Language of document : ECLI:EU:T:2012:64


ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

10 février 2012 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Licenciement à la fin de la période de stage – Délai de recours – Tardiveté – Pourvoi manifestement non fondé »

Dans l’affaire T‑98/11 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 16 décembre 2010, AG/Parlement (F‑25/10, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

AG, ancienne stagiaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes S. Rodrigues, A. Blot et C. Bernard-Glanz, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Parlement européen, représenté par Mmes S. Seyr et V. Montebello-Demogeot, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, O. Czúcz et S. Papasavvas (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la requérante, Mme AG, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 30 novembre 2009, AG/Parlement (F‑25/10, non encore publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a rejeté comme manifestement irrecevable un recours ayant pour objet, d’une part, l’annulation de la décision du 14 mai 2009 par laquelle le Parlement européen a prononcé son licenciement à l’issue de sa période de stage et de la décision du 21 décembre 2009 par laquelle le Parlement a rejeté sa réclamation contre ladite décision et, d’autre part, une demande de dommages et intérêts.

 Faits à l’origine du litige

2        Les faits essentiels à l’origine du litige sont énoncés aux points 3 à 21 de l’ordonnance attaquée et peuvent être résumés comme suit.

3        Lauréate du concours général EPSO/AST/35/06 pour la constitution d’une réserve d’assistants (AST 1) de langue portugaise dans le domaine du secrétariat, la requérante a été nommée fonctionnaire stagiaire du Parlement à compter du 1er avril 2008.

4        Le 14 mai 2009, le Parlement a décidé de licencier la requérante avec effet au soir du 15 mai (ci-après la « décision litigieuse »).

5        Le 30 juillet 2009, la requérante a formé une réclamation contre la décision litigieuse.

6        Par décision du 21 décembre 2009, le Parlement a rejeté cette réclamation. Le Parlement a envoyé copie de cette décision au domicile de la requérante, par lettre recommandée avec accusé de réception. Un avis de passage a été déposé le 23 décembre 2009 dans la boîte aux lettres de la requérante. Toutefois, quinze jours plus tard, cette lettre recommandée a été renvoyée par la poste au Parlement avec la mention « non réclamé ».

7        Le Parlement soutient qu’il aurait, le 15 janvier 2010, envoyé à la requérante un courriel comportant en pièce jointe la décision du 21 décembre 2009. La requérante soutient qu’elle n’aurait pu prendre connaissance de la décision litigieuse à cette date, ce courriel ayant été adressé à une personne ayant le même patronyme qu’elle, mais portant un prénom différent du sien.

8        Par lettre simple du 15 janvier 2010, que la requérante indique avoir reçue le 18 janvier 2010, le Parlement a envoyé copie de la décision du 21 décembre 2009.

 Procédure en première instance et ordonnance attaquée

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 28 avril 2010, la requérante a introduit un recours, enregistré sous la référence F‑25/10, par lequel elle concluait, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal de la fonction publique :

–        annuler les décisions du Parlement des 14 mai et 21 décembre 2009 ;

–        indiquer au Parlement les effets qu’emporte l’annulation desdites décisions, notamment la possibilité d’accomplir un deuxième stage ou la prolongation du stage à l’issue duquel interviendra une nouvelle appréciation de ses prestations ;

–        condamner le Parlement à réparer les préjudices professionnel, financier et moral résultant de son licenciement illégal ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

10      Le Parlement a conclu au rejet du recours dans son intégralité et à la condamnation de la requérante aux dépens du litige.

11      Par ordonnance du 16 décembre 2010, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours comme manifestement irrecevable au motif qu’il était tardif.

12      Le Tribunal de la fonction publique a jugé :

« 38 Si la notification par lettre recommandée avec avis de réception postal n’est pas le seul mode de notification possible des décisions administratives, elle n’en demeure pas moins, grâce aux garanties particulières qu’elle présente tant pour le fonctionnaire que pour l’administration, une solution particulièrement sûre. Elle a d’ailleurs été retenue par le législateur de l’Union, à l’article 26, troisième alinéa, du statut, comme un mode approprié de notification au fonctionnaire des actes intéressant sa carrière. En effet, cet article prévoit que la communication de toute pièce du dossier individuel du fonctionnaire est certifiée par la signature du fonctionnaire ou, à défaut, faite par lettre recommandée à la dernière adresse indiquée par le fonctionnaire.

39       Dans un litige tel que celui dont le Tribunal est saisi, qui porte sur la légalité d’une décision de refus de titularisation, le recours à la notification par lettre recommandée paraît d’autant plus approprié pour la communication de la réponse à une réclamation dirigée contre cette décision, dans la mesure où, dans une telle situation, il n’existe plus de lien d’emploi depuis plusieurs mois entre l’ancien fonctionnaire stagiaire et l’administration.

40       S’agissant d’une notification effectuée par lettre recommandée avec avis de réception postal, il a été jugé que la régularité de la notification était subordonnée au respect des règles nationales en matière de distribution du courrier dans l’État membre concerné (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, Rec. p. II‑3141, points 76 et 77).

41       Lorsqu’une décision est notifiée par lettre recommandée avec avis de réception postal, son destinataire est réputé en prendre connaissance par la signature qu’il appose sur l’avis de réception postal.

42       Toutefois, il peut arriver qu’une lettre recommandée ne puisse être signée par son destinataire, lorsque celui-ci, absent de son domicile au moment du passage du préposé des postes, s’abstient de toute démarche ou ne retire pas la lettre dans le délai pendant lequel elle est normalement conservée par les services postaux.

43       Dans un tel cas, il doit être considéré que la décision a été dûment notifiée à son destinataire à la date d’expiration de ce délai. En effet, s’il était admis qu’un tel comportement du destinataire fasse obstacle à la notification régulière d’une décision par lettre recommandée, d’une part, les garanties présentées par ce mode de notification seraient considérablement affaiblies, alors qu’il constitue un mode particulièrement sûr et objectif de notification des actes administratifs. L’administration serait contrainte d’utiliser d’autres modes de notification, soit moins sûrs, telle la notification par lettre simple, soit coûteux, voire disproportionnés, telle la signification par acte d’huissier. D’autre part, le destinataire aurait une certaine latitude dans la fixation du point de départ du délai de recours, alors que, ainsi qu’il a été dit, un tel délai ne peut être à la disposition des parties et doit répondre aux exigences de sécurité juridique et de bonne administration de la justice. Par ailleurs, le Tribunal observe que la règle selon laquelle une décision est réputée avoir été notifiée à son destinataire, lorsque la procédure d’envoi par lettre recommandée avec avis de réception postal a été régulière, existe dans plusieurs systèmes juridiques nationaux et qu’elle peut même faire l’objet d’une application plus rigoureuse que celle retenue par le Tribunal, la date pertinente pouvant alors être celle du dépôt de l’avis de passage dans la boîte aux lettres du destinataire, interprétation d’ailleurs proposée par le Parlement dans le présent litige.

44       Néanmoins, la présomption que le destinataire a reçu notification de la décision à l’expiration du délai normal de conservation de la lettre recommandée par les services postaux n’a pas un caractère absolu. En effet, son application est subordonnée à la preuve, par l’administration, de la régularité de la notification par lettre recommandée, en particulier par le dépôt d’un avis de passage à la dernière adresse indiquée par le destinataire. En outre, cette présomption n’est pas irréfragable. Le destinataire peut notamment chercher à établir qu’il a été empêché, notamment pour des raisons de maladie ou pour un cas de force majeure indépendant de sa volonté, de prendre utilement connaissance de l’avis de passage.

45       En l’espèce, il ressort des pièces du dossier et il n’est pas contesté, d’abord, que le Parlement a envoyé la décision du 21 décembre 2009 par lettre recommandée avec accusé de réception à la dernière adresse connue de la requérante, ensuite, que les services postaux belges, en l’absence de la requérante à son domicile à cette date, l’ont avisée de l’existence de cette lettre recommandée en déposant, le 23 décembre 2009, un avis de passage dans sa boîte aux lettres et ont conservé ladite lettre pendant un délai de quinze jours conformément à la réglementation postale belge en vigueur, soit jusqu’au 7 janvier 2010, enfin, que la requérante n’a pas retiré ladite lettre auprès des services postaux dans le délai imparti.

46       Certes, la requérante fait valoir qu’elle était en vacances au Portugal pendant toute la période au cours de laquelle ce pli recommandé a été conservé par les services postaux belges, entre le 23 décembre 2009 et le 9 janvier 2010, et qu’en conséquence elle n’a pas pris effectivement connaissance de la décision du 21 décembre 2009 avant le 18 janvier 2010, date de réception de cette décision envoyée par lettre simple.

47       Toutefois, cette circonstance, même à la supposer établie, ne constitue pas, en l’espèce, un motif permettant de considérer que la décision du 21 décembre 2009 n’a pas été régulièrement notifiée par lettre recommandée à la requérante, au plus tard à l’expiration du délai de conservation de ladite lettre par les services postaux.

48       En effet, d’une part, une absence seulement motivée par des vacances ne peut être considérée comme un motif légitime faisant obstacle à la présomption de notification visée au point 43 de la présente ordonnance. Si de pures raisons de convenance personnelle permettaient de renverser cette présomption, le destinataire de l’acte pourrait, dans une certaine mesure, choisir le moment où il estime en avoir pris effectivement connaissance. Une personne peu diligente, par exemple ne faisant pas suivre son courrier pendant des vacances prolongées, pourrait prétendre ne pas avoir été mise à même de prendre connaissance de la décision qui la concerne et fixer à sa guise le point de départ du délai de recours.

49       D’autre part, il ressort de la lettre du 15 janvier 2010 et de ses annexes que la requérante a eu connaissance, par lettre simple reçue le 18 janvier 2010, de la circonstance que la décision du 21 décembre 2009 lui avait déjà été régulièrement notifiée par lettre recommandée et que l’avis de passage qu’elle avait trouvé dans sa boîte aux lettres à son retour de vacances concernait bien cette lettre. Ainsi, la requérante, à tout le moins son avocat, pouvait raisonnablement considérer que le délai de recours contentieux avait commencé à courir au plus tard à compter du 7 janvier 2010, date d’expiration du délai de conservation par les services postaux belges de la lettre recommandée envoyée par le Parlement. En tenant pour établi que le délai de recours ne commençait à courir qu’à compter du 18 janvier 2010, date de réception de la décision du 21 décembre 2009 envoyée par lettre simple, la partie requérante s’est méprise sur les conséquences de la notification de cette décision par lettre recommandée et de l’absence de retrait de cette lettre auprès des services postaux belges.

50       Le Tribunal souligne enfin que la présomption de notification visée au point 43 de la présente ordonnance n’est nullement attentatoire au droit à un recours effectif, en particulier à la prévisibilité des règles devant gouverner l’accès au juge. En effet, le délai de recours de trois mois et dix jours est suffisamment long pour qu’une situation d’absence comme celle de la requérante entre le 23 décembre 2009 et le 9 janvier 2010 ne soit pas préjudiciable aux possibilités de recours.

51       Il résulte de ce qui précède que la requérante doit être regardée comme ayant été mise en mesure de prendre utilement connaissance de la décision du 21 décembre 2009 le 7 janvier 2010 au plus tard. En effet, le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que le déclenchement des délais de recours puisse être laissé à la disposition de l’une des parties, a fortiori lorsque celle-ci s’avère peu diligente, comme en l’espèce. Il s’ensuit que le présent recours, enregistré au greffe du Tribunal le 28 avril 2010, alors qu’il doit être considéré que la décision du 21 décembre 2009 a été régulièrement notifiée au plus tard le 7 janvier 2010 par lettre recommandée, a été présenté au-delà du délai de trois mois et dix jours prévu par les dispositions de l’article 91, paragraphe 3, du statut et de l’article 100, paragraphe 3, du règlement de procédure. »

 Sur le pourvoi

 Procédure et conclusions des parties

13      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 17 février 2011, la requérante a formé le présent pourvoi. En outre, elle a fait une demande d’anonymat à laquelle il a été fait droit.

14      Le Parlement a présenté son mémoire en réponse le 31 mai 2011.

15      La requérante a présenté un mémoire en réplique limité aux questions de recevabilité le 5 août 2011.

16      Le Parlement a présenté son mémoire en duplique le 21 septembre 2011.

17      Par lettre parvenue au greffe du Tribunal le 14 octobre 2011, la requérante a demandé la tenue d’une audience.

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le pourvoi recevable ;

–        annuler l’ordonnance attaquée ;

–        faire droit aux conclusions en annulation et en indemnité présentées par elle devant le Tribunal de la fonction publique ;

–        condamner le Parlement européen aux dépens des deux instances.

19      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et comme non fondé pour le reste ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

20      Aux termes de l’article 145 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le pourvoi est, en tout ou partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, le Tribunal peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, le rejeter totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée, et ce même si une partie a demandé au Tribunal la tenue d’une audience (ordonnances du Tribunal du 24 septembre 2008, Van Neyghem/Commission, T‑105/08 P, non publiée au Recueil, point 21, et du 26 juin 2009, Marcuccio/Commission, T‑114/08 P, non publiée au Recueil, point 10).

21      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la recevabilité

22      Le Parlement a soulevé une fin de non-recevoir dans son mémoire en réponse. Selon lui, la requérante aurait fait des affirmations trop générales et imprécises pour faire l’objet d’une appréciation juridique et aurait présenté une argumentation désordonnée, de sorte que le pourvoi ne satisferait pas aux exigences établies par l’article 138, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour ainsi que par la jurisprudence y afférente. En particulier, le Parlement fait valoir que la requérante présente son pourvoi en fonction des points de l’ordonnance attaquée sans préciser les arguments juridiques qui soutiennent ses critiques et se contente d’énumérer trois moyens à la fin de la requête sans les développer.

23      La requérante conteste les arguments du Parlement.

24      Il résulte de l’article 257 TFUE, de l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour et de l’article 138, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui ne comporte aucune argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt ou l’ordonnance en question (voir ordonnance du Tribunal du 16 décembre 2010, Meister/OHMI, T‑48/10 P, non encore publiée au Recueil, point 42, et la jurisprudence citée).

25      Il convient d’ajouter que des allégations trop générales et imprécises pour pouvoir faire l’objet d’une appréciation juridique doivent être considérées comme manifestement irrecevables (voir ordonnance Meister/OHMI, précitée, point 43, et la jurisprudence citée).

26      En l’espèce, il convient de relever, ainsi que le fait valoir le Parlement, que la requérante présente son pourvoi en fonction des points de l’ordonnance attaquée et n’énumère les moyens qu’elle soulève qu’à la fin de son mémoire. Il n’en demeure pas moins qu’elle précise, à l’occasion de l’analyse des points de l’ordonnance attaquée, les arguments juridiques au soutien de son pourvoi et établit des liens entres les points de l’ordonnance attaquée et les moyens tels qu’ils sont résumés à la fin de son mémoire.

27      Ainsi, la requérante affirme, au sujet des points 41 à 48 et 51 de l’ordonnance attaquée, que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé les faits qui lui étaient soumis en considérant qu’elle aurait manqué de diligence ou aurait fait preuve de mauvaise foi. De même, elle fait expressément valoir que, en considérant que ses vacances avaient été prolongées, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de qualification des faits l’empêchant de renverser la présomption de notification visée au point 43 de l’ordonnance attaquée et a donc incidemment porté atteinte à son droit à un recours effectif tel que garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 389). Enfin, elle affirme que la notion de vacances « prolongées » pose des problèmes de sécurité juridique et que le constat d’un manque de diligence de sa part la prive de la possibilité de mettre en œuvre son droit à un recours effectif.

28      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le pourvoi comporte une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entachée l’ordonnance attaquée et que les allégations de la requérante sont suffisamment précises pour faire l’objet d’une appréciation juridique.

29      Par conséquent, la fin de non-recevoir soulevée par le Parlement doit être écartée.

 Sur le fond

30      À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève trois moyens tirés, le premier, d’une violation du principe de sécurité juridique, le deuxième, d’une dénaturation des faits et, le troisième, d’une violation du droit à un recours effectif. Le Tribunal estime opportun d’examiner tout d’abord le deuxième moyen, puis de traiter ensemble les premier et troisième moyens.

–       Sur le moyen tiré de la dénaturation des faits

31      La requérante soulève deux griefs distincts, le premier ayant trait aux points 41 à 48 et 51 de l’ordonnance attaquée, et le second ayant trait au point 49 de cette même ordonnance.

32      S’agissant du premier grief, la requérante interprète l’ordonnance attaquée comme indiquant, a contrario, qu’une partie qui n’a pas manqué de diligence et a agi de bonne foi devrait être admise à renverser la présomption selon laquelle, dans les cas où l’avis de réception d’une décision envoyée par lettre recommandée ne peut pas être signé par son destinataire, il doit être considéré que ladite décision a été dûment notifiée à son destinataire à la date d’expiration du délai pendant lequel ladite lettre est normalement conservée par les services postaux.

33      Elle fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a dénaturé les éléments de preuve produits devant lui, car aucune des pièces du dossier ne lui permettait de considérer qu’elle aurait manqué de diligence ou aurait fait preuve de mauvaise foi. Elle souligne qu’elle n’a pas pris de vacances prolongées, étant donné qu’il s’agissait de la période des fêtes de fin d’année, et que le fait qu’elle n’ait pas fait suivre son courrier ne constitue pas un manque de diligence de sa part.

34      S’agissant du second grief, la requérante affirme que, au point 49 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur en ce qu’il a considéré que, en prenant connaissance de la lettre du 15 janvier 2010, la requérante aurait dû faire le lien entre cette lettre et l’avis de passage relatif à la lettre recommandée, et ce d’autant plus que les avis de passage de la poste belge ne mentionnent pas l’expéditeur du courrier recommandé.

35      Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

36      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste ni le principe d’une présomption de notification énoncé au point 43 de l’ordonnance attaquée, ni le calcul du délai pour introduire un recours tel qu’effectué par le Tribunal de la fonction publique.

37      S’agissant du premier grief, il convient tout d’abord de relever que la requérante fait une lecture erronée de l’ordonnance attaquée.

38      En effet, il ressort du point 48 de ladite ordonnance que le Tribunal de la fonction publique a posé un principe, selon lequel une absence seulement motivée par des vacances ne peut être considérée comme un motif légitime faisant obstacle à la présomption de notification visée au point 43 de ladite ordonnance. Ainsi qu’il ressort de la citation au point 12 ci-dessus, la dernière phrase du point 48 de l’ordonnance attaquée ne constitue qu’un exemple des inconvénients qu’il y aurait à reconnaître que des motifs de convenance personnelle peuvent permettre de renverser ladite présomption, mais elle ne porte aucunement sur les conditions permettant de la renverser qui sont, quant à elles, évoquées au point 44 de l’ordonnance attaquée.

39      Ainsi, contrairement aux affirmations de la requérante, l’ordonnance attaquée ne peut être interprétée a contrario comme indiquant que, si la requérante est diligente et se montre de bonne foi, elle peut renverser la présomption de notification.

40      Par conséquent, à supposer même que les arguments de la requérante sur sa diligence et sa bonne foi soient fondés, ils ne sauraient permettre de renverser la présomption et remettre en cause la légalité de l’ordonnance attaquée.

41      Par ailleurs, il y a lieu de relever que la dernière phrase du point 48 de l’ordonnance attaquée constitue un exemple théorique et non une affirmation selon laquelle la requérante a pris des vacances prolongées et aurait dû faire suivre son courrier. Les arguments relatifs à la prétendue erreur qu’aurait commise le Tribunal de la fonction publique à cet égard doivent donc être rejetés.

42      Enfin, en ce qui concerne l’affirmation, au point 51 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle la requérante s’est montrée peu diligente, il y a lieu de relever que le Tribunal de la fonction publique a fait précéder cette affirmation des termes « a fortiori ».

43      Ainsi, à supposer même que les arguments de la requérante sur sa prétendue diligence puissent être retenus, ils ne sauraient remettre en cause le raisonnement du Tribunal de la fonction publique, puisque le principe énoncé est applicable à toutes les parties, qu’elles soient diligentes ou non, comme l’indique l’emploi des termes « a fortiori ».

44      En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il résulte de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour, qui reprend le libellé de l’article 58 dudit statut, que le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal de la fonction publique, d’irrégularités de procédure devant le Tribunal de la fonction publique portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit de l’Union par ce dernier (voir arrêt du Tribunal du 24 octobre 2011, P/Parlement, T‑213/10 P, non encore publié au Recueil, point 46, et la jurisprudence citée).

45      Par conséquent, le Tribunal de la fonction publique est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal de la fonction publique, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du juge du pourvoi (voir arrêt P/Parlement, précité, point 47, et la jurisprudence citée).

46      Une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves, voire d’avoir recours à de nouveaux éléments de preuve (voir arrêt P/Parlement, précité, point 48, et la jurisprudence citée).

47      En l’espèce, les arguments de la requérante relatifs à une dénaturation des faits n’apparaissent pas de façon manifeste des pièces du dossier et visent, en réalité, à ce que le Tribunal procède à une nouvelle appréciation des faits et de preuves pour conclure qu’elle a été diligente et a fait preuve de bonne foi.

48      Par conséquent, les arguments relatifs à la dénaturation des faits doivent être écartés.

49      Il ressort de ce qui précède que le premier grief doit être rejeté comme manifestement non fondé.

50      S’agissant du second grief, il convient de relever que la requérante n’a pas produit l’avis de passage de la poste belge et qu’aucun autre document du dossier ne permet d’étayer l’affirmation selon laquelle ledit avis ne mentionnait pas l’expéditeur de la lettre recommandée.

51      En outre, il ne ressort pas du dossier que le Tribunal de la fonction publique ait dénaturé les faits dans la mesure où la lettre du 15 janvier 2010 précisait bien que la décision du Parlement du 21 décembre 2009 avait déjà été envoyée à la requérante en recommandé avec accusé de réception et était revenue avec la mention « non réclamée ».

52      Le second grief doit donc être écarté.

53      En tout état de cause, à supposer même que le Tribunal ait commis une erreur en considérant que la requérante aurait dû savoir que l’avis de passage concernait bien la lettre envoyée par le Parlement, cette erreur serait sans conséquence puisqu’elle ne suffirait pas à remettre en cause le principe posé au point 47 de l’ordonnance attaquée selon lequel les vacances de la requérante ne sauraient être considérées comme un motif légitime faisant obstacle à la présomption de notification.

54      Le second grief doit donc être rejeté comme manifestement non fondé.

55      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, le moyen tiré d’une dénaturation des faits doit être rejeté comme manifestement non fondé.

–       Sur les moyens tirés de la violation du droit à un recours effectif et de la violation du principe de sécurité juridique

56      La requérante fait valoir que, en considérant que ses vacances avaient été prolongées, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de qualification des faits qui l’a conduit à considérer qu’elle aurait dû faire suivre son courrier, et qu’à défaut elle avait manqué de diligence, ce qui l’a privée de la possibilité de renverser la présomption de notification et a donc incidemment porté atteinte à son droit à un recours effectif tel que garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union. Elle affirme également que la notion de « vacances prolongées » pose des problèmes de sécurité juridique dans la mesure où ce concept n’a pas été explicité par le juge.

57      Le Parlement n’a pas expressément pris position sur ces moyens.

58      Ainsi qu’il a été rappelé au point 41 ci-dessus, le Tribunal de la fonction publique n’a pas qualifié les vacances de la requérante de « vacances prolongées » pas plus qu’il n’a considéré qu’elle aurait dû faire suivre son courrier.

59      L’argumentation de la requérante est donc fondée sur une prémisse erronée.

60      En outre, dans la mesure où le concept de vacances prolongées n’a été introduit qu’à titre d’exemple, le fait qu’il ne soit pas défini plus avant ne saurait être considéré comme une violation du principe de sécurité juridique.

61      Au surplus, il y a lieu de relever, à l’instar du Tribunal de la fonction publique dans l’ordonnance attaquée, que, d’une part, le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que le déclenchement des délais de recours puisse être laissé à la disposition de l’une des parties et, d’autre part, que la présomption de notification visée au point 43 de l’ordonnance attaquée ci-dessus n’est nullement attentatoire au droit à un recours effectif dans la mesure où la requérante disposait d’un délai suffisamment long, à savoir trois mois et dix jours, pour que son absence pendant ses vacances ne soit pas préjudiciable à ses possibilités de recours.

62      Les moyens tirés d’une violation du droit à un recours effectif et du principe de sécurité juridique doivent donc être rejetés comme manifestement non fondés.

63      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté comme manifestement non fondé.

 Sur les dépens

64      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

65      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

66      La requérante ayant succombé en ses conclusions dans le cadre du pourvoi et le Parlement ayant conclu à ce qu’elle soit condamnée aux dépens, cette dernière supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement dans le cadre du pourvoi.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté comme manifestement non fondé.

2)      AG est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par le Parlement européen.

Fait à Luxembourg, le 10 février 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.