Language of document : ECLI:EU:T:2014:911

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

24 octobre 2014(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative Bugui va –Marque figurative nationale antérieure Bugui et marque figurative communautaire antérieure BUGUI – Motif relatif de refus – Rejet de l’opposition – Article 76, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 207/2009 – Existence de la marque antérieure – Absence de prise en compte d’éléments de preuve présentés à l’appui de l’opposition devant la chambre de recours – Pouvoir d’appréciation de la chambre de recours – Article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 – Article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009 – Usage sérieux de la marque antérieure – Forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif »

Dans l’affaire T‑543/12,

Xavier Grau Ferrer, demeurant à Caldes de Montbui (Espagne), représenté par Me J. Carbonell Callicó, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme S. Palmero Cabezas et M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant :

Juan Cándido Rubio Ferrer et Alberto Rubio Ferrer, demeurant à Xeraco (Espagne), représentés par Me A. Cañizares Doménech, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 11 octobre 2012 (affaires jointes R 274/2011-4 et R 520/2011-4), relative à une procédure d’opposition entre, d’une part, M. Xavier Grau Ferrer et, d’autre part, MM. Juan Cándido Rubio Ferrer et Alberto Rubio Ferrer,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, F. Dehousse (rapporteur) et A. M. Collins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 décembre 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2013,

vu le mémoire en réponse des intervenants déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2013,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

vu les mesures d’organisation de la procédure du 14 mars 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 23 octobre 2008, les intervenants, Juan Cándido Rubio Ferrer et Alberto Rubio Ferrer ont présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire figurative à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 31, 35 et 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent aux descriptions suivantes :

–        classe 31 : « Produits agricoles, horticoles, forestiers et graines, non compris dans d’autres classes ; fruits, légumes et plantes potagères fraîches ; semences » ;

–        classe 35 : « Services d’import-export, publicité et vente au détail dans les commerces et via des réseaux informatiques mondiaux de tous types de fruits, légumes et herbes potagères ; organisation d’expositions à but commercial ou de publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau » ;

–        classe 39 : « Services d’entreposage, distribution et transport ; emballage et entreposage de marchandises ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 2009/018, du 18 mai 2009.

5        Le 10 août 2009, le requérant, Xavier Grau Ferrer, a formé opposition au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque communautaire figurative demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques figuratives antérieures suivantes :

–        enregistrement espagnol n° 2600724 du signe figuratif demandé le 8 juin 2004 et enregistré le 22 novembre 2004 pour tous les produits de la classe 31 :

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–        enregistrement communautaire n° 2087534 du signe figuratif ci-après, demandé le 14 février 2001 et enregistré le 14 juin 2002 pour les produits et services des classes suivantes :

–        classe 31 : « Produits agricoles, horticoles, forestiers et graines, non compris dans d’autres classes ; fruits et légumes frais ; semences » ;

–        classe 32 : « Boissons de fruits et jus de fruits » ;

–        classe 39 : « Transport ; emballage et entreposage de produits alimentaires »

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7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 207/2009.

8        Le 21 décembre 2010, la division d’opposition a partiellement accueilli l’opposition. D’une part, elle a considéré que le requérant n’avait pas fourni de document représentant la marque espagnole figurative antérieure telle qu’enregistrée dans le délai imparti à cet effet, en application de la règle 19, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p 1). Dès lors, elle a rejeté l’opposition fondée sur la marque espagnole figurative antérieure au motif que son existence et sa validité n’avaient pas été suffisamment étayées dans le délai imparti. D’autre part, elle a accueilli l’opposition fondée sur la marque communautaire antérieure au motif qu’un risque de confusion existait avec la marque demandée pour certains produits. En effet, elle a tout d’abord estimé que la preuve de l’usage sérieux de la marque communautaire antérieure avait été rapportée pour les fruits frais. Ensuite, elle a considéré que, exception faite des produits forestiers et des semences, les produits relevant de la classe 31 visés par la demande et les produits invoqués à l’appui de l’opposition pour lesquels l’usage avait été attesté étaient identiques ou similaires. Enfin, elle a estimé que les marques en conflit présentaient une similitude phonétique dans la mesure où elles comportaient toutes les deux le son « bugui », qui jouait un rôle distinctif indépendant dans les deux signes, mais qu’elles n’étaient pas similaires sur les plans visuel et conceptuel. Elle en a conclu que le risque de confusion existait uniquement pour les produits demandés jugés identiques ou semblables à ceux couverts par la marque antérieure et a rejeté l’opposition pour les autres produits et services demandés.

9        Le 10 février 2011, le requérant a formé un recours (R 520/2011‑4) et, le 14 février 2011, les intervenants ont formé un recours (R 274/2011‑4) auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 11 octobre 2012 (ci-après « la décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours dans l’affaire R 274/2011-4 et a rejeté le recours dans l’affaire R 520/2011-4. En substance, d’une part, elle a confirmé la décision de la division d’opposition selon laquelle la preuve de l’existence de la marque espagnole figurative antérieure n’avait pas été rapportée. D’autre part, elle a considéré que les éléments de preuve produits n’étaient pas suffisants pour démontrer que la marque communautaire antérieure avait fait l’objet, au cours de la période pertinente, d’un usage sérieux sous la forme sous laquelle elle était enregistrée ou sous une forme n’altérant pas son caractère distinctif, pour l’un des produits pour lesquels elle était enregistrée. Elle a donc annulé la décision de la division d’opposition du 21 décembre 2010 et a rejeté l’opposition dans son intégralité.

 Conclusions des parties

11      Le requérant conclut, dans sa requête, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en rejetant la marque communautaire figurative demandée pour tous les produits et services demandés ;

–        condamner l’OHMI et les intervenants aux dépens.

12      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le requérant a précisé qu’il concluait à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en enjoignant à l’OHMI de statuer en tenant compte des documents présentés notamment concernant la marque espagnole nº 2600724 BUGUI ;

–        condamner l’OHMI et les intervenants aux dépens.

13      L’OHMI et les intervenants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

1.     Sur la recevabilité du chef de conclusions tendant à enjoindre à l’OHMI de statuer en tenant compte des documents présentés notamment concernant la marque espagnole nº 2600724 BUGUI

14      Il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union européenne contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI, ce dernier est tenu, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [arrêts du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec, EU:T:2007:219, point 20, et du 27 juin 2013, Repsol YPF/OHMI – Ajuntament de Roses (R), T‑89/12, EU:T:2013:335, point 15].

15      Partant, ce chef de conclusions du requérant est irrecevable.

2.     Sur le fond

16      Le requérant soutient, dans un premier moyen, avoir prouvé l’existence et la validité de la marque espagnole antérieure et reproche à la chambre de recours de n’avoir pas pris en compte les faits invoqués et les preuves produites devant elle. Il allègue également la violation de l’obligation de motivation. Dans son deuxième moyen, concernant l’usage réel et sérieux des marques antérieures, le requérant soutient, premièrement, qu’il n’était pas nécessaire de prouver l’usage sérieux de la marque espagnole enregistrée depuis moins de cinq années à la date de publication de la demande de marque et, deuxièmement, avoir démontré l’usage réel et sérieux de la marque communautaire antérieure. Par son troisième moyen, le requérant allègue un risque de confusion entre la marque demandée et les marques antérieures.

 Sur le premier moyen, fondé sur la violation de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 et de la règle 50 du règlement n° 2868/95 ainsi que sur la violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009

17      Le requérant soutient, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours n’a pas pris en compte l’extrait de la base de données Sitadex, produit devant elle, qui comportait la représentation graphique de la marque espagnole antérieure, attestant de l’existence, de la validité et de l’étendue de ladite marque. Il invoque l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 et la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2868/95, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1041/2005 de la Commission, du 29 juin 2005 (JO L 172, p. 4, ci-après le « règlement d’application »).

18      L’OHMI soutient, quant à lui, que le requérant a produit devant la division d’opposition un extrait de la base de données Sitadex correspondant à la marque espagnole antérieure sans représentation graphique de la marque et estime qu’il n’a donc produit aucun document officiel contenant la représentation de ladite marque.

19      L’article 76 du règlement n° 207/2009 est relatif à l’ « Examen d’office des faits » et dispose, dans son paragraphe 2, que l’OHMI peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile.

20      La règle 50 du règlement d’application, intitulée « Examen du recours », dispose à son paragraphe 1, premier alinéa, que, sauf disposition contraire, les dispositions relatives aux procédures devant l’instance qui a rendu la décision attaquée sont applicables mutatis mutandis à la procédure de recours.

21      La règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement d’application prévoit que, lorsque le recours est dirigé contre une décision d’une division d’opposition, la chambre de recours limite l’examen du recours aux faits et aux preuves présentés dans les délais fixés ou précisés par la division d’opposition conformément au règlement et aux présentes règles, à moins que la chambre ne considère que des faits et preuves nouveaux ou supplémentaires doivent être pris en compte conformément à l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

22      Selon la jurisprudence de la Cour, l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 investit la chambre de recours, devant laquelle sont tardivement présentés des faits ou des preuves, d’une marge d’appréciation aux fins de décider s’il y a lieu ou non de prendre en compte ces derniers aux fins de la décision qu’elle est appelée à rendre (arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec, EU:C:2007:162, point 68).

23      Le règlement d’application prévoit ainsi expressément que la chambre de recours dispose, lors de l’examen d’un recours dirigé contre une décision d’une division d’opposition, du pouvoir d’appréciation découlant de la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement d’application et de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, à l’effet de décider s’il y a lieu ou non de prendre en compte des faits et des preuves nouveaux ou supplémentaires qui n’ont pas été présentés dans les délais fixés ou précisés par la division d’opposition (voir, par analogie, arrêts du 3 octobre 2013, Rintisch/OHMI, C‑120/12 P, Rec, EU:C:2013:638, point 32 ; C‑121/12 P, EU:C:2013:639 et C‑122/12 P, EU:C:2013:628, points 33).

24      Il convient donc de déterminer si, en l’espèce, la chambre de recours a bien exercé ce pouvoir d’appréciation ou non.

25      En l’espèce, il est constant que le requérant a produit, devant la division d’opposition, un extrait de la base de données Sitadex de l’office espagnol des brevets et des marques, attestant de l’existence et de la validité de sa marque espagnole antérieure, sans la représentation graphique de ladite marque. La division d’opposition a donc considéré que la preuve de l’existence de la marque n’avait pas été rapportée dans le délai imparti conformément à la règle 19, paragraphe 1, et à la règle 20, paragraphe 1, du règlement d’application. Il y a lieu de noter que cette représentation figurait cependant, quoiqu’en noir et blanc, dans les écritures du requérant et des intervenants devant la division d’opposition et que l’extrait de la base de données Sitadex fourni mentionnait les couleurs utilisées pour la marque espagnole (orange, jaune, vert, blanc et noir).

26      Devant la chambre de recours, le requérant a produit l’extrait de la base Sitadex de l’office espagnol des brevets et des marques, attestant de l’existence et de la validité de sa marque espagnole antérieure, cette fois avec la représentation graphique de ladite marque. L’affirmation des intervenants, selon laquelle la preuve d’une représentation du signe tel que demandé ou enregistré n’aurait pas été fournie lors du recours formé après l’opposition est donc erronée.

27      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé, tout d’abord, que le requérant a présenté, avec le formulaire d’opposition, un mémoire faisant apparaître une représentation de la marque espagnole en noir et blanc. Elle a souligné que l’opposant n’avait produit aucun document officiel permettant de vérifier que cette représentation correspondait à la marque espagnole enregistrée. Elle a mentionné que l’extrait de la base de données Sitadex joint au formulaire d’opposition n’avait pas été imprimé dans son intégralité, car il ne contenait pas la représentation graphique de la marque espagnole (points 11 et 12 de la décision attaquée). La chambre de recours a souligné que, malgré la fiche informative de l’OHMI adressée au requérant, indiquant les éléments devant être prouvés et la manière de le faire, le requérant ne s’était donc pas conformé dans le délai imparti à l’exigence légale de fournir un document officiel faisant apparaître la représentation de la marque espagnole fondant son opposition (point 13 de la décision attaquée).

28      Ensuite, la chambre de recours a indiqué, au point 14 de la décision attaquée, que, dans tous les cas, la représentation produite avec l’exposé des moyens invoqués à l’appui du recours ne correspondait pas à la forme sous laquelle la marque antérieure avait été enregistrée, car, ainsi que cela ressortait de l’extrait de la base de données Sitadex, ce signe était enregistré en couleurs, tandis que la représentation fournie à l’appui de l’opposition était uniquement en blanc et noir.

29      Ce faisant, la chambre de recours a constaté que la représentation graphique en noir et blanc fournie devant la division d’opposition différait de la représentation graphique de la marque telle qu’enregistrée en couleurs et en a conclu que la représentation de la marque n’avait pas été valablement produite devant la division d’opposition.

30      La chambre de recours en a déduit, au point 16, que le requérant n’avait pas présenté de document officiel faisant apparaître la représentation graphique de la marque telle qu’enregistrée et que l’opposition fondée sur la marque espagnole figurative n° 2600724 BUGUI devait donc être rejetée. 

31      Le Tribunal constate que, en procédant ainsi, la chambre de recours n’a aucunement examiné l’extrait de la base Sitadex produit devant elle, contenant la représentation graphique de la marque espagnole et n’a donc aucunement exercé son pouvoir d’appréciation à l’effet de décider s’il y avait lieu ou non de le prendre en compte au sens des arrêts Rintisch/OHMI, point 23 supra (EU:C:2013:638, EU:C:2013:639 et EU:C:2013:628).

32      D’ailleurs, dans ses écritures, l’OHMI indique que, en l’absence de production devant la division d’opposition, dans le délai prescrit, de la représentation graphique complète permettant d’attester de manière fiable l’existence, la validité et l’étendue de la protection de la marque espagnole antérieure, la chambre de recours était fondée à ne pas exercer son pouvoir d’appréciation pour décider s’il convenait de prendre en compte ou non l’extrait de la base Sitadex, produit pour la première fois devant elle.

33      La chambre de recours a donc omis d’exercer son pouvoir d’appréciation sur le document produit tardivement devant elle. La thèse des intervenants, qui soutiennent que la chambre de recours a pris en considération le document produit devant elle par le requérant et a considéré qu’il ne justifiait pas à suffisance l’existence de la marque du requérant, doit donc être écartée.

34      Il convient d’ajouter que, selon la jurisprudence, lorsque l’OHMI exerce son pouvoir d’appréciation à l’effet de décider s’il y a lieu ou non de prendre un document produit tardivement en compte, il doit motiver sa décision (voir, en ce sens, arrêts OHMI/Kaul, point 22 supra, EU:C:2007:162, point 43 ; du 18 juillet 2013, New Yorker SHK Jeans/OHMI, C‑621/11 P, Rec, EU:C:2013:484, point 23, et du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, Rec, EU:C:2013:593, point 78).

35      En outre, la jurisprudence a posé des critères à cet égard. Ainsi, une telle prise en compte par l’OHMI est, en particulier, susceptible de se justifier lorsqu’il considère que, d’une part, les éléments tardivement produits sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concerne le sort de l’opposition formée devant lui et, d’autre part, le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’opposent pas à cette prise en compte (arrêts OHMI/Kaul, point 22 supra, EU:C:2007:162, point 44 ; New Yorker SHK Jeans/OHMI, point 34 supra, EU:C:2013:484, point 33 ; Rintisch/OHMI, point 23 supra, EU:C:2013:638, EU:C:2013:639 et EU:C:2013:628, points 39).

36      De plus, l’éventuelle prise en compte par l’OHMI desdits éléments de preuve supplémentaires doit incarner le résultat d’un exercice objectif et motivé du pouvoir d’appréciation et la motivation ainsi requise s’avère d’autant plus nécessaire lorsque l’OHMI décide d’écarter des preuves ainsi tardivement produites (arrêt Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, point 34 supra, EU:C:2013:593, points 111 et 112).

37      Certes, la Cour a précisé que les preuves de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de ces marques à produire au cours de la procédure d’opposition étaient énumérées, de manière précise et exhaustive, à la règle 19, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement d’application. Le requérant est donc censé connaître, avant même d’introduire son opposition, les documents précis qu’il devait produire pour l’appuyer. Dès lors, la chambre de recours doit, dans ces conditions, exercer son pouvoir d’appréciation de manière restrictive et ne peut admettre la production tardive de telles preuves que si les circonstances qui l’entourent sont susceptibles de justifier le retard du requérant dans l’administration de la preuve qui lui incombe (arrêts Rintisch/OHMI, point 23 supra, EU:C:2013:638, point 39, et Rintisch/OHMI, point 23 supra, EU:C:2013:639 et EU:C:2013:628, points 40). En outre, la chambre de recours n’est pas tenue, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, d’examiner les trois critères mentionnés au point 35 ci-dessus lorsqu’un seul de ces critères suffit à établir qu’elle ne doit pas prendre en compte les preuves en cause tardivement produites (voir, en ce sens, arrêts Rintisch/OHMI, point 23 supra, EU:C:2013:638, point 44, et Rintisch/OHMI, point 23 supra, EU:C:2013:639 et EU:C:2013:628, points 45 et jurisprudence citée).

38      Il n’en demeure pas moins que la chambre de recours devait exercer ce pouvoir d’appréciation et motiver son refus de prendre en compte les pièces tardivement produites.

39      Or, en l’espèce, dans la décision attaquée, la chambre de recours n’a aucunement indiqué le motif pour lequel elle a décidé de ne pas prendre en compte la représentation graphique en couleurs, présentée tardivement devant elle par le requérant, alors même que, de toute évidence, cet élément revêtait une réelle pertinence pour démontrer l’existence, la validité et l’étendue de la marque espagnole antérieure. En particulier, l’examen des circonstances entourant cette production tardive n’a pas été effectué. Ce constat n’est pas modifié par l’argument de l’OHMI selon lequel l’existence d’une contrainte technique, invoquée par le requérant devant le Tribunal, serait insuffisante.

40      Dès lors, la chambre de recours a omis d’exercer son pouvoir d’appréciation, découlant de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 et de la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement d’application, à l’effet de décider s’il y avait lieu ou non de prendre en compte l’extrait de la base de données Sitadex produit tardivement devant elle.

41      Les arguments de l’OHMI n’infirment pas cette conclusion.

42      Selon l’OHMI, en matière de preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection de la marque antérieure, il est difficile d’imaginer des circonstances dans lesquelles une marge de complémentarité existe. Ainsi, il souligne que la règle 19, paragraphe 2, sous a), du règlement d’application prévoit que le certificat d’enregistrement doit contenir la reproduction de la marque. Dès lors, la justification d’un droit antérieur ne pourrait pas être partielle. Selon l’OHMI, soit le certificat a été produit de façon complète dans le délai imparti, soit il n’a pas été produit. En l’espèce, il en conclut que l’extrait de la base de données Sitadex produit devant la division d’opposition était dépourvu de pertinence, que le document produit devant la chambre de recours était le premier permettant de prouver l’existence, la validité et l’étendue de la protection de la marque antérieure et qu’il ne pouvait donc pas être considéré comme un document supplémentaire. La chambre de recours était donc, selon lui, fondée à ne pas exercer son pouvoir d’appréciation en l’espèce. Il souligne également que la nouvelle rédaction de la règle 20, paragraphe 1, du règlement d’application prévoit une sanction juridique directe en cas de non-respect d’un délai obligatoire.

43      Toutefois, en l’espèce, force est de constater que la chambre de recours n’a pas pris en compte la pièce tardivement produite devant elle sans examiner s’il s’agissait d’une pièce nouvelle ou complémentaire.

44      En outre, l’extrait de la base de données Sitadex produit devant la division d’opposition, bien qu’incomplet, car produit sans la représentation graphique de la marque espagnole, mentionnait les couleurs de la marque espagnole. De plus, la représentation graphique de la marque espagnole en noir et blanc figurait dans les écritures devant la division d’opposition. Il convient donc de considérer que, dans ce contexte, la représentation graphique annexée à l’extrait de la base de données Sitadex, produite devant la chambre de recours, n’était pas complètement nouvelle.

45      De plus, indépendamment même du caractère supplémentaire ou non du document produit devant la chambre de recours en l’espèce, il y a lieu de relever que, dans les arrêts Rintisch/OHMI, point 23 supra (EU:C:2013:638, EU:C:2013:639 et EU:C:2013:628), rendus concernant la preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la marque en cause et où la nouvelle rédaction de la règle 20, paragraphe 1, était d’application, la Cour a réaffirmé que la chambre de recours disposait du pouvoir d’appréciation découlant de la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement d’application et de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 à l’effet de décider s’il y avait lieu ou non de prendre en compte « des faits et des preuves nouveaux ou supplémentaires » qui n’ont pas été présentés dans les délais fixés ou précisés par la division d’opposition (arrêts Rintisch/OHMI, point 23 supra, EU:C:2013:638, point 32, et Rintisch/OHMI, point 23 supra, EU:C:2013:639 et EU:C:2013:628, points 33).

46      Dès lors, l’argument selon lequel des preuves nouvelles sont exclues doit être rejeté.

47      De même, l’argument tiré de la nouvelle rédaction de la règle 20, paragraphe 1, du règlement d’application, qui prévoit le rejet de l’opposition en cas de non-respect d’un délai obligatoire, doit également être rejeté, dès lors que cette disposition était déjà applicable dans les arrêts Rintisch/OHMI, point 23 supra (EU:C:2013:638, EU:C:2013:639 et EU:C:2013:628).

48      Il résulte de tout ce qui précède que, en l’espèce, c’est à tort que la chambre de recours n’a pas exercé le pouvoir d’appréciation dont elle était pourtant investie et n’a pas motivé son refus de prendre en compte l’extrait de la base de données Sitadex, produit tardivement devant elle, contenant la représentation graphique de la marque espagnole antérieure. Il s’ensuit que la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit besoin d’examiner le grief tiré de la violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009, soulevé par le requérant.

49      Au surplus, l’OHMI soutient, dans le cadre de sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure, que l’existence, la validité et l’étendue de la protection de la marque espagnole auraient dans tous les cas été considérées comme insuffisamment attestées. Ainsi, pour des raisons d’économie procédurale, l’OHMI estime qu’il n’est pas nécessaire d’annuler la décision attaquée.

50      Toutefois, force est de relever que la décision attaquée n’évoque aucunement les circonstances de l’espèce devant prétendument conduire à considérer que la validité et l’étendue de la protection de la marque espagnole étaient insuffisamment attestées.

51      La question de savoir s’il y avait lieu ou non de prendre en compte les faits et preuves nouveaux ou supplémentaires produits devant elle n’ayant pas été examinée par la chambre de recours, il n’appartient pas au Tribunal de l’examiner, pour la première fois, dans le cadre de son contrôle de légalité de la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêts du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, Rec, EU:C:2011:452, points 72 et 73, et du 14 décembre 2011, Völkl/OHMI – Marker Völkl (VÖLKL), T‑504/09, Rec, EU:T:2011:739, point 63 et jurisprudence citée].

52      Il revient donc à la chambre de recours d’apprécier, en tenant dûment compte de l’ensemble des circonstances pertinentes ainsi qu’en motivant sa décision à cet égard, s’il y a lieu de prendre en considération les éléments de preuve supplémentaires produits devant elle par le requérant, aux fins de la décision qu’elle est appelée à rendre sur le recours dont elle demeure saisie.

 Sur le deuxième moyen fondé sur la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures

 Sur la première branche, tirée de l’absence de nécessité de prouver l’usage sérieux de la marque espagnole antérieure

53      Dans une première branche, le requérant soutient que, s’agissant de sa marque espagnole antérieure, il n’était pas nécessaire d’apporter la preuve de son usage réel et sérieux au motif que, à la date de la publication de la demande de marque, le 18 mai 2009, les cinq années visées à l’article 42 du règlement n° 207/2009 n’étaient pas écoulées. Selon lui, la marque demandée doit être refusée compte tenu de la quasi-identité des produits.

54      Il ressort de la décision attaquée (points 11 à 17) que la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’opposition selon laquelle la preuve de l’existence de la marque espagnole figurative antérieure n’avait pas été rapportée. Elle ne s’est donc pas prononcée sur la question de la nécessité de prouver l’usage de ladite marque, ni d’ailleurs sur la question de la preuve de cet usage.

55      Cette première branche du deuxième moyen doit donc être rejetée comme étant inopérante.

 Sur la seconde branche, concernant la preuve de l’usage réel et sérieux des marques antérieures

56      Premièrement, le requérant fait valoir que les documents qu’il a produits attestent l’usage sérieux des marques antérieures, y compris de sa marque espagnole (premier grief). Deuxièmement, le requérant soulève deux griefs concernant la preuve de l’usage sérieux pour la marque antérieure communautaire. Il soutient, d’une part, que la décision attaquée n’a pas tenu compte de l’intégralité des preuves fournies (deuxième grief) et, d’autre part, que les documents qu’il a produits attestent l’usage sérieux de la marque communautaire antérieure (troisième grief).

–       Sur le premier grief, tiré de ce que les documents produits attestent l’usage sérieux de la marque espagnole antérieure

57      Comme indiqué précédemment (points 54 à 55 ci-dessus), la chambre de recours ne s’est pas prononcée à cet égard et ce premier grief doit donc être rejeté comme inopérant pour ce qui concerne la marque espagnole antérieure.

–       Sur le deuxième grief, tiré de ce que la décision attaquée n’a pas tenu compte de l’intégralité des preuves fournies

58      La demande de marque communautaire présentée par les intervenants ayant été publiée le 18 mai 2009, la période de cinq années visée à l’article 42, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009 s’étend du 18 mai 2004 au 17 mai 2009, comme l’a constaté à juste titre la chambre de recours.

59      En vue de prouver l’usage sérieux de la marque antérieure, le requérant a produit plusieurs documents dans le cadre de la procédure administrative.

60      Le document n° 1 contient 40 factures, émises ou reçues par G.I.S Distrifruit 98 S.L, datées entre le 18 mai 2004 et le 17 mai 2009 et 9 factures datées de juin 2009 à mai 2010, dont les destinataires sont établis en Espagne. Ces factures mentionnent notamment des variétés de clémentines et d’oranges (Clemenules, Navelinas et Lane-late ) bugui. Parmi ces 40 factures situées dans la période pertinente, 8 factures contiennent le signe figuratif suivant :

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61      En outre, 7 de ces 40 factures contiennent le signe figuratif suivant :

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62      Le document n° 2 est une annonce publicitaire figurant dans l’édition espagnole de l’Annuaire international 2008 des marchés mondiaux, une revue dédiée au marché alimentaire, spécialement horticole. Ce document reproduit en couleurs le signe :

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63      Le document n° 3 contient des factures, des bons de livraison, des photographies et échantillons de produits publicitaires (notamment agendas et articles textiles). Les signes présents sur ces documents sont soit le terme « bugui », parfois de façon manuscrite, soit le terme « bugui » apposé sur un agrume orange, sur un camion ou sur une autre image, soit le signe :

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64      Le document nº 4 consiste en une lettre datée du 22 juillet 2008, attestant des investissements publicitaires effectués par l’entreprise GIS Distrifruit 98 SL pour la marque BUGUI dans le cadre du parrainage de la Copa del Rey de Vela (Coupe du roi de voile) à Palma de Mallorca (Espagne) et du championnat du monde qui a eu lieu en Italie, tous deux au cours de l’année 2008. Des photos prises lors de ces compétitions sont produites, sur lesquelles apparaît le signe BUGUI sur un fond représentant un agrume orange.

65      Le requérant évoque enfin un document n° 5, contenant un exemplaire de produit de « merchandising » comportant la marque BUGUI.

66      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que les représentations à prendre en compte étaient celles figurant ci-après, à savoir, d’une part, au titre de la marque antérieure, et, d’autre part, au titre des signes utilisés au cours de la période pertinente, le signe verbal bugui et les signes figuratifs suivants :

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67      À cet égard, il y a lieu de relever que ces trois signes pris en compte par la chambre de recours ont été utilisés dans les factures du document n° 1, dans l’annonce publicitaire du document n° 2 et sur certaines pièces du document n° 3.

68      En outre, la chambre de recours a expressément indiqué, au point 21 de la décision attaquée, qu’elle renvoyait à la décision de la division d’opposition pour ce qui était de l’énumération des documents produits pour attester l’usage sérieux de la marque communautaire antérieure.

69      Dès lors, même si la chambre de recours n’a pas énuméré explicitement tous les documents produits devant la division d’opposition, elle y a fait référence et, contrairement à ce que le requérant affirme, il convient donc de considérer qu’elle les a pris en compte.

70      Il s’ensuit que, sur la base des documents produits, c’est à juste titre que les trois signes en cause ont été identifiés comme étant pris en compte pour l’appréciation de l’usage sérieux de la marque communautaire antérieure.

71      Le deuxième grief du requérant doit donc être rejeté.

–       Sur le troisième grief, tiré de ce que les documents produits attestent l’usage sérieux de la marque communautaire antérieure

72      Le requérant fait valoir que c’est à tort que la décision attaquée a considéré que les marques utilisées n’étaient pas toujours identiques aux marques originales enregistrées et qu’elles en différaient de façon substantielle.

73      L’OHMI et les intervenants soutiennent que la chambre de recours était fondée à conclure que les différences entre chacun des signes utilisés et la représentation de la marque communautaire altéraient le caractère distinctif de celle-ci et que les pièces produites ne prouvaient donc pas l’usage de la marque antérieure sous la forme sous laquelle elle était enregistrée ou sous une forme n’altérant pas son caractère distinctif.

74      Il convient de rappeler que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque communautaire consiste à limiter les conflits entre deux marques, à moins qu’il existe un juste motif économique à l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure découlant d’une fonction effective de celle-ci sur le marché [voir arrêt du 25 octobre 2013, Biotronik SE/OHMI – Cardios Sistemas (CARDIO MANAGER), T‑416/11, EU:T:2013:559, point 27 et jurisprudence citée].

75      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (voir arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec, EU:T:2004:225, point 39 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt Ansul, précité, EU:C:2003:145, point 37).

76      En outre, la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou communautaire, qui fonde une opposition à l’encontre d’une demande de marque communautaire, comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée [voir arrêt du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, Rec, EU:T:2005:438, point 30 et jurisprudence citée].

77      À cet égard, en vertu de l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement n° 207/2009, l’emploi de la marque communautaire sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée est également considéré comme un usage au sens du paragraphe 1, premier alinéa, dudit article 15. Cette disposition permet de considérer une marque enregistrée comme utilisée, dès lors qu’est rapportée la preuve de l’usage de cette marque sous une forme légèrement différente de celle sous laquelle elle a été enregistrée (voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, Rec, EU:C:2007:514, point 86).

78      L’objet de cette disposition, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [voir arrêts du 21 juin 2012, Fruit of the Loom/OHMI – Blueshore Management (FRUIT), T‑514/10, EU:T:2012:316, point 28 et jurisprudence citée, et du 12 mars 2014, Borrajo Canelo/OHMI – Tecnoazúcar (PALMA MULATA), T‑381/12, EU:T:2014:119, point 26 et jurisprudence citée].

79      Le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque [arrêts du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT), T‑482/08, EU:T:2010:229, point 31, et FRUIT, point 78 supra, EU:T:2012:316, point 29].

80      À la lumière de ce qui précède, il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que les éléments de preuve présentés par le requérant ne permettaient pas de démontrer un usage sérieux de la marque communautaire antérieure telle qu’elle avait été enregistrée, au motif que son caractère distinctif était altéré.

81       S’agissant de la marque communautaire antérieure, elle a été enregistrée pour les produits agricoles, fruits, légumes et semences, pour les boissons de fruits et jus de fruits, ainsi que pour le transport, l’emballage et l’entreposage de produits alimentaires. Elle est composée d’éléments verbaux et figuratifs. Il convient de relever que l’élément verbal « bugui », dont la lettre « b » est de couleur sombre et les lettres « ugui » sont dans un ton clair, revêt un caractère distinctif important au vu des produits et des services visés et qu’il occupe une position également importante. En revanche, les éléments verbaux « fruits from the Spanish vegetable garden » (fruits issus du potager espagnol) et « de la huerta a casa » (du verger à la maison), qui évoquent l’un la culture des fruits et légumes et l’autre leur transport à domicile, apparaissent comme étant descriptifs des produits et des services en cause et, dès lors, comme étant peu distinctifs. En outre, leur taille est plus réduite. De même, l’élément figuratif constitué de la représentation graphique d’une demi-orange est descriptif des produits visés. Enfin, le fond rectangulaire foncé ne présente aucune originalité par rapport aux usages habituels du commerce. Il en résulte que les éléments verbaux autres que « bugui », d’une part, et les éléments figuratifs, d’autre part, occupent une place accessoire dans l’impression d’ensemble produite par la marque communautaire antérieure et ne s’imposeront pas dans la mémoire du public pertinent. Il convient d’en conclure que l’impression globale produite par ladite marque est essentiellement dominée par l’élément verbal « bugui », qui présente un caractère distinctif élevé.

82      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que l’OHMI et l’intervenante soutiennent, les signes utilisés par la requérante pour démontrer l’usage sérieux de la marque communautaire antérieure n’altèrent pas le caractère distinctif de ladite marque telle qu’enregistrée.

83      Premièrement, en effet, s’agissant du signe verbal « bugui », utilisé sur des factures du document n° 1 ainsi que sur des objets publicitaires, emballages et photographies du document n° 3, il y a lieu de considérer que, au vu du caractère distinctif élevé de l’élément verbal « bugui » dans la marque communautaire antérieure ainsi que de son caractère dominant, l’absence des éléments graphiques et des autres éléments verbaux constituent des variations négligeables. En particulier, le fait de supprimer les éléments figuratifs, à savoir la représentation d’un agrume coupé en deux et l’élément rectangulaire sur lequel est représenté le signe, et de faire disparaître les expressions verbales qui apparaissent sous ce dernier, à savoir « fruits from the Spanish vegetable garden » et « de la huerta a casa », ne constituent pas des modifications suffisamment importantes pour altérer le caractère distinctif de la marque antérieure. Dès lors, l’utilisation du signe verbal « bugui » doit être considérée comme un usage, dans une variante acceptable, de la marque communautaire antérieure, conformément à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009.

84      Deuxièmement, s’agissant du signe figuratif utilisé sur certaines factures du document n° 1, il y a lieu de constater qu’il consiste en une figure circulaire, coupée en deux demi-circonférences, qui encadre le terme « bugui » et par d’autres éléments graphiques et verbaux, parmi lesquels se trouvent l’expression « de la huerta a casa » et les indications relatives au lieu d’activité du requérant, Corbera et Mercabarna Barcelona. Il en résulte, ainsi que la chambre de recours l’a relevé, que ce signe a pour élément marquant le terme « bugui », comme la marque antérieure. Certes, l’impression d’ensemble circulaire qui se dégage de ce signe est différente de celle, rectangulaire, de la marque antérieure. Toutefois, il s’agit d’un élément de décoration peu distinctif et négligeable. De même, les éléments verbaux autres que « bugui » sont écrits dans une taille très petite. Il convient d’en conclure que l’élément verbal « bugui » est l’élément distinctif et dominant du signe en cause et que les autres éléments occupent une place accessoire dans l’impression d’ensemble produite par le signe en cause, comme c’est également le cas dans la marque antérieure. C’est donc à tort que la chambre de recours a estimé que ces modifications apportées au signe utilisé sur les factures devaient être considérées comme altérant le caractère distinctif de la marque communautaire antérieure.

85      Troisièmement, le signe figuratif, utilisé sur certaines factures du document n° 1, dans le document n° 2 et sur certaines photographies du document n° 3, doit également être considéré comme équivalent à la marque communautaire antérieure. En effet, même s’il contient la représentation d’un agrume entier au lieu d’un agrume coupé en deux, il reste que cet élément figuratif est très peu distinctif au vu des produits et des services en cause. De même, l’aspect circulaire et non rectangulaire du signe utilisé constitue un simple élément décoratif non distinctif. Les éléments verbaux « x.grau ferrer » contenus dans une bande située dans la partie supérieure du signe et les éléments verbaux « corbera » et « mercabarna C-7024 Barcelona », situés dans la partie inférieure du signe, occupent également une position accessoire dans l’impression d’ensemble produite par le signe en cause. À cet égard, les mots « x.grau ferrer » et « mercabarna C-7024 Barcelona » sont écrits en caractères de petite taille. De plus, même si le terme « corbera » est écrit en caractères plus lisibles, il pourra être perçu par le public pertinent comme étant une indication de l’origine géographique desdits produits et services. En revanche, le mot « bugui » est, quant à lui, écrit en caractères italiques, occupe une position centrale sur l’agrume central et constitue l’élément distinctif du signe en cause. Il s’ensuit que les différences relevées entre ce signe et la marque communautaire antérieure constituent des variations qui ne sont pas suffisantes pour altérer le caractère distinctif de la marque communautaire antérieure.

86      Il résulte de ce qui précède que les factures et documents figurant dans le dossier de l’OHMI se rapportent à des produits et services qui, bien que non revêtus de la marque antérieure, contiennent un signe qui diffère de la marque antérieure par des éléments négligeables, de sorte que les signes en cause peuvent être considérés comme globalement équivalents à la marque antérieure au sens de la jurisprudence applicable.

87      Partant, c’est à tort que la chambre de recours a conclu que les preuves produites n’étaient pas susceptibles de prouver un usage sérieux de la marque antérieure au cours de la période pertinente.

88      Il s’ensuit que le troisième grief, tiré de ce que les documents produits attestent l’usage sérieux de la marque communautaire antérieure, doit être accueilli.

89      Partant, la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit besoin d’examiner le troisième moyen, fondé sur le risque de confusion entre la marque demandée et les marques antérieures, qui, au demeurant, est inopérant, dès lors que la chambre de recours n’a pas fondé le rejet de l’opposition sur l’absence de risque de confusion.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

91      L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du requérant et d’ordonner que les intervenants supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 11 octobre 2012 (affaires jointes R 274/2011-4 et R 520/2011-4) est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par M. Xavier Grau Ferrer.

3)      MM. Juan Cándido Rubio Ferrer et Alberto Rubio Ferrer supporteront leurs propres dépens.

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 octobre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l'espagnol.