Language of document : ECLI:EU:T:2013:607

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

11 novembre 2013 (*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Messageries traditionnelle et express – Décision de ne pas étendre l’obligation de récupération aux repreneurs potentiels du bénéficiaire en redressement judiciaire – Absence d’intérêt à agir – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑545/12,

Mory SA, établie à Pantin (France),

Mory Team, établie à Pantin,

Superga Invest, anciennement Compagnie française superga d’investissement dans le service (CFSIS), établie à Miraumont (France),

représentées par Mes B. Vatiert et F. Loubières, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. T. Maxian Rusche et B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2012) 2401 final de la Commission, du 4 avril 2012, concernant la reprise des actifs du groupe Sernam dans le cadre de son redressement judiciaire,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, Mory SA, Mory Team et Superga Invest, anciennement Compagnie française superga d’investissement dans le service (CFSIS), se présentent comme ayant été des concurrentes directes du groupe Sernam, constitué de la Financière Sernam et de ses filiales, Sernam Services et Aster. Mory et Mory Team étaient actives dans le secteur de la messagerie traditionnelle et de la messagerie express avant leur mise en liquidation judiciaire et Superga Invest était l’actionnaire principal de Mory.

2        Par la décision du 23 mai 2001, concernant l’aide d’État NN 122/2000 (ex NJ 140/2000) (JO C 268, p. 15), la Commission européenne a approuvé une aide à la restructuration du groupe Sernam.

3        Par la décision 2006/367/CE, du 20 octobre 2004, concernant l’aide d’État partiellement mise à exécution par la France en faveur de l’entreprise Sernam (JO 2006, L 140, p. 1, dite « décision Sernam 2 »), la Commission a confirmé que l’aide approuvée par la décision du 23 mai 2001 était compatible avec le marché intérieur sous certaines conditions et a relevé la présence d’une aide supplémentaire incompatible avec le marché intérieur et devant donc être récupérée par les autorités françaises.

4        Par lettre du 16 juillet 2008, la Commission a informé la République française de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard de l’application par cette dernière de la décision du 20 octobre 2004. Cette décision d’ouverture a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 9 janvier 2009 (JO C 4, p. 5).

5        Le 27 juin 2011, Mory et Mory Team ont été placées en redressement judiciaire par le Tribunal de commerce de Bobigny.

6        Le 31 janvier 2012, la Financière Sernam et Sernam Services ont été placées en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Nanterre. Le 3 février 2012, Aster a été mise en liquidation judiciaire avec poursuite d’activité par le tribunal de commerce de Pontoise.

7        Le 9 mars 2012, la Commission a adopté la décision 2012/398/UE, concernant l’aide d’État n° SA.12522 (C 37/08) – France – Application de la décision « Sernam 2 » (JO L 195, p. 19). L’article 1er du dispositif de ladite décision indique que la Financière Sernam et ses filiales, Sernam Services et Aster, ont bénéficié d’aides d’État illégales et incompatibles. Aux termes de l’article 2 du dispositif, la République française est tenue de récupérer lesdites aides auprès de ces sociétés.

8        Le même jour, deux offres de reprise ont été transmises à l’administrateur judiciaire du groupe Sernam, la première émanant de Geodis et la seconde de BMV. L’offre de reprise de Geodis était soumise à la condition selon laquelle « aucune obligation de quelque nature que ce soit et notamment aucune charge de restitution de tout ou partie des aides illégales versées à Sernam ne puisse être transférée avec les actifs repris ou du fait de la reprise, ou être mise à la charge du repreneur ». L’offre présentée par BMV n’était pas assortie d’une telle condition, mais était présentée comme étant indissociable de l’offre présentée par Geodis et devenait caduque si l’offre de cette dernière était refusée.

9        Le 23 mars 2012, les autorités françaises ont demandé à la Commission de confirmer que l’obligation de remboursement des aides d’État imposée au groupe Sernam ne serait pas étendue à Geodis et à BMV, en ces de reprise par celles-ci d’une partie des actifs du groupe Sernam.

10      Par la décision C (2012) 2401 final, du 4 avril 2012, concernant la reprise des actifs du groupe Sernam dans le cadre de son redressement judiciaire (résumé au JO C 305, p. 10, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a répondu que l’obligation de remboursement des aides d’État imposée aux sociétés Sernam par l’article 2 de la décision Sernam 2 n’était pas étendue aux acquéreurs potentiels des actifs du groupe Sernam.

11      Le 10 juillet 2012, Mory et Mory Team ont été mises en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Bobigny.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2012, les requérantes ont introduit le présent recours.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 mars 2013, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

14      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 30 avril 2013, la République française a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

15      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le même jour, la société Calberson a également demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

16      Le 17 mai 2013, les requérantes ont présenté leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

17      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

18      Dans leur requête, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement irrecevable ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

20      Dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

21      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

22      La Commission fait valoir que le présent recours est irrecevable au motif que les requérantes n’auraient pas établi que deux d’entre elles, Mory et Mory Team, avaient un intérêt à agir contre la décision attaquée et ne seraient pas individuellement concernées par celle‑ci. Quant à Superga Invest, elle ne serait manifestement pas individuellement concernée par la décision attaquée et n’aurait manifestement pas d’intérêt à agir contre celle‑ci.

23      Il convient d’examiner la fin de non-recevoir opposée par la Commission et tirée d’un défaut d’intérêt à agir des requérantes.

24      La Commission avance que Mory et Mory Team sont en liquidation judiciaire et ne sont donc plus concurrentes ni du groupe Sernam, ni de Geodis. Leur survie juridique serait uniquement liée aux opérations de liquidation. Concernant la prétention de Mory et de Mory Team d’engager des actions en réparation des préjudices qui leur auraient été causés par des tiers tels que Geodis, ces actions seraient tout au plus futures, incertaines et hypothétiques, et la possibilité d’obtenir réparation du dommage allégué ne serait en aucune façon la conséquence directe et automatique de l’annulation de la décision attaquée. Quant à Superga Invest, elle ne saurait, notamment, fonder son intérêt à agir sur la possibilité de reprendre l’exploitation d’activités de messagerie directement concurrentes de celles de Géodis, car il ne s’agirait là également que d’une situation incertaine, future et hypothétique.

25      Les requérantes affirment que deux d’entre elles, Mory et Mory Team, même en liquidation, conservent un intérêt à agir contre la décision attaquée. D’une part, Mory aurait un intérêt à agir dès lors qu’elle aurait été une partie intéressée dans la procédure ayant conduit à la décision Sernam 2, dont la décision attaquée serait le prolongement direct. D’autre part, Mory et Mory Team auraient un intérêt à agir du fait qu’elles auraient été concurrentes du groupe Sernam et qu’elles seraient concurrentes de Geodis, ce qui leur donnerait la possibilité d’engager des actions en réparation contre ceux-ci. Quant à Superga Invest, non seulement elle subirait directement, en tant qu’actionnaire principal de Mory, les conséquences des troubles concurrentiels soufferts par cette dernière, mais, de plus, elle serait en mesure de reprendre l’exploitation d’activités de messagerie directement concurrentes de celles de Geodis, ce qui lui donnerait également un intérêt à agir. Enfin, l’absence d’ouverture par la Commission d’une procédure formelle d’examen aurait privé les requérantes du bénéfice du droit procédural à intervenir au cours de la procédure administrative.

26      Selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice. Un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est ainsi recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. L’intérêt à agir d’une partie requérante suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques, que le recours soit ainsi apte, par son résultat, à procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté et que celle-ci justifie d’un intérêt né et actuel à l’annulation dudit acte (ordonnance du Tribunal du 15 mai 2013, Post Invest Europe/Commission, T‑413/12, non publiée au Recueil, point 22).

27      Selon la jurisprudence, c’est au requérant qu’il appartient d’apporter la preuve de son intérêt à agir. Le requérant doit, en particulier, démontrer l’existence d’un intérêt personnel à obtenir l’annulation de l’acte attaqué. Cet intérêt doit être né et actuel et s’apprécie au jour où le recours est formé. Si l’intérêt dont se prévaut un requérant concerne une situation juridique future, il doit établir que l’atteinte à cette situation se révèle, d’ores et déjà, certaine. Dès lors, un requérant ne saurait invoquer des situations futures et incertaines pour justifier son intérêt à demander l’annulation de l’acte attaqué (ordonnance Post Invest Europe/Commission, précitée, point 23).

28      En l’espèce, aucun des arguments avancés par les requérantes n’est de nature à établir l’existence, à leur endroit, d’un intérêt à agir.

29      En premier lieu, les requérantes avancent que l’une d’entre elles, Mory, a été membre de l’Honorable association de logisticiens et de transporteurs européens (Halte), qui était une partie intéressée à la procédure qui a conduit à la décision Sernam 2, et qu’elle est par ailleurs personnellement intervenue dans cette procédure. La décision attaquée étant une décision relative aux modalités d’application de cette décision, le statut de partie intéressée de Mory dans le présent recours découlerait directement de son statut de partie intéressée dans la procédure ayant conduit à la décision Sernam 2.

30      À titre liminaire, il convient de relever que, par cet argument, les requérantes semblent tenter de démontrer davantage une qualité pour agir qu’un intérêt pour agir.

31      Selon une jurisprudence bien établie concernant les décisions portant sur la qualification d’aides d’État et sur la compatibilité éventuelle de celles-ci, il ne saurait être inféré de la seule participation d’une requérante à la procédure administrative qu’elle a qualité pour agir à l’encontre d’une telle décision. Une requérante doit, en tout état de cause, démontrer que la mesure faisant l’objet d’une telle décision était susceptible d’affecter substantiellement sa position sur le marché (ordonnance du Tribunal du 7 mars 2013, UOP/Commission, T‑198/09, non encore publiée au Recueil, point 27).

32      Or, d’une part, il convient de constater que, Mory n’exerçant plus d’activité sur le marché depuis sa liquidation, elle ne saurait voir sa position sur le marché substantiellement affectée.

33      D’autre part, il convient de constater que la décision attaquée, en l’espèce, est non pas une décision portant sur la qualification d’aides d’État et sur la compatibilité éventuelle de celles-ci, mais une décision portant sur la question des modalités de récupération d’aides illégales et incompatibles. Or, il ressort de l’économie générale de la procédure de contrôle des aides d’État, et en particulier de l’article 14 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), que la question des modalités de récupération concerne uniquement la Commission et l’État membre auquel il incombe de récupérer de telles aides.

34      Le statut de partie intéressée de Mory au cours de la procédure administrative ne saurait donc justifier son intérêt à agir contre la décision attaquée.

35      Ce premier argument doit donc être rejeté.

36      En deuxième lieu, les requérantes avancent que deux d’entre elles, Mory et Mory Team, conservant leur personnalité juridique pour les besoins de leur liquidation, sont habilitées à engager des actions en réparation des préjudices qui leur ont été causés par des tiers. Selon les requérantes, la question de savoir si Geodis peut être autorisée à reprendre les actifs du groupe Sernam, bénéficiaire des aides illégales, sans répondre des obligations de remboursement, détermine directement la possibilité pour elles de se retourner contre Geodis en réparation du préjudice qu’elle leur causerait en s’associant à l’exploitation d’aides illégales. Or, la possibilité d’agir contre Geodis disparaîtrait dès lors que celle-ci n’a pas été considérée comme devant assumer la continuité économique du groupe Sernam dans le bénéfice des aides illégales. À cet égard, les requérantes précisent que l’intérêt à agir de deux d’entre elles, Mory et Mory Team, n’est pas fondé seulement sur l’éventualité de contentieux futurs, mais sur le fait que ces dernières ont déjà intenté des actions en France.

37      En principe, une partie conserve son intérêt à poursuivre un recours en annulation dès lors qu’il peut constituer la base d’un recours éventuel en responsabilité (arrêt du Tribunal du 19 juin 2009, Socratec/Commission, T‑269/03, non publié au Recueil, point 37).

38      En l’espèce, les requérantes estiment que deux d’entre elles, Mory et Mory Team, conservent un intérêt à agir en annulation contre la décision attaquée, et ce nonobstant leur mise en liquidation, au motif qu’une telle annulation constituerait un préalable à l’introduction d’un possible recours en indemnité. Elles font par ailleurs valoir que deux instances sont pendantes devant les tribunaux français.

39      En effet, le 25 avril 2007, Mory et Mory Team ont introduit un recours devant le Tribunal administratif de Paris afin de contraindre le ministère de l’Économie français à récupérer les aides accordées au groupe Sernam.

40      Cependant, force est de constater que ce recours ne vise pas la réparation des préjudices éventuellement subis par les requérantes.

41      Il peut ainsi être relevé que celles-ci n’ont entrepris aucune démarche pendant de nombreuses années, comme le souligne la Commission, aux fins d’obtenir réparation du prétendu préjudice résultant de la distorsion de concurrence induite par ces aides.

42      En outre, le 7 mai 2013, soit après l’introduction du présent recours, les requérantes ont introduit un recours devant le tribunal de commerce de Paris, par lequel elles demandent la condamnation solidaire, notamment, du groupe Sernam et de Geodis à réparer les préjudices que ces sociétés leur auraient causés.

43      À cet égard, en ce qui concerne un préjudice éventuellement causé aux requérantes par le groupe Sernam, il ne peut qu’être constaté qu’une annulation de la décision attaquée ne leur apporterait aucun bénéfice. En effet, la Commission, par la décision Sernam 2, a d’ores et déjà indiqué que le groupe Sernam avait bénéficié d’aides illégales et incompatibles. Dès lors, depuis cette date, il est loisible, pour les requérantes, d’arguer du fait que le groupe Sernam a bénéficié de telles aides au soutien d’éventuelles actions en réparation.

44      Quant à un préjudice éventuellement causé aux requérantes par Geodis, il convient de rappeler que Mory et Mory Team ont été placées en redressement judiciaire le 27 juin 2011 et en liquidation judiciaire le 10 juillet 2012. Geodis ayant repris les activités du groupe Sernam à une date non précisée par les requérantes, mais nécessairement postérieure à celle de la décision attaquée, du 4 avril 2012, il ne saurait, en tout état de cause, être responsable de leur mauvaise situation financière.

45      En effet, il ne peut qu’être constaté que Mory et Mory Team ont été placées en redressement judiciaire à une date à laquelle Geodis n’avait pas encore repris les actifs du groupe Sernam. Par ailleurs, comme le relève la Commission, compte tenu du temps nécessaire pour que Geodis intègre les nouveaux actifs à son entreprise et des investissements nécessaires à cet effet, la reprise par celle-ci de certains actifs du groupe Sernam ne saurait être la cause de la mise en liquidation judiciaire de Mory et de Mory Team.

46      Quoi qu’il en soit, la requête ne contient aucune donnée étayant l’existence d’un tel lien de causalité. Bien au contraire, les requérantes expliquent elles-mêmes dans leur requête qu’« [i]l existe un parallélisme dans le temps et un lien causal direct entre l’exploitation par [le groupe Sernam], pendant [dix] années, de 642 [millions d’euros] d’aides illégales et les difficultés puis la cessation d’activité économique du groupe Mory ».

47      Il convient également de relever que les requérantes n’ont pas établi que Geodis pourrait, théoriquement, être tenue pour responsable, en droit national, du prétendu préjudice causé aux requérantes par le groupe Sernam par le simple fait d’avoir repris certains de ses actifs. En effet, aucun des arrêts fournis par les requérantes en annexe de leur requête ne concerne l’hypothèse d’une réparation d’un préjudice causé par une entreprise et indemnisé par son repreneur.

48      Les requérantes semblent en fait viser essentiellement le préjudice que pourrait leur causer Geodis en reprenant certains des actifs du groupe Sernam sans être tenue de restituer les aides incompatibles et illégales dont celui-ci a bénéficié. Or, en tout état de cause, Mory et Mory Team ayant cessé toute activité économique depuis leur liquidation, elles ne sauraient subir un préjudice causé par Geodis.

49      Ainsi, les requérantes ne parvenant pas à démontrer qu’elles pourraient subir un préjudice de la part de Geodis et, donc, qu’elles pourraient agir en responsabilité contre celle-ci, elles ne sauraient utilement prétendre que leur possibilité d’agir contre Geodis disparaîtrait dès lors que celle-ci n’a pas été considérée comme devant assumer la continuité économique du groupe Sernam dans le bénéfice des aides illégales.

50      Il convient donc de constater que les requérantes n’ont pas établi qu’une annulation de la décision attaquée leur permettrait de faciliter un recours en indemnité.

51      Ce deuxième argument doit donc également être rejeté.

52      En troisième lieu, les requérantes avancent que Superga Invest, en tant qu’actionnaire principal de Mory, subit directement les conséquences des troubles concurrentiels soufferts par celle-ci. De plus, Superga Invest, restée en exploitation dans le secteur du transport et toujours in bonis, pourrait reprendre l’exploitation d’activités de messagerie directement concurrentes de celles de Geodis.

53      À cet égard, il suffit de relever que, Mory n’étant plus en activité, elle ne saurait souffrir d’un quelconque trouble concurrentiel dont Superga Invest subirait les conséquences. Quant à l’hypothèse d’une reprise des activités de Mory et de Mory Team par Superga Invest, il convient de rappeler qu’un requérant ne saurait invoquer des situations futures et incertaines pour justifier son intérêt à demander l’annulation de l’acte attaqué (voir point 27 ci-dessus).

54      Ce troisième argument doit donc également être rejeté.

55      Enfin, les requérantes affirment que la Commission, par la décision attaquée, a implicitement écarté l’éventualité de l’ouverture d’une procédure formelle d’examen, les privant ainsi du bénéfice du droit procédural à intervenir pour faire connaître leurs observations.

56      À cet égard, il convient de relever que, si les requérantes souhaitent que la Commission ouvre une procédure formelle d’examen afin que soit vérifiées l’existence et la compatibilité d’éventuelles aides au bénéfice de Geodis, il leur appartient de saisir la Commission, et non d’attaquer une décision qui, visant les relations portant sur la question des modalités de récupération des aides illégales et incompatibles, ne concerne que les relations entre la Commission et l’État membre auquel il incombe de récupérer de telles aides (voir point 33 ci-dessus).

57      En outre, il convient de constater que, par la décision attaquée, la Commission a seulement répondu à la question posée par les autorités françaises de savoir si l’obligation de remboursement des aides qui avait été imposée au groupe Sernam par la décision Sernam 2 ne serait pas étendue à leurs repreneurs éventuels, Geodis et BMV, mais ne s’est pas prononcée sur l’existence et la compatibilité d’éventuelles aides sur la base de l’article 108 TFUE. Il convient d’ailleurs de relever que la Commission a précisé, au point 54 de la décision attaquée, que celle-ci « ne concerne pas le caractère avisé ou non de l’investissement des repreneurs consistant en la reprise de certains actifs du groupe Sernam et ne préjuge pas de l’appréciation de ces investissements au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ».

58      Ce dernier argument doit donc également être rejeté.

59      Dès lors, les requérantes n’ayant pas justifié de leur intérêt à agir contre la décision attaquée, le recours doit être déclaré irrecevable, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée par la Commission et tirée de l’absence d’affectation individuelle des requérantes.

60      Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes en intervention déposée par la République française et par Calberson.

 Sur les dépens

61      En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62      Conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, dernier alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supporte ses propres dépens.

64      Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

65      La République française et Calberson, demanderesses en intervention, supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes en intervention de la République française et de Calberson.

3)      Mory SA, Mory Team et Superga Invest supporteront, outre leurs propres dépens, ceux encourus par la Commission européenne.

4)      La République française et Calberson, demanderesses en intervention, supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 11 novembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. van der Woude


* Langue de procédure : le français.