Language of document : ECLI:EU:T:2013:114

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

7 mars 2013(*)

« Recours en annulation – Demande de l’Autorité de la concurrence française visant à obtenir la transmission de certains documents faisant partie du dossier de la Commission relatif à une procédure en matière de concurrence concernant le marché européen des producteurs de détergents domestiques – Utilisation dans le cadre d’une procédure nationale portant sur le secteur des lessives en France – Disparition de l’intérêt à agir – Non‑lieu à statuer – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑607/11,

Henkel AG & Co. KGaA, établie à Düsseldorf (Allemagne),

Henkel France, établie à Boulogne‑Billancourt (France),

représentées par Mes R. Polley, T. Kuhn, F. Brunet et É. Paroche, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

Royaume de Danemark, représenté par M. C. Vang, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. N. Khan et P. J. Van Nuffel, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision prétendument contenue dans une lettre de la Commission du 30 septembre 2011 (affaire COMP/39.579 – Détergents domestiques – et affaire 09/0007 F) par laquelle celle‑ci a refusé de donner suite à une demande de l’Autorité de la concurrence (France) de lui transférer, dans le cadre de l’affaire 09/0007 F portant sur le secteur français des détergents, plusieurs documents produits dans l’affaire COMP/39.579 et, d’autre part, une demande tendant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission d’autoriser les requérantes à invoquer les documents en question dans la procédure devant l’Autorité de la concurrence et prenne toute autre mesure appropriée,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        En décembre 2009, la Commission européenne a engagé une procédure contre Unilever NV et Unilever PLC (ci‑après, prises ensemble, « Unilever »), The Procter & Gamble Company et Procter & Gamble International Sàrl (ci‑après, prises ensemble, « P&G ») ainsi que contre la première requérante, Henkel AG & Co. KGaA, la société mère de la seconde requérante, Henkel France, concernant une entente anticoncurrentielle sur le marché des détergents textiles domestiques dans huit États membres dont la France. L’affaire a été traitée conformément à la procédure de transaction instituée par le règlement (CE) n° 622/2008 de la Commission, du 30 juin 2008, modifiant le règlement (CE) n° 773/2004 en ce qui concerne les procédures de transaction engagées dans les affaires d’entente (JO L 171, p. 3). Les représentants de la première requérante ont obtenu l’accès aux documents contenus dans le dossier de la Commission, après avoir pris l’engagement de respecter la confidentialité desdits documents, conformément à l’article 10 bis, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 et 82 [CE], tel que modifié (JO L 123, p. 18). La procédure engagée par la Commission a été clôturée par la décision C (2011) 2528 final de la Commission, du 13 avril 2011, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.579 – Détergents domestiques), dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 2 juillet 2011 (JO C 193, p. 14).

2        Ainsi qu’il ressort de la décision C (2011) 2528, Henkel AG & Co. a été la première entreprise à informer la Commission de l’existence de l’entente en cause. Par conséquent, en application de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17 ; ci-après la « communication sur la clémence »), la Commission lui a fait bénéficier d’une immunité totale d’amendes, l’amende en cause étant fixée à zéro euro. En revanche, P&G et Unilever, qui avaient également déposé des demandes tendant au bénéfice de ladite communication, assorties de plusieurs documents, n’ont obtenu qu’une réduction du montant des amendes que la Commission leur a finalement imposées à hauteur de, respectivement, 211,2 millions d’euros et 104 millions d’euros.

3        Parallèlement à l’affaire COMP/39.579 instruite par la Commission, l’Autorité de la concurrence française (ci-après l’« ADLC ») a effectué une enquête fondée sur l’article 101 TFUE et les dispositions équivalentes en droit national, à savoir l’article L. 420‑1 du code de commerce français, concernant des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre dans le secteur des lessives en France qui avaient été portées à la connaissance de l’ADLC par quatre fabricants de lessives opérant sur le territoire français. Ceux‑ci avaient successivement sollicité auprès de l’ADLC le bénéfice de la procédure de clémence sur le fondement de l’article L. 464‑2 du code de commerce français. [confidentiel](1)

4        Ainsi qu’il ressort de l’article L. 461‑1 du code de commerce français, l’ADLC est une autorité administrative indépendante qui veille au libre jeu de la concurrence et apporte son concours au fonctionnement concurrentiel des marchés aux échelons européen et international. Les attributions qui lui sont confiées sont exercées par un collège composé de dix-sept membres, dont un président. Il ressort, en outre, de l’article L. 461‑4 du code de commerce français que l’ADLC dispose de services d’instruction dirigés par un rapporteur général qui nomme les rapporteurs généraux adjoints, les rapporteurs permanents ou non permanents et les enquêteurs des services d’instruction. Ces services procèdent aux investigations nécessaires à l’application, notamment, du titre II du livre IV du code de commerce français, qui comprend l’article L. 420‑1. L’article L. 461‑4 du code de commerce français prévoit, par ailleurs, qu’un conseiller auditeur possédant la qualité de magistrat ou offrant des garanties d’indépendance et d’expertise équivalentes est nommé auprès de l’ADLC. Celui‑ci recueille, le cas échéant, les observations des parties mises en cause et saisissantes sur le déroulement des procédures les concernant dès l’envoi de la notification des griefs. Il transmet au président de l’ADLC un rapport évaluant ces observations et proposant, si nécessaire, tout acte permettant d’améliorer l’exercice de leurs droits par les parties.

5        La procédure devant l’ADLC est régie par les articles L. 463‑1 à L. 463‑8 du code de commerce français. Conformément à l’article L. 463‑2 du même code, le rapporteur général ou un rapporteur général adjoint désigné par ce dernier notifie les griefs aux intéressés ainsi qu’au commissaire du Gouvernement, qui peuvent consulter le dossier et présenter leurs observations. À moins que le rapporteur général ne décide que l’affaire sera examinée par l’ADLC sans rapport, le rapport est notifié aux parties, au commissaire du Gouvernement et aux ministres intéressés. Ce rapport est accompagné des documents sur lesquels se fonde le rapporteur en charge du dossier et des observations faites, le cas échéant, par les intéressés, les parties disposant d’un délai de deux mois pour présenter un mémoire en réponse. Conformément à l’article L. 463‑7 du code de commerce français, les parties peuvent demander à être entendues par l’ADLC lors de la séance où l’affaire est évoquée. Celle‑ci n’est pas publique. L’ADLC peut, en outre, entendre toute personne dont l’audition lui paraît susceptible de contribuer à son information. Le rapporteur général ou le rapporteur général adjoint désigné par ce dernier et le commissaire du Gouvernement peuvent aussi présenter des observations.

6        Par lettre du 3 août 2010, adressée à la Commission, les requérantes ont identifié certains documents contenus dans le dossier de la procédure COMP/39.579 et elles ont indiqué les motifs pour lesquels elles estimaient que ces documents leur seraient très utiles dans leur défense dans l’affaire devant l’ADLC. [confidentiel]

7        La Commission a répondu à cette demande par courriel du 31 août 2010. Elle a, tout d’abord, indiqué que l’affaire COMP/39.579 était distincte de celle dont l’ADLC était saisie. Ensuite, elle a rappelé que les représentants de la première requérante s’étaient engagées à respecter la confidentialité des documents concernés et que cet engagement demeurait valable. Enfin, elle a indiqué aux requérantes que sa permission n’était pas nécessaire pour que celles-ci demandent à l’ADLC de solliciter, sur la base de l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la transmission des documents en cause. Elle a précisé que, dans l’hypothèse où les requérantes soumettraient une telle demande, elles devraient indiquer à l’ADLC qu’elles avaient identifié les documents en question dans leur lettre mentionnée au point précèdent. L’ADLC pourrait s’adresser à la Commission, si elle l’estimait nécessaire, pour obtenir une description des documents en question.

8        Par lettre du 14 septembre 2010, les requérantes se sont adressées au rapporteur général adjoint de l’ADLC en charge du dossier. Elles lui ont indiqué qu’elles considéraient que les documents dont il était question dans leur lettre du 3 août 2010 adressée à la Commission contenaient des éléments indispensables à l’exercice de leurs droits de la défense dans la procédure devant l’ADLC, dans la mesure où ils pourraient permettre, selon elles, de montrer la dimension internationale de l’affaire dont l’ADLC était saisie ou établir d’autres aspects importants de cette affaire. Elles ont, dès lors, invité l’ADLC à solliciter auprès de la Commission, conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la communication d’une copie des documents en cause.

9        Les services d’instruction de l’ADLC n’ont pas donné suite à la demande des requérantes. Aux paragraphes 366 à 371 de leur rapport du 16 décembre 2010, ils ont indiqué, notamment, ce qui suit :

[confidentiel]

10      Par lettre du 11 mars 2011, les requérantes, en application des dispositions de l’article R. 461‑9 du code de commerce français, ont saisi le conseiller auditeur de l’ADLC des difficultés qu’elles estimaient rencontrer dans l’exercice de leurs droits à l’occasion de la procédure devant l’ADLC, s’agissant de la non transmission des documents en cause par la Commission à l’ADLC. En outre, dans leurs observations sur le rapport mentionné au point précédent, les requérantes ont maintenu leur demande tendant à ce que l’ADLC sollicite auprès de la Commission les documents en cause.

11      Le 12 septembre 2011, le rapporteur général adjoint de l’ADLC en charge du dossier s’est adressé à la Commission. Après avoir rappelé les faits résumés aux points 8 à 10 ci‑dessus, il a ajouté ce qui suit :

« Compte tenu de l’insistance de Henkel, présentée sous le fondement de l’exercice effectif de ses droits à la défense, à obtenir le versement de[s documents en cause] dans le dossier [de l’affaire devant l’ADLC], je vous demande d’autoriser [l’ADLC] à accéder à ces pièces et à les verser dans son dossier […], afin qu’[elle] puisse les utiliser pour examiner si, comme l’indique Henkel, elles peuvent contribuer à établir un ‘faisceau d’indices démontrant l’existence d’une infraction unique complexe et continue’ ».

12      Le rapporteur général adjoint a indiqué, dans la même lettre, que la séance de l’ADLC était fixée au 18 octobre 2011 et que le conseiller auditeur devait rendre son rapport au président de l’ADLC, au plus tard dix jours ouvrables avant la séance.

13      Par lettre du 30 septembre 2011 mentionnant, notamment, en objet « Affaires COMP/39.579 – Détergents domestiques – et 09/0007 F » (ci‑après la « lettre du 30 septembre 2011 »), la Commission a indiqué à l’ADLC ne pas être en mesure de transférer les documents demandés, aux motifs que ceux‑ci, soumis par des entreprises autres que les requérantes et demandant la clémence, bénéficiaient d’une protection de confidentialité particulièrement élevée et qu’ils ne pouvaient, en outre, être utilisés comme moyen de preuve, en vertu de l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, que pour l’objet pour lequel ils avaient été recueillis. Or, la procédure COMP/39.579 et la procédure devant l’ADLC portaient, selon la Commission, sur des infractions différentes.

14      Le 3 octobre 2011, le conseiller auditeur de l’ADLC a rendu son rapport. Après avoir rappelé les faits résumés aux points 8 à 13 ci‑dessus, il a énoncé la conclusion suivante :

« Il apparaît ainsi que le service de l’instruction de l’[ADLC] a pris les mesures appropriées qu’il était en son pouvoir d’ordonner pour assurer le respect des droits de la défense, dans le sens dans lequel les parties entendaient les exercer. Dans ces conditions, il peut être considéré que toutes les facilités pour préserver l’exercice effectif de leurs droits ont bien été reconnues aux [requérantes] ».

15      Le 10 octobre 2011, les requérantes ont adressé une lettre au président de l’ADLC, dans laquelle elles contestaient les raisons invoquées par la Commission pour justifier son refus de transmettre les documents en question. Elles ont ajouté que, en dépit de l’intervention du conseiller auditeur, elles n’étaient toujours pas en mesure d’exercer leurs droits de la défense devant l’ADLC, étant dans l’impossibilité de débattre desdits documents lors de la séance de l’ADLC. Par conséquent, elles ont demandé à l’ADLC de reporter la séance.

16      Le 18 octobre 2011, les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, le commissaire du gouvernement et les représentants des requérantes ainsi que des autres sociétés mises en cause dans l’affaire devant l’ADLC ont été entendus lors de la séance de cette dernière. Au cours de la séance, les requérantes ont, notamment, demandé à l’ADLC de surseoir à statuer, au regard du refus de la Commission, exprimé par la lettre du 30 septembre 2011, de transmettre les documents dont il était question dans cette lettre.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 novembre 2011, les requérantes ont introduit le présent recours, dans lequel elles concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Commission contenue dans la lettre du 30 septembre 2011 ;

–        ordonner à la Commission de les autoriser à invoquer les documents demandés dans la procédure en cours devant l’ADLC, ou dans la procédure ultérieure devant la Cour d’appel de Paris ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        prendre tout autre mesure que le Tribunal jugera appropriée.

18      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 2 décembre 2011, les requérantes ont introduit une demande de procédure accélérée, sur le fondement de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal, ladite demande ayant été rejetée par décision du Tribunal (troisième chambre) du 5 janvier 2012.

19      Par un autre acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 2 décembre 2011 et enregistré sous la référence T‑607/11 R, les requérantes ont également présenté une demande en référé, au sens de l’article 279 TFUE et des articles 104 à 110 du règlement de procédure. Par ordonnance du président du Tribunal du 23 janvier 2012, Henkel et Henkel France/Commission (T‑607/11 R, non publiée au Recueil), cette demande en référé a été rejetée et les dépens ont été réservés.

20      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 16 février 2012, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure. Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

21      La Commission a informé le Tribunal, par cette occasion, que l’ADLC avait clôturé la procédure pendante devant elle par sa décision n° 11‑D‑17, du 8 décembre 2011. Dans cette décision, elle a constaté que plusieurs sociétés, dont les requérantes, avaient enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE et l’article L. 420‑1 du code de commerce français par leur participation à une entente anticoncurrentielle dans le secteur des lessives standards pratiquée à l’égard de la grande distribution en France. En conséquence, elle a imposé, notamment, aux requérantes une amende de plus de 90 millions d’euros. La Commission a produit une copie de cette décision en annexe à son exception d’irrecevabilité.

22      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 février 2012, le Royaume de Danemark a demandé à intervenir au soutien des conclusions des requérantes. Par ordonnance du 10 mai 2012, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 22 juin 2012, le Royaume de Danemark a renoncé à déposer un mémoire en intervention limité à la recevabilité.

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 mars 2012, Unilever PLC et Unilever NV ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. La Commission et les requérantes ont présenté leurs observations sur cette demande, respectivement, les 19 et 24 avril 2012.

24      Les requérantes ont présenté leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité le 5 avril 2012. Dans ces observations, elles ont modifié le deuxième chef de conclusions présenté dans la requête en concluant à ce qu’il plaise au Tribunal ordonner à la Commission de les autoriser à invoquer les documents, demandés dans la procédure en cours devant la Cour d’appel de Paris, dans le cadre du recours qu’elles ont formé contre la décision de l’ADLC mentionnée au point 21 ci‑dessus, ou devant l’ADLC au cas où cette dernière déciderait de rouvrir l’examen de l’affaire. Pour le surplus, elles ont réitéré les autres chefs de conclusions présentés dans leur requête.

25      Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a invité, d’une part, les parties à répondre à une question et, d’autre, part, les requérantes à répondre à une autre question et à produire un document. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti, à l’exception du Royaume de Danemark qui, par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 22 juin 2012, a renoncé à répondre à la question que le Tribunal avait posée à toutes les parties.

 En droit

26      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Aux termes du paragraphe 4 du même article, le Tribunal statue sur la demande ou la joint au fond.

27      Par ailleurs, en vertu de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non‑recevoir d’ordre public ou constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer. La décision est prise dans les conditions prévues à l’article 114, paragraphes 3 et 4, du règlement de procédure.

28      En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est suffisamment éclairé par les pièces versées au dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

 Sur le deuxième et quatrième chefs de conclusions

29      La Commission excipe de l’irrecevabilité des deuxième et quatrième chefs de conclusions présentés par les requérantes. Elle rappelle, dans ce contexte, la jurisprudence selon laquelle il n’appartient pas au juge de l’Union, saisi d’un recours en annulation d’une décision d’une institution, d’adresser à cette dernière des injonctions. Elle relève, en outre, que, selon elle, la question d’une éventuelle utilisation des documents concernés par la lettre du 30 septembre 2011 dans le cadre d’une procédure judiciaire ultérieure se situe entièrement en dehors du champ d’application d’une hypothétique décision contenue dans cette lettre.

30      Les requérantes répondent que si le Tribunal n’annule pas la décision de la Commission qui, selon elles, est contenue dans cette lettre et s’il n’ordonne pas à la Commission de les autoriser à utiliser les documents en question dans la procédure pendante devant la Cour d’appel de Paris, elles se trouveront dans l’impossibilité d’exercer leurs droits de la défense dans cette procédure, dès lors qu’elles ne disposent pas de la possibilité de contester de manière distincte les engagements de confidentialité qu’elles avaient pris envers la Commission, en ce qui concerne lesdits documents. Elles ajoutent que la question relative à l’utilisation des documents en question ne se situe pas en dehors du champ d’application de la décision qui, selon elles, figure dans la lettre du 30 septembre 2011, dès lors que la Commission devait être consciente du fait que la demande de l’ADLC qui a donné lieu à cette décision avait été formée dans leur intérêt.

31      Ainsi que le rappelle à juste titre la Commission, il ressort d’une jurisprudence constante que, dans le cadre du contrôle de légalité, le juge de l’Union n’est pas compétent pour prononcer des injonctions, et ce quel que soit la nature ou le contenu de l’acte attaqué (voir arrêt de la Cour du 22 janvier 2004, Mattila/Conseil et Commission, C‑353/01 P, Rec. p. I‑1073, point 15, et la jurisprudence citée ; ordonnance du Tribunal du 20 juin 2011, Marcuccio/Commission, T‑256/10 P, non encore publiée au Recueil, point 66).

32      Il s’ensuit, en l’espèce, que le deuxième chef des conclusions des requérantes, qui tend précisément à ce que le Tribunal adresse une injonction à la Commission, doit être rejeté comme irrecevable, et ce sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la licéité de sa modification par les requérantes dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité. Cette conclusion n’est pas remise en question par l’argument des requérantes selon lequel, si elles ne sont pas autorisées à utiliser devant la Cour d’appel de Paris, les documents visés par la lettre du 30 septembre 2011, leurs droits de la défense s’en trouveront affectés. Il suffit de rappeler, à cet égard, que les requérantes ont également conclu à l’annulation de la décision de la Commission qui, selon elles, figure dans cette lettre et que si cette demande aboutit, il appartiendra à la Commission, conformément à l’article 266 TFUE, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation et d’assurer, ainsi, le respect de tout droit des requérantes susceptible d’être affecté de manière négative par ladite décision.

33      S’agissant du quatrième chef des conclusions des requérantes, celui‑ci tend à ce que le Tribunal prenne tout autre mesure qu’il jugera appropriée, sans que les requérantes aient explicité la nature et la portée des mesures dont elles demandent l’adoption. Il y a lieu de relever, à cet égard, que, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, la requête introductive d’instance contient les conclusions du requérant, qui doivent être formulées de manière claire et précise (arrêt du Tribunal du 16 mars 2009, R/Commission, T‑156/08 P, non encore publié au Recueil, point 29). Tel n’est manifestement pas le cas de ce chef de conclusions, lequel doit, par voie de conséquence, être également rejeté comme irrecevable.

 Sur la demande en annulation

34      Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission fait valoir, à titre principal, que la lettre du 30 septembre 2011 ne constitue pas un acte susceptible de recours. À titre subsidiaire, elle soutient que, à supposer même que ladite lettre comporte une décision susceptible de recours, cette décision a été retirée et remplacée par une autre, figurant dans une lettre adressée par la Commission à l’ADLC le 23 novembre 2011. À titre encore plus subsidiaire, elle fait valoir que, à la suite de l’adoption, par l’ADLC, de sa décision dans l’affaire qui était pendante devant elle, les requérantes n’ont plus d’intérêt à l’annulation de la décision prétendument contenue dans la lettre du 30 septembre 2011. La Commission conteste également l’intérêt des requérantes à solliciter l’annulation de la décision prétendument contenue dans la lettre du 30 septembre 2011, en faisant valoir que, en admettant la compétence de l’ADLC dans la procédure qui concerne l’affaire française, les requérantes admettent que les documents en cause relèvent spécifiquement de l’affaire COMP/39.579 qui n’a pas le même objet que l’affaire traitée par l’ADLC.

35      Il convient de constater que l’argumentation avancée par la Commission dans son exception d’irrecevabilité pose non seulement la question de la recevabilité du recours, mais également celle de la constatation d’un éventuel non‑lieu à statuer. En effet, selon la jurisprudence, l’intérêt à agir d’un requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui‑ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non‑lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec p. I‑4333, point 42, et la jurisprudence citée).

36      En l’espèce, s’il devait s’avérer que, après l’introduction du recours, l’intérêt à agir des requérantes a disparu, il ressort de la jurisprudence citée au point précédent, que cette circonstance justifie de constater que la demande en annulation est devenue sans objet et qu’il n’y pas lieu de statuer sur celle‑ci, et non de la rejeter, ainsi que le demande la Commission. Or, les parties ayant été entendues sur l’argumentation susvisée de la Commission, le Tribunal peut, conformément à l’article 113 du règlement de procédure, et sans méconnaître le principe du contradictoire, effectuer une telle constatation au besoin d’office.

37      Dans ces conditions, avant d’analyser, le cas échéant, la question de savoir si la lettre du 30 septembre 2011 contient une décision de la Commission, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation et, dans l’affirmative, si cette décision a été retirée par la lettre du 23 novembre 2011, invoquée par la Commission, il convient, en partant de la prémisse que la première de ces deux questions doit recevoir une réponse affirmative et la seconde une réponse négative, d’examiner si, à la suite des développements subséquents à l’introduction du recours, les requérantes conservent un intérêt à agir.

38      Il convient de constater, à cet égard, que la demande de transmission à l’ADLC des documents en cause a été soumise, par la lettre du 12 septembre 2011 mentionnée au point 11 ci‑dessus, par le rapporteur général adjoint de l’ADLC en charge du dossier et faisait suite à une demande en ce sens des requérantes, du 14 septembre 2010, rejetée par les services d’instruction de l’ADLC, mais réitérée par les requérantes. Il ne ressort pas des termes de la lettre du 12 septembre 2011 que le rapporteur général adjoint ait entendu remettre en question les appréciations des services d’instruction les ayant conduits à ne pas donner suite à la demande initiale des requérantes. Celui‑ci a plutôt préféré transmettre cette demande à la Commission compte tenu de l’insistance des requérantes sur la transmission des documents en question et dans un souci de compléter le dossier mis à la disposition du collège de l’ADLC qui allait trancher l’affaire.

39      Par ailleurs, il ressort des informations mentionnées aux points 15 et 16 ci‑dessus que les requérantes ont eu l’occasion de présenter au collège de l’ADLC, tant par écrit qu’oralement, les motifs pour lesquels elles estimaient que les documents en cause devaient être versés au dossier de l’affaire devant l’ADLC. Par cette occasion, elles ont également demandé à l’ADLC de reporter sa séance, fixée au 18 octobre 2011, puis, à la suite du rejet de cette première demande, de surseoir à statuer.

40      S’agissant de la lettre de la Commission du 23 novembre 2011, mentionnée par cette dernière dans son exception d’irrecevabilité, elle a été produite en annexe à cette exception. Il résulte de sa lecture que, par cette lettre, la Commission a indiqué à l’ADLC qu’elle avait « réexaminé sa position initiale indiquée dans [l]a lettre datée du 30 septembre 2011 ». Ce réexamen l’aurait conduite à envisager « d’éventuelles modalités qui permettraient à l’[ADLC] d’étudier les documents  en question ». Elle a ainsi informé l’ADLC qu’elle s’était parallèlement adressée à P & G et Unilever, afin d’obtenir leur accord pour une éventuelle transmission des documents en question. Elle a ajouté que, dans le cas où l’une ou l’autre de ces parties refuserait de donner son accord pour la transmission de ces documents à l’ADLC, elle serait néanmoins disposée à les transmettre à cette dernière, si celle‑ci lui donnait l’engagement de ne pas les utiliser afin d’infliger des sanctions aux demandeurs de mesures de clémence et à toute autre personne morale ou physique couverte par ce traitement favorable ou à leurs salariés ou anciens salariés, ainsi que le prévoit le paragraphe 41, sous 2, de la communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence (JO 2004 C 101, p. 43). Elle a dès lors prié l’ADLC de lui faire parvenir cet engagement et de « confirmer que les garanties nécessaires pour autoriser le transfert des documents, telles que mentionnées au point 35 de la communication sur la clémence, seront prises ».

41      Par lettre du 5 décembre 2011, également produite par la Commission en annexe à son exception d’irrecevabilité, le président de l’ADLC a répondu à la lettre de la Commission, du 23 novembre 2011. Il a indiqué que la procédure contradictoire dans l’affaire devant l’ADLC était terminée et que les services d’instruction avaient été dessaisis de l’affaire, qui était déjà en délibéré. Il a poursuivi en indiquant que, « [e]n conséquence, une communication des pièces en cause n’[avait] plus lieu d’être, sauf pour le collège à renvoyer l’affaire à l’instruction en vue d’un supplément d’instruction et d’un nouveau débat contradictoire avec les parties, si cela se justifi[ait] ». En outre, il a indiqué que l’ADLC pouvait, comme il lui était demandé, fournir la garantie prévue au point 35 de la communication sur la clémence, mais que, en revanche, il lui était impossible de donner l’engagement visé au point 41, sous 2, de la communication de la Commission relative à la coopération au sein du réseau des autorités de concurrence.

42      À la suite de ce développement, la Commission a informé les requérantes, par une lettre du 7 décembre 2011, également jointe en copie à l’exception d’irrecevabilité et à l’encontre de laquelle celles-ci ont d’ailleurs introduit un recours distinct (affaire Henkel et Henkel France/Commission, T‑64/12), qu’il demeurait impossible de transmettre les documents en cause à l’ADLC.

43      Dans sa décision du 8 décembre 2011, l’ADLC a examiné et rejeté la demande de sursis à statuer présentée par les requérantes (voir point 16 ci‑dessus). En premier lieu, elle a relevé, au paragraphe 357 de cette décision, que l’exercice légitime des droits de la défense des requérantes était organisé dans le cadre de la procédure menée par l’ADLC conformément aux dispositions pertinentes du code de commerce français. En demandant à la Commission de lui transférer les documents sollicités par Henkel, l’ADLC aurait accepté d’aller au-delà du débat contradictoire organisé par le code de commerce français. La circonstance que, à la date de la séance de l’ADLC et de sa décision, les requérantes n’ont pas pu obtenir les documents en question ne serait pas imputable à l’ADLC et ne pourrait pas constituer une violation des obligations de cette dernière, dont le périmètre serait défini, eu égard à l’autonomie procédurale dont jouissent les États membres en la matière, par les dispositions pertinentes du code de commerce français.

44      En deuxième lieu, l’ADLC a examiné, aux paragraphes 358 à 360 de sa décision, d’une part, la nature des liens existant entre les documents en cause et l’objet de l’affaire devant elle et, d’autre part, en quoi ces documents pouvaient influencer concrètement l’exercice des droits de la défense des requérantes. Sur le premier point, l’ADLC a constaté qu’il s’agissait de documents relatifs à une affaire ayant pour objet une pratique anticoncurrentielle que la Commission avait elle‑même qualifiée de distincte de celle pendante devant l’ADLC. L’ADLC a, donc, considéré qu’il convenait de reconnaître que le lien entre lesdits documents et l’affaire devant l’ADLC n’était pas « si étroit que le prétend[aient] » les requérantes. Sur le deuxième point, l’ADLC a constaté que, de l’aveu même des requérantes, les documents en cause n’étaient demandés ni pour contester sa compétence aux fins d’examiner et éventuellement de sanctionner les faits dont elle était saisie, ni pour remettre en cause l’exactitude de ceux‑ci, leur qualification juridique ou leur imputabilité. La transmission desdits documents aurait plutôt été sollicitée pour démontrer que l’infraction française était « impulsée » ou « complétée » par un volet européen à propos duquel la Commission et l’ADLC auraient l’une et l’autre refusé, à tort selon les requérantes, d’ouvrir une procédure. Or, selon l’ADLC, une telle argumentation était inopérante à son égard, dès lors que c’était le seul grief notifié par les services d’instruction qui circonscrivait le champ de l’affaire pouvant être traitée par elle et, par conséquent, l’étendue des droits de la défense ouverts aux parties mises en cause par ce grief.

45      En troisième lieu, l’ADLC a relevé, au paragraphe 361 de sa décision, que c’était par leur propre comportement que les requérantes se trouvaient dans une situation dont elles prétendaient qu’elle était préjudiciable à leurs droits de la défense. La première requérante serait, en effet, l’une des parties en cause dans l’affaire traitée par la Commission. Elle aurait, de son propre choix, décidé d’entrer en voie de transaction avec la Commission, admis les griefs que celle‑ci lui reprochait et renoncé à introduire un recours contre sa décision, alors même qu’elle prétendait, devant l’ADLC, que l’infraction examinée par la Commission était en réalité plus vaste que celle réprimée par la décision de cette dernière, au point d’englober ou de compléter la pratique en cause devant l’ADLC. Dans ces conditions, l’ADLC a considéré, au paragraphe 362 de sa décision, qu’il était quelque peu paradoxal que les requérantes aient invoqué la méconnaissance de leurs droits de la défense devant elle, à propos d’une autre affaire, « alors que la partie a renoncé d’elle‑même à les exercer devant l’institution de l’Union compétente et au moment où un tel débat aurait pu être opérant ».

46      En outre, aux paragraphes 710 à 744 de sa décision, l’ADLC a exposé que les requérantes étaient la deuxième entreprise à présenter devant elle une demande de clémence relative aux pratiques en cause et pouvaient, dès lors, bénéficier d’une exonération partielle de sanction. Elles auraient fait état d’éléments qui auraient contribué à établir la réalité des pratiques dénoncées et représenté une valeur ajoutée significative. Jusqu’au moment où, par lettre du 22 avril 2010, la Commission a confirmé aux services d’instruction de l’ADLC que sa décision d’ouvrir une procédure devant elle ne portait en rien sur les griefs notifiés aux requérantes par l’ADLC, les positions exprimées par les requérantes au sujet de l’articulation entre les deux procédures auraient pu être considérées comme entrant dans le cadre de l’exercice de leurs droits de la défense. En revanche, le fait que les requérantes ont continué, postérieurement à la réception de cette lettre de la Commission, à faire valoir à l’égard des services d’instruction de l’ADLC qu’il leur incombait de prouver l’absence d’unité entre les pratiques qu’ils examinaient et celles examinées par la Commission, n’aurait pas été justifiable et aurait dû conduire à la conclusion que les requérantes n’avaient pas pleinement respecté les obligations découlant de leur devoir de coopération. Compte tenu de ces considérations, l’ADLC a fixé le taux de réduction de la sanction encourue par les requérantes à 25 %, « soit un chiffre compris dans la fourchette envisagée par l’avis de clémence […] mais inférieur aux 30 % auxquels elle[s] prétend[aient], au minimum, avoir droit ».

47      Au regard de tout ce qui précède, il convient de constater que, au moment où elle a arrêté sa décision, l’ADLC était consciente des motifs pour lesquels les requérantes estimaient que les documents visés par la lettre du 30 septembre 2011 présentaient une pertinence pour l’affaire devant elle et leur étaient, selon elles, indispensables pour l’exercice de leurs droits de la défense. Elle était également consciente des termes de la lettre de la Commission, du 23 novembre 2011. En effet, c’était le président de l’ADLC, lequel a présidé la séance du 18 octobre 2011 et signé la décision du 8 décembre 2011, qui avait répondu à cette lettre, par sa lettre du 5 décembre 2011.

48      Or, pour les motifs exposés dans sa décision et résumés aux points 43 à 46 ci‑dessus, que, le cas échéant, il appartient à la juridiction nationale compétente de contrôler, l’ADLC a estimé qu’il ne convenait pas de surseoir à statuer tant que les documents contenus dans le dossier de l’affaire devant la Commission et visés par la lettre du 30 septembre 2011 ne lui avaient pas été transmis, mais que, au contraire, elle était en droit, même en l’absence desdits documents, de se prononcer quant au fond sur l’affaire dont elle avait à connaître.

49      De plus, il convient de constater que les motifs ayant justifié cette décision de l’ADLC ne tenaient pas au fait que la Commission avait refusé la transmission des documents en cause, demandée par la lettre du rapporteur général adjoint du 12 septembre 2011, et ce d’autant plus que, par sa lettre du 23 novembre 2011, la Commission s’était déclarée prête à revenir, sous certaines conditions, sur ce refus. Il ressort des points 43 à 45 ci‑dessus, que l’ADLC a, en substance, considéré que la transmission des documents en cause n’étaient pas nécessaire pour assurer le respect des droits de la défense des requérantes et que, au demeurant, ces documents ne présentaient aucune pertinence pour l’analyse de l’affaire dont elle était saisie.

50      Dans ces conditions, force est de constater que cette décision de l’ADLC a privé la demande adressée à la Commission par la lettre du 12 septembre 2011 de son objet. En effet, il ressort des termes utilisés par le rapporteur adjoint général dans cette lettre que, sans partager l’argumentation des requérantes quant à la pertinence des documents en cause pour l’affaire devant l’ADLC, celui‑ci avait décidé de demander la transmission des documents en cause pour compléter le dossier qui serait soumis au collège de l’ADLC. Or, ce dernier a indiqué dans sa décision du 8 décembre 2011, en des termes claires et précis, qu’il n’avait aucun besoin des documents en question pour statuer dans l’affaire dont il était saisi.

51      Partant, à la suite de l’adoption de la décision de l’ADLC du 8 décembre 2011, la demande contenue dans la lettre du 12 septembre 2011 et, par voie de conséquence, la réponse de la Commission telle qu’elle figure dans la lettre du 30 septembre 2011 ainsi que la demande en annulation de la décision prétendument contenue dans cette dernière lettre ont été privés de leur objet. Il ne saurait, en effet, être considéré que les requérantes conservent un intérêt à l’annulation de cette prétendue décision, et ce d’autant plus que l’adoption de la décision de l’ADLC a mis fin à la procédure devant elle, de sorte qu’il n’existe plus d’étape procédurale au cours de laquelle ces documents pourraient être examinés, dans l’hypothèse où il serait fait droit à la demande d’annulation et où ils seraient transmis par la Commission à l’ADLC.

52      Dans ces circonstances, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres arguments de la Commission, tendant au rejet de la demande en annulation comme irrecevable, il convient de constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ladite demande.

53      Cette conclusion n’est pas remise en question par l’argumentation en sens contraire avancée par les requérantes. Ces dernières font valoir qu’elles ont encore un intérêt légitime à l’annulation de la prétendue décision de la Commission, afin de pouvoir utiliser les documents dans la procédure devant la Cour d’appel de Paris ou, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure future devant l’ADLC, si cette dernière décidait de rouvrir l’affaire.

54      Les requérantes, expliquent, à cet égard, qu’elles doivent pouvoir invoquer les documents en question dans la procédure en cours devant la Cour d’appel de Paris, faute de quoi elles ne pourraient pas être en mesure de faire aboutir le recours qu’elles ont introduit contre la décision de l’ADLC et exercer, ainsi, leur droit à une protection juridictionnelle effective. Par ailleurs, la Cour d’appel de Paris aurait elle‑même besoin des documents en cause, car sinon elle ne disposerait de toutes les informations nécessaires pour pouvoir statuer sur l’affaire pendante devant elle. Les requérantes soutiennent, à cet égard, que, en application de l’article 4, paragraphe 3, TUE, la Commission est soumise à l’obligation de fournir à une juridiction nationale appliquant l’article 101 TFUE, toutes les preuves pertinentes et elle doit, à cet égard, procéder à une appréciation analogue à celle à laquelle elle a procédé à la suite de la demande de l’ADLC, tendant à la transmission des documents en cause. Conclure que le recours est devenu sans objet à la suite de l’adoption de la décision de l’ADLC serait manifestement injuste pour les requérantes, dès lors que cela signifierait que la Commission pourrait se libérer de ses obligations de coopération avec une autorité nationale de concurrence, en retardant la transmission des documents demandés par cette dernière, jusqu’à ce que celle‑ci ait clôturé la procédure devant elle.

55      Au regard de cette argumentation, il y a d’abord lieu de rappeler que la décision prétendument contenue dans la lettre du 30 septembre 2011 ne concernait pas une demande émanant des requérantes et tendant à ce qu’elles soient autorisées à utiliser les documents visés par cette décision. Elle répondait à une demande du rapporteur général adjoint de l’ADLC en charge du dossier et visait à la transmission desdits documents, afin que le collège de l’ADLC ait pu en disposer au moment où il allait adopter sa décision. Ainsi, une annulation de la décision en question obligerait la Commission à revoir, à la lumière des motifs de l’annulation, sa réponse à la demande de l’ADLC et, le cas échéant, à transmettre à cette dernière les documents demandés. Or, pour les motifs déjà exposés ci-dessus, une telle annulation n’a plus d’objet.

56      En revanche, elle ne signifierait pas automatiquement, comme les requérantes semblent le considérer, que ces dernières seraient libres d’utiliser les copies des documents concernés dont elles disposent déjà.

57      Quant à l’argument des requérantes tiré de ce que la Cour d’appel de Paris doit disposer des documents en cause pour trancher l’affaire dont elle est saisie, il y a lieu de rappeler que la Cour d’appel de Paris est appelée à contrôler la décision de l’ADLC qui a elle-même statué sur l’affaire dont elle était saisie sans disposer desdits documents. Ainsi qu’il a déjà été relevé, il appartiendra, le cas échéant, à la Cour d’appel de Paris de se prononcer, dans ce contexte, sur les motifs ayant justifié la décision de l’ADLC de ne pas surseoir à statuer tant qu’elle ne disposait pas des documents en cause.

58      Il ne saurait néanmoins être exclu que la Cour d’appel de Paris, dans le cadre de son appréciation souveraine des exigences de la procédure devant elle, décide qu’elle doit pouvoir disposer des documents visés par la demande de transmission du 12 septembre 2011, et ce bien que l’ADLC n’en ait pas disposé lorsqu’elle a adopté sa décision. Toutefois, dans un tel cas, il appartiendra à la Cour d’appel de Paris de saisir, conformément aux règles régissant la procédure devant elle, la Commission d’une demande aux fins de transmission desdits documents. En revanche, une éventuelle annulation de la décision prétendument contenue dans la lettre du 30 septembre 2011 ne conduira pas automatiquement, contrairement à ce que semblent considérer les requérantes, à la transmission des documents en question à la Cour d’appel de Paris.

59      Il ressort des considérations qui précèdent qu’il convient de constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’annulation formée par les requérantes et de rejeter, pour le surplus, le recours comme irrecevable.

60      Dans ces conditions, il n’y a pas non plus lieu de statuer sur la demande en intervention présentée par Unilever PLC et Unilever NV.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En outre, conformément au paragraphe 4, premier alinéa, du même article, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Enfin, aux termes du paragraphe 6 de ce même article, en cas de non‑lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

62      En l’espèce, la Commission a conclu à la condamnation des requérantes aux dépens. Ces dernières ont succombé en ce qui concerne leurs deuxième et quatrième chefs de conclusions. En outre, le Tribunal constate qu’elles ont poursuivi la procédure alors même qu’il apparaissait à l’évidence, à la suite de l’adoption de la décision de l’ADLC peu après l’introduction du recours, que la demande en annulation avait été privée de son objet. Par conséquent, il convient de condamner les requérantes à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, y compris ceux afférents à la procédure de référé. Quant au Royaume de Danemark, il supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a pas lieu de statuer sur le premier chef de conclusions du recours, tendant à l’annulation de la décision de la Commission européenne prétendument contenue dans sa lettre du 30 septembre 2011, adressée à l’Autorité de la concurrence française.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’intervention d’Unilever PLC et Unilever NV.

4)      Les requérantes, Henkel AG & Co. KGaA et Henkel France, supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, y compris ceux afférents à la procédure de référé dans l’affaire T-607/11 R. Le Royaume de Danemark supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 7 mars 2013.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       O. Czúcz


* Langue de procédure : l’anglais.


1 Données confidentielles occultées.