Language of document : ECLI:EU:T:2020:424

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

23 septembre 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale SYRENA – Usage sérieux de la marque – Importance de l’usage – Preuve de l’usage – Article 18, paragraphe 1, et article 58, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 – Obligation de motivation – Article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑677/19,

Polfarmex S.A., établie à Kutno (Pologne), représentée par Me B. Matusiewicz-Kulig, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. H. O’Neill, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Arkadiusz Kaminski, demeurant à Etobicoke, Ontario (Canada), représenté par Mes E. Pijewska, M. Mazurek et W. Trybowski, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 11 juillet 2019 (affaires jointes R 1861/2018-2 et R 1840/2018-2), relative à une procédure de déchéance entre Polfarmex et M. Kaminski,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, présidente, P. Škvařilová-Pelzl (rapporteure) et M. I. Nõmm, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 2 octobre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 10 décembre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 13 décembre 2019,

vu la réattribution de l’affaire à une nouvelle juge rapporteure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 6 juillet 2010, l’intervenant, M. Arkadiusz Kaminski, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)]. La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SYRENA. Cette demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 180/2010, du 24 septembre 2010, et la marque a été enregistrée le 7 janvier 2011 sous le numéro 9262767.

2        Les produits visés par l’enregistrement relèvent des classes 9, 12 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels et programmes de jeux vidéo et informatiques, aucun ne se rapportant à l’aéronautique, et en particulier aux hélicoptères et aux giravions » ;

–        classe 12 : « Véhicules à moteur de locomotion par terre et leurs pièces (compris dans la classe 12) » ;

–        classe 28 : « Jeux, jouets, modèles réduits de véhicules ; modèles réduits de véhicules en tous matériaux, en particulier modèles réduits de véhicules en papier et modèles réduits de véhicules moulés sous pression ou modèles réduits de véhicules en matières plastiques ».

3        Le 22 avril 2016, la requérante, Polfarmex S.A., a introduit une demande de déchéance de la marque de l’Union européenne SYRENA, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001]. Cette demande était dirigée contre l’ensemble des produits couverts par la marque contestée.

4        Afin de prouver l’usage sérieux de la marque contestée, l’intervenant a soumis en tant qu’éléments de preuve des documents numérotés de 1 à 41. Le 21 juillet 2017, il a produit des documents additionnels, numérotés de 42 à 60.

5        Le 27 juillet 2018, la division d’annulation a prononcé la déchéance de la marque contestée pour l’ensemble des produits visés au point 2 ci-dessus, à l’exception des « voitures » relevant de la classe 12. En substance, elle a estimé que l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré uniquement pour les « voitures » relevant de la classe 12.

6        Le 18 et le 21 septembre 2018, respectivement, l’intervenant et la requérante ont chacun formé un recours auprès de l’EUIPO au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001 contre la décision de la division d’annulation.

7        Par décision du 11 juillet 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté les deux recours. En substance, elle a considéré, à l’instar de la division d’annulation, que l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré uniquement en ce qui concerne les « voitures » relevant de la classe 12. En revanche, l’usage sérieux n’avait pas été démontré en ce qui concerne les autres produits relevant des classes 9, 12 et 28 couverts par la marque contestée.

8        Selon la chambre de recours, les éléments de preuve, considérés dans leur ensemble, permettaient de conclure que l’intervenant avait tenté de relancer la production de voitures et de voitures électriques de marque SYRENA et que la marque contestée avait été utilisée pour créer ou maintenir un débouché pour les produits en cause. Elle a notamment estimé que, malgré l’absence d’éléments de preuve démontrant la vente effective de produits, plusieurs éléments de preuve indiquaient que la commercialisation de voitures était imminente et que les préparatifs en vue de conquérir une clientèle pour celles-ci semblaient être en cours.

9        Plus particulièrement, la chambre de recours a estimé que le marché en cause était caractérisé par une demande relativement faible et par la vente d’un nombre limité de véhicules. Selon elle, au vu des éléments de preuve tels que les accords, les articles de presse, les quelques bons de commande reçus et les documents relatifs aux commandes et aux renseignements concernant le modèle de marque SYRENA Nixi, l’intervenant avait fait une véritable exploitation commerciale de la marque consistant à créer des parts de marché pour les produits en cause. La chambre de recours a notamment tenu compte de ce que, pour des produits de collection haut de gamme aussi particuliers que les voitures de course, une longue période allant jusqu’à plusieurs années pouvait s’écouler entre la commande et la livraison. De même, elle a relevé que les éléments de preuve faisaient état du lancement d’une voiture électrique de marque SYRENA Nixi et que, même si certains de ces éléments correspondaient à une date postérieure à la période pertinente, ils faisaient référence à des activités s’étant déroulées pendant cette période.

10      Dans la mesure où les éléments de preuve démontraient l’usage de la marque contestée pour les voitures de sport et les voitures électriques, la chambre de recours a estimé que la catégorie des « véhicules à moteur de locomotion par terre » relevant de la classe 12 était trop large au regard des produits pour lesquels l’usage avait été démontré. Elle a considéré que, au sein de cette catégorie, il était possible de distinguer plusieurs sous-catégories de produits, y compris la sous-catégorie des « voitures ». Selon la chambre de recours, les éléments de preuve produits par l’intervenant, pris dans leur ensemble, suffisaient à établir l’usage sérieux pour cette dernière sous-catégorie.

II.    Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée pour autant qu’elle déclare le maintien en vigueur de la marque contestée pour les « voitures » relevant de la classe 12 ;

–        modifier la décision attaquée en déclarant la déchéance de la marque contestée dans son intégralité ;

–        à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant l’EUIPO ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par lui.

13      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris les dépens engagés par lui.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité du troisième chef de conclusions

14      L’EUIPO fait valoir que le troisième chef de conclusions de la requérante, présenté comme subsidiaire aux deux premiers et consistant à demander que le Tribunal renvoie l’affaire devant l’EUIPO devrait être « annulé » en raison de son caractère vague et redondant, compte tenu notamment du fait que le renvoi à l’EUIPO serait la conséquence du premier chef de conclusions et qu’il ne constituerait pas une solution subsidiaire à ce dernier.

15      À cet égard, il suffit d’observer que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union contre la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, ce dernier est tenu, conformément à l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Il incombe dès lors à l’EUIPO de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [voir arrêt du 31 janvier 2019, Pear Technologies/EUIPO – Apple (PEAR), T‑215/17, non publié, EU:T:2019:45, point 81 et jurisprudence citée].

16      Partant, il convient de considérer que le troisième chef de conclusions de la requérante, par lequel celle-ci demande, à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire à l’EUIPO, n’a pas d’objet propre, en ce qu’il est une conséquence du premier chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée pour autant que cette dernière a maintenu l’enregistrement de la marque contestée pour les « voitures » relevant de la classe 12. Il doit donc être rejeté comme étant irrecevable.

B.      Sur le fond

1.      Sur la demande en annulation

17      À l’appui de sa demande en annulation, la requérante invoque cinq moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, de l’article 95, paragraphe 1, et du considérant 42 du règlement 2017/1001 ainsi que de l’article 55, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1). Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 18, paragraphe 1, de l’article 58, paragraphe 1, sous a), de l’article 58, paragraphe 2, de l’article 94, paragraphe 1, de l’article 95, paragraphe 1, et du considérant 42 du règlement 2017/1001 ainsi que de l’article 55, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625. Le quatrième moyen est tiré d’une violation de l’article 58, paragraphe 2, et de l’article 64, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Le cinquième moyen est tiré d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, de l’article 64, paragraphe 1, et du considérant 42 du règlement 2017/1001.

18      Les premier et deuxième moyens portent, en substance, sur l’appréciation des éléments de preuve produits par l’intervenant et la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’usage de la marque a pu être démontré en l’espèce alors qu’aucune voiture n’a été vendue. Partant, il convient de les examiner ensemble. Conjointement avec lesdits moyens, il y a lieu d’examiner également le premier grief du troisième moyen, par lequel la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir appliqué un seuil destiné à des produits spécialisés aux autres sous-catégories de voitures.

19      De même, il y a lieu d’examiner ensemble le second grief du troisième moyen et le quatrième moyen, par lesquels la requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’usage en ce qui concerne la sous-catégorie « voitures de course » était suffisant pour démontrer l’usage sérieux pour la catégorie « voitures » relevant de la classe 12.

20      Il convient de commencer par l’examen du cinquième moyen, étant donné que celui-ci porte sur le respect des droits de la défense de la requérante.

a)      Sur le cinquième moyen

21      Dans le cadre de son cinquième moyen, la requérante fait valoir que, dans la mesure où la division d’annulation ne lui a pas donné l’occasion de prendre position sur les documents nos 42 à 60, elle a été privée de son droit de prendre position sur près de la moitié des éléments de preuve recueillis au cours de la procédure administrative. De surcroît, la chambre de recours se serait fondée dans une large mesure sur ces éléments de preuve dans la décision attaquée. La requérante soutient que la chambre de recours et la division d’annulation ont violé, de manière flagrante, l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001. Elle estime que, en conséquence, les documents nos 42 à 60 ne devraient pas être pris en compte en l’espèce.

22      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

23      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 5 de la décision attaquée, l’intervenant a présenté à la division d’annulation les documents nos 42 à 60 le 21 juillet 2017. La division d’annulation a décidé de les prendre en compte en tant qu’éléments de preuve supplémentaires et en relevant que leur production était justifiée par le fait que la requérante avait contesté la pertinence des éléments de preuve initiaux. De même, la division d’annulation a considéré que ces éléments ne sauraient modifier l’issue de la procédure et, partant, n’a pas estimé nécessaire de rouvrir la procédure administrative pour engager une nouvelle série d’observations relatives à ces documents en particulier.

24      Il en découle que la division d’annulation n’a effectivement pas donné l’occasion à la requérante de prendre position sur les documents nos 42 à 60.

25      À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 72, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, le recours devant le juge de l’Union européenne n’est ouvert qu’à l’encontre des seules décisions des chambres de recours.

26      Il en découle que le grief de la requérante tiré de la violation de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 en ce que la division d’annulation ne lui aurait pas donné la possibilité de prendre position sur les documents nos 42 à 60 doit, en tout état de cause, être rejeté [voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2019, Meblo Trade/EUIPO – Meblo Int (MEBLO), T‑263/18, non publié, EU:T:2019:134, point 31 et jurisprudence citée].

27      De même, indépendamment de la question de la violation par la division d’annulation de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, force est de constater que la requérante a formé un recours devant la chambre de recours dans lequel elle a notamment pu faire valoir son point de vue quant à la pertinence des documents nos 42 à 60, de sorte qu’elle aurait pu être entendue à cet égard. En effet, comme le font valoir l’intervenant et l’EUIPO, la requérante avait la possibilité de prendre position sur les éléments de preuve contestés devant la chambre de recours. Dès lors, la violation alléguée n’aurait, en tout état de cause, aucune incidence sur la validité de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2019, MEBLO, T‑263/18, non publié, EU:T:2019:134, point 30).

28      Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté.

b)      Sur les premier et deuxième moyens et le premier grief du troisième moyen, relatifs à l’insuffisance des éléments de preuve pour prouver l’usage sérieux de la marque contestée

29      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir omis d’examiner les éléments de preuve dans leur globalité et d’avoir conclu, à tort, que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux sur le seul fondement d’activités promotionnelles et préparatoires, sans que les produits concernés aient jamais été mis effectivement sur le marché ou sans qu’ils aient été sur le point d’être mis sur le marché. Elle fait notamment valoir qu’un seul élément de preuve concerne la prétendue vente d’une seule voiture de course et qu’il n’a pas été prouvé que cette commande avait été honorée. La requérante soutient que la décision attaquée est fondée uniquement sur des éléments de preuve indirects qui ne pourraient être pris en compte que s’ils étaient corroborés par des preuves directes. Elle ajoute que l’intervenant n’a pas démontré que ses voitures avaient été homologuées. Or, l’homologation serait obligatoire pour mettre les voitures ou des pièces de voitures sur le marché. Par ailleurs, les voitures de course seraient également soumises à une obligation d’homologation, qui serait réalisée par des organisations sportives spécialisées.

30      Dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante fait valoir que les éléments de preuve produits en l’espèce n’attesteraient au mieux que d’activités symboliques et préparatoires infructueuses. Ces simples préparatifs d’usage ne sauraient être considérés comme un commencement ou une reprise de l’usage au sens de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001. En outre, la chambre de recours se serait référé à tort à l’article 66, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 au lieu de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du même règlement.

31      Par le premier grief de son troisième moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir appliqué le seuil de l’usage spécifique des voitures de course aux voitures de sport et aux voitures électriques.

32      L’EUIPO conteste les allégations de la requérante et estime que le raisonnement de la chambre de recours selon lequel, sur ce marché spécifique où les produits sont conçus sur mesure et le processus de fabrication est complexe, bien qu’aucune vente réelle n’ait été démontrée au cours de la période pertinente, les éléments de preuve démontrent qu’une grande partie de l’activité commerciale qui a eu lieu visait sérieusement à créer une part de marché était parfaitement conforme à la raison d’être de l’obligation de démontrer un usage sérieux. Il ajoute que, en l’espèce, la requérante a conçu le véhicule en cause, en a assuré la publicité sous la marque SYRENA et a mis en place l’infrastructure nécessaire à sa fabrication. Par ailleurs, dans le secteur en cause, les ventes auraient lieu longtemps avant que la voiture ne fût livrée, un délai de plusieurs années n’étant pas rare entre la commande et la livraison. À cet égard, l’EUIPO rappelle que, s’agissant des voitures électriques de l’intervenant, la publicité réalisée en 2016 visait à créer une demande pour un produit qui n’aurait pas été disponible avant 2020.

33      En outre, l’EUIPO fait valoir que les préparatifs visant à assurer une clientèle, notamment dans le cadre de campagnes publicitaires, peuvent constituer un usage sérieux et que les efforts de promotion de l’intervenant ont dépassé la simple étape des préparatifs, dans la mesure où l’intervenant avait proposé ses produits à la vente et était prêt à répondre à la demande, de sorte que ces actes étaient annonciateurs d’une offre de vente imminente. Quant au seuil de l’usage, l’EUIPO soutient que la chambre de recours n’a pas abaissé le seuil de l’usage pour les produits en cause.

34      L’intervenant soutient, pour sa part, que les éléments de preuve qu’il a présentés attestent, dans leur globalité, l’existence de démarches successives visant à promouvoir et à lancer la production et la commercialisation de voitures sous la marque SYRENA et qu’il ne fait aucun doute qu’il a déployé des efforts réels pour conquérir une position commerciale pour la marque SYRENA. Il ajoute que ses actions ne se sont jamais limitées aux voitures de course et que l’idée d’une voiture électrique, annoncée en 2013, a abouti à la présentation d’un projet au ministère polonais du Développement et au public en 2016 et que les acheteurs potentiels ont été invités à s’informer sur les voitures et à réserver leur place sur la liste des commandes.

35      S’agissant de l’application de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, l’intervenant fait valoir, à titre principal, que sa situation ne correspond pas au scénario visé par ladite disposition et que, même si ses actions devaient être considérées comme revêtant un caractère préparatoire, il ne saurait être affirmé qu’il aurait entrepris seulement les « préparatifs pour le commencement ou la reprise de l’usage » après l’expiration de la période de cinq ans pertinente et après avoir appris qu’une demande en déchéance pourrait être présentée.

36      Selon l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque de l’Union européenne n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque de l’Union européenne est soumise aux sanctions prévues à ce règlement, sauf juste motif pour le non-usage.

37      Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage. Cet article précise toutefois que nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits si, entre l’expiration de cette période et la présentation de la demande, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux.

38      La ratio legis de l’exigence selon laquelle une marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être protégée au titre du droit de l’Union réside dans le fait que le registre de l’EUIPO ne saurait être assimilé à un dépôt stratégique et statique conférant à un détenteur inactif un monopole légal d’une durée indéterminée. Au contraire, ledit registre devrait refléter fidèlement les indications que les entreprises utilisent effectivement sur le marché pour distinguer leurs produits et services dans la vie économique [voir arrêt du 15 juillet 2015, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Recticel (λ), T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 20 et jurisprudence citée].

39      Selon la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un « usage sérieux » lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque [arrêt du 21 novembre 2013, Recaro/OHMI – Certino Mode (RECARO), T‑524/12, non publié, EU:T:2013:604, point 19 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43, et ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, EU:C:2004:50, point 27].

40      Ainsi, la Cour a jugé que l’analyse de l’usage sérieux d’une marque antérieure ne pouvait pas se limiter au seul constat d’un usage de celle-ci dans la vie des affaires, puisqu’il devait, en outre, s’agir d’un usage sérieux conformément aux dispositions du règlement 2017/1001. Dès lors, toute exploitation commerciale avérée ne peut être qualifiée automatiquement d’usage sérieux de la marque en cause (arrêt du 17 juillet 2014, Reber Holding/OHMI, C‑141/13 P, non publié, EU:C:2014:2089, point 32).

41      L’usage sérieux de la marque suppose donc une utilisation de celle-ci sur le marché des produits ou des services protégés par la marque et pas seulement au sein de l’entreprise concernée. L’usage de la marque doit porter sur des produits et des services qui sont déjà commercialisés ou dont la commercialisation, préparée par l’entreprise en vue de la conquête d’une clientèle, notamment dans le cadre de campagnes publicitaires, est imminente [arrêts du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 39, et du 14 mars 2017, IR/EUIPO – Pirelli Tyre (popchrono), T‑132/15, non publié, EU:T:2017:162, point 88 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37].

42      S’agissant des critères d’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque, il convient de rappeler qu’une telle appréciation doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’importance et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 22 et jurisprudence citée).

43      En outre, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 23 et jurisprudence citée).

44      Enfin, l’usage sérieux ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 26 et jurisprudence citée).

45      Quant à l’importance ou à l’étendue de l’usage qui a été fait de la marque contestée, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 31 et jurisprudence citée).

46      Le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque contestée ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage d’une marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux. Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque. Ainsi, il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’EUIPO ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait être fixée (voir arrêt du 15 juillet 2015, λ, T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 32 et jurisprudence citée).

47      En effet, dans l’interprétation de la notion de l’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque contestée doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêts du 24 mai 2012, TMS Trademark-Schutzrechtsverwertungsgesellschaft/OHMI – Comercial Jacinto Parera (MAD), T‑152/11, non publié, EU:T:2012:263, point 18 et jurisprudence citée, et du 15 juillet 2015, TVR Automotive/OHMI – TVR Italia (TVR ITALIA), T‑398/13, EU:T:2015:503, point 45 et jurisprudence citée].

48      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les griefs de la requérante.

49      Il convient de relever, à titre liminaire, que la chambre de recours a considéré à bon droit, au point 33 de la décision attaquée, que la période de cinq ans précédant la demande de déchéance, pour laquelle l’intervenant devait démontrer l’usage sérieux de la marque contestée, allait du 22 avril 2011 au 21 avril 2016 inclus.

50      S’agissant, premièrement, du grief concernant l’omission, par la chambre de recours, de l’examen des éléments de preuve dans leur globalité et en combinaison les uns avec les autres, il convient de constater que la requérante reproche, en réalité, à la chambre de recours d’avoir considéré que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux alors qu’aucun élément de preuve n’avait établi que l’intervenant avait effectivement fabriqué ne fût-ce qu’une seule voiture, attestant ainsi l’usage sérieux de la marque contestée sur le marché.

51      À cet égard, la requérante fait valoir, en particulier, qu’aucun des 60 documents produits par l’intervenant ne permet de démontrer le fait le plus fondamental et essentiel, à savoir que les produits visés par la marque contestée étaient effectivement disponibles sur le marché d’une manière qui constituerait un usage sérieux.

52      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ne peut être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits. C’est uniquement la prise en considération de l’ensemble des éléments soumis à l’appréciation de la chambre de recours qui doit permettre d’établir la preuve dudit usage et chaque élément de preuve ne doit donc pas nécessairement porter à la fois sur le lieu, la durée, la nature et l’importance de l’usage [voir arrêt du 13 juin 2019, Pielczyk/EUIPO – Thalgo TCH (DERMÆPIL SUGAR EPIL SYSTEM), T‑398/18, non publié, EU:T:2019:415, points 62 et 63 et jurisprudence citée].

53      Ainsi, le principe même d’appréciation globale signifie que l’usage sérieux peut être constaté au vu de tous les éléments de preuve pris dans leur ensemble alors même que chaque élément, de manière individuelle, serait insuffisant pour démontrer un tel usage. Partant, le grief de la requérante tiré de la méconnaissance du principe d’appréciation globale des preuves est dénué de tout fondement.

54      À cet égard, il convient de relever que la chambre de recours a déjà répondu à un tel argument au point 69 de la décision attaquée en citant notamment les principes jurisprudentiels rappelés au point 52 ci-dessus.

55      De plus, il convient également de constater que la requérante n’a pas indiqué un quelconque élément de preuve que la chambre de recours n’aurait pas pris en compte pour pouvoir lui reprocher utilement d’avoir violé le principe d’appréciation globale des preuves.

56      De même, elle n’a pas non plus soutenu que la chambre de recours aurait pris en compte un élément de preuve ou une information qui n’auraient pas été présentés par les parties, de sorte que tout argument portant sur une prétendue violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 ne saurait prospérer.

57      S’agissant, deuxièmement, de la question de savoir si la chambre de recours était fondée à considérer que l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré en l’espèce, il convient de relever que ladite chambre a relevé, notamment, que l’intervenant construisait des voitures de course (point 49 de la décision attaquée), pour ensuite considérer, en substance, que la marque contestée était utilisée en vue de créer ou de conserver un débouché pour des voitures de course ou de sport de marque SYRENA (point 68 de la décision attaquée) et conclure que l’usage sérieux avait été démontré pour les voitures de sport et les voitures électriques (point 83 de la décision attaquée). Il convient ainsi d’apprécier le bien-fondé des conclusions de la chambre de recours pour chacune de ces catégories de manière individuelle.

1)      Sur la démonstration de l’usage sérieux en ce qui concerne les voitures de course

58      La chambre de recours a relevé que l’intervenant avait démontré qu’il construisait des véhicules pour un marché très spécifique, à savoir les voitures de course, qui, étant donné la nature hautement spécialisée de ce marché, n’intéressait que peu de personnes. Elle en a déduit que la vente d’un nombre limité de telles voitures sur mesure pourrait être considéré comme constituant un usage sérieux. En outre, elle a rappelé la jurisprudence du Tribunal selon laquelle, dans le contexte des voitures de sport haut de gamme ayant des spécifications techniques et non destinées à la circulation routière quotidienne et normale et dont le prix de vente dépassait celui de la plupart des voitures d’usage privé, il suffisait de démontrer que la marque avait été commercialisée au cours de la période pertinente et qu’elle avait fait l’objet d’un débat public. Ce dernier critère serait satisfait par les nombreux articles de presse produits.

59      De même, la chambre de recours a considéré que l’intervenant avait démontré qu’il avait fait usage de la marque contestée vers l’extérieur pendant la période pertinente, étant donné que ladite marque était apposée sur les voitures sur lesquelles portaient les articles de presse, lors d’événements dédiés aux automobiles, en dépit des difficultés rencontrées concernant l’homologation et la livraison. Elle a également estimé que l’étendue de l’usage avait été suffisamment établie, notamment, par la production des accords de coopération et des bons de commande.

60      Au vu des éléments de preuve présentés par l’intervenant, la chambre de recours a considéré que la commercialisation de voitures était imminente, que les préparatifs en vue de conquérir une clientèle semblaient être en cours, qu’une véritable exploitation de la marque contestée et un usage d’une étendue et d’une constance suffisantes pour tendre à créer des parts de marché pour les produits en cause étaient démontrés en l’espèce.

61      Il convient de rappeler que la requérante fait valoir, à titre principal, que la chambre de recours n’était pas fondée à conclure que l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré alors qu’aucun des 60 documents soumis par l’intervenant ne démontre que les produits visés par la marque contestée étaient disponibles sur le marché d’une manière qui constituerait un usage sérieux. Ainsi qu’il ressort du point 30 ci-dessus, elle soutient qu’un seul des documents produits concerne la prétendue vente d’une voiture de course dont la production devait commencer après la passation de commande en date du 18 janvier 2016, soit presque deux semaines après la fin du délai de grâce de cinq ans se terminant le 7 janvier 2016. De surcroît, la requérante fait valoir que l’intervenant n’a pas prouvé que cette commande avait été honorée et que la voiture avait effectivement été produite et livrée à l’acheteur.

62      À cet égard, force est de constater que, certes, les éléments de preuve présentés par l’intervenant n’attestent pas que la vente de voitures de course, à savoir du modèle de marque SYRENA Meluzyna R, ait eu lieu. Toutefois, ces éléments démontrent une véritable exploitation commerciale de la marque contestée ainsi que les efforts sérieux de l’intervenant pour conquérir des parts de marché.

63      En effet, premièrement, ainsi que l’a relevé la chambre de recours aux points 59 et 62 de la décision attaquée, et sans que la requérante le conteste, l’intervenant a également produit un accord de coopération avec la société FSO S.A en vue de la production des voitures de marque SYRENA datant du 18 février 2015 ainsi qu’un accord de coexistence en ce qui concerne les droits sur la marque SYRENA entre les mêmes parties, datant du 1er février 2013.

64      De même, les éléments de preuve soumis attestent, deuxièmement, que la maquette 1:5 du modèle de marque SYRENA Meluzyna a été présentée au grand public le 16 septembre 2015 et que le prototype du modèle de marque SYRENA Meluzyna R a été présenté les 11 et 12 décembre 2015 lors de la 53e édition du « Warsaw Barbórka Rally », auquel ce modèle a également participé. Ces événements sont également rapportés par un grand nombre d’articles en polonais et d’autres langues étrangères datant de décembre 2015 à janvier 2016.

65      Troisièmement, le fait que des voitures de course ont été mises sur le marché sous la marque SYRENA Meluzyna R est notamment attesté par la copie d’une brochure contenant des images et des informations relatives à ce modèle, ainsi que par la correspondance échangée avec la société My Rally Challenge en vue de l’acquisition dudit modèle. Cette brochure contient les spécifications techniques du modèle de marque SYRENA Meluzyna R, indique le volume de la production, à savoir 25 voitures, et le prix de départ de ce modèle, soit 60 000 euros. Entre autres y sont présentées les images des autres futurs modèles (de marque SYRENA Meluzyna et SYRENA Ligea) et l’indication que la production de la voiture de course de marque SYRENA Meluzyna R était la première étape de la stratégie de renaissance des voitures de marque SYRENA.  Un article de presse, produit au titre du document no 27, mentionne également que la production totale planifiée du modèle de marque SYRENA Meluzyna R serait de 25 voitures.

66      De surcroît, quatrièmement, plusieurs commandes du modèle de marque SYRENA Meluzyna R ont été également faites, ce qui est attesté notamment par la facture émise le 28 juillet 2016 à l’attention de la société SARL Alpmediterranee, qui a confirmé son intérêt pour l’acquisition de cinq voitures par une lettre du 5 juillet 2016 et par l’annulation, intervenue le 13 septembre 2016,  de la commande du 5 janvier 2016 par la société Gavbiz Ltd en raison du litige opposant l’intervenant et la requérante concernant la marque SYRENA.

67      Enfin, cinquièmement, il y a lieu de relever que le dossier (document no 16a) contient également une attestation de la société Pirelli Polska Sp. z o.o. datant du 13 septembre 2016, qui confirme sa coopération avec la société AK Motor Polska Sp. z o.o. à l’occasion du lancement du nouveau modèle de marque SYRENA Meluzyna R en 2015.

68      Il convient d’ajouter que les efforts promotionnels de l’intervenant sont également attestés par différents articles de presse polonais et internationaux.

69      Par ailleurs, le contenu de l’ensemble de ces éléments n’est pas contesté par la requérante. De même, il convient de relever que, au vu des observations contenues aux points 63 à 68 ci-dessus, la requérante n’est pas fondée à soutenir que les produits couverts par la marque contestée n’ont jamais été effectivement mis sur le marché ou qu’ils n’ont jamais été sur le point d’être mis sur le marché. En effet, il convient de préciser que la mise sur le marché d’un produit ou d’un service correspond également aux circonstances dans lesquelles ledit produit ou service est effectivement proposé à la vente, même s’il n’a pas encore été vendu.

70      Il y a également lieu de constater que la chambre de recours, au point 48 de la décision attaquée, s’est référée à la jurisprudence du Tribunal qu’elle a estimée, à bon droit, pertinente en l’espèce. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, il est notoire que le marché des voitures de sport haut de gamme ayant des spécifications techniques non destinées à la circulation routière quotidienne et normale et dont le prix de vente dépasse celui de la plupart des voitures à usage privé était souvent caractérisé par une demande relativement peu développée, par une production sur commande spécifique et par la vente d’un nombre limité de véhicules. Le Tribunal a estimé que, dans de telles conditions, la fourniture de documents comptables exposant les chiffres de vente ou de factures n’apparaissait pas comme indispensable pour établir un usage sérieux de la marque en cause. En outre, le Tribunal a relevé que des publications démontraient que la marque en question avait fait l’objet d’un débat public dans la perspective d’une relance de la production et de la vente d’un modèle de voiture portant la marque en question (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2015, TVR ITALIA, T‑398/13, EU:T:2015:503, point 57).

71      Il s’ensuit que, compte tenu des spécificités du marché concerné, dûment prises en compte par la chambre de recours lorsqu’elle s’est référée à la jurisprudence citée au point 70 ci-dessus, les éléments de preuve produits par l’intervenant attestaient l’existence de différents préparatifs et d’efforts promotionnels en ce qui concerne le modèle de marque SYRENA Meluzyna R. Par ailleurs, ils démontraient, comme le soutient l’EUIPO, non seulement que la commercialisation de la voiture était imminente, mais également qu’elle était disponible à la commande.

72      De surcroît, il convient de rappeler que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort de la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus que l’usage de la marque peut être démontré par les éléments attestant que la commercialisation des produits en cause est imminente.

73      Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, en substance, que l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré en ce qui concerne les voitures de course. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

74      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel une homologation est nécessaire pour qu’une voiture puisse être commercialisée, il suffit de relever, à l’instar de la chambre de recours au point 61 de la décision attaquée, que les voitures de course ne sont pas destinées à une circulation sur la voie publique. Or, si les voitures de course doivent être homologuées par les organisations sportives, la finalité d’une telle homologation est entièrement différente de celle des voitures autorisées à circuler sur la voie publique et peut être différente d’une course à l’autre, ce que reconnaît également, en substance, la requérante.

75      Toutefois, la nécessité d’obtenir une homologation pour participer à une course d’automobiles ne démontre aucunement que l’intervenant ne pouvait pas accéder au marché des voitures de course, comme le prétend la requérante. En effet, ainsi qu’il ressort, en substance, des écritures de l’intervenant, l’obligation d’homologation course par course signifie qu’elle dépend du type de course auquel le client entend participer. De même, celle-ci peut être délivrée pour les voitures de course déjà construites et vendues en fonction du type de circuits ou d’événements auxquels ces voitures seront amenées à participer. Il s’ensuit qu’une éventuelle absence d’homologation n’empêche pas la production de voitures de course ou leur commercialisation.

76      En outre, il convient de souligner, à l’instar de la chambre de recours, que l’homologation ne saurait être que l’un des facteurs pris en considération lors de l’appréciation de l’usage sérieux. Or, ainsi qu’il ressort des considérations contenues aux points 62 à 73 ci-dessus, un usage sérieux de la marque contestée a été démontré pour les voitures de course.

77      En ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle de simples préparatifs ne sauraient constituer un commencement ou une reprise de l’usage au sens de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, il convient de relever qu’il ne ressort pas clairement de la décision attaquée que la chambre de recours aurait considéré que les éléments de preuve produits par l’intervenant démontraient que la marque contestée avait fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise de l’usage sérieux. En effet, au point 53 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que la production de factures ou de comptes certifiés ne saurait constituer le seul moyen de démontrer l’étendue de l’usage de la marque, dans la mesure où, en cas d’application de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, auquel ladite chambre s’est erronément référée comme étant l’article 66, paragraphe 1, sous a), du même règlement, il est tenu compte du commencement ou d’une reprise de l’usage qui, en tant qu’actes préparatoires précédant toute commercialisation des produits ou des services, ne peuvent pas être démontrés par des factures relatives à des ventes ou par des comptes certifiés.

78      En tout état de cause, étant donné que les éléments de preuve présentés par l’intervenant ont été considérés, à bon droit, comme étant suffisants pour constituer un usage sérieux de la marque contestée, ils sont à plus forte raison suffisants pour attester du commencement d’un tel usage.

2)      Sur la démonstration de l’usage sérieux en ce qui concerne les voitures de sport

79      En l’espèce, la chambre de recours a estimé, au point 83 de la décision attaquée, que l’usage sérieux de la marque contestée avait été notamment démontré en ce qui concerne les voitures de sport.

80      Toutefois, la catégorie des « voitures de sport » n’est mentionnée dans le raisonnement de la chambre de recours que de manière ponctuelle. Ainsi, au point 64 de la décision attaquée, ladite chambre a relevé qu’il ressortait clairement des brochures et des catalogues que la marque SYRENA était utilisée, en particulier, pour des voitures de sport et des voitures électriques. De même, elle a estimé, en substance, au point 68 de la décision attaquée, que l’usage démontré n’était pas symbolique pour les voitures de course ou de sport.

81      La chambre de recours a également affirmé, au point 63 de la décision attaquée, que la déclaration d’un tiers, à savoir la société Pirelli Polska (document no 16a), confirmait que les activités entourant le lancement d’une voiture de sport n’étaient pas purement préparatoires. Ce constat aurait été également confirmé par l’intérêt que les sociétés My Rally Challenge (document no 21) et Alpmediterranee (document no 23) avaient manifesté pour cette voiture. Toutefois, ces éléments de preuve concernent le modèle de marque SYRENA Meluzyna R, une voiture de course, ainsi qu’il ressort du point 62 ci-dessus.

82      Il découle de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas mené une appréciation de l’usage sérieux pour les voitures de sport de manière individuelle. De même, la décision attaquée ne contient pas non plus les motifs justifiant que les appréciations relatives aux voitures de course soient transposables aux voitures de sport. À cet égard, il convient de relever, ainsi qu’il ressort du dossier, que les voitures de sport, contrairement aux voitures de course, sont destinées à la circulation sur la voie publique.

83      Bien que, dans le cadre de son premier moyen, la requérante conteste, à titre principal, les conclusions de la chambre de recours selon lesquelles l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré en l’espèce, elle a également soulevé un grief tiré de la violation de l’obligation de motivation au titre de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.

84      Par ailleurs, un défaut ou une insuffisance de motivation relèvent de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constituent un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, Polytetra/OHMI – EI du Pont de Nemours (POLYTETRAFLON), T‑660/11, EU:T:2015:387, point 19 et jurisprudence citée].

85      À cet égard, force est de relever qu’est entachée d’une insuffisance de motivation une décision qui, d’une part, conclut qu’une marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux au sens de l’article 58, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et, d’autre part, ne précise pas dans quelle mesure les éléments de preuve apportés supportent cette conclusion par rapport à chacun des produits ou des services ou chacune des catégories de produits ou de services pour lesquels cet usage a été reconnu (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, POLYTETRAFLON, T‑660/11, EU:T:2015:387, point 23 et jurisprudence citée).

86      Cependant, ainsi qu’il ressort du raisonnement contenu aux points 79 à 82 ci-dessus, tel n’est pas le cas en l’espèce. Le raisonnement qu’a mené la chambre de recours ne permet pas de comprendre dans quelle mesure les éléments de preuve apportés viennent au soutien de la conclusion de la chambre de recours par rapport aux voitures de sport.

87      Or, en l’absence de motifs suffisants permettant d’examiner la légalité des appréciations de la chambre de recours, il n’appartient pas au Tribunal de conduire une analyse fondée sur des motifs qui ne ressortent pas de la décision attaquée ou de se substituer à l’EUIPO dans l’exercice des compétences dévolues à ce dernier par le règlement 2017/1001 (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, POLYTETRAFLON, T‑660/11, EU:T:2015:387, point 34 et jurisprudence citée).

88      À cet égard, l’intervenant avance que, avant de conclure à l’usage sérieux de la marque contestée pour les voitures de sport et les voitures électriques, la chambre de recours a procédé à un examen des différentes activités de l’intervenant. Ainsi, cette conclusion ne découlerait pas directement de la constatation que l’intervenant construisait des véhicules pour un marché très spécifique, à savoir celui des voitures de course, mais serait fondée sur des considérations additionnelles.

89      Or, cet argument ne saurait prospérer. En effet, même si la conclusion de la chambre de recours quant à l’usage de la marque contestée pour les voitures de sport ne découle pas directement du constat que l’intervenant construisait des voitures de course, ladite chambre n’a pas identifié, en l’espèce, les éléments du dossier permettant de conclure à l’existence d’un usage sérieux pour lesdits produits.

90      Partant, il y a lieu de constater que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation dans la mesure où elle ne permet pas de comprendre dans quelle mesure les éléments produits par l’intervenant et invoqués par la chambre de recours démontraient l’usage sérieux de la marque contestée pour les voitures de sport, pour lesquelles l’usage avait été considéré comme établi par la chambre de recours.

3)      Sur la démonstration de l’usage sérieux en ce qui concerne les voitures électriques

91      S’agissant de l’usage de la marque contestée pour les voitures électriques, force est de constater que, au point 63 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que des éléments de preuve démontraient le lancement d’une voiture électrique, à savoir une voiture de marque SYRENA Nixi, et, à cet égard, s’est référée au document no 26, relatif à la présentation officielle du modèle devant le ministre polonais du Développement. Elle a ajouté que, bien que la plupart des articles, contenus aux documents nos 27 et 28, mentionnant le lancement de la voiture électrique aient été publiés en juin 2016, soit après la période pertinente, ils faisaient référence à des faits qui s’étaient produits durant les cinq années précédant la demande en déchéance. En outre, au point 68 de la décision attaquée, contenant une référence aux documents nos 44 à 50, la chambre de recours a notamment mentionné le lancement de ladite voiture électrique et le projet de voiture électrique datant de 2016.

92      Or, il convient de constater que, au vu des éléments de preuve présentés par l’intervenant, les considérations de la chambre de recours sont inexactes et, en tout état de cause, ne permettent de constater un usage sérieux de la marque contestée pour les voitures électriques.

93      En effet, premièrement, il convient de relever que la réunion avec le ministre polonais du Développement du 4 avril 2016, bien qu’ayant eu lieu pendant la période pertinente, est peu concluante en ce qui concerne l’usage de la marque contestée pour les voitures électriques. La présentation faite lors de cette rencontre (document no 25) ne contient en réalité aucune mention ou image du modèle de marque SYRENA Nixi, de son prototype ou d’une autre voiture électrique. Les seules images qu’elle contient sont celles des modèles de marque SYRENA Meluzyna et SYRENA Ligea sans aucune mention de la propulsion électrique. Le terme anglais « electric » n’est mentionné que dans la partie de la présentation relative à l’innovation. Quant à l’échange de messages électroniques entre l’intervenant et le représentant du ministère du Développement polonais, suivant cette réunion, contenu au document no 26, il ne contient qu’une mention vague au fait que le projet relatif aux voitures électriques en cause a connu un développement rapide depuis la réunion du 4 avril 2016.

94      Ainsi, même si les différents articles de presse polonais produits par l’intervenant (document no 27) mentionnent le fait que le projet de voiture électrique de marque SYRENA Nixi a été présenté au ministre du Développement, ce fait n’a pas été attesté par les documents relatifs à ladite présentation.

95      Deuxièmement, force est de constater que les articles mentionnés au point 94 ci-dessus, datés de juin et de juillet 2016, se limitent à mentionner dans des termes vagues le projet de voiture électrique.

96      En revanche, les articles de presse qui contiennent davantage d’informations sur le projet de voiture électrique de marque SYRENA Nixi datent de la période allant du 14 février au 20 juillet 2017 (documents nos 44 et 45). Dans ces publications, qui contiennent les images dudit modèle, est mentionné également le fait que sa présentation a eu lieu le 14 février 2017, qu’il a été présenté au ministère du Développement le 4 avril 2016 et publiquement annoncé le 14 juin 2016. De même, ces éléments de preuve contiennent les spécifications techniques du modèle de marque SYRENA Nixi et mentionnent la possibilité d’exprimer un intérêt pour l’acquisition dudit modèle en envoyant un courriel à l’intervenant.

97      À cet égard, il convient de rappeler que la chambre de recours a notamment considéré, au point 63 de la décision attaquée, que, bien que les articles mentionnant le lancement de la voiture électrique aient été publiés en juin 2016, ils faisaient référence à des faits qui s’étaient produits durant les cinq années précédant la demande en déchéance.

98      Certes, ainsi que l’a rappelé la chambre de recours, il n’est pas exclu que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage au cours de la période pertinente puisse, le cas échéant, tenir compte d’éventuelles circonstances postérieures à cette période. De telles circonstances peuvent permettre de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque au cours de la période pertinente [arrêt du 19 avril 2013, Luna/OHMI – Asteris (Al bustan), T‑454/11, non publié, EU:T:2013:206, point 45 ; voir également, par analogie, ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, EU:C:2004:50, point 31].

99      Toutefois, en l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 95 et 97 ci-dessus, la seule information relative à la période pertinente à laquelle se réfèrent ces éléments postérieurs à cette période est la présentation du projet au ministère polonais du Développement le 4 avril 2016. Les autres informations concernent les actes d’usage intervenus après la période pertinente et ne permettent pas d’apprécier l’utilisation de la marque contestée au cours de cette période.

100    En tout état de cause, pour les raisons énoncées au point 93 ci-dessus, les informations relatives à la rencontre du 4 avril 2016 doivent être jugées comme insuffisantes pour démontrer un usage sérieux de la marque contestée pour les voitures électriques.

101    À ce titre, il convient d’ajouter que les manifestations d’intérêt auxquels font référence les articles datant de février 2017 (document no 44) et contenues dans le document no 54 ne sont pas des bons de commande proprement dits, car elles donnent le droit de commander en priorité au moment où le prototype sera prêt. De même, l’accord de consortium relatif au développement du projet de voiture de marque SYRENA Nixi (document no 47) date uniquement du 10 novembre 2016.

102    Il convient, dès lors, de considérer que les éléments de preuve relatifs à la voiture électrique en cause n’attestent pas que la commercialisation de ce produit était imminente, même s’il y avait lieu de prendre en compte les éléments de preuve datant de 2017, soit de près d’un an après la période pertinente.

103    Troisièmement, il y a lieu de relever que les critères relatifs aux voitures de course tels qu’avancés par la chambre de recours aux points 48 et 49 de la décision attaquée ne doivent pas nécessairement, à tout le moins sans une motivation appropriée, s’appliquer aux voitures électriques. En effet, les voitures électriques ne s’adressent pas à un marché aussi spécifique que les voitures de course, susceptibles de n’intéresser que trop peu de personnes pour que la vente d’un nombre limité de ces véhicules puisse être considérée comme constituant un usage sérieux. Il en va de même en ce qui concerne les appréciations de la chambre de recours, contenues au point 65 de la décision attaquée, selon lesquelles les voitures de course seraient des produits de collection haut de gamme, réalisés sur mesure et pouvant nécessiter de nombreuses heures de travail bien après la conclusion de la vente.

104    Il s’ensuit que c’est à tort que la chambre de recours a constaté que l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré en ce qui concerne les voitures électriques.

105    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, c’est uniquement en ce qui concerne les voitures de course que la chambre de recours était fondée à considérer que l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré en l’espèce.

c)      Sur le second grief du troisième moyen et le quatrième moyen

106    Par le second grief du troisième moyen, la requérante soutient que la chambre de recours aurait appliqué, à tort, un seuil de l’usage sensiblement inférieur, destiné aux produits spécialisés, à savoir les voitures de course, pour constater un usage sérieux pour les voitures en général, destinées au grand public et pouvant inclure de nombreuses sous-catégories.

107    Dans le cadre de son quatrième moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir conclu à l’usage sérieux de la marque contestée pour la catégorie des « voitures » en se fondant sur l’usage prétendu de l’une de ses sous-catégories, à savoir les « voitures de course ». Selon elle, la chambre de recours n’aurait pas tenu compte du fait que la catégorie des « voitures » était très large et comprenait de nombreuses sous-catégories suffisamment distinctes et cohérentes. Ce faisant, la chambre de recours aurait violé l’article 64, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. En outre, la chambre de recours, en faisant valoir que l’intervenant n’était pas tenu de démontrer l’usage de toutes les variations concevables de la catégorie des produits en cause, à savoir les « voitures », aurait confondu la « variation » d’une catégorie de produits avec sa « sous-catégorie ».

108    L’EUIPO soutient que la chambre de recours, en considérant que l’usage sérieux de la marque contestée était démontré pour les « voitures », a fait une application logique et correcte des principes énoncés dans l’arrêt du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN) (T‑126/03, EU:T:2005:288). Il fait valoir que la sous-catégorie retenue par la chambre de recours en l’espèce, à savoir les « voitures », a pour finalité ou destination de transporter un conducteur et un petit nombre de passagers à des fins privées, commerciales ou de loisir et que la subdivision proposée par la requérante ne reviendrait qu’à énumérer des variations de voitures qui toutes partagent la même finalité. Il ajoute que les voitures de course comme les voitures de sport répondent à la définition des voitures et, bien que ce type de voitures soit davantage destiné à un usage de loisir, il serait arbitraire de les traiter comme une sous-catégorie distincte.

109    L’intervenant soutient que la chambre de recours était fondée à confirmer l’existence d’un marché restreint pour les produits en cause et fait valoir que les considérations relatives aux voitures de course s’appliquent à toutes les voitures dont la production requiert d’entreprendre plusieurs actions préalables, en particulier de nature technique, organisationnelle et financière, ce que l’intervenant aurait entrepris en l’espèce.

110    Quant au grief selon lequel la chambre de recours ne serait pas fondée à constater l’usage sérieux de la catégorie des « voitures » sur la base des éléments de preuve relatifs aux « voitures de course », il serait tardif selon l’intervenant, car soulevé pour la première fois devant le Tribunal. Par ailleurs, l’intervenant soutient que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée a été utilisée pour les « voitures » était fondée sur les considérations selon lesquelles l’usage avait été démontré pour les « voitures de sport » et les « voitures électriques » et que la chambre de recours a, conformément à la jurisprudence, distingué, au sein de la catégorie des « véhicules à moteur de locomotion par terre », la sous-catégorie des « voitures ».

111    Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, si la cause de déchéance n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, le titulaire n’est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés.

112    À cet égard, le Tribunal a jugé que les dispositions de l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 permettant de réputer la marque antérieure enregistrée pour la seule partie des produits et services pour laquelle la preuve de l’usage sérieux de la marque a été établie, d’une part, constituent une limitation apportée aux droits que tire le titulaire de la marque antérieure de son enregistrement et, d’autre part, doivent être conciliées avec l’intérêt légitime dudit titulaire à pouvoir, à l’avenir, étendre sa gamme de produits ou de services, dans la limite des termes visant les produits ou services pour lesquels la marque a été enregistrée, en bénéficiant de la protection que l’enregistrement de ladite marque lui confère (arrêt du 14 juillet 2005, ALADIN, T‑126/03, EU:T:2005:288, point 51). Ces mêmes considérations s’appliquent également par analogie aux dispositions de l’article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 relatives à la déchéance partielle.

113    Il résulte de la jurisprudence que, si une marque a été enregistrée pour une catégorie de produits ou de services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou services n’emporte protection que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée [voir arrêt du 10 décembre 2015, Sony Computer Entertainment Europe/OHMI – Marpefa (Vieta), T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950, point 61 et jurisprudence citée].

114    En revanche, si une marque a été enregistrée pour des produits ou services définis de façon tellement précise et circonscrite qu’il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives à l’intérieur de la catégorie concernée, alors la preuve de l’usage sérieux de la marque pour lesdits produits ou services couvre nécessairement toute cette catégorie [arrêts du 14 juillet 2005, ALADIN, T‑126/03, EU:T:2005:288, point 45, et du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 23].

115    En effet, si la notion d’usage partiel a pour fonction de ne pas rendre indisponibles des marques dont il n’a pas été fait usage pour une catégorie de produits donnée, elle ne doit néanmoins pas avoir pour effet de priver le titulaire de ladite marque de toute protection pour des produits qui, sans être rigoureusement identiques à ceux pour lesquels il a pu prouver un usage sérieux, ne sont pas essentiellement différents de ceux-ci et relèvent d’un même groupe qui ne peut être divisé autrement que de façon arbitraire. Il convient à cet égard d’observer qu’il est en pratique impossible au titulaire d’une marque d’apporter la preuve de l’usage de celle-ci pour toutes les variantes imaginables des produits concernés par l’enregistrement. Par conséquent, la notion de « partie de produits ou de services » ne peut s’entendre de toutes les déclinaisons commerciales de produits ou de services analogues, mais seulement de produits ou de services suffisamment différenciés pour pouvoir constituer des catégories ou sous-catégories cohérentes (arrêts du 14 juillet 2005, ALADIN, T‑126/03, EU:T:2005:288, point 46 ; du 13 février 2007, RESPICUR, T‑256/04, EU:T:2007:46, point 24, et du 10 décembre 2015, Vieta, T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950, point 62).

116    S’agissant de la question de savoir si des produits font partie d’une sous-catégorie cohérente susceptible d’être envisagée de manière autonome, il découle de la jurisprudence que, dans la mesure où le consommateur recherche avant tout un produit ou un service qui pourra répondre à ses besoins spécifiques, la finalité ou la destination du produit ou du service en cause revêt un caractère essentiel dans l’orientation de son choix. Dès lors, dans la mesure où il est appliqué par les consommateurs préalablement à tout achat, le critère de finalité ou de destination est un critère primordial dans la définition d’une sous-catégorie de produits ou de services [arrêts du 13 février 2007, RESPICUR, T‑256/04, EU:T:2007:46, point 29, et du 16 mai 2013, Aleris/OHMI – Carefusion 303 (ALARIS), T‑353/12, non publié, EU:T:2013:257, point 22]. En revanche, la nature des produits en cause ainsi que leurs caractéristiques ne sont pas, en tant que telles, pertinentes pour la définition de sous-catégories de produits ou de services [voir arrêt du 18 octobre 2016, August Storck/EUIPO – Chiquita Brands (Fruitfuls), T‑367/14, non publié, EU:T:2016:615, point 32 et jurisprudence citée].

117    En l’espèce, il n’est pas contesté que la marque contestée n’a pas été utilisée pour l’ensemble des produits pour lesquels elle a été enregistrée, en particulier l’ensemble de la catégorie « véhicules à moteur de locomotion par terre » relevant de la classe 12.

118    À cet égard, la chambre de recours a considéré que la sous-catégorie pertinente pour laquelle l’usage sérieux de la marque contestée avait été démontré était celle des « voitures » tandis que la requérante estime, en substance, que cette sous-catégorie contient elle-même des sous-catégories autonomes et que l’usage prétendu d’une seule sous-catégorie, à savoir les « voitures de course », ne suffirait pas à démontrer l’usage sérieux pour toute la catégorie des « voitures ».

119    En premier lieu, il convient d’examiner l’argument de l’intervenant selon lequel le grief de la requérante, n’ayant pas été avancé devant la chambre de recours, serait irrecevable.

120    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’un recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours. En application de l’article 95 dudit règlement, ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours. Par ailleurs, selon l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, les mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours [voir arrêt du 10 octobre 2006, Armacell/OHMI – nmc (ARMAFOAM), T‑172/05, EU:T:2006:300, point 39 et jurisprudence citée].

121    Par conséquent, il convient d’apprécier si, en contestant pour la première fois devant le Tribunal la conclusion selon laquelle l’usage sérieux de la marque contestée était démontré pour les « voitures », alors que les éléments de preuve portaient uniquement sur les « voitures de course », la requérante a modifié l’objet du litige dont la chambre de recours était saisie.

122    À cet égard, il y a lieu de relever que le litige devant la chambre de recours consistait en la demande de la requérante tendant à la déchéance de la marque contestée pour l’absence d’un usage sérieux au titre de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001. De même, conformément à l’article 58, paragraphe 2, de ce règlement, dans l’hypothèse d’un usage partiel de la marque contestée, le titulaire de cette marque n’est déchu de ses droits que pour les produits concernés. Il s’ensuit que, dans le cadre de l’examen de l’usage sérieux de la marque contestée, il incombait à la chambre de recours d’apprécier l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée pour les produits pour lesquels cette dernière avait été enregistrée et, dans le cas d’un usage partiel, d’identifier des sous-catégories de produits autonomes conformément à la jurisprudence citée au point 113 ci-dessus.

123    La circonstance que la requérante n’a pas contesté les conclusions de la division d’annulation sur ce point devant la chambre de recours n’a pas davantage eu pour effet de priver la requérante de son droit de contester, dans les limites du cadre juridique et factuel du litige devant la chambre de recours, les appréciations portées par cette dernière instance à ce sujet (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2006, ARMAFOAM, T‑172/05, EU:T:2006:300, point 42 et jurisprudence citée).

124    Or, force est de constater que le grief soulevé par la requérante devant le Tribunal, relatif à l’usage sérieux pour la catégorie des « voitures », ne s’écarte pas du cadre du litige dont la chambre de recours a été saisie. En effet, la requérante se contente de mettre en cause les appréciations portées et le raisonnement suivi par cette instance à cet égard. Il s’ensuit que la requérante n’a pas modifié l’objet du litige par ce grief et que celui-ci est donc recevable devant le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2006, ARMAFOAM, T‑172/05, EU:T:2006:300, point 43).

125    En second lieu, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort des considérations exposées ci-dessus (voir points 73 et 105 ci-dessus), c’est uniquement au regard des voitures de course que la chambre de recours était fondée à conclure à l’usage sérieux de la marque contestée. Par conséquent, il convient d’apprécier si les voitures de course sont susceptibles de constituer une sous-catégorie au sens de la jurisprudence citée au point 116 ci-dessus. La question de savoir si les voitures de sport et les voitures électriques peuvent constituer des sous-catégories autonomes ne doit pas être examinée, dans la mesure où les conclusions de la chambre de recours relatives à ces deux sous-catégories sont entachées d’erreurs (voir points 90 et 104 ci-dessus).

126    Contrairement à ce que soutient l’EUIPO, les voitures de course sont susceptibles de constituer une sous-catégorie cohérente, car, contrairement aux voitures, leur destination n’est pas celle des véhicules destinés à transporter un conducteur et des passagers. En effet, ces voitures, comme l’a reconnu la chambre de recours au point 61 de la décision attaquée, ne sont pas destinées à la circulation sur la voie publique et une telle circulation leur seraient même interdite en raison de l’absence d’homologation. Leur destination diffère donc de celle des autres voitures.

127    En outre, l’EUIPO avance un argument selon lequel il existerait un degré élevé de recoupement entre les voitures de course et les voitures de sport haut de gamme, pour lesquelles la réussite sur le circuit viserait à, et irait de pair avec, un renforcement du prestige et de la renommée de la marque pour les véhicules routiers.

128    À cet égard, il convient de constater que cet argument ne remet pas en cause la constatation contenue au point 126 ci-dessus, selon laquelle les voitures de course peuvent constituer une catégorie autonome au sens de la jurisprudence citée au point 116 ci-dessus en ce que sa destination est différente de celle des autres types de voitures, notamment les voitures de sport. Le fait qu’un constructeur de voitures soit, en raison d’une certaine complémentarité sur le plan commercial, susceptible d’élargir son offre de voitures, en passant notamment des voitures de sport aux voitures de course, est sans incidence sur la constatation selon laquelle les voitures de course constituent une sous-catégorie autonome des voitures. Par ailleurs, en raison de leur destination différente, ainsi qu’il ressort du point 126 ci-dessus, la division entre les voitures de course et les voitures de sport n’est aucunement arbitraire au sens de la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus et ne prive pas l’intervenant de toute protection pour des produits qui, sans être rigoureusement identiques, ne sont pas essentiellement différents des produits pour lesquels l’usage sérieux a été démontré au sens de la même jurisprudence.

129    Il s’ensuit que, dans la mesure où l’usage sérieux de la marque contestée a été démontré uniquement en ce qui concerne les voitures de course, lesquelles constituent une sous-catégorie autonome au sens de la jurisprudence citée au point 116 ci-dessus, la chambre de recours n’était pas fondée à considérer que l’usage sérieux avait été démontré pour les voitures relevant de la classe 12. Partant, il y a lieu d’accueillir le second grief du troisième moyen et le quatrième moyen et d’annuler la décision attaquée pour autant qu’elle a confirmé l’enregistrement de la marque contestée pour les « voitures » relevant de la classe 12, à l’exception des « voitures de course », pour lesquelles l’enregistrement doit être maintenu.

2.      Sur la demande en réformation

130    S’agissant du deuxième chef de conclusions de la requérante visant à ce que le Tribunal modifie la décision attaquée en prononçant la déchéance totale de la marque contestée, il convient de relever que la requérante demande, en substance, au Tribunal d’adopter la décision que la chambre de recours aurait dû prendre. Il y a donc lieu de conclure que, par le deuxième chef de conclusions, la requérante demande la réformation de la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 67 et jurisprudence citée].

131    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

132    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 90 ci-dessus, dans la mesure où le raisonnement de la chambre de recours relatif aux voitures de sport est entaché d’une insuffisance de motivation, le Tribunal ne dispose pas de tous les éléments pour prendre la décision que la chambre de recours aurait dû prendre. Il s’ensuit que les conditions de la réformation ne sont pas réunies, de sorte qu’il convient de rejeter la demande de la requérante en ce sens.

IV.    Sur les dépens

133    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

134    En l’espèce, la requérante ayant succombé s’agissant des « voitures de course » et l’EUIPO ainsi que l’intervenant ayant succombé s’agissant des « voitures » autres que les « voitures de course », il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 juillet 2019 (affaires jointes R 1861/2018-2 et R 1840/2018-2) est annulée en ce qu’elle a maintenu l’enregistrement de la marque de l’Union européenne no 9262767 pour les « voitures » relevant de la classe 12 autres que les « voitures de courses ».

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Tomljenović

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 septembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.