Language of document : ECLI:EU:T:2013:194

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

17 avril 2013 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑404/11,

Turbo Compressor Manufacturer (TCMFG), établie à Téhéran (Iran), représentée par Me K. Kleinschmidt, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et J.‑P. Hix, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. F. Erlbacher et T. Scharf, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2011/299/PESC du Conseil, du 23 mai 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 136, p. 65), dans la mesure où elle concerne la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. M. van der Woude, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 novembre 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Turbo Compressor Manufacturer (TCMFG), est une société établie en Iran, active dans la fabrication de compresseurs utilisés à des fins de transport dans l’industrie gazière et pétrolière.

2        Le 26 juillet 2010, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39). L’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413 prévoit le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et entités dont la liste est établie aux annexes I et II de cette même décision.

3        Le 25 octobre 2010, à la suite de l’adoption de la décision 2010/413, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1). L’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 961/2010 prévoit le gel des fonds et des ressources économiques des personnes, entités ou organismes énumérés à l’annexe VIII dudit règlement.

4        Le 23 mai 2011, le Conseil a adopté la décision 2011/299/PESC modifiant la décision 2010/413 concernant les mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 136, p. 65, ci-après la « décision attaquée »), par laquelle il a notamment ajouté Sakhte Turbopomp va Kompressor (SATAK) à la liste des personnes et entités énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413. Dans la décision attaquée, la raison sociale de SATAK est suivie de la mention « alias Turbo Compressor Manufacturer, TCMFG ».

5        Le même jour, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 503/2011, mettant en œuvre le règlement n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 136, p. 26), par lequel il a notamment ajouté SATAK à la liste établie à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010. Comme dans la décision attaquée, dans le règlement n° 503/2011, la raison sociale de SATAK est suivie de la mention « alias Turbo Compressor Manufacturer, TCMFG ».

6        Dans la décision attaquée, le Conseil a motivé le gel des fonds et des ressources économiques de SATAK en indiquant qu’elle « particip[ait] aux démarches d’achats pour le programme de missiles iranien ». Le règlement n° 503/2011 reprend ce même motif d’inclusion à l’égard de SATAK.

7        Par lettre du 24 mai 2011, le Conseil a informé la requérante de son inclusion dans les listes des personnes et entités énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413 et à l’annexe VIII du règlement n° 961/2010.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 juillet 2011, la requérante a introduit le présent recours.

9        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 octobre 2011, la Commission européenne a demandé à intervenir à l’appui des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 16 janvier 2012, le président de la quatrième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande.

10      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé par écrit des questions. Les parties ont déféré à ces demandes.

11      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 6 novembre 2011.

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée pour autant que cette dernière la concerne ;

–        adopter une mesure d’organisation de la procédure, en application de l’article 64 du règlement de procédure, afin d’ordonner au Conseil de produire l’ensemble des documents ayant un rapport avec la décision attaquée, dans la mesure où ils la concernent ;

–        entendre le témoignage de M. M. E., son président-directeur général ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

13      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      À l’audience, le Conseil a demandé, à titre subsidiaire, que, en cas d’annulation de la décision attaquée, les effets de celle-ci soient maintenus pendant une période de trois mois à partir de l’arrêt d’annulation.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens. Ils sont pris, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation des faits sur lesquels la décision attaquée est fondée, le deuxième, d’une violation du principe de proportionnalité et, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.

16      Le Tribunal estime opportun de commencer son examen par le troisième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

17      La requérante soutient que le Conseil a violé l’obligation de motivation, les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective. Selon elle, la motivation qu’il a avancée dans la décision attaquée n’est pas circonstanciée. Il n’aurait pas indiqué les éléments de fait ou de preuve sur lesquels il s’était fondé. Elle soutient que, de ce fait, elle n’avait pas la possibilité de rapporter la preuve négative qu’elle n’était pas SATAK et qu’elle ne participait ni à des activités nucléaires comportant un risque de prolifération ni au commerce ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.

18      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé de cette argumentation. Il fait notamment valoir que la requérante avait connaissance des motifs de son inclusion dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413. Lesdits motifs mentionneraient la participation de celle-ci aux démarches d’achats pour le programme de missiles iranien, en liaison avec des rapports indiquant qu’elle aurait effectué une opération secrète en vue de l’acquisition par la République islamique d’Iran de missiles de croisière originaires d’Ukraine en 2001 ou 2002.

19      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE ainsi qu’à l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413 a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union européenne et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union européenne auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. En outre, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 80, et la jurisprudence citée).

20      Partant, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union européenne ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’opposent à la communication de certains éléments, le Conseil est tenu, en vertu de l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413, de porter à la connaissance de l’entité visée par une mesure adoptée en vertu de l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413 les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère que cette disposition est applicable à l’intéressé. Il doit ainsi mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l’ont amené à la prendre (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 19 supra, point 81, et la jurisprudence citée). Il s’ensuit que, selon la jurisprudence, le juge de l’Union ne saurait admettre que la motivation puisse consister seulement en une formulation générale et stéréotypée, calquée sur la rédaction de la disposition légale prévoyant les conditions d’applicabilité de la mesure en cause (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 143).

21      Par ailleurs, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 19 supra, point 82, et la jurisprudence citée).

22      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que, ainsi que cela a été mentionné au point 6 ci-dessus, le Conseil a motivé l’inclusion de SATAK, alias la requérante, dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 en indiquant qu’elle « particip[ait] aux démarches d’achats pour le programme de missiles iranien ».

23      Par cette motivation, le Conseil s’est limité à paraphraser les termes de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, selon lequel sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant notamment aux entités qui participent aux activités nucléaires de la République islamique d’Iran posant un risque de prolifération ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, y compris en concourant à l’acquisition des articles, biens, équipements, matières et technologies interdits. En revanche, le Conseil a omis de préciser les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il a considéré que cette disposition était applicable à la requérante.

24      La motivation ayant conduit la Commission à inclure la requérante dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413, telle qu’elle figure dans la décision attaquée, est donc insuffisante au regard de la jurisprudence citée aux points 19 à 21 ci-dessus.

25      L’argument soulevé par le Conseil dans ses écritures selon lequel l’adoption de la décision attaquée est justifiée par le fait que la requérante a effectué une opération secrète en vue de l’acquisition par la République islamique d’Iran de missiles de croisière en 2001 ou 2002 doit être rejeté comme étant inopérant, dès lors qu’il n’est pas susceptible d’infirmer le constat opéré au point 24 ci-dessus. En effet, conformément à la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus, l’absence de communication à l’intéressée d’une motivation ne peut pas être régularisée par la communication au cours de la procédure devant le juge de l’Union de motifs que le Conseil ne lui avait pas communiqués jusqu’alors.

26      À la lumière des considérations qui précèdent, il convient d’accueillir le troisième moyen, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres griefs soulevés par la requérante.

27      Sans préjudice de la conclusion exposée au point précédent, le Tribunal estime opportun d’examiner, à titre surabondant, le premier moyen soulevé par la requérante au regard de l’ensemble des éléments du dossier.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits sur lesquels la décision attaquée est fondée

28      La requérante fait valoir, en substance, que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation dès lors qu’elle ne participe ni à des activités nucléaires comportant un risque de prolifération ni au commerce ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires en Iran et qu’elle n’est pas SATAK.

29      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé de cette argumentation.

30      Il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, le contrôle juridictionnel de la légalité d’un acte par lequel des mesures restrictives ont été adoptées à l’égard d’une entité s’étend à l’appréciation des faits et des circonstances invoqués comme le justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels est fondée cette appréciation. En cas de contestation, il appartient au Conseil de présenter ces éléments en vue de leur vérification par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 19 supra, points 37 et 107).

31      En l’espèce, il convient d’examiner, en premier lieu, le grief de la requérante tiré de ce qu’elle et SATAK ne sont pas une seule et même entité et, en second lieu, son grief tiré de ce qu’elle ne participe ni à des activités nucléaires comportant un risque de prolifération ni au commerce ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires en Iran.

32      En premier lieu, s’agissant du grief selon lequel la requérante et SATAK ne sont pas une seule et même entité, le Conseil avance, en substance, quatre éléments à l’appui de son argumentation. Premièrement, il soutient que l’acronyme SATAK (Sakhte Turbopomp va Kompressor) a une signification comparable, en persan, à l’acronyme TCMFG (Turbo Compressor Manufacturer), en anglais. Deuxièmement, la requérante apparaîtrait dans un annuaire professionnel international sous le nom Satak Co. (Turbo Compressors) avec une adresse professionnelle identique à celle de son siège social et, ainsi que le Conseil l’a soutenu lors de l’audience, avec le même président-directeur général. Troisièmement, il ressortirait d’informations économiques compilées par une société d’information économique que la société Sazandeh Turbo Compressor, qui serait également dénommée SATAK Company, et la société Oil Turbo Compressor Manufacturing, qui serait également dénommée Sakht Turbo Compressor Naft Company ou TCMFG, se sont vu attribuer un seul numéro d’inscription au ministère du Commerce et de l’Industrie iranien. Quatrièmement, d’une part, la combinaison de ces éléments, qui, pris isolément, pourraient s’avérer insuffisants pour établir que la requérante et SATAK constituaient une seule et même entité, serait suffisante à cet égard. D’autre part, dans une procédure non pénale, telle que celle en cause en l’espèce, il ne serait pas nécessaire que le Conseil établisse l’identité de la requérante.

33      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, s’il est vrai que les mesures restrictives ne constituent pas une sanction pénale (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 11 juillet 2007, Sison/Conseil, T‑47/03, non publié au Recueil, point 101, et du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, Rec. p. II‑5555, point 67), il n’en demeure pas moins qu’il appartient au Conseil, conformément à la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, d’établir, à suffisance de droit, l’identité des personnes et des entités à l’égard desquelles il adopte des mesures restrictives.

34      Or, d’une part, pris isolément, les éléments mentionnés au point 32 ci-dessus sont insuffisants pour établir que la requérante et SATAK constituent une seule et même entité. En effet, premièrement, la simple signification comparable, mais non identique, des acronymes SATAK et TCMFG n’établit pas qu’il s’agit d’une seule et même entité. Deuxièmement, la circonstance que ces deux sociétés aient une même adresse est insuffisante pour établir qu’il s’agit d’une seule et même entité dès lors que de nombreuses sociétés sans lien entre elles peuvent disposer d’une même adresse. Troisièmement, il ne ressort nullement de l’annuaire professionnel international auquel le Conseil fait référence que le président-directeur général de SATAK, qui n’y est pas mentionné, est le même que celui de la requérante. Quatrièmement, les informations économiques mentionnées au point 32 ci-dessus ont été compilées par une société d’information économique qui elle-même n’en garantit ni la véracité ni le caractère complet et à jour.

35      D’autre part, appréciés dans leur ensemble, les éléments mentionnés au point 34 ci-dessus ne permettent pas non plus d’établir à suffisance de droit que la requérante et SATAK constituent une seule et même entité. En effet, le constat qu’elles portent des dénominations similaires, que leurs adresses coïncident et qu’elles se seraient, selon des informations non vérifiées, vu attribuer un seul numéro d’inscription au ministère du Commerce et de l’Industrie iranien est, en l’absence de tout autre élément vérifiable, insuffisant pour démontrer que la requérante et SATAK constituent une seule et même entité. En outre, ainsi que le Conseil l’a reconnu à l’audience, les informations qu’il a fournies à cet égard sont contradictoires. En effet, d’une part, les numéros de téléphone auxquels le Conseil fait référence dans les documents qu’il a fournis au Tribunal comme appartenant à la requérante et à SATAK ne concordent pas. D’autre part, les informations contenues dans lesdits documents divergent quant à l’année d’enregistrement, en 2000 ou en 2001, de la requérante au registre du commerce.

36      Dans ces conditions, il y a lieu d’accueillir le grief soulevé par la requérante selon lequel le Conseil a manqué d’établir qu’elle et SATAK constituaient une seule et même entité.

37      En second lieu, s’agissant du grief soulevé par la requérante selon lequel elle ne participe ni à des activités nucléaires comportant un risque de prolifération ni au commerce ou à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, le Conseil soutient que SATAK a participé à l’acquisition par la République islamique d’Iran de missiles de croisière originaires d’Ukraine en 2001 ou 2002, avant l’adoption de la résolution 1696 (2006) du Conseil de sécurité des Nations unies. Dans ce contexte, il fait valoir que le caractère préventif des mesures restrictives permet d’adopter de telles mesures quand bien même ladite acquisition n’était pas illégale au moment où elle a eu lieu.

38      Or, à supposer même que la requérante et SATAK constituent une seule et même entité, force est de constater que, d’une part, le Conseil n’a avancé aucun élément de preuve pour étayer ladite allégation et que, d’autre part, en tout état de cause, le Conseil ne saurait fonder l’adoption de mesures restrictives sur une opération unique ayant eu lieu environ quatre ans avant même l’adoption du régime des sanctions à l’encontre de la République islamique d’Iran et environ dix ans avant l’adoption des mesures restrictives à l’encontre de la requérante. En effet, d’une part, les mesures restrictives sont davantage fondées sur l’évaluation d’une menace actuelle ou future que sur l’appréciation d’un comportement passé (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 110). D’autre part, le seul risque que l’entité concernée participe, soit associée ou apporte un soutien à des activités prohibées dans le futur n’est pas suffisant.

39      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que, compte tenu de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la décision 2010/413, le Conseil a commis une erreur en considérant que l’adoption des mesures restrictives à l’égard de la requérante était justifiée. Partant, le grief soulevé par la requérante à cet égard doit être accueilli.

40      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen dans son ensemble.

41      Dès lors, comme il découle des conclusions exposées aux points 26 et 40 ci-dessus, le présent recours doit être accueilli dans son ensemble et la décision attaquée être annulée sans qu’il soit nécessaire d’examiner le deuxième moyen soulevé par la requérante ainsi que ses deuxième et troisième chefs de conclusions.

42      En ce qui concerne les effets dans le temps de l’annulation de la décision attaquée, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

43      En l’espèce, il est constant que la requérante n’a introduit aucun recours en annulation contre le règlement d’exécution n° 503/2011. Or, la circonstance que ledit règlement d’exécution demeure applicable quand bien même la décision attaquée est annulée est susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique, ces deux actes infligeant à la requérante des mesures identiques.

44      Dans ces conditions, il sera fait une juste application de l’article 264, second alinéa, TFUE en maintenant les effets de la décision attaquée, pour autant qu’elle concerne la requérante, pendant une période ne pouvant excéder deux mois et dix jours à compter de la date du prononcé du présent arrêt.

 Sur les dépens

45      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

46      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, de ce même règlement, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision 2011/299/PESC du Conseil, du 23 mai 2011, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, est annulée, pour autant qu’elle concerne Turbo Compressor Manufacturer (TCMFG).

2)      Les effets de la décision 2011/299, pour autant qu’elle concerne TCMFG, sont maintenus pendant une période ne pouvant excéder deux mois et dix jours à compter de la date du prononcé du présent arrêt.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par TCMFG.

4)      Le Commission européenne supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 avril 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.