Language of document : ECLI:EU:T:2021:630

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

29 septembre 2021 (*)

« Clause compromissoire – Contrat d’assurance “Tous risques chantier” – Extension et remise à niveau du bâtiment Konrad Adenauer à Luxembourg – Dégâts causés par des eaux pluviales – Demande de remboursement des frais et indemnisation – Champ d’application de l’assurance – Clause d’exclusion – Obligations procédurales accessoires – Procédure partiellement par défaut »

Dans l’affaire T‑384/19,

Parlement européen, représenté par Mmes E. Paladini et B. Schäfer, en qualité d’agents, assistés de Mes C. Point et P. Hédouin, avocats,

partie requérante,

contre

Axa Assurances Luxembourg SA, établie à Luxembourg (Luxembourg),

Bâloise Assurances Luxembourg SA, établie à Luxembourg,

et

La Luxembourgeoise SA, établie à Luxembourg,

représentées par Mes C. Collarini et S. Denu, avocats,

et

Nationale-Nederlanden Schadeverzekering Maatschappij NV,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 272 TFUE et tendant à obtenir la condamnation des parties défenderesses à rembourser les frais liés aux dégâts des eaux causés au bâtiment Konrad Adenauer à Luxembourg, à la suite des fortes précipitations qui se sont abattues sur le site les 27 et 30 mai 2016,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents et Mme T. Pynnä (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Faits et antécédents du litige

1        Dans le cadre des travaux d’envergure entrepris dans le contexte du projet d’extension et de remise à niveau du bâtiment Konrad Adenauer (ci-après le « KAD ») à Luxembourg (Luxembourg), le Parlement européen a lancé, au cours de l’année 2011, un appel d’offres ayant pour objet la conclusion d’une police d’assurance « Tous risques chantier » ainsi que d’une assurance couvrant les responsabilités civiles.

2        L’offre présentée par Gras Savoye Luxembourg SA (ci-après « l’intermédiaire d’assurance »), établie sur la base de l’offre de prix proposée par AXA Assurances Luxembourg SA, Baloise Assurances Luxembourg SA, La Luxembourgeoise SA et Delta Lloyd Schadeverzekering NV, a été retenue.

3        Le 3 avril 2012, l’Union européenne, représentée par le Parlement, a conclu le contrat d’assurance « Tous risques chantier » (ci-après le « contrat TRC ») visé par l’appel d’offres avec les sociétés visées au point 2 ci-dessus. Le contrat désigne AXA Assurances Luxembourg comme apériteur.

4        À la suite des précipitations importantes survenues les 27 et 30 mai 2016, les eaux pluviales du chantier du KAD se sont écoulées, en partie, au sous-sol, zone M, niveau –°4 du bâtiment en construction, d’où elles n’ont pas pu être évacuées, conduisant à une accumulation d’eau et créant une ambiance humide dans des locaux où étaient déjà installés des équipements techniques, lesquels ont subi des dommages.

5        Le 30 mai 2016, l’entreprise en charge des gros œuvres sur le chantier du KAD a présenté une déclaration de sinistre auprès de l’intermédiaire d’assurance, relative aux faits décrits au point 4 ci-dessus. La déclaration ayant été transmise par l’intermédiaire d’assurance à l’apériteur AXA Assurances Luxembourg, cette dernière a nommé un expert pour mener les investigations d’usage.

6        Le 2 juin 2016, l’expert mandaté s’est rendu une première fois sur les lieux du sinistre, pour mener une réunion technique en présence des représentants du Parlement ainsi que de diverses entreprises et prestataires de service chargés des travaux sur le chantier du KAD.

7        Le rapport d’expertise préliminaire dressé par la suite a établi que le système d’évacuation des eaux pluviales mis en place se composait de plusieurs dispositifs, notamment d’un réseau de conduites sous dallage et d’un réseau de conduites apparentes provisoires, servant à l’évacuation des eaux pluviales collectées en phase chantier. Les eaux collectées étaient ensuite drainées vers un puits collecteur, où deux pompes provisoires de chantier devaient en assurer l’évacuation vers le réseau de la Ville de Luxembourg.

8        L’expert identifia comme cause du sinistre une combinaison de plusieurs facteurs :

« [L]e réseau sous dallage se trouve dans un état quasi obstrué de débris émanant du chantier [...]. [L]es conduites hydrauliques sous dallage ne sont pas dimensionnées pour un tel débit d’eau pluviale exceptionnel. En sus, au vu des débits d’eau pluviale se drainant vers le puits collecteur, les deux pompes de relevage (fonctionnant en cascade) ne se sont pas déclenchées du fait d’un défaut de programmation. »

9        Le rapport d’expertise préliminaire conclut en constatant que, « [s’] agissant de la couverture d’assurance du […] KAD, les eaux ayant causé l’inondation étant collectées sur chantier, l’expert est d’avis que ce sinistre s’inscrit dans le champ d’application de la garantie dommages à l’ouvrage faisant partie intégrante du contrat d’assurance en vigueur ».

10      L’expert mandaté par AXA Assurances Luxembourg a également adressé à la direction du chantier un courriel précisant les mesures à adopter dans le but de limiter les dommages et fixer leur étendue.

11      Le 1er juillet 2016, une seconde visite d’expertise a eu lieu, dont l’objectif déclaré était de vérifier la mise en œuvre des mesures conservatoires prescrites par l’expert. Le rapport dressé à l’issue de cette seconde visite (ci-après le « rapport d’expertise complémentaire I ») confirmait que les mesures visant à limiter les dommages matériels avaient été mises en œuvre.

12      Ce même rapport relevait que certaines informations reçues par l’expert semblaient suggérer que l’état quasi obstrué du réseau sous dallage était connu des lots d’entreprises concernés. L’expert sollicitait à ce propos la transmission des rapports de chantier dressés par le lot D et s’interrogeait sur les éventuelles mesures correctives mises en place.

13      Par ailleurs, comme le proposait le rapport d’expertise complémentaire I, le bureau de contrôle Luxcontrol a été mandaté pour effectuer la vérification du matériel technique installé et stocké dans les locaux concernés par le sinistre. Cette nouvelle étape de l’expertise, visant à établir l’étendue du sinistre et le montant des dommages, a eu lieu à partir de novembre 2016. L’expert mandaté par l’apériteur était présent lors de l’intervention de l’inspecteur chargé de l’expertise technique. Le Parlement a fourni par la suite de la documentation et des renseignements en réponse aux questions de l’expert.

14      Le rapport d’expertise technique a recommandé le remplacement d’une grande partie de l’appareillage et la réalisation de tests diagnostiques et contrôles supplémentaires pour identifier d’éventuelles défaillances ou anomalies.

15      Par lettre du 15 juillet 2016, l’apériteur, par l’intermédiaire de son avocat, a communiqué au Parlement qu’il considérait que, au vu des informations et des éléments techniques résultant du rapport d’expertise préliminaire ainsi que du rapport d’expertise complémentaire I, le sinistre en question n’était pas couvert par le contrat TRC.

16      En premier lieu, le refus de prise en charge était motivé par l’article I.15.1.1 du contrat TRC, qui prévoit que ledit contrat ne garantit ni les dommages se rattachant directement ou indirectement à un des cas d’inondation ni ceux qui se rattachent directement ou indirectement à une insuffisance d’évacuation des eaux par les égouts. En second lieu, l’apériteur a également relevé que le sinistre qui s’était produit, d’une part, était prévisible et, d’autre part, résultait d’une violation flagrante des règles de l’art, de telle sorte que les pertes et les dommages en résultant étaient également exclus de la couverture d’assurance au regard de l’article I.12.3.1.1 du contrat TRC.

17      Par lettre du 20 février 2017, le Parlement a confirmé sa demande d’indemnisation du sinistre, tout en réfutant les arguments avancés par le conseil de l’apériteur.

18      Lors d’une réunion ayant eu lieu le 11 avril 2017, l’apériteur a indiqué qu’il maintenait la position qu’il avait exprimée auparavant, nonobstant le courrier du Parlement du 20 février 2017. Un compte rendu de cette réunion a été dressé par l’intermédiaire d’assurance. Par la suite, le conseil de l’apériteur a, par lettre du 21 avril 2017, confirmé le refus d’indemnisation.

19      Par courriel du 22 septembre 2017, l’apériteur a communiqué au Parlement que la détermination des responsabilités dans les sinistres prétendument non couverts n’était pas une obligation contractuelle. De ce fait, les opérations d’expertise relatives aux origines et aux responsabilités du sinistre ont été interrompues et aucun rapport final n’a été déposé par l’expert mandaté.

20      Par lettre recommandée du 21 novembre 2017, le Parlement a procédé à la mise en demeure des assureurs sur la base d’une estimation provisoire des dommages, à laquelle l’apériteur a répondu le 20 décembre 2017 en réitérant une fin de non-recevoir.

21      Par courrier du 9 octobre 2018, l’expert technique du bureau de contrôle Luxcontrol a rendu un rapport finalisé précisant la liste des équipements devant être remplacés.

22      Par courriel du 18 octobre 2018, le Parlement a communiqué à l’intermédiaire d’assurance la finalisation des opérations d’expertise menées par Luxcontrol.

23      Par lettre recommandée du 28 novembre 2018, le Parlement a renouvelé la mise en demeure du 21 novembre 2017, en précisant le montant des dommages subis et constatables, qui a été estimé à hauteur de 800 624,33 euros hors taxe sur la valeur ajoutée.

 Législation applicable et dispositions pertinentes du contrat TRC

 Droit luxembourgeois

24      Les articles 1147, 1149 et 1151 du code civil luxembourgeois prévoient, sous le livre III, titre III, chapitre III, section IV, intitulée « Des dommages et intérêts résultant de l’inexécution de l’obligation » :

« Art. 1147.

Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

[…] 

Art. 1149.

Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

[…]

Art. 1151.

Dans le cas même où l’inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre, à l’égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention. »

25      L’article 1315 du code civil luxembourgeois dispose, sous le livre III, titre III, chapitre VI, intitulé « De la preuve des obligations, et de celle du paiement » :

« Art. 1315.

Celui qui réclame l’exécution d’une obligation, doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

26      La loi du 27 juillet 1997 sur le contrat d’assurance (Mémorial A 1997, p. 2048) prévoit, en ses dispositions pertinentes pour les besoins du présent litige :

« Art. 36. – Apérition

En cas de coassurance, un apériteur doit être désigné dans le contrat. Celui-ci est réputé mandataire des autres assureurs pour recevoir les déclarations prévues par le contrat et faire les diligences requises en vue du règlement des sinistres, en ce compris la détermination du montant de l’indemnité.

En conséquence, l’assuré doit lui adresser toutes les significations et les notifications, sauf celles relatives à une action en justice intentée contre les autres coassureurs. Si aucun apériteur n’a été désigné dans le contrat, l’assuré peut considérer n’importe lequel des coassureurs comme apériteur pour l’application du présent article. L’assuré doit cependant toujours s’adresser au même coassureur comme apériteur. »

 Dispositions pertinentes du contrat TRC

27      L’article I.13.2 du contrat TRC, intitulé « Estimation des dommages, expertises », dispose :

« L’analyse des origines, responsabilités et étendue du sinistre et l’évaluation du montant des dommages [sont effectuées] selon les différentes modalités suivantes.

[…]

2.1 Expertise à un expert (sinistres simples), avec éventuellement contre-expertise consécutive

L’estimation est effectuée par un expert nommé et payé par l’assureur.

[…] »

28      L’article I.15 du contrat TRC, intitulé « Dispositions diverses », prévoit :

« 1. Exclusions communes à toutes les garanties

Ces dispositions sont d’application, sauf mention contraire de l’article I.12.

Dans tous les cas où la Compagnie invoque la non-couverture d’un risque, il lui appartient d’établir la preuve du fait qui a conduit à l’extinction de son obligation. 

1.1 Le présent contrat ne garantit pas :

[…]

–        les dommages se rattachant directement ou indirectement à un cas d’éruption de volcan, de tremblement de terre, d’avalanche, de chute de pierres ou de rochers, d’inondation, de crue de cours d’eau de surface ou d’eaux souterraines, d’insuffisance d’évacuation d’eau par les égouts, de raz-de-marée et de tout cataclysme de la nature, sauf convention contraire ;

[…] »

29      L’article I.18 du contrat TRC, intitulé « Loi applicable, conditions générales et publicité du contrat », prévoit :

« 1. Le droit de l’Union européenne complété par la loi luxembourgeoise s’applique au présent contrat.

2. Le contractant renonce à ses propres conditions contractuelles. Il déclare connaître et accepter les conditions générales faisant partie du présent contrat.

[…] »

30      L’article I.19 du contrat TRC, intitulé « Clause attributive de compétence », stipule :

« Tout litige entre le Parlement européen et le contractant se rapportant au présent contrat, qui n’a pu faire l’objet d’un règlement amiable, est soumis au Tribunal, organe juridictionnel de la Cour de justice de l’Union européenne, en vertu de l’article 256, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. »

31      L’article II.1 du contrat TRC définit la notion de « cataclysmes naturels » comme suit : 

« Les crues, inondations, raz-de-marée, mouvements de terrain et, sauf convention contraire, les tremblements de terre. »

L’article II.8 du contrat TRC prévoit :

« 1. Sauf autorisation écrite préalable du Parlement européen, le contractant ne peut ni céder tout ou partie des droits et obligations dérivant du contrat, ni sous-traiter, même partiellement, l’exécution des tâches qui lui ont été confiées, ni se substituer, en fait, des tiers aux mêmes fins.

[…]

4. En l’absence de l’autorisation visée au paragraphe 1 ou en cas de non-respect des conditions dont elle est assortie, la cession ou la sous-traitance effectuée par le contractant n’est pas opposable au Parlement européen et n’a aucun effet à son égard. »

 Procédure et conclusions des parties

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 juin 2019, le Parlement a introduit le présent recours qui a été signifié aux défenderesses.

33      Le 10 septembre 2019, Axa Assurances Luxembourg, Baloise Assurances Luxembourg et La Luxembourgeoise (ci-après les « sociétés défenderesses ») ont déposé leur mémoire en défense au greffe du Tribunal.

34      Ayant été informé que Delta Lloyd Schadeverzekering avait été absorbée par la société de droit néerlandais Nationale-Nederlanden Schadeverzekering Maatschappij NV, le greffe du Tribunal a signifié la requête à cette dernière par courrier du 13 janvier 2020, en lui fixant un délai pour présenter son mémoire en défense.

35      Nationale-Nederlanden Schadeverzekering Maatschappij n’a pas présenté de mémoire en défense dans le délai imparti.

36      Par lettre du 2 juin 2020, le greffe du Tribunal a fixé un nouveau délai au Parlement afin qu’il transmette ses observations sur la suite de la procédure, au regard de l’article 123, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, pour autant que le recours était dirigé contre Nationale-Nederlanden Schadeverzekering Maatschappij.

37      Par lettre du 26 juin 2020, le Parlement a demandé au Tribunal de constater que Nationale-Nederlanden Schadenverzekering Maatschappij avait été régulièrement mise en cause et de lui adjuger ses conclusions pour autant qu’elles étaient dirigées contre cette société.

38      Par lettre recommandée du 29 juin 2020, réceptionnée le 10 juillet 2020, le greffe a signifié ces observations à Nationale-Nederlanden Schadenverzekering Maatschappij. Ladite lettre précisait également que, « [c]onformément à l’article 123 du règlement de procédure, la partie défenderesse défaillante, Nationale-Nederlanden Schadeverzekering Maatschappij NV, n’interv[enait] pas dans la procédure par défaut et [que] seule la décision mettant fin à l’instance lui sera[it] signifiée ».

39      Le 28 août 2020, le Parlement a déposé la réplique et, le 9 octobre 2020, les sociétés défenderesses ont déposé une duplique.

40      Par une mesure d’organisation de la procédure du 17 mai 2021, les parties ont été invitées à répondre à une question du Tribunal.

41      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que les dégâts des eaux causés au chantier du KAD lors des fortes précipitations, les 27 et 30 mai 2016, tombent dans le champ d’application du contrat d’assurance « Tous risques chantier » ;

–        en conséquence, condamner les sociétés défenderesses et Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij à lui rembourser les frais demandés, soit 779 902,87 euros, et en particulier :

–        condamner AXA Assurances Luxembourg à rembourser 50 % du montant précité, soit 389 951,44 euros ;

–        condamner Bâloise Assurances Luxembourg à rembourser 20 % du montant précité, soit 155 980,57 euros ;

–        condamner La Luxembourgeoise à rembourser 20 % du montant précité, soit 155 980,57 euros ;

–        condamner Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij à rembourser 10 % du montant précité, soit 77 990,29 euros ;

–        quant au chef de conclusions précédant, condamner les sociétés défenderesses et Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij à lui verser les intérêts légaux pour retard de payement y afférent, à partir du 22 décembre 2017, dont le taux est égal à la somme du taux d’intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne (BCE) à ses opérations principales de refinancement et de huit points de pourcentage ;

–        à titre subsidiaire, dans le cas où les deux premières demandes ne seraient pas accueillies, condamner les sociétés défenderesses et Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij solidairement au payement des dommages causés par le manquement aux obligations découlant de l’article I.13.2 du contrat d’assurance « Tous risques chantier », soit 779 902,87 euros ;

–        condamner les sociétés défenderesses et Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij à lui rembourser les frais d’expertise, soit 16 636,00 euros et en particulier :

–        condamner AXA Assurances Luxembourg à rembourser 50 % du montant précité, soit 8 318,00 euros ;

–        condamner Bâloise Assurances Luxembourg à rembourser 20 % du montant précité, soit 3 327,20 euros ;

–        condamner La Luxembourgeoise à rembourser 20 % du montant précité, soit 3 327,20 euros ;

–        condamner Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij à rembourser 10 % du montant précité, soit 1 663,60 euros ;

–        quant au chef de conclusions précédant, condamner les sociétés défenderesses et Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij à lui verser les intérêts légaux pour retard de payement y afférent, à partir du 22 décembre 2017, dont le taux est égal à la somme du taux d’intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la BCE à ses opérations principales de refinancement et de huit points de pourcentage ;

–        condamner les sociétés défenderesses et Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij aux dépens.

42      Les sociétés défenderesses concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que les dommages allégués par le Parlement comme étant en relation causale avec l’inondation qui s’est produite à la suite des précipitations importantes des 27 et 30 mai 2016 ne peuvent donner lieu à garantie au regard de 1’article I.15.1.1 du contrat TRC, en ce que cet article prévoit que ne sont pas garantis les dommages se rattachant directement ou indirectement à un cas d’inondation, à tout cataclysme de la nature ou encore à ceux liés à une insuffisance d’évacuation d’eau par les égouts ;

–        à titre subsidiaire, déclarer non-fondée la demande du Parlement au regard des manquements commis par l’assuré, caractéristiques d’un défaut d’aléa, ou au regard du non-respect par l’assuré du principe d’exécution de bonne foi des conventions ;

–        à titre plus subsidiaire, écarter toute prise en charge des conséquences de ce sinistre au regard des clauses exclusives de garantie stipulées aux articles I.12.3.1.1 et I.15.1.2 du contrat TRC ;

–        débouter le Parlement de sa demande formulée sur l’article I.13.2 du contrat TRC ;

–        débouter le Parlement de ses prétentions indemnitaires au regard du fait que les montants réclamés ne sont pas justifiés et sont dès lors exclus de la couverture d’assurance ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

 En droit

 Sur la compétence du Tribunal

43      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 272 TFUE, lu en combinaison avec l’article 256 TFUE, le Tribunal est compétent pour statuer en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l’Union ou pour son compte. L’article 272 TFUE constitue ainsi une disposition spécifique permettant de saisir le juge de l’Union en vertu d’une clause compromissoire, et ce sans limitation tenant à la nature de l’action introduite devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2015, Planet/Commission, C‑564/13 P, EU:C:2015:124, points 22 et 23).

44      En l’espèce, le Tribunal est donc compétent pour statuer sur le présent recours conformément à l’article 272 TFUE, lu en combinaison avec l’article 256 TFUE, en vertu de la clause compromissoire contenue à l’article I.19 du contrat TRC.

 Sur le bien-fondé du recours en ce qu’il est dirigé contre Nationale-NederlandenSchadeverzekeringMaatschappij

45      Ainsi qu’il a été rappelé aux points 34 et 35 ci-dessus, bien que la requête ait été régulièrement signifiée par le greffe du Tribunal à Nationale-Nederlanden Schadeverzekering Maatschappij, celle-ci n’a pas présenté de mémoire en défense dans le délai imparti.

46      Conformément à l’article 123, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque le Tribunal constate que le défendeur, régulièrement mis en cause, n’a pas répondu à la requête dans les formes ou le délai prescrits à l’article 81, sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 45, second alinéa, du statut, le requérant peut, dans un délai fixé par le président, demander au Tribunal de lui adjuger ses conclusions.

47      Ainsi qu’il ressort des points 36 et 37 ci-dessus, en l’espèce, le Parlement a demandé au Tribunal de constater que Nationale-Nederlanden Schadenverzekering Maatschappij a été régulièrement mise en cause et de lui adjuger ses conclusions pour autant qu’elles sont dirigées contre celle-ci.

48      En vertu de l’article 123, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal adjuge à la partie requérante ses conclusions, à moins qu’il ne soit manifestement incompétent pour connaître du recours ou que ce recours ne soit manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

49      Or, premièrement, ainsi qu’il ressort des points 43 et 44 ci-dessus, le Tribunal n’est pas manifestement incompétent pour connaître du présent recours en tant qu’il est dirigé contre Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij.

50      Deuxièmement, le recours en ce qu’il est dirigé contre cette société n’est pas manifestement irrecevable.

51      À cet égard, d’une part, il convient de relever que la requête a certes été initialement dirigée contre Delta Lloyd Schadeverzekering et signifiée à cette dernière. Toutefois, cette signification erronée trouve son origine, ainsi que l’a fait valoir le Parlement, dans le fait que Delta Lloyd Schadeverzekering, cocontractant du Parlement, a été absorbée par Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij avec transfert de l’ensemble de ses contrats au 1er janvier 2019, et cela sans que cette institution en soit régulièrement informée, comme l’exigeait l’article II.8 du contrat TRC. De plus, Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij s’est vu régulièrement signifier tant la requête, par courrier du 13 janvier 2020, que les observations du Parlement présentées en application de l’article 123 du règlement de procédure, par courrier du 29 juin 2020.

52      D’autre part, la requête déposée par le Parlement a certes été rédigée en français et, partant, dans une langue différente de celle désignée par l’article 45, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure, compte tenu du fait que Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij était établie aux Pays-Bas.

53      Toutefois, une telle irrégularité ne saurait, dans les circonstances particulières de l’espèce, conduire à considérer cette requête comme étant manifestement irrecevable au sens de l’article 123, paragraphe 3, du règlement de procédure.

54      En effet, il est constant que le présent recours prend la forme d’un recours unique introduit par le Parlement à l’encontre des quatre coassureurs avec lesquels il avait conclu le contrat TRC, lequel est rédigé en français qui est, au demeurant, une des langues officielles de l’État membre dont trois des quatre cocontractants de cette institution sont ressortissants. En outre, comme l’a fait valoir le Parlement en réponse à une mesure d’organisation de la procédure, l’article 45 du règlement de procédure ne prévoit pas la possibilité, en cas de recours unique dirigé contre quatre défendeurs distincts ressortissants d’États membres ne partageant aucune langue officielle, de retenir, aux fins de la procédure menée devant le Tribunal, deux langues de procédure. Tout au plus, est-il possible, en application de l’article 45, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement de procédure, de déroger à la langue de procédure définie en application de l’article 45, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, mais uniquement à la demande, éventuellement conjointe, des parties et non d’office par le Tribunal.

55      Par ailleurs, Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij, qui ne pouvait ignorer que la signification du recours était effectuée par le Tribunal, ne s’est pas manifestée auprès de ce dernier pour faire état de son défaut de compréhension de cette même requête en raison de la langue dans laquelle elle était rédigée.

56      Dès lors, il ne saurait être considéré que Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij n’a pas été en mesure de comprendre, à tout le moins, l’objet de la requête qui lui avait été régulièrement signifiée.

57      Troisièmement, il ne ressort pas d’une analyse à première vue des arguments du Parlement que le recours serait manifestement dépourvu de tout fondement en droit. En effet, la question de savoir si le sinistre dont il demande l’indemnisation est couvert ou non par le contrat TRC, sans faire l’objet d’une clause d’exclusion découlant dudit contrat, nécessite un examen plus approfondi des termes de ce contrat, lus dans leur contexte et en tenant compte de l’intention des parties.

58      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de faire droit à la demande du Parlement visant à condamner Nationale-Nederlanden Schadenverzekering Maatschappij par défaut, au titre de l’article 123 du règlement de procédure, et de lui adjuger ses conclusions.

59      En ce qui concerne les premier, deuxième et troisième chefs de conclusions du Parlement, il y a lieu, dès lors, de condamner Nationale-Nederlanden Schadenverzekering Maatschappij à rembourser au Parlement 10 % du montant de 779 902,87 euros réclamé, soit 77 990,29 euros et les intérêts légaux pour retard de payement y afférent, à partir du 22 décembre 2017, dont le taux est égal à la somme du taux d’intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la BCE à ses opérations principales de refinancement et de huit points de pourcentage total du préjudice subi par le Parlement.

60      En ce qui concerne le quatrième chef de conclusions du Parlement et compte tenu de l’adjudication des trois premiers chefs de conclusions, il n’y a pas lieu de l’adjuger. En effet, celui-ci est formulé uniquement à titre subsidiaire, dans le cas où les chefs de conclusions présentés à titre principal ne seraient pas accueillis

61      En ce qui concerne le chef de conclusions du Parlement relatif aux frais d’expertise, il y a lieu de condamner Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij à rembourser au Parlement 10 % des frais en cause d’un montant de 16 636 euros, soit 1 663,60 euros et les intérêts légaux pour retard de payement y afférent, à partir du 22 décembre 2017, dont le taux est égal à la somme du taux d’intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la BCE à ses opérations principales de refinancement et de huit points de pourcentage.

 Sur le bien-fondé du recours en ce qu’il est dirigé contreles sociétés défenderesses

 Sur les premier, deuxième et troisième chefs de conclusions visant à condamner les sociétés défenderesses au remboursement des frais découlant des dégâts des eaux des 27 et 30 mai 2016

62      Afin d’établir le bien-fondé de son recours, le Parlement invoque quatre séries d’arguments visant, premièrement, à établir son droit à la couverture d’assurance du sinistre dès lors que celui-ci relèverait du champ d’application du contrat TRC, deuxièmement, à quantifier le préjudice donnant droit à indemnisation, troisièmement, à faire valoir l’inapplicabilité ou l’invalidité des clauses d’exclusion de garantie invoquées par les sociétés défenderesses et, quatrièmement, à démontrer la violation de certaines obligations procédurales accessoires engendrées par le contrat.

63      Pour leur part et afin de refuser la couverture du sinistre en cause, les sociétés défenderesses se prévalent de l’application de plusieurs clauses d’exclusion de garantie et contestent également, à titre subsidiaire, la quantification du dommage opérée par le Parlement ainsi que la violation de certaines obligations procédurales accessoires.

64      Le Tribunal estime opportun d’examiner d’emblée, à cet égard, l’applicabilité de la clause d’exclusion relative à un cas d’inondation prévue à l’article I.15.1.1 du contrat TRC.

65      L’article I.15.1.1 du contrat TRC prévoit que « [l]e présent contrat ne garantit pas […] les dommages se rattachant directement ou indirectement à un cas d’éruption de volcan, de tremblement de terre, d’avalanche, de chute de pierres ou de rochers, d’inondation, de crue de cours d’eau de surface ou d’eaux souterraines, d’insuffisance d’évacuation d’eau par les égouts, de raz-de-marée et de tout cataclysme de la nature, sauf convention contraire ».

66      Le Parlement est d’avis que l’absence de garantie des dommages résultant directement ou indirectement d’un cas d’inondation ne saurait valablement lui être opposée en l’espèce dès lors que, selon lui, les événements qui sont à l’origine de la déclaration de sinistre du 30 mai 2016 ne sauraient revêtir le qualificatif d’« inondation ».

67      Premièrement, le Parlement fait valoir que le terme « inondation » a plusieurs acceptions dans le langage commun et qu’il convient dès lors de rechercher celle que les parties au contrat entendaient lui conférer, en faisant référence au contexte et aux dispositions du contrat TRC.

68      Or, il ressortirait du contexte dans lequel a été conclu le contrat TRC qu’un soumissionnaire avait, lors de la procédure de passation de marché public, posé la question de savoir si le chantier du KAD se trouvait en zone inondable et obtenu la confirmation du pouvoir adjudicateur que ledit chantier était non inondable. Le Parlement en tire la conclusion que les parties au contrat auraient indubitablement entendu limiter la définition de la notion d’inondation à un cas de cataclysme naturel.

69      En outre, le Parlement fait observer que le terme « inondation » apparaît à l’article II.1 du contrat TRC en tant que définition du terme « cataclysme naturel ». Il conviendrait donc de déduire du contexte et des dispositions du contrat que le terme « inondation » a été employé pour désigner un événement de catastrophe naturelle et non pour indiquer le simple déversement d’une forte quantité de liquide dans un local normalement sec.

70      Deuxièmement, le Parlement estime que le droit de l’Union, complété par le droit luxembourgeois, qui est la loi applicable en vertu de l’article I.18.1 du contrat TRC, soutient l’interprétation du terme « inondation » qu’il propose comme étant exclusivement liée aux cas de cataclysmes naturels. Une telle interprétation ressortirait notamment de l’article 2 de la directive 2007/60/CE du Parlement et du Conseil, du 23 octobre 2007, relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation (JO 2007, L 288, p. 27), ainsi que du considérant 10 du règlement (UE) no 267/2010 de la Commission, du 24 mars 2010, concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, [TFUE] à certaines catégories d’accords, de décisions et de pratiques concertées dans le secteur des assurances (JO 2010, L 83, p. 1).

71      En outre, le Parlement estime que l’utilisation du terme « inondation » par l’expert dans son rapport d’expertise préliminaire ne peut être comprise comme désignant un cataclysme naturel, mais devrait être comprise dans son sens commun, comme décrivant le fait qu’une surface se trouvant normalement à sec est complètement ou partiellement sous eau.

72      Troisièmement, le Parlement fait remarquer que les conditions d’assurance multirisque habitation adoptées par la société apéritrice en avril 2015 définissaient l’inondation comme étant le « débordement d’un cours d’eau ou d’un plan d’eau ». Il en irait de même des conditions générales d’assurance pour les habitations en vigueur chez Bâloise assurance Luxembourg. Les sociétés défenderesses ne pourraient dès lors pas se prévaloir d’une interprétation du terme « inondation » qui n’est pas conforme à leur propre compréhension dudit terme à l’époque des faits, telle qu’elle ressortirait de leurs conditions générales utilisées habituellement dans leurs contrats d’assurance.

73      Quatrièmement, cette interprétation serait confortée par l’ouvrage de référence en matière de droit luxembourgeois des assurances, qui distinguerait les dégâts causés par les fuites d’eau et les débordements provenant de conduites se trouvant à l’intérieur du bâtiment, couverts normalement par l’assurance « dégâts des eaux », des dommages causés par une inondation, pour lesquels aucune couverture n’est légalement prévue, comme pour les catastrophes naturelles en général. Ainsi, l’interprétation excessivement large du terme « inondation » retenue par les sociétés défenderesses ne permettrait pas de faire une distinction entre une vraie inondation et de simples dégâts des eaux.

74      Or, le terrain où se situe le chantier du KAD n’aurait pas subi d’inondation, mais des eaux pluviales se seraient déversées et accumulées dans les locaux d’où elles n’auraient pas pu être évacuées, en raison de défaillances techniques. Dans la réplique, le Parlement souligne que la documentation fournie par les sociétés défenderesses conforte l’interprétation du terme « inondation » qu’il invoque. En effet, dans les images fournies, y compris celles relatives aux inondations dues à de fortes pluies, il serait question de terrains, de rues et de bâtiments submergés par l’eau. Or, le KAD, situé sur le plateau du Kirchberg, en zone non inondable, aurait subi des dégâts en raison d’un risque inhérent au chantier, étant donné qu’il s’agissait d’un bâtiment en construction, qui n’était pas complètement fermé et protégé contre la pluie.

75      En conclusion, le Parlement estime que la clause d’exclusion prévue à l’article I.15.1.1 du contrat TRC ne peut pas être invoquée, puisque l’afflux d’eau à l’intérieur du bâtiment en construction n’était pas la conséquence d’une « inondation » au sens de cet article.

76      Les sociétés défenderesses contestent l’analyse du Parlement relative à la portée du terme « inondation » et estiment que cette clause est pleinement applicable en l’espèce.

77      Il convient, à cet égard, comme le propose le Parlement, de rechercher le sens que les parties au contrat ont voulu donner à ce terme en faisant référence au contexte et aux dispositions du contrat (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2017, Universiteit Antwerpen/REA, T‑208/15, non publié, EU:T:2017:136, point 80).

78      Premièrement, s’agissant des dispositions du contrat TRC, il convient de relever que celui-ci ne contient aucune définition précise du terme « inondation ». Il y a lieu, dès lors, de se référer au sens commun de ce terme, tout en examinant le contexte dans lequel la clause d’exclusion s’insère, afin de déterminer la volonté commune des parties au contrat.

79      Les sociétés défenderesses considèrent que le terme « inondation » doit être défini comme étant « la mise sous eau d’une surface qui est normalement sèche ou encore comme la présence anormale d’une grosse quantité d’eau dans un local ». Elles font également référence, à cet égard, au JurisClasseur rural, qui définit le terme inondation comme étant « toujours d’ordre climatique et consist[ant] en des circonstances météorologiques défavorables, liées le plus souvent à des pluies abondantes », ainsi qu’au Guide pour les projets de construction à l’intérieur des zones inondables rédigé par l’administration luxembourgeoise de la gestion de l’eau. Ce guide définit en effet quatre types d’inondations, à savoir, premièrement, les inondations fluviales, deuxièmement, les inondations soudaines dues à de fortes pluies, troisièmement, les inondations par remontées de nappe et, quatrièmement, les inondations consécutives à une défaillance de dispositifs de protection technique. Ledit document indique également que, « [e]n cas de fortes pluies, l’eau s’accumule dans toutes les cuvettes dont font partie, en zone urbaine, les sous-sols ou les parkings souterrains » et qu’« un autre problème que l’on rencontre dans les zones urbanisées sont les obstacles à l’écoulement […] dont, par exemple, les ponts, les clôtures […] ou les canalisations en surcharge, ces dernières ne pouvant pas être dimensionnées pour de tels événements pour des raisons économiques et de gestion ».

80      Le Parlement considère, quant à lui, que le terme inondation peut avoir plusieurs significations dans le langage commun et se fonde essentiellement sur le contexte dans lequel le contrat TRC a été conclu pour faire valoir que ce terme aurait une portée plus restreinte et couvrirait uniquement les cas de cataclysmes naturels.

81      Il y a lieu de relever toutefois que, si l’intention des parties au contrat TRC avait été de restreindre la portée et le sens du terme « inondation » par rapport à son sens commun, une définition claire de ce terme aurait dû être insérée au contrat. Tel n’étant pas le cas, il faut en déduire que les parties n’ont pas entendu conférer à ce terme une définition plus restrictive que celle résultant de son acception commune.

82      À cet égard, outre les exemples mentionnés par les sociétés défenderesses, le dictionnaire Petit Larousse définit le terme « inondation » comme étant, à la fois, le « [d]ébordement des eaux recouvrant une étendue de pays » et la « [p]résence anormale d’une grosse quantité d’eau dans un local, due à une fuite, un incident ». Le dictionnaire Robert en ligne définit également le terme « inondation » comme étant, premièrement, un « [d]ébordement d’eaux qui inondent le pays environnant » et, deuxièmement, une « [g]rande quantité d’eau qui se répand ».

83      Deuxièmement, s’agissant du contexte entourant l’insertion de ce terme à l’article I.15.1.1 du contrat TRC, il convient de rappeler que ce contrat a été signé à la suite d’un appel d’offres lancé par le Parlement en vue de conclure une police d’assurance « Tous risques chantier » dans le contexte du projet d’extension et de remise à niveau du KAD. Comme le font valoir les sociétés défenderesses, c’est donc le Parlement lui-même qui a proposé l’insertion d’une telle clause au contrat, même si, ce faisant, il s’est basé sur les pratiques commerciales applicables en matière de contrats d’assurance.

84      Le Parlement fait valoir néanmoins que, au cours de la procédure de passation du marché public en cause, les soumissionnaires avaient posé des questions portant sur le risque d’inondation et obtenu du pouvoir adjudicateur la confirmation que la zone où était situé le chantier du KAD était non inondable.

85      Un tel élément ne saurait cependant être décisif dans la mesure où, ainsi que l’observent les sociétés défenderesses, une inondation peut avoir de multiples causes. Le fait que le KAD ne soit pas situé en zone inondable peut ainsi servir d’indication quant à l’absence de risque de crues ou de débordements en raison d’un cours d’eau avoisinant, mais n’indique pas nécessairement qu’aucune inondation de quelque type que ce soit, résultant, par exemple, de fortes pluies, ne serait jamais susceptible de se produire.

86      En effet, comme le font valoir les sociétés défenderesses, des pluies intenses peuvent en elles-mêmes et indépendamment de tout débordement d’un cours d’eau être à l’origine d’une inondation. Une inondation peut ainsi trouver son origine dans des causes différentes, telles que le débordement d’un cours d’eau, de fortes précipitations, le débordement d’une réserve d’eau de surface ou souterraine consécutive à une remontée de nappes phréatiques, ou encore la rupture d’un ouvrage de génie civil tel qu’un barrage ou une digue.

87      Il n’y a aucune raison valable de considérer que la clause I.15.1.1 du contrat TRC ne viserait que certaines des différentes causes pouvant être à l’origine d’une inondation, sans préciser lesquelles. En l’absence de définition fournie dans le contrat, il convient donc de considérer que cette notion n’a fait l’objet d’aucune restriction.

88      À cet égard, comme les sociétés défenderesses le font remarquer à juste titre, si le contrat TRC prend le soin de préciser à l’article I.15.1.1 que ne sont pas garantis les dommages se rattachant directement ou indirectement à la crue de cours d’eau de surface ou d’eaux souterraines ainsi que ceux se rattachant directement ou indirectement à un cas d’inondation, c’est bien parce que les parties ont souhaité opérer une distinction entre ces deux notions.

89      En effet, s’il fallait suivre le raisonnement du Parlement selon lequel le terme « inondation » ne viserait que les cas de débordement d’un cours d’eau, cas pourtant déjà expressément visés sous la notion de « crue de cours d’eau de surface ou d’eaux souterraines » à l’article I.15.1.1, il ne serait pas possible d’identifier quelles seraient les situations visées par le terme « inondation » et, partant, de donner un effet utile à ce terme, qui est pourtant expressément prévu également par cette disposition.

90      Troisièmement, la position du Parlement selon laquelle l’article I.15.1.1 n’énumérerait que des cas de cataclysmes naturels tels que le crues, les raz-de-marée, les mouvements de terrain et les tremblements de terre ne saurait davantage être suivie. En effet, comme le font remarquer à juste titre les sociétés défenderesses, ladite disposition prévoit également l’absence de garantie des dommages se rattachant à une insuffisance d’évacuation par les égouts, ce qui ne saurait être assimilé à un cas de cataclysme naturel. À cet égard, le fait que le terme « inondation » figure à l’article II.1 des conditions générales du contrat TRC qui définit les cas de « cataclysmes naturels » ne signifie pas pour autant que les deux termes seraient synonymes et que la notion d’inondation ne couvrirait elle-même que de tels cas.

91      Quatrièmement, le Parlement ne saurait valablement faire valoir qu’une telle interprétation ne permettrait pas de distinguer une « vraie inondation » d’un simple cas de dégâts des eaux. En effet, comme le font valoir les sociétés défenderesses, l’interprétation qu’elles donnent du terme « inondation » permet de faire une distinction entre une inondation et des dégâts des eaux, en ce sens qu’une inondation trouve son origine dans un événement naturel extérieur au bien assuré, que cet événement soit qualifié de cataclysme naturel ou non, tandis que, pour un simple dégât des eaux, tel qu’une rupture de canalisations, par exemple, cet élément extérieur fait défaut.

92      Or, il y a lieu de constater qu’un phénomène de précipitations abondantes comme celui qui s’est produit en l’espèce, qu’il puisse être qualifié de cataclysme naturel ou non, constitue un événement naturel, en dehors de tout contrôle de l’assuré, qui est dès lors couvert par la notion d’« inondation » au sens de l’article I.15.1.1 du contrat TRC.

93      À cet égard, les arguments du Parlement visant à minimiser la gravité du phénomène climatique qui s’est produit les 27 et 30 mai 2016 au Luxembourg et, en particulier, sur le plateau du Kirchberg, s’ils peuvent être pertinents afin de contester la survenance d’un « cataclysme de la nature » au sens de l’article I.15.1.1 du contrat TRC, sont en revanche inopérants aux fins de déterminer si les dommages constatés au niveau – 4 du KAD se rattachent, directement ou indirectement, à un cas d’« inondation » au sens de l’article I.15.1.1 du contrat TRC. En effet, il convient de rappeler que l’article I.15.1.1 du contrat TRC mentionne les cas d’« inondation » comme cause d’exclusion distincte et autonome, en sus des cas de « cataclysme de la nature ». Dès lors, à supposer que les parties au contrat aient entendu conférer un effet utile à chacun de ces termes, la notion d’« inondation » ne saurait se recouper entièrement avec celle de « cataclysme de la nature ».

94      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que ni le texte de l’article I.15.1.1 du contrat TRC, lu à la lumière des autres dispositions de ce contrat, ni le contexte entourant la conclusion dudit contrat ne permettent de conclure qu’il y aurait lieu de donner une portée restrictive au terme « inondation » comme le propose le Parlement.

95      Partant, dans la mesure où une inondation peut également résulter de la seule accumulation de précipitations abondantes et se produire indépendamment de la proximité d’un cours d’eau, un tel phénomène correspond à la description du sinistre qui s’est produit en l’espèce, telle qu’effectuée par l’expert, à savoir une accumulation des eaux de pluie aux niveaux –°4 et –°5 du sous-sol du KAD, associée à une impossibilité pour le système souterrain de canalisation d’évacuer cet important débit d’eau.

96      Un tel phénomène constitue donc bien un cas d’« inondation » au sens de l’article I.15.1.1 du contrat TRC, de sorte que la garantie des dommages se rattachant directement ou indirectement à un tel cas est exclue.

97      Aucun des autres arguments soulevés par le Parlement n’est susceptible de remettre en cause cette conclusion.

98      Premièrement, le Parlement renvoie à l’article 2 de la directive 2007/60, qui définit le terme « inondation » comme suit :

« submersion temporaire par l’eau de terres qui ne sont pas submergées en temps normal. Cette notion recouvre les inondations dues aux crues des rivières, des torrents de montagne et des cours d’eau intermittents méditerranéens ainsi que les inondations dues à la mer dans les zones côtières et elle peut exclure les inondations dues aux réseaux d’égouts ».

99      À cet égard, il convient d’observer que, même si les inondations trouvant leur origine dans de fortes précipitations ne sont pas mentionnées explicitement dans ladite définition, il n’apparaît pas évident pour autant qu’elles en seraient d’office exclues, au vu du libellé de cette disposition.

100    En outre, comme le font valoir les sociétés défenderesses, il convient de tenir compte du contexte et du but poursuivi par la directive 2007/60, défini à l’article 1er comme étant d’« établir un cadre pour l’évaluation et la gestion des risques d’inondation, qui vise à réduire les conséquences négatives pour la santé humaine, l’environnement, le patrimoine culturel et l’activité économique associées aux inondations dans la Communauté ».

101    Dès lors, à défaut d’une définition précise de ce terme dans le contrat TRC, il ne saurait être fait référence exclusivement à celle contenue dans la directive 2007/60, plutôt qu’à son acception commune dans le langage courant, en tenant compte de la logique d’ensemble de ce contrat et de son contexte.

102    En effet, s’il fallait considérer que le terme « inondation », au sens de l’article I.15.1.1 du contrat TRC, se rapporte exclusivement aux causes d’inondation définies à l’article 2 de la directive 2007/60, à savoir « les inondations dues aux crues des rivières, des torrents de montagne et des cours d’eau intermittents méditerranéens ainsi que les inondations dues à la mer dans les zones côtières », il apparaît difficile de concevoir pour quelles raisons les parties au contrat auraient pris le soin de prévoir également les cas de crue de cours d’eau de surface en sus des cas d’inondation parmi les différentes hypothèses prévues à l’article I.15.1.1 dudit contrat.

103    Partant, aucun argument décisif ne saurait être tiré du libellé de la directive 2007/60.

104    De plus, dès lors qu’une clause d’exclusion de garantie des dommages liés à une inondation a expressément été prévue dans le contrat TRC, il ne saurait être présumé que, par l’inclusion de ces termes, le parties signataires aient uniquement voulu viser les cas d’inondation liés à une crue ou à un raz-de-marée.

105    S’agissant, par ailleurs, de la référence faite par le Parlement au considérant 10 du règlement no 267/2010, il n’est pas possible de comprendre en quoi celle-ci soutiendrait l’interprétation du terme « inondation » que le Parlement préconise. Ledit considérant précise en effet que « plus les catégories dans lesquelles sont groupées les statistiques sur le coût de la couverture d’un risque donné dans le passé sont étroites, plus les entreprises d’assurance ont de possibilités de différencier leurs primes commerciales lorsqu’elles les calculent. Il convient par conséquent de n’exempter la compilation en commun du coût des risques dans le passé qu’à condition que le niveau de détail et de différenciation des statistiques fournies soit suffisant d’un point de vue actuariel. » À supposer que le Parlement ait entendu se référer au considérant 11 du règlement no 267/2010, celui-ci se borne à préciser qu’« [u]ne exception à l’exigence relative à l’accès des organisations de consommateurs et de clients [aux résultats de compilations, tables et études réalisées conjointement] devrait être possible pour des motifs de sécurité publique, par exemple lorsque les informations ont trait aux systèmes de sécurité des centrales nucléaires ou aux lacunes des systèmes de prévention des inondations », sans que la pertinence de ce considérant apparaisse davantage pour les besoins de l’interprétation du terme « inondation » dans le contrat TRC.

106    Deuxièmement, le Parlement ne saurait utilement se fonder sur les conditions générales d’assurance des sociétés défenderesses (voir point 72 ci-dessus) afin d’établir ce qui aurait été leur propre compréhension du terme « inondation » à l’époque des faits.

107    En effet, s’il est vrai que, dans ces conditions générales, le terme « inondation » y est défini comme étant « le débordement d’un cours d’eau ou d’un plan d’eau » ou à un « [d]ébordement de cours d’eau, canaux, lacs, étangs, suite à des précipitations atmosphériques, une fonte de neiges ou des glaces ou une rupture de digues », il convient d’observer que lesdites conditions générales ont trait à des contrats d’assurance habitation et non à des contrats d’assurance « Tous risques chantier », comme en l’espèce.

108    En outre, comme l’admet le Parlement lui-même, ces conditions générales ne sont pas applicables en l’espèce, en vertu de l’article I.18.2 du contrat TRC, qui prévoit que « [l]e contractant renonce à ses propres conditions contractuelles » et qu’« [il déclare connaître et accepter les conditions générales faisant partie du présent contrat ». Dès lors, en l’absence de définition similaire du terme « inondation » dans le contrat TRC, le Parlement ne saurait se prévaloir des définitions de ce terme dans les conditions générales d’autres contrats d’assurance, auxquelles son cocontractant est censé avoir renoncé.

109    Troisièmement, dans la mesure où le Parlement fait valoir que le KAD aurait subi des dégâts en raison d’un risque inhérent au chantier, étant donné qu’il s’agissait d’un bâtiment en construction, qui n’était pas complètement fermé et protégé contre la pluie, il suffit de constater que, contrairement à ces allégations, il ressort du rapport d’expertise préliminaire que, lors des fortes pluies qui se sont abattues les 27 et 30 mai 2016, « une inondation importante s’est produite en sous-sol du bâtiment KAD alors que le gros ouvrage se [trouvait] dans un état pouvant être qualifié de quasiment achevé (structure portante et toiture) ».

110    Enfin, il convient de relever que, même si le Parlement conteste la qualification d’inondation dès lors que, selon lui, elle ne désignerait pas un cataclysme naturel, l’expert a constaté dans son rapport d’expertise préliminaire que, « [d]e manière plus spécifique, des eaux de pluie (eaux claires) émanant du chantier (principalement des toitures et autres parvis) se sont déversées de manière intense dans les sous-sols du bâtiment KAD, y générant une inondation des niveaux –°4 [et] –°5 ».

111    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les sociétés défenderesses ont pu opposer à bon droit au Parlement, en l’espèce, l’article I.15.1.1 du contrat TRC prévoyant l’absence de garantie pour tous les dommages liés directement ou indirectement à un cas d’inondation.

112    Partant, la demande principale du Parlement visant à ce que les sociétés défenderesses soient condamnées à lui rembourser les frais demandés doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres clauses d’exclusion découlant du contrat TRC invoquées par celles-ci, ni de quantifier le montant du préjudice indemnisable à cet égard.

113    Il convient néanmoins d’examiner le bien-fondé de la demande présentée par le Parlement à titre subsidiaire, visant à ce que les sociétés défenderesses soient condamnées solidairement au payement des dommages causés par le manquement aux obligations découlant de l’article I.13.2 du contrat TRC, ainsi que la demande visant à les condamner à rembourser les frais d’expertise.

 Sur le quatrième chef de conclusions visant, à titre subsidiaire, à condamner les sociétés défenderesses au remboursement des dommages causés par leur manquement aux obligations découlant des articles I.13.2 et I.13.2.1 du contrat TRC

114    Par son quatrième chef de conclusions, le Parlement fait valoir, à titre subsidiaire, que le comportement des défenderesses a donné lieu à d’autres manquements contractuels en vertu des articles I.13.2 et I.13.2.1 du contrat TRC.

115    En effet, contrairement à ces dispositions, les opérations d’expertise auraient, à la demande des sociétés défenderesses, subi un arrêt après la compilation du rapport d’expertise complémentaire, alors que l’analyse des origines, des responsabilités et de l’étendue du sinistre était inachevée. Les sociétés défenderesses auraient ainsi constaté à tort que le sinistre ne relevait pas du champ d’application du contrat TRC et la situation d’incertitude quant à la responsabilité pour le sinistre, engendrée par l’arrêt des opérations d’expertise, serait la conséquence directe d’un manquement contractuel imputables aux sociétés défenderesses. Ces dernières devraient dès lors, à tout le moins, être tenues au paiement des dommages et intérêts en vertu de l’article 1147 du code civil luxembourgeois. Le Parlement considère que sa perte, au sens de l’article 1149 du code civil luxembourgeois, coïncide, en l’espèce, avec les coûts engendrés pour la gestion du sinistre.

116    Les sociétés défenderesses considèrent avoir pleinement respecté leurs obligations découlant du contrat TRC. En effet, il n’appartiendrait pas à l’expert de se prononcer sur les responsabilités encourues, ni de se prononcer sur le principe de la couverture du sinistre, dès lors que ceci relèverait d’une analyse juridique échappant à la mission d’un consultant technique. Une telle obligation ne découlerait d’ailleurs nullement de l’article I.13.2 du contrat TRC.

117    En outre, ce serait à tort que le Parlement se prévaudrait du fait que l’expert avait déclaré que le sinistre relevait du champ d’application du contrat TRC pour établir que la couverture du dommage serait garantie. En effet, selon les sociétés défenderesses, ce n’est pas parce qu’un dommage relève de l’objet de la garantie prévue dans le contrat d’assurance qu’il est nécessairement couvert, alors même que ce dommage peut faire l’objet de diverses exclusions de garantie prévues au contrat.

118    Dans la réplique ainsi qu’en réponse à une question du Tribunal, le Parlement ajoute que la position des sociétés défenderesses est contraire à la lettre du contrat TRC. En outre, la détermination des responsabilités permettrait à l’assureur de démontrer que le sinistre n’est pas la réalisation directe d’un risque inhérent au chantier, mais la conséquence directe des comportements spécifiques de l’un ou l’autre intervenant. En l’absence d’une telle démonstration, il conviendrait de présumer que le sinistre est la conséquence d’un événement ou d’un ensemble de circonstances qui ont mené à la réalisation d’un risque inhérent au chantier. Si, en l’occurrence, les responsabilités pouvaient déjà être « entrevues », leur détermination dans un rapport d’expertise définitif n’aurait pas demandé un effort considérable de la part de l’expert mandaté et, par conséquence, des assureurs. En revanche, en l’absence d’un rapport d’expertise finalisé, le Parlement n’aurait pas été en mesure de faire procéder à une contre-expertise, conformément à l’article I.13.2.1 du contrat TRC.

119    Dans la duplique et en réponse à une question du Tribunal, les sociétés défenderesses contestent cette interprétation et font valoir que la détermination des responsabilités se pose uniquement en matière d’assurance responsabilité civile, alors qu’une assurance « Tous risques chantier » aurait précisément pour but de fournir une indemnisation sans avoir à déterminer quel intervenant voit sa responsabilité engagée. Ainsi, la question de la détermination des responsabilités serait une question juridique qu’il n’appartiendrait pas à l’expert de résoudre. En tout état de cause, elles estiment que, en l’occurrence, les informations et les observations consignées dans le rapport d’expertise complémentaire I permettent bel et bien de déterminer l’identité des lots d’entreprises concernés par les manquements relevés. Dès lors, à supposer un manquement contractuel établi, le dommage dont le Parlement demande l’indemnisation serait inexistant, puisqu’il pourrait toujours procéder à une analyse des responsabilités engagées au regard des manquements relevés par l’expert.

120    À cet égard, il convient de relever que, selon l’article I.13.2 du contrat TRC, « [l’]analyse des origines, responsabilités et étendue du sinistre et l’évaluation du montant des dommages est effectué selon les modalités suivantes », tandis que l’article I.13.2.1 précise que « [l’]estimation est effectuée par un expert nommé et payé par l’assureur ».

121     Au vu du libellé de ces dispositions, le Parlement est fondé à faire valoir que, en décidant d’interrompre, avant leur terme, les opérations d’expertise, les sociétés défenderesses ont violé leurs obligations découlant des articles I.13.2 et I.13.2.1 du contrat TRC. En effet, une telle interruption a eu pour effet de créer une situation d’incertitude en ce qui concerne l’analyse des origines et des responsabilités du sinistre, alors même que l’article I.13.2.1 prévoit explicitement qu’une telle analyse doit être effectuée.

122    Les sociétés défenderesses ne sauraient faire valoir, à cet égard, que la question de la détermination des responsabilités ne se pose qu’en matière de responsabilité civile et non dans le cadre d’un contrat d’assurance « Tous risques chantier », qui a pour but de fournir une indemnisation sans avoir à déterminer quel intervenant voit sa responsabilité engagée, puisque l’indemnisation du sinistre a précisément été refusée en l’espèce. En l’occurrence, le Parlement a donc un intérêt légitime à pouvoir déterminer si certaines parties intervenantes peuvent être tenues responsables de ce sinistre.

123    Certes, s’il est vrai qu’il n’appartient pas à l’expert de se prononcer sur l’analyse juridique des responsabilités encourues, il n’en reste pas moins que celui-ci est à-même d’effectuer certaines constatations de fait, à partir desquelles les parties au contrat peuvent ensuite tirer les conclusions juridiques qui s’imposent.

124    Partant, il convient de constater que, en interrompant prématurément les travaux d’expertise, les sociétés défenderesses ont manqué à leurs obligations découlant des articles I.13.2 et I.13.2.1 du contrat TRC.

125    Cela étant, le Parlement n’est pas fondé à demander le remboursement de la totalité des frais exposés pour la gestion du sinistre, pour un montant total de 779 902,87 euros, sur cette seule base. En effet, comme l’indique le Parlement, ces frais correspondent, premièrement, aux mesures conservatoires mises en place par le lot 2, pour un montant de 375 144,23 euros, deuxièmement, à la remise en état des équipements, effectuée par le lot 71, pour un montant de 16 270,87 euros, troisièmement, à la remise en état des équipements et au remplacement du transformateur, effectués par le lot 73, pour un montant de 372 353,05 euros et , quatrièmement, aux honoraires du lot D, pour un montant de 16 134,72 euros.

126    Or, selon l’article 1149 du code civil luxembourgeois, applicable à titre complémentaire au contrat TRC en application de son article I.18, « [l]es dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après ». L’article 1151 dudit code prévoit ainsi que, « [d]ans le cas même où l’inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre, à l’égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention. »

127    De même, selon les principes généraux du droit de l’Union en matière de responsabilité contractuelle, trois conditions doivent être remplies pour qu’une action en responsabilité contractuelle puisse aboutir, à savoir, tout d’abord, que l’institution en cause n’ait pas rempli ses obligations contractuelles, ensuite, que la partie requérante ait subi un dommage et, enfin, qu’il existe un lien de causalité entre le comportement de ladite institution et ce dommage (arrêt du 12 avril 2018, PY/EUCAP Sahel Niger, T‑763/16, EU:T:2018:181, point 66).

128    En l’espèce, toutefois, le Parlement, auquel incombe la charge de la preuve à cet égard, n’a pas démontré que l’interruption des travaux d’expertise complémentaire a pu causer l’intégralité du dommage qu’il revendique. Si, comme le fait valoir le Parlement à cet égard, en vertu du principe de réparation intégrale, la réparation du préjudice doit replacer la victime, pour autant que possible, dans la situation où elle se serait trouvée si le dommage n’avait pas été causé, il n’y a lieu de réparer que le dommage qui constitue une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention.

129    Dès lors, le Parlement ne saurait valablement soutenir que l’intégralité du dommage qu’il a subi constitue une suite immédiate et directe de l’inexécution des obligations procédurales stipulées aux articles I.13.2 et I.13.2.1 du contrat TRC. Il y a lieu de considérer, en effet, que, à supposer que le Parlement ait pu subir un dommage résultant directement de la violation des obligations procédurales stipulées aux articles I.13.2 et I.13.2.1 du contrat TRC, celui-ci correspondrait, en substance, aux frais d’expertise supplémentaires qui auraient été encourus pour mener les opérations d’expertise à leur terme.

130    Or, il convient de relever à cet égard, à l’instar des sociétés défenderesses, que le Parlement paraît être en mesure de procéder à une analyse des responsabilités engagées au regard des manquements relevés par l’expert ou, à tout le moins, n’a pas démontré en quoi le rapport d’expertise préliminaire ainsi que le rapport d’expertise complémentaire ne lui permettraient pas de procéder à une telle analyse. En effet, ces rapports contiennent suffisamment d’indications afin de permettre au Parlement de définir les origines du sinistre ainsi que les responsabilités éventuelles des différents intervenants sur le chantier. Au point 4.2.4 du rapport d’expertise complémentaire I, l’expert a ainsi relevé, s’agissant des « [c]auses techniques de survenance de l’inondation », que l’accumulation des eaux aux niveaux –°4 et –°5 du KAD était due à un combinaison de plusieurs facteurs, à savoir que « le réseau sous dallage se trouv[ait] dans un état quasi obstrué de débris émanant du chantier », que « les conduites hydrauliques sous dallage [n’étaient] pas dimensionnées pour un tel débit d’eau pluviale exceptionnel » et que, « [e]n sus, au vu des débits d’eau pluviale se drainant vers le puits collecteur, les deux pompes de relevage (fonctionnant en cascade) ne se sont pas déclenchées du fait d’un défaut de programmation ». Au point 8.3 du rapport d’expertise complémentaire I, l’expert a également constaté, s’agissant du caniveau encastré de reprise et d’évacuation des eaux pluviales, que « certains lots d’entreprises étaient informés de son état obstrué ». De plus, au point 4.2.4 du même rapport, l’expert « s’interroge[ait] sur les raisons qui ont conduit le lot 73 à poursuivre l’installation de ces équipements techniques [au niveau –°4] eu égard au courrier transmis le 21 juin 2016 ».

131    Enfin, il convient de relever que, ayant été interrogées par le biais d’une mesure d’organisation de la procédure, notamment, sur le montant estimé du dommage indemnisable, dans l’hypothèse d’une violation des articles I.13.2 et I.13.2.1 du contrat TRC, les parties se sont, pour l’essentiel, limitées à réitérer les arguments figurant dans leurs écritures, à savoir, pour le Parlement, que l’intégralité du dommage encouru devrait être indemnisé à ce titre et, pour les sociétés défenderesses, que ce dommage serait inexistant.

132    Partant, dès lors que la demande du Parlement, visant à ce que l’intégralité des frais engendrés par la gestion du sinistre du KAD soit indemnisée au titre de la violation des articles I.13.2 et I.13.2.1 du contrat TRC, doit être rejetée, pour les raisons exposées aux points 125 à 129 ci-dessus, il n’appartient pas au Tribunal, en l’absence de demande explicite en ce sens, d’examiner si d’autres mesures éventuelles auraient permis de replacer le Parlement dans la situation où il se serait trouvé si la violation des articles I.13.2 et I.13.2.1 du contrat TRC n’avait pas eu lieu.

133    Au vu de ce qui précède, tout en constatant une violation des articles I.13.2 et I.13.2.1 du contrat TRC par les sociétés défenderesses en l’espèce, il y a lieu de rejeter la demande subsidiaire du Parlement visant à ce que l’intégralité des frais engendrés par la gestion du sinistre du KAD soit indemnisée à ce titre.

 Sur les cinquième et sixième chefs de conclusions visant à condamner les sociétés défenderesses au remboursement de certains frais d’expertise

134    S’agissant, enfin, de la demande du Parlement visant à ce que les sociétés défenderesses soient condamnées à supporter les frais d’expertise encourus par le bureau Luxcontrol, pour un montant de 16 636,00 euros, il y a lieu de constater, à l’instar du Parlement, que la mission de ce dernier avait été fixée par l’expert mandaté au point 7.3 de son rapport d’expertise complémentaire I comme suit :

–        « [vérifier le] matériel technique installé [et] stocké [au] niveau –°4 en se basant sur le listing produit par le lot 73 [;]

–        rendre un avis technique circonstancié sur les mesures préventives prises après la survenance du sinistre ou qui auraient dû être prises par le [lot] 73 [;]

–        rendre un avis technique circonstancié sur les équipements techniques devant impérativement être remplacés [;]

–        donner un avis circonstancié quant à l’évolution du matériel technique qui resterait éventuellement sur les lieux ».

135    Dès lors, dans la mesure où la demande principale du Parlement a été rejetée, en raison de l’applicabilité d’une clause d’exclusion, et où les frais d’expertise encourus par le bureau Luxcontrol trouvent leur source dans le rapport d’expertise complémentaire I, il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, la demande du Parlement visant à condamner les sociétés défenderesses à supporter ces frais également.

136    En outre, comme le font valoir les société défenderesses, l’article 21.1.11.3 du cahier des charges, annexé au contrat TRC, prévoit que « [n]e sont pas pris en considération comme frais normaux et restent donc à charge du preneur d’assurance […] les frais exposés pour la recherche ou l’évaluation des dommages ».

137    Or, bien que le Parlement considère qu’il serait « très réducteur » de définir la mission de cet organisme par la recherche des dommages, il est resté en défaut d’expliquer en quoi les différents éléments de la mission de l’expert, tels que rappelés au point 134 ci-dessus, ne correspondraient pas à cette définition.

138    Partant, il y a lieu de rejeter le chef de conclusions du Parlement visant à condamner les sociétés défenderesses à supporter les frais d’expertise encourus par le bureau Luxcontrol.

 Sur les dépens

139    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 134, paragraphe 2, du règlement de procédure, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens. Par ailleurs, aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

140    En l’espèce, le Parlement ayant succombé à l’égard des sociétés défenderesses tant en ce qui concerne ses demandes principales qu’en ce qui concerne sa demande subsidiaire, sauf en ce qui concerne le constat formel de la violation des articles I.13.2 et I.13.2.1 du contrat TRC, il y a lieu de décider que le Parlement supportera les deux-tiers des dépens encourus par les sociétés défenderesses, outre ses propres dépens.

141    Par ailleurs, Nationale-Nederlanden Schadeverzekering Maatschappij ayant succombé dans la procédure par défaut la concernant, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens afférents à ladite procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij NV est condamnée à rembourser la somme de 79 653, 89 euros au Parlement européen et les intérêts légaux pour retard de payement y afférent, à partir du 22 décembre 2017, dont le taux est égal à la somme du taux d’intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne (BCE) à ses opérations principales de refinancement et de huit points de pourcentage.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Nationale-Nederlanden Schaderverzekering Maatschappij supportera les dépens afférents à la procédure par défaut la concernant.

4)      Le Parlement supportera les deux-tiers des dépens encourus par Axa Assurances Luxembourg SA, Bâloise Assurances Luxembourg SA et La Luxembourgeoise SA, outres ses propres dépens.

Svenningsen

Barents

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 septembre 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.