Language of document : ECLI:EU:C:2017:1022

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 20 décembre 2017 (1)

Affaire C574/16

Grupo Norte Facility SA

contre

Angel Manuel Moreira Gómez

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Travail à durée déterminée – Directive 1999/70/CE – Accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Principe de non‑discrimination des travailleurs à durée déterminée – Droit du travailleur à une indemnité au terme du contrat de travail – Contrat de travail à durée déterminée sous forme de “contrat de relève” – Inégalité de traitement par rapport à des travailleurs permanents »






I.      Introduction

1.        La protection des travailleurs à durée déterminée contre les abus et les discriminations est depuis longtemps une préoccupation de l’Union européenne dont la Cour a déjà été saisie à plusieurs reprises. Alors qu’un nombre croissant de travailleurs sont confrontés à des situations d’emploi précaire, il ne faudrait pas sous-estimer l’importance politique et sociale de ce sujet. La présente affaire illustre bien les contraintes auxquelles sont soumis les législateurs nationaux lorsqu’ils adoptent des dispositions de protection des travailleurs à durée déterminée, mais cherchent en même temps à prendre en compte les spécificités des différents types de contrats de travail et à permettre une certaine flexibilité du marché du travail.

2.        En l’espèce, il s’agit d’un travailleur espagnol qui a été employé dans le cadre d’un « contrat de relève » à durée déterminée (2), afin de compenser la réduction du travail fourni par une collègue prenant sa retraite partielle. La date de fin fixée dans son « contrat de relève » était celle du départ à la retraite de la collègue. Le travailleur n’a pas continué à être employé après cette date.

3.        Le litige au principal porte à présent sur l’indemnité légale à laquelle les travailleurs espagnols peuvent avoir droit dans certaines circonstances lorsque leur relation de travail prend fin. Ce qui constitue la pierre d’achoppement, c’est que le montant de cette indemnité est différent selon la façon dont prend fin la relation de travail. En effet, si l’employeur licencie son travailleur pour une raison objective, en droit espagnol, cette indemnité est plus généreuse que si, comme en l’espèce, l’employeur se contente de ne pas renouveler un contrat de travail à durée déterminée à la fin de ce dernier. Dans certains cas, le travailleur n’a même droit à aucune indemnité à la fin de son contrat de travail à durée déterminée.

4.        Dans un cas similaire, l’arrêt de Diego Porras (3), prononcé en 2016, a vu une discrimination contraire au droit de l’Union dans l’absence de toute indemnité de fin de contrat de travail à durée déterminée. À présent, la Cour est invitée à revoir sa jurisprudence d’alors ou, à tout le moins, à l’affiner. Ce faisant, elle devra également veiller à la cohérence interne de sa jurisprudence relative au principe d’égalité de traitement et de non-discrimination.

5.        Des problèmes juridiques similaires en substance se posent dans l’affaire Montero Mateos (C‑677/16) (4), dans laquelle nous présentons également nos conclusions aujourd’hui, ainsi que dans les affaires pendantes devant la Cour Rodriguez Otero (C‑212/17) et de Diego Porras (C‑619/17).

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

6.        La réglementation de l’Union applicable en l’espèce est la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord‑cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (5). Comme l’indique son article 1er, cette directive vise à mettre en œuvre l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, figurant en annexe de celle-ci, conclu le 18 mars 1999 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP).

7.        Globalement, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée vise à énoncer « les principes généraux et prescriptions minimales relatifs aux contrats et aux relations de travail à durée déterminée » et ainsi, notamment, à « améliorer la qualité du travail à durée déterminée en garantissant l’application du principe de non-discrimination » (6). Il illustre la volonté des partenaires sociaux d’« établir un cadre général pour assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée » (7).

8.        Certes, l’accord-cadre énonce que « les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs » (8). Cependant, il reconnaît que les contrats de travail à durée déterminée « sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs, occupations et activités qui peuvent convenir à la fois aux travailleurs et aux employeurs » (9). Il représente « une nouvelle contribution vers un meilleur équilibre entre “la flexibilité du temps de travail et la sécurité des travailleurs” » (10).

9.        La clause 1 de l’accord-cadre en définit l’objet comme suit :

« Le présent accord-cadre a pour objet :

a)      d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination ;

b)      d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs ».

10.      Concernant le champ d’application de l’accord-cadre, sa clause 2, point 1, dispose :

« Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre. »

11.      La clause 3 de l’accord-cadre comporte les « définitions » suivantes :

« Aux termes du présent accord, on entend par :

1.      “travailleur à durée déterminée”, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé ;

2.      “travailleur à durée indéterminée comparable”, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. Lorsqu’il n’existe aucun travailleur à temps plein comparable dans le même établissement, la comparaison s’effectue par référence à la convention collective applicable ou, en l’absence de convention collective applicable, conformément à la législation, aux conventions collectives ou pratiques nationales. »

12.      La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non‑discrimination », est libellée comme suit (extraits) :

« 1.      Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

2.      Lorsque c’est approprié, le principe du prorata temporis s’applique.

[…] »

13.      En outre, il convient de renvoyer à la clause 5 de l’accord-cadre qui est consacrée aux « Mesures visant à prévenir l’utilisation abusive » :

« 1.      Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes :

a)      des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ;

b)      a durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successif ;

c)      le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2.      Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée :

a)      sont considérés comme “successifs” ;

b)      sont réputés conclus pour une durée indéterminée. »

B.      Le droit espagnol

14.      Les dispositions du droit espagnol pertinentes sont celles du statut des travailleurs (11), dans la version en vigueur au moment de la conclusion du contrat de travail litigieux.

1.      Dispositions générales

15.      L’article 15, paragraphe 1, du statut des travailleurs, prévoit que le contrat de travail peut être conclu pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée, tout en énumérant de manière détaillée les motifs permettant de le conclure pour une durée déterminée.

16.      De surcroît, l’article 15, paragraphe 6, du statut des travailleurs prévoit la disposition suivante visant à assurer une égalité de traitement des travailleurs temporaires et des travailleurs à durée déterminée :

« Les travailleurs temporaires et à durée déterminée jouissent des mêmes droits que les travailleurs à durée indéterminée, sans préjudice des particularités spécifiques à chacune des modalités contractuelles en matière de résiliation du contrat, et de celles expressément prévues par la loi en ce qui concerne les contrats de formation. Le cas échéant, selon leur nature, ces droits sont reconnus par les dispositions légales et réglementaires ainsi que par les conventions collectives de manière proportionnelle, en fonction du temps travaillé.

Lorsqu’un droit déterminé ou une condition d’emploi est reconnu par des dispositions légales ou réglementaires et par des conventions collectives en fonction de l’ancienneté du travailleur, celle-ci doit être calculée selon les mêmes critères pour l’ensemble des travailleurs, quelles que soient les modalités de leur contrat ».

17.      À l’article 49 du statut des travailleurs (« Fin du contrat ») sont récapitulées toutes les circonstances susceptibles de faire prendre fin à une relation de travail. Il s’agit notamment, d’une part, de l’expiration du délai convenu ou de l’achèvement de la tâche ou du service faisant l’objet du contrat [article 49, paragraphe 1, sous c)] et, d’autre part, de raisons objectives [article 49, paragraphe 1, sous l)], ces raisons objectives étant énumérés à l’article 52 du statut des travailleurs.

18.      Ainsi, l’article 49, paragraphe 1, sous c), du statut des travailleurs prévoit que, lorsque le contrat de travail prend fin en raison de l’expiration du délai convenu ou de l’achèvement de la tâche ou du service faisant l’objet du contrat, excepté dans les cas de contrats de interinidad et de contrats de formation, le travailleur a le droit de percevoir une indemnité d’un montant équivalent à la part proportionnelle du montant correspondant à la perception de douze jours de salaire par année de service. À titre de dérogation à cette disposition, la treizième disposition transitoire du statut des travailleurs (12) prévoit pour les contrats de travail à durée déterminée conclus avant une certaine date de référence, une indemnité inférieure, d’application graduelle, allant de huit à douze jours de salaire par année d’ancienneté ; ainsi l’indemnité pour les contrats de travail à durée déterminée conclus jusqu’au 31 décembre 2012 est de neuf jours de salaire par année d’ancienneté.

19.      En revanche, lorsque le contrat de travail est résilié pour des raisons objectives, l’article 53, paragraphe 1, sous b), du statut des travailleurs prévoit le versement « au travailleur, au moment de la communication écrite [de la raison objective], [d’]une indemnité dont le montant correspond à 20 jours de salaire par année d’ancienneté, les périodes inférieures à une année étant calculées au prorata des mois accomplis, et dont le montant total ne peut pas dépasser 12 mensualités ».

2.      Le « contrat de relève »

20.      Le « contrat de relève » est un contrat de travail particulier, régi par l’article 12, paragraphes 6 et 7, du statut des travailleurs. Il peut être à durée déterminée ou indéterminée, et il est conclu afin de compléter le temps de travail d’un autre travailleur qui prend sa retraite partielle.

III. Les faits et la procédure au principal

21.      M. Angel Manuel Moreira Gómez a été employé en tant que technicien de surface par l’entreprise Grupo Norte Facility SA (13) du 1er novembre 2012 au 18 septembre 2015, sur la base d’un « contrat de relève » à durée déterminée, et a été affecté pendant cette période à l’hôpital Montecelo dans la province espagnole de Pontevedra.

22.      Ce « contrat de relève » visait à compenser le temps de travail, réduit de 75 %, de Mme María del Carmen Gómez Piñón, la mère de M. Moreira Gómez, qui se trouvait en retraite partielle pendant cette période.

23.      Lorsque Grupo Norte Facility a mis fin au contrat de travail le 18 septembre 2015, en raison de l’expiration du délai convenu, M. Moreira Gómez a introduit un recours juridictionnel et a soutenu, en invoquant une supposée coutume de l’entreprise, qu’il devait alors être engagé sur la base d’un contrat de travail à durée indéterminée en tant que successeur de sa mère partie à la retraite.

24.      Le Juzgado de lo Social no 2 de Pontevedra (14) (Espagne) a fait droit au recours de M. Moreira Gómez et a condamné Grupo Norte Facility, à son choix, à réintégrer le travailleur ou à verser à celui-ci une indemnité de 4 818,47 euros.

25.      En raison d’un appel interjeté par Grupo Norte Facility, le litige est désormais pendant devant le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne), la juridiction de renvoi. Cette dernière rejette l’argumentation de M. Moreira Gómez, fondée sur une supposée coutume d’entreprise. Elle considère que la fin du contrat de travail de M. Moreira Gómez est légale compte tenu des dispositions du droit du travail national, mais elle émet des doutes concernant l’interprétation des dispositions du droit de l’Union relatives à la protection des travailleurs à durée déterminée contre les discriminations.

IV.    La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour

26.      Par ordonnance du 7 novembre 2016, parvenue à la Cour le 14 novembre 2016, le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice) a posé à la Cour les questions suivantes à titre préjudiciel en application de l’article 267 TFUE :

« 1)      Aux fins du principe d’équivalence entre travailleurs temporaires et permanents, y a-t-il lieu de considérer que la résiliation du contrat de travail pour “circonstances objectives” conformément à l’article 49, paragraphe 1, sous c), du statut des travailleurs et la résiliation du contrat de travail découlant des “raisons objectives” prévues à l’article 52 dudit statut constituent des “situations comparables” et que, partant, les indemnités distinctes versées dans l’un et l’autre cas constituent une différence de traitement entre travailleurs temporaires et permanents interdite par la directive 1999/70 ?

2)      En cas de réponse affirmative, y a-t-il lieu de considérer que les objectifs de politique sociale ayant légitimé la création de la modalité du “contrat de relève” justifient également, conformément à la clause 4, paragraphe 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, la différence de traitement consistant dans le versement d’une indemnité de résiliation du contrat de travail moins favorable dans le cas où l’entreprise décide librement que ledit “contrat de relève” sera à durée déterminée ?

3)      Aux fins de garantir l’effet utile de la directive 1999/70, en l’absence de justification raisonnable conforme à la clause 4, paragraphe 1, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, la différence de traitement entre travailleurs temporaires et permanents, dans la réglementation espagnole susmentionnée, au regard de l’indemnité versée en cas de résiliation du contrat constitue-t-elle une discrimination interdite par l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en ce qu’elle serait contraire aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, qui font partie des principes généraux du droit de l’Union ? »

27.      Lors de la procédure devant la Cour, Grupo Norte Facility, le gouvernement espagnol ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Le 8 novembre 2017 s’est tenue une audience commune pour les affaires C‑574/16 et C‑677/16, à laquelle étaient représentés Grupo Norte Facility, Mme Montero Mateos, l’Agence d’assistance sociale de la communauté autonome de Madrid (15), le gouvernement espagnol et la Commission.

28.      À la demande du gouvernement espagnol, dans la présente procédure, la Cour siège en grande chambre conformément à l’article 16, troisième alinéa, de son statut.

V.      Appréciation

29.      En posant ses trois questions, la juridiction de renvoi cherche à savoir en substance s’il y a une discrimination interdite par le droit de l’Union lorsque, dans le cas où son contrat de travail prend fin parce qu’il expire, en raison de l’atteinte de la date de fin convenue, de l’achèvement de la tâche convenue ou de la survenance de l’événement convenu, le travailleur à durée déterminée a droit à une indemnité moindre qu’un travailleur dont le contrat de travail, à durée déterminée ou indéterminée, prend fin parce qu’il est résilié par l’employeur pour une raison objective.

30.      Ces questions se posent parce que, conformément au statut des travailleurs espagnol, en cas de résiliation de contrat de travail par l’employeur pour une raison objective, un travailleur a droit à une indemnité légale correspondant à 20 jours de salaire par année d’ancienneté [article 53, paragraphe 1, sous b), du statut des travailleurs], alors que, en cas de simple expiration de son contrat de travail à durée déterminée, la même loi accorde seulement au travailleur une indemnité inférieure correspondant à 8 à 12 jours de salaire par année d’ancienneté, ou ne prévoit même aucun droit à indemnité lorsqu’un contrat de travail à durée déterminée de interinidad (16) ou un contrat de formation expire [article 49, paragraphe 1, sous c), du statut des travailleurs].

A.      Le principe de non-discrimination des travailleurs à durée déterminée (première question)

31.      En l’espèce, c’est la première question qui est au cœur du débat ; elle invite la Cour à se prononcer sur le caractère comparable de deux situations à la lumière du principe de non-discrimination des travailleurs à durée déterminée, consacré par la clause 4, point 1, de l’accord-cadre. La première de ces situations concerne la simple expiration d’un « contrat de relève » à durée déterminée de droit espagnol, la seconde la résiliation d’un contrat de travail, à durée déterminée ou indéterminée, par l’employeur, pour des raisons objectives. En substance, cette question préjudicielle vise à examiner si les montants différents des droits à indemnité prévus par la loi dans les deux cas de figure évoqués conduisent à une discrimination des travailleurs à durée déterminée par rapport aux travailleurs à durée indéterminée.

1.      Sur la recevabilité de la première question

32.      Grupo Norte Facility conteste la recevabilité de cette première question qui, selon elle, demanderait à la Cour bien davantage une interprétation du droit espagnol qu’une interprétation du droit de l’Union, et plus précisément, une comparaison entre les situations régies par les articles 49, paragraphe 1, sous c), et 53, paragraphe 1, sous b), du statut des travailleurs.

33.      Toutefois, cet argument ne saurait prospérer. Certes, selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation des dispositions du droit interne (17). Cependant, cette première question porte moins sur l’interprétation de dispositions du droit du travail espagnol que, bien davantage, sur les conclusions juridiques du point de vue du droit de l’Union que le juge national doit tirer de l’état du droit national tel qu’il l’a décrit lui-même (18). À cet effet, la Cour peut et doit donner des éléments utiles à la juridiction de renvoi dans le cadre de la procédure préjudicielle (19).

34.      Par conséquent, la première question est recevable.

2.      Le champ d’application du principe de non-discrimination

35.      L’accord-cadre s’applique aux contrats de travail à durée déterminée. Cela découle du titre même et est confirmé par la définition du champ d’application de l’accord-cadre à la clause 2, point 1.Aux termes de celle-ci, l’accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre.

36.      Il est constant que le litige au principal a pour origine un contrat de travail à durée déterminée sous forme de « contrat de relève » tel qu’il est prévu en Espagne par les dispositions du statut des travailleurs.

37.      Toutefois, les parties à la procédure ne sont pas d’accord sur le point de savoir si, en particulier, le principe de non-discrimination consacré par la clause 4, point 1, de l’accord-cadre peut être applicable à un cas comme celui de l’espèce. En effet, la clause 4, point 1, interdit précisément le traitement moins favorable de travailleurs à durée déterminée pour ce qui est de leurs conditions d’emploi.

38.      Selon le gouvernement espagnol, cette expression ne désignerait que les conditions de travail (20) au sens strict, et non pas, en revanche, les autres conditions d’emploi (21) comme les conditions et les conséquences juridiques de la fin de contrats ou de relations de travail à durée déterminée.

39.      Cette thèse ne saurait être retenue. En effet, selon la jurisprudence, le seul le critère décisif pour déterminer si une mesure relève des « conditions d’emploi » au sens de la clause 4, point 1, est celui de l’emploi, c’est-à-dire le fait que les dispositions applicables à un travailleur ou les prestations qu’il demande se rattachent à sa relation de travail avec l’employeur (22).

40.      Les différentes versions linguistiques de l’accord-cadre emploient, pour partie, des formulations qui correspondent à l’expression « conditions de travail », mais pour partie également des formulations qui correspondent à l’expression « conditions d’emploi » (23), sans qu’il soit possible de discerner que cela recouvre deux notions différentes. D’ailleurs, une telle distinction serait difficilement compatible avec les objectifs de l’accord-cadre ainsi qu’avec l’économie générale du droit du travail de l’Union.

41.      En effet, l’accord-cadre vise à améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non‑discrimination (24). Il illustre la volonté des partenaires sociaux d’établir un cadre général pour assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre la discrimination (25). Il est de jurisprudence constante que l’accord-cadre comporte des règles du droit social de l’Union revêtant une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescriptions protectrices minimales (26). Il s’ensuit que le principe de non-discrimination des travailleurs à durée déterminée ne saurait être interprété de manière stricte (27).

42.      En outre, la cohérence du droit du travail de l’Union requiert de ne pas interpréter la notion de « conditions de travail ou d’emploi » isolément de sa signification dans des dispositions connexes du droit de l’Union (28). À cet égard, il convient en particulier de renvoyer aux directives contre les discriminations 2000/78/CE (29) et 2006/54/CE (30) qui précisent le principe d’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail en ce qui concerne différents critères de discrimination comme le sexe, l’âge et l’orientation sexuelle. Selon une jurisprudence constante, les conditions de licenciement relèvent également de ces directives. C’est pourquoi notamment les versements liés à la relation d’emploi, en vertu du contrat de travail ou de la loi, que l’employeur doit faire en cas de fin de la relation de travail, relèvent du champ d’application du principe de non‑discrimination (31). En fin de compte, il ne saurait en aller autrement de la notion de « conditions d’emploi » en ce qui concerne le principe de non‑discrimination consacré par la clause 4, point 1, de l’accord-cadre (32).

43.      Ainsi, pour résumer, l’accord-cadre, en général, ainsi que le principe de non-discrimination qu’il consacre, en particulier, sont applicables à une indemnité que les travailleurs peuvent demander à leurs employeurs, en vertu d’un accord ou de la loi, au terme de leurs contrats de travail. La Cour s’est également prononcée en ce sens (33).

44.      Partant, un cas de figure comme celui de l’espèce, qui concerne précisément une telle indemnité, relève du champ d’application de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre.

45.      Toutefois, le principe de non-discrimination consacré par la clause 4, point 1, de l’accord-cadre ne peut s’appliquer à l’indemnité qu’en ce qu’il s’agit de comparer les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée. En revanche, il importe peu du point de vue de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre que les salariés à durée déterminée soient également traités différemment entre eux en ce qui concerne l’indemnité litigieuse, selon que leur relation de travail est résiliée par l’employeur pour une raison objective ou bien tout simplement en raison de l’atteinte de la date de fin convenue, de l’achèvement de la tâche convenue ou de la survenance de l’événement convenu. En effet, les inégalités de traitement éventuelles entre différentes catégories de travailleurs à durée déterminée ne relèvent pas du principe de non-discrimination consacré par l’accord-cadre (34).

3.      L’examen du caractère comparable de la situation des travailleurs à durée déterminée et des travailleurs permanents en ce qui concerne l’indemnité à la fin du contrat

46.      Il reste à examiner la question centrale de la présente affaire, qui est de savoir si les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée se trouvent dans une situation comparable (35). En effet, ainsi qu’il ressort du libellé même de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, le droit de l’Union interdit la discrimination de travailleurs à durée déterminée par rapport à des travailleurs à durée indéterminée comparables, mais ne prescrit nullement une égalité de traitement entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée non comparables (36). Partant, il n’est possible de voir dans les modalités différentes des indemnités légales, litigieuses dans l’affaire au principal, une discrimination des travailleurs à durée indéterminée que si les situations sont comparables.

47.      Le point de départ de la réflexion sur le caractère comparable des travailleurs à durée déterminée et des travailleurs à durée indéterminée qui incombe à la juridiction de renvoi (37), conformément à la définition de la notion de « travailleur à durée indéterminée comparable » donnée par la clause 3, point 2, premier alinéa, de l’accord-cadre, consiste à se demander si tous deux ont dans leur établissement un travail ou un emploi identique ou similaire. Cela doit être établi compte tenu d’un ensemble de facteurs, tels que la nature du travail, les conditions de formation et les conditions de travail (38).

48.      En l’espèce, il ne fait aucun doute que le travailleur à durée déterminée se trouve dans une situation identique à celle d’un travailleur à durée indéterminée de la même entreprise du point de vue de l’activité précise à accomplir, notamment du type de travail, des exigences de formation et des conditions de travail. En effet, en tant que technicien de surface, M. Moreira Gómez accomplissait une activité identique à celle de sa mère, Mme Gómez Piñón, avec laquelle, pendant la retraite partielle de celle-ci, il se partageait un seul et même poste de travail dans des proportions respectives de 75 % et 25 %. C’est également sur ce constat que se base à juste titre la juridiction nationale dans sa décision de renvoi.

49.      Toutefois, dans un cas de figure comme celui de l’espèce, il serait hâtif, en se basant uniquement sur l’activité qu’ils accomplissent et l’identité du poste qui leur est attribué, de conclure que les deux travailleurs se trouvent, au total, dans une situation identique à tous égards et que, par conséquent, le travailleur à durée déterminée est discriminé si les dispositions légales qui régissent son indemnité lorsque son contrat de travail prend fin sont moins favorables. En effet, ce qui est déterminant c’est de savoir si les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée se trouvent dans une situation comparable, également et précisément au regard de l’indemnité litigieuse, et en particulier au regard de l’événement qui conduit au versement d’une telle indemnité.

50.      Lors de l’appréciation de cette question, il convient en fin de compte de recourir aux critères qui sont également appliqués par ailleurs en matière de discrimination (39). En effet, le principe de non‑discrimination, tel qu’il est articulé à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre n’est rien d’autre qu’une expression particulière du principe général d’égalité de traitement et de non-discrimination du droit de l’Union (40).

51.      C’est pourquoi, selon une jurisprudence constante, les éléments qui caractérisent différentes situations et, ainsi, leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (41).

52.      Partant, les critères de comparaison des différentes prestations de l’employeur auxquelles ont droit les travailleurs à durée déterminée, d’une part, et les travailleurs permanents, d’autre part, en vertu du contrat de travail ou de la loi, incluent également la situation de fait et de droit dans laquelle les différentes prestations de l’employeur doivent être demandées (42).

53.      L’espèce fournit à la Cour l’occasion d’approfondir tout particulièrement cet aspect auquel, selon nous, elle n’a pas accordé suffisamment d’attention dans l’arrêt de Diego Porras (43), et de revoir sa jurisprudence sur ce point.

54.      Sans aucun doute, il existe de nombreuses prestations financières et sociales de l’employeur auxquelles peuvent prétendre de la même manière, de par leur objet et leur finalité, à la fois les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs permanents. Cela concerne certainement, en premier lieu, le salaire, mais aussi d’éventuels primes de fidélité à l’entreprise et avantages sociaux comme des allocations de repas et de transport, ainsi que l’accès à des centres de sport d’entreprise et à un service de garde d’enfants. En effet, ces prestations visent soit à rémunérer le travail fourni dans l’entreprise soit à favoriser l’intégration dans la vie professionnelle et dans l’entreprise, le cas échéant en appliquant le principe du prorata temporis (clause 4, point 2, de l’accord-cadre) (44).

55.      Toutefois, sous réserve d’examen par la juridiction de renvoi, l’indemnité litigieuse n’est pas une telle prestation. En effet, à ce qu’il semble, l’indemnité due dans certaines conditions par un employeur espagnol en vertu du statut des travailleurs à la fin du contrat de travail constitue, de par son objet et sa finalité, non pas une prime de fidélité à l’entreprise mais une compensation versée au travailleur pour la perte de son emploi.

56.      Contrairement à ce qu’il apparaît de prime abord, les travailleurs à durée déterminée, d’une part, et les travailleurs à durée indéterminée, d’autre part, ne se trouvent pas dans une situation comparable à l’aune de cet objet et de cette finalité de l’indemnité. Cela est dû non pas, uniquement à la nature temporaire de l’emploi à durée déterminée, qui, en tant que telle et en théorie, ne doit pas constituer un critère de distinction (45), mais, très concrètement, à une différence de prévisibilité de la perte de l’emploi, qui peut entraîner des droits à indemnité différents.

57.      Certes, il est évident que la perte de l’emploi, tant pour un travailleur à durée déterminée que pour un travailleur permanent, est un événement extrêmement fâcheux, et même dramatique, qui entraîne souvent des difficultés personnelles et sociales.

58.      Cependant, un travailleur à durée déterminée doit s’attendre dès le départ à la perte de son emploi, en raison de l’atteinte de la date de fin convenue, de l’achèvement de la tâche convenue ou de la survenance de l’événement convenu, et celle-ci ne constitue nullement une surprise. Le travailleur a lui-même participé à la conclusion du contrat qui conduit inévitablement, tôt ou tard, à la fin de sa relation de travail, même s’il espère peut-être que son employeur l’embauchera plus tard à durée indéterminée. En l’espèce, la fin du contrat convenue était même rattachée à une date précise, le jour du départ à la retraite de la travailleuse se trouvant en retraite partielle, et, partant, très clairement prévisible.

59.      En revanche, la fin (prématurée) d’une relation de travail, à durée déterminée ou indéterminée, en raison d’une résiliation par l’employeur pour une raison objective (par exemple des difficultés économiques rendant une réduction des effectifs inévitable) n’est en général pas un événement que le travailleur peut prévoir précisément.

60.      De surcroît, en cas de résiliation pour une raison objective, l’indemnité légale vise notamment à assurer une compensation pour les espoirs déçus du travailleur concernant le maintien de sa relation de travail qui en réalité était censée continuer. Par contre, il n’y a pas d’espoirs déçus à cet égard lorsqu’un contrat de travail à durée déterminée expire tout simplement en raison de l’atteinte de la date de fin convenue, de l’achèvement de la tâche convenue ou de la survenance de l’événement convenu.

61.      De toute façon, il ne saurait a priori être question d’espoirs déçus lorsque, comme en l’espèce, l’emploi d’un travailleur était basé sur un seul « contrat de relève » à durée déterminée dont, de surcroît, la durée était inférieure à trois ans (46). D’après les indications de la juridiction de renvoi, M. Moreira Gómez ne pouvait pas non plus invoquer une quelconque coutume d’entreprise lui donnant le droit d’être embauché à durée indéterminée après l’expiration de son « contrat de relève ».

62.      Si l’on cherchait à refuser aux États membres la faculté de moduler leur législation du travail en fonction de ces différences et de ces intérêts divers, cela priverait de sa substance la distinction entre contrats de travail à durée déterminée et indéterminée. Or, ainsi que la Commission le souligne à juste titre, cette distinction correspond à la conception du législateur de l’Union et des partenaires sociaux européens, selon laquelle l’emploi à durée déterminée ne doit pas, en soi, être considéré comme condamnable voire illégal. Au contraire, l’accord-cadre repose sur l’idée que les contrats de travail à durée déterminée « sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs, occupations et activités [et] peuvent convenir à la fois aux travailleurs et aux employeurs » (47). Il représente également une « contribution vers un meilleur équilibre entre “la flexibilité du temps de travail et la sécurité des travailleurs” » (48).

4.      Conclusion intermédiaire

63.      Par conséquent, pour résumer, on peut retenir de l’interprétation de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre qu’il n’y a pas de discrimination interdite par le droit de l’Union lorsque, dans le cas où son contrat de travail prend fin parce qu’il expire, en raison de l’atteinte de la date de fin convenue, de l’achèvement de la tâche convenue ou de la survenance de l’événement convenu, le travailleur à durée déterminée a droit à une indemnité moindre qu’un travailleur dont le contrat de travail, à durée déterminée ou indéterminée, prend fin parce qu’il est résilié par l’employeur pour une raison objective.

B.      Les éventuelles justifications d’une inégalité de traitement (deuxième question)

64.      La deuxième question porte sur l’interprétation de la notion de « raisons objectives » qui, selon la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, permettent de justifier un traitement différent des travailleurs à durée déterminée et des travailleurs à durée indéterminée. La juridiction de renvoi cherche à savoir en substance si les différences entre les indemnités auxquelles ont droit les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée peuvent être justifiées par des raisons objectives, sachant que l’employeur est libre de décider s’il conclut pour une durée déterminée ou indéterminée le « contrat de relève » destiné à compenser la réduction du travail fourni par un travailleur prenant sa retraite partielle.

65.      Cette question est posée seulement pour le cas où les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée se trouveraient dans une situation comparable du point de vue de l’indemnité légale de perte de leur emploi. Comme, dans le cadre de la première question, nous suggérons déjà à la Cour de juger que cette situation n’est pas comparable et, partant, qu’il n’y a pas de discrimination, nous n’examinons cette question qu’à titre subsidiaire.

66.      En faisant référence à des raisons objectives, notamment à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, les partenaires sociaux européens, et en fin de compte également le législateur de l’Union, expriment l’idée fondamentale, selon laquelle les employeurs ne doivent pas utiliser la relation de travail à durée déterminée pour priver ces travailleurs de droits qui sont reconnus aux travailleurs à durée indéterminée comparables (49).

67.      Pour simplifier, la jurisprudence relative à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre (50) reconnaît comme raisons objectives justifiant une inégalité de traitement entre travailleurs à durée déterminée et travailleurs à durée indéterminée comparables, tant les tâches que doivent accomplir les travailleurs que les objectifs légitimes de politique économique et sociale de l’État membre en cause. En outre, même s’il existe des raisons objectives, l’inégalité de traitement ne peut être justifiée que si elle est basée sur des circonstances précises et concrètes et si le principe de proportionnalité est respecté.

68.      Dans un cas de figure comme celui de l’espèce, il est évident que les modalités différentes régissant les droits à une indemnité légale des travailleurs à durée déterminée et des travailleurs à durée indéterminée ne peuvent pas s’expliquer par leurs tâches respectives (celles-ci sont identiques en cas de « contrat de relève ») et reposent sur des considérations de politique économique et sociale. Les éléments déterminants pour le législateur espagnol ont apparemment été, d’une part, le souci de faciliter l’intégration des demandeurs d’emploi au marché du travail et ainsi, en fin de compte, d’atteindre un taux d’emploi le plus élevé possible, d’autre part, l’objectif d’améliorer le financement des systèmes de sécurité sociale espagnols. Il s’agit indubitablement d’objectifs légitimes de politique économique et sociale.

69.      D’ailleurs, la juridiction de renvoi doute moins de la légitimité des objectifs de politique économique et sociale poursuivis par le gouvernement espagnol que, bien davantage, du caractère approprié et nécessaire d’un régime d’indemnisation différencié. Elle fonde ses doutes sur la circonstance que, en cas de retraite partielle, l’employeur espagnol est libre de décider s’il conclut le « contrat de relève » du travailleur nouvellement embauché pour une durée déterminée ou indéterminée.

70.      Effectivement, de prime abord, il semble qu’à cet égard le législateur espagnol n’ait pas réalisé ses objectifs de politique économique et sociale de manière cohérente et systématique (51) : si, pour atteindre ces objectifs, il est également possible de conclure des « contrats de relève » à durée indéterminée, alors, pourquoi faudrait-il que certains travailleurs, qui se voient offrir seulement des « contrats de relève » à durée déterminée, soient désavantagés s’agissant des droits à une indemnité légale ?

71.      Toutefois, il y a lieu de considérer que le « contrat de relève » serait nettement moins attrayant, et donc moins à même de contribuer à la réalisation des objectifs de politique économique et sociale poursuivis, si le législateur ne proposait pas aussi aux employeurs une forme à durée déterminée du « contrat de relève », dont les implications financières sont moindres pour eux.

72.      Il est certes possible que certains employeurs recourent de manière abusive à la forme à durée déterminée du « contrat de relève », alors qu’ils doivent couvrir des besoins permanents et durables et, partant, devraient en réalité conclure un contrat à durée indéterminée (52). Néanmoins, il n’existe aucun indice en ce sens dans la présente affaire.

73.      De toute façon, la lutte contre des abus éventuels, qui est une préoccupation importante du législateur de l’Union et des partenaires sociaux européens, fait l’objet d’une disposition distincte à la clause 5 de l’accord-cadre. En outre, la seule circonstance que la faculté de conclure des « contrats de relève » à durée déterminée puisse, peut-être, donner lieu à des abus de la part de certains employeurs, ne signifie pas pour autant que tout travailleur ayant un « contrat de relève » à durée déterminée est discriminé dans ses conditions d’emploi par rapport à des travailleurs à durée indéterminée comparables. Ainsi que la Commission l’observe à juste titre, il ne faudrait pas confondre la protection contre les discriminations, conformément à la clause 4, point 1, et la lutte contre les abus, conformément à la clause 5 de l’accord-cadre.

74.      Par conséquent, il conviendrait de répondre affirmativement à la deuxième question, pour le cas où celle-ci serait pertinente.

C.      Le principe général d’égalité de traitement (troisième question)

75.      Selon l’économie de la demande de décision préjudicielle, la troisième et dernière question est posée uniquement pour le cas où il conviendrait de répondre affirmativement à la première question et négativement à la deuxième. D’après les considérations qui précèdent, il n’en est pas ainsi. Partant, nous n’examinerons la troisième question, comme déjà la deuxième, qu’à titre subsidiaire.

76.      En posant cette question, la juridiction de renvoi cherche à savoir en substance si le fait que le montant de l’indemnité que doit verser l’employeur à la fin d’un contrat de travail conformément au droit espagnol est différent selon que ce contrat prend fin à cause d’une résiliation pour raison objective ou de l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée est contraire à l’article 21 de la charte des droits fondamentaux ainsi qu’au principe général d’égalité de traitement et de non-discrimination.

1.      Recevabilité de la troisième question

77.      Concernant cette troisième question, Grupo Norte Facility soulève encore une exception d’irrecevabilité et reproche à la juridiction de renvoi de demander une opinion consultative sur des questions générales et hypothétiques (53). En substance, ce qui dérange Grupo Norte Facility, c’est que la question du juge national a pour objet, de manière très générale, une comparaison entre les situations régies par les articles 49, paragraphe 1, sous c), et 53, paragraphe 1, sous b), du statut des travailleurs, et non pas un cas de figure spécifique.

78.      Ainsi que nous l’avons déjà exposé dans le cadre de la première question (54), ce grief ne tient pas. Il convient d’ajouter que le rattachement de la troisième question à un cas de figure précis découle indubitablement du contexte général de la demande de décision préjudicielle, même si le libellé de la question en tant que telle fait référence uniquement aux dispositions litigieuses de la loi espagnole.

79.      De surcroît, lorsqu’il a formulé la troisième question de façon relativement générale, le juge national était probablement conscient que, dans le cadre de la procédure préjudicielle, la Cour est compétente non pas pour appliquer le droit à un cas particulier mais pour donner des indications relatives à l’application du droit de l’Union pertinent. L’on ne saurait tenir rigueur à l’auteur de la demande de décision préjudicielle d’avoir pris en considération cette circonstance (55).

80.      Partant, en somme, la recevabilité de la troisième question ne fait aucun doute.

2.      Appréciation au fond de la troisième question

81.      Selon une jurisprudence constante, le principe général d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union qui est également consacré aux articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux, impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (56).

82.      Dans la présente affaire, la question controversée de savoir si ce principe général du droit, ou bien les dispositions mentionnées de la charte des droits fondamentaux, produisent des effets directs dans un litige entre un travailleur et son employeur privé, c’est-à-dire dans un rapport de droit horizontal (57), peut être laissée de côté. En effet, au fond, le principe général d’égalité de traitement du droit de l’Union ne saurait en l’espèce conduire à une autre conclusion que le principe particulier de non-discrimination consacré à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre (voir également article 52, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux).

83.      Or, comme nous l’avons déjà expliqué relativement à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, dans le cadre de la première question, la résiliation par l’employeur d’un contrat de travail, à durée déterminée ou indéterminée, pour une raison objective, n’est pas comparable du point de vue de sa prévisibilité avec la simple expiration d’un contrat de travail à durée déterminée en raison de l’atteinte d’une date précise, de l’achèvement d’une tâche déterminée ou de la survenance d’un événement déterminé (58).

84.      Par conséquent, le principe général d’égalité de traitement ou bien les articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux ne peuvent pas exiger que le droit légal à une indemnité du travailleur concerné soit égal dans les deux cas. Il conviendrait ainsi de répondre négativement à la troisième question, si celle-ci devenait pertinente.

VI.    Conclusion

85.      Compte tenu des considérations qui précèdent, nous suggérons à la Cour de répondre comme suit à la demande de décision préjudicielle du Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne) :

La clause 4, point 1, de l’accord-cadre figurant en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu’il n’y a pas de discrimination interdite par le droit de l’Union lorsque, dans le cas où son contrat de travail prend fin parce qu’il expire, en raison de l’atteinte de la date de fin convenue, de l’achèvement de la tâche convenue ou de la survenance de l’événement convenu, le travailleur à durée déterminée a droit à une indemnité moindre qu’un travailleur dont le contrat de travail, à durée déterminée ou indéterminée, prend fin parce qu’il est résilié par l’employeur pour une raison objective.


1      Langue originale : l’allemand.


2      En espagnol : contrato de relevo.


3      Arrêt du 14 septembre 2016, de Diego Porras (C‑596/14, EU:C:2016:683).


4      L’affaire Montero Mateos concerne seulement un autre type de contrat du droit du travail espagnol, le contrat de travail de remplacement ou dans l’attente du pourvoi d’un poste (« contrato de trabajo de interinidad »).


5      JO 1999, L 175, p. 43.


6      Considérant 14 de la directive 1999/70.


7      Troisième alinéa du préambule de l’accord-cadre.


8      Deuxième alinéa du préambule de l’accord-cadre ; voir également point 6 des considérations générales.


9      Point 8 des considérations générales de l’accord-cadre ; voir également le deuxième alinéa du préambule.


10      Premier alinéa du préambule de l’accord-cadre ; voir également points 3 et 5 des considérations générales.


11      Texto refundido de la ley del estatuto de los trabajadores, aprobado por el Real Decreto Legislativo 1/1995 (texte refondu de la loi sur le statut des travailleurs approuvé par le décret législatif royal 1/1995), du 24 mars 1995 (BOE no 75 du 29 mars 1995, p. 9654).


12      Désormais, la même règle est énoncée dans la huitième disposition transitoire.


13      Auparavant Limpiezas Pisuerga Grupo Norte Limpisa SA.


14      Tribunal du travail no 2 de Pontevedra.


15      Agencia Madrileña de Atención Social de la Consejería de Politicas Sociales y Familia de la Comunidad Autónoma de Madrid (défenderesse de l’affaire au principal dans l’affaire C‑677/16).


16      Comme nous l’avons déjà mentionné, le contrat de travail à durée déterminée de interinidad est en cause dans l’affaire parallèle Montero Mateos (C‑677/16).


17      Voir arrêts du 11 mars 2010, Attanasio Group (C‑384/08, EU:C:2010:133, point 16), et du 26 novembre 2014, Mascolo e.a. (C‑22/13, C‑61/13 à C‑63/13 et C‑418/13, EU:C:2014:2401, point 81).


18      Nous relevons simplement au passage que l’interprétation des dispositions pertinentes du droit du travail espagnol ne semble nullement litigieuse entre les parties.


19      Le souci de la Cour de donner aux juridictions nationales des éléments utiles sur l’interprétation et l’application du droit de l’Union correspond à une jurisprudence constante ; voir, notamment, arrêts du 31 janvier 2008, Centro Europa 7 (C‑380/05, EU:C:2008:59, points 49 à 51) ; du 11 mars 2010, Attanasio Group (C‑384/08, EU:C:2010:133, points 17 et 19) ; du 13 juillet 2017, Kleinsteuber (C‑354/16, EU:C:2017:539, point 61), et du 26 juillet 2017, Europa Way et Persidera (C‑560/15, EU:C:2017:593, points 35 et 36).


20      En espagnol : condiciones de trabajo.


21      En espagnol : condiciones de empleo.


22      Arrêts du 10 juin 2010, Bruno e.a. (C‑395/08 et C‑396/08, EU:C:2010:329, points 45 et 46) ; du 12 décembre 2013, Carratù (C‑361/12, EU:C:2013:830, point 35) ; du 13 mars 2014, Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 25), et du 14 septembre 2016, de Diego Porras (C‑596/14, EU:C:2016:683, point 28).


23      Ainsi, dans la version allemande de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, il est question non pas de conditions de travail (Arbeitsbedingungen) mais de conditions d’emploi (Beschäftigungsbedingungen). Il en va de même des versions française (« conditions d’emploi »), italienne (« condizioni di impiego »), portugaise (« condiçoes de emprego ») et anglaise (« employment conditions »).


24      Clause 1, sous a), de l’accord-cadre et considérant 14 de la directive 1999/70.


25      Troisième alinéa du préambule de l’accord-cadre.


26      Arrêt du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, points 27 et 38) ; dans le même ordre d’idées, arrêts du 15 avril 2008, Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223, point 114), et du 13 mars 2014, Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, p. 24).


27      Arrêts du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 38 lu conjointement avec le point 37) ; du 15 avril 2008, Impact (C‑268/06, EU:C:2008:223, point 114), et du 13 mars 2014, Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 24).


28      En ce sens également arrêt du 10 juin 2010, Bruno e.a. (C‑395/08 et C‑396/08, EU:C:2010:329, points 45 et 46).


29      Directive du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).


30      Directive du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO 2006, L 204, p. 23).


31      Voir notamment arrêts du 16 février 1982, Burton (19/81, EU:C:1982:58, point 9) ; du 8 juin 2004, Österreichischer Gewerkschaftsbund (C‑220/02, EU:C:2004:334, point 36), et du 12 octobre 2010, Ingeniørforeningen i Danmark (C‑499/08, EU:C:2010:600, point 21).


32      En ce sens, arrêt du 13 mars 2014, Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 28).


33      Arrêt du 14 septembre 2016, de Diego Porras (C‑596/14, EU:C:2016:683, points 31 et 32) ; en ce sens déjà, arrêts du 12 décembre 2013, Carratù (C‑361/12, EU:C:2013:830, points 35 et 37, concernant également un régime d’indemnités), et du 13 mars 2014, Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, points 27 et 29, concernant le délai de résiliation).


34      Ordonnance du 11 novembre 2010, Vino (C‑20/10, non publiée, EU:C:2010:677, point 57).


35      Voir également arrêts du 12 décembre 2013, Carratù (C‑361/12, EU:C:2013:830, point 43) ; du 13 mars 2014, Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 30), et du 14 septembre 2016, de Diego Porras (C‑596/14, EU:C:2016:683, points 39 et 40).


36      Arrêt du 12 décembre 2013, Carratù (C‑361/12, EU:C:2013:830, point 42), et ordonnance du 30 avril 2014, D’Aniello e.a. (C‑89/13, EU:C:2014:299, point 28) ; dans le même ordre d’idée, également arrêt du 18 octobre 2012, Valenza e.a. (C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 48) ; ainsi que l’idée qui apparaît dans l’arrêt du 14 septembre 2016, de Diego Porras (C‑596/14, EU:C:2016:683, points 39 et 40).


37      Arrêts du 18 octobre 2012, Valenza e.a. (C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 43) ; du 13 mars 2014, Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 32), et du 14 septembre 2016, de Diego Porras (C‑596/14, EU:C:2016:683, point 42).


38      Arrêts du 8 septembre 2011, Rosado Santana (C‑177/10, EU:C:2011:557, point 66), et du 13 mars 2014, Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 31) ; ainsi qu’ordonnances du 18 mars 2011, Montoya Medina (C‑273/10, EU:C:2011:167, point 37), et du 9 février 2017, Rodrigo Sanz (C‑443/16, EU:C:2017:109, point 38) ; en ce sens déjà arrêt du 31 mai 1995, Royal Copenhagen (C‑400/93, EU:C:1995:155, point 33).


39      Voir également nos conclusions dans les affaires Pillbox 38 (C‑477/14, EU:C:2015:854, point 38), Pilkington Group e.a./Commission (C‑101/15 P, EU:C:2016:258, point 66), et Vervloet e.a. (C‑76/15, EU:C:2016:386, point 47), dans lesquelles nous expliquons à chaque fois que le principe d’égalité de traitement ne saurait donner lieu à des interprétations ni à des applications différentes selon le domaine juridique en cause.


40      En ce sens, par exemple, arrêt du 8 septembre 2011, Rosado Santana (C‑177/10, EU:C:2011:557, point 65), dans lequel la jurisprudence constante relative au principe de non‑discrimination du droit de l’Union est transposée à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre.


41      Arrêts du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C‑127/07, EU:C:2008:728, point 26) ; du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission (C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 167), et du 26 juillet 2017, Persidera (C‑112/16, EU:C:2017:597, point 46).


42      En ce sens, arrêt du 12 décembre 2013, Carratù (C‑361/12, EU:C:2013:830, points 44 et 45).


43      Arrêt du 14 septembre 2016, de Diego Porras (C‑596/14, EU:C:2016:683, points 40 à 44, et 51).


44      En outre, le bénéfice de certaines prestations de l’employeur peut être subordonné à une durée minimale d’appartenance à l’entreprise, dans la mesure où cette condition est définie selon des critères objectifs et transparents et ne vise pas spécialement à exclure les travailleurs à durée déterminée.


45      Conformément à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée ou qu’ils ont un contrat de travail à durée déterminée ; voir également arrêts du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, points 56 et 57) ; du 18 octobre 2012, Valenza e.a. (C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 52), et du 13 mars 2014, Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, points 37 et 38).


46      L’affaire parallèle Montero Mateos (C‑677/16) concernait un contrat de travail à durée déterminée d’une durée de neuf ans et six mois. Toutefois, comme nous l’expliquons dans nos conclusions de ce jour dans cette autre affaire, l’appréciation juridique devrait être la même dans les deux cas.


47      Point 8 des considérations générales de l’accord-cadre ; voir également le deuxième alinéa du préambule.


48      Premier alinéa du préambule de l’accord cadre ; voir également points 3 et 5 des considérations générales.


49      Arrêts du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, point 37) ; du 12 décembre 2013, Carratù (C‑361/12, EU:C:2013:830, point 41), et du 13 mars 2014, Nierodzik (C‑38/13, EU:C:2014:152, point 23).


50      Arrêts du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C‑307/05, EU:C:2007:509, points 53 et 58) ; du 22 avril 2010, Zentralbetriebsrat der Landeskrankenhäuser Tirols (C‑486/08, EU:C:2010:215, point 42) ; du 22 décembre 2010, Gavieiro Gavieiro et Iglesias Torres (C‑444/09 et C‑456/09, EU:C:2010:819, point 55) ; du 18 octobre 2012, Valenza e.a. (C‑302/11 à C‑305/11, EU:C:2012:646, point 51), et du 14 septembre 2016, de Diego Porras (C‑596/14, EU:C:2016:683, point 45).


51      Selon une jurisprudence constante, la Cour voit dans le principe de réalisation cohérente et systématique des objectifs poursuivis un corollaire du principe de proportionnalité ; voir arrêts du 10 mars 2009, Hartlauer (C‑169/07, EU:C:2009:141, point 55) ; du 17 novembre 2009, Presidente del Consiglio dei Ministri (C‑169/08, EU:C:2009:709, point 42), et du 13 juillet 2016, Pöpperl (C‑187/15, EU:C:2016:550, point 33). Comme nous l’avons déjà expliqué précédemment, cette jurisprudence élaborée relativement aux libertés fondamentales est transposable au droit dérivé (voir à cet égard nos conclusions dans les affaires Persidera, C‑112/16, EU:C:2017:250, point 66 et note 46, ainsi que Commission/Autriche, C‑187/16, EU:C:2017:578, point 71).


52      Voir, essentiel à cet égard, arrêt du 23 avril 2009, Angelidaki e.a. (C‑378/07 à C‑380/07, EU:C:2009:250, notamment points 103, 106 et 107).


53      À cet égard, Grupo Norte Facility renvoie à la jurisprudence constante, selon laquelle, dans le cadre du renvoi préjudiciel, la fonction de la Cour n’est pas de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques (voir par exemple arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, point 60 ; du 26 février 2013, Åkerberg Fransson, C‑617/10, EU:C:2013:105, point 42, et du 13 juillet 2017, Kleinsteuber, C‑354/16, EU:C:2017:539, point 61).


54      Voir à cet égard points 32 à 34 des présentes conclusions.


55      Dans le même sens, voir également arrêt du 12 décembre 2013, Carratù (C‑361/12, EU:C:2013:830, point 24).


56      Arrêts du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C‑127/07, EU:C:2008:728, point 23) ; du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a. (C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 55), et du 26 juillet 2017, Persidera (C‑112/16, EU:C:2017:597, point 46).


57      Ce problème a fait l’objet d’un débat animé notamment sur la base des arrêts du 22 novembre 2005, Mangold (C‑144/04, EU:C:2005:709), et du 19 janvier 2010, Kücükdeveci (C‑555/07, EU:C:2010:21). Voir en outre, plus récemment, arrêts du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33) ; du 15 janvier 2014, Association de médiation sociale (C‑176/12, EU:C:2014:2), et du 19 avril 2016, DI (C‑441/14, EU:C:2016:278).


58      Voir à cet égard points 46 à 62 des présentes conclusions.