Language of document : ECLI:EU:T:2003:233

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

17 septembre 2003 (1)

«Prise en compte a posteriori de droits à l'importation - Conditions - Article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) n° 2193/92 - Erreur décelable - Diligence - Règlement (CE) n° 774/94 - Nomenclature combinée - Contingents tarifaires OMC»

Dans les affaires jointes T-309/01 et T-239/02,

Peter Biegi Nahrungsmittel GmbH, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne),

Commonfood Handelsgesellschaft für Agrar-Produkte mbH, établie à Langen (Allemagne),

représentées par Mes K. Landry et L. Harings, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J.-C. Schieferer, R. Tricot et X. Lewis, en qualité d'agents, assistés de Me M. Núñez-Müller, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation partielle de la décision C (2001) 2533 de la Commission, du 14 août 2001 (REC 4/00), constatant qu'il est justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l'importation non exigés de la société Peter Biegi Nahrungsmittel GmbH, pour les importations de viande de volaille en provenance de Thaïlande durant la période du 13 au 18 juillet 1995 et du 4 au 22 septembre 1995 (affaire T-309/01), et, d'autre part, une demande d'annulation de la décision C (2002) 857 de la Commission, du 5 mars 2002 (REC 4/01), constatant qu'il est justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l'importation non exigés de la société Commonfood Handelsgesellschaft für Agrar-Produkte mbH, pour l'importation de viande de volaille en provenance de Thaïlande effectuée le 24 juillet 1995 (affaire T-239/02),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de Mme V. Tiili, président, MM. P. Mengozzi et M. Vilaras, juges,

greffier: M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 17 septembre 2003,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    L'article 3 du règlement (CE) n° 774/94 du Conseil, du 29 mars 1994, portant ouverture et mode de gestion de certains contingents tarifaires communautaires pour la viande bovine de haute qualité, la viande porcine, la viande de volaille, le froment (blé) et méteil et les sons, remoulages et autres résidus (JO L 91, p. 1), a ouvert, à partir du 1er juillet 1994, un contingent tarifaire communautaire annuel d'un volume total de 15 000 tonnes pour les viandes de coqs ou de poules relevant des codes NC 0207 41 10, 0207 41 41 et 0207 41 71. Dans le cadre de ce volume contingentaire, le droit du tarif douanier commun applicable a été fixé à 0 %. Ce même volume contingentaire communautaire annuel à droit nul est maintenu par l'article 1er du règlement (CE) n° 2198/95 de la Commission, du 18 septembre 1995, modifiant le règlement n° 774/94 (JO L 221, p. 3), lequel a été applicable, conformément à son article 2, à partir du 1er juillet 1995.

2.
    L'article 1er du règlement (CE) n° 1431/94 de la Commission, du 22 juin 1994, établissant les modalités d'application dans le secteur de la viande de volaille du régime d'importation prévu par le règlement n° 774/94, (JO L 156, p. 9), entré en vigueur, conformément à son article 8, le 26 juin 1994, est ainsi libellé:

«Toute importation dans la Communauté effectuée dans le cadre des contingents tarifaires ouverts aux articles 3 et 4 du règlement [...] n° 774/94, des produits relevant des groupes prévus à l'annexe I, est soumise à la présentation d'un certificat d'importation.

La quantité des produits qui bénéficient dudit régime et le taux du prélèvement sont repris pour chaque groupe à l'annexe I.»

3.
    Dans l'annexe I du règlement n° 1431/94, un taux de prélèvement de 0 % a été appliqué pour une quantité allant jusqu'à 5 100 tonnes par an de viande de poulet relevant des codes NC 0207 41 10, 0207 41 41, 0207 41 71 en provenance de Thaïlande (groupe 2). Le même taux de prélèvement a été appliqué pour une quantité annuelle de 7 100 tonnes de viande de poulet, relevant des codes NC susvisés, en provenance du Brésil (groupe 1) et une quantité annuelle de 3 300 tonnes en provenance d'autres pays tiers (groupe 3).

4.
    L'article 1er du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1), a instauré une nouvelle nomenclature des marchandises (dénommée «nomenclature combinée» ou, en abrégé, «NC»). La nomenclature combinée figure à l'annexe I de ce règlement, dans laquelle sont également fixés les taux des droits applicables ainsi que les autres éléments requis.

5.
    Le règlement (CE) n° 1359/95 de la Commission, du 13 juin 1995, a modifié les annexes I et II du règlement (CEE) n° 2658/87 et abrogé le règlement (CEE) n° 802/80 (JO L 142, p. 1). En vertu de son article 3, le règlement n° 1359/95 est entré en vigueur le 1er juillet 1995.

6.
    Dans sa version ainsi modifiée, la même annexe I «Nomenclature combinée» contenait, dans sa troisième partie «Annexes tarifaires», section III «Contingents», une annexe 7 intitulée «Contingents tarifaires OMC à octroyer par les autorités communautaires compétentes». Au numéro d'ordre 18 de cette dernière annexe, on trouve ce qui suit:

Numéro

d'ordre

Code NC

Désignation

des marchandises

Contingent

(quantité)
Taux

du

droit

(%)
Autres

modalités

et

conditions
1
2
3
4
5
6
...
...
...
...
...
...
18

0207 41 10

0207 41 41

0207 41 71

Morceaux de coqs ou de poules congelés:

Désossés

Poitrines et morceaux de poitrines

Autres

15 500 t
0

7.
    L'article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «CDC»), dispose:

«2. [...], il n'est pas procédé à une prise en compte a posteriori, lorsque:

[...];

b)    le montant des droits légalement dus n'avait pas été pris en compte par suite d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane;

[...]»

Faits et procédure

8.
    Peter Biegi Nahrungsmittel GmbH et Commonfood Handelsgesellschaft für Agrar-Produkte mbH (ci-après, respectivement, « Biegi » et « Commonfood » et, prises ensemble, les «requérantes») sont des sociétés de droit allemand, liées entre elles, opérant dans le secteur du commerce de la viande de volaille. Les requérantes figurent parmi les principaux importateurs de viande de poulet en Allemagne.

9.
    Par décret du 29 juin 1995 (dit «Eilverteiler»), le ministère fédéral des Finances allemand a modifié le tarif d'usage des douanes allemandes en y insérant, notamment, le contingent tarifaire K 4047 (viande de poulet) à droit nul, à compter du 1er juillet 1995. Ce contingent correspond aux codes NC 0207 41 10, 0207 41 41 et 0207 41 71 susvisés. L'Eilverteiler ne contenait aucune indication quant à l'exigence d'un certificat d'importation pour l'importation de produits relevant du contingent tarifaire précité.

10.
    Durant la période allant du 13 au 18 juillet 1995 et du 4 au 22 septembre 1995, Biegi a déclaré à l'importation, en différents envois, des morceaux de poulets congelés (code NC 0207 41 10) originaires de Thaïlande. Le 24 juillet 1995, Commonfood a déclaré à l'importation, en différents envois, des morceaux de poulets congelés, relevant du même code NC, originaires de Thaïlande. Les requérantes n'ont pas joint de certificats d'importation à leurs déclarations en douane.

11.
    Cependant, à la suite de la modification du tarif d'usage des douanes allemandes introduite par l'Eilverteiler, le bureau de douane compétent a utilisé le contingent tarifaire communautaire susvisé et accordé aux requérantes le bénéfice de l'exonération des droits de douane.

12.
    Dans le courant du mois d'août 1995, les requérantes, ayant eu des doutes quant aux droits appliqués lors des opérations de dédouanement de juillet 1995, ont, par l'intermédiaire de leur responsable de la gestion des certificats d'importation, contacté par téléphone le ministère fédéral des Finances ainsi que le service central de contrôle des contingents tarifaires, afin d'obtenir des précisions sur le régime applicable aux importations des produits en question. Dans un premier temps, les services interrogés auraient déclaré, par téléphone, que les droits appliqués étaient corrects même en l'absence de présentation de certificat d'importation à l'appui des déclarations en douane. Les requérantes ont alors demandé une confirmation par écrit de cette information.

13.
    Toutefois, la réponse écrite de l'administration des douanes allemandes, transmise aux requérantes par lettre du 22 août 1995, a indiqué que l'utilisation du contingent nécessitait la présentation d'un certificat d'importation à l'appui de la déclaration en douane. Le même jour, le ministère fédéral des Finances a modifié, avec effet rétroactif, le tarif d'usage des douanes allemandes. Cette modification a eu pour conséquence de rendre nécessaire, à compter du 1er juillet 1995, la présentation d'un certificat d'importation lors de l'utilisation du contingent tarifaire en question.

14.
    Par deux décisions fiscales modificatives, adoptées les 12 et 13 août 1996, le bureau de douane compétent, à savoir le Hauptzollamt Bremen-Freihafen, a alors entrepris de procéder au recouvrement a posteriori des droits à l'importation, à savoir, pour les importations de Commonfood, d'un montant total de 222 116,06 marks allemands (DEM) (décision du 12 août 1996) et, pour les importations de Biegi, d'un montant total de 259 270,23 DEM, dont 218 605,64 DEM pour les importations de juillet 1995 et 40 664,59 DEM pour les importations de septembre 1995 (décision du 13 août 1996).

15.
    Invoquant leur bonne foi, l'erreur des autorités allemandes et le fait que celle-ci était indécelable, les requérantes ont demandé la non-prise en compte a posteriori des droits à l'importation.

16.
    Leurs demandes ayant été rejetées le 30 juillet 1997 par le bureau de douane compétent, les requérantes ont saisi le Finanzgericht Bremen (Allemagne). Ainsi qu'il ressort du procès-verbal de l'audience qui s'est déroulée le 14 décembre 1999, après l'instruction de l'affaire, cette juridiction a estimé que, pour ce qui était des déclarations en douane de Biegi datant du mois de septembre 1995, le recours de celle-ci avait peu de chances de succès, cette société ayant dûment été informée de la situation juridique exacte applicable par le courrier du 22 août 1995 de l'administration des douanes allemandes, précité. Le Finanzgericht Bremen a donc recommandé à Biegi de considérer l'éventualité de retirer son recours quant à ces déclarations. En revanche, pour ce qui était des déclarations en douane datant de juillet 1995, la même juridiction a estimé, à titre provisoire, qu'il était possible d'accorder aux requérantes une protection de leur confiance légitime, au sens de l'article 220, paragraphe 2, du CDC, et a proposé au bureau des douanes compétent de vérifier s'il était possible de retirer les décisions fiscales modificatives des 12 et 13 août 1996, susvisées, pour ce qui était des déclarations en question.

17.
    Conformément à l'article 871 du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d'application du règlement n° 2913/92 (JO L 253, p. 1), tel que modifié, la République fédérale d'Allemagne a, par lettres des 2 août 2000 et 17 avril 2001, demandé à la Commission de décider, en vertu de l'article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, s'il était justifié de ne pas procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l'importation dans les litiges qui opposaient l'administration à Biegi et à Commonfood.

18.
    Considérant que les circonstances des affaires ne faisaient pas apparaître d'erreur des autorités douanières elles-mêmes, non décelable par un opérateur de bonne foi, au sens de l'article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, la Commission a, par décisions adoptées les 14 août 2001 (affaire T-309/01) et 5 mars 2002 (affaire T-239/02) [ci-après, prises ensemble, les «décisions attaquées»] et notifiées, respectivement, à Biegi le 5 octobre 2001 et à Commonfood le 25 juin 2002, décidé que les droits à l'importation faisant l'objet des demandes de la République fédérale d'Allemagne, précitées, devaient être pris en compte.

19.
    Par requêtes déposées au greffe du Tribunal les 12 décembre 2001 et 8 août 2002, les requérantes ont introduit les présents recours enregistrés, respectivement, sous les numéros T-309/01 et T-239/02.

20.
    Dans l'affaire T-309/01, la procédure écrite a été close le 1er juillet 2002.

21.
    Dans l'affaire T-239/02, le 10 décembre 2002, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé, conformément à l'article 47, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, tel que modifié le 6 décembre 2000 (JO L 322, p. 4), qu'un deuxième échange de mémoires n'était pas nécessaire, le contenu du dossier étant suffisamment complet pour permettre aux parties de développer leurs moyens et arguments au cours de la procédure orale. Commonfood n'ayant pas présenté une demande afin de compléter le dossier, la procédure écrite dans l'affaire T-239/02 a été close le 17 décembre 2002.

22.
    Par ordonnance du 17 janvier 2003 du président de la quatrième chambre du Tribunal, les affaires T-309/01 et T-239/02 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt, conformément à l'article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

23.
    Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, la Commission a été invitée à produire un document et a déféré à cette demande dans le délai imparti.

24.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 2 avril 2003.

Conclusions des parties

25.
    Dans l'affaire T-309/01, Biegi conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler partiellement la décision de la Commission du 14 août 2001 (REC 4/00), en ce qu'elle ordonne la prise en compte a posteriori de droits à l'importation pour un montant de 218 605,64 DEM;

-    condamner la Commission aux dépens.

26.
    Dans l'affaire T-239/02, Commonfood conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision de la Commission du 5 mars 2002 (REC 4/01), ordonnant la prise en compte a posteriori de droits à l'importation d'un montant de 222 116,06 DEM;

-    condamner la Commission aux dépens.

27.
    Dans les deux affaires T-309/01 et T-239/02, la Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter les recours;

-    condamner les requérantes aux dépens.

En droit

28.
    À l'appui de leurs recours, les requérantes invoquent trois moyens tirés d'une violation, premièrement, de l'article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, deuxièmement, du principe de proportionnalité et, troisièmement, des principes de bonne administration et d'égalité de traitement.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l'article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC

Arguments des parties

29.
    Les requérantes considèrent que les conditions d'application de l'article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC sont remplies, en l'espèce, en ce qui concerne les importations litigieuses effectuées en juillet 1995. Par conséquent, il n'aurait pas été justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l'importation y afférents et, partant, les décisions attaquées devraient être annulées.

30.
    À cet égard, les requérantes font valoir, en premier lieu, que l'erreur commise par les autorités douanières allemandes compétentes ne peut pas être contestée. En effet, l'Eilverteiler, par lequel le ministère fédéral des Finances allemand a modifié le tarif d'usage des douanes allemandes avec effet au 1er juillet 1995, ne comportait aucune mention quant à la nécessité de présenter un certificat d'importation pour l'utilisation du contingent tarifaire K 4047 qui y est mentionné. La même erreur aurait été également commise par les autorités allemandes chargées du dédouanement, telles que les Hauptzollamt Bremen-Freihafen, Bremerhaven et Hamburg-Ericus (désormais «Hamburg-Freihafen»), ainsi que par les services centraux de contrôle des contingents tarifaires auprès de l'Oberfinanzdirektion Köln, qui auraient été d'avis que l'utilisation des contingents n'était pas soumise à la présentation des certificats d'importation.

31.
    Dans ce contexte, les requérantes affirment que leur collaborateur chargé des certificats d'importation, M. Steiner, aurait reçu, au début de juillet 1995, des informations téléphoniques de la part d'un fonctionnaire compétent auprès du service central des contingents tarifaires, selon lesquelles le contingent tarifaire K 4047 de l'Eiverteiler constituait un contingent spécial supplémentaire qui ne nécessitait pas la présentation de certificats d'importation. Cette même information aurait été également fournie aux requérantes par le ministère fédéral des Finances et le service central de contrôle des contingents tarifaires après les importations litigieuses lors d'une communication téléphonique en date du 18 août 1995, ce qui a amené les requérantes à demander une confirmation écrite de cette information. À cet égard, les requérantes demandent au Tribunal que leurs collaborateurs M. Steiner et Mme Paparatti soient entendus sur ces points.

32.
    En réponse à l'argumentation de la Commission tirée de ce que les informations téléphoniques prétendument communiquées aux requérantes antérieurement aux importations litigieuses seraient à la fois non étayées, dénuées de pertinence et invoquées tardivement pour la première fois dans la requête, Biegi renvoie à la lettre du 2 juin 2000, transmise par les autorités douanières allemandes à la Commission, et au procès-verbal d'audience du 14 décembre 1999 devant le Finanzgericht Bremen, susvisé, qui confirmeraient la réalité desdites informations.

33.
    En deuxième lieu, les requérantes soutiennent qu'elles ne pouvaient pas déceler l'erreur des autorités douanières, précitée, même si elles sont actives dans le domaine des importations.

34.
    Selon les requérantes, la nature indécelable de l'erreur en question résulte, tout d'abord, de la complexité de la réglementation applicable. En effet, selon elles, s'il est vrai que le règlement n° 1431/94 de la Commission précisait que l'utilisation du contingent tarifaire préférentiel ouvert par le règlement n° 774/94 du Conseil était subordonnée à la présentation d'un certificat d'importation, le contingent tarifaire figurant au numéro d'ordre 18, de l'annexe 7, de la troisième partie, de l'annexe I, du règlement n° 2658/87, tel que modifié par le règlement n° 1359/95, qui a introduit la nouvelle nomenclature combinée des marchandises, ne comportait, dans sa sixième colonne intitulée «Autres modalités et conditions», aucune mention en ce sens. Il s'agirait, donc, d'un nouveau contingent tarifaire, régi par le règlement n° 1359/95 et dissocié des règlements nos 774/94 et 1431/94, impliquant l'impossibilité pour les requérantes d'établir le lien nécessaire et d'en tirer les conclusions requises.

35.
    Ensuite, le caractère non décelable de l'erreur résulterait du fait que le tarif d'usage des douanes allemandes, tel que modifié par l'Eilverteiler le 29 juin 1995, ne comportait aucun renvoi au règlement n° 1431/94.

36.
    Enfin, les diverses erreurs commises, avant et après les importations litigieuses, par les différentes autorités allemandes compétentes saisies du problème confirmeraient tant le défaut de clarté et de transparence de la situation juridique que la nature indécelable de l'erreur par les requérantes.

37.
    Dans ces circonstances, les requérantes considèrent qu'elles n'étaient pas en mesure de déceler l'erreur des autorités douanières compétentes, malgré leur expérience dans le commerce de volailles. Biegi ajoute que, ne disposant pas de service juridique, il lui était impossible de se lancer dans des considérations juridiques sur le rapport qui lie les différents règlements entre eux. En revanche, elle serait en droit de se fier à cet égard aux indications figurant dans le tarif d'usage des douanes allemandes ainsi qu'aux renseignements fournis au plus haut niveau de l'administration saisie de la question.

38.
    En troisième lieu, les requérantes soutiennent qu'elles ont respecté leur devoir de diligence et ont agi de bonne foi. Biegi ajoute que, en demandant à plusieurs reprises des renseignements aux plus hautes autorités douanières allemandes compétentes, elle s'est comportée en conformité avec la jurisprudence de la Cour, selon laquelle il appartient à l'opérateur économique, dès lors qu'il a des doutes quant à l'application du droit douanier, de chercher tous les éclaircissements possibles pour vérifier si ses doutes sont ou non justifiés (arrêt de la Cour du 26 juin 1990, Deutsche Fernsprecher, C-64/89, Rec. p. I-2535, point 22).

39.
    Pour démontrer leur diligence, les requérantes relèvent qu'elles ne se sont pas fiées uniquement au tarif d'usage des douanes allemandes, mais qu'elles ont également sollicité des renseignements auprès des autorités nationales compétentes, et ce jusqu'au ministère fédéral des Finances allemand. Or, les renseignements téléphoniques fournis par toutes ces autorités quant à l'absence d'obligation de présenter un certificat d'importation pour le contingent tarifaire en question auraient créé dans le chef des requérantes une confiance légitime qui les autorisait à agir. Les requérantes auraient, par ailleurs, respecté leur obligation de lire les journaux officiels qui ne contenaient, à eux seuls, ni une indication quant à la nécessité d'un certificat d'importation ni un lien avec les règlements nos 774/94 et 1431/94. Leur cas se distinguerait donc du contexte de l'arrêt de la Cour du 26 novembre 1998, Covita (C-370/96, Rec. p. I-7711), invoqué à tort par la Commission.

40.
    Les requérantes font valoir également que, compte tenu du fait que de nombreux contingents dans le secteur des viandes de volaille fonctionnent selon la règle «premier arrivé, premier servi», les décisions économiques relatives à l'importation de ces produits doivent être prises rapidement. Il serait dès lors impossible aux requérantes de demander préalablement par écrit aux différentes autorités de clarifier la situation. Une telle demande les mettrait dans l'impossibilité de procéder à des importations en raison du temps écoulé avant l'obtention d'une réponse.

41.
    En outre, Biegi estime que c'est grâce à son comportement que l'administration allemande des douanes a pris conscience de son erreur et modifié, le 22 août 1995, le tarif d'usage des douanes allemandes et que la Commission a pu éviter d'autres pertes de droits à l'importation. Elle ajoute que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, aucune obligation ne pesait sur elle de demander des informations à la Commission, l'application du droit des douanes relevant de la compétence des autorités douanières nationales, l'intéressé lui-même ne disposant que du droit d'être entendu. Biegi considère également que c'est à tort que la Commission lui reproche de ne pas avoir adressé une demande écrite à l'Office fédéral de l'agriculture et d'alimentation (Bundesanstalt für Landwirtschaft und Ernährung - BLE), dès lors que les questions concernant le traitement d'un contingent tarifaire OMC nouvellement introduit ne relèvent pas de la compétence dudit Office, mais de celle du service central pour les contingents tarifaires.

42.
    Enfin, Biegi fait valoir que sa bonne foi ne saurait être remise en cause par le fait, invoqué par la Commission, que son gérant, M. Peter Biegi, posséderait des connaissances et une expérience dans le secteur de la viande de volaille, en sa qualité de président, depuis des années, de la fédération allemande du commerce de gros et du commerce international de gibier et de volaille, qui pourraient être attribuées à Biegi. La présidence de cette fédération constituerait, en effet, une activité honorifique, l'administration et les activités courantes de cette fédération étant assurées par son dirigent professionnel. M. Peter Biegi n'aurait jamais participé aux réunions de différents «comités» à Bruxelles et ne disposerait donc pas de connaissances spéciales ou concrètes au sujet du contingent tarifaire litigieux ou d'éventuels liens entre les règlements nos 1431/94 et 1359/95. Biegi demande que MM. Peter Biegi et Caspar von der Crone, secrétaire général de la fédération allemande susvisée, soient entendus sur cette question par le Tribunal.

43.
    En dernier lieu, les requérantes affirment qu'elles ont respecté toutes les dispositions en vigueur en ce qui concerne les déclarations en douane.

44.
    La Commission rétorque que les conditions d'application de l'article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC ne sont pas réunies en l'espèce et qu'il est donc justifié de procéder à une prise en compte a posteriori des droits à l'importation.

45.
    En premier lieu, s'agissant des erreurs commises par les services douaniers allemands, la Commission fait valoir que les seules erreurs pertinentes, au sens de l'article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, ressortent de la version erronée du tarif d'usage des douanes allemandes rédigée par le ministère fédéral des Finances et du dédouanement réitéré des marchandises importées par les requérantes en juillet 1995 avec l'octroi de la préférence tarifaire sans la présentation d'un certificat d'importation.

46.
    En revanche, la Commission récuse expressément l'affirmation des requérantes, émise pour la première fois dans les requêtes, selon laquelle elles auraient reçu, par l'intermédiaire de leur collaborateur M. Steiner, des renseignements téléphoniques erronés, de la part du service central des contingents tarifaires auprès de l'Oberfinanzdirektion Köln, avant les importations litigieuses.

47.
    Contrairement à ce qu'affirment les requérantes, la Commission fait valoir que les documents des 2 juin 2000 et 2 août 2000 que lui ont transmis les autorités douanières allemandes, les observations du 8 juin 2001 adressées par Biegi à la Commission et les observations du 25 juillet 1997 adressées par les requérantes au Hauptzollamt Bremen-Freihafen ne se référaient nullement à des renseignements téléphoniques antérieurs aux importations litigieuses, mais seulement à des appels téléphoniques sur la situation juridique en date du 18 août 1995, soit après les importations litigieuses. Il en irait de même du procès-verbal d'audience du 14 décembre 1999 du Finanzgericht Bremen et des témoignages de M. Steiner et de Mme Paparatti devant cette juridiction. Dans ces circonstances, la Commission estime que la demande des requérantes visant à ce que M. Steiner et Mme Paparatti soient entendus est superflue et doit être rejetée.

48.
    En tout état de cause, selon la Commission, les prétendues communications téléphoniques antérieures aux importations litigieuses, invoquées tardivement par les requérantes, à les supposer établies, sont sans conséquences dans les présents litiges, dès lors que les requérantes ne s'en sont pas prévalues durant la procédure administrative. Quant aux renseignements téléphoniques erronés fournis aux requérantes par les services douaniers allemands en août 1995, la Commission soutient qu'ils sont dépourvus de pertinence dans le cadre des présents recours dont l'objet est limité aux importations effectuées en juillet 1995.

49.
    En second lieu, la Commission fait valoir que les erreurs commises par les autorités douanières allemandes étaient aisément décelables par les requérantes.

50.
    À cet égard, la Commission considère, premièrement, que le droit applicable en l'espèce n'est ni obscur ni complexe. Le règlement n° 1359/95, mentionné par les requérantes, ne constituerait qu'un règlement modificatif du règlement général n° 2658/87, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique, et aurait une portée purement déclaratoire (conclusions de l'avocat général M. Roemer sous l'arrêt de la Cour du 24 octobre 1973, Schlüter, 9/73, Rec. p. 1135, 1163). Ce même règlement n'aurait manifestement pas pour objet l'ouverture d'un nouveau contingent tarifaire ou la non-exigence d'un certificat d'importation, cette exigence étant régie par le règlement no 774/94 et par le règlement d'application n° 1431/94, dont l'article 1er imposait depuis juin 1994, soit plus d'un an avant les importations litigieuses, la présentation d'un certificat d'importation.

51.
    Deuxièmement, la Commission fait valoir que les requérantes n'ont pas respecté l'obligation de diligence qui leur incombe en vertu d'une jurisprudence constante, mais se sont basées uniquement sur le tarif d'usage des douanes allemandes et sur des renseignements téléphoniques, généralement non contraignants, prétendument communiqués par les autorités nationales, sans jamais consulter ou faire consulter les journaux officiels pertinents des Communautés européennes et les actes juridiques qui y sont publiés.

52.
    À cet égard, la Commission souligne, tout d'abord, la grande expérience des requérantes, qui assurent, depuis plusieurs dizaines d'années, la commercialisation et l'importation des marchandises concernées. Les requérantes seraient donc particulièrement bien placées pour connaître les règles juridiques applicables en la matière.

53.
    Ensuite, la Commission estime que, compte tenu du fait que les règlements nos 1431/94 et 1359/95 ont été publiés au Journal officiel des Communautés européennes, respectivement, le 22 juin 1994 et le 26 juin 1995, les requérantes disposaient amplement du temps suffisant, avant les déclarations d'importation, pour adresser en temps utile une demande écrite aux services douaniers allemands ou à la Commission, afin de lever leurs doutes quant à l'exigence d'un certificat d'importation pour les importations litigieuses.

54.
    Enfin, la Commission fait valoir que les requérantes ne peuvent pas déduire une bonne foi particulière du dédouanement réitéré des marchandises par les bureaux de douane, malgré l'absence de certificats d'importation. En effet, il serait de jurisprudence constante qu'une erreur des autorités douanières ne saurait généralement résulter de l'acceptation d'une déclaration en douane au point d'importation (arrêt de la Cour du 14 mai 1996, Faroe Seafood e.a., C-153/94 et C-204/94, Rec. p. I-2465, point 93).

Appréciation du Tribunal

55.
    Conformément à l'article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, trois conditions cumulatives doivent être réunies pour que les autorités compétentes puissent ne pas procéder à la prise en compte a posteriori de droits à l'importation. Il faut, tout d'abord, que les droits n'aient pas été perçus à la suite d'une erreur des autorités compétentes elles-mêmes, ensuite que l'erreur commise par celles-ci soit d'une nature telle qu'elle ne pouvait raisonnablement être décelée par un redevable de bonne foi et, enfin, que celui-ci ait observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 12 juillet 1989, Binder, 161/88, Rec. p. 2415, points 15 et 16; du 27 juin 1991, Mecanarte, C-348/89, Rec. p. I-3277, point 12; du 4 mai 1993, Weis, C-292/91, Rec. p. I-2219, point 14, et Faroe Seafood e.a., précité, point 83; ordonnances de la Cour du 9 décembre 1999, CPL Imperial 2 et Unifrigo/Commission, C-299/98 P, Rec. p. I-8683, point 22, et du 11 octobre 2001, William Hinton & Sons, C-30/00, Rec. p. I-7511, points 68, 69, 71 et 72; arrêt du Tribunal du 5 juin 1996, Günzler Aluminium/Commission, T-75/95, Rec. p. II-497, point 42).

56.
    En ce qui concerne, en premier lieu, la première des conditions susvisées, il y a lieu de constater que deux erreurs commises par les autorités douanières allemandes, à savoir la version erronée de l'Eilverteiler et le dédouanement des marchandises importées par les requérantes en juillet 1995 avec l'octroi de la préférence tarifaire sans la présentation d'un certificat d'importation, sont constantes en l'espèce.

57.
    Quant à l'erreur consistant dans la communication par le ministère fédéral des Finances allemand et le service central de contrôle des contingents tarifaires de renseignements téléphoniques erronés à un collaborateur des requérantes, dans le courant du mois d'août 1995, en l'occurrence le 18 août 1995, il convient de l'écarter d'emblée comme dépourvue de pertinence dans le cadre des présents recours, dont l'objet est limité aux importations effectuées en juillet 1995. Par ailleurs, à la suite d'une demande écrite, adressée par les requérantes au ministère fédéral des Finances le 18 août 1995, l'administration des douanes allemandes, dans sa réponse du 22 août 1995, n'a pas confirmé ces renseignements téléphoniques et a clairement indiqué que l'utilisation du contingent litigieux nécessitait la présentation d'un certificat d'importation à l'appui de la déclaration en douane.

58.
    Dans les requêtes, les requérantes font état d'une autre erreur consistant dans la prétendue communication, par un fonctionnaire du service central de contrôle des contingents tarifaires, de renseignements téléphoniques erronés quant à la question de l'exigence d'un certificat d'importation à leur collaborateur M. Steiner, avant le 13 juillet 1995, c'est-à-dire avant les importations litigieuses. Force est toutefois de constater que, indépendamment de leur production tardive et de leur pertinence, contestée par la Commission, ces renseignements téléphoniques ne sont nullement démontrés par les pièces versées aux dossiers.

59.
    En effet, dans les documents auxquels renvoient les requérantes, à savoir les lettres de contenu identique des 2 juin 2000 et 2 août 2000, susvisées, transmises par les autorités douanières allemandes à la Commission, il est seulement fait référence à la communication téléphonique du 18 août 1995. Il en est de même des observations du 8 juin 2001 adressées par Biegi à la Commission ainsi que des observations, datées du 25 juillet 1997, adressées par les requérantes au bureau de douane principal de Bremen-Freihafen. De surcroît, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, ces allégations ne sont confirmées ni par le procès-verbal d'audience du 14 décembre 1999 du Finanzgericht Bremen ni par les témoignages de M. Steiner et de Mme Paparatti devant cette juridiction. Il ressort de ce procès-verbal, qui n'a d'ailleurs pas été communiqué à la Commission durant la procédure administrative, que M. Steiner a indiqué les mois de «juillet/août 1995» comme date approximative d'une communication téléphonique avec les services des contingents tarifaires à Düsseldorf, alors que Mme Paparatti a affirmé avoir rédigé une note le 21 août 1995 «quelques jours après les entretiens téléphoniques qui y sont mentionnés». Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'ordonner la mesure d'instruction demandée par les requérantes afin que M. Steiner et Mme Paparatti soient entendus par le Tribunal sur ce point.

60.
    Il convient, en second lieu, de relever que, dans les décisions attaquées, la Commission a estimé que la deuxième condition d'application de l'article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, visée au point 55 ci-dessus, n'était pas remplie en l'espèce. Il y a donc lieu d'examiner si c'est à juste titre que la Commission a considéré que les erreurs commises par les autorités douanières allemandes pouvaient raisonnablement être décelées par les requérantes.

61.
    Selon une jurisprudence constante, le caractère décelable d'une erreur commise par les autorités douanières compétentes doit être apprécié en tenant compte de la nature de l'erreur, de l'expérience professionnelle des opérateurs intéressés et de la diligence dont ces derniers ont fait preuve (arrêts Faroe Seafood e.a., précité, point 99; Covita, précité, point 26; arrêts de la Cour du 8 avril 1992, Beirafrio, C-371/90, Rec. p. I-2715, point 21; du 16 juillet 1992, Belovo, C-187/91, Rec. p. I-4937, point 17; du 1er avril 1993, Hewlett Packard France, C-250/91, Rec. p. I-1819, point 22; du 19 octobre 2000, Sommer, C-15/99, Rec. p. I-8989, point 37, et du 14 novembre 2002, Ilumitrónica, C-251/00, Rec. p. I-10433, point 54).

62.
    En ce qui concerne la nature de l'erreur, il convient de l'apprécier au vu de la complexité ou, au contraire, du caractère suffisamment simple de la réglementation en cause (voir arrêts Deutsche Fernsprecher, précité, point 20; Belovo, précité, point 18; Hewlett Packard France, précité, point 23, et Faroe Seafood e.a. précité, point 100) et du laps de temps durant lequel les autorités ont persisté dans leur erreur (voir arrêts de la Cour du 12 décembre 1996, Foods Import, C-38/95, Rec. p. I-6543, point 30, et Ilumitrónica, précité, point 56).

63.
    Dans les cas d'espèce, les règles applicables à l'utilisation du contingent tarifaire communautaire litigieux sont définies par les textes portant ouverture et mode de gestion dudit contingent et établissant les modalités d'application de ce dernier, à savoir le règlement n° 774/94, tel que modifié par le règlement n° 2198/95, et le règlement n° 1431/94. L'article 1er du règlement n° 1431/94, dont l'application n'est pas limitée dans le temps, prévoit clairement que toute importation dans la Communauté, effectuée dans le cadre de ce contingent tarifaire pluriannuel, est soumise à la présentation d'un certificat d'importation. Par ailleurs, l'article 2 du même règlement régit l'échelonnement de la quantité fixée pour l'année 1994 et les années suivantes et ses articles 3 et 4 définissent les modalités de la demande des certificats d'importation. Ce texte n'apparaît donc pas comme complexe. Au demeurant, le caractère suffisamment simple de cette même réglementation n'est pas contesté par les requérantes.

64.
    Les requérantes soutiennent, toutefois, que la complexité de la réglementation applicable résulterait, en fait, du règlement n° 1359/95 de la Commission et, plus particulièrement, du fait que ce règlement aurait intégré, au numéro d'ordre 18 de son annexe 7, précitée, à partir du 1er juillet 1995, un nouveau contingent tarifaire OMC à droit nul, d'un volume de 15 500 tonnes de viande de poulet relevant des mêmes codes de NC, sans faire référence au règlement n° 1431/94 et à l'obligation de présenter un certificat d'importation instauré par ce règlement.

65.
    À cet égard, il convient d'observer que le règlement n° 1359/95, par lequel la Commission a publié une nouvelle version de la nomenclature combinée des marchandises applicable à partir du 1er juillet 1995, a dressé, dans son annexe 7, susvisée, une liste des contingents tarifaires OMC à octroyer par les autorités communautaires compétentes. Comme la Commission le relève à juste titre dans les décisions attaquées, en aucun cas cette liste ne se devait de faire référence aux règlements applicables aux contingents qui y sont mentionnés, les références à d'autres règles du droit douanier figurant dans les règlements relatifs à la nomenclature combinée et au tarif douanier commun n'ayant, par ailleurs, qu'une valeur déclaratoire et ne faisant pas de ces règles l'objet du tarif douanier commun (voir, en ce sens, conclusions de l'avocat général M. Roemer sous l'arrêt Schlüter, précitées, p. 1169).

66.
    Ainsi, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le règlement n° 1359/95 n'a pas ouvert, à partir du 1er juillet 1995, un nouveau contingent tarifaire préférentiel prétendument dissocié de celui du règlement n° 774/94, tel que modifié, mais a simplement indiqué, dans son annexe 7, précitée, le contingent tarifaire d'un volume de 15 500 tonnes qui, à l'exception de la version française du règlement n° 774/94, faisant erronément état d'un volume de 15 000 tonnes, figurait déjà dans toutes les autres versions linguistiques, et, notamment, la version allemande, de ce règlement ainsi que dans l'annexe I du règlement n° 1431/94. Ce même volume contingentaire préférentiel a, par la suite, été maintenu par le règlement n° 2198/95, à la suite de l'accord conclu dans le cadre des négociations du cycle de l'Uruguay (voir deuxième considérant de ce règlement), lequel est entré en vigueur en même temps que le règlement n° 1359/95. Or, il est constant que ce dernier règlement n'a ni modifié ni a fortiori abrogé les règlements no 774/94, tel que modifié, et n° 1431/94. Il est, dans ces conditions, difficilement concevable que deux contingents communautaires préférentiels, d'un même volume, relevant des mêmes codes NC et ayant la même provenance aient été ouverts avec effet à la même date, à savoir le 1er juillet 1995, dont le premier, celui du règlement n° 774/94, tel que modifié, était subordonné à l'obligation de présenter un certificat d'importation, alors que le second, celui du règlement n° 1359/95, ne l'aurait pas été.

67.
    Pour apprécier la nature de l'erreur, il convient également de tenir compte du fait que les autorités douanières compétentes n'ont pas persisté dans leur erreur et l'ont corrigée, dans un délai très bref, à savoir un mois après l'avoir commise. Cet élément laisse donc à penser que le problème en question n'était pas difficile à résoudre (voir, a contrario, arrêts Belovo/Commission, précité, point 18; Faroe Seafood e.a., précité, points 7 et 104; Foods Import, précité, point 30, et Ilumitrónica, précité, points 56 à 58).

68.
    En tout état de cause, même à supposer que le règlement n° 1359/95 puisse être considéré comme un indice d'une certaine complexité de la réglementation applicable, ayant induit les requérantes en erreur quant à la nécessité de présenter un certificat d'importation pour l'utilisation du contingent litigieux, il convient d'examiner si cette erreur pouvait raisonnablement être décelée par les requérantes, compte tenu de leur expérience professionnelle et du devoir de diligence qui leur incombe en vertu de la jurisprudence citée au point 61 ci-dessus.

69.
    S'agissant de l'expérience professionnelle de l'opérateur concerné, il y a lieu de rechercher, selon une jurisprudence constante, s'il s'agit ou non d'un opérateur économique professionnel, dont l'activité consiste, pour l'essentiel, en des opérations d'importation et d'exportation, et s'il avait déjà une certaine expérience du commerce des marchandises en cause (arrêts Deutsche Fernsprecher, précité, point 21; Belovo, précité, point 19; Hewlett Packard France, précité, point 26; arrêt de la Cour du 28 juin 1990, Behn Verpackungsbedarf, C-80/89, Rec. p. I-2659, point 14).

70.
    En l'espèce, il ne fait aucun doute que les requérantes relèvent de cette catégorie d'opérateurs économiques expérimentés. En effet, elles figurent parmi les principaux importateurs de viande de poulet en Allemagne et affirment avoir une expérience dans le commerce de la volaille. Au demeurant, elles ne contestent pas l'affirmation de la Commission selon laquelle elles sont très actives dans ce domaine depuis plusieurs dizaines années.

71.
    Les requérantes soutiennent, toutefois, que, malgré leur expérience professionnelle, elles disposaient de connaissances limitées du règlement sur le contingent en question qui ne leur permettaient pas d'établir le lien entre, d'une part, les règlements nos 774/94 et 1431/94 et, d'autre part, la nouvelle version de la NC adoptée par le règlement n° 1359/95. Ce faisant, les requérantes reconnaissent cependant qu'elles avaient connaissance de la réglementation liée audit contingent. De plus, dans la mesure où, d'une part, les requérantes avaient déjà effectué des opérations analogues et étaient donc expérimentées dans l'importation des marchandises en cause et, d'autre part, l'importation desdites marchandises était soumise, depuis 1994, à la présentation d'un certificat d'importation, il y a lieu de considérer que les requérantes avaient connaissance de l'importance dudit certificat, afin de pouvoir obtenir le bénéfice du contingent tarifaire pluriannuel concernant ces marchandises.

72.
    Cette conclusion, selon laquelle les requérantes étaient non seulement en mesure d'établir un lien entre les règlements nos 774/94 et 1431/94 et le règlement n° 1359/95, mais avaient établi effectivement un tel lien, est corroborée par les doutes qu'elles ont eus à cet égard ainsi que par les démarches qu'elles ont entreprises auprès de différentes autorités douanières allemandes, dans le courant du mois d'août 1995, afin de dissiper lesdits doutes et d'obtenir des précisions sur la teneur de la réglementation concernée. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée par les requérantes visant à ce que MM. Peter Biegi et Caspar von der Crone soient entendus par le Tribunal, afin de démontrer les connaissances prétendument limitées des requérantes en la matière.

73.
    Pour ce qui est de la diligence de l'opérateur économique concerné, il résulte de la jurisprudence qu'il appartient à ce dernier, dès lors qu'il a lui-même des doutes quant à la nécessité d'un certificat d'importation pour bénéficier d'un contingent tarifaire préférentiel, de s'informer et de rechercher tous les éclaircissements possibles pour vérifier si ses doutes sont ou non justifiés (voir arrêts Deutsche Fernsprecher, précité, point 22, et Hewlett Packard France, précité, point 24).

74.
    En l'espèce, les requérantes prétendent, tout d'abord, qu'elles ont fait preuve de diligence en consultant le tarif d'usage des douanes allemandes, tel que modifié par l'Eilverteiler, qui ne contenait pas d'indication quant à l'exigence d'un certificat d'importation pour l'utilisation du contingent tarifaire litigieux.

75.
    À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence bien établie, les dispositions tarifaires communautaires applicables constituent, à dater de leur publication au Journal officiel des Communautés européennes, le seul droit positif en la matière, droit que nul n'est censé ignorer. Un tarif d'usage, tel que le tarif d'usage des douanes allemandes, rédigé par les autorités nationales, ne constitue, dès lors, qu'un manuel pour les opérations de dédouanement de valeur purement indicative. Il en découle qu'un opérateur économique dont l'activité consiste, pour l'essentiel, en des opérations d'importation et d'exportation, et qui a déjà une certaine expérience en la matière, doit s'assurer, par la lecture des journaux officiels pertinents, du droit communautaire applicable aux opérations qu'il effectue. Un tel opérateur ne peut pas, par conséquent, pour déterminer le taux du droit applicable, se fonder uniquement sur l'indication donnée dans un tarif d'usage national (voir arrêts Binder, précité, point 19; Behn Verpackungsbedarf, précité, points 13 et 14, et William Hinton & Sons, précité, point 71).

76.
    Les requérantes font valoir, ensuite, qu'elles ont fait preuve de diligence en s'adressant à différents services douaniers qui leur auraient communiqué des renseignements téléphoniques erronés quant à l'exigence d'un certificat d'importation tant avant qu'après les importations litigieuses. Ces informations auraient créé dans le chef des requérantes une confiance légitime qui les autorisait à agir.

77.
    Cet argument doit être écarté, compte tenu des développements et considérations exposés aux points 57 à 59 ci-dessus. Par ailleurs, indépendamment de leur réalité et de leur valeur probante, les renseignements téléphoniques allégués auraient simplement confirmé l'Eilverteiler; de plus, lesdits renseignements ne sauraient être pertinents par rapport à l'obligation incombant aux requérantes de consulter attentivement les textes pertinents publiés au Journal officiel des Communautés européennes et de rechercher, en cas de doutes quant à leur signification, tous les éclaircissements possibles pour vérifier le caractère justifié ou non de ces doutes.

78.
    Doit, enfin, être rejeté l'argument selon lequel les requérantes ne disposeraient pas du temps nécessaire pour demander aux autorités compétentes la clarification de la situation juridique par écrit, compte tenu de longs délais de réponse à une telle demande et du fait que de nombreux contingents dans le secteur des viandes de volailles fonctionnent selon la règle «premier arrivé, premier servi».

79.
    En effet, premièrement, si le comportement des opérateurs concernés devait être guidé uniquement par des considérations économiques telles que celles invoquées par les requérantes, leur devoir de diligence, tel que défini par la jurisprudence, serait vidé de tout contenu.

80.
    Deuxièmement, les dispositions pertinentes des règlements nos 774/94 et 1431/94, relatives au certificat d'importation, ont été publiées et applicables un an avant les importations litigieuses. Le règlement n° 1359/95 a lui aussi été publié le 26 juin 1995, soit trois semaines avant les importations litigieuses de juillet 1995 de Biegi, et quatre semaines avant les importations de Commonfood. Les requérantes disposaient donc d'un temps suffisant, avant les importations litigieuses, pour s'adresser par écrit aux services douaniers allemands compétents, ou à la Commission, afin de dissiper leurs doutes et d'obtenir des clarifications sur la réglementation applicable. Or, il est constant que les requérantes n'ont pas entrepris de telles démarches en temps utile.

81.
    Troisièmement, l'affirmation des requérantes selon laquelle la réponse à une demande écrite prendrait nécessairement beaucoup de temps, les empêchant ainsi de respecter les délais qui découlent du système «premier arrivé, premier servi», est dépourvue de pertinence pour l'appréciation de la diligence dont les requérantes, en tant qu'opérateurs économiques expérimentés, auraient dû faire preuve en l'espèce. Par ailleurs, cette même affirmation des requérantes quant à la longueur du délai de réponse à une demande écrite n'est pas avérée en l'espèce. Il est constant, en effet, que la demande écrite adressée par les requérantes au ministère fédéral des Finances allemand après les importations litigieuses, à savoir le 18 août 1995, a reçu une réponse écrite dans les quatre jours, par le courrier du 22 août 1995, susvisé.

82.
    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les requérantes n'ont pas fait preuve de la diligence qui leur incombait en tant qu'opérateurs expérimentés dans le domaine de l'importation des marchandises en question.

83.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que c'est à bon droit que la Commission a estimé que la deuxième des conditions cumulatives prévues par l'article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC n'était pas remplie en l'espèce et qu'il était justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l'importation pour les importations litigieuses.

84.
    Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

Arguments des parties

85.
    Les requérantes font valoir que les décisions attaquées violent le principe de proportionnalité, du fait que la Commission impose des obligations de diligence excessives aux opérateurs économiques tout en ayant elle-même négligé de clarifier la situation juridique par un simple renvoi, dans le règlement n° 1359/95, aux règlements nos 774/94 et 1431/94.

86.
    La Commission rétorque que l'argumentation des requérantes recoupe celle tirée du caractère prétendument obscur du règlement n° 1359/95, avancée dans le cadre du premier moyen. En tout état de cause, selon la Commission, dès lors que les conditions d'application de l'article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC ne sont pas, comme en l'espèce, réunies, le fait de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l'importation ne saurait être constitutif d'une violation du principe de proportionnalité.

Appréciation du Tribunal

87.
    Lorsque les conditions d'application de l'article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC ne sont pas remplies, le fait de procéder à la prise en compte a posteriori des droits de douanes ne constitue pas une violation du principe de proportionnalité (arrêt Faroe Seafood e.a., précité, point 114).

88.
    En l'espèce, les conditions d'application de l'article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC n'étant pas remplies, la prise en compte a posteriori par les décisions attaquées des droits pour les importations litigieuses ne saurait constituer, en elle-même, une violation du principe de proportionnalité.

89.
    Il s'ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes de bonne administration et d'égalité de traitement

Arguments des parties

90.
    Les requérantes soutiennent que, en adoptant les décisions attaquées, la Commission a violé les principes de bonne administration et d'égalité de traitement consacrés par le droit communautaire. En effet, les décisions attaquées s'écarteraient, au détriment des requérantes, d'une décision antérieure, en date du 24 mars 2000, adoptée dans un cas similaire (REC 11/98).

91.
    La Commission considère que la prétendue violation du principe de bonne administration n'est pas motivée par les requérantes et est donc dépourvue de pertinence.

92.
    En ce qui concerne la violation du principe d'égalité de traitement ou de non-discrimination, la Commission relève que la procédure REC 11/98 et les procédures litigieuses (REC 4/00 et 4/01) ne sont pas comparables. L'erreur des services douaniers dans la procédure REC 11/98 n'aurait pas consisté uniquement dans la publication d'un tarif douanier national erroné, mais également et surtout dans le fait que les autorités douanières françaises auraient accepté pendant deux ans un nombre extrêmement élevé de déclarations d'importation comportant un taux de droits incorrect. Par conséquent, ni la nature, ni la durée de l'erreur, ni le nombre des importations concernées ne seraient comparables avec ceux des procédures litigieuses.

Appréciation du Tribunal

93.
    Il convient de constater, en premier lieu, que le grief tiré d'une prétendue violation du principe de bonne administration n'est nullement étayé et doit, dès lors, être rejeté.

94.
    Quant au grief tiré de la violation du principe d'égalité de traitement, il convient de rappeler, en second lieu, que, conformément à une jurisprudence constante, ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu'une différenciation ne soit objectivement justifiée (arrêts de la Cour du 13 novembre 1984, Racke, 283/83, Rec. p. 3791, point 7, et du 12 décembre 2002, Rodríguez Caballero, C-442/00, Rec. p. I-11930, point 32).

95.
    En l'espèce, les requérantes prétendent que les décisions attaquées s'écartent d'une décision antérieure de la Commission adoptée le 24 mars 2000 dans une procédure REC 11/98, selon elles similaire, dans laquelle la Commission a estimé qu'il n'était pas justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l'importation.

96.
    Toutefois, ainsi que la Commission l'a observé, sans être nullement contestée par les requérantes durant la procédure écrite et lors de l'audience, la procédure REC 11/98 n'est pas comparable aux présentes procédures. Dès lors, le présent grief doit être rejeté comme dépourvu de pertinence.

97.
    Partant, le troisième moyen doit être écarté.

98.
    Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, les présents recours doivent être rejetés.

Sur les dépens

99.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    Les recours sont rejetés.

2)    Les requérantes sont condamnées aux dépens.

Tiili
Mengozzi

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 septembre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili


1: Langue de procédure: l'allemand.