de travail induite par le traitement de la demande d’accès et, d’autre part, de l’intérêt de l’accès du public aux documents demandés. En revanche, il n’y avait pas lieu de tenir compte de la situation personnelle spécifique du requérant et notamment de son intérêt privé à disposer de ces documents afin de se défendre dans le cadre des procédures pénales et en responsabilité administrative-comptable engagées contre lui en Italie (voir, en ce sens et par analogie, arrêt d’annulation, points 27 et 30).

86      Or, d’une part, il résulte de l’estimation faite par la Commission du temps de travail nécessaire au traitement de la demande d’accès (voir point 59 ci-dessus) qu’un tel traitement – qui implique un examen concret et individuel de l’ensemble des documents demandés – représenterait une charge de travail considérable et serait ainsi susceptible de nuire à une bonne administration.

87      D’autre part, le requérant ne fait valoir aucun argument tiré de l’intérêt de l’accès du public en général à l’ensemble des documents demandés.

88      Il s’ensuit que, dans les circonstances de l’espèce, la Commission doit être regardée comme établissant le caractère déraisonnable de la charge de travail qui découlerait du traitement de la demande d’accès.

2)      Sur la condition relative à l’obligation pour la Commission de tenter de se concerter avec le requérant

89      S’agissant de la deuxième condition énoncée au point 57 ci-dessus, relative à l’obligation pour la Commission de tenter de se concerter avec le requérant, il y a lieu de rappeler dans quel contexte cette institution a opéré une limitation unilatérale du champ d’application de la demande d’accès.

90      À cet égard, il est constant que, par courriel du 29 mars 2019, la Commission a proposé au requérant un arrangement équitable au sens de l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001. Elle a demandé au requérant de préciser et de réduire la portée de la demande d’accès et lui a proposé de limiter le nombre de projets et de catégories de documents concernés par cette demande (voir point 5 ci-dessus). Cependant, par lettre du 1er avril 2019, le requérant a répondu qu’il ne lui était pas possible de réduire la portée de la demande d’accès (voir point 6 ci-dessus). Par la suite, le requérant a toujours contesté la limitation unilatérale du champ d’application de la demande d’accès et refusé de réduire la portée de cette demande.

91      Il s’ensuit que la Commission a satisfait à son obligation de tenter de se concerter avec le requérant, ce que ce dernier ne conteste d’ailleurs pas.

3)      Sur la condition relative à l’obligation pour la Commission d’envisager des solutions alternatives

92      S’agissant de la troisième condition énoncée au point 57 ci-dessus, relative à l’obligation pour la Commission d’envisager des solutions alternatives et de justifier que ces diverses options seraient moins favorables au demandeur ou impliqueraient, elles aussi, une charge de travail déraisonnable, il y a lieu de constater que la Commission a examiné et écarté des solutions alternatives dans la décision attaquée.

93      En effet, il résulte du point 61 ci-dessus que la Commission a envisagé d’autres options possibles consistant à limiter la demande d’accès selon d’autres critères et à sélectionner aux fins d’un examen concret et individuel des documents relevant soit d’autres catégories que les catégories 4, 6 et 7 soit d’autres projets que les projets Mosaica et Secure-Justice. Elle a cependant expliqué, de façon circonstanciée, que ces autres options auraient, les unes, été moins favorables au requérant, en ce qu’elles auraient limité le nombre ou le volume des documents divulgués ou encore conduit à la divulgation de documents expurgés de nombreuses données à caractère personnel, et les autres, excédé la charge de travail maximale qu’elle aurait pu consacrer à l’examen d’une demande d’accès aux documents tout en respectant les délais prévus par le règlement no 1049/2001.

94      Le requérant ne conteste aucunement les explications données par la Commission quant à l’examen de solutions alternatives et se borne à réitérer son souhait d’accéder à l’ensemble des documents demandés.

95      Par ailleurs, dans sa requête, le requérant ne conteste pas davantage le choix initial de la Commission, fait dans la décision du 24 avril 2019, de limiter le champ d’application de la demande aux documents de trois catégories (catégories 4, 6 et 7) relatifs à deux projets (projets Mosaica et Secure-Justice). À cet égard, le Tribunal a estimé au point 55 de l’arrêt d’annulation que, en l’absence de toute indication de la part du requérant quant à une éventuelle sélection des projets revêtant pour lui une pertinence particulière, la méthode de sélection des projets par tirage au sort n’était pas, dans cette situation, critiquable.

96      Il est vrai que, dans la réplique, le requérant semble regretter que la Commission ne lui ait communiqué aucun document des catégories 1, 2 et 3. Cependant, il convient de noter qu’il n’a jamais exprimé avant l’édiction de la décision attaquée une quelconque préférence en faveur d’un examen et d’une divulgation prioritaires des documents de ces trois catégories. De plus, il ne conteste pas la circonstance que la Commission n’a retrouvé qu’un petit nombre de documents, peu volumineux, se rattachant auxdites catégories, à savoir 38 documents représentant 142 pages d’après le tableau annexé à la décision attaquée (voir points 26 et 39 ci-dessus).

97      Dans ces conditions, la Commission doit être regardée comme ayant satisfait à son obligation d’envisager des solutions alternatives et de justifier que ces diverses options seraient moins favorables au demandeur ou impliqueraient, elles aussi, une charge de travail déraisonnable.

98      Il s’ensuit que les trois conditions cumulatives rappelées au point 57 ci-dessus sont remplies en l’espèce, de sorte que les arguments du requérant tirés de la violation de l’obligation d’examen concret et individuel des documents doivent être écartés.

b)      Sur l’exécution de l’arrêt d’annulation

99      Le requérant soutient que la Commission a manifestement ignoré les motifs de l’arrêt d’annulation et ne s’y est conformée que de façon purement apparente. En particulier, elle aurait tenu compte, d’une part, du temps nécessaire à la recherche des documents et, d’autre part, du temps correspondant à ses procédures internes alors que le Tribunal aurait jugé ces temps non pertinents.

100    Aux termes de l’article 266, premier alinéa, TFUE :

« L’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé […] est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. »

101    L’article 266 TFUE impose à l’institution concernée d’éviter que tout acte destiné à remplacer l’acte annulé soit entaché des mêmes irrégularités que celles identifiées dans l’arrêt d’annulation (voir arrêt du 29 avril 2004, IPK-München et Commission, C‑199/01 P et C‑200/01 P, EU:C:2004:249, point 83 et jurisprudence citée).

102    En l’espèce, à supposer que le requérant ait entendu invoquer un moyen distinct tiré de la violation des dispositions de l’article 266 TFUE, il ne formule pas d’arguments spécifiques et circonstanciés à cet égard autres que ceux relatifs à la prise en compte de certains temps aux fins d’évaluer le temps nécessaire à l’analyse des documents effectivement retrouvés.

103    Or, d’une part, s’agissant du temps nécessaire à la recherche des documents, dont le Tribunal a effectivement exclu la prise en compte au point 54 de l’arrêt d’annulation, il a déjà été relevé que, contrairement à ce que prétend le requérant, la Commission n’avait pas tenu compte de ce temps (voir point 76 ci-dessus). D’autre part, s’agissant du temps correspondant aux procédures internes à la Commission, le Tribunal n’a aucunement exclu sa prise en compte dans l’arrêt d’annulation.

104    Par ailleurs et en tout état de cause, il ne ressort pas de la décision attaquée que celle-ci soit entachée d’une insuffisance ou d’une irrégularité identique à celles identifiées dans l’arrêt d’annulation.

105    Dans ces conditions, le requérant n’est pas fondé à soutenir que la Commission aurait méconnu les motifs de l’arrêt d’annulation.

c)      Sur le respect des droits de la défense devant les juridictions italiennes

106    Le requérant fait valoir, en substance, que, en limitant le champ d’application de la demande d’accès, la Commission a restreint ses droits de la défense dans le cadre des procédures pénales et en responsabilité administrative-comptable engagées contre lui en Italie.

107    À cet égard, il y a lieu de rappeler que les droits de la défense dans le cadre de procédures judiciaires nationales ne sauraient trouver à s’exercer spécifiquement par le recours aux mécanismes d’accès du public aux documents mis en place par le règlement no 1049/2001. Il s’ensuit que la méconnaissance éventuelle des droits de la défense dans de telles procédures ne saurait résulter d’une décision de refus d’accès adoptée au titre de ce règlement ni, dès lors, donner lieu à censure juridictionnelle, à la faveur d’un recours en annulation dirigé contre une telle décision (voir, par analogie avec une procédure juridictionnelle devant le juge de l’Union, arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, points 48 et 52).

108    Dès lors, l’argument du requérant tiré de la restriction de ses droits de la défense dans le cadre des procédures pénales et en responsabilité administrative-comptables engagées contre lui en Italie doit être écarté comme inopérant.

d)      Sur le comportement de la Commission

109    Le requérant estime, en substance, que la Commission a agi de façon contradictoire et paradoxale en demandant aux juridictions comptables italiennes de le condamner à réparer des préjudices financiers liés à l’ensemble des douze projets en cause tout en lui accordant uniquement l’accès à des documents relatifs à deux de ces projets. De surcroît, la Commission n’aurait pas sélectionné de façon aléatoire les documents à divulguer puisqu’elle aurait « comme par hasard » exclu tous les documents des catégories 1, 2 et 3, lesquels seraient décisifs pour déterminer si les dépenses engagées dans le cadre desdits projets étaient éligibles. Enfin, la Commission serait de mauvaise foi dans la mesure où elle aurait adopté la décision attaquée dix mois après le prononcé de l’arrêt d’annulation et uniquement après l’introduction par le requérant d’un recours en indemnité visant à la réparation des préjudices causés par le comportement antérieur de la Commission.

110    À cet égard, tout d’abord, il résulte de ce qui a été relevé aux points 83 à 85 et 107 ci-dessus que le comportement de la Commission devant les juridictions comptables italiennes et les éventuelles conséquences de ce comportement sur les droits de la défense du requérant devant ces juridictions ne sauraient avoir une incidence sur le droit de ce dernier d’accéder aux documents demandés.

111    Ensuite, les éléments invoqués par le requérant sont insuffisants aux fins d’établir que la Commission aurait fait preuve d’un comportement partial ou inéquitable à son encontre ou encore commis un détournement de pouvoir en limitant unilatéralement le champ d’application de la demande d’accès à 28 documents relevant de trois catégories (catégories 4, 6 et 7) et de deux projets (projets Mosaica et Secure-Justice). En effet, en l’absence de toute indication du requérant exprimant une préférence en faveur d’un examen et d’une divulgation prioritaires des documents de certaines catégories ou de certains projets, la Commission pouvait procéder à un tirage au sort aux fins de sélectionner les documents à examiner et à divulguer (voir, en ce sens, point 95 ci-dessus). De plus, la Commission a expliqué dans la décision attaquée que les autres options possibles, consistant à sélectionner d’autres projets ou d’autres catégories de documents, auraient été moins favorables au requérant (voir points 61 et 93 ci-dessus) et le requérant n’est pas parvenu à infirmer ce constat (voir points 94 à 97 ci-dessus).

112    Enfin, la seule circonstance que la Commission ait tardé à adopter la décision attaquée après le prononcé de l’arrêt d’annulation ne suffit pas à établir une violation du principe de bonne foi par cette institution, non plus qu’à entacher cette décision d’une illégalité justifiant son annulation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 mai 2018, Malte/Commission, T‑653/16, EU:T:2018:241, point 86 et jurisprudence citée).

113    Dans ces conditions, les arguments du requérant tirés du comportement de la Commission doivent être écartés. Il en va de même, par voie de conséquence, de l’ensemble de l’argumentation du requérant dirigée contre le refus d’accès aux documents retrouvés, mais non examinés par la Commission du fait de la limitation unilatérale du champ d’application de la demande d’accès.

114    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

115    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

116    Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Giorgio Basaglia est condamné aux dépens.

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Dimitrakopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.