Language of document : ECLI:EU:T:2015:39

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

21 janvier 2015 (*)

 « Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale KIT, EL SABOR DE NAVARRA – Marque communautaire figurative antérieure Sabores de Navarra La Sabiduría del Sabor – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), et article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 15 et article 57, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 – Forme qui diffère par des éléments altérant le caractère distinctif »

Dans l’affaire T‑46/13,

Sabores de Navarra, AIE, établie à Pampelune (Espagne), représentée par Mes J. Calderón Chavero, O. González Fernández et L. Estropa Navarro, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme J. García Murillo et M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Frutas Solano, SA, établie à Calahorra (Espagne), représentée par Me E. Manresa Medina, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 7 novembre 2012 (affaires jointes R 2542/2011‑2 et R 2550/2011‑2), relative à une procédure de nullité entre Sabores de Navarra, AIE et Frutas Solano, SA,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni et L. Madise (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 28 janvier 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 28 mai 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 29 mai 2013,

à la suite de l’audience du 8 septembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 avril 2006, l’intervenante, Frutas Solano, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)]. La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal KIT, EL SABOR DE NAVARRA (ci-après la « marque contestée »).

2        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29, 30 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles, provenant tous de Navarre » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir, provenant tous de Navarre » ;

–        classe 33 : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières), provenant toutes de Navarre ».

3        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n 39/2006, du 25 septembre 2006. Le 28 mars 2007, la marque contestée a été enregistrée sous le numéro 5 042 346.

4        Le 20 juillet 2010, la requérante, Sabores de Navarra, AIE, a présenté une demande en nullité de la marque contestée, sur le fondement, notamment, des dispositions combinées de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

5        La demande en nullité était fondée sur la marque communautaire figurative antérieure n° 998 351, enregistrée le 2 mars 2005 et renouvelée le 7 décembre 2008, reproduite ci-après :

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6        Cette marque désigne les produits et les services relevant des classes 29, 30, 33, 39 et 42 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Produits alimentaires d’origine animale ; viande, volaille et gibier, poisson et fruits de  mer ; charcuterie ; lait, fromage, beurre et autres produits laitiers ; conserves et produits congelés ; produits alimentaires prêts à la consommation » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao, chocolat, sucre ; pain, pâtisserie et confiserie ; glaces comestibles » ;

–        classe 33 : « Liqueurs, boissons alcooliques (à l’exception des bières et des vins), provenant tous de Navarre » ;

–        classe 39 : « Entreposage, distribution, transport, dépôt et emballage de produits alimentaires » ;

–        classe 42 : « Services fournis par une association et défense de ses membres ».

7        La demande en nullité était dirigée contre tous les produits visés par la marque contestée et reposait sur l’ensemble des produits et des services, visés au point 6 ci-dessus, désignés par la marque antérieure.

8        Le 17 février 2011, la requérante a apporté devant l’OHMI, sur requête de l’intervenante, des éléments de preuve concernant l’usage sérieux de la marque antérieure.

9        Par décision du 11 octobre 2011, la division d’annulation a partiellement accueilli la demande en nullité. Elle a déclaré la marque contestée nulle pour les « fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes, provenant tous de Navarre » relevant de la classe 29 et pour les « pâtisserie et confiserie, miel, sirop de mélasse ; sauces (condiments) ; épices » relevant de la classe 30. En revanche, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité pour les autres produits désignés par la marque contestée.

10      Le 7 décembre 2011, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’annulation, en ce qu’elle a partiellement annulé la marque contestée.

11      Le 12 décembre 2011, la requérante a également formé un recours contre la décision de la division d’annulation, en ce qu’elle a partiellement rejeté la demande en nullité.

12      Statuant sur les deux recours, la deuxième chambre de recours a, par décision du 7 novembre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), accueilli le recours formé par l’intervenante et partiellement annulé la décision de la division d’annulation, en ce qu’elle avait déclaré la nullité partielle de l’enregistrement de la marque contestée, et rejeté le recours formé par la requérante dans son intégralité et confirmé la décision de la division d’annulation en ce qu’elle avait partiellement rejeté la demande en nullité de la marque contestée. La chambre de recours a estimé, en substance, que les éléments de preuve fournis par la requérante ne permettaient pas de conclure que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux. En particulier, la chambre de recours a considéré que la marque antérieure était utilisée sous une forme différente de celle sous laquelle elle avait été enregistrée et que ces différences affectaient certains éléments fondamentaux de ladite marque et altéraient son caractère distinctif.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en ce qu’elle a accueilli le recours formé par l’intervenante et partiellement annulé la décision de la division d’annulation ;

–        appliquer, par conséquent, la décision de la division d’annulation et ordonner à la division d’annulation de déclarer à nouveau la nullité partielle de la marque contestée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        confirmer la décision attaquée ;

–        dans l’hypothèse où le second moyen soulevé par la requérante serait accueilli, constater l’absence d’usage réel et sérieux de la marque antérieure ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 53, paragraphe 1, sous a), de ce même règlement, en ce que la chambre de recours a conclu à tort à l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit. Le second moyen est tiré d’une violation de l’article 15 du règlement n° 207/2009, en ce que la chambre de recours a considéré à tort que l’usage sérieux de la marque antérieure n’était pas établi.

17      Il y a lieu d’examiner d’abord le second moyen soulevé par la requérante.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 15 du règlement n° 207/2009

18      Dans le cadre du second moyen, la requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle elle n’a pas apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure en ce que cette dernière a été utilisée sous une forme différente altérant son caractère distinctif. Selon la requérante, l’absence, dans la forme utilisée de la marque antérieure, de l’expression « la sabiduría del sabor » n’est pas de nature à altérer son caractère distinctif.

19      L’OHMI et l’intervenante contestent le bien-fondé des arguments de la requérante.

20      Il résulte du considérant 10 du règlement n° 207/2009 que le législateur a estimé que la protection de la marque antérieure n’était justifiée que dans la mesure où celle-ci est effectivement utilisée. En conformité avec ce considérant, l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 prévoit que le titulaire d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est protégée au cours des cinq années qui précèdent la date de la demande en nullité.

21      En outre, selon l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, la preuve de l’usage sérieux d’une marque comprend également la preuve de l’utilisation de celle-ci sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée.

22      L’objet de l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en altérer le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [arrêts du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT), T‑482/08, EU:T:2010:229, point 30, et du 24 mai 2012, TMS Trademark-Schutzrechtsverwertungsgesellschaft/OHMI – Comercial Jacinto Parera (MAD), T‑152/11, EU:T:2012:263, point 16].

23      Par ailleurs, en vertu de la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié, applicable mutatis mutandis dans les procédures de nullité en vertu de la règle 40, paragraphe 6, dudit règlement, tel que modifié, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure [arrêts du 19 avril 2013, Luna/OHMI – Asteris (Al bustan), T‑454/11, EU:T:2013:206, point 24, et du 12 mars 2014, Borrajo Canelo/OHMI – Tecnoazúcar (PALMA MULATA), T‑381/12, EU:T:2014:119, point 27].

24      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce [arrêts du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec, EU:T:2004:225, point 42, et MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec, EU:T:2004:223, point 36].

25      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure.

26      À cet égard, il ressort des points 40 à 58 de la décision attaquée que, premièrement, la marque antérieure « a été utilisée dans une partie importante du territoire pertinent, en particulier en Espagne ». Deuxièmement, l’usage aurait eu lieu au cours de la période pertinente, à savoir entre le 20 juillet 2005 et le 19 juillet 2010. Troisièmement, l’usage serait seulement démontré pour les « conserves ; produits alimentaires prêts à la consommation » relevant de la classe 29, tandis que les éléments de preuve concernant les autres produits pour lesquels la marque antérieure était enregistrée ne seraient pas suffisants. Quatrièmement, s’agissant de la nature de l’usage, la chambre de recours a estimé que la marque antérieure était utilisée dans une forme altérant son caractère distinctif. En substance, la chambre de recours a relevé à cet égard que la forme utilisée de la marque antérieure omettait l’élément verbal « la sabiduría del sabor » figurant dans la forme enregistrée de ladite marque et que cet élément devait être considéré, en particulier vis-à-vis du public hispanophone et lusophone, comme étant fondamentalement distinctif et ne pouvait, compte tenu de sa taille et de son emplacement, être considéré comme n’étant pas perceptible. De ce fait, au point 59 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu, en substance, que les éléments de preuve fournis par la requérante ne permettaient pas de démontrer que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux.

27      La requérante conteste, ainsi que cela ressort de ses écritures et comme elle l’a rappelé à l’audience, uniquement la conclusion, émise dans la décision attaquée, selon laquelle la marque antérieure était utilisée sous une forme altérant son caractère distinctif, sans mettre en cause les considérations relatives au lieu, à la période et à l’importance de l’usage.

28      Néanmoins, il convient de préciser que, si la chambre de recours a, au point 40 de ladite décision, constaté que la marque antérieure « a[vait] été utilisée dans une partie importante du territoire pertinent, en particulier en Espagne », les éléments de preuve contenus dans le dossier de l’OHMI transmis au Tribunal et sur lesquels les parties ont été interrogées à l’audience ne permettent pas de constater d’usage de ladite marque en dehors de cet État membre. Certes, la requérante a produit des étiquettes de produits qui comportent des explications, selon le cas, en allemand ou en portugais et sur lesquelles figure la forme utilisée de la marque antérieure, telle qu’examinée ci-après. Toutefois, compte tenu de la jurisprudence citée notamment aux points 23 et 24 ci-dessus, de telles étiquettes sont insuffisantes pour établir un usage effectif de la marque antérieure en Allemagne et au Portugal, en l’absence de tout autre élément, tel que notamment des factures démontrant la vente de produits sous la marque antérieure vers ces deux États membres, établissant l’existence d’actes d’usage de la marque antérieures dans lesdits États.

29      Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner si la forme utilisée de la marque antérieure contient des différences altérant son caractère distinctif, tel que perçu par le public hispanophone.

30      À cet égard, en premier lieu, il importe de relever, tout d’abord, qu’il est constant que la marque antérieure telle qu’enregistrée est une marque complexe composée d’éléments verbaux et figuratifs. Dans sa partie supérieure, cette marque contient l’élément verbal « sabores de navarra », écrit en caractères légèrement stylisés de couleur blanche, situés à l’intérieur d’une forme circulaire aux contours irréguliers de couleur noire et sur le bord supérieur droit de laquelle figure une petite bande blanche irrégulière. Dans la partie inférieure de la marque antérieure, sous cet élément figuratif, se situe un second élément verbal, « la sabiduría del sabor », écrit en caractères de petite taille légèrement stylisés de couleur noire. Les caractères de l’élément verbal « la sabiduría del sabor » sont de taille plus réduite que les caractères de l’élément verbal « sabores de navarra ».

31      Ensuite, il est également constant que, à la différence de la forme enregistrée de la marque antérieure (voir point 5 ci-dessus), la forme utilisée de celle-ci ne contient pas l’expression « la sabiduría del sabor ». Ainsi, d’une part, il ressort des éléments de preuve déposés par la requérante à l’OHMI et transmis au Tribunal que la marque antérieure est utilisée, notamment sur les factures produites par la requérante, sous la forme du seul élément verbal « sabores de navarra ». D’autre part, il ressort du point 47 de la décision attaquée que la marque antérieure a été utilisée, notamment, en la forme reproduite ci-après, sur laquelle la chambre de recours a fondé son appréciation de l’usage sérieux de ladite marque :

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32      Enfin, il y a lieu de relever qu’il ressort, en revanche, des éléments du dossier de l’OHMI transmis au Tribunal que la marque antérieure était notamment utilisée sous la forme suivante :

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33      Il apparaît ainsi que, s’il est correct que les deux formes de la marque antérieure diffèrent par la présence, dans la forme enregistrée, ou l’omission, dans la forme utilisée, de l’expression « la sabiduría del sabor », elles diffèrent également par la présentation de l’élément figuratif de la marque antérieure. Ainsi, en sa forme reproduite au point 32 ci-dessus, la marque antérieure est constituée d’une forme circulaire de couleur rouge, entourée d’un trait irrégulier de couleur noire, sur laquelle figure l’élément verbal « sabores de navarra » en des lettres de couleur jaune. En outre, ce dernier élément est entouré, au sein de la forme circulaire, d’un blason, de couleur noire, situé en arrière-plan. La chambre de recours de l’OHMI n’a pas relevé cette différence affectant l’élément figuratif de la marque antérieure que seul l’OHMI a commentée dans ses écritures et au sujet de laquelle les parties ont été interrogées à l’audience.

34      Cependant, outre le fait que les deux formes reproduites aux points 31 et 32 ne diffèrent qu’en des éléments décoratifs et accessoires et en leurs couleurs sans toutefois que celles-ci n’affectent le contraste des différents éléments de la marque antérieure (lettres claires sur fond sombre), éléments qui ne sont pas de nature à altérer le caractère distinctif d’une marque (voir, en ce sens, s’agissant d’éléments décoratifs et secondaires, arrêt PALMA MULATA, point 23 supra, EU:T:2014:119, point 38, et, s’agissant des couleurs, arrêt MAD, point 22 supra, EU:T:2012:263, points 31, 38, 39, 41, 42, 45, 51 et 57), la différence relevée en l’espèce entre ces deux formes ne serait pertinente, en tout état de cause, que si le Tribunal devait considérer que la chambre de recours a commis une erreur en constatant l’altération du caractère distinctif de la marque antérieure du fait de l’absence, dans la forme utilisée de ladite marque, de l’élément verbal « la sabiduría del sabor ».

35      Dans ces conditions, en second lieu, il convient d’examiner si l’omission, dans la forme utilisée de la marque antérieure, de l’expression « la sabiduría del sabor » altère, comme l’a affirmé la chambre de recours dans la décision attaquée, le caractère distinctif de la marque antérieure, telle qu’enregistrée.

36      Le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments omis dans la forme utilisée de la marque antérieure en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque, telle qu’elle a été enregistrée [voir arrêts ATLAS TRANSPORT, point 22 supra, EU:T:2010:229, point 31 et jurisprudence citée, et du 5 décembre 2013, Olive Line International/OHMI – Carapelli Firenze (Maestro de Oliva), T‑4/12, EU:T:2013:628, point 24].

37      En effet, selon la jurisprudence, lorsqu’une marque est constituée ou composée de plusieurs éléments et que l’un ou plusieurs d’entre eux ne sont pas distinctifs, l’altération de ces éléments ou leur omission n’est pas de nature à affecter le caractère distinctif de la marque dans son ensemble [arrêt du 29 septembre 2011, New Yorker SHK Jeans/OHMI – Vallis K.-Vallis A. (FISHBONE), T‑415/09, EU:T:2011:550, point 61 ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, GfK/OHMI – BUS (Online Bus), T‑135/04, Rec, EU:T:2005:419, points 35 à 41].

38      Partant, il y a lieu de déterminer si l’expression « la sabiduría del sabor » constitue, pour le public hispanophone, un élément distinctif de la marque antérieure, telle qu’elle a été enregistrée.

39      À cet égard, premièrement, il importe de relever que, ainsi que l’a estimé à juste titre la chambre de recours au point 52 de la décision attaquée, les termes « sabores de navarra » renvoient à des sensations ou des impressions évoquant une région du nord de l’Espagne. Ainsi, d’une part, cet élément verbal peut notamment être perçu par le public hispanophone comme étant descriptif \/ de l’origine géographique des produits en cause (voir, en ce sens, arrêt Maestro de Oliva, point 36 supra, EU:T:2013:628, point 36). D’autre part, par l’emploi du terme « sabores » (saveurs), cet élément verbal peut être perçu comme une indication d’une qualité des produits, à savoir leur saveur. Il s’ensuit que l’élément verbal « sabores de navarra » doit être considéré comme étant essentiellement descriptif.

40      Deuxièmement, s’agissant de l’élément verbal « la sabiduría del sabor », il convient de rappeler que, ainsi que l’a en substance relevé la chambre de recours au point 51 de la décision attaquée, le mot espagnol « sabiduría » se traduit en français par le mot « sagesse », tandis que le mot espagnol « sabor » désigne une « saveur » ou une « sensation ». Ainsi, l’expression « la sabiduría del sabor » associe, par un jeu de mots, à une saveur une qualité humaine, la sagesse, comme la chambre de recours l’a relevé à juste titre au point 54 de la décision attaquée. Cet élément verbal ne saurait dès lors être considéré comme étant descriptif.

41      Il s’ensuit que le caractère distinctif de la marque antérieure provient, essentiellement, de l’élément verbal « la sabiduría del sabor ».

42      Or, compte tenu de la jurisprudence citée aux points 36 et 37 ci-dessus, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, l’omission, dans la forme utilisée de la marque antérieure, de l’élément verbal « la sabiduría del sabor » est de nature à altérer son caractère distinctif, ainsi que la chambre de recours l’a constaté à juste titre.

43      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

44      Premièrement, s’agissant des arguments de la requérante selon lesquels l’élément verbal « sabores de navarra » devrait être qualifié d’élément dominant et distinctif de la marque antérieure, tandis que l’élément verbal « la sabiduría del sabor » serait dépourvu de caractère distinctif, il y a lieu de rappeler qu’il ressort des considérations figurant aux points 39 à 42 ci-dessus que c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté l’altération du caractère distinctif de la marque antérieure, dès lors que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, l’élément verbal « la sabiduría del sabor » constitue l’élément distinctif de ladite marque. Or, la requérante se contente, dans ses écritures, d’affirmations générales tendant à contredire la conclusion de la chambre de recours selon laquelle ce dernier élément devait être qualifié d’élément distinctif, sans pour autant présenter d’argumentation substantielle à cet égard. Par ailleurs, en ce que la requérante a fait observer, à l’audience, que l’élément verbal « sabores de navarra » ne pouvait être considéré comme descriptif dans la mesure où il est fondé sur un substantif (« sabores ») au lieu d’un adjectif, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’indique la requérante, un substantif, tel que le mot « sabores » en cause, peut être considéré comme descriptif dès lors qu’il désigne une qualité des produits couverts par la marque.

45      Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel l’élément verbal « la sabiduría del sabor » serait dépourvu de signification pour la plupart des consommateurs de l’Union, il suffit de rappeler que, ainsi que cela a été relevé au point 28 ci-dessus, les éléments de preuve contenus dans le dossier de l’OHMI transmis au Tribunal ne font état d’aucun usage réel en dehors de l’Espagne. Dans ces conditions, même à supposer qu’il faille considérer que, pour le consommateur non hispanophone, l’omission dudit élément verbal dans la marque antérieure n’altère pas son caractère distinctif, cette considération ne serait pas de nature à entacher d’illégalité la décision attaquée.

46      Troisièmement, s’agissant des arguments de la requérante tirés de ce que l’élément verbal « la sabiduría del sabor » serait purement décoratif ou banal et occuperait une position manifestement secondaire dans la marque antérieure d’un point de vue tant phonétique que visuel, il y a lieu de relever que, ainsi que cela ressort des considérations émises aux points 39 à 41 ci-dessus, cet élément doit être qualifié d’élément distinctif, tandis que l’élément verbal « sabores de navarra » doit être considéré comme étant essentiellement descriptif. Or, cette circonstance est, à elle seule, suffisante, eu égard à la jurisprudence citée aux points 36 et 37 ci-dessus et aux considérations figurant au point 42 ci-dessus, pour constater que l’omission, dans la forme utilisée de la marque antérieure, de l’élément verbal « la sabiduría del sabor » altère le caractère distinctif de ladite marque. Ainsi, même à supposer que l’élément verbal « sabores de navarra » doive, comme l’allègue la requérante, être qualifié d’élément dominant de la marque antérieure sur un plan tant phonétique que visuel, cette qualification ne serait de nature à affecter ni le caractère intrinsèquement distinctif de l’élément verbal « la sabiduría del sabor » ni la conclusion selon laquelle, du fait de ce caractère intrinsèquement distinctif, l’omission de ce dernier élément, dans la forme utilisée de la marque antérieure, altère en tout état de cause le caractère distinctif de ladite marque.

47      Quatrièmement, s’agissant des arguments tirés de la pratique décisionnelle de l’OHMI, il y a lieu de rappeler que si, au regard des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’OHMI doit prendre en considération les décisions déjà adoptées et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité (voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 75, et du 17 juillet 2014, Reber Holding/OHMI, C‑141/13 P, EU:C:2014:2089, points 45 et 46). En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 42 ci-dessus, sans que cela soit remis en cause par les arguments de la requérante examinés aux points 44 à 46 ci-dessus, la chambre de recours a considéré à bon droit que la marque antérieure avait été utilisée sous une forme qui altérait son caractère distinctif, de sorte que la requérante ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures de l’OHMI.

48      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le second moyen.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 53, paragraphe 1, sous a), de ce même règlement

49      Dans le cadre du premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 53, paragraphe 1, sous a), de ce même règlement, en concluant à l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit. Selon la requérante, les éléments distinctifs des marques en conflit, à savoir « sabores de navarra » et « sabor de navarra », sont identiques, tandis que les différences entre lesdites marques affectent des éléments secondaires.

50      L’OHMI conteste la recevabilité et le bien-fondé des arguments de la requérante. L’intervenante conteste leur bien-fondé.

51      À cet égard, il ressort sans équivoque du point 65 de la décision attaquée que la chambre de recours a rejeté la demande en nullité fondée sur la marque antérieure au motif que « l’usage sérieux de celle-ci n’a pas été démontré pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée », ainsi que la requérante l’a par ailleurs admis à l’audience. En revanche, à la différence de la division d’annulation qui avait tenu pour établi l’usage sérieux de la marque antérieure et examiné l’existence d’un risque de confusion, la chambre de recours ne s’est pas prononcée, dans la décision attaquée, sur l’existence éventuelle d’un risque de confusion.

52      Il s’ensuit que le présent moyen manque en fait, en sorte qu’il doit être rejeté.

53      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté dans son intégralité sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante visant à demander au Tribunal d’appliquer la décision de la division d’annulation et d’ordonner à celle-ci de déclarer à nouveau la nullité partielle de la marque contestée [voir, en ce sens, arrêts du 22 mai 2008, NewSoft Technology/OHMI – Soft (Presto! Bizcard Reader), T‑205/06, EU:T:2008:163, point 70, et du 11 janvier 2013, Kokomarina/OHMI – Euro Shoe Group (interdit de me gronder IDMG), T‑568/11, EU:T:2013:5, point 54 et jurisprudence citée].

 Sur les dépens

54      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Sabores de Navarra, AIE est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Gervasoni

Madise

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 janvier 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.