Language of document : ECLI:EU:T:2006:44

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

7 février 2006(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative COMP USA – Marque figurative nationale antérieure COMP USA – Absence de similitude des produits et services – Rejet de l’opposition – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑202/03,

Alecansan, SL, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes M. Baylos Morales, P. Merino Baylos, J. Arribas García, A. Velázquez Ibáñez et A. Angulo Lafora, avocats, 

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. D. Botis et A. Folliard‑Monguiral, en qualité d’agents, 

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

CompUSA Management Co., établie à Dallas (États‑Unis), représentée par M. P. Brownlow, solicitor, 

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 24 mars 2003 (affaire R 711/2002‑1), relatif à une procédure d’opposition entre Alecansan, SL et CompUSA Management Co.,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García‑Valdecasas et Mme V. Trstenjak, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 2 juin 2003,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 23 janvier 2004,

à la suite de l’audience du 7 juin 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1       Le 8 juin 1998, CompUSA Management Co. (ci-après la « partie intervenante ») a présenté, en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), une demande d’enregistrement comme marque communautaire de la marque figurative COMPUSA, reproduite ci-après :

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2       Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 37 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–       classe 9 : « Matériel informatique ; logiciels » ; 

–       classe 37 : « Inspection et réparation de circuits et composants électroniques de matériel informatique » ;

–       classe 42 : « Vente au détail aux particuliers, entreprises et organismes publics d’ordinateurs et de logiciels ».

3       Le 2 novembre 1998, la partie intervenante a retiré sa demande d’enregistrement pour les services relevant de la classe 42. Le 26 avril 1999, la demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 33/1999.

4       Le 22 juillet 1999, la requérante a formé une opposition, en vertu de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’enregistrement de la marque demandée, en invoquant l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 40/94. L’opposition était fondée sur la marque figurative nationale antérieure n° 2 133 202, enregistrée en Espagne pour les services « transport, emballage et entreposage de marchandises, organisation de voyages » relevant de la classe 39 au sens de l’arrangement de Nice, reproduite ci-après :

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5       L’opposition visait, en ce qui concerne la marque demandée, les produits et services relevant des classes 9 et 37.

6       Par décision du 17 juin 2002, la division d’opposition a rejeté l’opposition au motif que les services désignés par la marque nationale antérieure et les produits et services visés par la marque demandée n’étaient ni identiques ni similaires.

7       Le 14 août 2002, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition.

8       Par décision du 24 mars 2003 (ci‑après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré qu’il n’y avait aucune similitude entre les produits et les services en cause et, partant, qu’il ne pouvait y avoir de risque de confusion entre la marque demandée et la marque nationale antérieure dans l’esprit du public pertinent, bien que les signes en conflit fussent presque identiques.

 Procédure et conclusions des parties

9       Par requête rédigée en langue espagnole et déposée au greffe du Tribunal le 2 juin 2003, la requérante a introduit le présent recours. La partie intervenante n’a présenté aucun mémoire ni aucune conclusion.

10     Par lettre du 16 juillet 2003, la partie intervenante s’est opposée au choix de l’espagnol comme langue de procédure et a demandé que l’anglais soit désigné comme langue de procédure.

11     En vertu de l’article 131, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier a désigné l’anglais comme langue de procédure, étant donné que la partie intervenante avait déposé la demande de marque contestée dans cette langue, en application de l’article 115, paragraphe 1, du règlement no 40/94.

12     Les parties principales ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 7 juin 2005.

13     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       annuler la décision de la division d’opposition du 17 juin 2002 ;

–       déclarer que la marque demandée et la marque antérieure dont elle est titulaire sont « incompatibles » en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 ;

–       refuser l’enregistrement de la marque demandée en ce qui concerne les produits et services relevant des classes 9 et 37 ;

–       condamner les parties défenderesse et intervenante aux dépens.

14     L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours dans son intégralité ;

–       condamner la requérante aux dépens.

15     Lors de l’audience, la requérante, en précisant qu’elle se contenterait de l’annulation de la décision attaquée, a maintenu ses conclusions en annulation de cette décision ainsi que celles relatives à la condamnation aux dépens et s’est désistée de tous ses autres chefs de conclusions. L’OHMI ayant été entendu, le Tribunal a pris acte de ce désistement.

 En droit

16     À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Ce moyen se divise en deux branches tirées, d’une part, de l’appréciation erronée du risque de confusion et, d’autre part, de l’absence de prise en compte de la jurisprudence espagnole relative au risque de confusion. 

 Sur la première branche du moyen unique relative à l’appréciation erronée du risque de confusion

 Arguments des parties

17     Selon la requérante, la chambre de recours a apprécié de manière erronée le risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, en ce qu’elle n’a pas apprécié globalement ce risque en tenant compte de tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

18     Le risque de confusion devrait être apprécié en fonction de deux facteurs, à savoir, d’une part, la similitude ou l’identité des signes et, d’autre part, la similitude ou l’identité des produits ou des services désignés. La jurisprudence de la Cour exigerait néanmoins une appréciation globale du risque de confusion tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 22 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 16, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 18).

19     La requérante en insistant en premier lieu sur l’identité des noms des marques et sur la similarité des signes en cause, fait valoir que, en l’espèce, le risque de confusion est d’autant plus grand que les titulaires des marques en conflit sont des entreprises exerçant toutes les deux dans le domaine des nouvelles technologies. Dans de telles circonstances, les consommateurs confrontés aux deux marques identiques COMPUSA pourraient croire que les produits et les services désignés par celles-ci proviennent de la même entreprise ou qu’il existe, au moins, un lien juridique ou économique entre les deux entreprises.

20     L’appréciation globale du risque de confusion implique, selon la requérante, une certaine interdépendance entre les deux facteurs pris en compte pour apprécier le risque de confusion, à savoir la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés pourrait être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement.

21     Le principe d’interdépendance, qui serait une forme de compensation entre les deux facteurs déterminant l’appréciation du risque de confusion, serait particulièrement pertinent dans la présente affaire dans laquelle il y aurait, d’une part, une identité complète des noms et, d’autre part, une similitude entre les produits et les services de la requérante et ceux de la partie intervenante, les services de la première étant liés aux produits de la seconde. Une telle similitude résultant de l’usage ou de la destination des produits et des services aurait été admise par l’arrêt du Tribunal du 9 avril 2003, Durferrit/OHMI – Kolene (NU-TRIDE) (T‑224/01, Rec. p. II‑1589, point 40). En effet, selon la requérante, si le principe d’interdépendance s’applique habituellement dans le cas où il y a une similitude des noms ou des produits et services, il en est également de même dans les cas où il y a, d’une part, une totale similitude des noms et, d’autre part, une similitude certaine des produits ou services du fait de leur destination ou de leur objet. La similitude des produits ou des services serait dans ce dernier cas évidente au regard des critères énoncés par la jurisprudence pour apprécier le risque de confusion et serait renforcée en l’espèce par l’identité des secteurs d’activité en cause. La constatation du caractère pratiquement identique des secteurs d’activité des titulaires des deux marques renforcerait encore cette similitude.

22     Pour apprécier la similitude entre les produits ou services en cause, il y aurait donc lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services, ce que l’OHMI n’aurait pas fait en l’espèce.

23     Lors de l’audience, la requérante a précisé, en se référant aux annexes de la requête, qu’il n’y a, en principe, aucune relation entre les services de voyage compris dans la classe 39 de l’arrangement de Nice et les produits informatiques relevant de la classe 9. Cependant, il y aurait en l’espèce une relation entre ses services de transport de la marque COMPUSA et les produits informatiques de la marque demandée. En effet, il ressortirait de ces annexes que la partie intervenante vend ses produits informatiques par Internet. Ainsi, il serait indispensable, afin que ces produits puissent être livrés, qu’elle utilise un service de transport de marchandises. Il serait évident que, sans un tel service de transport, la partie intervenante ne pourrait pas développer son activité. Il y aurait donc une complémentarité entre les services de la requérante désignés par la marque nationale antérieure et ceux de la partie intervenante, et, partant, une similitude entre les produits et les services en cause.

24     L’OHMI répond que l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance de la marque sur le marché, de l’association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, du degré de similitude entre la marque antérieure et le signe demandé et entre les produits ou services désignés. Un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés pourrait être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêt SABEL, précité, point 22).

25     Il serait nécessaire, même dans l’hypothèse où il y aurait une identité avec une marque dont le caractère distinctif est particulièrement fort, d’apporter la preuve d’une similitude entre les produits ou les services désignés, parce qu’un risque de confusion présupposerait une identité ou une similitude entre les produits ou services désignés (arrêt Canon, précité, point 22). La similitude entre les produits et les services en cause serait, par conséquent, une condition sine qua non de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94. Or, celle-ci ferait défaut en l’espèce.

26     En ce qui concerne l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits et des services, l’OHMI soutient que l’absence de similitude entre les produits et les services en cause ne laisse aucune place à une appréciation globale des autres facteurs ni à l’application du principe d’interdépendance. La similitude des signes en tant que telle ne saurait influencer l’appréciation de la similitude des produits et des services.

27     En ce qui concerne la similitude des produits et des services désignés, l’OHMI soutient qu’il y a lieu d’examiner si les circonstances auxquelles se réfère la requérante sont pertinentes pour la comparaison des produits et si ces circonstances exercent une influence sur l’appréciation du risque de confusion, avant qu’il ne soit procédé à l’examen de la similitude des produits et des services en cause.

28     Lors de l’audience, l’OHMI a souligné que les conditions d’usage de la marque antérieure et de la marque demandée ne sont pas pertinentes, parce que le risque de confusion doit être apprécié uniquement sur la base des signes en cause et de la liste des biens et services désignés par les marques en conflit.

29     En l’espèce, les services protégés par la marque antérieure seraient le transport, l’emballage et l’entreposage des marchandises et l’organisation de voyages et non les services de transport et de distribution de matériels de haute technologie auxquels se réfère la requérante.

30     L’OHMI fait observer à cet égard que la requérante reconnaît que les services de distribution et de vente ne pouvaient pas être protégés au vu de la pratique de l’Officina Española de Patentes y Marcas (Office espagnol de brevets et de marques) au moment de l’introduction de la demande d’enregistrement de la marque antérieure auprès des autorités nationales. Conférer une protection à ces services aurait pour effet d’étendre de manière indue le monopole de la requérante en reconnaissant des droits de marque qui n’ont jamais été enregistrés. Dès lors, s’il y avait un risque de confusion entre les deux marques, comme le soutient la requérante, ce risque ne pourrait résulter que de l’usage que fait la requérante de sa marque pour des services qui ne sont pas protégés.

31     En revanche, selon l’OHMI, les biens et les services tels que désignés par les deux marques en cause ne sont pas similaires. L’allégation de la requérante, selon laquelle la partie intervenante vendrait au détail des matériels de haute technologie produits par d’autres entreprises ne serait d’ailleurs pas exacte, du moins en ce qui concerne le territoire en cause, les documents annexés à la requête portant sur les ventes réalisées aux États-Unis d’Amérique.

32     Les services visés par la marque antérieure n’auraient en outre aucune relation avec les biens et les services couverts par la demande de marque et le fait que des entreprises fournissant des services de logistique transportent et entreposent des ordinateurs n’affecte pas la conclusion selon laquelle les biens et les services désignés par les marques en conflit sont de nature différente, qu’ils ont des finalités différentes et qu’ils ne visent pas les mêmes consommateurs.

33     Enfin, l’OHMI considère que le fait d’admettre, dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion, que l’absence évidente de similitude des produits et des services puisse être compensée par la seule similitude des signes aurait pour effet que chaque marque jouirait d’une protection absolue par rapport à tous les signes identiques ou très similaires pour tout produit. Une telle solution serait contraire au libellé et à l’esprit de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, puisqu’elle s’affranchirait de la condition relative à la similitude des produits ou des services énoncée par cette disposition.

 Appréciation du Tribunal

34     Il est de jurisprudence constante que le risque de confusion quant à l’origine commerciale des produits doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 31 à 33, et la jurisprudence citée].

35     Toutefois, un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 présuppose à la fois une identité ou une similitude entre la marque demandée et la marque antérieure et une identité ou une similitude des produits ou services visés dans la demande d’enregistrement et de ceux pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée. Il s’agit là de conditions cumulatives [arrêts de la Cour Canon, précité, point 22, concernant les dispositions de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), et du 12 octobre 2004, Vedial/OHMI, C‑106/03 P, Rec. p. I‑9573, point 51, concernant l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94]. Partant, même dans l’hypothèse de l’existence d’une identité du signe demandé avec une marque dont le caractère distinctif est particulièrement fort, il reste nécessaire d’établir la présence d’une similitude entre les produits et les services désignés par les marques opposées [arrêt du Tribunal du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, non encore publié au Recueil, point 53 ; voir également, par analogie, arrêt Canon, précité, point 22].

36     Il est constant en l’espèce, d’une part, que le public pertinent est le consommateur moyen final espagnol et, d’autre part, que les signes en conflit sont identiques au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 du point de vue phonétique. Ils sont presque identiques également du point de vue visuel.

37     Dès lors, il convient d’examiner, s’il existe une similitude entre les produits et les services, à savoir, d’une part, les services désignés par la marque antérieure espagnole COMPUSA no 2 133 202, compris dans la classe 39, à savoir les « transport, emballage et entreposage de marchandises, organisation de voyages » et, d’autre part, les produits et les services désignés par la demande d’enregistrement de la marque COMPUSA, compris dans les classes 9 et 37, à savoir les « matériel informatique ; logiciels » et « inspection et réparation de circuits et composants électroniques de matériel informatique ».

38     Dans ce contexte, il y a tout d’abord lieu de relever que, comme le rappelle la règle n° 2, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), la classification des produits et des services effectuée par l’arrangement de Nice l’est à des fins exclusivement administratives. Des produits et des services ne peuvent, par conséquent, être considérés comme étant non similaires au seul motif qu’ils figurent, comme en l’espèce, dans des classes différentes de cette classification [arrêt du Tribunal du 13 décembre 2004, El Corte Inglés/OHMI – Pucci (Emilio Pucci), T‑8/03, non encore publié au Recueil, point 40].

39     Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude des produits et des services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces services, ces facteurs incluant, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire [arrêts du Tribunal du 4 novembre 2003, Díaz/OHMI – Granjas Castelló (CASTILLO), T‑85/02, Rec. p. II‑4835, point 32, et Emilio Pucci, précité, point 41 ; voir également, par analogie, arrêt Canon, précité, point 23].

40     Ainsi, en l’espèce, la circonstance alléguée par la requérante, selon laquelle les services de vente, la vente du matériel informatique ainsi que les diverses prestations de nature informatique et numérique au détail fournies par Internet de la partie intervenante présentent un lien avec les services de transport de la requérante, ne suffit pas pour que ces services puissent être considérés comme similaires, s’ils diffèrent sensiblement par ailleurs au regard de tous les facteurs pertinents qui caractérisent leurs rapports.

41     La décision attaquée a tenu compte de facteurs pertinents qui sont, premièrement, les consommateurs des produits offerts par les deux titulaires des marques et les clients des services offerts par eux et, deuxièmement, les voies de distribution ou points de vente.

42     À cet égard, l’OHMI a relevé à juste titre que les clients espagnols de la requérante ne sont pas les mêmes que ceux de la partie intervenante et que ces clients ne vont pas se procurer les produits ou les services en cause dans les mêmes lieux. Si, en effet, la clientèle des deux entreprises est constituée de consommateurs moyens espagnols, les consommateurs contractant les services de transport de la requérante ne sont cependant pas les mêmes que ceux souhaitant acheter ou louer des logiciels ou des matériels informatiques, même s’ils souhaitent les acheter à distance. Les consommateurs contractant les services d’organisation de voyage de la requérante ne vont habituellement pas songer en même temps à acheter des logiciels ou des matériels informatiques et se rendre dans un magasin de produits informatiques. 

43     En ce qui concerne la nature des produits et des services en cause, la décision attaquée retient à juste titre, que les « services de transport » auxquels se réfère la requérante consistent en un parc de camions et de bateaux utilisés pour transporter les produits d’un endroit A à une destination B. De même, les « services d’emballage et d’entreposage » ne représentent en réalité que la prestation consistant à emballer les produits des sociétés dans des conteneurs contre rémunération. Lesdits services ne présentent pas de similitude avec les services ou les produits informatiques offerts par la partie intervenante.

44     En ce qui concerne le caractère concurrent des produits et des services en cause, les produits et les services désignés par la marque demandée « matériel informatique ; logiciels » et « inspection et réparation de circuits et composants électroniques de matériel informatique » et les services désignés par la marque antérieure « transport, emballage et entreposage de marchandises, organisation de voyages » ne se font pas concurrence.

45     En effet, si les produits et les services de la marque demandée sont utilisés pour des services de vente ou de louage de produits ou des services informatiques à distance, la prestation de services de transport ne constitue pas un service concurrent du service de vente ou de louage des produits et des services informatiques à distance, ces services n’étant ni interchangeables ni substituables.

46     Quant à la complémentarité des produits et des services, il convient de relever que selon la définition que donne l’OHMI au point 2.6.1 de la partie 2, chapitre 2, des directives relatives à la procédure d’opposition du 10 mai 2004, les produits ou services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise (voir, en ce sens, également arrêt du Tribunal du 4 novembre 2003, Díaz/OHMI, T‑85/02, non encore publié au Recueil, point 36).

47     Ainsi qu’il a déjà été relevé précédemment, la marque demandée vise également des services de vente ou de louage de produits et de services informatiques à distance, ainsi que des prestations de services informatiques. Cependant, l’envoi physique des logiciels et des ordinateurs achetés ou loués à une entreprise offrant ses biens par le biais d’Internet tant aux consommateurs qu’aux professionnels n’est que l’exécution d’un contrat de vente à distance ou d’un contrat de service non lié aux services de transport.

48     Dès lors, il n’y a aucune complémentarité entre l’activité de vente par Internet et celle des services de transport de marchandises.

49     Il résulte des considérations qui précèdent que les produits et les services visés par la marque demandée ne présentent pas de similitude avec les services désignés par la marque de la requérante.

50     Certes, selon la jurisprudence, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques et inversement (voir, par analogie, arrêts de la Cour Canon, précité, point 17 ; Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 19, et du 22 juin 2000, Marca Mode, C‑425/98, Rec. p. I‑4861, point 40).

51     Toutefois, s’il est vrai que le degré de similitude entre les marques en cause est élevé, les deux marques étant presque identiques, il résulte des considérations précédentes que les produits et les services visés par la marque demandée et les services désignés par la marque antérieure espagnole ne sont pas similaires. La requérante ne saurait dès lors se prévaloir d’un risque de confusion entre les deux marques, car même l’identité des deux marques ne peut compenser l’absence de similitude entre les services et les produits en cause.

52     Par conséquent, la première branche du moyen unique ne saurait prospérer. 

 Sur la seconde branche du moyen unique, tirée de l’absence de prise en compte de la jurisprudence nationale espagnole relative au risque de confusion

 Arguments des parties

53     La requérante fait valoir que, le public ciblé par les deux marques étant constitué par le consommateur moyen espagnol et le marché pertinent étant le marché espagnol, la jurisprudence espagnole relative au risque de confusion entre les signes aurait dû être prise en compte par la chambre de recours. Il résulterait de cette jurisprudence que l’identité des noms des deux marques entraînerait leur « incompatibilité », bien que les produits désignés par les signes en cause soient différents, qu’ils correspondent à deux classes différentes de la classification de Nice (à savoir les classes 29 et 30) et qu’il n’y ait aucun rapport entre eux, car le risque de confusion sur le marché serait évident.

54     Selon l’OHMI, la jurisprudence espagnole ne serait pas applicable en l’espèce et ne le lierait pas. Par ailleurs, la pertinence des décisions nationales serait réduite, celles-ci ayant été rendues dans un autre contexte factuel et en application de règles de droit et d’interprétation différentes de celles appliquées par les juridictions communautaires.

55     À cet égard, l’OHMI fait observer que la juridiction suprême espagnole accepte inconditionnellement l’existence d’un risque de confusion dès lors qu’il y a identité des noms des marques en conflit, bien que les produits désignés par celles-ci soient différents.

 Appréciation du Tribunal

56     La marque communautaire a pour objet, selon le premier considérant du règlement n° 40/94, de permettre aux entreprises d’identifier leurs produits ou leurs services de manière identique dans l’ensemble de la Communauté, sans considération de frontières [arrêts du Tribunal du 16 février 2000, Procter & Gamble/OHMI (Forme d’un savon), T‑122/99, Rec. p. II‑265, point 60, et du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 45].

57     En vertu du caractère unitaire de la marque communautaire, le régime communautaire des marques est un système autonome constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national (arrêt electronica, précité, point 47). Dès lors, la validité des décisions des chambres de recours ne doit être examinée que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente, c’est-à-dire principalement du règlement n° 40/94 [arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, Rec. p. II‑753, point 53].

58     Par conséquent, l’OHMI ne saurait être lié par une décision rendue dans un État membre, selon laquelle l’identité des noms des deux marques en conflit entraîne leur « incompatibilité », bien que les produits ou les services désignés par les signes en cause soient différents. Tel est le cas même si une telle décision a été prise en application d’une législation nationale harmonisée avec la directive 89/104 [voir, s’agissant des motifs absolus de refus, arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 47].

59     Par conséquent, la seconde branche du moyen unique, tirée de l’absence de prise en compte de la jurisprudence nationale espagnole relative au risque de confusion, ne saurait être accueillie. 

60     Il s’ensuit que le recours doit être rejeté comme non fondé.

 Sur les dépens

61     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

62     En vertu de l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure et en l’absence de conclusions de l’intervenante sur les dépens, celle-ci supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles).

3)      L’intervenante supportera ses propres dépens.

Cooke

García-Valdecasas

Trstenjak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       García-Valdecasas


* Langue de procédure : l’anglais.