Language of document : ECLI:EU:T:2003:225

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

10 septembre 2003(1)

«Rapport de notation - Guide de la notation - Changement de notateur au cours de la période de notation - Irrégularités substantielles»

Dans l'affaire T-165/01,

Hans McAuley, fonctionnaire du Conseil de l'Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes J.-N. Louis et S. Orlandi, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. F. Anton et A. Pillette, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du Conseil du 15 septembre 2000 portant établissement du rapport de notation définitif du requérant pour la période allant du 1er juillet 1997 au 30 juin 1999,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de Mme V. Tiili, président, MM. P. Mengozzi et M. Vilaras, juges,

greffier: M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 21 mai 2003,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique du litige

1.
    L'article 43, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose:

«La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire [...] font l'objet d'un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l'article 110.»

2.
    La décision du Conseil du 19 octobre 1981 fixant les dispositions générales d'exécution de l'article 43 du statut (ci-après les «DGE») et le guide de la notation adopté par le Conseil (Communication au personnel du 28 juillet 1989, n° 99/89, ci-après le «guide de la notation») précisent les modalités d'établissement des rapports de notation.

Faits à l'origine du litige

3.
    Le requérant est traducteur de grade LA 4 à la division anglaise du service linguistique du secrétariat général du Conseil.

4.
    Le 9 septembre 1998, par communication au personnel n° 112/98, le Conseil a publié un avis de vacance concernant l'emploi, de grade LA 3, de chef de la division anglaise. Par lettre du 2 décembre 1998, le président de la commission consultative de promotion pour le cadre LA a invité tous les fonctionnaires de grade LA 4 de la division anglaise, ainsi que les fonctionnaires anglophones de la coordination linguistique et du service des juristes linguistes ayant ce grade et l'ancienneté requise, à manifester leur intérêt pour les emplois, de grade LA 3, de chef de la division anglaise et de conseiller linguistique de la même division.

5.
    Le requérant s'est porté candidat à ces deux postes.

6.
    Le 15 décembre 1998, suivant l'avis unanime de la commission consultative de promotion, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») a nommé M. B. à l'emploi de chef de la division anglaise et Mme K. à l'emploi de conseiller linguistique.

7.
    Saisi par le requérant d'un recours en annulation dirigé contre ces nominations, le Tribunal a, par arrêt du 14 juin 2001, annulé la décision du Conseil portant nomination de Mme K. à l'emploi de conseiller linguistique et rejeté le recours pour le surplus (arrêt McAuley/Conseil, T-230/99, RecFP p. I-A-127 et II-583).

8.
    Depuis le 15 décembre 1998, date de leur nomination, le requérant a travaillé sous l'autorité hiérarchique de M. B. et de Mme K.

9.
    Le 4 janvier 2000, M. B., en sa qualité de premier notateur, a transmis au requérant un projet de rapport de notation pour la période allant du 1er juillet 1997 au 30 juin 1999. Les appréciations analytiques contenues dans ce rapport comportaient trois «excellent», neuf «très bon» et un «passable» concernant la rubrique «relations humaines». Dans la partie consacrée aux appréciations générales figuraient les remarques suivantes du notateur:

«Pendant une période d'un mois au début de l'année 1999, le rendement de M. McAuley a été réduit en raison de circonstances extérieures au présent rapport. En outre, au cours des six derniers mois de la période de notation, des problèmes se sont posés s'agissant de sa conduite dans le service. Il considère que l'autorité investie du pouvoir de nomination a commis une injustice à propos de sa carrière. Par la suite, ses relations avec ses supérieurs hiérarchiques, à savoir moi-même, le conseiller linguistique de la division et le directeur de la traduction se sont dégradées. Cette situation a été exacerbée par la lenteur de la procédure de réclamation. J'estime que par moments, bien que non systématiquement, les relations de M. McAuley avec ces trois membres du personnel ont été inacceptables. Il convient de souligner, cependant, que ces problèmes de conduite ne concernaient que les six derniers mois de la période de notation.»

10.
    Le requérant a demandé une révision de ce projet. Un second projet de rapport de notation lui a été transmis par M. B. le 27 janvier 2000. Les appréciations analytiques contenues dans ce deuxième rapport demeuraient inchangées. En revanche, le dernier paragraphe de la partie contenant les appréciations générales avait été modifié de la manière suivante:

«Pendant une période d'un mois au début de l'année 1999, le rendement de M. McAuley a été réduit. En outre, au cours des six derniers mois de la période de notation, des problèmes se sont posés s'agissant de sa conduite dans le service. En particulier, ses relations avec ses supérieurs hiérarchiques, à savoir moi-même et le conseiller linguistique de la division, se sont dégradées. J'estime que par moments, bien que non systématiquement, les relations de M. McAuley avec la direction de la division ont été inacceptables. Il convient de souligner, cependant, que ces problèmes de conduite ne concernaient que les six derniers mois de la période de notation. J'ignore quelles étaient les relations de M. McAuley avec ses supérieurs avant ma nomination au poste de chef de division.»

11.
    En désaccord avec ce second projet de rapport de notation, le requérant a, par lettre du 9 février 2000, sollicité la saisine du deuxième notateur. Le 17 février 2000, M. F. H., en sa qualité de deuxième notateur, a transmis au requérant un nouveau projet de rapport, dans lequel les appréciations analytiques avaient été maintenues et aucune modification substantielle n'avait été apportée au dernier paragraphe de la partie relative aux appréciations générales.

12.
    Par note du 30 mars 2000, le requérant a saisi le comité des rapports en demandant la révision de l'appréciation analytique «passable» concernant la rubrique «relations humaines» et de l'appréciation analytique «très bon» concernant les rubriques «compréhension» et «régularité.»

13.
    Le 14 juillet 2000, le comité des rapports a rendu son avis. Après avoir constaté que, en l'espèce, l'appréciation analytique «passable» concernant la rubrique «relations humaines» était explicitement fondée uniquement sur les relations du noté avec ses nouveaux supérieurs hiérarchiques et que la période de six mois suivant les nominations de ces derniers était trop courte par rapport à la totalité de la période de notation, le comité a recommandé de relever cette appréciation de «passable» à «bon» et de reformuler l'appréciation d'ordre général concernant les relations du noté avec ses supérieurs hiérarchiques de la façon suivante:

«Pendant une période d'un mois au début de l'année 1999, le rendement de M. McAuley a été réduit. En outre, au cours des six derniers mois de la période de notation, ses relations avec ses supérieurs hiérarchiques, à savoir le chef de la division et le conseiller linguistique, se sont dégradées d'une façon regrettable.»

14.
    S'agissant de la demande de relèvement de l'appréciation «très bon» pour les rubriques «compréhension» et «régularité», le comité, après avoir entendu le requérant et constaté que ce dernier n'entendait pas insister sur ce point, n'a pas considéré nécessaire de se prononcer à cet égard.

15.
     Le 15 septembre 2000, M. F. H. a transmis au requérant son rapport de notation définitif (ci-après la «décision attaquée»).

16.
    Dans ce rapport, le deuxième notateur a déclaré ne pas partager l'avis du comité des rapports quant au relèvement de l'appréciation «passable» pour la rubrique «relations humaines». Dans le dernier paragraphe de la partie relative aux appréciations d'ordre général, qui a été, pour le reste, reformulé suivant les indications du comité des rapports, le maintien de cette appréciation a été motivé comme suit:

«Je considère que par moments, bien que non systématiquement, les relations de M. McAuley avec la direction de la division ont été inappropriées pour un fonctionnaire de ce grade et qu'elles sont tombées en dessous du niveau élevé qui était le sien. Par conséquent, je ne peux qualifier sa conduite que de ‘passable' parce qu'elle ne correspondait pas au ‘niveau élevé que l'on est en droit d'attendre d'un fonctionnaire de la Communauté'.»

17.
    Le 14 décembre 2000, le requérant a introduit une réclamation à l'encontre de ladite décision.

18.
    Par décision explicite du 9 avril 2001, l'AIPN a rejeté la réclamation du requérant.

Procédure et conclusions des parties

19.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juillet 2001, le requérant a introduit le présent recours.

20.
    La procédure écrite a été close le 18 janvier 2002.

21.
    À titre de mesures d'organisation de la procédure, le Conseil a été invité à répondre à une question écrite du Tribunal et à produire un certain nombre de documents. Il a été déféré à cette demande dans les délais impartis.

22.
    Les parties ont été entendues dans leurs plaidoiries et dans leurs réponses aux questions du Tribunal à l'audience du 21 mai 2003.

23.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner le Conseil aux dépens.

    

    

24.
    Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

En droit

25.
    Le requérant soulève deux moyens à l'appui de son recours. Le premier moyen est pris de la violation du devoir de réserve, de la violation de l'article 43 du statut et du guide de la notation ainsi que de la violation des principes de non-discrimination, de bonne administration et de bonne gestion. Le deuxième moyen est tiré d'un défaut de motivation ainsi que d'une violation de l'article 26 du statut et des droits de la défense et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur le premier moyen, pris de la violation du devoir de réserve, de la violation de l'article 43 du statut et du guide de la notation ainsi que de la violation des principes de non-discrimination, de bonne administration et de bonne gestion

Arguments des parties

26.
    Le requérant fait observer que le rapport de notation contesté a été établi par M. B., en qualité de premier notateur, après consultation de Mme K., et par M. F. H., en qualité de deuxième notateur. Compte tenu de la circonstance que, au moment de l'établissement dudit rapport, un recours en annulation mettant en cause les nominations de M. B. et de Mme K. était pendant devant le Tribunal, le requérant estime que ni ces derniers ni M. F. H., qui était membre de la commission de promotion qui a proposé leurs nominations, ne possédaient le recul, l'indépendance et l'impartialité requis pour procéder à sa notation. Ils auraient dû, par conséquent, se récuser.

27.
    Selon le requérant, compte tenu de l'importance du rapport de notation et afin d'assurer le respect du principe de la vocation à la carrière de tout fonctionnaire et du principe de non-discrimination, il est essentiel que le travail des notateurs se déroule suivant des critères d'impartialité et d'objectivité, ce qui, compte tenu des circonstances entourant la notation du requérant, n'a pas été le cas en l'espèce.

28.
    En l'espèce, le Conseil n'aurait pas étayé son affirmation selon laquelle l'ancien chef de la division anglaise du service linguistique, qui a été le supérieur du requérant pendant les trois quarts de la période couverte par la notation, ainsi que l'ancien conseiller linguistique auraient été consultés lors de l'établissement de son rapport de notation. Par ailleurs, si tel avait été le cas, ledit rapport, dans la mesure où il n'a été signé ni par l'ancien chef de division ni par l'ancien conseiller linguistique, aurait été établi en violation du guide de la notation qui prévoit que toute personne consultée est tenue de signer le rapport. En outre, le requérant fait observer que, dans la décision rejetant sa réclamation, la défenderesse, d'une part, ne fait aucunement état de la consultation de l'ancien chef de division et de l'ancien conseiller linguistique et, d'autre part, explique qu'une telle consultation n'a pas pu intervenir en raison du départ à la retraite des personnes concernées. Enfin, le requérant soutient que le défaut de consultation de son ancien supérieur hiérarchique constitue une violation du guide de la notation.

29.
    Le requérant réfute également l'affirmation du Conseil selon laquelle il n'aurait pas mis en cause l'impartialité de ses notateurs au cours de la procédure de notation. À cet égard, il fait observer que tant dans sa note du 30 mars 2000, par laquelle il demandait la saisine du comité des rapports, que dans sa réclamation, il a souligné la situation de conflit d'intérêts dans laquelle versaient M. B. et Mme K. à cause du recours introduit par le requérant devant le Tribunal à l'encontre de leur nomination. Par ailleurs, cette situation aurait été également relevée par le comité des rapports dans son avis.

30.
    Le Conseil fait remarquer que tous les fonctionnaires du cadre linguistique, sans exception, sont notés par un premier notateur, qui est toujours le chef de division, après consultation du conseiller linguistique, et par un deuxième notateur, qui est toujours le directeur du service linguistique. Dans ces circonstances, le devoir de réserve ne serait pas applicable aux supérieurs hiérarchiques du fonctionnaire qui, conformément à l'article 43 du statut, sont tenus d'établir son rapport de notation. En l'espèce, la procédure de notation se serait déroulée régulièrement et l'impartialité des notateurs n'aurait été mise en cause ni par le requérant, au stade de l'établissement de son rapport, ni par le comité des rapports saisi pour avis par le requérant. Par ailleurs, ce dernier n'aurait apporté aucun commencement de preuve permettant d'étayer ni l'allégation de partialité à l'égard des personnes ayant participé à la procédure de notation ni le grief tiré d'une violation du guide de la notation et du principe de non-discrimination. Enfin, le Conseil relève que M. F. H., deuxième notateur du requérant et auteur du rapport définitif attaqué, était étranger au litige portant sur les nominations de M. B. et de Mme K.

31.
    Le Conseil affirme, en outre, que, si, au cours de la procédure de notation, l'ancien chef de la division anglaise n'a pas pu être consulté directement parce qu'il était parti à la retraite, il a néanmoins été tenu compte des informations que ce dernier avait transmises, en vu de l'établissement de tous les rapports de notation de la division, à l'ancien conseiller linguistique, consulté par le premier notateur du requérant.

Appréciation du Tribunal

32.
    L'article 2, paragraphe 2, premier alinéa, des DGE dispose que «tout fonctionnaire est noté par deux notateurs de manière que le premier soit suffisamment proche du fonctionnaire noté pour pouvoir apprécier en toute connaissance les mérites de celui-ci et que le deuxième bénéficie d'un recul suffisant pour pouvoir juger de l'ensemble du dossier». Selon le guide de la notation, le respect de ces critères est, en principe, garanti par la désignation en tant que notateurs de deux supérieurs hiérarchiques de chaque intéressé aux niveaux appropriés (première partie du guide de la notation, point C).

33.
    En l'espèce, le requérant a été noté par les deux supérieurs hiérarchiques dont il relevait à la fin de la période de notation, M. B., en qualité de premier notateur, et M. F. H., en qualité de deuxième notateur. Mme K., en tant que conseiller linguistique de la division anglaise, est également intervenue dans la procédure de notation du requérant en qualité de personne consultée.

34.
    Il est constant que la procédure de notation en cause s'est déroulée alors qu'était pendant devant le Tribunal un recours en annulation introduit par le requérant à l'encontre des décisions de nomination de M. B. et de Mme K. Il ressort, en outre, du dossier que, en invoquant cette circonstance aussi bien que le fait que M. F. H. était membre de la commission de promotion ayant proposé les nominations de M. B. et de Mme K., le requérant a, à maintes reprises, tant au cours de la procédure de notation que dans sa réclamation, contesté l'impartialité de ses notateurs et de Mme K.

35.
    Par son premier moyen, le requérant soutient, d'une part, que, étant donné les circonstances entourant sa procédure de notation, ses notateurs auraient dû se récuser et, d'autre part, que son rapport de notation aurait été établi en violation du guide de la notation.

36.
    À titre liminaire, il convient de relever que ni les DGE ni le guide de la notation ne prévoient une procédure de récusation des notateurs.

37.
    Au vu des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'examiner si le fait que les nominations de M. B. et de Mme K. avaient été contestées par le requérant devant le Tribunal était susceptible, même en l'absence d'une procédure de récusation expressément prévue par la réglementation applicable, de constituer une cause d'empêchement subjective à l'exercice de leurs fonctions dans le cadre de la procédure de notation litigieuse.

38.
    En tout état de cause, à supposer même qu'une telle situation de conflit d'intérêts ne soit pas établie en l'espèce, il n'en reste pas moins que la procédure de notation en cause s'est déroulée dans un contexte qui manquait de sérénité puisque caractérisé par des relations fortement conflictuelles entre le requérant et ses notateurs et par la circonstance, objectivement sensible, de l'existence d'un recours pendant devant le Tribunal par lequel le requérant mettait en cause les nominations de ses supérieurs hiérarchiques ayant, à divers titres, procédé à sa notation.

39.
    C'est en tenant compte de ce contexte qu'il convient d'examiner si la procédure de notation du requérant s'est déroulée régulièrement.

40.
    À cet égard, il est constant que ce n'est qu'à partir du 15 décembre 1998, soit environ six mois avant la fin de la période de notation, que le requérant a travaillé sous l'autorité hiérarchique de M. B., en tant que chef de la division linguistique, et de Mme K, en tant que conseiller linguistique, ces derniers ayant remplacé à compter de cette date les anciens supérieurs hiérarchiques du requérant, M. M. et Mme S., partis à la retraite. Pour la période de notation précédant celle en cause et jusqu'à la date du 15 décembre 1998, M. M. était donc, conformément aux dispositions applicables au sein de la division du service linguistique du secrétariat général du Conseil, le premier notateur du requérant, Mme S. étant la personne à consulter avant l'établissement du rapport.

41.
    Il convient de relever que le guide de la notation prévoit que lorsqu'un fonctionnaire, sans changer d'affectation, a changé de notateur depuis moins de 18 mois avant la fin de la période de notation, sa notation est effectuée par deux premiers notateurs, chacun d'eux notant l'intéressé pour la période durant laquelle ce dernier a exercé des fonctions sous son autorité. Une seconde notation est ensuite effectuée par deux seconds notateurs dans les mêmes conditions (première partie du guide de la notation, point C).

42.
    Si la première notation du requérant avait été effectuée en suivant la procédure susvisée, le requérant aurait dû être noté par M. M., après consultation de Mme S., pour la période allant du 1er juillet 1997 au 14 décembre 1998, et par M. B., après consultation de Mme K., pour la période allant du 15 décembre 1998 au 30 juin 1999.

43.
    Or, cette procédure n'a manifestement pas été suivie, le requérant ayant été noté, en premier ressort, par M. B., après consultation de Mme K., pour la totalité de la période de notation.

44.
    Il convient de rappeler qu'une décision d'une institution communautaire communiquée à l'ensemble de son personnel et visant à garantir aux fonctionnaires concernés un traitement identique en ce qui concerne la notation constitue, même si elle ne peut être regardée comme une disposition générale d'exécution au sens de l'article 110 du statut, une directive interne et doit, en tant que telle, être considérée comme une règle de conduite indicative que l'administration s'impose à elle-même et dont elle ne peut s'écarter sans préciser les raisons qui l'y ont amenée, sous peine d'enfreindre le principe de l'égalité de traitement (arrêts de la Cour du 30 janvier 1974, Louwage/Commission, 148/73, Rec. p. 81, et du 1er décembre 1983, Blomefield/Commission, 190/82, Rec. p. 3981).

45.
    En l'espèce, le Conseil n'a invoqué aucune raison sérieuse qui lui aurait permis de déroger aux règles du guide de la notation qu'il s'est imposé à lui-même. Ne saurait notamment constituer une telle raison le départ à la retraite de l'ancien supérieur hiérarchique du requérant. En effet, les dispositions susmentionnées du guide de la notation visent précisément à régir la procédure à suivre dans des cas particuliers et, notamment, lorsque, au cours de la période de notation, un changement de notateur survient, ce qui se produit en cas de départ à la retraite du supérieur hiérarchique du fonctionnaire noté. En s'écartant sans motif de ces dispositions, l'administration a entaché sa décision d'un vice de procédure.

46.
    Le Conseil soutient que, avant l'établissement du premier rapport de notation du requérant, M. B. a consulté Mme S., qui lui aurait transmis les informations reçues par M. M. avant son départ à la retraite relatives à la notation de l'ensemble des fonctionnaires de la division anglaise et, notamment, du requérant. À l'appui de son affirmation, le Conseil produit une déclaration de M. B. contresignée par Mme S.

47.
    À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que, à supposer même qu'une telle transmission d'informations ait pu pallier la méconnaissance de la procédure expressément prévue par le guide de la notation, l'allégation du Conseil est partiellement contredite par l'affirmation de M. B., contenue dans la partie consacrée aux appréciations générales de la version révisée du premier projet de notation du requérant, selon laquelle M. B. n'aurait pas été informé des relations du requérant avec ses supérieurs hiérarchiques avant sa nomination à l'emploi de chef de la division anglaise. Cette affirmation, dont le contenu a été confirmé par l'agent du Conseil lors de l'audience, démontre, à tout le moins, qu'aucun élément concernant les relations entre le requérant et son ancienne hiérarchie n'a été transmis par M. M. à M. B. Cette conclusion revêt une importance particulière en l'espèce, dans la mesure où le requérant conteste, notamment, l'appréciation qui lui a été attribuée sous la rubrique «relations humaines», qu'il soutient être fondée uniquement sur ses relations avec sa nouvelle hiérarchie.

48.
    En deuxième lieu, il convient de relever que le guide de la notation prévoit que «les personnes qui ont été consultées avant la notation sont tenues d'apposer leur visa sous la rubrique V de la deuxième partie ou sous la rubrique III de la troisième partie du formulaire» (deuxième partie du guide de la notation, point D). La même disposition prévoit également qu'elles peuvent assortir leur visa de remarques motivées afin qu'il ne puisse y avoir de doute en ce qui concerne leur accord ou désaccord sur la notation.

49.
    En l'espèce, aucune signature de Mme S. n'apparaît dans les parties du rapport de notation du requérant consacrées aux visas des personnes consultées et aucune mention de cette consultation n'est faite dans les différentes versions dudit rapport.

50.
    Or, contrairement à ce que l'agent du Conseil a soutenu lors de l'audience, l'apposition sur le rapport de notation du visa des personnes consultées avant son établissement ne constitue pas une simple formalité, dans la mesure où elle vise, d'une part, à permettre au noté de prendre connaissance de l'identité des personnes ayant contribué à la détermination de sa notation et, par là, d'exercer ses droits de la défense au cours de la procédure de notation et, d'autre part, à permettre aux personnes ayant été consultées d'assortir d'éventuelles observations les appréciations contenues dans le rapport.

51.
    Par ailleurs, il convient de rappeler que le rapport de notation a pour fonction première d'assurer à l'administration une information périodique aussi complète que possible sur les conditions d'accomplissement de leur service par ses fonctionnaires (arrêt de la Cour du 3 juillet 1980, Grassi/Conseil, 6/79 et 97/79, Rec. p. 2141, point 20). Il ne peut pas, en principe, remplir cette fonction d'une manière véritablement complète si les personnes sous l'autorité desquelles le fonctionnaire en cause a exécuté ses fonctions au cours de la période de notation ne sont pas consultées au préalable et mises en mesure d'y apporter d'éventuelles observations (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T-63/89, Rec. p. II-19, point 27). En l'espèce, une telle consultation, à supposer qu'elle ait été effectuée ainsi que le soutient le Conseil, non seulement n'a pas porté sur l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation des notateurs du requérant, mais n'est pas intervenue dans le cadre réglementaire fixé par le guide de la notation.

52.
     Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la procédure de notation du requérant est entachée de diverses irrégularités procédurales qui, en elles-mêmes, affectent la validité du rapport de notation litigieux, sans qu'il y ait lieu d'examiner si, en leur absence, ce dernier aurait pu avoir un contenu différent.

53.
    Le premier moyen d'annulation doit, dès lors, être accueilli et la décision du Conseil arrêtant de façon définitive le rapport de notation du requérant pour la période allant du 1er juillet 1997 au 30 juin 1999 doit être annulée, sans qu'il y ait lieu d'examiner le deuxième moyen d'annulation soulevé à l'appui du recours.

Sur les dépens

54.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision du Conseil en date du 15 septembre 2000 arrêtant de façon définitive le rapport de notation du requérant pour la période allant du 1 er juillet 1997 au 30 juin 1999 est annulée.

2)    Le Conseil est condamné aux dépens.

Tiili
Mengozzi

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 septembre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili


1: Langue de procédure: le français.