Language of document : ECLI:EU:T:2003:245

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

30 septembre 2003 (1)

«Concurrence - Conférences maritimes - Règlement (CEE) n° 4056/86 - Exemption par catégorie - Exemption individuelle - Position dominante collective - Abus - Contrats de services - Adhésions à la Conférence - Atteinte à la structure de concurrence - Retrait de l'exemption par catégorie - Amendes - Droits de la défense»

Dans les affaires jointes T-191/98, T-212/98 à T-214/98,

Atlantic Container Line AB, établie à Göteborg (Suède),

Cho Yang Shipping Co. Ltd, établie à Séoul (Corée du Sud),

DSR-Senator Lines GmbH, établie à Brême (Allemagne),

Hanjin Shipping Co. Ltd, établie à Séoul,

Hapag Lloyd AG, établie à Hambourg (Allemagne),

Hyundai Merchant Marine Co. Ltd, établie à Séoul,

A. P. Møller-Mærsk Line, établie à Copenhague (Danemark),

Mediterranean Shipping Co. SA, établie à Genève (Suisse),

Orient Overseas Container Line (UK) Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),

Polish Ocean Lines (POL), établie à Gdynia (Pologne),

P & O Nedlloyd Ltd, établie à Londres,

Sea-Land Service Inc., établie à Jersey City, New Jersey (États-Unis),

Neptune Orient Lines Ltd, établie à Singapour (Singapour),

Nippon Yusen Kaisha, établie à Tokyo (Japon),

Transportación Marítima Mexicana SA de CV, établie à Mexico (Mexique),

Tecomar SA de CV, établie à Mexico,

représentées par Mes J. Pheasant, N. Bromfield, M. Levitt, D. Waelbroeck, U. Zinsmeister, A. Bentley, C. Thomas, A. Nourry, M. Van Kerckhove, P. Ruttley et A. Merckx, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. R. Lyal, en qualité d'agent, assisté de M. J. Flynn, barrister, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

European Council of Transport Users ASBL, représentée par Me M. Clough, QC, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 1999/243/CE de la Commission, du 16 septembre 1998, relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité CE (Affaire IV/35.134 - Trans-Atlantic Conference Agreement) (JO 1999, L 95, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience des 26 et 27 mars 2003,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), s'appliquait, à l'origine, à l'ensemble des activités couvertes par le traité CEE. Toutefois, considérant que, dans le cadre de la politique commune des transports, et compte tenu des aspects spéciaux de ce secteur, il se révélait nécessaire d'arrêter une réglementation de la concurrence différente de celle prise pour les autres secteurs économiques, le Conseil a adopté le règlement n° 141, du 26 novembre 1962, portant non-application du règlement n° 17 du Conseil au secteur des transports (JO 1962, 124, p. 2751).

2.
    Le 19 juillet 1968, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 1017/68 portant application de règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 175, p. 1).

3.
    Conformément à l'article 2 du règlement n° 1017/68, les accords, décisions et pratiques concertées qui, pour les trois modes de transport susvisés, sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun sont interdits. Aux termes de cette disposition, tel est notamment le cas des accords, décisions et pratiques concertées qui consistent à:

a)    fixer de façon directe ou indirecte les prix et conditions de transport ou d'autres conditions de transaction;

b)    limiter ou contrôler l'offre de transport, les débouchés, le développement technique ou les investissements;

c)    répartir les marchés de transport;

d)    appliquer des conditions inégales à des prestations équivalentes à l'égard de partenaires commerciaux, en leur infligeant, de ce fait, un désavantage dans la concurrence;

e)    subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec la prestation de transport.

4.
    L'article 5 du règlement n° 1017/68 prévoit l'exemption des accords, décisions et pratiques concertées qui contribuent à améliorer la qualité des services de transport ou à promouvoir, sur les marchés qui sont soumis à de fortes fluctuations dans le temps de l'offre et de la demande, une meilleure continuité et stabilité dans la satisfaction des besoins de transport, ou à augmenter la productivité ou à promouvoir le progrès technique ou économique, pour autant que les intérêts des utilisateurs de transport soient pris en considération et à condition de ne pas imposer aux entreprises de transport des restrictions qui ne soient pas indispensables pour atteindre ces objectifs et de ne pas donner à ces entreprises la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle du marché de transport en cause.

5.
    Le 22 décembre 1986, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 4056/86 déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes (JO L 378, p. 4).

6.
    L'article 3 du règlement n° 4056/86 prévoit:

«Sont exemptés de l'interdiction édictée par l'article 85, paragraphe 1, du traité, sous la condition prévue à l'article 4 du présent règlement, les accords, décisions et pratiques concertées de tout ou partie des membres d'une ou de plusieurs conférences maritimes, ayant comme objectif la fixation des prix et des conditions du transport et, selon le cas, un ou plusieurs des objectifs suivants:

a)    coordination des horaires des navires ou de leurs dates de voyage ou d'escale;

b)    détermination de la fréquence des voyages ou des escales;

c)    coordination ou répartition des voyages ou des escales entre membres de la conférence;

d)    régulation de la capacité de transport offerte par chacun des membres;

e)    répartition entre ces membres du tonnage transporté ou de la recette.»

7.
    Par conférence maritime, il faut entendre, selon l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86, «un groupe d'au moins deux transporteurs exploitants de navires qui assure des services internationaux réguliers pour le transport de marchandises sur une ligne ou des lignes particulières dans les limites géographiques déterminées et qui a conclu un accord ou un arrangement, quelle qu'en soit la nature, dans le cadre duquel ces transporteurs opèrent en appliquant des taux de fret uniformes ou communs et toutes autres conditions de transport concertées pour la fourniture de services réguliers».

8.
    À cet égard, le huitième considérant du règlement n° 4056/86 expose:

«[...] il est opportun de prévoir une exemption de groupe en faveur des conférences maritimes; que ces conférences exercent un rôle stabilisateur de nature à garantir des services fiables aux chargeurs; qu'elles contribuent généralement à assurer une offre de services de transport maritime réguliers, suffisants et efficaces et ceci en prenant en considération les intérêts des usagers dans une mesure équitable; que ces résultats ne peuvent être obtenus sans la coopération que les compagnies développent au sein desdites conférences en matière de tarifs et, le cas échéant, d'offre de capacité ou de répartition des tonnages à transporter, voire des recettes; que le plus souvent les conférences restent soumises à une concurrence effective de la part tant des services réguliers hors conférence que, dans certains cas, de services de tramp et d'autres modes de transport; que la mobilité des flottes, qui caractérise la structure de l'offre dans le secteur des services de transport maritime, exerce une pression concurrentielle permanente sur les conférences, lesquelles n'ont normalement pas la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des services de transport maritime en cause.»

9.
    Afin de prévenir de la part des conférences maritimes des pratiques incompatibles avec les dispositions de l'article 85, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 3, CE), et, notamment, des restrictions de concurrence qui ne seraient pas indispensables pour atteindre les objectifs justifiant l'octroi de l'exemption, le règlement n° 4056/86 a assorti l'exemption par catégorie de certaines conditions et charges. D'une part, l'article 4 dudit règlement prévoit que, sous peine de nullité de l'accord ou de la partie concernée de celui-ci, l'exemption est soumise à la condition impérative que ledit accord ne puisse porter préjudice à certains ports, usagers ou transporteurs du fait de l'application de conditions différenciées. D'autre part, l'article 5 du règlement n° 4056/86 assortit l'exemption au respect de certaines obligations relatives, notamment, aux accords de fidélité, aux services non couverts par le fret et à la publication des tarifs.

10.
    En outre, il est rappelé au treizième considérant qu'«une exemption ne peut être acquise lorsque les conditions énumérées à l'article 85 paragraphe 3, ne sont [pas] réunies; que la Commission doit donc avoir la faculté de prendre les mesures appropriées au cas où un accord ou une entente exemptée révèlent, en raison de circonstances particulières, certains effets incompatibles» avec ce même article.

11.
    À cette fin, l'article 7 du règlement n° 4056/86 prévoit un mécanisme de contrôle des ententes exemptées. Cette disposition prévoit:

«1.    Manquement à une obligation

Lorsque les intéressés manquent à une obligation dont est assortie, aux termes de l'article 5, l'exemption prévue à l'article 3, la Commission fait cesser ces contraventions et peut à cette fin, dans les conditions prévues par la section II:

-    adresser des recommandations aux intéressés,

-    en cas d'inobservation de ces recommandations par les intéressés et en fonction de la gravité de l'infraction en cause, adopter une décision qui, soit leur interdit ou leur enjoint d'accomplir certains actes, soit, tout en leur retirant le bénéfice de l'exemption de groupe, leur accorde une exemption individuelle conformément à l'article 11, paragraphe 4, ou encore leur supprime le bénéfice de l'exemption de groupe.

2.    Effets incompatibles avec l'article 85, paragraphe 3

a)    Lorsque, en raison de circonstances particulières décrites ci-après, des accords, décisions et pratiques concertées bénéficiant de l'exemption prévue aux articles 3 et 6 ont cependant des effets incompatibles avec les conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, du traité, la Commission prend, sur plainte ou d'office, dans les conditions prévues à la section II, les mesures énoncées au point c). La sévérité de ces mesures doit être proportionnelle à la gravité de la situation.

b)    Les circonstances particulières résultent entre autres de:

    i)    tout acte d'une conférence ou toute modification des conditions du marché dans un trafic donné, entraînant l'absence ou l'élimination d'une concurrence effective ou potentielle telles que des pratiques restrictives fermant le trafic à la concurrence

        ou

    ii)    tout acte d'une conférence susceptible de faire obstacle au progrès technique ou économique ou à la participation des usagers au profit qui en résulte;

    iii)    tout acte d'un pays tiers qui:

        -    entrave le fonctionnement des compagnies hors conférence (outsiders) sur un trafic donné,

        -    impose aux membres de la conférence des tarifs abusifs

            ou

        -    impose d'autres modalités qui font obstacle au progrès technique ou économique (répartition de la cargaison transportée, restrictions quant aux types de navires).

c)    i)    Si la concurrence effective ou potentielle est absente ou risque d'être éliminée du fait d'un acte d'un pays tiers, la Commission, afin de remédier à la situation, procède avec les autorités compétentes du pays tiers concerné, à des consultations éventuellement suivies de négociations au titre de directives données par le Conseil.

        Si les circonstances particulières entraînent l'absence ou l'élimination d'une concurrence effective ou potentielle contrairement aux dispositions de l'article 85, paragraphe 3, [sous] b) du traité, la Commission retirera le bénéfice de l'exemption du groupe. Dans le même temps, elle pourra décider des conditions et charges supplémentaires auxquelles une exemption individuelle pourrait être accordée à l'entente visée en vue, entre autres, d'obtenir l'accès au marché pour les compagnies non membres de la conférence.

    ii)    Si les conditions particulières énumérées [sous] b) ont des effets autres que ceux visés au point i) du présent point, la Commission prendra une ou plusieurs des mesures décrites au paragraphe 1.»

12.
    L'article 8 du règlement n° 4056/86 prévoit:

«1. L'exploitation abusive d'une position dominante au sens de l'article 86 du traité [CE (devenu article 82 CE)] est interdite, aucune décision préalable n'étant requise à cet effet.

2. Lorsque la Commission constate, soit d'office soit à la demande d'un État membre ou d'une personne physique ou morale faisant valoir un intérêt légitime, que, dans un cas particulier, quel qu'il soit, le comportement des conférences bénéficiant de l'exemption prévue à l'article 3 produit cependant des effets incompatibles avec l'article 86 du traité, elle peut retirer l'exemption de groupe et prendre, en application de l'article 10, toutes les mesures appropriées pour faire cesser les infractions à l'article 86 du traité.

3. Avant de prendre une décision conformément au paragraphe 2, la Commission peut adresser à la conférence concernée des recommandations visant à faire cesser l'infraction.»

13.
    En vertu de l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 4056/86, dans le cas où l'application dudit règlement est de nature à entrer en conflit avec le droit de certains pays tiers, compromettant par là même les intérêts commerciaux et maritimes importants de la Communauté, la Commission procède à la première occasion à des consultations avec les autorités compétentes des pays tiers en vue de concilier, dans la mesure du possible, les intérêts susmentionnés et le respect du droit communautaire. Conformément à l'article 9, paragraphe 2, du règlement, si des accords avec des pays tiers doivent être négociés, la Commission présente des recommandations au Conseil, qui l'autorise à ouvrir les négociations nécessaires. Ces négociations sont conduites par la Commission en consultation avec le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes dans le domaine des transports maritimes, dans le cadre des directives que le Conseil peut lui adresser.

14.
    Aux termes de l'article 10, premier alinéa, du règlement n° 4056/86:

«La Commission engage les procédures en vue de la cessation d'une infraction aux dispositions des articles 85, paragraphe 1, ou 86 du traité, ainsi que la procédure en vue de l'application de l'article 7 du présent règlement, sur plainte ou d'office.»

15.
    Aux termes de l'article 15, paragraphe 3, du même règlement, un comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes dans le domaine des transports maritimes est consulté préalablement à toute décision consécutive à une procédure visée à l'article 10.

16.
    En ce qui concerne l'application individuelle de l'article 85, paragraphe 3, du traité, le dix-huitième considérant du règlement n° 4056/86 énonce que, «étant donné les aspects spéciaux des transports maritimes, il appartient en premier lieu aux entreprises de s'assurer que leurs accords, décisions ou pratiques concertées sont conformes aux règles de concurrence et qu'il n'est donc pas nécessaire de leur imposer l'obligation de les notifier à la Commission».

17.
    Ainsi, en vertu de l'article 11, paragraphe 4, du règlement n° 4056/86:

«Si la Commission arrive à la conclusion, au terme d'une procédure engagée sur plainte ou d'office, qu'un accord, une décision ou une pratique concertée remplit les conditions de l'article 85, paragraphes 1 et 3, elle rend une décision d'application de l'article 85, paragraphe 3. La décision indique la date à partir de laquelle elle prend effet. Cette date peut être inférieure à celle de la décision.»

18.
    Toutefois, en vertu de l'article 12, paragraphe 1, du règlement n° 4056/86, les entreprises qui désirent se prévaloir des dispositions de l'article 85, paragraphe 3, du traité en faveur des accords, décisions et pratiques concertées visés à l'article 85, paragraphe 1, du traité auxquels elles participent peuvent adresser une demande à la Commission. Cette demande sera traitée dans le cadre de la procédure d'opposition prévue par cette disposition.

19.
    Aux termes de l'article 19 du règlement n° 4056/86:

«2. La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des amendes de mille écus au moins et d'un million d'écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a)    elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, ou de l'article 86 du traité ou ne donnent pas suite à une obligation imposée en application de l'article 7 du présent règlement;

b)    elles contreviennent à une charge imposée en vertu de l'article 5 ou de l'article 13, paragraphe 1.

Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci.

[...]

4. Les décisions prises en vertu des paragraphes 1 et 2 n'ont pas un caractère pénal.

Les amendes prévues au paragraphe 2, [sous] a) ne peuvent être infligées pour des agissements postérieurs à la notification à la Commission et antérieurs à la décision par laquelle elle accorde ou refuse l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, pour autant qu'ils restent dans les limites de l'activité décrite dans la notification.

Toutefois, cette disposition n'est pas applicable dès lors que la Commission a fait savoir aux entreprises intéressées qu'après examen provisoire elle estime que les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité sont remplies et qu'une application de l'article 85, paragraphe 3, n'est pas justifiée.»

20.
    Selon l'article 23, paragraphe 1, du règlement n° 4056/86, la Commission, avant de prendre une décision, donne aux entreprises et associations d'entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus contre elles. Le règlement (CEE) n° 4260/88 de la Commission, du 16 décembre 1988, relatif aux communications, aux plaintes, aux demandes et aux auditions visées par le règlement n° 4056/86 (JO L 376, p. 1), en vigueur au moment des faits, précise les conditions procédurales à respecter lors de l'audition.

Faits à l'origine du litige

I - Trans-Atlantic Agreement (TAA)

21.
    Les requérantes dans la présente affaire sont, à l'exception de l'une d'entre elles, les compagnies maritimes qui ont participé au TAA.

22.
    Le TAA était un accord relatif au transport de ligne à travers l'Atlantique, entre l'Europe du Nord et les États-Unis d'Amérique, notifié à la Commission le 28 août 1992 et entré en vigueur le 31 août 1992.

23.
    Le TAA fixait, notamment, les tarifs applicables au transport maritime et au transport «multimodal». Les tarifs applicables au transport maritime se caractérisaient par l'existence d'au moins deux niveaux de taux. Quant aux tarifs applicables au transport multimodal, ils comprenaient, outre le transport maritime, l'acheminement terrestre de marchandises, vers ou à partir des côtes, à destination et en provenance d'un point à l'intérieur des côtes. Les tarifs applicables au transport multimodal couvraient donc le segment maritime et le segment terrestre. Le TAA contenait également des dispositions régissant d'autres aspects du transport de ligne de conteneurs, en particulier l'affrètement de «slots» ou d'espaces et l'échange d'équipement, la fixation des prix des activités de manutention portuaire ainsi que la gestion commune des capacités de transport maritime.

24.
    Le 19 octobre 1994, la Commission a arrêté la décision 94/980/CE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité (IV/34.446 - Trans-Atlantic Agreement) (JO L 376, p. 1).

25.
    La décision 94/980 (ci-après la «décision TAA») constate que les accords de prix et de non-utilisation des capacités sur le transport maritime et les accords de prix sur le transport terrestre de conteneurs s'effectuant dans ou transitant par la Communauté dans le cadre d'un transport multimodal constituent des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité (article 1er de la décision TAA).

26.
    En ce qui concerne l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, la décision TAA conclut que l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 en faveur de certains accords de conférence maritime n'est pas applicable à ces dispositions de l'accord TAA au motif que le TAA n'est pas une conférence maritime appliquant des «taux de fret uniformes ou communs» au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86, parce qu'il établit au moins deux niveaux de tarifs maritimes. En tout état de cause, même si le TAA constituait une conférence maritime, la Commission estime que les dispositions du TAA relatives à la non-utilisation des capacités et à la fixation des prix des services de transport terrestre fournis dans un cadre multimodal ne pourraient pas bénéficier de l'application de l'exemption par catégorie parce que, respectivement, le gel des capacités ne peut être considéré comme un «accord de régulation de la capacité de transport offerte par chacun des membres» au sens de l'article 3, sous d), du règlement n° 4056/86, et la fixation des prix des services de transport terrestre, fût-ce dans un cadre multimodal, ne relève pas du champ d'application du règlement n° 4056/86, ce dernier ne s'appliquant qu'aux transports maritimes de port à port. Par ailleurs, la Commission refuse d'octroyer à ces dispositions une exemption individuelle sur la base de l'article 85, paragraphe 3, du traité et de l'article 5 du règlement n° 1017/68 (article 2 de la décision TAA).

27.
    L'article 4 de la décision TAA interdit à ses destinataires de se livrer à des pratiques de fixation de prix ayant un objet ou un effet identique ou analogue aux dispositions contenues dans l'accord TAA.

28.
    Enfin, l'article 5 de la décision TAA impose à ses destinataires d'informer les clients avec lesquels ils ont conclu des contrats de services ou d'autres contrats dans le cadre du TAA qu'ils peuvent, s'ils le souhaitent, renégocier les clauses de ces contrats ou les résilier immédiatement.

29.
    Par ordonnance du 10 mars 1995, le président du Tribunal a accueilli la demande de sursis à l'exécution des articles 1er, 2, 3 et 4 de la décision TAA jusqu'au prononcé de l'arrêt du Tribunal dans l'affaire au principal, dans la mesure où ces articles interdisent aux parties au TAA d'exercer conjointement le pouvoir de fixer les taux applicables aux segments terrestres, sur le territoire de la Communauté, dans le cadre des services de transport combiné (ordonnance du président du Tribunal du 10 mars 1995, Atlantic Container e.a./Commission, T-395/94 R, Rec. p. II-595). Le pourvoi formé par la Commission contre cette ordonnance a été rejeté par ordonnance du président de la Cour rendue le 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a. [C-149/95 P(R), Rec. p. I-2165].

30.
    Par arrêt du 28 février 2002, le Tribunal a rejeté le recours en annulation introduit contre la décision TAA, sous réserve de son article 5 (arrêt du Tribunal du 28 février 2002, Altantic Container Line e.a./Commission, T-395/94, Rec. p. II-875) (ci-après l'«arrêt TAA»). Aucun pourvoi n'a été introduit contre cet arrêt.

II - Trans-Atlantic Conference Agreement (TACA)

31.
    À la suite de discussions entre les parties au TAA et la Commission, l'accord TAA a été modifié et remplacé par le TACA.

32.
    Comme le TAA, le TACA couvre les lignes maritimes dans le sens ouest-est («Eastbound») et est-ouest («Westbound») entre, d'une part, les ports d'Europe du Nord ainsi que les points desservis par ces ports et, d'autre part, les ports des États-Unis d'Amérique ainsi que les points desservis via ces ports.

33.
    Il est constant que le TACA contient des dispositions identiques à celles du TAA en matière de fixation des prix des services de transport terrestre assurés sur le territoire de la Communauté. Le TACA contient, par ailleurs, un certain nombre de règles concernant d'autres aspects du transport, en particulier en ce qui concerne la conclusion de contrats de services et la rémunération des transitaires.

Notifications effectuées par le TACA

34.
    Le 5 juillet 1994, le TACA a été notifié à la Commission, conformément à l'article 12, paragraphe 1, du règlement n° 4056/86, en vue de l'octroi d'une exemption en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité, et de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE).

35.
    Les parties initiales au TACA étaient les quinze compagnies maritimes suivantes: A. P. Møller-Maersk Line (ci-après «Maersk»), Atlantic Container Line AB (ci-après «ACL»), Hapag Lloyd AG (ci-après «Hapag Lloyd»), Nedlloyd Lijnen BV (ci-après «Nedlloyd»), P & O Containers Ltd (ci-après «P & O»), Sea-Land Service Inc. (ci-après «Sea-Land»), Mediterranean Shipping Co. SA (ci-après «MSC»), Orient Overseas Container Line (UK) Ltd (ci-après «OOCL»), Polish Ocean Lines (POL), DSR-Senator Lines GmbH (ci-après «DSR-Senator»), Cho Yang Shipping Co. Ltd (ci-après «Cho Yang»), Neptune Orient Lines Ltd (ci-après «NOL»), Nippon Yusen Kaisha (ci-après «NYK»), Transportación Marítima Mexicana SA de CV (ci-après «TMM») et Tecomar SA de CV (ci-après «Tecomar»). Ultérieurement, Hanjin Shipping Co. Ltd (ci-après «Hanjin») est devenue partie au TACA le 31 août 1994. Hyundai Merchant Marine Co. Ltd (ci-après «Hyundai») a adhéré au TACA le 11 septembre 1995. Hyundai est la seule des compagnies maritimes précitées à n'avoir jamais été partie au TAA.

36.
    Par lettre du 15 juillet 1994, la Commission a informé les parties au TACA que, conformément à l'article 4, paragraphe 8, du règlement n° 4260/88, elle entendait aussi examiner la demande d'exemption individuelle en application du règlement n° 1017/68, au motif que certaines des activités notifiées ne relevaient pas du champ d'application du règlement n° 4056/86.

37.
    Le TACA est entré en vigueur le 24 octobre 1994. En raison d'amendements successifs, plusieurs nouvelles versions de cet accord ont été notifiées à la Commission après le 5 juillet 1994.

38.
    Le 29 novembre 1995, à la suite de diverses discussions et échanges de correspondance avec la Commission, les parties au TACA ont notifié le European Inland Equipment Interchange Agreement (ci-après l'«EIEIA»), un accord de coopération en matière de segment terrestre de transport combiné.

39.
    Le 10 janvier 1997, les parties au TACA ont notifié à la Commission un système de noyaux et lignes de collecte et de distribution (système «hub and spoke») destiné à obtenir une exemption en faveur de la fixation collective des prix pour tous les services de transport terrestre.

40.
    Le TACA a donné lieu à deux procédures distinctes: la procédure de levée d'immunité contre l'imposition d'amendes et la procédure d'infraction en application des articles 85 et 86 du traité. Les présents recours concernent cette seconde procédure.

Procédure administrative de levée de l'immunité contre l'imposition d'amendes

41.
    Le 21 juin 1995, la Commission a adopté une communication des griefs adressée aux parties au TACA (à l'exception de Hyundai, qui n'était pas partie au TACA à ce moment) et qui précisait qu'elle envisageait d'adopter une décision retirant l'immunité à l'égard des amendes pouvant résulter de la notification du TACA pour ce qui concerne l'accord entre les parties portant sur la fixation des prix des services de transport terrestre assurés sur le territoire de la Communauté.

42.
    Le 1er mars 1996, la Commission a adressé aux parties au TACA une communication des griefs complémentaire dans laquelle elle indiquait que l'EIEIA ne modifiait en rien son appréciation du 21 juin 1995.

43.
    Le 26 novembre 1996, la Commission a adopté la décision C (96) 3414 final relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité (IV/35.134 - Trans-Atlantic Conference Agreement, non publiée, ci-après la «décision de levée d'immunité»), par laquelle elle a retiré aux parties au TACA le bénéfice de l'immunité contre l'imposition d'amendes en ce qui concerne les dispositions du TACA relatives à la fixation des taux terrestres, étant donné que, selon l'avis préliminaire de la Commission, ces dispositions ne remplissent pas les conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité, de l'article 5 du règlement n° 1017/68 et de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE.

44.
    Par arrêt du 28 février 2002, le Tribunal a déclaré irrecevable le recours des parties au TACA contre cette décision (arrêt du Tribunal du 28 février 2002, Atlantic Container Line e.a./Commission, T-18/97, Rec. p. II-1125). Aucun pourvoi n'a été introduit contre cet arrêt.

Procédure administrative d'infraction en application des articles 85 et 86 du traité

45.
    Le 24 mai 1996, la Commission a adressé aux parties au TACA une communication des griefs quant au fond, adoptée sur la base des règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86. Aux termes de sa communication des griefs, la Commission déclarait notamment considérer que le TACA tombait sous le coup de l'interdiction énoncée à l'article 85, paragraphe 1, du traité, et qu'un certain nombre d'éléments contenus dans l'accord n'entraient pas dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité. La Commission précisait qu'elle envisageait d'adopter une décision déclarant les parties au TACA en infraction à l'article 85, paragraphe 1, et exigeant qu'elles mettent fin aux pratiques qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 3. La communication des griefs indiquait également que les parties au TACA avaient abusé de leur position dominante en infraction à l'article 86 du traité et que la Commission envisageait de leur infliger des amendes à ce titre. Enfin, la communication des griefs annonçait que la Commission avait l'intention de retirer le bénéfice de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86 en application des articles 7 et/ou 8 dudit règlement.

46.
    Le 6 septembre 1996, les requérantes ont répondu à la communication des griefs de la Commission du 24 mai 1996. Les parties au TACA ont présenté oralement leur point de vue lors d'une audition qui s'est tenue le 25 octobre 1996.

47.
    Le 11 avril 1997, la Commission a adopté une communication des griefs complémentaire, dans laquelle elle indiquait que, malgré la notification du système «hub and spoke», elle envisageait toujours d'adopter une décision d'interdiction, y compris à l'égard de la pratique consistant à fixer les prix des services d'acheminement par le transporteur maritime assurés sur le territoire de la Communauté lorsque ces services ne relèvent pas du système «hub and spoke» du TACA.

48.
    Le 16 septembre 1998, la Commission a arrêté la décision 1999/243/CE, relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité (Affaire IV/35.134 - Trans-Atlantic Conference Agreement) (JO 1999, L 95, p. 1, ci-après la «décision» ou la «décision attaquée»). La Commission a suivi, aux fins de l'adoption de cette décision, les procédures prévues par les règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86.

49.
    Aux termes de la décision attaquée, la Commission conclut que certaines dispositions du TACA sont contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE et à l'article 2 du règlement n° 1017/68 et que les conditions d'octroi d'une exemption individuelle prévues par l'article 85, paragraphe 3, du traité, l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE et l'article 5 du règlement n° 1017/68 ne sont pas remplies. La Commission conclut, par ailleurs, que les requérantes ont enfreint les dispositions de l'article 86 du traité et de l'article 54 de l'accord EEE et impose, à ce titre, des amendes à l'ensemble des requérantes.

Décision attaquée

I - Dispositions pertinentes du TACA

50.
    Les dispositions pertinentes du TACA qui font l'objet de la décision attaquée concernent la fixation des prix du transport, la conclusion de contrats de services et la rémunération des transitaires.

Fixation collective des prix du transport

51.
    La décision attaquée constate que les membres du TACA fixent collectivement un tarif, qui comprend cinq parties indiquant des taux séparés pour chacun des services suivants: le transport terrestre jusqu'au port, la manutention de la cargaison au port (transfert du moyen de transport terrestre vers le navire), le transport maritime (transport d'un port à l'autre), la manutention de la cargaison au port de destination (transfert de navire vers le moyen de transport terrestre) et le transport terrestre du port de destination au lieu de destination finale (considérant 96).

52.
    La décision attaquée précise, par ailleurs, que:

-    le tarif commun contient une grille des prix pour le transport de fret entre des points définis: 26 catégories de marchandises sont prévues, un taux étant fixé pour chacune d'entre elles (considérant 13);

-    le tarif est publié par le TACA et est à la disposition de tous les chargeurs (considérant 13);

-    le tarif de la conférence fixe plusieurs taux différents: les taux ordinaires, les taux dégressifs en fonction du volume et de la durée (Time/Volume Rates, ci-après les «TVR») et les taux des contrats de fidélité (considérant 103);

-    en vertu de la législation américaine, tout membre d'une conférence est en droit de s'écarter du tarif fixé par la conférence en menant des actions indépendantes pour une catégorie de marchandises données, à condition d'en aviser les autres membres de la conférence (considérant 104).

Contrats de services

53.
    Les contrats de services sont des contrats dans le cadre desquels, d'une part, un chargeur s'engage à faire transporter par la conférence (contrats de services de la conférence) ou un transporteur individuel (contrats de services individuels) une quantité minimale de marchandises au cours d'une durée déterminée et, d'autre part, le transporteur maritime ou la conférence s'engage à appliquer un certain taux ou une certaine grille de taux ainsi qu'à fournir un certain niveau de services (considérant 110).

54.
    Les contrats de services individuels sont dits «communs» lorsqu'ils sont conclus par plusieurs transporteurs individuels. Il est constant que la notion de «contrats de services communs» dans la décision attaquée vise tant les contrats de services de la conférence que les contrats de services individuels communs.

55.
    Il est constant que, sur le trafic transatlantique, environ 50 à 60 % du fret est transporté dans le cadre de contrats de services (considérant 122).

56.
    Dans la décision attaquée, la Commission constate que le TACA visait à réglementer la négociation et la conclusion de contrats de services, tant de la conférence qu'individuels.

57.
    D'une part, concernant les contrats de services de la conférence (ou «contrats de services TACA»), l'article 14, paragraphe 3, de l'accord TACA prévoit qu'ils doivent être négociés pour le compte des parties au TACA par le secrétariat du TACA. Les contrats de services négociés par le secrétariat du TACA sont ensuite soumis au vote des parties. Tout membre qui ne souhaite pas participer à un contrat de services conclu dans ces conditions peut mener, à cet égard, une action unilatérale, dont le champ d'application est soumis à des limitations prévues à l'article 14, paragraphe 2, sous j), de l'accord TACA (considérants 132 à 148).

58.
    La décision attaquée relève que le TACA impose aussi, aux termes de son article 14, paragraphe 2, un certain nombre de «lignes directrices» contraignantes concernant le contenu des contrats de services et les circonstances dans lesquelles ils peuvent être conclus (considérant 149). Les restrictions pertinentes portent sur les questions suivantes:

-    la durée: en vertu de l'article 14, paragraphe 2, sous a), du TACA, les contrats de services devaient être conclus pour une période maximale d'une année civile; cette durée a ensuite été portée à deux ans, puis à trois ans [considérants 17, sous f), et 491];

-    les clauses conditionnelles (ou «contingency clauses»): en vertu de l'article 14, paragraphe 2, sous c), du TACA, il est interdit d'insérer dans les contrats de services toute clause prévoyant une réduction du taux payable en vertu desdits contrats en se référant aux conditions convenues avec d'autres chargeurs dans le cadre d'autres conventions [considérants 17, sous g), et 489];

-    les contrats multiples: en vertu de l'article 14, paragraphe 2, sous c), du TACA, aucune des parties au TACA ne peut participer, individuellement ou conjointement avec une autre partie, à plus d'un contrat de services à la fois avec n'importe quel chargeur pour le fret à transporter sur le trafic [considérants 17, sous f), et 493];

-    le niveau des indemnités forfaitaires en cas d'inexécution du contrat: en vertu de l'article 14, paragraphe 2, sous d), du TACA, les parties au TACA s'accordent sur le niveau des indemnités forfaitaires prévues par les contrats de services qu'elles passent (considérant 495); selon la décision attaquée, le niveau des indemnités forfaitaires a été fixé par les parties au TACA à 250 dollars des États-Unis d'Amérique (USD) par équivalent de vingt pieds (ou Twenty Foot Equivalent Units, ci-après «EVP») (considérant 226);

-    la confidentialité: la décision attaquée rapporte que les parties au TACA exigent que les conditions de tout contrat de services passé par l'une d'elles soient divulguées aux autres membres et mettent ces informations à la disposition des transporteurs qui adhèrent au TACA (considérant 496).

59.
    D'autre part, concernant les contrats de services individuels, le TACA interdisait, en 1994 et en 1995, leur conclusion. À partir de 1996, les contrats de services individuels ont été autorisés par le TACA. À cet égard, la décision attaquée rapporte:

«32    Le 9 mars 1995, les parties au TACA ont informé la Commission que la FMC [US Federal Maritime Commission] leur avait imposé une condition supplémentaire, en vertu de laquelle elles devaient modifier leur accord de façon à permettre aux différents signataires de passer des contrats de services en 1996 sans avoir reçu l'approbation des autres parties, pour autant que ces contrats respectent les conditions de l'article 14, paragraphe 2, du TACA.»

Rémunération des transitaires

60.
    En vertu de l'article 5, paragraphe 1, sous c), du TACA, les parties au TACA s'accordent sur les montants, les niveaux ou les taux des commissions de courtage et de rétribution des transitaires, y compris les modalités de paiement de ces sommes et la désignation des personnes pouvant servir de courtiers (considérant 164).

II - Définition du marché en cause

61.
    La décision attaquée constate, au terme de l'analyse effectuée aux considérants 60 à 84, que le marché des services maritimes auquel le TACA s'adresse est celui des transports maritimes réguliers par conteneur entre les ports de l'Europe du Nord et ceux des États-Unis d'Amérique et du Canada.

62.
    Au considérant 519, la Commission expose, dans le cadre de l'application de l'article 86 du traité:

«519    Le marché des transports maritimes en cause est décrit aux considérants 60 à 75. Le marché géographique correspond à la zone où les services de transport maritime définis plus haut sont commercialisés, à savoir, en l'espèce, les zones d'attraction des ports de l'Europe du Nord. Ce marché géographique correspond au champ d'application du tarif terrestre TACA et il représente une partie substantielle du marché commun.»

III - Appréciation juridique

63.
    La décision attaquée constate que les règles et pratiques du TACA en cause relèvent de l'application de l'article 85 et de l'article 86 du traité.

Application de l'article 85 du traité

64.
    En ce qui concerne l'application de l'article 85 du traité, la Commission expose que les éléments suivants du TACA ont pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sens du paragraphe 1 de cette disposition:

-    l'accord de prix entre les parties portant sur le transport maritime (considérants 379 et 380);

-    l'accord de prix entre les parties portant sur la fourniture aux chargeurs de services de transport terrestre sur le territoire de la Communauté, en combinaison avec d'autres services, dans le cadre d'opérations de transport multimodal de fret par conteneur («services d'acheminement par le transporteur» ou «carrier haulage») entre l'Europe du Nord et les États-Unis d'Amérique (considérants 379 et 380);

-    l'accord entre les parties portant sur les conditions auxquelles elles peuvent passer des contrats de services avec les chargeurs (considérants 379, 380 et 442 à 448);

-    l'accord entre les parties portant sur la fixation de plafonds de rémunération des transitaires (considérants 379, 380, 505 à 508).

65.
    La Commission estime, en revanche, qu'il est difficile, à ce stade, de dire si l'accord sur les échanges d'équipements prévu par l'EIEIA affecte sensiblement la concurrence. L'applicabilité de l'article 85 du traité à cet accord n'est donc pas abordée dans la décision attaquée (considérants 384, 399 et 426).

66.
    En ce qui concerne l'octroi d'une exemption, la Commission conclut que, à l'exception de l'accord portant sur les prix du transport maritime, les autres accords restrictifs de concurrence ne relèvent pas de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 (considérants 397 à 399). Quant à la possibilité d'une exemption individuelle, la Commission estime qu'aucun des accords concernés ne remplit les conditions prévues par l'article 85, paragraphe 3, du traité et l'article 5 du règlement n° 1017/68 (considérants 409 à 441).

Application de l'article 86 du traité

67.
    En ce qui concerne l'application de l'article 86 du traité, la décision attaquée constate que les membres du TACA détiennent une position dominante collective sur le marché en cause (considérants 519 à 576) et qu'ils ont abusé de cette position dominante collective entre 1994 et 1996, d'une part, en concluant un accord imposant des restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu (ci-après également le «premier abus») et, d'autre part, en modifiant la structure concurrentielle du marché de manière à renforcer la position dominante du TACA (ci-après également le «second abus») (considérants 550 à 576).

68.
    S'agissant du premier abus (considérants 551 à 558), la Commission considère qu'il tient, «en particulier aux conditions imposées par les parties au TACA [...] en ce qui concerne les clauses conditionnelles, la durée des contrats de services, l'interdiction des contrats multiples et le niveau des indemnités forfaitaires», ainsi qu'à l'«interdiction des contrats de services individuels en 1995» (considérants 556 et 557).

69.
    S'agissant du second abus (considérants 559 à 567), la Commission expose que «l'intention des parties au TACA était [...] de faire en sorte que si un concurrent potentiel souhaitait entrer sur le marché, il ne le fasse qu'après être devenu partie au TACA» (considérant 562). Au nombre des mesures prises par les parties au TACA pour amener les concurrents potentiels à entrer sur le marché en tant que parties au TACA figurent, selon la décision attaquée, des mesures spécifiques en faveur de Hanjin (communication d'informations confidentielles et allocation d'une part de marché) et de Hyundai (accès immédiat aux contrats de services), la conclusion d'un grand nombre de contrats de services à double tarification et le fait que les anciens membres structurés du TAA s'abstenaient de concourir pour certains contrats de services avec les transporteurs maritimes non exploitants de navires («Non Vessel Operating Common Carriers», ci-après les «NVOCC»).

Amendes

70.
    La décision attaquée inflige des amendes à chacune des parties au TACA pour leur infraction à l'article 86 du traité. Aucune amende n'est imposée pour sanctionner l'infraction à l'article 85 du traité.

71.
    Selon la décision attaquée, la durée de ces deux infractions couvre une partie de l'année 1994 et l'ensemble des années 1995 et 1996 (considérants 592 et 594).

Dispositif

72.
    Aux termes de son dispositif, la décision attaquée prévoit:

«Article premier

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE et de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1017/68 en s'entendant sur les prix des services d'acheminement terrestre fournis aux chargeurs sur le territoire de la Communauté en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'opérations de transport multimodal de fret par conteneur entre l'Europe du Nord et les États-Unis d'Amérique. Les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE et de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017/68 ne sont pas remplies.

Article 2

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE en s'entendant sur les montants, les niveaux ou les taux des commissions de courtage et de rétribution des transitaires, les modalités de paiement de ces sommes et la désignation des personnes pouvant assurer la fonction de courtier. Les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité et de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE ne sont pas remplies.

Article 3

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE en s'entendant sur les conditions auxquelles elles peuvent passer des contrats de services avec les chargeurs. Les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité et de l'article 53, paragraphe 3, de l'accord EEE ne sont pas remplies.

Article 4

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions visées aux articles 1er, 2 et 3 et de s'abstenir à l'avenir de tout accord ou pratique concertée ayant pour objet ou un effet identique ou similaire aux accords visés aux articles 1er, 2 et 3.

Article 5

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I ont enfreint les dispositions de l'article 86 du traité et de l'article 54 de l'accord EEE en modifiant la structure concurrentielle du marché de manière à renforcer la position dominante du ‘Trans-Atlantic Conference Agreement’ (TACA).

Article 6

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I ont enfreint les dispositions de l'article 86 du traité et de l'article 54 de l'accord EEE en imposant des restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu.

Article 7

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions visées aux articles 5 et 6 et de s'abstenir à l'avenir de tout acte ayant un objet ou un effet identique ou similaire auxdites infractions.

Article 8

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions aux dispositions de l'article 86 du traité et de l'article 54 de l'accord EEE visées aux articles 5 et 6:

A. P. Møller-Maersk Line                27 500 000 écus

Atlantic Container Line AB                 6 880 000 écus

Hapag Lloyd Container Line GmbH        20 630 000 écus

P & O Nedlloyd Container Line Limited        41 260 000 écus

Sea-Land Service, Inc.                    27 500 000 écus

Mediterranean Shipping Co.                13 750 000 écus

Orient Overseas Container Line (UK) Ltd    20 630 000 écus

Polish Ocean Lines                     6 880 000 écus

DSR-Senator Lines                    13 750 000 écus

Cho Yang Shipping Co., Ltd                13 750 000 écus

Neptune Orient Lines Ltd                13 750 000 écus

Nippon Yusen Kaisha                    20 630 000 écus

Transportación Marítima Mexicana SA de

CV/Tecomar SA de CV                 6 880 000 écus

Hanjin Shipping Co., Ltd                20 630 000 écus

Hyundai Merchant Marine Co., Ltd        18 560 000 écus

Article 9

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I sont tenues d'informer, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, les clients avec lesquels elles ont conclu des contrats de services communs qu'ils ont le droit de renégocier les conditions de ces contrats ou de résilier ceux-ci immédiatement.

Article 10

Les amendes prévues à l'article 8 sont payables en écus, dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision, au compte bancaire de la Commission européenne: n° 310-0933000-43, Banque Bruxelles Lambert, Agence européenne, Rond-Point Schuman 5, B-1040 Bruxelles.

À l'expiration de ce délai, des intérêts sont automatiquement dus au taux pratiqué par la Banque centrale européenne sur ses opérations en écus au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, majoré de 3,5 points de pourcentage, soit 7,5 %.

Article 11

Les entreprises dont la liste figure à l'annexe I sont destinataires de la présente décision.

La présente décision forme titre exécutoire, conformément à l'article 192 du traité.»

Procédure

73.
    Le 7 décembre 1998, 12 des 17 compagnies maritimes destinataires de la décision attaquée, à savoir ACL, Cho Yang, DSR-Senator, Hanjin, Hapag Lloyd, Hyundai, Maersk, MSC, OOCL, POL, P & O Nedlloyd (P & O Nedlloyd résulte de la fusion en janvier 1997 de Nedlloyd et de P & O, qui avaient été chacune destinataires de la décision attaquée au moment de son adoption) et Sea-Land, ont déposé au greffe du Tribunal une requête en annulation de cette décision en application de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE). Ce recours a été enregistré au greffe sous le numéro T-191/98 (Atlantic Container Line e.a./Commission).

74.
    Par requête séparée, NOL a déposé, le 29 décembre 1998, un recours en annulation à l'encontre de la décision attaquée. Ce recours a été enregistré au greffe sous le numéro T-212/98 (Neptune Orient Lines/Commission). Le même jour, NYK a également déposé un recours en annulation à l'encontre de la décision attaquée. Celui-ci a été enregistré au greffe sous le numéro T-213/98 (Nippon Yusen Kaisha/Commission). Enfin, le 30 décembre 1998, les compagnies maritimes TMM et Tecomar ont aussi déposé une requête en annulation à l'encontre de la décision attaquée. Ce recours a été enregistré au greffe sous le numéro T-214/98 (Transportación Marítima Mexicana et Tecomar/Commission).

75.
    Le 18 janvier 1999, à l'initiative du greffier, M. le juge Jaeger, juge rapporteur, a tenu avec les requérantes une réunion informelle, afin de les inviter à régulariser leurs requêtes, lesquelles totalisent environ 2 000 pages (hors annexes), à réfléchir sur l'opportunité d'établir un résumé de celles-ci, à faire un tri des pièces pertinentes figurant dans la centaine de classeurs composant les annexes et à régler les problèmes de confidentialité soulevés en ce qui concerne certaines pièces annexées. Seuls certains de ces problèmes de confidentialité ont pu être réglés au stade de cette réunion.

76.
    Par ordonnance du 22 février 1999, le président de la troisième chambre du Tribunal a ordonné la jonction des affaires T-191/98, T-212/98 à T-214/98 aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l'arrêt.

77.
    Le 21 juin 1999, The European Council of Transport Users ASBL (ci-après l'«ECTU», comprenant «The European Shippers Council», ci-après l'«ESC») a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission dans les affaires T-191/98, T-212/98 à T-214/98.

78.
    Par ordonnance du 21 juillet 1999, le président du Tribunal a rejeté la demande de sursis à l'exécution de la décision attaquée introduite par DSR-Senator (ordonnance du président du Tribunal du 21 juillet 1999, DSR-Senator Lines/Commission, T-191/98 R, Rec. p. II-2531). Le pourvoi formé contre cette ordonnance a été rejeté par le président de la Cour [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, DSR-Senator Lines/Commission, C-364/99 P(R), Rec. p. I-8733].

79.
    Le 17 août 1999, les requérantes ont sollicité le traitement confidentiel de certains documents à l'égard de la partie intervenante. Elles ont clarifié cette demande par télécopie du 23 août 1999. Par lettres des 10 septembre et 8 octobre 1999, la Commission a soulevé diverses objections à cette demande.

80.
    Par ordonnance du 15 novembre 1999, le président de la troisième chambre du Tribunal a, d'une part, admis l'intervention d'ECTU et, d'autre part, partiellement fait droit à la demande de traitement confidentiel. En outre, un traitement confidentiel a été accordé, à titre provisoire, à certaines annexes de la requête dans l'affaire T-191/98.

81.
    Par lettre du 8 décembre 1999, les requérantes ont informé le greffe de ce qu'elles entendaient retirer du dossier l'ensemble des appendices visés par l'ordonnance du 15 novembre 1999, à l'exception de l'un d'entre eux. Par lettre du 10 décembre 1999, les requérantes ont, en outre, sollicité le traitement confidentiel de certaines informations contenues dans la duplique et ses annexes. Par lettre du 17 janvier 2000, la Commission a soulevé des objections à cette demande.

82.
    Par ordonnance du 14 mars 2000, le président de la troisième chambre du Tribunal a fait partiellement droit à la demande de traitement confidentiel concernant certaines informations contenues dans la requête et la duplique.

83.
    Par ordonnance du 28 juin 2000, le président du Tribunal a rejeté la demande de sursis à exécution de la décision attaquée introduite par Cho Yang (ordonnance du président du Tribunal du 28 juin 2000, Cho Yang Shipping/Commission, T-191/98 R II, Rec. p. II-2551). Le pourvoi formé contre cette ordonnance a été rejeté par le président de la Cour [ordonnance du président de la Cour du 15 décembre 2000, Cho Yang Shipping/Commission, C-361/00 P(R), Rec. p. I-11657].

84.
    Le 27 septembre 2000, dans la lettre de couverture accompagnant ses observations sur le mémoire en intervention d'ECTU, la requérante dans l'affaire T-213/98 a demandé au Tribunal de réserver un traitement confidentiel à certains chiffres contenus dans ses observations. Cette demande a été réitérée par lettre du 20 octobre 2000. Par lettre du 17 novembre 2000, la Commission a soulevé des objections à cette demande. Par ordonnance du 20 juin 2002, le président de la troisième chambre du Tribunal a fait droit à la demande de la requérante.

85.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, a invité les parties à produire certaines pièces et à répondre à des questions écrites. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

86.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales lors de l'audience publique des 26 et 27 mars 2003.

Conclusions des parties

87.
    Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    à titre subsidiaire, annuler ou réduire les amendes infligées à l'article 8 de la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens;

-    condamner la Commission à rembourser aux requérantes les coûts liés à la constitution d'une garantie bancaire en lieu et place du paiement des amendes dans l'attente de l'arrêt du Tribunal.

88.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, partie intervenante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner les requérantes aux dépens.

En droit

89.
    À l'appui de leur recours en annulation, les requérantes soulèvent, en substance, sept groupes de moyens. Le premier est relatif aux moyens tirés de la violation des droits de la défense. Le deuxième est relatif aux moyens tirés de l'absence d'infraction à l'article 85 du traité. Le troisième est relatif aux moyens tirés de l'absence d'infraction à l'article 86 du traité. Le quatrième est tiré du non-respect de la procédure prévue par le règlement n° 4056/86. Le cinquième est relatif aux moyens tirés de différents défauts de motivation. Le sixième est relatif aux moyens concernant les amendes. Enfin, le septième est relatif au moyen tiré d'une violation de l'article 215, deuxième alinéa, du traité CE (devenu article 288, deuxième alinéa, CE).

90.
    Il convient d'emblée de relever que les requêtes déposées par les requérantes, ainsi que les annexes qui y sont jointes, d'une part, revêtent un caractère inhabituellement volumineux, chacune des requêtes totalisant près de 500 pages, tandis que les annexes représentent une centaine de classeurs, et, d'autre part, soulèvent près de 100 moyens différents. À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, l'obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant qu'il soit tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par une partie, en particulier s'il ne revêt pas un caractère suffisamment clair et précis et ne repose pas sur des éléments de preuve circonstanciés (arrêts de la Cour du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C-274/99 P, Rec. p. I-1611, point 121, et du 11 septembre 2003, Belgique/Commission, C-197/99 P, Rec. p. I-0000, point 81). C'est à la lumière de cette jurisprudence qu'il convient d'examiner les nombreux moyens soulevés par les requérantes à l'appui de leur recours.

I - Sur les moyens tirés de la violation des droits de la défense

91.
    Dans le cadre des moyens tirés de la violation des droits de la défense, les requérantes développent, en substance, trois branches distinctes. La première branche est tirée de la violation du droit d'être entendu. La deuxième branche est tirée de la violation du droit d'accès au dossier. Enfin, la troisième branche est tirée de la violation des principes de bonne administration, d'objectivité et d'impartialité.

Sur la première branche tirée de la violation du droit d'être entendu

92.
    Dans leur requête, les requérantes ont divisé la présente branche en trois parties. Dans la première partie, les requérantes allèguent que la communication des griefs n'est pas valable au motif qu'elle n'a pas été adoptée à la fin de l'enquête menée par la Commission et qu'elle revêt, en conséquence, un caractère prématuré. Dans la deuxième partie, elles soutiennent que l'allégation de modification abusive de la structure concurrentielle du marché est un nouveau grief qui est, au surplus, basé sur des éléments de preuve nouveaux. Enfin, dans la troisième partie, les requérantes allèguent que la décision attaquée contient des nouvelles allégations de fait et de droit par rapport à la communication des griefs.

93.
    Il ressort toutefois de l'examen de la requête que la présente branche comporte en réalité deux types de moyens de nature différente à l'égard de la procédure administrative conduite par la Commission. En effet, d'une part, les requérantes contestent, par un moyen qui apparaît dans la première partie de leur argumentation, la légalité de la communication des griefs en tant que telle, en ce qu'elle revêt un caractère prématuré. D'autre part, elles dénoncent, par des moyens qui apparaissent dans les trois parties de leur argumentation, l'existence de nouvelles allégations de fait ou de droit dans la décision attaquée.

A - Sur le moyen tiré de l'illégalité de la communication des griefs en ce qu'elle revêt un caractère prématuré

1. Arguments des parties

94.
    Les requérantes allèguent que la communication des griefs qui leur a été envoyée par la Commission le 24 mai 1996 n'est pas valable en ce qu'elle n'a pas été adoptée à la fin de l'enquête menée par la Commission.

95.
    Les requérantes rappellent que, selon la jurisprudence, la communication des griefs doit énoncer, de manière claire, les faits sur lesquels se base la Commission ainsi que la qualification qui leur est donnée (arrêts de la Cour du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C-62/86, Rec. p. I-3359, point 29; du 31 mars 1993, Ahlström e.a./Commission, dit «Pâte de bois II», C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à C-129/85, Rec. p. I-1307, points 40 à 54 et 152 à 154, et arrêt du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-10/92 à T-12/92 et T-15/92, Rec. p. II-2667, point 33). Dès lors, comme le Tribunal l'a jugé dans son arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission (T-7/89, Rec. p. II-1711, point 51), «le respect des droits de la défense exige que la requérante ait été mise en mesure de faire valoir, comme elle l'entendait, son point de vue sur l'ensemble des griefs formulés contre elle par la Commission dans les communications des griefs qui lui ont été adressées, ainsi que sur les éléments de preuve destinés à étayer ces griefs et mentionnés par la Commission dans ses communications des griefs ou annexés à celles-ci» (voir, aussi, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Sarrió/Commission, T-334/94, Rec. p. II-1439, point 39).

96.
    Les requérantes en déduisent que la Commission ne peut pas, dans sa décision, se fonder sur des preuves qui ont été obtenues après l'adoption de la communication des griefs et sur lesquelles l'entreprise concernée n'a pas eu l'occasion de faire valoir ses observations. Ainsi, elles font valoir que, dans son arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, Rec. p. 2639, point 15), la Cour a jugé que, «[...] conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et en vue de garantir le respect des droits de la défense, il est nécessaire d'assurer à l'entreprise concernée le droit de présenter des observations à l'issue des instructions au sujet de l'ensemble des griefs que la Commission se propose de retenir contre elle dans sa décision [...]».

97.
    Or, en l'espèce, les requérantes relèvent que la Commission leur a envoyé une demande d'informations deux jours avant l'envoi de la communication des griefs et une trentaine de demandes d'informations supplémentaires après l'envoi de la communication des griefs, tant au cours de la période consacrée à la réponse à la communication des griefs qu'après la réponse à la communication des griefs. Selon les requérantes, il en résulte que, contrairement au principe de bonne administration et à la jurisprudence précitée, la communication des griefs a été envoyée à ses destinataires de manière prématurée.

98.
    Selon les requérantes, le caractère prématuré de la communication des griefs a eu pour conséquence en l'espèce que:

-    la communication des griefs n'indique pas l'ensemble des éléments de fait considérés comme pertinents par la Commission pour examiner la notification du TACA;

-    l'examen juridique figurant dans la communication des griefs n'est pas basé sur l'ensemble des éléments de fait considérés comme pertinents par la Commission pour son appréciation de la notification;

-    la communication des griefs ne peut pas être considérée comme reflétant l'opinion de la Commission sur la notification et sa compatibilité avec le droit communautaire;

-    elles n'ont pas pu effectivement exercer les droits de la défense en répondant à la communication des griefs.

99.
    Il en résulterait que la communication des griefs du 24 mai 1996 ne remplirait pas le rôle dévolu à ce document, à savoir fournir à l'entreprise faisant l'objet d'une enquête l'occasion de faire valoir son point de vue, conformément aux droits de la défense, sur l'argumentation de la Commission avant l'adoption de la décision finale.

100.
    Les requérantes relèvent que, si certaines des demandes d'informations complémentaires sont relatives à des questions faisant l'objet de la communication des griefs, d'autres demandes d'informations concernaient des questions entièrement nouvelles.

101.
    Il y aurait, dès lors, en l'espèce, une contradiction légale et procédurale entre la position adoptée par la Commission dans la communication des griefs et la poursuite de son enquête après la communication des griefs. Ainsi, alors que la Commission justifie sa demande d'informations du 11 juillet 1996 par la nécessité d'apprécier la demande d'exemption individuelle des parties dans l'ensemble de son contexte économique et juridique, la communication des griefs du 24 mai 1996 indiquait que le TACA n'était pas susceptible de bénéficier d'une exemption (point 249 de la communication des griefs).

102.
    En réponse aux justifications avancées par la Commission faisant état de l'évolution constante des pratiques du TACA et du comportement d'obstruction des requérantes, ces dernières relèvent que la Commission n'indique pas les pratiques des membres du TACA dont l'évolution constante aurait justifié des demandes d'informations supplémentaires et nient avoir jamais fait obstacle à l'instruction.

103.
    En conséquence, la communication des griefs n'étant pas valable, il en résulterait que la Commission n'aurait pas valablement engagé la procédure à l'encontre des requérantes, de sorte qu'il faudrait considérer que la décision attaquée ne traite d'aucun grief au sujet duquel les requérantes ont eu l'occasion de faire valoir leur point de vue. L'ensemble de la décision attaquée devrait dès lors être annulée pour violation des droits de la défense.

104.
    La Commission soutient qu'elle est parfaitement en droit de procéder à une enquête après l'envoi d'une communication des griefs. Elle conclut dès lors au rejet de ce moyen des requérantes.

2. Appréciation du Tribunal

105.
    Il est constant que, en l'espèce, la Commission a envoyé aux parties au TACA une demande de renseignements deux jours avant l'envoi de la communication des griefs ainsi qu'une trentaine de demandes de renseignements supplémentaires après l'envoi de celle-ci, y compris après la réponse des requérantes à la communication des griefs et après l'audition devant la Commission, et ce jusqu'au mois de mars 1998.

106.
    Selon les requérantes, ces éléments démontrent que la communication des griefs, en raison de son caractère prématuré, n'a pas rempli le rôle normalement dévolu à ce document, à savoir fournir à l'entreprise faisant l'objet d'une enquête l'occasion de faire valoir utilement son point de vue sur l'ensemble des allégations de fait et de droit retenues contre elle par la Commission.

107.
    Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus au point 93, pour autant que, par le présent moyen, les requérantes reprochent à la Commission d'avoir utilisé les réponses aux demandes de renseignements supplémentaires pour formuler, dans la décision attaquée, de nouvelles allégations de fait ou de droit sans leur donner l'occasion de faire valoir leurs observations à ce sujet, le présent moyen se confond avec les moyens tirés de l'existence de nouvelles allégations de fait ou de droit dans la décision attaquée et, partant, sera traité dans le cadre de l'examen de ces derniers.

108.
    À ce stade, il convient dès lors uniquement d'examiner le présent moyen en ce qu'il soulève l'illégalité de la communication des griefs en raison du seul fait qu'elle revêt un caractère prématuré.

109.
    À cet égard, il y a lieu de constater que la thèse des requérantes repose sur la prémisse selon laquelle, avant d'envoyer une communication des griefs, la Commission doit avoir terminé son enquête préalable. En vue d'apprécier le bien-fondé du présent moyen des requérantes, il convient dès lors d'examiner si la Commission est soumise à une telle obligation.

110.
    Il est exact que, selon la jurisprudence, la réglementation nécessaire à l'application des articles 85 et 86 du traité, mise en place par le Conseil dans les règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86, sur le fondement desquels la décision attaquée a été adoptée, comporte deux procédures successives, mais nettement distinctes, à savoir une première procédure d'enquête préalable et une seconde procédure, de nature contradictoire, engagée par la communication des griefs (arrêt de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, point 20, et arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 95 ci-dessus, point 45).

111.
    Il en résulte que, en principe, l'envoi d'une communication des griefs fait suite à une enquête préalable menée par la Commission, selon le cas, à la suite d'une notification, d'une plainte ou d'office, en vue de déterminer la compatibilité des pratiques en cause avec les articles 85 et 86 du traité. Ce n'est en effet qu'après avoir mené une telle enquête que la Commission peut s'estimer suffisamment éclairée, tant en fait qu'en droit, quant à la légalité desdites pratiques et qu'elle est dès lors en mesure de décider d'engager ou non la procédure d'infraction par l'envoi d'une communication des griefs.

112.
    Contrairement à la thèse des requérantes, il n'en résulte toutefois pas que la Commission, après l'envoi de la communication des griefs, est privée du droit de poursuivre son enquête, notamment par l'envoi de demandes de renseignements supplémentaires.

113.
    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17, de l'article 26, paragraphe 1, du règlement n° 1017/68 et de l'article 23, paragraphe 1, du règlement n° 4056/86, la communication des griefs a pour fonction de permettre aux entreprises concernées, avant l'adoption par la Commission d'une décision constatant une infraction aux articles 85 et 86 du traité, de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus contre elles. Aux termes de l'article 4 du règlement n° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268), de l'article 4 du règlement (CEE) n° 1630/69 de la Commission, du 8 août 1969, relatif aux auditions prévues à l'article 26, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1017/68 (JO L 209, p. 11), et de l'article 8 du règlement n° 4260/88, la Commission ne peut retenir, dans sa décision, que les griefs au sujet desquels les entreprises destinataires ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue. Selon la jurisprudence, cette exigence est respectée lorsque la décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l'occasion de s'expliquer (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, point 94).

114.
    La communication des griefs constitue ainsi un acte de procédure préparatoire par rapport à la décision qui constitue le terme ultime de la procédure administrative (arrêt IBM/Commission, cité au point 96 ci-dessus, point 21).

115.
    En conséquence, jusqu'à ce qu'une décision finale soit adoptée, la Commission peut, au vu notamment des observations écrites ou orales des parties soit abandonner certains ou même la totalité des griefs initialement articulés à leur encontre et modifier ainsi sa position en leur faveur (arrêts IBM/Commission, cité au point 96 ci-dessus, point 18, et Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 95 ci-dessus, point 47), soit, à l'inverse, décider d'ajouter de nouveaux griefs, pour autant qu'elle donne aux entreprises concernées l'occasion de faire valoir leur point de vue à ce sujet (arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 29, et ordonnance de la Cour du 5 juin 2002, Buzzi Unicem/Commission, C-217/00 P, non publiée au Recueil, point 65; arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Lögstör Rör/Commission, T-16/99, Rec. p. II-1633, point 168).

116.
    Dès lors que la communication des griefs, loin de constituer un acte fixant de manière définitive l'appréciation de la Commission quant à la légalité des pratiques en cause, constitue, tout au contraire, un acte purement préparatoire contenant les allégations provisoires de la Commission, sur lesquelles celle-ci a la possibilité de revenir dans la décision finale, la Commission est parfaitement en droit, afin, notamment, de tenir compte des arguments ou de tout autre élément avancés par les entreprises concernées, de poursuivre son enquête factuelle après l'adoption de la communication des griefs en vue, le cas échéant, de retirer certains griefs ou d'en ajouter de nouveaux. Tel est d'autant plus le cas, lorsque, comme en l'espèce, la Commission doit vérifier si les arguments et éléments avancés par les destinataires de la communication des griefs justifient que les pratiques faisant l'objet de ladite communication des griefs bénéficient d'une exemption individuelle en application de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

117.
    Force est de constater que les demandes de renseignements prévues par l'article 11 du règlement n° 17, l'article 19 du règlement n° 1017/68 et l'article 16 du règlement n° 4056/86 constituent des instruments d'enquête appropriés à cette fin. En effet, aux termes du premier paragraphe desdites dispositions, la Commission peut recueillir, par la voie de telles demandes, tous les renseignements nécessaires auprès des entreprises et associations d'entreprises, sous réserve, conformément au troisième paragraphe des mêmes dispositions, d'indiquer les bases juridiques et le but de la demande ainsi que les sanctions au cas où un renseignement inexact serait fourni. L'envoi de demandes de renseignements permet ainsi à la Commission d'obtenir tout éclaircissement nécessaire au sujet des arguments et des éléments avancés par les entreprises concernées dans leur réponse à la communication des griefs.

118.
    Or, il doit être constaté que, sous réserve des règles relatives à la prescription, les dispositions précitées des règlements applicables n'imposent à la Commission aucune obligation en ce qui concerne le moment auquel elle peut procéder à l'envoi de demandes de renseignements. En particulier, il y a lieu d'observer que, pour autant que les renseignements demandés soient nécessaires, ces dispositions ne limitent en rien le pouvoir de la Commission d'envoyer des demandes de renseignements après l'envoi de la communication des griefs.

119.
    Ainsi, même si la Commission dispose déjà d'indices, voire d'éléments de preuve relatifs à l'existence d'une infraction, elle peut légitimement estimer nécessaire de demander des renseignements supplémentaires lui permettant de mieux cerner l'étendue de l'infraction, la détermination de sa durée ou du cercle des entreprises impliquées (arrêt Orkem/Commission, cité au point 110 ci-dessus, point 15). Selon la jurisprudence, les demandes de renseignements permettent en effet à la Commission à la fois de déceler des infractions aux règles de concurrence (arrêt Orkem/Commission, précité, point 15) et de vérifier les présomptions d'infraction (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, SEP/Commission, T-39/90, Rec. p. II-1497, point 25).

120.
    Dès lors, la seule circonstance que la Commission poursuit son enquête après l'envoi de la communication des griefs par l'envoi de demandes de renseignements supplémentaires ne saurait en soi être de nature à affecter la validité de la communication des griefs.

121.
    Bien au contraire, eu égard au caractère préparatoire de la communication des griefs, laquelle reflète la nature contradictoire de la procédure administrative d'application des règles de concurrence du traité, il est inhérent à ladite procédure que la Commission soit en mesure d'envoyer des demandes de renseignements supplémentaires après l'envoi de la communication des griefs, en vue, le cas échéant, de retirer certains griefs ou d'en ajouter de nouveaux.

122.
    Contrairement à ce qu'allèguent les requérantes, il est à cet égard sans pertinence que lesdites demandes de renseignements supplémentaires soulèvent des questions nouvelles par rapport à celles faisant l'objet de la communication des griefs. Certes, cette circonstance pourrait être de nature à démontrer que, au moment de l'adoption de la communication des griefs, la Commission n'avait pas terminé son enquête administrative au sujet des pratiques en cause. Toutefois, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, la communication des griefs étant un document préparatoire pouvant être modifié par la Commission, notamment pour tenir compte de la réponse à la communication des griefs, il n'est nullement requis que la Commission ait définitivement terminé son enquête administrative au moment de l'adoption de la communication des griefs. En conséquence, la Commission ne saurait être restreinte quant aux questions qu'elle entend soulever dans ses demandes de renseignements postérieures à la communication des griefs, pour autant cependant que, d'une part, conformément aux dispositions des règlements applicables, ces questions permettent d'obtenir des renseignements nécessaires à l'enquête et que, d'autre part, la Commission donne aux entreprises concernées la possibilité d'être entendues au sujet des nouvelles allégations de fait ou de droit qu'elle entend tirer des réponses des entreprises concernées auxdites questions. Ces deux dernières questions relèvent toutefois de moyens distincts qui seront examinés dans le cadre des moyens des requérantes tirés, d'une part, de la violation des principes de bonne administration, d'objectivité et d'impartialité et, d'autre part, de l'existence de nouvelles allégations de fait ou de droit dans la décision.

123.
    Partant, le moyen tiré de l'illégalité de la communication des griefs en ce qu'elle revêt un caractère prématuré doit être rejeté.

B - Sur les moyens tirés de l'existence de nouvelles allégations de fait ou de droit dans la décision attaquée

124.
    Par les présents moyens, les requérantes soutiennent qu'elles n'ont pas eu l'occasion de faire valoir leurs observations, d'une part, au sujet du grief relatif au second abus tiré de la modification de la structure concurrentielle du marché et, d'autre part, au sujet de certains éléments de fait et de droit fondant d'autres allégations reprises dans la décision attaquée.

1. Sur les prétendues nouvelles allégations de fait ou de droit relatives au second abus

a) Arguments des parties

125.
    Les requérantes allèguent, en premier lieu, que la Commission, en ce qui concerne le second abus de position dominante identifié aux considérants 559 à 567 de la décision attaquée, a modifié la nature du grief formulé initialement dans la communication des griefs.

126.
    Les requérantes soutiennent à cet égard qu'elles n'ont pas eu l'occasion de faire valoir leur point de vue au sujet, d'une part, de l'allégation selon laquelle elles auraient incité Hanjin et Hyundai à adhérer à la conférence (considérants 563 à 566) et, d'autre part, des actions qu'elles auraient entreprises à cet effet (considérants 561 et 563 à 565). Aucun de ces éléments n'apparaîtrait dans la communication des griefs, notamment aux points 107 à 115 relatifs à l'allégation de modification abusive de la structure du marché. En particulier, la communication des griefs ne reprocherait pas aux parties au TACA d'avoir «pris des mesures pour aider ces concurrents potentiels à s'introduire avec succès sur le marché en tant que parties au TACA», comme il est relevé au considérant 563 de la décision attaquée.

127.
    Les requérantes font valoir que la communication des griefs, au point 112, envisageait essentiellement un abus structurel fondé sur la circonstance qu'il existait quatre compagnies indépendantes du TACA non actives sur la route transatlantique mais liées au TACA sur d'autres trafics, que différents accords auraient «permis» à NYK, à NOL, à Hanjin et à Hyundai de pénétrer le marché et que la capacité du TACA de neutraliser la concurrence potentielle s'était manifestée par des contrats de services à double taux et par le fait que la majorité des membres du TACA ne participait pas aux contrats de services avec les NVOCC. À l'inverse, en se référant à des mesures prises par les requérantes en vue d'«inciter» Hyundai et Hanjin à rejoindre le TACA, la décision attaquée ferait grief aux requérantes d'un abus essentiellement de type comportemental.

128.
    Les requérantes soutiennent, en outre, que la Commission adopte, dans son mémoire en défense, une position différente de celles retenues par la communication des griefs et la décision attaquée. Selon les requérantes, la Commission allègue désormais, dans le mémoire en défense, que l'abus consiste non à inciter Hanjin et Hyundai à adhérer à la conférence, mais à adopter une politique préalable en vue de neutraliser la concurrence potentielle et d'éviter l'émergence de la concurrence réelle. Cette allégation ne figurerait pas dans la communication des griefs. Il en serait de même de l'allégation formulée au point 557 du mémoire en défense selon laquelle la réservation de l'activité liée aux contrats de services avec les NVOCC aux compagnies maritimes indépendantes aurait incité ces compagnies à rester sur le trafic en qualité de membres du TACA et non en qualité de concurrents indépendants.

129.
    En second lieu, les requérantes font valoir que la nouvelle allégation d'abus reprise dans la décision attaquée est basée sur des éléments de preuve qu'elles n'ont pas eu l'occasion de commenter, à savoir:

-    la lettre de Hanjin au TACA du 19 août 1994 relative à la communication à cette compagnie maritime des documents et statistiques pertinents de la conférence (considérants 229 et 563);

-    le compte rendu d'une réunion des dirigeants du TACA (TACA PWSC meeting n° 95/8) sur lequel la Commission fonde l'allégation selon laquelle les requérantes ont permis à Hyundai l'accès immédiat aux contrats de services de la conférence (considérants 230 et 564);

-    la lettre datée du 30 janvier 1996 du président du TACA à Hanjin (considérants 292 et 561);

-    la note d'instruction datée du 15 février 1996 dans laquelle le secrétariat de la conférence recommande au président d'«encourager et d'amener tous les transporteurs à trouver collectivement un moyen de permettre à Hanjin de se forger une part de marché compatible avec sa capacité en slots sur le trafic» (considérants 239 et 564).

130.
    Les requérantes allèguent qu'aucun de ces documents n'a été mentionné dans la communication des griefs ou annexé à celle-ci. La Commission n'aurait par ailleurs pas donné la moindre indication aux requérantes sur l'utilisation qu'elle entendait faire de ces documents. À cet égard, contrairement à ce que soutient la Commission, il importerait peu que les documents en question émanent des requérantes. Selon ces dernières, dans la mesure où ces documents ont été utilisés à charge, il appartenait à la Commission d'indiquer l'importance qu'elle comptait leur accorder. Étant donné qu'elles ne connaissaient pas l'usage que la Commission envisageait de faire de ces documents, elles n'auraient pas pu utilement présenter leur point de vue sur leur pertinence dans le cadre de l'exercice des droits de la défense.

131.
    La Commission soutient, en premier lieu, que la décision attaquée n'a pas modifié l'allégation formulée dans la communication des griefs. Elle souligne que la communication des griefs faisait grief aux requérantes d'avoir adopté des mesures en vue de neutraliser la concurrence potentielle (points 107 à 115 et 345 à 346), en particulier par la conclusion d'accords avec Hanjin et Hyundai au sujet d'affrètement d'espaces (point 110) et de contrats de services (point 112).

132.
    Selon la Commission, l'utilisation du terme «incitation» dans la décision attaquée n'affecte en rien le fait que les parties au TACA sont réputées avoir facilité l'entrée de Hanjin et de Hyundai sur le trafic en qualité de membres du TACA, ce qui est précisément reproché dans la communication des griefs. La décision attaquée n'ajouterait par rapport à la communication des griefs que des détails, à savoir que les requérantes ont fourni à Hanjin des informations sensibles et ont permis à Hyundai de participer immédiatement à des contrats de services. Les autres éléments du second abus, à savoir les contrats de services à double taux et les contrats avec les NVOCC, seraient décrits dans la communication des griefs.

133.
    La Commission rejette dès lors la thèse des requérantes selon laquelle l'abus en cause dans la décision attaquée est de type comportemental, alors que, dans la communication des griefs, il serait de nature structurelle. La Commission estime qu'il est difficile de concevoir un abus structurel. En l'espèce, l'abus consisterait en l'adoption d'une politique visant à neutraliser la concurrence, en partie en offrant des incitations en vue de faciliter l'entrée sur le trafic en tant que membre de la conférence.

134.
    La Commission nie, par ailleurs, qu'elle développe, dans son mémoire en défense, une nouvelle allégation par rapport à la communication des griefs et à la décision attaquée. Elle souligne que les mesures reprises dans la communication des griefs visant à inciter Hyundai et Hanjin à adhérer au TACA étaient de simples illustrations de la politique suivie par les requérantes pour neutraliser la concurrence. Quant à l'argument selon lequel les contrats avec les NVOCC étaient réservés aux membres non traditionnels de la conférence, il ne serait pas nouveau. Il n'y aurait, par ailleurs, pas de distinction logique entre une incitation à entrer dans la conférence et une incitation à y rester.

135.
    En ce qui concerne, en second lieu, les quatre nouveaux documents utilisés dans la décision attaquée, la Commission fait observer qu'ils ont été fournis par les requérantes. Le grief selon lequel elles n'auraient pas pu les commenter serait dès lors dépourvu de fondement.

b) Appréciation du Tribunal

136.
    Par les présents moyens concernant le second abus constaté dans la décision attaquée, les requérantes reprochent en substance à la Commission, premièrement, d'en avoir modifié la nature par rapport à l'abus constaté dans la communication des griefs et, deuxièmement, d'avoir fondé sa constatation sur des documents probants au sujet desquels elles n'ont pas eu l'occasion de faire valoir leurs observations.

i) Sur la modification de la nature du second abus dans la décision attaquée

137.
    En substance, les requérantes font valoir que la Commission a modifié, dans la décision attaquée, la nature du grief formulé dans la communication des griefs concernant le second abus en ce que la décision attaquée leur reproche un abus «comportemental» consistant à avoir entrepris certaines actions en vue d'inciter les concurrents potentiels à adhérer au TACA, alors que la communication des griefs leur reprochait uniquement un abus «structurel» résultant de certains liens structurels entre les concurrents potentiels et les parties au TACA.

138.
    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la communication des griefs doit contenir un exposé des griefs libellés dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mo Och Domsjö/Commission, T-352/94, Rec. p. II-1989, point 63). Le respect des droits de la défense dans une procédure susceptible d'aboutir à des sanctions telles que celle en cause exige en effet que les entreprises et les associations d'entreprises concernées soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 95 ci-dessus, point 39). Cette exigence est respectée lorsque la décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans l'exposé des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l'occasion de s'expliquer (arrêt ACF Chemiefarma/Commission, cité au point 113 ci-dessus). Il en résulte que la Commission ne peut retenir que les griefs au sujet desquels ces derniers ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue (arrêt du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T-39/92 et T-40/92, Rec. p. II-49, point 47).

139.
    En vue d'examiner le bien-fondé du présent moyen, il convient dès lors d'examiner si la communication des griefs expose de manière suffisamment claire et précise les griefs relatifs au second abus constaté dans la décision attaquée. À cette fin, il convient d'abord de rappeler la nature des griefs constatés dans ladite décision sur ce point et d'examiner ensuite dans quelle mesure ces griefs figurent déjà dans la communication des griefs.

140.
    En ce qui concerne, d'abord, la nature des griefs relatifs au second abus constaté dans la décision attaquée, il y a lieu d'observer que celle-ci fait l'objet d'une contestation entre les parties au stade des moyens relatifs à l'application de l'article 86 du traité. Pour les motifs exposés ci-après aux points 1255 à 1257 et 1261 à 1265 ci-après, il doit toutefois être considéré qu'il ressort de l'article 5 du dispositif de la décision attaquée et des motifs soutenant celui-ci tels qu'ils sont exposés aux considérants 559 à 567 que, par le second abus, la Commission fait grief aux requérantes d'avoir modifié abusivement la structure concurrentielle du marché de manière à renforcer la position dominante du TACA, en ayant adopté certaines mesures d'incitation destinées à amener les concurrents potentiels à entrer sur le trafic transatlantique non pas en tant que transporteurs indépendants mais en tant que parties au TACA.

141.
    À cet égard, il apparaît que la décision attaquée distingue, d'une part, l'existence de mesures d'incitation spécifiques destinées à Hanjin et à Hyundai et, d'autre part, l'existence de mesures d'incitation générales destinées à tous les concurrents potentiels. Concernant les mesures d'incitation spécifiques, il ressort des considérants 563 et 564 de la décision attaquée que, s'agissant de Hanjin, elles ont consisté dans la communication d'informations confidentielles concernant le TACA et dans la volonté collective de permettre à cette compagnie maritime de se forger une part de marché compatible avec sa capacité en «slots» sur le trafic et que, s'agissant de Hyundai, elles ont consisté dans la participation immédiate de celle-ci aux contrats de services TACA. Concernant les mesures d'incitation générales, il ressort du considérant 565 de la décision attaquée qu'elles ont consisté dans la conclusion d'un grand nombre de contrats de services à double tarification et dans le fait que les anciens membres structurés du TAA s'abstenaient de concourir pour certains contrats de services avec les NVOCC.

142.
    En ce qui concerne, ensuite, la nature des griefs figurant dans la communication des griefs, il convient de constater que, au point 340 de ladite communication, la Commission reproche aux parties au TACA d'avoir abusé de leur position dominante «en modifiant la structure concurrentielle du marché de manière à renforcer la position dominante du TACA». À cet égard, la Commission indique, au point 346:

«Les paragraphes 107 à 115 ci-dessus révèlent les moyens par lesquels le TACA a entrepris des actions en vue de neutraliser la concurrence potentielle. Ces actions incluent l'accession de nouveaux membres, l'accord des parties au TACA en vue de permettre la double tarification dans les contrats de services et le fait que les anciens membres structurés du TAA s'abstenaient de concourir pour certains contrats de services avec les NVOCC. La Commission considère qu'un tel comportement, qui n'a pas été révélé dans la demande d'exemption individuelle, a porté atteinte à la structure concurrentielle du marché et constitue un abus de position dominante. La Commission considère que l'objectif des membres du TACA était d'éliminer la concurrence par les prix en portant atteinte à la structure du marché et en limitant la fourniture de transport. Dans ce contexte, il doit être noté qu'une entreprise disposant d'une position dominante a ‘une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte à la concurrence effective par son comportement’.»

143.
    Il convient également de relever que, aux points 107 à 115 de la communication des griefs, auxquels renvoie le point 346, la Commission indique notamment:

«108    Les observations générales de la Commission concernant la mobilité des flottes et la contestabilité des marchés de transport maritime de ligne sont exposées ci-dessous aux paragraphes 126 à 168. Toutefois, il est possible de démontrer que dans le cas du TACA, la concurrence potentielle sous la forme de la mobilité des flottes ne saurait être effective. La chronologie des accessions de nouveaux membres au TACA montre que chaque concurrent potentiel qui est entré sur le trafic transatlantique depuis la création du TAA l'a fait en devenant membre du TAA/TACA.

    Version I (28/8/92) -        Version II (12/3/93) -

    11 compagnies            12 compagnies

    ACL                    NYK

    Hapag Lloyd

    P & O                Version III (31/3/93) -

                        13 compagnies

    Nedlloyd                NOL

    Sealand

    Maersk                Version IV (7/4/93) -

                        15 compagnies

    MSC                    TMM

    OOCL                Tecomar

    POL

    DSR-Senator            Version V (26/8/94) -

                        16 compagnies

    Cho Yang                Hanjin

    

                        Version VI (31/8/95) -

                        17 compagnies

                        Hyundai

109    Il est particulièrement significatif qu'aucun des quatre transporteurs asiatiques ayant pénétré le marché depuis 1992 (NYK, NOL, Hanjin et Hyundai) ne l'a fait en tant que transporteur indépendant opérant en concurrence avec les parties au TACA. En outre, divers accords avec les parties au TACA ont permis à chacun de ces transporteurs d'entrer sur le marché et d'obtenir une présence sur celui-ci sans devoir faire face à la concurrence à laquelle l'on devrait normalement s'attendre dans de telles circonstances.

110     En particulier, Hanjin et Hyundai ont été en mesure d'entrer sur le marché sur la base d'un accord d'affrètement d'espaces sans devoir procéder à aucun investissement en navires sur le trafic. Le TAA/TACA a soutenu que ces transporteurs constituaient des concurrents potentiels importants pour le TAA/TACA: en fait le TAA a été en mesure d'assurer qu'ils n'entreraient pas sur le trafic transatlantique en tant que compagnie indépendante mais comme partie au TACA. Le Lloyd's list du 11 septembre 1995 a indiqué que Hyundai, dans le cadre de ses accords pour pénétrer le trafic sur la base d'un accord d'affrètement d'espaces, a convenu de ne pas introduire son propre tonnage sur le trafic pendant une période de trois ans.

111    Cela n'a pas pour objet de suggérer que l'entrée sur un trafic particulier, sur la base d'un accord d'affrètement d'espaces, sans apporter de tonnage réel, est nécessairement anticoncurrentiel. La question ici est de savoir si les bénéfices d'une telle coopération sont accompagnés par des modifications dans la structure du marché, telle l'élimination de la concurrence potentielle.

112    Cette capacité de neutraliser la concurrence potentielle a été réalisée en partie par la pratique du TACA consistant à offrir aux chargeurs des contrats de services contenant un double niveau de prix et par le fait que la majorité des parties au TACA s'abstient de concourir pour la participation aux contrats de services avec les NVOCC (voir paragraphes 88 à 93 ci-dessus). La double tarification et l'élimination de la concurrence produisent en substance les mêmes effets que ceux décrits dans la décision TAA aux paragraphes 341 à 343.»

144.
    Enfin, il convient de relever que, aux points 113 à 115, la communication des griefs mentionne encore que quatre concurrents potentiels (APL, Mitsui, Yangming et K Line) sont liés au TACA sur d'autres trafics et que la concurrence potentielle exercée via les ports canadiens est restreinte.

145.
    À la lumière des passages précités de la communication des griefs, il y a lieu d'observer d'emblée que, à l'instar de l'article 5 du dispositif de la décision attaquée, le point 340 de la communication des griefs indique que l'abus reproché aux parties au TACA consiste à avoir modifié la structure concurrentielle du marché de manière à renforcer la position dominante du TACA.

146.
    Ensuite, il doit être constaté que, tout comme la décision attaquée, la communication des griefs reproche aux parties au TACA d'avoir modifié la structure concurrentielle du marché en ayant adopté certaines mesures destinées à amener les concurrents potentiels à entrer sur le trafic transatlantique non pas en tant que transporteurs indépendants mais en tant que parties au TACA. En effet, au point 346, la communication des griefs expose, en renvoyant aux points 107 à 115, que le TACA a pris certaines mesures en vue de neutraliser la concurrence potentielle, lesquelles ont consisté dans l'adhésion de nouveaux membres, la double tarification dans les contrats de services et l'abstention de concourir pour certains contrats de services avec les NVOCC. Or, s'agissant de l'adhésion de nouveaux membres, il ressort des points 109 et 110 de la communication des griefs que la Commission reproche explicitement aux parties au TACA d'avoir conclu des accords avec des concurrents potentiels qui leur ont permis de s'assurer que ces derniers «n'entrent pas sur le trafic transatlantique en tant que compagnies indépendantes mais en tant que parties au TACA». Par ailleurs, s'agissant des deux autres pratiques en cause, la communication des griefs souligne, au point 112, qu'elles ont permis au TACA de neutraliser la concurrence potentielle, en renvoyant, à cet égard, notamment, au considérant 341 de la décision TAA, aux termes duquel la Commission a constaté que «le vrai but de l'instauration de taux différenciés [dans le tarif] dans un cas comme le TAA est d'intégrer dans l'accord des indépendants qui, sans cette faculté de sous-coter qui leur est reconnue par rapport aux anciens membres des conférences, resteraient outsiders et continueraient à concurrencer la conférence notamment sur les prix».

147.
    Enfin, il convient de relever que, à l'instar des considérants 563 à 565 de la décision attaquée, la communication des griefs distingue, ainsi que cela ressort de ce qui précède, d'une part, l'existence de mesures spécifiques envers Hanjin et Hyundai et, d'autre part, l'existence de mesures générales envers tous les concurrents potentiels. En effet, il ressort d'une lecture combinée des points 109, 110 et 346 de la communication des griefs que la Commission constate, tout comme aux considérants 563 et 564 de la décision attaquée, l'existence de mesures spécifiques envers Hanjin et Hyundai en vue de leur permettre de pénétrer le marché en cause. Par ailleurs, il ressort des points 112 et 346 de la communication des griefs que la Commission constate, tout comme au considérant 565 de la décision attaquée, l'existence de mesures prises par le TACA envers tous les concurrents potentiels pour neutraliser la concurrence potentielle, lesquelles consistent, d'une part, en la conclusion de contrats de services à double tarification et, d'autre part, dans le fait que la majorité des anciens membres structurés du TAA s'abstenaient de concourir pour certains contrats de services avec les NVOCC.

148.
    Dans ces circonstances, il convient de constater que les requérantes ont été en mesure, à la lecture de la communication des griefs, de comprendre que la Commission leur reprochait d'avoir modifié les structures concurrentielles du marché par l'adoption de mesures en vue d'amener les concurrents potentiels à adhérer au TACA.

149.
    Aucun des arguments avancés par les requérantes n'est de nature à remettre en cause cette conclusion.

150.
    S'agissant, premièrement, du caractère prétendument structurel de l'abus reproché dans la communication des griefs, il convient de constater que, eu égard aux passages précités de la communication des griefs, les requérantes ne sauraient sérieusement soutenir que la communication des griefs leur reprochait uniquement le «fait objectif», ainsi qu'elles l'ont souligné longuement à l'audience, d'être liées sur un plan structurel avec les concurrents potentiels et non le fait d'avoir adopté un certain comportement envers ces derniers. En effet, dès lors que la communication des griefs constate que les concurrents potentiels ont été amenés à adhérer au TACA en raison de la conclusion de certains accords avec les parties au TACA, de la double tarification dans les contrats de services proposés par le TACA et du fait que la majorité des parties au TACA s'abstenait de concourir pour certains contrats de services avec les NVOCC, elle leur reproche à l'évidence d'avoir adopté un certain comportement, puisque toutes les mesures litigieuses impliquent les parties au TACA.

151.
    Par ailleurs, force est de constater que le caractère comportemental de l'abus résulte explicitement des termes mêmes des passages précités de la communication des griefs. Ainsi, au point 346, la communication des griefs fait explicitement état de différentes actions («steps») entreprises par le TACA. Par ailleurs, la communication des griefs poursuit, au même point 346, en soulignant que de telles actions traduisent un comportement («behaviour») constitutif d'un abus de position dominante. Ensuite, au point 109, la communication des griefs fait référence, en ce qui concerne l'adhésion de nouveaux membres au TACA, à des accords conclus «avec le TACA» ayant permis aux nouveaux membres d'entrer sur le trafic sans faire face à la concurrence à laquelle l'on devrait s'attendre dans de telles circonstances. Enfin, au point 112, la communication des griefs indique explicitement, en ce qui concerne les contrats de services à double tarification et le fait que la majorité des anciens membres structurés du TAA s'abstenait de concourir pour certains contrats de services avec les NVOCC, qu'il s'agit de «pratiques du TACA» traduisant sa capacité à neutraliser la concurrence potentielle.

152.
    À cet égard, il convient encore d'observer qu'il est sans pertinence que la décision attaquée ne retient plus, pour constater l'existence du second abus, certains liens structurels entre les parties au TACA et les concurrents potentiels identifiés dans la communication des griefs. En effet, selon la jurisprudence, la décision ne doit pas nécessairement être une copie exacte de la communication des griefs (arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 68). Ainsi, pour autant qu'elle ne modifie pas la nature des griefs, il est loisible à la Commission de modifier son appréciation et, le cas échéant, de retirer certains griefs, notamment au vu des réponses à la communication des griefs (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission, T-228/97, Rec. p. II-2969, points 34 et 36, et arrêt CB et Europay/Commission, cité au point 138 ci-dessus, points 49 à 52). En l'espèce, la Commission était donc parfaitement en droit de retirer ses allégations concernant les liens structurels entre les parties au TACA et les concurrents potentiels dès lors que ce retrait n'entraînait aucune modification de la nature des griefs, la nature comportementale de l'abus résultant d'autres éléments figurant de manière claire et précise dans la communication des griefs.

153.
    S'agissant, deuxièmement, du caractère incitatif des mesures alléguées, il est exact que la Commission, ainsi que les requérantes le relèvent dans leurs écrits, n'indique pas explicitement dans les passages précités de la communication des griefs que les parties au TACA ont adopté, selon les termes de la décision attaquée, des mesures d'«incitation» envers les concurrents potentiels. Toutefois, dès lors qu'il ressort de la communication des griefs que la Commission reproche aux requérantes d'avoir pris des mesures afin de permettre aux concurrents potentiels, dont Hanjin et Hyundai, d'adhérer à la conférence plutôt que d'entrer sur le trafic transatlantique en tant que concurrents indépendants, il convient d'admettre qu'elle constate implicitement, mais nécessairement, que les parties au TACA ont incité lesdits concurrents potentiels à agir en ce sens.

154.
    Cette constatation ressort, par ailleurs, des termes mêmes de la communication des griefs. Ainsi, au point 109, la communication des griefs fait référence à des accords conclus avec le TACA qui ont permis («have allowed») aux nouveaux membres d'entrer sur le trafic transatlantique. Plus particulièrement, au point 110, la communication des griefs expose que, par la conclusion d'accords d'affrètement, le TAA/TACA «a été en mesure» («has been able») de s'assurer que Hyundai et Hanjin ne pénètrent pas le marché en tant que compagnies indépendantes. De même, s'agissant de la double tarification dans les contrats de services et du fait que la majorité des anciens membres structurés du TAA s'abstenait de concourir pour certains contrats de services avec les NVOCC, le point 112 de la communication des griefs précise que ces pratiques ont traduit la «capacité» («ability») du TACA de neutraliser la concurrence potentielle. Force est de constater que, en ces termes, la communication des griefs ne fait rien d'autre, à l'instar de la décision attaquée, que de reprocher aux parties au TACA d'avoir adopté des mesures ayant incité les concurrents potentiels à adhérer au TACA plutôt qu'à entrer sur le trafic en cause en tant que concurrents indépendants.

155.
    S'agissant, troisièmement, de la circonstance selon laquelle les mesures spécifiques envers Hanjin et Hyundai retenues par la décision attaquée consistent non plus dans la conclusion de certains accords, mais dans la communication à Hanjin d'informations confidentielles concernant le TACA, dans la volonté collective du TACA de permettre à Hanjin de se forger une certaine part de marché compatible avec la capacité en «slots» et dans le fait que Hyundai a obtenu l'accès immédiat aux contrats de services, il suffit de constater que cette circonstance n'entraîne aucune modification de la nature des griefs reprochés aux requérantes, dès lors que la Commission continue de reprocher aux parties au TACA d'avoir incité les concurrents potentiels, dont Hanjin et Hyundai, à entrer sur le marché en cause en adhérant au TACA plutôt que comme concurrents indépendants. Tout au plus, cette circonstance soulève la question distincte de savoir si les requérantes devaient être entendues sur ces nouveaux éléments de preuve destinés à étayer le grief figurant dans la communication des griefs, question qui fait l'objet d'un moyen distinct examiné aux points 159 à 188 ci-après.

156.
    Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, il doit dès lors être conclu que les griefs relatifs au second abus reproché dans la décision attaquée figuraient déjà de manière claire et précise dans la communication des griefs, de sorte que les requérantes ont été en mesure, dès le stade de la communication des griefs, de saisir la portée desdits griefs. Partant, aucune violation des droits de la défense ne saurait être constatée sur ce point.

157.
    Quant à l'allégation selon laquelle, en ce qui concerne la nature du second abus, la Commission aurait adopté dans son mémoire en défense une position différente de celles retenues dans la décision attaquée et dans la communication des griefs, il suffit d'observer que cette circonstance, à la supposer établie, est sans pertinence dans le cadre de l'appréciation de la légalité de la décision attaquée. En effet, même si la Commission entreprenait de modifier, dans ses écrits devant le Tribunal, la nature de l'abus reproché dans la décision attaquée, il n'en demeure pas moins que le contrôle de légalité effectué par le Tribunal dans le cadre du présent recours en annulation introduit sur le fondement de l'article 173 du traité porte uniquement sur l'allégation d'abus telle qu'elle est exprimée dans la décision attaquée et non sur celle figurant dans le mémoire en défense déposé par la Commission. En conséquence, l'argumentation des requérantes sur ce point doit être rejetée sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la réalité de la prétendue modification de la position de la Commission dans son mémoire en défense par rapport à sa décision.

158.
    Pour ces motifs, il convient de rejeter le moyen des requérantes en ce qu'il tend à faire constater une violation des droits de la défense quant à la nature des griefs relatifs au second abus constaté dans la décision attaquée.

ii) Sur les documents probants retenus à l'appui du second abus constaté dans la décision attaquée

159.
    En vue d'examiner le bien-fondé du moyen des requérantes en ce qu'il tend à faire constater une violation des droits de la défense quant aux documents probants retenus à l'appui du second abus, il convient d'emblée de relever que les documents au sujet desquels les requérantes allèguent qu'elles n'ont pas eu l'occasion d'être entendues, à savoir le compte rendu de la réunion des dirigeants du TACA tenue le 5 octobre 1995 (PWSC 95/8) (ci-après le «compte rendu PWSC 95/8»), la lettre de Hanjin au TACA datée du 19 août 1994 (ci-après la «lettre de Hanjin du 19 août 1994»), la lettre de M. Rakkenes, président du TACA et d'ACL, à M. Rhee, de Hanjin, datée du 30 janvier 1996 (ci-après la «lettre du TACA du 30 janvier 1996») et la note d'instruction du TACA datée du 15 février 1996 (ci-après la «note du TACA du 15 février 1996»), sont reproduits, du moins en partie, dans la partie factuelle de la décision attaquée, aux considérants 229, 230, 239 et 292, et, ensuite, dans le cadre de l'appréciation juridique au regard de l'article 86 du traité, aux considérants 561, 563 et 564.

160.
    Il ressort de ces derniers considérants que lesdits documents ont été utilisés par la Commission aux fins de la constatation du second abus à l'appui du grief selon lequel, aux termes du considérant 562, «l'intention des parties au TACA était [...] de faire en sorte que si un concurrent potentiel souhaitait entrer sur le marché, il ne le fasse qu'après être devenu partie au TACA».

161.
    Ainsi, il y a lieu de relever que:

-    le compte rendu PWSC 95/8 est cité afin de démontrer que l'accès immédiat aux contrats de services a été une incitation puissante pour amener Hyundai à entrer sur le trafic transatlantique en tant que membre du TACA (considérants 230 et 564 de la décision attaquée);

-    la lettre de Hanjin du 19 août 1994 est citée afin de démontrer que la communication d'informations confidentielles a été un moyen d'incitation puissant pour amener Hanjin à s'introduire sur le trafic transatlantique en tant que partie au TACA et non en tant que transporteur indépendant (considérants 229 et 563 de la décision attaquée);

-    la lettre du TACA du 30 janvier 1996 est citée afin de démontrer que le TACA avait l'intention d'aider les concurrents potentiels à entrer sur le marché en tant que membres du TACA (considérants 292, 561 et 562);

-    la note du TACA du 15 février 1996 est citée afin de démontrer que la volonté du TACA de permettre à Hanjin de se forger une part de marché compatible avec sa capacité en «slots» sur le trafic a réduit les risques commerciaux inhérents à l'entrée sur un nouveau marché et, de ce fait, a été un facteur d'incitation pour amener Hanjin à entrer sur le trafic transatlantique en tant que partie au TACA (considérants 239 et 564 de la décision attaquée).

162.
    Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le respect des droits de la défense exige que l'entreprise intéressée ait été en mesure de faire valoir utilement son point de vue sur les documents retenus par la Commission dans les constatations qui sont à la base de la décision (arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 25). En conséquence, seuls les documents qui ont été cités ou mentionnés dans la communication des griefs constituent, en principe, des moyens de preuve opposables au destinataire de la communication des griefs (arrêt AKZO/Commission, cité au point 95 ci-dessus, point 21; arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T-11/89, Rec. p. II-757, point 55, et ICI/Commission, T-13/89, Rec. p. II-1021, point 34). Par ailleurs, en ce qui concerne les documents annexés à la communication des griefs mais qui n'y sont pas mentionnés, ils ne peuvent, selon la jurisprudence, être retenus dans la décision contre le destinataire de la communication des griefs que si celui-ci a pu déduire raisonnablement à partir de la communication des griefs les conclusions que la Commission entendait en tirer (arrêts Shell/Commission, précité, point 56, et ICI/Commission, précité, point 35).

163.
    En l'espèce, force est de constater qu'aucun des documents en cause n'est cité ou mentionné dans la communication des griefs datée du 24 mai 1996 et que ces documents n'ont pas davantage été annexés à celle-ci. La Commission l'a d'ailleurs explicitement confirmé à l'audience en réponse à une question du Tribunal.

164.
    À cet égard, il convient de relever que trois des documents en cause ont été communiqués par les requérantes en réponse à des demandes de renseignements envoyées par la Commission postérieurement à l'audition du 25 octobre 1996 et, partant, à la communication des griefs. Ainsi, la lettre de Hanjin du 19 août 1994, la lettre du TACA du 30 janvier 1996 et la note du TACA du 15 février 1996 ont été envoyées par lettre du 24 décembre 1996 en réponse à une demande de renseignements du 15 novembre 1996. La lettre du TACA du 30 janvier 1996 a également été envoyée ultérieurement par lettre du 7 février 1997 en réponse à une demande de renseignements du 24 janvier 1997. Quant au compte rendu PWSC 95/8, bien qu'un extrait de celui-ci ait été envoyé par les requérantes par lettre du 9 mai 1996 en réponse à une demande de renseignements du 8 mars 1996, de sorte que la Commission était en possession de cet extrait au moment de l'envoi de la communication des griefs, il est constant que la copie intégrale de ce compte rendu a été fournie par les requérantes postérieurement à l'envoi de celle-ci, par lettre du 4 juin 1996 en réponse à une demande de renseignements du 22 mai 1996.

165.
    Certes, aucune disposition n'interdit à la Commission d'utiliser à l'appui de ses griefs de nouvelles pièces, obtenues après l'envoi de la communication des griefs, dont elle estime qu'elles soutiennent sa thèse. Toutefois, dans ce cas, il convient que la Commission donne aux entreprises concernées l'occasion de faire valoir leurs observations à ce sujet (arrêt AEG/Commission, cité au point 115 ci-dessus, point 29, ordonnance Buzzi Unicem/Commission, citée au point 115 ci-dessus, point 65; arrêt Lögstör Rör/Commission, cité au point 115 ci-dessus, point 168).

166.
    Il n'est pas contesté que, en l'espèce, la Commission n'a pas explicitement donné aux requérantes l'occasion de faire valoir leurs observations au sujet des quatre documents en cause avant de les utiliser à l'appui de ses griefs dans la décision attaquée. En particulier, il est constant que la Commission n'a pas informé les requérantes de son intention d'utiliser lesdits documents à l'appui de ses griefs et, partant, qu'elle n'a pas indiqué aux requérantes la manière dont elle entendait utiliser ces documents ou demandé à celles-ci de lui fournir des explications quant à leur valeur probante.

167.
    Ainsi qu'il a été constaté au point 156 ci-dessus, il est exact que la communication des griefs formulait déjà le grief selon lequel les requérantes ont incité Hanjin et Hyundai à entrer sur le trafic transatlantique en tant que parties au TACA plutôt que comme entreprises indépendantes. La communication des griefs se fondait à cet égard, aux points 109 et 110, sur les accords d'affrètement d'espaces conclus par ces deux compagnies avec les parties au TACA. Selon la Commission, ces accords permettaient à Hanjin et à Hyundai de pénétrer le marché sans devoir faire face à la concurrence à laquelle elles auraient normalement dû faire face. Les requérantes ont dès lors été en mesure, dans leur réponse à la communication des griefs, de répondre au grief de la Commission sur ce point.

168.
    Toutefois, dans la mesure où, à la suite des explications des requérantes, en particulier aux points 192 à 206 de la communication des griefs, la Commission a choisi de ne plus fonder ce grief sur l'existence d'accords d'affrètement d'espaces mais sur trois des quatre documents en cause, à savoir le compte rendu PWSC 95/8, la lettre de Hanjin du 19 août 1994 et la note du TACA du 15 février 1996, elle devait, en principe, permettre aux requérantes d'en commenter la pertinence et la valeur probante pour fonder ledit grief. En effet, si la Commission est parfaitement en droit d'aménager et de compléter, tant en fait qu'en droit, son argumentation à l'appui des griefs (arrêt Irish Sugar/Commission, cité au point 152 ci-dessus, point 34), elle ne saurait substituer trois éléments de preuve à un autre, qu'elle retire, sans donner l'opportunité aux entreprises en cause d'être entendues, alors qu'à défaut de retenir ces nouveaux éléments de preuve, le grief cesserait d'être prouvé.

169.
    Il en est de même, s'agissant du grief selon lequel le TACA a incité les concurrents potentiels à adhérer au TACA. Certes, ce grief figurait dans la communication des griefs, de sorte que les requérantes ont eu l'occasion de présenter leurs observations à cet égard. Toutefois, la Commission ayant renoncé à certains éléments probants repris dans la communication des griefs pour y substituer l'un des quatre documents en cause, à savoir la lettre du TACA du 30 janvier 1996, elle devait, si elle voulait retenir cet élément de preuve au soutien du grief, donner l'occasion aux requérantes d'en commenter la valeur probante pour fonder ledit grief.

170.
    Il doit toutefois être observé, d'une part, que tous les documents en cause ont été fournis par les requérantes elles-mêmes et, d'autre part, qu'ils consistent tous dans des écrits élaborés soit par le TACA lui-même soit par les parties à celui-ci, de sorte que le contenu desdits documents doit être considéré comme étant connu des requérantes.

171.
    Dans ces circonstances, il ressort de la jurisprudence que les documents en cause doivent être considérés comme des moyens de preuve inopposables aux requérantes à moins qu'il ne soit établi que ces dernières ne pouvaient ignorer le risque de voir la Commission les retenir comme éléments de preuve à leur encontre (arrêt Shell/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 59). À cet égard, il convient de vérifier si les requérantes ont pu déduire raisonnablement les conclusions que la Commission entendait en tirer (voir, en ce sens, arrêts Shell/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 56, et ICI/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 35). En effet, il résulte de la jurisprudence que ce qui importe ce ne sont pas les documents en tant que tels, mais les conclusions qu'en a tirées la Commission. Si des documents n'ont pas été mentionnés dans la communication des griefs, l'entreprise concernée a pu à juste titre estimer qu'ils n'avaient pas d'importance aux fins de l'affaire. En n'informant pas une entreprise que certains documents seraient utilisés dans la décision, la Commission l'empêche ainsi de manifester en temps utile son opinion sur la valeur probante de ces documents (voir, en ce sens, arrêts AEG/Commission, cité au point 115 ci-dessus, point 27, et AKZO/Commission, cité au point 95 ci-dessus, point 21).

172.
    Il est exact que le Tribunal a déjà jugé que les droits de la défense ne sont pas violés du fait que la Commission n'a pas communiqué à une requérante un document susceptible de contenir des éléments à décharge si ce document émane de cette partie requérante ou si ce document était manifestement en la possession de cette partie requérante au cours de la procédure administrative (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25/95, T-26/95, T-30/95 à T-32/95, T-34/95 à T-39/95, T-42/95 à T-46/95, T-48/95, T-50/95 à T-65/95, T-68/95 à T-71/95, T-87/95, T-88/95, T-103/95 et T-104/95, Rec. p. II-491, point 248). Toutefois, cette jurisprudence ne saurait en aucun cas s'appliquer aux documents à charge. En effet, s'il appartient aux requérantes d'invoquer de leur propre initiative tout document à décharge susceptible de les disculper, il appartient, en revanche, à la Commission de prouver l'infraction et d'avancer à cette fin tout élément à charge propre à établir les faits constitutifs de celle-ci (arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43/92, Rec. p. II-441, point 79).

173.
    En vue de vérifier si les requérantes ont pu déduire raisonnablement les conclusions que la Commission a tirées des quatre documents en cause dans la décision attaquée, il convient de tenir compte non seulement du contenu de la communication des griefs, mais également des circonstances postérieures à celle-ci à partir desquelles de telles conclusions étaient susceptibles d'être déduites, à savoir, en l'espèce, les termes des demandes de renseignements ayant conduit à la production des documents en cause et le contenu de ces mêmes documents.

174.
    En premier lieu, en ce qui concerne le contenu de la communication des griefs, il convient de rappeler que, si la communication des griefs reprochait au TACA, aux termes du point 109, d'avoir mis en place certains accords afin de permettre, notamment, à Hyundai et à Hanjin d'entrer sur le marché sans faire face à la concurrence à laquelle ces compagnies auraient dû normalement faire face, elle relevait uniquement, au point 110, le fait que Hanjin et Hyundai avaient été en mesure d'entrer sur le marché sur la base d'un accord d'affrètement d'espaces. En revanche, la communication des griefs ne relevait nullement à cet égard, s'agissant de Hyundai, le fait que le TACA lui aurait donné un accès immédiat aux contrats de services ou, s'agissant de Hanjin, le fait que le TACA lui aurait communiqué des informations confidentielles ou qu'il avait la volonté de lui forger une part de marché compatible avec sa capacité en «slots» sur le trafic.

175.
    Dans un tel contexte, il convient dès lors de constater que la communication des griefs ne contenait aucun indice du fait que l'accès immédiat aux contrats de services, la communication d'informations confidentielles et la volonté de forger une part de marché compatible avec la capacité en «slots» sur le trafic étaient susceptibles de constituer des mesures ayant incité Hanjin et Hyundai à adhérer au TACA.

176.
    En deuxième lieu, en ce qui concerne les termes des demandes de renseignements ayant conduit à la production des documents en cause, il convient de rappeler, s'agissant d'abord du compte rendu PWSC 95/8, que l'extrait de ce document cité aux considérants 230 et 564 de la décision attaquée a été fourni en réponse à une demande de renseignements du 8 mars 1996, par laquelle la Commission sollicitait, notamment, la fourniture de toute communication du TACA ou de l'une des parties à celui-ci concernant «a) la question de l'affrètement d'espaces entre les parties au TACA, d'une part, et les compagnies maritimes hors conférence, indépendantes, sur le trafic transatlantique, d'autre part, b) la décision de Hyundai d'adhérer au TACA [...]», et ce «en vue d'aider la Commission à examiner la demande [...] d'exemption individuelle du TACA dans son contexte économique et juridique».

177.
    Force est ainsi de constater qu'il ressort des termes mêmes de la demande de renseignements en cause que celle-ci visait à permettre à la Commission non de constater une éventuelle infraction à l'article 86 du traité, mais d'envisager l'octroi d'une exemption individuelle en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité. À cet égard, il ressort du libellé de ladite demande que la question de l'adhésion de Hyundai au TACA est soulevée dans le cadre de l'examen, par la Commission, de la problématique des accords d'affrètement d'espaces entre les parties au TACA et les compagnies maritimes indépendantes. Il est en effet constant que Hyundai a adhéré au TACA, en 1995, sur la base d'un tel accord. Dans ce contexte, il apparaît que la communication, par le TACA, des informations concernant l'adhésion de Hyundai devait permettre à la Commission d'apprécier la concurrence interne au sein du TACA, eu égard à la condition prévue par l'article 85, paragraphe 3, du traité, pour l'octroi d'une exemption individuelle, selon laquelle l'accord en cause ne doit pas donner la possibilité d'éliminer la concurrence.

178.
    Il est constant que, à la suite de l'envoi, par le TACA, de sa réponse à ladite demande de renseignements, le 9 mai 1996, la Commission a, par demande de renseignements du 22 mai 1996, demandé au TACA, «à la lumière de cette réponse», de lui fournir «les copies complètes des comptes rendus des réunions des dirigeants du TACA tenues le 31 août 1995 et le 5 octobre 1995». Eu égard à la référence explicite à la réponse du TACA à la demande de renseignements précédente, et en l'absence d'indication contraire dans la demande de renseignements du 22 mai 1996, il convient d'admettre que cette dernière demande avait le même objet que la première, à savoir permettre à la Commission d'apprécier la concurrence interne au sein du TACA dans le cadre de l'examen des conditions de l'octroi d'une exemption individuelle prévues par l'article 85, paragraphe 3, du traité.

179.
    Dans ces circonstances, il convient dès lors de constater qu'il ne ressort pas des termes des demandes de renseignements ayant conduit à la production du compte rendu PWSC 95/8 que la Commission entendait utiliser ce document à l'appui du grief selon lequel les parties au TACA ont enfreint l'article 86 du traité, notamment en incitant Hyundai à adhérer au TACA. A fortiori, il ne saurait être considéré qu'il ressort des termes des demandes de renseignements en cause que la Commission entendait utiliser le document en question pour constater que le fait, pour le TACA, d'avoir donné à Hyundai un accès immédiat aux contrats de services a constitué une mesure ayant incité cette compagnie maritime à adhérer au TACA.

180.
    S'agissant, ensuite, de la lettre de Hanjin du 19 août 1994, de la lettre du TACA du 30 janvier 1996 et de la note du TACA du 15 février 1996, il convient de rappeler que ces documents ont été fournis à la Commission en réponse à une demande de renseignements du 15 novembre 1996, par laquelle la Commission sollicitait la communication de tout accord entre les parties au TACA au sujet de l'adhésion de Hanjin au TACA, ainsi que tout document relatif aux actions indépendantes, TVR, contrats de services individuels et autres contrats de services conclus par Hanjin «en vue d'aider la Commission à examiner la demande [...] d'exemption individuelle du TACA dans son contexte économique et juridique, et en particulier en vue de l'aider à examiner la réponse du TACA à la communication des griefs (en particulier ses points 195 à 200 et 216 à 217)».

181.
    Force est ainsi de constater qu'il ressort à nouveau des termes mêmes de la demande de renseignements en cause que celle-ci visait à permettre à la Commission non de constater une éventuelle infraction à l'article 86 du traité, mais d'envisager l'octroi d'une exemption individuelle en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité. À cet égard, il y a lieu d'observer que, aux points 195 à 200 et 216 et 217 de leur réponse à la communication des griefs, auxquels la demande de renseignements en question renvoyait afin de préciser son objet, les parties au TACA ont présenté à la Commission un certain nombre d'éléments destinés à démontrer que l'entrée de Hanjin sur le trafic transatlantique a contribué à accroître la concurrence interne par les prix au sein du TACA, eu égard aux initiatives prises par Hanjin en matière d'actions indépendantes, de TVR et de contrats de services individuels. Il ressort des points 192 à 194 de la réponse à la communication des griefs ainsi que de l'intitulé de cette section de ladite réponse «Concurrence par les prix entre parties à des accords de partage de navires» que, par ces éléments, les parties au TACA visaient à réfuter, en se référant notamment à la situation de Hanjin sur le trafic en cause, l'argumentation de la Commission exposée aux points 106, 235 et 238 de la communication des griefs, selon laquelle les accords d'affrètement d'espaces conclus entre les parties au TACA et les compagnies maritimes indépendantes, notamment celui auquel Hanjin était partie, ont eu pour effet de restreindre la concurrence par les prix entre les parties à de tels accords et, partant, entre les membres de la conférence. Or, il convient de constater que, aux points 235 à 238 de la communication des griefs, la Commission examine si les conditions du retrait de l'exemption par catégorie prévues par l'article 7 du règlement n° 4056/86, lorsqu'une conférence exemptée a des effets incompatibles avec l'article 85, paragraphe 3, du traité, en particulier l'absence de concurrence potentielle externe, sont remplies en l'espèce. Dans ce contexte, il apparaît qu'en demandant aux parties au TACA de lui communiquer tout accord conclu entre elles concernant l'adhésion de Hanjin ainsi que tout document relatif aux initiatives de prix prises par Hanjin, la Commission visait, par la demande de renseignements en cause, à vérifier si le TACA était susceptible de continuer à bénéficier de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86 et/ou de se voir octroyer une exemption individuelle, eu égard notamment à la condition relative à l'absence d'élimination de la concurrence prévue par l'article 85, paragraphe 3, du traité.

182.
    Il est constant que la lettre du TACA du 30 janvier 1996 a également été fournie en réponse à une demande de renseignements du 24 janvier 1997. Aux termes de cette demande, la Commission visait à obtenir, eu égard à la lettre du TACA du 30 janvier 1996 fournie précédemment, des copies de la correspondance entre M. Rhee et M. Rakkenes concernant les pratiques de prix du TACA ainsi que de la correspondance entre M. Rakkenes et le TACA ou ses membres ou tout autre document concernant les «mauvaises pratiques en matière de prix» («pricing malpractices») faisant l'objet de la lettre en cause, et ce en vue d'examiner la réponse du TACA à la communication des griefs «et, en particulier, ses commentaires concernant le degré de concurrence interne au sein du TACA». Il ressort dès lors explicitement des termes de ladite demande que celle-ci avait, à l'instar de la demande du 15 novembre 1996, pour unique objet de permettre à la Commission de vérifier si le TACA était susceptible de bénéficier d'une exemption individuelle en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité et, en particulier, si la condition relative à l'absence d'élimination de la concurrence prévue par cette disposition était remplie.

183.
    Dans ces circonstances, il convient de constater qu'il ne ressort pas des termes des demandes de renseignements ayant conduit à la production de la lettre de Hanjin du 19 août 1994, de la lettre du TACA du 30 janvier 1996 et de la note du TACA du 15 février 1996 que la Commission entendait utiliser ces documents à l'appui du grief selon lequel les parties au TACA ont enfreint l'article 86 du traité, s'agissant du premier et du troisième de ces documents, en incitant Hanjin à adhérer au TACA et, s'agissant du deuxième de ces documents, en incitant les concurrents potentiels à adhérer au TACA. A fortiori, il ne saurait être considéré qu'il ressort des termes des demandes de renseignements en question que la Commission entendait utiliser lesdits documents pour constater, d'une part, que la communication d'informations confidentielles et la volonté de forger une part de marché compatible avec la capacité en «slots» sur le trafic ont constitué des mesures ayant incité Hanjin à adhérer au TACA et, d'autre part, que le TACA avait toujours eu l'intention d'aider les concurrents potentiels à entrer sur le marché en tant que membres du TACA.

184.
    Enfin, en troisième lieu, en ce qui concerne le contenu des documents en cause, il convient de constater que, pour les motifs exposés ci-après aux points 1279 à 1304 et 1311 à 1326, dans le cadre de l'examen du bien-fondé des moyens relatifs à l'allégation d'abus de position dominante, les conclusions que la Commission a tirées desdits documents dans la décision attaquée ne sont pas établies à suffisance de droit par le contenu de ceux-ci.

185.
    Or, il ne saurait, à l'évidence, être reproché aux requérantes de ne pas avoir été en mesure de déduire du contenu des documents qu'elles ont fournis à la Commission des conclusions qui s'avèrent non établies.

186.
    Il résulte ainsi de l'ensemble de ce qui précède que ni le contenu de la communication des griefs, ni les termes des demandes de renseignements ayant conduit à la production des documents en cause, ni le contenu de ceux-ci ne permettaient aux requérantes de déduire raisonnablement les conclusions que la Commission en a tirées à leur encontre dans la décision attaquée.

187.
    Dans ces circonstances, il doit être conclu qu'en retenant à l'encontre des requérantes les quatre documents en cause à l'appui du second abus constaté dans la décision attaquée, la Commission a enfreint les droits de la défense. Il convient dès lors d'éliminer lesdits documents en tant que moyens de preuve à charge.

188.
    Toutefois, il résulte de la jurisprudence que cette élimination, loin d'avoir pour conséquence l'annulation de la décision entière, n'a d'importance que dans la mesure où le grief correspondant formulé par la Commission ne pourrait être prouvé que par référence à ces documents (arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-37/91, Rec. p. II-1901, point 71, et arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 172 ci-dessus, point 364). Cette question relève de l'examen des moyens ayant trait au bien-fondé des appréciations opérées par la Commission au soutien de l'allégation d'abus de position dominante résultant de la modification de la structure du marché, laquelle sera examinée dans le cadre du troisième groupe de moyens tirés d'une violation de l'article 86 du traité.

2. Sur les prétendues nouvelles allégations de fait ou de droit autres que celles relatives au second abus

189.
    Les requérantes reprochent également à la Commission d'avoir fondé d'autres allégations que celles relatives au second abus sur des éléments de fait ou de droit au sujet desquels elles n'ont pas eu l'occasion d'être entendues.

190.
    À cet égard, elles font d'abord valoir que la décision attaquée contient de nouvelles allégations en ce qui concerne la légalité des contrats de services communs, le caractère collectif de la position détenue par les parties au TACA et le caractère dominant de cette position. Ensuite, à l'audience, elles ont soutenu, en réponse à une question du Tribunal sur ce point, que la décision attaquée contient de nouvelles allégations qui résultent d'éléments fournis par elles en réponse à certaines demandes de renseignements postérieures à la communication des griefs.

a) Observations préliminaires

191.
    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la décision ne doit pas nécessairement être une copie exacte de la communication des griefs (arrêt van Landewyck e.a./Commission, cité au point 152 ci-dessus, point 68). La Commission doit en effet être en mesure de tenir compte, dans sa décision, des réponses des entreprises concernées à la communication des griefs. À cet égard, elle doit pouvoir non seulement accepter ou rejeter les arguments des entreprises concernées, mais aussi procéder à sa propre analyse des faits avancés par celles-ci soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager ou compléter, tant en fait qu'en droit, son argumentation à l'appui des griefs qu'elle maintient (arrêts ACF Chemiefarma/Commission, cité au point 113 ci-dessus, point 92, et du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, points 437 et 438; arrêt Irish Sugar/Commission, cité au point 152 ci-dessus, points 34 et 36). Aussi, ce n'est que si la décision finale met à la charge des entreprises concernées des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs ou retient des faits différents qu'une violation des droits de la défense devra être constatée (arrêt ACF Chemiefarma/Commission, cité au point 113 ci-dessus, points 26 et 94; arrêt CB et Europay/Commission, cité au point 138 ci-dessus, points 49 à 52). Tel n'est pas le cas lorsque les différences alléguées entre la communication des griefs et la décision finale ne portent pas sur des comportements autres que ceux sur lesquels les entreprises concernées s'étaient déjà expliquées et qui, partant, sont étrangers à tout nouveau grief (arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit «PVC II», T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, Rec. p. II-931, point 103).

192.
    À cet égard, il doit être souligné que, pour faire valoir une violation des droits de la défense concernant les griefs repris dans la décision attaquée, les entreprises en cause ne sauraient se contenter d'invoquer la simple existence de différences entre la communication des griefs et la décision attaquée, sans exposer de manière précise et concrète en quoi chacune de ces différences constitue, dans le cas d'espèce, un grief nouveau au sujet duquel elles n'ont pas eu l'occasion d'être entendues (voir, en ce sens, arrêt Irish Sugar/Commission, cité au point 152 ci-dessus, point 33). En effet, selon la jurisprudence, une violation des droits de la défense doit être examinée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d'espèce, en ce qu'elle dépend essentiellement des griefs retenus par la Commission pour établir l'infraction reprochée aux entreprises concernées (arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-36/91, Rec. p. II-1847, point 70).

193.
    Par ailleurs, afin de déterminer si les différences alléguées constituent des nouveaux griefs au sujet desquels les entreprises concernées auraient dû être entendues, il y a lieu de distinguer selon que lesdites différences concernent directement les appréciations juridiques contenues dans la décision attaquée ou la présentation des faits qui y est effectuée.

194.
    En effet, dans le premier cas, conformément à la jurisprudence précitée, une violation du droit d'être entendu ne peut être constatée que si les différences alléguées entre la communication des griefs et la décision attaquée révèlent que celle-ci contient des allégations de fait ou de droit qui ne figuraient pas déjà dans la communication des griefs. En revanche, s'il ressort de l'examen de la communication des griefs que les prétendues nouvelles allégations de fait ou de droit ne sont, en réalité, que la reformulation, l'aménagement ou le développement d'un élément déjà avancé dans la communication des griefs, le cas échéant, pour répondre aux observations des entreprises concernées dans leur réponse à la communication des griefs, il n'en résulte aucune violation du droit d'être entendu (arrêts ACF Chemiefarma/Commission, cité au point 113 ci-dessus, point 92, et Suiker Unie e.a./Commission, cité au point 191 ci-dessus, points 437 et 438; arrêt Irish Sugar/Commission, cité au point 152 ci-dessus, points 34 et 36).

195.
    Dans le second cas, il doit être observé que de simples différences dans la présentation des faits entre la communication des griefs et la décision attaquée ne sont pas, en principe, de nature à démontrer que les entreprises concernées n'ont pas eu l'occasion de faire valoir leur point de vue sur l'ensemble des griefs retenus contre elles, à moins que, au stade de son appréciation juridique, la Commission s'y réfère explicitement, voire implicitement mais certainement, de sorte que les éléments factuels concernés peuvent être considérés comme étant le soutien nécessaire de l'appréciation juridique. En effet, les éléments mentionnés dans la décision attaquée pour décrire un fait ou un comportement, mais qui n'ont pas été utilisés ensuite pour la constatation d'une infraction, ne font pas grief aux entreprises en cause (arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 172 ci-dessus, point 387).

196.
    Enfin, en tout état de cause, il convient de souligner que, même si la décision contient de nouvelles allégations de fait ou de droit au sujet desquelles les entreprises concernées n'ont pas été entendues, le vice constaté n'entraînera l'annulation de la décision sur ce point que si les allégations concernées ne peuvent pas être établies à suffisance de droit sur la base d'autres éléments retenus par la décision et au sujet desquels les entreprises concernées ont eu l'occasion de faire valoir leur point de vue (arrêt du Tribunal du 28 février 2002, Compagnie générale maritime e.a./Commission, dit «arrêt FEFC», T-86/95, Rec. p. II-1011, point 447).

197.
    C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner les arguments des requérantes.

b) Sur les nouvelles allégations de fait ou de droit concernant la légalité des contrats de services communs, le caractère collectif de la position détenue par les parties au TACA et le caractère dominant de cette position

i) Arguments des parties

198.
    Les requérantes reprochent à la Commission d'avoir basé certaines allégations apparaissant dans la décision attaquée sur des éléments de fait ou de droit au sujet desquels elles n'ont pas eu l'occasion de faire valoir leurs observations. Ces allégations se rapportent à la compatibilité des contrats de services de la conférence avec le règlement n° 4056/86 et l'article 85, paragraphes 1 et 3, du traité, à la possibilité de considérer collectivement la position des requérantes et à la détention effective, par les requérantes, d'une position dominante collective.

199.
    Selon les requérantes, la décision attaquée contient, en ce qui concerne ces allégations, de nouvelles constatations de fait, y compris de nouvelles qualifications de fait et de nouvelles déductions, et des nouvelles conclusions en droit qui ne figuraient pas dans la communication des griefs.

200.
    La Commission rappelle que, selon la jurisprudence, une décision définitive ne doit pas être une copie de l'exposé des griefs (arrêt van Landewyck e.a./Commission, cité au point 152 ci-dessus, point 68). En conséquence, elle conclut au rejet des arguments des requérantes sur ce point.

ii) Appréciation du Tribunal

201.
    Il doit d'emblée être observé que, en ce qui concerne les aspects en cause de la décision attaquée, les requérantes se sont bornées, dans leurs requêtes, à énumérer les considérants de la décision attaquée qui ne figuraient pas déjà, selon elles, dans la communication des griefs, pour soutenir ensuite qu'elles n'ont pas eu l'occasion de faire valoir leurs observations sur les appréciations ou constatations effectuées auxdits considérants.

202.
    Force est de constater que, ce faisant, les requérantes n'indiquent pas en quoi les différences alléguées entre la décision attaquée et la communication des griefs constituent, eu égard aux circonstances spécifiques du cas d'espèce, de nouveaux griefs de nature à enfreindre les droits de la défense. En effet, il résulte tout au plus de l'énumération effectuée dans la requête que, sur les aspects en cause de la décision attaquée, cette dernière n'est pas une copie exacte de la communication des griefs. Or, selon la jurisprudence, la décision attaquée ne doit pas nécessairement être une copie de la communication des griefs, la Commission pouvant modifier son argumentation à l'appui des griefs. Dès lors, pour démontrer une violation des droits de la défense, il appartenait aux requérantes, ainsi qu'il a été indiqué au point 192 ci-dessus, d'expliciter de manière concrète dans quelle mesure les appréciations et constatations nouvelles figurant dans la décision attaquée étaient, en l'espèce, de nature à leur faire grief. En l'absence de telles explications, aucune violation des droits de la défense ne saurait être constatée par le Tribunal.

203.
    Bien que ce seul motif suffise déjà à entraîner le rejet des arguments des requérantes pour autant qu'ils font grief à la Commission d'avoir effectué des appréciations ou des constatations nouvelles dans la décision attaquée, il convient, en outre, de constater que, en toute hypothèse, il ne ressort pas de l'examen des différences alléguées par les requérantes que celles-ci révèlent une violation des droits de la défense.

- Sur les allégations relatives à la légalité des contrats de services communs

204.
    Les requérantes prétendent que plusieurs constatations de la décision attaquée relatives aux contrats de services communs se fondent sur des éléments factuels non retenus dans la communication des griefs.

205.
    En ce qui concerne, en premier lieu, l'application du règlement n° 4056/86 aux contrats de services communs, les requérantes font d'abord valoir que les différences entre le tarif et les accords contractuels dont il est fait état aux considérants 104 à 108 de la décision attaquée n'apparaissent pas dans la communication des griefs.

206.
    Force est de constater que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, deux des différences alléguées, à savoir, d'une part, le droit des membres d'une conférence exemptée, selon la législation américaine, de mener des actions indépendantes sur les taux du tarif (considérant 104 de la décision attaquée) et, d'autre part, le fait que le prix des accords contractuels, contrairement au prix des accords tarifaires, ne provient pas du tarif (considérant 108), figuraient déjà dans la communication des griefs, respectivement, à la note de bas de page n° 3 sous le point 12 ainsi qu'au point 64 et au point 58. Sur ces points, les griefs des requérantes manquent dès lors en fait.

207.
    Il en résulte que le seul élément nouveau figurant dans la décision attaquée sur lequel les requérantes n'ont pas été entendues est la constatation, au considérant 106, selon laquelle «les transporteurs opérant dans le cadre d'accords tarifaires sont censés se présenter au public en tant que ‘common carriers’».

208.
    À cet égard, il convient d'observer que le considérant 106, à l'instar des autres considérants en cause, apparaît uniquement dans la partie factuelle de la décision attaquée et est purement descriptif. Par ailleurs, ce considérant, pas plus que les autres considérants en cause, ne constitue le soutien nécessaire de la constatation, aux considérants 454 à 462 de la décision attaquée, selon laquelle les contrats de services communs, contrairement au tarif, ne relèvent pas de la notion de taux de fret uniformes ou communs au sens de l'article 1, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86 et, partant, ne bénéficient pas de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 dudit règlement. En effet, cette dernière constatation ne se fonde pas sur les différences entre le tarif et les accords contractuels dont il est fait état aux considérants 104 à 108 de la décision attaquée, mais sur d'autres éléments qui figuraient déjà aux points 206 à 208 de la communication des griefs.

209.
    Ensuite, les requérantes allèguent que l'analyse des contrats de fidélité effectuée aux considérants 113 à 119 de la décision attaquée est nouvelle sur plusieurs points par rapport à la communication des griefs.

210.
    Il convient de relever que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, deux des quatre éléments développés aux considérants 113 à 119 de la décision attaquée, à savoir, d'une part, le fait que la définition du contrat de services utilisée par l'US Shipping Act ne s'étend pas aux contrats portant sur un pourcentage ou une part du fret d'un chargeur (considérant 113 de la décision attaquée) et, d'autre part, le fait que les contrats de fidélité sont explicitement mentionnés à l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 (considérant 114 de la décision attaquée), figuraient déjà dans la communication des griefs, respectivement, à la note de bas de page n° 15 sous le point 60 et au point 211. Sur ces points, les griefs des requérantes manquent dès lors en fait.

211.
    Par ailleurs, un troisième élément retenu à cet endroit de la décision attaquée, à savoir le fait que le code de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) ne reconnaît aucune forme de contrat entre les chargeurs et les conférences autre que le contrat de fidélité (considérant 115 de la décision attaquée), a été développé pour tenir compte des arguments avancés par les requérantes aux points 281 à 283 de la réponse à la communication des griefs.

212.
    Il en résulte que le seul élément nouveau figurant dans la décision attaquée sur lequel les requérantes n'ont pas été entendues est la constatation, au considérant 116 de la décision attaquée, selon laquelle il existe trois types d'accords de fidélité et la description de chacun d'eux aux considérants 117 à 119.

213.
    À cet égard, il convient toutefois d'observer que ces considérants, à l'instar des autres considérants en cause, figurent dans la partie factuelle de la décision attaquée et sont purement descriptifs. Par ailleurs, ces considérants ne constituent pas le soutien nécessaire de la constatation, au considérant 463 de la décision attaquée, selon laquelle les contrats de services, contrairement aux contrats de fidélité, ne relèvent pas de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86. En effet, cette constatation ne se fonde pas sur les éléments mentionnés aux considérants 116 à 119, mais sur d'autres éléments qui figuraient déjà au point 211 de la communication des griefs, lequel a été, en substance, repris au considérant 463 de la décision attaquée.

214.
    En ce qui concerne, en second lieu, l'application de l'article 85 du traité aux contrats de services communs, les requérantes estiment d'abord que la constatation au considérant 443 de la décision attaquée, selon laquelle, en substance, les contrats de services communs peuvent restreindre la concurrence lorsqu'il existe un accord, exprès ou tacite, en vue de ne pas conclure des contrats de services individuels, constitue un nouveau grief.

215.
    Force est toutefois de constater que la communication des griefs indique, au point 202, que l'interdiction par le TACA des contrats de services individuels est contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Par ailleurs, aux points 200 et 201, la communication des griefs expose que les contrats de services communs «du type de ceux conclus par les parties au TACA» relèvent également de cette disposition. Or, au point 82, la communication des griefs relève que le TACA a interdit les contrats de services individuels en 1994 et en 1995. Eu égard à ces indications dans la communication des griefs, il y a lieu de considérer que les requérantes étaient parfaitement en mesure de comprendre le grief qui leur était reproché sur ce point.

216.
    En tout état de cause, pour autant que les requérantes feraient grief à la Commission d'avoir fondé ses appréciations dans la décision attaquée sur un raisonnement ne figurant pas dans la communication des griefs, il suffit de relever qu'un tel raisonnement est étranger à tout nouveau grief, ne portant pas sur des comportements autres que ceux sur lesquels les entreprises s'étaient déjà expliquées.

217.
    Ensuite, les requérantes font valoir que l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité aux contrats de services communs du type de ceux conclus par elles repose sur deux allégations de fait formulées pour la première fois au considérant 444 de la décision attaquée, à savoir, d'une part, la proportion représentée par les contrats de services individuels conclus par les anciens membres du comité des contrats du TAA et, d'autre part, le grand nombre d'accords d'affrètement d'espaces.

218.
    Force est toutefois de constater que ces allégations factuelles ont pour unique objectif d'étayer la conclusion, au considérant 443, selon laquelle, en substance, les contrats de services communs peuvent restreindre la concurrence lorsqu'il existe un accord, exprès ou tacite, en vue de ne pas conclure des contrats de services individuels. Or, il a été constaté au point 215 ci-dessus que, eu égard aux indications contenues aux points 200 à 202 de la communication des griefs, les requérantes étaient parfaitement en mesure de comprendre le grief qui leur était reproché sur ce point. En conséquence, la circonstance que les requérantes n'ont pas eu l'occasion de faire valoir leur point de vue au sujet des allégations factuelles contenues au considérant 444 n'est pas de nature à vicier la conclusion figurant au considérant 443 que ces allégations avaient pour objet d'étayer.

219.
    Enfin, les requérantes allèguent que la constatation, aux considérants 500 et 501 de la décision attaquée, selon laquelle l'interdiction des actions indépendantes sur les contrats de services ne remplit pas les conditions édictées par l'article 85, paragraphe 3, du traité, est nouvelle.

220.
    Il convient toutefois de relever que la communication des griefs indique explicitement, au point 203, que ladite interdiction n'est pas autorisée par le règlement n° 4056/86, de sorte qu'elle est, en l'absence d'octroi d'une exemption individuelle, interdite par l'article 85, paragraphe 1, du traité. Ce paragraphe de la communication des griefs est l'équivalent exact du considérant 449 de la décision attaquée. Certes, il est exact que la communication des griefs ne traite pas de l'octroi d'une exemption individuelle en faveur de ladite interdiction. Toutefois, il convient de souligner que c'est aux requérantes qu'il appartient d'apporter à la Commission les éléments justifiant l'octroi d'une exemption individuelle au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité (voir, notamment, arrêt VBVB et VBBB/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 52).

221.
    Par conséquent, il y a lieu de considérer que, dès lors que la communication des griefs mentionnait explicitement le caractère restrictif de concurrence, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE, de l'interdiction des actions indépendantes, les requérantes ont été en mesure de saisir la nature des griefs retenus contre elles par la Commission, de sorte qu'il leur appartenait d'apporter, dans leur réponse à la communication des griefs, les éléments démontrant que ladite interdiction était susceptible de bénéficier d'une exemption individuelle au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CE.

222.
    Il résulte de ce qui précède que les griefs des requérantes tirés d'une violation des droits de la défense en ce qui concerne les allégations relatives à la légalité des contrats de services communs doivent être rejetés dans leur intégralité.

- Sur les allégations relatives au caractère collectif de la position détenue par les parties au TACA

223.
    Les requérantes font valoir que, pour conclure à l'existence d'une position dominante collective, la Commission se fonde sur plusieurs éléments démontrant l'absence de concurrence interne qui n'étaient pas mentionnés dans la communication des griefs.

224.
    En premier lieu, les requérantes relèvent que la décision attaquée contient des allégations nouvelles par rapport à la communication des griefs en ce qu'elle procède à une description des NVOCC (considérants 158 à 161) et constate que l'US Shipping Act impose aux parties au TACA de publier leur tarif (considérants 174 à 176), en ce qu'elle indique que les TVR constituent des réductions sur le tarif (considérant 120) et en ce qu'elle affirme qu'il n'y a pas d'action indépendante sur les contrats de services (considérant 131).

225.
    À cet égard, il convient de relever que ces considérants de la décision attaquée figurent dans la partie factuelle de celle-ci et sont purement descriptifs.

226.
    Par ailleurs, s'agissant de la question de savoir si ces considérants constituent le soutien nécessaire des appréciations juridiques relatives au caractère collectif de la position dominante détenue par les parties au TACA, il doit être observé que, ainsi qu'il sera exposé plus en détail dans le cadre de l'examen des moyens relatifs à l'application de l'article 86 du traité, aux considérants 521 à 531 de la décision attaquée, la Commission a estimé que la position des parties au TACA devait s'apprécier collectivement en se fondant sur cinq éléments, à savoir le tarif du TACA (considérant 526), les mesures d'exécution adoptées par le TACA (considérant 527), le plan d'exploitation annuel publié par le TACA (considérants 528 et 530), le secrétariat du TACA (considérants 528 et 529) et les accords de consortium liant certaines des parties au TACA (considérant 531).

227.
    Il en résulte que, parmi les éléments allégués par les requérantes, seul le fait que la législation américaine impose la publication du tarif constitue en partie le soutien nécessaire de l'appréciation juridique, en ce que, selon celle-ci, la Commission retient le tarif comme constituant un lien économique unissant les parties au TACA. En revanche, il est manifeste que les autres éléments allégués par les requérantes demeurent purement descriptifs et sont étrangers aux liens économiques mentionnés aux considérants 521 à 531 de la décision attaquée.

228.
    Force est toutefois de constater, s'agissant du tarif, que, au point 318 de la communication des griefs, la Commission indiquait déjà que les mesures d'exécution adoptées par le TACA avaient pour objet d'éliminer la concurrence par les prix entre les parties à la conférence, renvoyant à cet égard aux points 16 et 17 de ladite communication des griefs, aux termes desquels elle soulignait que les mesures d'exécution adoptées par le TACA permettaient à celui-ci, notamment, d'imposer à ses membres des amendes substantielles en cas de violation des accords collectifs de prix. Dans ces circonstances, il convient de considérer que les requérantes étaient parfaitement en mesure de saisir la portée du grief formulé à leur encontre sur ce point.

229.
    Partant, le présent grief doit être rejeté.

230.
    En deuxième lieu, les requérantes allèguent que la décision attaquée contient de nouvelles allégations aux considérants 177 et 178 en ce qui concerne les mesures d'exécution adoptées par le TACA.

231.
    Il convient d'admettre que l'existence de mesures d'exécution est retenue au considérant 527 de la décision attaquée aux fins de la constatation d'une position dominante collective. Toutefois, force est de constater que, comme il a été relevé ci-dessus, cet élément est explicitement mentionné en tant que lien économique entre les parties au TACA au point 318 de la communication des griefs et qu'il fait l'objet d'une description détaillée aux points 16 et 17 de la communication des griefs.

232.
    Les arguments des requérantes sur ce point doivent dès lors être rejetés.

233.
    En troisième lieu, les requérantes allèguent que la décision attaquée contient de nouvelles allégations aux considérants 181 à 198 en ce qui concerne les accords restrictifs affectant le trafic transatlantique, à savoir les accords de consortium.

234.
    Il est exact que les accords de consortium sont retenus au considérant 531 de la décision attaquée aux fins de la constatation d'une position dominante collective. Toutefois, force est de constater que lesdits accords sont explicitement mentionnés en tant que liens économiques entre les parties au TACA au point 322 de la communication des griefs et qu'ils font l'objet d'une description détaillée aux points 94 à 106 de la communication des griefs.

235.
    Par ailleurs, pour autant que les requérantes reprochent à la Commission d'avoir mentionné, dans la décision attaquée, un plus grand nombre d'accords de ce type, aux considérants 182, 188 (tableau 4), 190 et 191, ou d'avoir identifié, aux considérants 181, 192, 194, 220 (tableau 5) et 221, des effets supplémentaires sur la concurrence interne, par rapport à la communication des griefs, les critiques des requérantes sont sans pertinence. En effet, la communication des griefs indiquant explicitement que l'existence d'accords de consortium renforce les liens économiques entre les parties au TACA, les requérantes étaient parfaitement en mesure de saisir la portée du grief retenu contre elles par la Commission. Ainsi, il convient d'observer que, aux points 192 à 196 de leur réponse à la communication des griefs, les parties au TACA ont avancé divers arguments en vue de démontrer que les accords de consortium ne restreignent pas la concurrence interne. Dans ces circonstances, les requérantes ne sauraient soutenir que la communication des griefs n'était pas suffisamment claire sur ce point.

236.
    De surcroît, il n'est pas exact que la Commission identifie, dans la décision attaquée, des effets restrictifs supplémentaires causés par les accords de consortium conclus entre les parties au TACA.

237.
    Ainsi, s'agissant, d'abord, du considérant 181 de la décision attaquée, aux termes duquel, la Commission indique, de manière générale, que les accords de consortium sont susceptibles de réduire la pression concurrentielle au sein du TACA, il convient de relever que la même idée est exprimée non seulement dans le titre même de la section pertinente de la communication des griefs («VII. Autres accords restrictifs affectant le trafic transatlantique»), mais également à son point 101, qui expose que lesdits accords contribuent à coordonner et à discipliner les parties à ceux-ci. La même constatation figure, par ailleurs, au point 226 de la communication des griefs.

238.
    Ensuite, s'agissant du considérant 193 de la décision attaquée, aux termes duquel la Commission relève que «l'effet de ces accords a donc été de restreindre la concurrence à l'intérieur du TACA, en particulier en réduisant le nombre d'actions indépendantes», il convient de relever que la même conclusion figure au point 101 de la communication des griefs.

239.
    Par ailleurs, s'agissant des considérants 220 et 221 de la décision attaquée, aux termes desquels la Commission effectue une comparaison entre le trafic transatlantique et d'autres trafics pour démontrer le nombre peu élevé d'actions indépendantes sur ce premier trafic, force est de constater que la communication des griefs procédait déjà, au point 101 et à la note de bas de page n° 69 sous le point 224, à une telle comparaison et que c'est en réponse aux arguments des requérantes, aux points 168 à 191 de leur réponse à la communication des griefs, que les exemples cités dans la communication des griefs ont été développés dans la décision attaquée.

240.
    Enfin, s'agissant des considérants 193 et 194 de la décision attaquée, aux termes desquels la Commission note que les accords de consortium ont pour effet, en raison de l'utilisation considérable d'espaces sur les navires des autres membres du TACA, de restreindre la concurrence autre que par les prix entre les parties au TACA, il y a lieu d'observer que la même idée est exprimée aux points 102 et 103 de la communication des griefs.

241.
    En tout état de cause, il convient de souligner que les considérants 526 à 530 mentionnent d'autres liens entre les parties au TACA, au sujet desquels ces dernières ont été entendues, qui établissent déjà à suffisance de droit, pour les raisons qui seront exposées ci-après dans le cadre de l'examen de la première branche des moyens relatifs à l'application de l'article 86 du traité, que les parties au TACA doivent être considérées collectivement aux fins de l'application de l'article 86 du traité.

242.
    Dans ces circonstances, les arguments des requérantes tirés d'une violation des droits de la défense sur ce point doivent être rejetés.

243.
    En quatrième lieu, les requérantes allèguent que la décision attaquée retient pour la première fois, aux considérants 214 à 219, que les actions indépendantes ne constituent pas une preuve de concurrence interne.

244.
    Force est toutefois de constater que la communication des griefs relève explicitement, au point 223, que la réduction de la durée du préavis avant d'entreprendre une action indépendante n'est pas susceptible de produire un effet significatif sur la concurrence interne. Par ailleurs, au point 224, la communication des griefs souligne l'absence d'actions indépendantes significatives en 1994 et en 1995 sur le trafic en cause. Enfin, il y a lieu de constater que, si la Commission a davantage développé ce point dans la décision attaquée, c'est pour répondre aux données fournies par les parties au TACA aux points 168 à 191 de la réponse à la communication des griefs, en vue de prouver que les actions indépendantes révèlent l'existence d'une forte concurrence interne.

245.
    Les arguments des requérantes sur ce point doivent dès lors être rejetés.

246.
    Enfin, en cinquième lieu, les requérantes soutiennent que la Commission se fonde sur deux éléments de preuve, à savoir une lettre de POL à Hanjin du 28 décembre 1995 et la note du TACA du 15 février 1996, qui ne sont pas mentionnées dans la communication des griefs.

247.
    Il convient de relever que le contenu de la lettre de POL à Hanjin est partiellement reproduit au considérant 180 de la décision attaquée dans la partie factuelle de celle-ci, en vue d'illustrer l'«esprit de coopération qui règne au sein du TACA». Quant à la note du TACA du 15 février 1996, les requérantes reprochent à la Commission, dans le cadre des présents moyens, de ne pas leur avoir donné l'occasion d'être entendues sur la partie de cette note citée au considérant 129 de la décision attaquée, aux termes de laquelle il est indiqué que les actions indépendantes constituent un «instrument utilisable en dernier ressort».

248.
    Il convient d'admettre que, si ces documents ne sont pas explicitement retenus par la Commission à l'appui des considérants 521 à 531 de la décision attaquée, dans le cadre de son appréciation juridique, aux fins de conclure à l'existence d'une position dominante collective, ils sont néanmoins susceptibles de soutenir la constatation, au considérant 528, selon laquelle le tarif et les mesures d'exécution adoptés par le TACA ont eu pour objet d'éliminer, dans une large mesure, la concurrence par les prix entre les parties au TACA.

249.
    Toutefois, il ressort de la décision attaquée que cette constatation repose également sur de nombreux autres éléments, en particulier ceux exposés aux considérants 199 à 222, au sujet desquels les requérantes ont été entendues. Or, pour les motifs exposés aux points 697 à 712 ci-après, ces éléments suffisent à établir que le tarif et les mesures d'exécution adoptés par le TACA ont eu pour effet d'éliminer, dans une large mesure, la concurrence par les prix entre les parties au TACA.

250.
    Partant, les arguments des requérantes sur ce point doivent être rejetés.

- Sur les allégations relatives au caractère dominant de la position détenue par les parties au TACA

251.
    En premier lieu, les requérantes font valoir que la correspondance citée au considérant 271 et les conclusions qui en sont tirées aux considérants 271 et 273 de la décision attaquée n'étaient pas mentionnées dans la communication des griefs.

252.
    Il convient de relever que, aux considérants 265 à 273 de la décision attaquée, la Commission examine la concurrence externe réelle exercée par les exploitants de services de ligne par conteneur transportant le fret provenant du Mid-West ou destiné à cette région des États-Unis d'Amérique à destination ou en provenance de l'Europe du Nord par les ports canadiens (ci-après le «Canadian Gateway» ou la «porte canadienne»). Au considérant 271 de la décision attaquée, la Commission reproduit des extraits de la correspondance adressée par le secrétariat des conférences canadiennes à des membres du Joint Inland Committee de ces mêmes conférences qui, selon elle, démontre, notamment, le fait que les membres des conférences canadiennes étaient informés des pratiques du TACA en matière de fixation des prix. Au considérant 273 de la décision attaquée, la Commission conclut que, pour les raisons exposées aux considérants qui précèdent, la part de marché des parties au TACA pour les services fournis via le Canadian Gateway doit être agrégée à celle qu'elles détiennent pour les services directs et non traitée comme si elle revenait à un concurrent.

253.
    Il est exact que la communication des griefs, ainsi que le font valoir les requérantes, ne se réfère pas aux extraits de la correspondance citée au considérant 271 de la décision attaquée.

254.
    Dans la mesure où la part de marché des parties au TACA relative au fret transitant par les ports canadiens a été prise en compte pour déterminer la part de marché des requérantes sur le marché en cause, il convient d'admettre que les considérants 271 à 273 de la décision attaquée constituent le soutien nécessaire de l'appréciation juridique selon laquelle, aux termes du considérant 533, la part de marché des parties au TACA au cours de la période en cause induit une forte présomption de position dominante.

255.
    Toutefois, il convient de relever que, au point 50 de la communication des griefs, la Commission indiquait déjà clairement:

«Dans la décision TAA, la Commission a estimé que le fret par conteneur voyageant entre les États-Unis d'Amérique et l'Europe du Nord via les ports canadiens (le Canadian Gateway) faisait partie du même marché que celui du transport direct. La Commission maintient ce point de vue.»

256.
    Par ailleurs, aux points 51 à 55 de la communication des griefs, la Commission exposait les raisons justifiant cette position.

257.
    Force est ensuite de constater que, en réponse à ces allégations formulées dans la communication des griefs, les requérantes ont fait valoir, aux points 15 à 17 de leur réponse à la communication des griefs, que la concurrence exercée par les services de transport offerts par les membres du TACA via le Canadian Gateway sur ceux offerts en direct était démontrée par des données relatives aux prix des deux types de transport et par l'appel d'offres d'un chargeur.

258.
    Dans ces circonstances, il doit être constaté que les requérantes ont bien été en mesure, dès le stade de la communication des griefs, de comprendre la portée du grief formulé par la Commission en ce qui concerne la concurrence réelle externe exercée par le fret transitant par le Canadian Gateway, les extraits de la correspondance cités au considérant 271 de la décision attaquée étant uniquement destinés à étayer la position de la Commission à la suite des critiques des requérantes dans leur réponse à la communication des griefs.

259.
    Partant, les arguments des requérantes sur ce point doivent être rejetés.

260.
    En deuxième lieu, les requérantes allèguent que les considérants 207 à 213 de la décision attaquée contiennent de nouvelles allégations concernant les pratiques discriminatoires du TACA en matière de prix.

261.
    Il convient d'admettre que les appréciations effectuées aux considérants 207 à 213 de la décision attaquée constituent le soutien nécessaire de l'appréciation juridique concernant le caractère dominant de la position détenue par les parties au TACA. En effet, au considérant 534 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la présomption de position dominante résultant de la part de marché des parties au TACA était confirmée par le fait que celles-ci ont réussi à maintenir une grille de prix discriminatoire.

262.
    Force est toutefois de constater que cette appréciation figure intégralement au point 326 de la communication des griefs.

263.
    En tout état de cause, il y a lieu d'observer que les considérants 207 à 213 de la décision attaquée, loin de contenir de nouvelles allégations, se bornent à expliciter dans quelle mesure les requérantes sont susceptibles de pratiquer des discriminations de prix, notamment en tenant compte des observations formulées par elles au cours de l'audition devant la Commission. Tel est le cas des considérants 209 et 210 de la décision attaquée, qui ont pour origine les commentaires de M. Jeffries, General Manager du TACA, en réponse à une question posée par la Commission au cours de l'audition.

264.
    Dans ces circonstances, les requérantes ne sauraient reprocher à la Commission une violation des droits de la défense sur ce point.

265.
    Enfin, en troisième lieu, les requérantes reprochent à la Commission de se fonder, aux considérants 324 à 328 de la décision attaquée, sur une nouvelle analyse des prix du TACA pour conclure, au stade de l'application de l'article 86 du traité, que le TACA a été en mesure d'augmenter de manière régulière les prix entre 1994 et 1996.

266.
    Il convient d'admettre que les appréciations effectuées aux considérants 224 à 328 de la décision attaquée constituent le soutien nécessaire de l'appréciation juridique concernant le caractère dominant de la position détenue par les parties au TACA. En effet, au considérant 543 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la capacité du TACA d'imposer des augmentations de prix était l'un des éléments qui démontre l'existence d'une position dominante.

267.
    Force est toutefois de constater que, aux points 118 et 119, la communication des griefs indiquait déjà, sur la base de données fournies par l'ESC, que le TACA avait pratiqué des augmentations importantes de prix entre 1993 et 1995. Certes, cet élément n'est pas repris en tant que tel dans la communication des griefs comme l'indice de l'existence d'une position dominante mais figure dans la partie factuelle de ladite communication en vue de décrire les effets du TACA. Toutefois, il convient de relever que, au point 243, la communication des griefs indique explicitement, dans le cadre de l'examen du retrait éventuel de l'exemption par catégorie en application de l'article 7 du règlement n° 4056/86, que le fait que le TACA a été en mesure de maintenir sa part de marché entre 1994 et 1996 en dépit des augmentations importantes de prix suggère que la concurrence externe effective est limitée. De plus, dans leur réponse à la communication des griefs, les parties au TACA ont présenté, aux points 224 à 245 de ladite réponse, des données chiffrées détaillées en ce qui concerne les prix du TACA au cours de la période de 1994 à 1996.

268.
    Dans ces circonstances, il doit être constaté que les requérantes ont bien été en mesure de comprendre la portée des griefs de la Commission sur ce point, l'analyse de prix figurant dans la décision constituant une réponse directe à leurs allégations formulées au cours de la procédure administrative.

269.
    Partant, il échet de conclure que la Commission n'a commis aucune violation des droits de la défense sur ce point.

270.
    Il résulte ainsi de ce qui précède que l'examen des différences alléguées entre la décision attaquée et la communication des griefs ne permet pas de constater que la décision attaquée contient des griefs nouveaux ou se fonde sur des éléments nouveaux au sujet desquels les requérantes n'auraient pas eu l'occasion de faire valoir leur point de vue dans la réponse à la communication des griefs. En conséquence, l'ensemble des arguments des requérantes sur ce point doit être rejeté.

c) Sur les nouvelles allégations de fait et de droit résultant des réponses des requérantes à certaines demandes de renseignements postérieures à la communication des griefs

i) Arguments des parties

271.
    Les requérantes relèvent que, si certaines des demandes d'informations postérieures à la communication des griefs étaient relatives à des questions faisant l'objet de la communication des griefs, d'autres demandes d'informations concernaient des questions entièrement nouvelles. Tel aurait été le cas tant de demandes d'informations envoyées au cours du délai imparti pour la réponse à la communication des griefs que de demandes d'informations envoyées après la réponse à la communication des griefs.

272.
    Or, les requérantes font observer que, à l'exception de la communication des griefs du 11 avril 1997, qui concerne la notification du système «hub and spoke», la Commission n'a pas adopté de communication des griefs complémentaire au sujet de ces questions nouvelles et ne leur a pas donné la possibilité de commenter la valeur probante des informations fournies ou des conclusions tirées par la Commission (arrêt Sarrió/Commission, cité au point 95 ci-dessus, points 36 et 41). Selon les requérantes, des demandes de renseignements ne sauraient en aucun cas remplacer régulièrement l'adoption d'une communication des griefs.

273.
    En conséquence, les requérantes affirment que les droits de la défense ont été violés sur ce point.

274.
    La Commission soutient que la décision attaquée ne s'appuie sur aucune information ou document fourni en réponse aux demandes de renseignements contestées. En conséquence, elle conclut au rejet de l'argumentation des requérantes sur ce point.

ii) Appréciation du Tribunal

275.
    Par la présente argumentation, les requérantes reprochent à la Commission de leur avoir envoyé des demandes de renseignements postérieurement à la communication des griefs soulevant des questions nouvelles par rapport à celle-ci et d'avoir utilisé des informations fournies en réponse à ces demandes pour retenir à leur encontre des pièces ou allégations nouvelles dans la décision attaquée.

- Sur la recevabilité du moyen

276.
    Il convient d'observer que la présente argumentation figure dans la partie de la requête aux termes de laquelle les requérantes reprochent à la Commission de leur avoir envoyé une communication des griefs prématurée. À cet égard, il a déjà été constaté au point 122 ci-dessus que, contrairement à la thèse des requérantes, le fait que certaines demandes de renseignements soulèvent des questions nouvelles et que les informations fournies en réponse à celles-ci ont été utilisées dans la décision attaquée, à le supposer établi, ne démontre en rien l'illégalité de la communication des griefs.

277.
    Il ressort toutefois des termes de la requête sur ce point que les requérantes reprochent également à la Commission d'avoir violé les droits de la défense en utilisant, dans la décision attaquée, des pièces et des informations fournies en réponse à des demandes de renseignements postérieures à la communication des griefs soulevant des questions nouvelles, sans leur avoir donné l'occasion d'être entendues au sujet de la valeur probante de ces pièces et informations. En effet, après avoir énuméré et décrit le contenu des demandes de renseignements envoyées postérieurement à la communication des griefs et mis celui-ci en relation avec certains paragraphes de la décision attaquée, les requérantes soulignent non seulement que certaines de ces demandes de renseignements qu'elles énumèrent soulèvent des questions nouvelles par rapport à la communication des griefs, mais également que «sauf en ce qui concerne la communication des griefs adoptée le 11 avril 1997, qui concerne uniquement la notification du système hub and spoke, la Commission n'a pas adopté de communication des griefs complémentaire ou révisée et n'a pas fourni aux requérantes la possibilité de commenter la valeur probante de l'information communiquée ou les conclusions qu'en a tirées la Commission».

278.
    Il convient de relever que, dans la mesure où ce moyen se rapporte, du moins en partie, aux demandes de renseignements ayant donné lieu à l'envoi par les requérantes des quatre documents visés au point 159 ci-dessus, il se confond avec les moyens tirés d'une violation des droits de la défense en ce qui concerne les prétendues nouvelles allégations de fait ou de droit relatives au second abus, lesquels doivent être accueillis pour les motifs exposés aux points 163 à 187 ci-dessus.

279.
    Au présent stade, il convient dès lors uniquement d'examiner ledit moyen en ce qu'il vise à faire constater une violation des droits de la défense concernant les informations autres que ces quatre documents, qui ont été fournies en réponse aux demandes de renseignements en cause.

280.
    En réponse à une question du Tribunal visant à leur faire préciser leur requête sur ce point, les requérantes ont indiqué à l'audience que la présente argumentation avait ainsi pour objet non seulement d'étayer le moyen tiré du caractère prématuré de la communication des griefs, mais également de soulever un moyen distinct tiré de la violation du droit d'être entendu au sujet de certains éléments fournis en réponse à des demandes de renseignements qui auraient été utilisés par la Commission dans la décision attaquée.

281.
    Il convient de rappeler que, en vertu de l'article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal, conformément à l'article 53, premier alinéa, du même statut, et de l'article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit, notamment, indiquer l'objet du litige et contenir les conclusions ainsi qu'un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information. Afin de garantir le respect du principe du contradictoire, la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu'un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, de Hoe/Commission, T-85/92, Rec. p. II-523, point 20; arrêt du Tribunal du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T-277/97, Rec. p. II-1825, point 29, et ordonnance du Tribunal du 12 mars 2003, Partido Latinoamericano/Conseil, T-382/02, non publiée au Recueil, point 6).

282.
    En l'espèce, il convient de souligner d'emblée le caractère inhabituellement volumineux des quatre requêtes déposées par les requérantes ainsi que des annexes qui y sont jointes. Or, s'il n'existe, en l'état actuel, aucune disposition limitant le volume des écrits et des documents déposés par les requérantes à l'appui de leur recours en annulation formé sur le fondement de l'article 173 du traité, il appartient néanmoins aux requérantes, eu égard notamment aux exigences de forme rappelées ci-dessus, de contenir leur requête dans des limites raisonnables et, en tout état de cause, de faire ressortir distinctement les moyens de droit qu'ils soulèvent à l'appui de leurs conclusions en annulation par rapport aux éléments de fait et de droit avancés pour les étayer qui ne constituent pas en soi des moyens de droit.

283.
    À cet égard, il convient d'abord d'observer que le présent moyen n'apparaît que dans un seul paragraphe de la requête figurant dans la partie factuelle («Factual background») de la section de celle-ci relative au caractère prématuré de la communication des griefs. Aucun paragraphe correspondant ne figure en revanche dans la partie «en droit» («submissions of law») de cette section de la requête. Ainsi, il doit être relevé que, aux termes du paragraphe concluant la section de la requête relative au caractère prématuré de la communication des griefs, les requérantes résument elles-mêmes cette partie de leur requête en indiquant qu'elles soutiennent que la Commission «a enfreint des exigences de procédure essentielles de la procédure administrative conduisant à l'adoption de la [décision attaquée] en ce qu'elle [ne leur] a pas envoyé une communication des griefs valable», se référant ainsi au caractère prématuré de la communication des griefs. Elles n'invoquent en revanche nullement dans cette conclusion la violation de leur droit d'être entendues au sujet d'éléments fournis en réponse à des demandes de renseignements.

284.
    Ensuite, il convient de constater qu'aucune autre partie de la requête ne contient le moyen en question. À cet égard, il doit d'ailleurs être observé que ce moyen n'apparaît pas dans la liste des moyens de droit («submissions») que les requérantes ont elles-mêmes établie en tête de chacune des parties pertinentes de la requête en vue de résumer les arguments juridiques qui y sont développés. En particulier, il doit être souligné qu'il ne figure pas dans la liste des moyens qui sont résumés dans la section introductive de la partie de la requête relative à la violation du droit d'être entendu.

285.
    Dans ces circonstances, il convient de constater que le moyen n'est pas présenté de manière conforme à l'article 21, premier alinéa, du statut de la Cour et à l'article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure du Tribunal, tels qu'interprétés par la jurisprudence, et que, partant, il est irrecevable.

- Sur le bien-fondé du moyen

286.
    À titre surabondant, il y a lieu de constater que le présent moyen est non fondé.

287.
    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, si la Commission est en droit de formuler, après l'envoi de la communication des griefs, de nouvelles allégations à l'appui de ses griefs, elle doit donner aux entreprises concernées la possibilité de faire valoir leurs observations à cet égard (arrêt AEG/Commission, cité au point 115 ci-dessus, point 29). Ainsi qu'il a déjà été constaté ci-dessus, tel est également le cas lorsque les nouvelles allégations en question se fondent sur des éléments fournis par les entreprises concernées en réponse à des demandes de renseignements qui leur ont été envoyées par la Commission, du moins lorsque lesdites entreprises ne sont pas en mesure de déduire raisonnablement les conclusions que la Commission entendait en tirer (arrêt Shell/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 56).

288.
    En l'espèce, il doit toutefois être observé que, pour autant que le présent moyen puisse être déduit de la requête, il apparaît que celle-ci se borne à mettre en rapport l'objet de chacune des demandes de renseignements postérieures à la communication des griefs avec les paragraphes de la décision attaquée relatifs audit objet pour alléguer que des éléments fournis en réponse à certaines de ces demandes de renseignements, à savoir celles qui soulèvent des questions nouvelles par rapport à la communication des griefs, ont été utilisés dans la décision attaquée sans qu'elles aient été en mesure de faire valoir leurs observations à cet égard. Force est de constater que, ce faisant, les requérantes se contentent d'invoquer, de manière générale et imprécise, la possibilité que certains éléments fournis en réponse aux demandes de renseignements en cause aient donné lieu à de nouveaux griefs dans la décision attaquée sans, à aucun moment, expliciter de manière concrète dans quelle mesure ces éléments leur ont fait grief.

289.
    Bien que ce seul motif suffise déjà à justifier le rejet du présent moyen, il convient, en outre, de constater qu'aucun des arguments avancés par les requérantes n'est de nature à révéler que des éléments fournis en réponse aux demandes de renseignements en cause ont été utilisés dans la décision attaquée en violation des droits de la défense. En effet, il convient de constater que la Commission n'a pas utilisé dans la décision attaquée des pièces ou informations fournies en réponse aux demandes de renseignements postérieures à la communication des griefs qu'elles considèrent comme soulevant des questions nouvelles, à savoir celles datées des 22 mai 1996, 11 juillet 1996, 17 juillet 1996, 8 août 1996, 12 septembre 1996, 8 novembre 1996, 12 février 1997, 13 février 1997, 15 mai 1997, 19 juin 1997 et 2 octobre 1997.

Sur la demande de renseignements du 22 mai 1996

290.
    Ainsi que les requérantes l'indiquent à juste titre, il ressort des termes de la demande de renseignements du 22 mai 1996 que celle-ci visait à obtenir des informations au sujet des réunions des dirigeants du TACA, du code de conduite TACA, des «Transatlantic Associated Freight Conferences» et de la correspondance entre MSC et Hyundai.

291.
    Force est de constater qu'en dehors du compte rendu PWSC 95/8 dont il est question dans le cadre de l'examen ci-dessus des moyens spécifiques concernant le second abus, il n'apparaît pas que d'autres éléments fournis en réponse à la demande de renseignements du 22 mai 1996 ont été utilisés par la Commission à l'appui de ses griefs dans la décision attaquée en violation des droits de la défense.

292.
    Partant, les arguments des requérantes sur ce point doivent être rejetés.

Sur la demande de renseignements du 11 juillet 1996

293.
    Il ressort de la demande de renseignements du 11 juillet 1996 que celle-ci visait à obtenir des informations concernant les contrats de services, les conditions de marché, l'EIEIA et les nouvelles capacités introduites sur le marché.

294.
    En premier lieu, s'agissant des contrats de services, il convient de constater que les réponses des requérantes à ladite demande ont permis à la Commission d'obtenir des informations détaillées concernant les contrats de services du TACA et les contrats de services individuels relatifs à 1996, en particulier sur les prix, les actions unilatérales, les obligations de quantités minimales et les cas de transferts de fret effectués par les chargeurs parties aux contrats de services vers les TVR.

295.
    Les requérantes font d'abord valoir que la Commission a utilisé certains de ces éléments aux considérants 127 à 155 de la décision attaquée.

296.
    Il convient toutefois d'observer que lesdits considérants, qui figurent dans la partie factuelle de la décision attaquée, se bornent à décrire le mécanisme des contrats de services. Dès lors que cette description ne constitue en aucun cas le soutien nécessaire de griefs repris dans l'appréciation juridique de la décision attaquée, elle ne saurait en soi faire grief aux requérantes.

297.
    Ensuite, les requérantes relèvent que, aux considérants 551 à 558, la décision attaquée leur fait grief, dans le cadre du premier abus, d'avoir abusé de leur position dominante en imposant des restrictions sur l'accès et le contenu des contrats de services. Elles invoquent aussi le fait que la décision attaquée retient, au considérant 540, que les contrats de services constituent une barrière à l'entrée aux fins de conclure à l'existence d'une position dominante détenue par le TACA et, au considérant 564, que le TACA a abusé de sa position dominante, dans le cadre du second abus, en permettant à Hyundai d'avoir immédiatement accès aux contrats de services.

298.
    En ce qui concerne d'abord le premier abus, il ne ressort pas des considérants 551 à 558 de la décision attaquée, lesquels contiennent l'appréciation juridique de la Commission sur ce point, que les éléments fournis en réponse à la demande de renseignements du 11 juillet 1996 ont été utilisés à l'appui de ce grief. L'analyse de la Commission se fonde en effet essentiellement sur les dispositions de l'accord TACA en matière de contrats de services, qui ont été notifiées à la Commission en tant que restrictions éventuelles à la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, et dont la portée a été précisée en réponse à diverses demandes de renseignements qui ne sont pas contestées par les requérantes dans le cadre du présent grief. Enfin, il convient d'observer que la communication des griefs exposait déjà clairement, aux points 73 à 87, 341 et 342, l'abus reproché en matière de contrats de services, de sorte que les requérantes ont été en mesure de faire valoir leurs observations à cet égard.

299.
    En ce qui concerne, ensuite, les barrières à l'entrée constituées par les contrats de services, il suffit de relever que la communication des griefs mentionne explicitement cet élément, au point 331, parmi ceux fondant l'existence d'une position dominante détenue par le TACA. Les requérantes ne sauraient dès lors faire valoir une violation des droits de la défense sur ce point.

300.
    En ce qui concerne, enfin, l'accès immédiat de Hyundai aux contrats de services, il ressort du considérant 564 de la décision attaquée que, comme il a déjà été indiqué ci-dessus, il n'apparaît pas que la Commission ait utilisé à l'appui de ce grief d'autres éléments que le compte rendu PWSC 95/8. Or, il est constant que ce document a été fourni par les requérantes en réponse non à la demande de renseignements du 11 juillet 1996, mais à celles des 9 et 22 mai 1996, dont il est question dans le cadre de l'examen ci-dessus des moyens spécifiques concernant le second abus.

301.
    En deuxième lieu, s'agissant des conditions de marché, les requérantes font valoir que leurs réponses à la demande de renseignements du 11 juillet 1996 ont été utilisées dans la décision attaquée aux considérants 85 à 88 relatifs aux parts de marché des transports maritimes en cause, au considérant 533 relatif à la position dominante collective du TACA et aux considérants 217 à 221 relatifs à la concurrence interne par les prix au sein du TACA.

302.
    Il convient d'admettre que les données relatives aux parts de marché mentionnées aux considérants 85 à 88 dans la partie factuelle de la décision attaquée ont conduit la Commission à constater, au considérant 533, que les parts de marché détenues par le TACA en 1994, en 1995 et en 1996 sur le trafic en cause induisent une forte présomption de position dominante. Toutefois, il doit être observé que la communication des griefs exposait déjà, au point 325, que le TACA détient une position dominante, eu égard à sa part de marché sur le trafic transatlantique. Par ailleurs, il convient de souligner que les données relatives aux parts de marché fournies en réponse à la demande du 11 juillet 1996 ne constituent que la mise à jour de données fournies antérieurement, en réponse à des demandes de renseignements non contestées.

303.
    Quant à l'analyse de la concurrence interne effectuée aux considérants 217 à 222, dans le cadre de laquelle la Commission souligne l'insignifiance des actions indépendantes sur le trafic en cause, il a déjà été constaté au point 244 ci-dessus que la communication des griefs indiquait déjà, aux points 223 et 224, que les actions indépendantes ne constituaient pas une preuve de concurrence interne et que la décision attaquée ne violait pas les droits de la défense sur ce point.

304.
    En troisième lieu, s'agissant de l'EIEIA, les requérantes relèvent que, dans la décision attaquée, la Commission décrit cet accord aux considérants 35 à 46 et conclut, aux considérants 425 à 436, qu'il ne permet pas d'octroyer une exemption en faveur de la fixation collective des taux terrestres.

305.
    À cet égard, il doit être constaté que les considérants 425 à 436 de la décision attaquée correspondent exactement aux points 269 à 277 de la communication des griefs. Ainsi, les seuls documents cités par la décision attaquée, à la note de bas de page n° 124 sous les considérants 430, 434 et 435, à l'appui des constatations concernant l'EIEIA, à savoir le rapport intermédiaire du groupe multimodal et les commentaires du président du TACA et d'un membre du conseil d'administration de Hapag Lloyd, sont mentionnés à la note de bas de page n° 70 sous le point 271 ainsi qu'aux points 275 et 276 de la communication des griefs.

306.
    De surcroît, il convient d'observer qu'il ressort du considérant 426 que la décision attaquée ne se prononce pas sur le caractère restrictif de concurrence de l'EIEIA, de sorte que les réponses des requérantes à la demande de renseignements en cause ne sauraient avoir été utilisées à leur encontre sur ce point. Certes, la décision attaquée conclut que l'EIEIA ne permet pas d'octroyer une exemption en faveur de la fixation collective des prix des services de transport terrestre fournis dans un cadre multimodal. Toutefois, selon la jurisprudence, c'est aux requérantes qu'il incombe de prouver qu'un accord remplit les conditions prévues par l'article 85, paragraphe 3, du traité (arrêt VBVB et VBBB/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 52) et d'apporter dès lors tous les éléments utiles à l'appui de leur demande. Dès lors, même si la Commission avait utilisé une pièce fournie en réponse à une demande de renseignements pour rejeter leur demande d'exemption individuelle, elles ne sauraient invoquer une violation des droits de la défense. En tout état de cause, il n'apparaît pas que les considérants 425 à 436 de la décision attaquée utilisent l'un des éléments fournis par les requérantes en réponse à la demande de renseignements en cause.

307.
    En quatrième lieu, s'agissant des capacités nouvelles introduites sur le marché, il suffit de constater que les requérantes elles-mêmes reconnaissent que la décision attaquée ne se réfère pas explicitement aux réponses qu'elles ont fournies. En effet, les requérantes se bornent à citer les considérants 364 et 367, lesquels, de leur propre aveu, ne contiennent qu'une affirmation générale que le règlement n° 4056/86 n'est pas destiné à résoudre des problèmes provoqués par des décisions d'investissement déraisonnables des compagnies maritimes.

308.
    Pour ces motifs, il convient dès lors de rejeter l'ensemble des arguments des requérantes concernant la demande de renseignements du 11 juillet 1996.

Sur les demandes de renseignements des 17 juillet 1996 et 8 août 1996

309.
    Il convient de relever que les demandes de renseignements des 17 juillet 1996 et 8 août 1996 concernaient les contacts éventuels entre le TACA, d'une part, et les compagnies UASC et APL, d'autre part, en vue de leur adhésion au TACA.

310.
    Force est toutefois d'observer que les réponses des requérantes à ces demandes de renseignements n'ont pas été utilisées par la Commission dans la décision attaquée. Les requérantes l'admettent d'ailleurs elles-mêmes dès lors que, dans le cadre des moyens relatifs à l'application de l'article 86 du traité, elles font précisément le grief à la Commission de ne pas avoir pris en compte leurs réponses sur ce point alors que celles-ci contredisent, selon elles, l'allégation de la Commission selon laquelle le TACA aurait incité les concurrents potentiels à adhérer au TACA. Or, à l'évidence, si la Commission choisit de ne pas tenir compte des réponses des requérantes dans la décision attaquée, il ne saurait être question de violation des droits de la défense mais uniquement, le cas échéant, de preuve insuffisante des infractions alléguées, ce qui relève du bien-fondé de la décision attaquée.

311.
    Partant, il convient de rejeter les arguments des requérantes sur ce point.

Sur la demande de renseignements du 12 septembre 1996

312.
    Il convient de noter que la demande de renseignements du 12 septembre 1996 a été envoyée non au TACA, mais aux membres des conférences canadiennes en vue d'obtenir des informations concernant le fonctionnement desdites conférences. Les requérantes allèguent que des éléments fournis en réponse à cette demande de renseignements ont été utilisés aux considérants 265 à 273 de la décision attaquée dans lesquels la Commission conclut que la part de marché des parties au TACA pour les services fournis via le Canadian Gateway doit être agrégée à celle qu'elles détiennent pour les services directs et non traitée comme si elle revenait à un concurrent.

313.
    Pour autant que ces considérations auraient été prises en compte au stade de la détermination de la part de marché du TACA et feraient donc grief aux requérantes en ce qu'elles contribuent à leur attribuer une position dominante, ce que les requérantes ne soutiennent pas, il suffit de relever que la communication des griefs, aux points 324 à 338, expose amplement les raisons pour lesquelles le TACA détient une position dominante. À cet égard, la communication des griefs souligne d'emblée, au point 325, la part de marché détenue par le TACA sur le trafic en cause. Or, aux points 51 à 53, la communication des griefs indique explicitement que la part de marché du TACA via les ports canadiens doit être prise en compte pour déterminer la part de marché du TACA sur le trafic transatlantique.

314.
    Il convient aussi de noter que c'est en réponse aux arguments avancés aux points 9 à 26 de la réponse à la communication des griefs, selon lesquels les parties au TACA qui sont membres des conférences canadiennes font concurrence au TACA, que la Commission a envoyé cette demande de renseignements et développé son argumentation à ce sujet aux considérants 265 à 273 de la décision attaquée. Or, selon la jurisprudence, la prise en compte d'un argument avancé par une entreprise au cours de la procédure administrative, sans qu'elle ait été mise en mesure de s'exprimer, à cet égard, avant l'adoption de la décision finale, ne saurait constituer, en tant que telle, une violation des droits de la défense, a fortiori lorsque la prise en compte de cet argument ne modifie pas la nature des griefs qui lui sont adressés (arrêt Irish Sugar/Commission, cité au point 152 ci-dessus, point 34).

315.
    Pour l'ensemble de ces raisons, il convient de rejeter les arguments des requérantes concernant la demande de renseignements du 12 septembre 1996.

Sur la demande de renseignements du 8 novembre 1996

316.
    Il convient de relever que, par la demande de renseignements du 8 novembre 1996, la Commission visait à obtenir une copie des contrats de services relatifs au trafic transatlantique en ce qui concerne les années 1992, 1993, 1996 et 1997.

317.
    Il suffit à cet égard de constater que les requérantes se contentent, dans leur requête, de rappeler cet objet de la demande, sans même mettre celui-ci en rapport avec les paragraphes pertinents de la décision attaquée ou formuler d'autres observations quant aux griefs qu'elles formulent.

318.
    Dans ces circonstances, aucune violation des droits de la défense ne saurait être constatée sur ce point.

Sur la demande de renseignements du 12 février 1997

319.
    Par la demande de renseignements du 12 février 1997, la Commission visait à obtenir des informations concernant les coûts supportés par les requérantes en ce qui concerne le transport maritime de port à port.

320.
    Il suffit à cet égard de constater que, comme pour la demande de renseignements précédente du 8 novembre 1996, les requérantes se contentent, dans leur requête, de rappeler cet objet de la demande, sans même mettre celui-ci en rapport avec les paragraphes pertinents de la décision attaquée ou formuler d'autres observations quant aux griefs qu'elles font valoir à cet égard. Il ne ressort pas, par ailleurs, de l'examen de la décision attaquée que les informations fournies en réponse à cette demande auraient été utilisées.

321.
    Dans ces circonstances, aucune violation des droits de la défense ne saurait être constatée sur ce point.

Sur la demande de renseignements du 13 février 1997

322.
    Il convient de noter que, par la demande de renseignements du 13 février 1997, la Commission visait à obtenir le revenu moyen par EVP des requérantes en ce qui concerne les années 1992 à 1996. Les requérantes font valoir que ces données ont été utilisées aux considérants 316 à 319 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission constate que plusieurs parties au TACA ont pu accroître leur revenu moyen par EVP sans que leur part de marché n'en souffre.

323.
    Il convient certes de constater que les données fournies en réponse à la demande de renseignements en cause ont été utilisées, ainsi que le font valoir les requérantes, aux considérants 316 à 319 dans la partie factuelle de la décision attaquée. Toutefois, force est d'observer que, même s'il était démontré, ce que les requérantes ne soutiennent pas, que les observations quant au revenu moyen par EVP des requérantes étayent le grief, au considérant 543, selon lequel les parties au TACA ont été en mesure «d'imposer des augmentations de prix régulières, quoique modestes», démontrant ainsi, selon la Commission, qu'elles détiennent une position dominante sur le marché en cause, il ressort des considérants 307 et 308 que lesdites observations ont pour objet de répondre à l'allégation formulée par les parties au TACA dans leur réponse à la communication des griefs, selon laquelle, d'une part, les taux des contrats de services relatifs à 1996 sont inférieurs à ceux relatifs à 1994 et, d'autre part, les taux du tarif ont diminué en août 1996.

324.
    Dans ces circonstances, les requérantes ne sauraient faire valoir une violation des droits de la défense sur ce point.

Sur la demande de renseignements du 15 mai 1997

325.
    Il convient de relever que la demande de renseignements du 15 mai 1997 visait à obtenir des informations concernant les accords existant entre les parties au TACA, en particulier les accords de consortium. Les requérantes constatent que la décision attaquée traite de ces accords aux considérants 181 à 198, lesquels renvoient à l'annexe IV de la décision attaquée qui énumère tous les accords en vigueur. Elles font valoir que, au considérant 531, la décision attaquée se fonde sur ces accords pour constater l'existence de liens économiques supplémentaires entre les parties au TACA de nature à justifier une appréciation collective de leur position sur le marché au regard de l'article 86 du traité.

326.
    Force est toutefois de constater que la communication des griefs, au point 322, indiquait déjà explicitement, dans le cadre de l'examen de la position dominante collective détenue par le TACA, que les liens économiques entre les parties au TACA sont renforcés par les accords de consortium, renvoyant à cet égard à la description de ces accords effectuée aux points 94 à 106. Or, ces points de la communication des griefs, ainsi que l'annexe 2 à laquelle ils renvoient, correspondent, en substance, aux considérants 181 à 198 et à l'annexe IV de la décision attaquée.

327.
    Dans ces circonstances, les requérantes ne sauraient faire valoir qu'elles n'ont pas eu l'occasion d'être entendues sur le grief retenu contre elles dans la décision attaquée.

Sur la demande de renseignements du 19 juin 1997

328.
    La demande de renseignements du 19 juin 1997 ayant le même objet que celle du 13 février 1997, il convient de constater, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 322 à 324 ci-dessus, que les requérantes ne sauraient faire valoir une violation des droits de la défense sur ce point.

Sur la demande de renseignements du 2 octobre 1997

329.
    Il convient de relever que, par la demande de renseignements du 2 octobre 1997, la Commission visait à obtenir une copie du tarif du TACA.

330.
    À cet égard, il suffit de constater que les requérantes se contentent, dans leur requête, de rappeler cet objet de la demande, sans même mettre celui-ci en rapport avec les paragraphes pertinents de la décision attaquée ou formuler d'autres observations quant aux griefs qu'elles formulent. Par ailleurs, le tarif constituant l'essence même du système de conférence institué par les requérantes pour lequel elles bénéficient de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86, il ne saurait, en tant que tel, être de nature à leur faire grief.

331.
    Partant, les requérantes ne sauraient faire valoir une violation des droits de la défense sur ce point.

d) Conclusion

332.
    Il résulte de ce qui précède que les moyens des requérantes visant à faire constater l'existence d'allégations nouvelles dans la décision attaquée ne doivent être accueillis que dans la seule mesure où ils font grief à la Commission d'avoir fondé le second abus sur des documents au sujet desquels elles n'ont pas eu l'occasion de faire valoir leurs observations. Pour le surplus, les moyens des requérantes doivent être rejetés.

Sur la deuxième branche tirée de la violation du droit d'accès au dossier

333.
    Dans la deuxième branche de leurs moyens tirés de la violation des droits de la défense, les requérantes soulèvent trois moyens par lesquels elles font valoir que la Commission a commis une violation de leur droit d'accès au dossier. Le premier moyen est tiré de l'absence de communication des comptes rendus des entretiens entre la Commission et les plaignants. Le deuxième moyen est tiré de l'absence de communication du compte rendu ou de toute autre note relative à une réunion entre le membre de la Commission en charge de la concurrence et l'ESC. Enfin, le troisième moyen est tiré du caractère incomplet du dossier.

A - Observations préliminaires

334.
    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le droit d'accès au dossier dans les affaires de concurrence a pour objet de permettre aux destinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles elle est parvenue, dans sa communication des griefs, sur la base de ces éléments (voir, notamment, arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, Rec. p. I-8417, point 89, et du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, C-51/92 P, Rec. p. I-4235, point 75; arrêts du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 95 ci-dessus, point 38; du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, Rec. p. II-1775, point 59; du 28 avril 1999, Endemol/Commission, T-221/95, Rec. p. II-1299, point 65; du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 172 ci-dessus, point 142, et du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T-23/99, Rec. p. II-1705, point 169). L'accès au dossier relève ainsi des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense et à assurer, en particulier, l'exercice effectif du droit d'être entendu (arrêts du Tribunal du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, T-65/89, Rec. p. II-389, point 30, et LR AF 1998/Commission, précité, point 169).

335.
    La Commission a ainsi l'obligation de rendre accessible aux entreprises impliquées dans une procédure d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité ou de l'article 86 du traité l'ensemble des documents à charge ou à décharge qu'elle a recueillis au cours de l'enquête, sous réserve des secrets d'affaires d'autres entreprises, des documents internes de la Commission et d'autres informations confidentielles (arrêt du Tribunal du 19 mai 1999, BASF/Commission, T-175/95, Rec. p. II-1581, point 45).

336.
    Il ressort, toutefois, de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal que, pour déterminer la portée exacte de l'obligation de la Commission et les conséquences juridiques d'une violation de celle-ci, il convient d'effectuer une distinction entre les éléments à charge et les éléments à décharge.

337.
    S'agissant des éléments à charge, le respect des droits de la défense exige, selon la jurisprudence, que l'entreprise intéressée ait été en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus par la Commission à l'appui de son allégation de l'existence d'une infraction (arrêts de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 7; VBVB et VBBB/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 25, et AKZO/Commission, cité au point 95 ci-dessus, points 21 et 24). À cet égard, l'obligation d'accès au dossier ne porte que sur les éléments finalement retenus dans la décision et non sur tous les griefs que la Commission aurait pu éventuellement formuler à un stade quelconque de la procédure administrative.

338.
    Selon la jurisprudence, lorsqu'il s'avère que la Commission s'est fondée, dans la décision attaquée, sur des documents ne figurant pas dans le dossier d'instruction et n'ayant pas été communiqués aux requérantes, il y a lieu d'éliminer lesdits documents en tant que moyens de preuve (arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 172 ci-dessus, point 382). Il convient, dès lors, dans ce cas, de vérifier si le grief retenu dans la décision finale est suffisamment prouvé par les autres éléments retenus à charge auxquels les requérantes ont eu accès.

339.
    S'agissant des documents à décharge, il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre de la procédure contradictoire organisée par les règlements d'application des articles 85 et 86 du traité, en particulier, les règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86, il ne saurait appartenir à la seule Commission de décider quels sont les documents utiles à la défense des parties impliquées dans une procédure d'infraction aux règles de concurrence (arrêt Solvay/Commission, cité au point 334 ci-dessus, point 81). En particulier, eu égard au principe général d'égalité des armes, il ne peut être admis que la Commission puisse décider seule d'utiliser ou non des documents contre les parties requérantes, alors que celles-ci n'y ont pas eu accès et n'ont donc pu prendre la décision correspondante de les utiliser ou non pour leur défense (arrêts Solvay/Commission, cité au point 334 ci-dessus, point 83, et du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-36/91, cité au point 192 ci-dessus, point 111).

340.
    Selon la jurisprudence, lorsqu'il s'avère que, au cours de la procédure administrative, la Commission n'a pas communiqué aux requérantes des documents qui auraient pu contenir des éléments à décharge, une violation des droits de la défense ne pourra être constatée que s'il est établi que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent dans l'hypothèse où la partie requérante aurait eu accès aux documents en question au cours de cette procédure (voir, notamment, arrêts du 17 décembre 1991, Hercules/Commission, cité au point 95 ci-dessus, point 56, et Solvay/Commission, cité au point 334 ci-dessus, point 98). Lorsque lesdits documents figurent dans le dossier d'instruction de la Commission, une telle violation des droits de la défense est indépendante de la manière dont l'entreprise concernée s'est comportée lors de la procédure administrative (arrêt Solvay/Commission, cité au point 334 ci-dessus, point 96). En revanche, lorsque les documents à décharge en cause ne figurent pas dans le dossier d'instruction de la Commission, une violation des droits de la défense ne pourra être constatée que si la partie requérante a présenté une demande expresse à la Commission d'accès à ces documents, sous peine de forclusion sur ce point pour ce qui concerne le recours en annulation introduit contre la décision définitive (arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 172 ci-dessus, point 383).

341.
    C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner les moyens soulevés par les requérantes dans le cadre de la présente branche.

B - Sur le moyen tiré de l'absence de communication des comptes rendus des entretiens entre la Commission et les plaignants

1. Arguments des parties

342.
    Les requérantes allèguent que la Commission a violé les droits de la défense en refusant de leur fournir toute information concernant le déroulement ou l'objet d'échanges de vues entre les services de la Commission et les plaignants.

343.
    Elles exposent que, à la suite de leur demande visant à faire figurer au dossier une note relatant une conversation téléphonique entre les services de la Commission et les conseils des plaignants au sujet de la confidentialité de certaines informations contenues dans la communication des griefs ainsi que toutes autres notes relatant les entretiens téléphoniques avec les plaignants, la Commission les a informées, par lettre du 7 août 1996, qu'aucune note n'avait été rédigée au sujet de l'entretien téléphonique en question et qu'en tout état de cause elle n'avait pas l'obligation, en vertu de la jurisprudence, de rendre accessible ce type de notes qui constituent des documents purement internes à l'institution.

344.
    Les requérantes soutiennent que la Commission devait leur donner l'accès à tout document relatif à des discussions entre elle et les plaignants au sujet de questions de fond ou de procédure. Elles estiment à cet égard que le moyen utilisé par la Commission pour recueillir les informations ou arguments des plaignants ne saurait en aucun cas restreindre leur droit d'être informées à leur sujet. Or, si ces informations et documents avaient été recueillis par écrit, la correspondance avec les plaignants aurait figuré dans le dossier de la Commission et leur aurait été rendue accessible. Il serait en effet probable que cette correspondance contienne des éléments à décharge ou du moins pertinents pour leur défense. Dans une lettre du 21 octobre 1996, le conseiller-auditeur de la Commission aurait d'ailleurs lui-même reconnu qu'elles auraient le droit de faire valoir leur point de vue de manière formelle «dans le cas où une partie intervenante introduirait des preuves nouvelles ou des éléments de fait nouveaux que les défendeurs n'auraient pas eu l'occasion de commenter précédemment».

345.
    Les requérantes considèrent qu'il ne peut être allégué qu'une note relatant une conversation entre la Commission et les plaignants constitue un document interne non accessible. Dans la mesure où une telle note atteste de l'existence de la conversation, du contenu des commentaires des plaignants, du contenu des commentaires des services de la Commission et des conclusions tirées par ceux-ci des contacts en question, seul ce dernier élément pourrait relever de la catégorie des documents internes de nature confidentielle. Pour le reste, la note ne contiendrait que des éléments factuels connus des plaignants et qui devraient dès lors être révélés aux requérantes.

346.
    Elles estiment que l'arrêt de la Cour du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission (C-310/93 P, Rec. p. I-865) et l'arrêt du Tribunal du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission (cité au point 334 ci-dessus), invoqués par la Commission dans sa lettre du 7 août 1996, ne sont pas pertinents, car ils ne traitent pas de la question de savoir si la Commission est obligée de faire figurer au dossier les notes relatant les conversations de ses services avec les plaignants.

347.
    En conséquence, les requérantes estiment que les droits de la défense ont été violés en ce que le dossier auquel elles ont eu accès était incomplet.

348.
    La Commission estime qu'elle n'a pas violé le droit d'accès au dossier des requérantes et, partant, conclut au rejet du présent grief.

2. Appréciation du Tribunal

349.
    Il convient de relever que, aux termes d'une lettre du 7 août 1996, adressée en réponse à une lettre du représentant du TACA datée du 1er août 1996, la Commission a indiqué à ce dernier, sans être contredite par les requérantes sur ce point, qu'elle n'avait pas établi de comptes rendus des discussions qu'elle a eues avec les plaignants au cours de la procédure administrative.

350.
    Il y a dès lors lieu d'observer que le présent moyen revient à soutenir que le respect, par la Commission, du droit d'accès au dossier des entreprises concernées, dans les affaires de concurrence, l'oblige à établir de tels comptes rendus.

351.
    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 334 ci-dessus, le droit d'accès au dossier dans les affaires de concurrence a pour objet de permettre aux destinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission. Il n'existe, en revanche, aucune obligation générale, pour la Commission, d'établir des comptes rendus des discussions qu'elle a avec les plaignants, dans le cadre de l'application des règles de concurrence du traité, au cours de réunions ou d'entretiens téléphoniques avec ceux-ci.

352.
    Certes, si la Commission entend utiliser, dans sa décision, un élément à charge transmis de manière verbale par un plaignant, elle doit le rendre accessible aux entreprises destinataires de la communication des griefs, le cas échéant, en créant à cette fin un document écrit destiné à figurer dans son dossier (voir, en ce sens, arrêt Endemol/Commission, cité au point 334 ci-dessus, points 83 à 91). Il ne saurait en effet être admis que le recours à la pratique des relations verbales avec les tiers porte atteinte aux droits de la défense.

353.
    Toutefois, en l'espèce, il convient de constater que les requérantes se bornent à exiger, de manière générale et abstraite, l'accès aux comptes rendus des discussions entre la Commission et les tiers sans préciser en quoi les éléments à charge retenus par la Commission dans la décision attaquée auraient été déterminés par ces discussions.

354.
    Or, il convient de souligner que, selon la jurisprudence, une argumentation de nature générale n'est pas de nature à établir la réalité d'une violation des droits de la défense, laquelle doit être examinée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d'espèce (arrêt Solvay/Commission, cité au point 334 ci-dessus, point 60). En effet, ainsi qu'il a déjà été exposé au point 334 ci-dessus, le droit d'accès au dossier dans les affaires de concurrence est uniquement reconnu aux fins de permettre aux entreprises concernées de se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue dans sa communication des griefs. Les requérantes n'ayant indiqué, sous réserve du moyen spécifique examiné ci-après, aucun grief retenu dans la communication des griefs puis dans la décision attaquée qui serait fondé sur des éléments transmis verbalement par les plaignants et auxquels elles n'auraient pas eu accès, elles ne sauraient reprocher à la Commission une violation des droits de la défense sur ce point.

355.
    À cet égard, il convient de relever que la seule discussion mentionnée par les requérantes à l'appui du présent grief, qui a donné lieu au cours de la procédure administrative à la demande d'accès formulée dans la lettre du 1er août 1996, concerne un entretien téléphonique entre les services de la Commission et le représentant de l'ESC, dont il est constant qu'il a eu lieu à la demande des requérantes afin que la Commission vérifie avec le plaignant le caractère confidentiel d'une information contenue dans la communication des griefs. Force est de constater qu'un tel entretien téléphonique n'est pas, eu égard à son objet, de nature à porter atteinte aux droits de la défense, et ce d'autant que cet entretien a été sollicité par les requérantes elles-mêmes.

356.
    Dans ces circonstances, il convient de constater que les requérantes n'ont apporté aucun élément de nature à démontrer que les discussions avec les plaignants ont permis à la Commission de fonder certains griefs retenus à leur encontre dans la décision attaquée. Partant, le fait qu'aucun compte rendu desdites discussions ne figure dans le dossier auquel les requérantes ont eu accès au cours de la procédure administrative ne constitue pas une violation des droits de la défense.

357.
    À cet égard, contrairement à ce que prétendent les requérantes, il n'est pas exact que si la Commission s'était entretenue avec les plaignants exclusivement par écrit, ladite correspondance aurait fait nécessairement partie du dossier auquel elles ont eu accès. En effet, lorsque la Commission décide, sur la base d'une plainte, d'engager la procédure d'infraction, les entreprises concernées doivent répondre non à la plainte, mais à la communication des griefs. Or, conformément à la jurisprudence citée au point 337 ci-dessus, les éléments avancés par les plaignants qui ne sont pas repris dans la communication des griefs ne constituent pas des griefs auxquels les requérants doivent répondre. Les droits de la défense ne sauraient dès lors être violés s'ils n'ont pas l'opportunité d'y répondre.

358.
    Par ailleurs, pour autant que les requérantes font valoir que certains éléments à décharge ne leur auraient pas été communiqués, il convient de constater que, si les requérantes invoquent, de manière générale, la possibilité que de tels éléments à décharge aient été transmis à la Commission par des tiers, elles n'ont à aucun moment, que ce soit au cours de la procédure administrative ou dans le cadre du présent recours, précisé les éléments à décharge sollicités ou fourni un minimum d'indices accréditant leur existence et, partant, leur utilité pour les besoins de l'instance. Dans ces circonstances, dès lors que, selon la jurisprudence, une violation des droits de la défense doit être examinée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d'espèce (arrêt du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-36/91, cité au point 192 ci-dessus, point 70), aucune violation du droit d'accès au dossier ne saurait être constatée sur ce point (voir, en ce sens, arrêt Baustahlgewebe/Commission, cité au point 334 ci-dessus, point 93).

359.
    Il résulte de ce qui précède que le présent grief tiré de l'absence de communication des comptes rendus des entretiens entre la Commission et les plaignants doit être rejeté.

C - Sur le moyen tiré de l'absence de communication du compte rendu ou de toute autre note relative à une réunion entre le membre de la Commission en charge de la concurrence et l'ESC

1. Arguments des parties

360.
    Les requérantes soutiennent que la Commission a violé les droits de la défense au cours de la procédure en refusant de leur révéler l'existence ou l'objet de contacts entre elle-même et les plaignants et, en particulier, en refusant de confirmer ou de démentir le contenu d'un compte rendu, publié par la presse, d'une réunion entre les plaignants et le membre de la Commission en charge de la concurrence qui se serait tenue dans le courant du mois de décembre 1995 et lors de laquelle aurait été discutée la possibilité pour le TACA de bénéficier d'une exemption pour la fixation des taux terrestres. Les requérantes sont d'avis que cette réunion a pu influencer de façon essentielle la position de la Commission à cet égard et, en particulier, sa décision d'adopter une communication des griefs complémentaire au sujet du retrait de l'immunité. Il aurait donc été vital pour leur défense de savoir en quoi avaient consisté ces contacts.

361.
    Les requérantes font valoir que, jusqu'à la tenue de cette réunion en décembre 1995, la Commission avait admis que, en principe, un accord sur les échanges d'équipements lui permettrait d'exempter leurs activités de fixation des prix du transport terrestre dans le cadre du TACA. Elles relèvent à cet égard que, dans son rapport concernant le transport maritime présenté au Conseil le 8 juin 1994, la Commission a considéré qu'un accord de coopération souple entre les armateurs pour l'échange des conteneurs engendrerait des avantages pour les chargeurs et pourrait rendre le pouvoir de fixation de taux de transport multimodal susceptible de bénéficier d'une exemption individuelle. La Commission aurait même invité les conférences maritimes à lui notifier de tels accords. Ainsi, les requérantes auraient élaboré un accord sur les échanges d'équipements, l'EIEIA, dans l'intention explicite de promouvoir et de faciliter entre elles l'échange de conteneurs vides. L'EIEIA serait le genre d'accord décrit dans le rapport et la Commission aurait, au cours de diverses réunions, adopté la position selon laquelle l'EIEIA pouvait, en principe et sous réserve de satisfaire aux conditions d'exemption énoncées à l'article 85, paragraphe 3, du traité, suffire à justifier l'octroi d'une exemption individuelle en faveur du pouvoir de fixation de taux de transport multimodal. De même, au cours de la procédure en référé ayant donné lieu à l'ordonnance du président du Tribunal du 22 novembre 1995, Atlantic Container Line e.a./Commission (T-395/94 R II, Rec. p. II-2893), la Commission, se référant à l'EIEIA, aurait déclaré que la notification et l'application d'accords compatibles avec l'article 85, paragraphe 3, du traité et avec le rapport de juin 1994 rendraient manifestement sans objet la poursuite de toute procédure et que la Commission n'avait dès lors pris aucune disposition pour préparer une décision de retrait du bénéfice de l'immunité.

362.
    En revanche, dans sa communication des griefs complémentaire du 1er mars 1996 concernant le retrait de l'immunité, et sans que les raisons de la modification de la position adoptée jusqu'alors ne ressortent de ladite communication ni du dossier, la Commission exposerait que l'EIEIA ne pourrait jamais, quels que soient les avantages qui en découleraient effectivement, rendre l'exercice du pouvoir de fixation de taux de transport multimodal susceptible de bénéficier d'une exemption. Les requérantes exposent qu'à leurs questions précises visant à savoir si des services et/ou des membres de la Commission n'avaient pas tenu de réunions avec des organisations de chargeurs ou leurs représentants relativement à la notification de l'EIEIA ou à des sujets en rapport avec cette modification de la ligne de conduite, la Commission s'est bornée à indiquer, par lettres des 21 mars et 10 avril 1996, qu'il «n'y a eu ni réunions ni discussions officielles entre des fonctionnaires de la direction générale de la concurrence et des chargeurs individuels, des organisations de chargeurs ou leurs représentants ou même d'autres parties tierces intéressées relativement à la notification de l'EIEIA». Cependant, les requérantes relèvent qu'un article de presse paru en juin 1996 présentait un compte rendu d'une réunion, tenue en décembre 1995, après la notification de l'EIEIA mais avant la communication des griefs complémentaire, entre le membre de la Commission en charge de la concurrence et l'un des plaignants, à savoir l'ESC. Les discussions auraient porté sur le document de l'ESC intitulé «Liner Shipping - Time for Change», qui se référerait au TAA et au TACA et réclamerait le retrait de l'exemption pour les conférences maritimes. Le dossier ne contenant pas ledit document de l'ESC et ne faisant pas état de la réunion, les requérantes indiquent avoir posé une série de questions précises à la Commission. Elles soulignent que la Commission n'y a pas répondu, n'a pas confirmé ni démenti l'existence de la réunion et s'est bornée à indiquer que le document de l'ESC n'avait pas été classé dans le dossier au motif qu'il s'agissait d'un document relevant du lobbying et qu'il était accessible au public.

363.
    Les requérantes rappellent que la Commission a l'obligation de mettre à la disposition de l'entreprise concernée des copies de tous les documents utiles ou susceptibles d'être utiles à sa défense, indépendamment du point de savoir si la Commission se fonde ou non sur eux en tant qu'élément à charge ou s'ils apparaissent ou non manifestement comme des éléments à décharge (arrêts Solvay/Commission, cité au point 334 ci-dessus; du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-36/91, cité au point 192 ci-dessus, et ICI/Commission, T-37/91, cité au point 188 ci-dessus). En vertu du principe général obligeant de communiquer à la défense les documents reçus de parties tierces (arrêt du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, cité au point 346 ci-dessus), la Commission aurait l'obligation de communiquer à l'entreprise concernée toute information reçue des plaignants, que la Commission se fonde ou non sur ces éléments d'information. De même, le principe audi alteram partem et le principe du déroulement du procès à armes égales ne pourraient être respectés que si l'entreprise est mise en mesure d'opposer ses moyens de défense à l'ensemble de l'argumentation développée par la Commission et a effectivement accès aux mêmes informations. Eu égard au processus décisionnel de la Commission, il ne saurait être soutenu que des discussions entre les plaignants et le membre de la Commission en charge de la concurrence, qui aurait un rôle central dans la détermination de la politique de concurrence et qui aurait pris une part active dans le déroulement de la présente affaire, ne présenteraient pas d'intérêt pour la défense.

364.
    Les requérantes soutiennent que si une discussion portant sur toute question litigieuse en l'espèce a eu lieu entre le membre de la Commission en charge de la concurrence et l'un des plaignants, des informations relatives à cette discussion pourraient être utiles à leur défense. Or, selon le compte rendu, une telle discussion aurait eu lieu au cours de la procédure administrative et selon la position défendue par l'ESC, une exemption ne devait en aucun cas être octroyée en faveur du pouvoir de fixation de taux de transport multimodal. En outre, cette réunion serait la seule circonstance qui aurait pu expliquer le changement de la ligne de conduite suivie par la Commission. Ce serait donc en violation des droits de la défense que la Commission a refusé de leur fournir tout élément d'information à ce sujet. De manière plus générale, les requérantes sont d'avis qu'il n'est pas admissible que la Commission, y compris le membre de la Commission en charge de la concurrence, ne soit pas tenue d'informer les entreprises concernées de la tenue d'une réunion avec les plaignants et de son objet et de communiquer à celles-ci tous documents ou autres informations fournis par les plaignants.

365.
    Les requérantes soutiennent qu'il résulte des aveux de la Commission dans son mémoire en défense dans l'affaire T-18/97, relatifs à la tenue et à l'objet de la réunion entre le membre de la Commission en charge de la concurrence et l'ESC, qu'il y a eu juridiquement une violation manifeste des droits de la défense.

366.
    Les requérantes rappellent qu'il résulte de la jurisprudence (arrêts Solvay/Commission, cité au point 334 ci-dessus, et du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-36/91, cité au point 192 ci-dessus) que les entreprises défenderesses ont un droit d'accès à tous les documents pertinents en possession de la Commission sous la seule réserve de la protection des informations légitimement confidentielles et qu'il appartient aux entreprises et non à la Commission de déterminer le caractère pertinent des documents. La notion de documents à charge ou à décharge ne pourrait servir à définir la portée du droit qu'a un défendeur de consulter le dossier.

367.
    Selon les requérantes, elles sont dès lors en droit, contrairement à ce que soutiendrait la Commission, d'obtenir l'accès aux informations obtenues des tiers qui ont poussé la Commission à prendre position à leur encontre, même si ces informations ne fondent pas expressément les griefs de la Commission.

368.
    De ce point de vue, en l'espèce, les informations relatives à la réunion présenteraient un intérêt évident pour la défense des requérantes. Premièrement, il serait manifeste que l'ESC a cherché à persuader la Commission de mettre fin à la fixation des taux terrestres. Deuxièmement, il aurait pu être déduit des déclarations du membre de la Commission en charge de la concurrence qu'il était favorablement disposé à l'égard de ces démarches. Troisièmement, l'adoption de la communication des griefs complémentaire après cette réunion aurait constitué un changement de la ligne de conduite suivie par la Commission. Quatrièmement, la communication des griefs complémentaire aurait fait fi de l'accord avec la Commission au sujet de la méthode de notification de l'EIEIA ainsi que de l'encouragement donné par la Commission à l'introduction et au développement de l'EIEIA. L'indication implicite que la Commission aurait été «incitée» (mémoire en défense dans l'affaire T-18/97, point 57) par l'ESC lors de ladite réunion à adopter la communication des griefs complémentaire confirmerait l'importance de ces questions pour les droits de la défense.

369.
    Les requérantes font observer qu'elles auraient pu prendre connaissance des démarches de l'ESC si elles avaient, selon l'usage normal, été faites par écrit et estiment que la circonstance qu'elles ont été effectuées verbalement ne devrait pas mettre en échec la défense. Il serait par ailleurs inconcevable que la Commission ne soit pas en possession de notes ou d'un compte rendu de la réunion.

370.
    Les requérantes soutiennent dès lors que la Commission devrait rendre accessibles toutes les notes et minutes rédigées au sujet de la réunion entre la Commission et l'ESC ainsi que toutes les notes et minutes rédigées au sujet de toute autre réunion ou tous autres contacts entre, d'une part, les services de la Commission, le membre de la Commission en charge de la concurrence, les membres de son cabinet, tout autre membre ou tout autre cabinet et, d'autre part, toute partie tierce, concernant les questions en cause dans la présente affaire.

371.
    La Commission estime qu'elle n'a pas commis une violation du droit d'accès au dossier des requérantes et, partant, conclut au rejet du présent grief.

2. Appréciation du Tribunal

372.
    Pour autant que, par le présent moyen, les requérantes reprochent, de manière générale, à la Commission de ne pas leur avoir communiqué les comptes rendus des entretiens entre la Commission et les tiers, il doit être rejeté pour les motifs exposés aux points 349 à 359 ci-dessus.

373.
    À ce stade, il convient dès lors d'examiner le présent moyen uniquement dans la mesure où il vise à reprocher à la Commission de ne pas avoir communiqué aux requérantes toute information concernant une réunion entre M. Van Miert, membre de la Commission en charge de la concurrence au moment des faits, et l'ESC, association de chargeurs et partie intervenante dans le cadre du présent recours, au cours de laquelle l'ESC a présenté à la Commission un document intitulé «Liner Shipping - Time for Change» (ci-après la «réunion litigieuse»).

374.
    Selon les requérantes, les informations concernant la réunion litigieuse, en particulier le fait même de la tenue de cette réunion, son objet, le compte rendu établi à cette occasion et les notes relatives à celle-ci, même si elles ne fondent pas expressément les griefs de la Commission, présentent un intérêt pour leur défense eu égard au fait que cette réunion a influencé, en leur défaveur, la décision de la Commission de ne pas leur octroyer une exemption individuelle en ce qui concerne l'accord de fixation collective des prix des services de transport terrestre fournis dans un cadre multimodal. À cet égard, les requérantes relèvent que, peu de temps après cette réunion, la Commission a adopté, le 1er mars 1996, une communication des griefs complémentaire retirant le bénéfice de l'immunité relative aux amendes en ce qui concerne cet accord, alors qu'avant cette réunion, la Commission était encline, au vu de la notification de l'accord EIEIA, à adopter une position favorable à l'égard de celui-ci.

375.
    Par le présent moyen, les requérantes soutiennent ainsi, en substance, que la Commission aurait dû leur donner accès à des éléments qui, même s'ils ne fondent pas expressément les griefs relatifs à l'accord de fixation collective des prix des services de transport terrestre dans un cadre multimodal, l'ont conduite à soulever lesdits griefs à leur encontre, ces éléments présentant un intérêt pour leur défense dès lors qu'ils sont susceptibles de révéler les motifs pour lesquels la Commission a soulevé ces griefs.

376.
    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que l'accès au dossier n'est pas une fin en soi, mais vise à protéger les droits de la défense (arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 172 ci-dessus, point 156). En particulier, s'agissant de l'accès aux éléments à charge, il ressort de la jurisprudence citée au point 337 ci-dessus que le respect des droits de la défense exige uniquement que l'entreprise concernée ait été en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus par la Commission dans sa décision à l'appui de son allégation de l'existence d'une infraction. Le droit d'accès au dossier est dès lors respecté si l'entreprise concernée a été entendue au sujet des griefs retenus contre elle après avoir pris connaissance des éléments de preuve à charge utilisés par la Commission à l'appui de ces griefs, ces éléments de preuve devant figurer dans le dossier d'instruction de la Commission.

377.
    Il en résulte que, pour déterminer si le droit d'accès aux éléments à charge du dossier a été respecté, la question pertinente est non pas de savoir les raisons pour lesquelles la Commission a soulevé un grief ou qui est à l'origine de ce grief, mais uniquement si le grief retenu dans la décision finale est fondé sur des éléments à charge qui ont été communiqués aux entreprises faisant l'objet de la procédure d'infraction. Le droit d'accès au dossier ne saurait dès lors être compris comme ayant pour objet de permettre aux entreprises concernées d'examiner le processus par lequel la Commission a abouti à ses conclusions (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 18 juin 1986, BAT et Reynolds/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 1899, point 16). En effet, le droit d'accès au dossier n'étant pas une fin en soi, mais visant à assurer la protection des droits de la défense, la Commission n'a pas l'obligation de communiquer aux entreprises concernées les éléments à charge qu'elle ne retient pas dans sa décision à l'appui des griefs.

378.
    C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner les arguments développés par les requérantes dans le cadre du présent moyen.

379.
    Pour autant, en premier lieu, que les requérantes reprochent à la Commission de ne pas les avoir informées du fait même de la tenue de la réunion litigieuse et de son objet, il y a lieu de relever que, au cours de la procédure administrative, la Commission a, en dépit des demandes répétées des requérantes, systématiquement refusé de confirmer ou d'infirmer, ainsi que cela ressort des termes de ses lettres des 15 mars, 21 mars, 10 avril et 26 avril 1996 adressées aux représentants du TACA, la tenue de la réunion litigieuse, alors que, dans le cadre du présent recours, elle affirme, aux termes de son mémoire en défense, que «ce n'est un secret pour personne» que ladite réunion a eu lieu, de sorte qu'il est désormais constant entre les parties que la réunion litigieuse a eu lieu le 4 décembre 1995.

380.
    Il convient également d'observer que, en réponse aux demandes des requérantes sur ce point, la Commission a envoyé au TACA, les 16 et 24 juillet 1996, deux demandes de renseignements exigeant la production du document «Liner Shipping - Time for Change» cité par les requérantes dans leurs demandes d'accès au dossier, alors qu'il est constant que ledit document a été remis par l'ESC à M. Van Miert au cours de la réunion litigieuse, de sorte que la Commission était en possession de ce document au moment de l'envoi des deux demandes de renseignements précitées.

381.
    Dans le cadre du présent moyen tiré de la violation du droit d'accès au dossier, il convient toutefois uniquement de vérifier si les requérantes ont été en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des éléments retenus par la Commission à l'appui de ses griefs, en l'occurrence, ceux ayant conduit au refus de l'octroi d'une exemption individuelle en faveur de l'accord de fixation collective des prix des services de transport terrestre fournis dans un cadre multimodal.

382.
    Or, force est de constater que ni le fait même de la tenue de la réunion litigieuse ni son objet ne constituent en tant que tels des éléments susceptibles de fonder les griefs retenus dans la décision attaquée. Quant à la circonstance selon laquelle l'information de la tenue d'une telle réunion et de son objet aurait pu être utile à la défense des requérantes au cours de la procédure administrative, elle est, pour les motifs exposés ci-dessus, sans pertinence en ce qui concerne l'accès aux éléments à charge contenus dans le dossier de la Commission. Par ailleurs, il convient d'observer que les requérantes ne soutiennent pas que le fait de la tenue de la réunion litigieuse ou son objet auraient pu être utilisés par elles comme élément à décharge.

383.
    Il convient dès lors de constater que le respect du droit d'accès au dossier des parties au TACA n'obligeait pas la Commission à informer les requérantes de la tenue de la réunion litigieuse et de l'objet de celle-ci.

384.
    Pour autant, en second lieu, que les requérantes reprochent à la Commission de ne pas leur avoir communiqué le compte rendu de la réunion litigieuse ainsi que toute note relative à celle-ci, il convient de relever d'emblée que, en réponse à une question écrite du Tribunal sur ce point, la Commission a indiqué, sans être contredite par les requérantes au cours de l'audience, qu'aucun compte rendu ou note n'a été établi par ses services au sujet de la réunion litigieuse.

385.
    Or, il convient de rappeler que, comme il a été énoncé au point 351 ci-dessus, le droit d'accès au dossier dans les affaires de concurrence a pour seul objet de permettre aux destinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission. Il n'existe, en revanche, aucune obligation générale, pour la Commission, d'établir des comptes rendus des réunions qu'elle tient avec les plaignants dans le cadre de l'application des règles de concurrence du traité.

386.
    Certes, si la Commission entend utiliser, dans sa décision, un élément à charge communiqué par un plaignant, fût-ce de manière verbale, elle doit, ainsi qu'il a été indiqué au point 352 ci-dessus, le rendre accessible aux entreprises destinataires de la communication des griefs, le cas échéant, en créant à cette fin un document écrit destiné à figurer dans son dossier (voir, en ce sens, arrêt Endemol/Commission, cité au point 334 ci-dessus, points 83 à 91). Toutefois, en l'espèce, les requérantes ne reprochent pas à la Commission de ne pas leur avoir communiqué des éléments fondant les griefs, mais uniquement de ne pas leur avoir communiqué des éléments qui ont pu la conduire à soulever certains griefs à leur encontre.

387.
    À cet égard, il suffit de rappeler que le droit d'accès au dossier a uniquement pour objet de permettre aux entreprises concernées de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des éléments retenus par la Commission à l'appui de ses griefs dans la décision attaquée, en l'occurrence, ceux ayant conduit au refus de l'octroi d'une exemption individuelle en faveur de l'accord de fixation collective des prix des services de transport terrestre fournis dans un cadre multimodal. En conséquence, les éléments à charge fournis par l'ESC, qui ont pu conduire la Commission à refuser l'octroi d'une telle exemption, ne devaient être communiqués aux parties au TACA dans le cadre de l'exercice de leur droit d'accès au dossier que si ces éléments ont effectivement été retenus par la Commission à l'appui des griefs sur ce point dans la décision attaquée.

388.
    Force est toutefois de constater que tel n'est pas le cas.

389.
    Ainsi, il convient d'abord de relever que le seul document dont il est établi qu'il a été transmis au cours de la réunion litigieuse est le document intitulé «Liner Shipping - Time for change». Or, il est constant entre les parties que les requérantes ont eu accès à ce document au cours de l'exercice de leur droit d'accès au dossier. En outre, il ne ressort pas des considérants 425 à 436 de la décision attaquée, aux termes desquels la Commission refuse l'octroi d'une exemption individuelle en faveur de l'accord de fixation collective des prix des services de transport terrestre fournis dans un cadre multimodal, que ce document a été utilisé à l'appui des griefs retenus par la Commission. Par ailleurs, il y a lieu de souligner que ledit document revêt la nature d'un document de lobbying, aux termes duquel le plaignant réclame, en substance, l'abolition du régime d'exemption par catégorie prévu par le règlement n° 4056/86 en faveur des conférences maritimes. Force est d'admettre, et ceci n'est d'ailleurs pas contesté, qu'un tel document ne contient, en tant que tel, aucun élément à charge ayant pu être utilisé de manière pertinente par la Commission au soutien du refus de l'octroi d'une exemption individuelle en faveur de l'accord de fixation des prix des services de transport terrestre fournis dans un cadre multimodal.

390.
    Ensuite, il doit être constaté qu'il ne ressort pas des considérants 425 à 436 de la décision attaquée que le refus de l'octroi d'une exemption individuelle en faveur de l'accord en cause soit fondé, fût-ce en partie, sur des éléments à charge qui auraient été communiqués, le cas échéant de manière verbale, par l'ESC à la Commission au cours de la réunion litigieuse et auxquels les requérantes n'auraient pas eu accès. En effet, il convient de relever que, aux termes de son considérant 433, la décision attaquée constate que les requérantes n'ont pas essayé de démontrer que la fixation des prix en commun était indispensable à l'EIEIA ou à l'obtention d'avantages pouvant résulter de cet accord. Il ressort de la décision attaquée que la Commission fonde cette constatation sur le rapport intermédiaire du groupe multimodal présenté à M. Van Miert le 6 février 1996 (note de bas de page n° 124 sous le considérant 430), sur les commentaires formulés par M. Rakkenes, président du TACA et d'ACL, dans l'édition d'octobre 1995 de American Shipper (considérant 434) et sur les commentaires de M. Casjens, membre du conseil d'administration de Hapag Lloyd, rapportés dans le Journal of Commerce du 6 décembre 1995 (considérant 435). Or, d'une part, les requérantes ne soutiennent pas que ces éléments à charge ont été communiqués par l'ESC à la Commission au cours de la réunion litigieuse et, d'autre part, elles ne contestent pas avoir eu accès à ces éléments dans le cadre de l'exercice de leur droit d'accès au dossier, de sorte que, même si la Commission avait retenu à l'appui des griefs en cause des éléments à charge fournis par l'ESC au cours de la réunion litigieuse, lesdits griefs continueraient d'être fondés sur d'autres éléments de preuve auxquels les requérantes ne contestent pas avoir eu accès et dont elles ne contestent pas le bien-fondé.

391.
    Par ailleurs, pour autant que les requérantes feraient grief à la Commission d'avoir été influencée par des éléments à charge avancés par l'ESC au cours de la réunion litigieuse, sans toutefois les reprendre explicitement dans la communication des griefs puis dans la décision attaquée, il doit être observé que les requérantes n'apportent aucun élément concret de nature à démontrer que de tels éléments auraient été avancés. De plus, il doit être souligné que les droits de la défense ont été suffisamment protégés par le fait que les requérantes ont eu la possibilité de faire valoir leurs observations au sujet des éléments à charge mentionnés dans la communication des griefs. En effet, les éléments à charge avancés par un plaignant avant l'adoption de la communication des griefs, qu'il s'agisse de simples arguments ou de documents probants, s'ils ne sont pas repris dans la communication des griefs, ne constituent pas des griefs auxquels les entreprises concernées doivent répondre, en sorte que ces éléments ne doivent pas leur être communiqués dans le cadre de l'exercice du droit d'accès au dossier.

392.
    À cet égard, contrairement à ce que prétendent les requérantes, il n'est pas exact que si les éléments avancés par l'ESC avaient été présentés par écrit plutôt que verbalement au cours d'une réunion, ils auraient nécessairement fait partie du dossier auquel elles ont eu accès. En effet, ainsi qu'il a déjà été indiqué au point 357 ci-dessus, lorsque la Commission décide, sur la base d'une plainte, d'engager la procédure d'infraction, les entreprises concernées doivent répondre non à la plainte, mais à la communication des griefs. Les éléments avancés dans la plainte mais non repris dans la communication des griefs ne constituent pas des griefs auxquels les requérants doivent répondre. Les droits de la défense ne sauraient dès lors être violés s'ils n'ont pas l'opportunité d'y répondre.

393.
    Par ailleurs, selon la jurisprudence, s'agissant d'une procédure d'application de l'article 86 du traité, la Commission peut, en tout état de cause, refuser l'accès à la correspondance avec les tiers en se fondant sur son caractère confidentiel, dès lors qu'une entreprise destinataire d'une communication des griefs, qui se trouve en position dominante sur le marché, est susceptible d'adopter des mesures de rétorsion à l'encontre d'une entreprise concurrente, d'un fournisseur ou d'un client, qui a collaboré à l'instruction de la Commission (arrêt du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, cité au point 334 ci-dessus, point 33, confirmé par l'arrêt du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, cité au point 346 ci-dessus, point 26).

394.
    Enfin, en tout état de cause, il convient de souligner que le compte rendu ou les notes que la Commission aurait établi au sujet de la réunion - quod non - avec le plaignant constitueraient des documents de nature interne qui, selon une jurisprudence constante, ne doivent pas, en principe, être rendus accessibles aux tiers dans le cadre de leur exercice du droit d'accès au dossier (arrêts du Tribunal du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, cité au point 334 ci-dessus, point 33; BASF/Commission, cité au point 335 ci-dessus, point 45; du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T-45/98 et T-47/98, Rec. p. II-3757, points 46 et 47; du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 172 ci-dessus, points 196 et 420, et LR AF 1998/Commission, cité au point 334 ci-dessus, point 170). Cette restriction à l'accès aux documents internes est justifiée par la nécessité d'assurer le bon fonctionnement de l'institution concernée dans le domaine de la répression des infractions aux règles de concurrence du traité.

395.
    Eu égard à ce qui précède, il doit dès lors être conclu que le fait, pour la Commission, de ne pas avoir établi de compte rendu de la réunion litigieuse n'a pas eu pour effet de priver les requérantes de la possibilité de prendre connaissance, dans le cadre de l'exercice de leur droit d'accès au dossier, d'éléments à charge fondant les griefs retenus par la Commission dans la décision attaquée.

396.
    Par ailleurs, il convient de relever que les requérantes ne soutiennent pas que certains éléments relatifs à la réunion litigieuse auraient pu être utilisés par elles comme éléments à décharge. En tout état de cause, même si le moyen devait être compris en ce sens, il convient de constater que les requérantes n'indiquent pas les éléments à décharge en question et ne fournissent aucun indice accréditant leur existence et, partant, leur utilité pour les besoins de l'instance. Dans ces circonstances, dès lors que, selon la jurisprudence, une violation des droits de la défense doit être examinée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d'espèce (arrêt du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-36/91, cité au point 192 ci-dessus, point 70), aucune violation du droit d'accès au dossier ne saurait être constatée sur ce point (voir, en ce sens, arrêt Baustahlgewebe/Commission, cité au point 334 ci-dessus, point 93).

397.
    Dans ces circonstances, le présent moyen tiré de la violation du droit d'accès au dossier doit être rejeté.

D - Sur le moyen tiré du caractère incomplet du dossier

1. Arguments des parties

398.
    Enfin, les requérantes soutiennent que la décision attaquée doit être annulée pour la seule raison qu'elles ont émis des doutes sérieux quant au caractère complet du dossier, dans la mesure où les éléments absents de celui-ci peuvent expliquer l'approche de la Commission dans la décision attaquée.

399.
    La Commission estime que le présent moyen est de portée générale et conclut à son rejet pour les mêmes raisons que celles justifiant le rejet des moyens précédents.

2. Appréciation du Tribunal

400.
    Ainsi qu'il résulte de l'examen des moyens qui précèdent, c'est à tort que les requérantes font valoir que la Commission ne leur aurait pas communiqué certains éléments à charge retenus à l'appui des griefs mentionnés dans la décision attaquée, qui lui auraient été fournis oralement par des tiers au cours d'entretiens. Force est dès lors de constater que les requérantes n'ont nullement établi l'existence d'un doute sérieux quant au caractère complet du dossier de la Commission.

401.
    En tout état de cause, il doit être souligné que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la circonstance selon laquelle la Commission se serait fondée, dans la décision attaquée, sur des documents à charge ne figurant pas dans le dossier d'instruction et ne leur ayant pas été communiqués n'est pas en soi de nature à entraîner l'annulation de l'ensemble de ladite décision. En effet, selon la jurisprudence citée au point 338 ci-dessus, il convient encore, dans ce cas, de vérifier dans quelle mesure les griefs retenus dans la décision finale sont suffisamment prouvés par les autres éléments retenus à charge auxquels les requérantes ont eu accès.

402.
    Partant, le présent moyen doit être rejeté.

Sur la troisième branche tirée de la violation des principes de bonne administration, d'objectivité et d'impartialité

403.
    Dans le cadre de la troisième branche des présents moyens tirés d'une violation des droits de la défense, les requérantes allèguent que la Commission a violé les principes de bonne administration, d'objectivité et d'impartialité, premièrement, en ce qui concerne le déroulement de la procédure administrative, deuxièmement, en ce qui concerne l'appréciation des faits, des preuves et des questions pertinentes et, troisièmement, en ce qui concerne l'appréciation des amendes. Il en résulterait que la décision attaquée devrait, pour ces motifs, être annulée.

404.
    À titre liminaire, il convient d'observer que, parmi les garanties conférées par l'ordre juridique communautaire dans les procédures administratives, figure notamment le principe de bonne administration, auquel se rattache l'obligation pour l'institution compétente d'examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d'espèce (arrêts du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T-44/90, Rec. p. II-1, point 86; du 29 juin 1993, Asia Motor France e.a./Commission, T-7/92, Rec. p. II-669, point 34; du 11 juillet 1996, Métropole télévision e.a./Commission, T-528/93, T-542/93, T-543/93 et T-546/93, Rec. p. II-649, point 93, et du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission, T-31/99, Rec. p. II-1881, point 99).

405.
    En l'espèce, il convient dès lors d'examiner si les griefs soulevés par les requérantes sont de nature à démontrer que la Commission a commis une violation de ce principe.

A - Sur le déroulement de la procédure administrative

1. Arguments des parties

406.
    Les requérantes estiment que la conduite de la procédure d'enquête démontre que la Commission a préjugé les résultats de son enquête administrative. À l'appui de ce grief, elles relèvent, d'une part, que la Commission a envoyé une communication des griefs prématurée et, d'autre part, que la Commission a commencé la rédaction de la décision attaquée avant la fin de la procédure d'enquête. Les requérantes se fondent à cet égard sur la lettre qui leur a été adressée deux ans avant l'adoption de la décision attaquée, le 12 novembre 1996, par le conseiller-auditeur, dans laquelle ce dernier les a informées que les services de la Commission préparaient la rédaction d'un projet de décision.

407.
    Elles relèvent que ce préjugé du résultat de l'enquête ressort des menaces d'amendes que la Commission a formulées tout au long de la procédure administrative. À l'appui de ce grief, les requérantes mettent d'abord en avant les déclarations de la Commission, reprises par la presse, qui ont entouré la procédure de retrait de l'immunité contre les amendes en ce qui concerne la fixation collective des prix des services de transport terrestre dans le cadre du transport multimodal. Il ressortirait de ces déclarations que la Commission avait déjà à ce moment manifesté l'intention d'imposer des amendes aux requérantes dans l'affaire TACA, nonobstant l'ordonnance de suspension du 10 mars 1995 dans l'affaire T-395/94 R. Ainsi, dans son communiqué de presse publié lors de l'adoption de la communication des griefs concernant le retrait de l'immunité, la Commission aurait déclaré que «les parties au TACA ont choisi de notifier un accord qui, elles le savent bien, est illégal suite aux décisions adoptées par la Commission». Par ailleurs, en ce qui concerne les allégations d'abus de position dominante, les requérantes font état de différents articles et communications de presse qui montrent que la Commission considérait l'imposition d'amendes au titre de l'article 86 du traité comme un moyen de contourner l'immunité contre l'imposition d'amendes au titre de l'article 85 du traité dont elles bénéficiaient du fait de la notification du TACA.

408.
    La Commission conclut au rejet des arguments des requérantes sur ce point.

2. Appréciation du Tribunal

409.
    Les requérantes estiment que le déroulement de la procédure administrative démontre que la Commission a préjugé les résultats de son enquête. Les requérantes se fondent à cet égard sur le caractère prématuré de la communication des griefs, sur le fait que la rédaction de la décision attaquée aurait commencé avant l'audition devant la Commission et sur les menaces d'amendes formulées par la Commission au cours de la procédure administrative.

a) Sur le caractère prématuré de la communication des griefs

410.
    En substance, les requérantes allèguent que l'envoi de demandes de renseignements supplémentaires peu avant et après l'adoption de la communication des griefs (ci-après les «demandes de renseignements litigieuses») démontre que la Commission a préjugé, dans la communication des griefs, les résultats définitifs de l'enquête. Elles soulignent également, dans ce cadre, le nombre élevé de ces demandes de renseignements et des questions qu'elles comportent.

411.
    En premier lieu, en ce qui concerne l'allégation des requérantes selon laquelle le fait même d'envoyer les demandes de renseignements litigieuses démontre que la Commission a préjugé, dans la communication des griefs, les résultats définitifs de l'enquête, il convient de rappeler qu'il a déjà été constaté au point 116 ci-dessus, dans le cadre de l'examen de la première branche des présents moyens tirés de la violation des droits de la défense, que, puisque la communication des griefs constitue non un acte fixant de manière définitive l'appréciation de la Commission quant à la légalité des pratiques en cause, mais un acte purement préparatoire contenant les allégations provisoires de la Commission sur lesquelles elle a la possibilité de revenir dans sa décision finale, la Commission est parfaitement en droit, afin notamment de tenir compte des arguments ou de tout autre élément avancés par les entreprises concernées, de poursuivre son enquête factuelle après l'adoption de la communication des griefs par l'envoi de demandes de renseignements supplémentaires en vue, le cas échéant, de retirer certains griefs ou d'en ajouter de nouveaux.

412.
    Dès lors, l'envoi par la Commission des demandes de renseignements litigieuses, loin de témoigner d'un quelconque préjugé de la part de la Commission à l'encontre des requérantes, est un comportement inhérent au caractère contradictoire de la procédure administrative d'application des règles de concurrence du traité, attestant, bien au contraire, la volonté de la Commission d'examiner avec soin et impartialité l'ensemble des éléments pertinents du cas d'espèce, afin, notamment, d'être en mesure de statuer en pleine connaissance de cause sur la demande d'exemption présentée par les requérantes.

413.
    En conséquence, la seule circonstance que, en l'espèce, la Commission a adressé aux parties au TACA de nombreuses demandes de renseignements supplémentaires peu avant et après l'adoption de la communication des griefs n'est pas de nature à démontrer une violation par la Commission des principes de bonne administration, d'objectivité et d'impartialité.

414.
    Par ailleurs, il convient de souligner que le contrôle de légalité exercé par le Tribunal dans le cadre d'un recours en annulation introduit sur le fondement de l'article 173 du traité porte non sur la communication des griefs, mais sur la décision finale adoptée à la suite de celle-ci. Selon la jurisprudence, la communication des griefs ne constitue d'ailleurs pas un acte susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation (arrêt IBM/Commission, cité au point 96 ci-dessus, point 21). Dès lors, même si la Commission avait manifesté, dans la communication des griefs, un préjugé à l'encontre des requérantes, un tel préjugé ne serait de nature à vicier la décision attaquée que s'il avait trouvé une expression dans cette dernière. Or, les requérantes n'établissent pas que tel a été le cas en l'espèce (voir, en ce sens, arrêt ABB Asea Brown Boveri/Commission, cité au point 404 ci-dessus, point 105).

415.
    Enfin, en tout état de cause, même si le préjugé allégué par les requérantes avait trouvé une expression dans la décision attaquée, il convient de relever qu'un tel préjugé ne constituerait pas une violation des droits de la défense susceptible d'entraîner l'annulation de la décision attaquée mais devrait être examiné dans le cadre du contrôle de l'appréciation des moyens de preuve ou de la motivation de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-37/91, cité au point 188 ci-dessus, point 72).

416.
    Pour ces raisons, il convient de rejeter les arguments des requérantes pour autant qu'ils visent à faire grief à la Commission d'avoir préjugé, dans la communication des griefs, le résultat final de l'enquête.

417.
    En second lieu, en ce qui concerne le nombre élevé de demandes de renseignements, il convient de relever qu'il est constant entre les parties qu'au cours de la période du 22 mai 1996, soit deux jours avant l'adoption de la communication des griefs, au 16 septembre 1998, date d'adoption de la décision attaquée, la Commission a envoyé 32 demandes de renseignements contenant plus de 100 questions aux parties au TACA. Il est également constant que plusieurs de ces demandes de renseignements ont été envoyées au cours du délai imparti aux parties au TACA pour répondre à la communication des griefs, à savoir entre le 24 mai 1996, date d'adoption de la communication des griefs, et le 6 septembre 1996, date de l'envoi par les parties au TACA de leur réponse à la communication des griefs.

418.
    Il convient d'admettre que l'envoi d'un nombre élevé de demandes de renseignements après l'adoption de la communication des griefs est susceptible d'affecter l'exercice utile, par les entreprises concernées, de leur droit d'être entendues au sujet des griefs retenus contre elles. Conformément à la jurisprudence citée au point 404 ci-dessus, il appartient en effet à la Commission de veiller à ce que la conduite de la procédure administrative soit menée avec soin. Or, selon la jurisprudence, les demandes de renseignements de la Commission doivent respecter le principe de proportionnalité, et l'obligation imposée à une entreprise de fournir un renseignement ne doit pas représenter pour cette dernière une charge disproportionnée par rapport aux nécessités de l'enquête (arrêt SEP/Commission, cité au point 119 ci-dessus, point 51).

419.
    En l'espèce, il convient dès lors d'examiner si l'envoi des demandes de renseignements litigieuses a imposé aux requérantes une charge disproportionnée de nature à enfreindre les droits de la défense. À cet égard, il convient de tenir compte du contenu desdites demandes de renseignements, du contexte dans lequel elles ont été envoyées et de leur objectif.

420.
    Il ressort de l'examen des demandes de renseignements litigieuses que celles-ci peuvent, en substance, être regroupées en huit catégories.

421.
    Premièrement, une demande de renseignements, celle du 22 mai 1996, a été envoyée deux jours avant la communication des griefs. Il convient toutefois de constater que cette demande visait à obtenir de simples précisions et informations supplémentaires au sujet de données fournies par les requérantes le 9 mai 1996 en réponse à une demande de renseignements du 8 mars 1996, de sorte qu'elle ne saurait raisonnablement être considérée comme ayant représenté une charge disproportionnée pour les requérantes. Par ailleurs, il apparaît que la circonstance selon laquelle la demande litigieuse a été envoyée deux jours avant l'adoption de la communication des griefs résulte du propre comportement des requérantes. En effet, les données faisant l'objet des questions formulées dans la demande litigieuse devaient, aux termes de la demande de renseignements du 8 mars 1996, être fournies pour le 25 mars 1996, mais, en raison des divers reports sollicités par les requérantes, elles n'ont finalement été communiquées que le 9 mai 1996, soit deux mois après la demande initiale de la Commission.

422.
    Deuxièmement, quatre demandes de renseignements, soit les demandes datées des 16 octobre 1996, 12 février, 2 juin et 19 juin 1997, visaient à obtenir des informations demandées mais non fournies à la suite de demandes antérieures ou le détail d'informations fournies antérieurement, tandis que quatre autres demandes de renseignements, à savoir celles datées des 27 janvier, 13 février, 15 mai et 2 octobre 1997, visaient à obtenir la mise à jour de données fournies antérieurement avant l'envoi de la communication des griefs. Pour autant que les demandes de renseignements en cause visaient à obtenir des informations demandées antérieurement, mais non fournies, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 16, paragraphe 5, du règlement n° 4056/86 et des dispositions équivalentes des règlements n° 17 et n° 1017/68, les entreprises concernées ont l'obligation de fournir les renseignements requis dans le délai imparti par la Commission, et ce de façon complète. Aussi, dans la mesure où ces demandes de renseignements résultent du propre manquement des requérantes à satisfaire à cette obligation, leur envoi ne saurait être reproché à la Commission. Par ailleurs, pour autant qu'elles se bornent à solliciter des précisions et mises à jour de données fournies antérieurement, il y a lieu d'admettre que de telles demandes de renseignements étaient justifiées par les nécessités de l'enquête et ne représentaient pas une charge disproportionnée pour les requérantes.

423.
    Troisièmement, neuf demandes de renseignements datées, respectivement, des 12, 16 et 18 septembre 1996, 9 octobre 1996, 8 et 15 novembre 1996, 22 avril 1997, 26 mai 1997 et 30 septembre 1997 visaient à permettre à la Commission d'examiner le bien-fondé des arguments avancés par les requérantes dans leur réponse à la communication des griefs. À l'évidence, de telles demandes de renseignements étaient justifiées par les nécessités de l'enquête, dès lors qu'elles permettaient à la Commission de prendre en compte les arguments et éléments avancés par les requérantes en réponse à la communication des griefs, en vue, le cas échéant, de modifier les griefs retenus contre elles.

424.
    Quatrièmement, cinq demandes de renseignements, à savoir celles datées des 11 juillet 1996, 17 juillet 1996, 8 août 1996, 24 janvier 1997 et 19 juin 1997, visaient à obtenir, au moins en partie, des informations n'ayant pas fait l'objet de demandes de renseignements avant l'adoption de la communication des griefs. Ces demandes de renseignements concernaient notamment certains aspects liés aux contrats de services, les contacts entre le TACA, d'une part, et UASC et APL, d'autre part, en vue de leur adhésion éventuelle au TACA, les pratiques de Hanjin en matière de prix et les plaintes de certains chargeurs en Irlande. Force est toutefois de constater, et ceci n'est pas contesté par les requérantes, que les informations sollicitées par ces demandes de renseignements étaient pertinentes dans le cadre de l'examen des pratiques en cause du TACA, en particulier aux fins de vérifier le bien-fondé de l'allégation d'abus de position dominante figurant dans la communication des griefs. L'envoi desdites demandes de renseignements était dès lors justifié par les nécessités de l'enquête.

425.
    Cinquièmement, deux demandes de renseignements datées des 16 et 24 juillet 1996, envoyées en réponse aux allégations de violation du droit d'accès au dossier, visaient à obtenir des informations au sujet du document «Liner Shipping - Time for Change». Ainsi qu'il a déjà été constaté au point 380 ci-dessus, il ressort du dossier devant le Tribunal que la Commission disposait dudit document au moment de l'envoi des deux demandes de renseignements en cause. Dans ces circonstances, il convient d'admettre que ces demandes de renseignements n'étaient pas justifiées par les nécessités de l'enquête.

426.
    Sixièmement, une demande de renseignements, celle datée du 5 décembre 1996, visait à obtenir des réponses à des questions posées au cours de l'audition du 25 octobre 1996. Il ne saurait être contesté qu'une telle demande, destinée à donner l'occasion aux requérantes de poursuivre par écrit le débat engagé au cours de l'audition, était justifiée par les besoins de l'enquête.

427.
    Septièmement, trois demandes de renseignements, à savoir celles datées des 21 octobre 1997, 24 novembre 1997 et 18 mars 1998, visaient à obtenir des données relatives aux chiffres d'affaires des parties au TACA. Dès lors que ces demandes de renseignements avaient pour objet de permettre à la Commission de vérifier que le montant maximal des amendes prévu par les articles 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, 22, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68 et 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 n'était pas dépassé, il convient d'admettre que de telles demandes étaient, en principe, justifiées par les besoins de l'enquête (arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T-213/00, Rec. p. II-913, point 490). En l'espèce, les requérantes ne contestent d'ailleurs pas que la Commission a utilisé les données fournies en réponse afin de s'assurer que les amendes infligées dans la décision attaquée n'excédaient pas le montant maximal autorisé.

428.
    Huitièmement, trois demandes de renseignements, à savoir celles datées des 17 janvier 1997, 17 février 1997 et 11 mars 1997, concernaient le système «hub and spoke» notifié après l'envoi de la communication des griefs, le 10 janvier 1997. Il ne saurait être contesté que de telles demandes de renseignements, qui visaient à obtenir des précisions sur des accords notifiés par les requérantes en vue de l'octroi d'une exemption individuelle en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité, étaient justifiées par les nécessités de l'enquête dès lors qu'elles permettaient à la Commission de vérifier si les conditions prévues par cette disposition étaient remplies.

429.
    Il résulte de ce qui précède que seules deux des demandes de renseignements litigieuses, à savoir celles datées des 16 et 24 juillet 1996, n'apparaissent pas justifiées par les nécessités de l'enquête. Force est toutefois d'admettre que l'envoi de deux demandes de renseignements injustifiées sur un total de 32 demandes de renseignements au cours d'une période de 22 mois ne saurait avoir imposé aux requérantes une charge disproportionnée de nature à affecter l'exercice utile de leur droit d'être entendues.

430.
    Enfin, en tout état de cause, même si la Commission avait violé les droits de la défense, il convient de souligner que cette violation ne pourrait entraîner l'annulation de la décision que si, en l'absence de l'envoi des demandes de renseignements litigieuses, il existait une chance - même réduite - que les requérantes eussent pu faire aboutir la procédure administrative à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, cité au point 95 ci-dessus, point 56, et du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 172 ci-dessus, point 383). Or, les requérantes ne soutiennent nullement que tel a pu être le cas en l'espèce et elles n'apportent aucun élément en ce sens.

431.
    Pour ces raisons, il convient de rejeter les arguments des requérantes visant à faire grief à la Commission de leur avoir envoyé un nombre élevé de demandes de renseignements après l'adoption de la communication des griefs.

432.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le moyen des requérantes tiré de la violation du principe de bonne administration sur ce point n'est pas fondé.

b) Sur la rédaction de la décision attaquée

433.
    En substance, les requérantes reprochent à la Commission d'avoir commencé la rédaction de la décision attaquée avant la fin de la procédure administrative d'enquête.

434.
    Il est constant entre les parties que la Commission a commencé la rédaction de la décision attaquée peu après l'audition des parties au TACA, le 25 octobre 1996. Dans sa lettre du 12 novembre 1996, le conseiller-auditeur de la Commission indique ainsi aux parties au TACA:

«Je crois comprendre que la direction compétente prépare, pour l'instant, un projet de décision dans l'affaire TACA et que la procédure normale est applicable.»

435.
    Par ailleurs, il est exact que la Commission, ainsi que le relèvent les requérantes, a poursuivi la procédure administrative d'enquête, après l'audition des parties au TACA, par l'envoi de demandes de renseignements supplémentaires jusqu'au mois de mars 1998. La décision attaquée ayant été adoptée le 16 septembre 1998, il y a dès lors lieu d'admettre que la Commission a commencé la rédaction de la décision attaquée avant la fin de la procédure administrative d'enquête.

436.
    Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, un tel comportement n'est pas contraire au principe de bonne administration. Bien au contraire, il convient de considérer que le respect de ce même principe, qui exige notamment que la Commission procède avec diligence au traitement des affaires dont elle a la charge, est susceptible de l'obliger à commencer la rédaction de sa décision finale avant la fin de la procédure administrative d'enquête, et ce afin d'assurer l'adoption de celle-ci dans un délai raisonnable, eu égard aux circonstances propres de l'affaire et, notamment, de son contexte, de la conduite des parties au cours de la procédure, de l'enjeu de l'affaire pour les différentes entreprises intéressées et de son degré de complexité (arrêt du 20 avril 1999, PVC II, cité au point 191 ci-dessus, points 187 et 188; arrêts du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T-213/95 et T-18/96, Rec. p. II-1739, point 56, et du 9 septembre 1999, UPS Europe/Commission, T-127/98, Rec. p. II-2633, point 38).

437.
    Or, en l'espèce, il n'est pas contesté que les aspects du TACA ayant fait l'objet de la procédure administrative devant la Commission soulèvent des questions factuelles et juridiques complexes qui ont amené la Commission à devoir examiner un volume important de données fournies par les parties au TACA dans leurs différentes notifications ainsi que dans leur réponse à la communication des griefs et dans leurs réponses aux demandes de renseignements.

438.
    Dans ces circonstances, dès lors que, après 26 mois d'enquête écoulés depuis la notification de l'accord TACA, le 5 juillet 1994, la Commission avait reçu, le 6 septembre 1996, la réponse des parties au TACA à la communication des griefs et qu'elle avait entendu, le 25 octobre 1996, ces mêmes parties au cours d'une audition, il y a lieu d'admettre qu'elle disposait, à ce moment, d'éléments suffisants pour commencer la rédaction de la décision attaquée. Cela est d'autant plus vrai que, parmi les demandes de renseignements envoyées après l'audition, seules celles datées des 24 janvier 1997, 15 mai 1997 et 19 juin 1997, qui portaient, respectivement, sur certaines pratiques de Hanjin en matière de prix, sur les liens de consortium entre les membres du TACA et sur les plaintes de certains chargeurs en Irlande, sollicitaient des informations n'ayant pas fait l'objet de demandes de renseignements antérieures.

439.
    En tout état de cause, force est de constater que les requérantes n'indiquent pas en quoi les demandes de renseignements envoyées après l'audition démontreraient que la Commission n'était pas en mesure de commencer la rédaction de sa décision finale après l'audition.

440.
    Partant, les arguments des requérantes sur ce point doivent être rejetés.

c) Sur les menaces d'amendes

441.
    En premier lieu, les requérantes font valoir que certaines déclarations effectuées au cours de la procédure entourant l'adoption, le 26 novembre 1996, de la décision retirant aux parties au TACA l'immunité contre les amendes en ce qui concerne la fixation collective des prix des services de transport terrestre fournis dans un cadre multimodal démontrent que la Commission avait l'intention, dès ce moment, de leur infliger des amendes, le cas échéant, d'un montant élevé.

442.
    À cet égard, les requérantes relèvent d'abord que, au moment de l'adoption, par le président du Tribunal, de son ordonnance prononçant la suspension de la décision TAA en ce qu'elle interdit la fixation collective desdits prix (ordonnance du 10 mars 1995, Atlantic Container e.a./Commission, citée au point 29 ci-dessus, confirmée par l'ordonnance du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a, citée au point 29 ci-dessus), la Commission a indiqué, dans un communiqué de presse daté du 14 mars 1995, que «si les membres du TACA perdent leur recours quant au fond, ils risqueront de se voir infliger de fortes amendes pour la continuation de cette pratique».

443.
    Force est toutefois d'observer que, par cette déclaration, la Commission, loin de préjuger sa décision finale quant à l'imposition d'amendes à l'encontre des parties au TACA, se borne simplement à souligner, à bon droit, les effets juridiques qu'il convient d'attribuer à une ordonnance du président du Tribunal statuant en application des articles 185 et 186 du traité CE (devenus articles 242 CE et 243 CE) dans le cadre d'une demande de sursis à l'exécution d'une décision de la Commission.

444.
    En effet, l'ordonnance du Tribunal du 10 mars 1995 rendue dans le cadre de l'affaire TAA (ordonnance Atlantic Container e.a./Commission, citée au point 29 ci-dessus) avait pour objet non de se prononcer sur la légalité de l'interdiction, imposée par la décision TAA, de l'accord prévoyant la fixation collective des prix des services de transport terrestre fournis dans un cadre multimodal, cette appréciation relevant exclusivement de la compétence du juge au fond, mais de suspendre cette interdiction. En conséquence, tant que le Tribunal n'avait pas rendu l'arrêt TAA sur le fond - lequel est intervenu le 28 février 2002 - l'interdiction de l'accord en cause imposée par la décision TAA restait valable, seule la mise en oeuvre de cette interdiction étant suspendue.

445.
    Dans la mesure où il est constant que l'accord conclu par les parties au TACA est, en substance, identique à l'accord ayant fait l'objet de l'ordonnance du 10 mars 1995, Atlantic Container e.a./Commission, citée au point 29 ci-dessus, et qu'il a été conclu, du moins initialement, entre les mêmes parties, c'est à juste titre que la Commission a souligné, dans la déclaration litigieuse, le risque pour les parties au TACA de se voir infliger des amendes du fait de la conclusion dudit accord. Quant à l'allusion, dans ladite déclaration, au montant élevé des amendes, il suffit de constater que la Commission s'est bornée à souligner l'existence d'un simple risque et non d'une décision définitive à cet égard. Par ailleurs, pour autant que la menace d'amendes élevées formulée dans la déclaration en cause aurait trouvé une expression dans la décision attaquée en ce que les amendes infligées par celle-ci seraient excessives, le grief des requérantes doit être apprécié quant au fond lors de l'appréciation par le Tribunal du montant des amendes dans le cadre de l'exercice de sa compétence de pleine juridiction.

446.
    Ensuite, les requérantes font état de déclarations du membre de la Commission en charge de la concurrence, M. Van Miert, au moment de l'envoi de la communication des griefs, le 21 juin 1995, informant les parties au TACA de l'intention de la Commission de retirer le bénéfice de l'immunité contre les amendes en ce qui concerne l'accord entre les parties au TACA prévoyant la fixation collective des prix des services de transport terrestre fournis dans un cadre multimodal.

447.
    Il est exact que, aux termes de ces déclarations, M. Van Miert a indiqué que la décision envisagée devait constituer «un signal clair et non équivoque du fait que l'accord TACA n'est pas acceptable pour la Commission» et que, plus les requérantes tarderont à trouver une solution aux problèmes identifiés par la Commission, «plus les amendes seront élevées».

448.
    Force est toutefois d'observer que, par ces déclarations, M. Van Miert, loin de préjuger la décision finale de la Commission quant à l'imposition d'amendes à l'encontre des parties au TACA, s'est borné simplement à souligner, à bon droit, les effets juridiques qu'il convient d'attribuer à une décision de retrait de l'immunité relative aux amendes.

449.
    En effet, la décision de retrait de l'immunité adoptée en l'espèce par la Commission avait pour objet non d'infliger des amendes aux parties au TACA ou d'engager la Commission à adopter une décision en ce sens, mais uniquement de lui permettre de conserver, à titre de précaution, cette possibilité en dépit de la notification effectuée par les parties au TACA, pour le cas où les requérantes bénéficieraient de l'immunité contre l'imposition d'amendes pour les accords relevant du règlement n° 1017/68. Il apparaît ainsi que la décision de la Commission était motivée, pour l'essentiel, par le fait que les notifications successives effectuées par les requérantes ne devaient pas la priver de la possibilité d'infliger des amendes pour le passé dans l'hypothèse où elle s'estimerait en mesure d'exempter l'une des versions modifiées du TACA.

450.
    Dès lors que, aux termes de l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68, le montant des amendes est notamment déterminé en fonction de la durée de l'infraction, c'est à bon droit que la Commission a indiqué aux parties au TACA que tout retard pris dans l'adoption d'une solution de nature à résoudre les problèmes qu'elle a identifiés aurait pour effet d'augmenter le montant des amendes.

451.
    En tout état de cause, eu égard au fait que le règlement n° 1017/68 ne prévoit pas de régime d'immunité contre les amendes en ce qui concerne les accords relevant de son champ d'application et qu'il n'existe pas de principe général en droit communautaire selon lequel la notification d'un accord confère à l'entreprise, auteur de la notification, le bénéfice d'une immunité relative aux amendes même en l'absence d'un texte prévoyant de manière expresse ladite immunité (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, cité au point 44 ci-dessus, points 48 et 53), la décision de retrait de l'immunité adoptée en l'espèce n'était aucunement de nature à affecter la situation juridique des parties au TACA, puisque, que la Commission adopte ou non une décision de retrait de l'immunité, elle disposait, en toute hypothèse, de la faculté d'infliger des amendes nonobstant la notification par les parties au TACA de l'accord prévoyant la fixation collective des prix des services de transport terrestre fournis dans un cadre multimodal.

452.
    Pour ces motifs, il convient de rejeter les arguments des requérantes sur ce point.

453.
    En second lieu, les requérantes font valoir qu'il ressort de différents articles et communications de presse que la Commission considérait l'application de l'article 86 du traité à certaines pratiques du TACA comme un moyen de contourner l'immunité contre les amendes dont elles bénéficiaient au titre de l'article 85 du traité.

454.
    Il convient toutefois de constater que, si les différents articles et communications de presse invoqués par les requérantes font certes état de l'intention éventuelle de la Commission d'infliger des amendes aux parties au TACA en ce qui concerne les accords notifiés en vue de l'octroi d'une exemption individuelle en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité, il ne saurait en être déduit que la Commission a appliqué l'article 86 du traité à certaines pratiques du TACA dans l'unique but de contourner l'immunité dont ses membres bénéficiaient au titre de l'article 85 du traité. Les requérantes n'apportant aucun autre élément concret de nature à étayer leur thèse, il y a dès lors lieu de constater qu'elles n'établissent pas la réalité des faits sur lesquels se fonde leur grief sur ce point.

455.
    En tout état de cause, même à supposer que l'objectif de contournement allégué puisse être déduit des différents articles et communications de presse invoqués par les requérantes, il suffit de constater que la question de savoir si la Commission était en droit d'infliger des amendes du fait d'une infraction à l'article 86 du traité à des entreprises, auteurs d'une notification en vue de l'octroi d'une exemption individuelle en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité, concerne le bien-fondé de la décision attaquée quant à l'application de l'article 86 du traité et quant aux amendes infligées à ce titre. En effet, la thèse des requérantes repose sur la prémisse selon laquelle l'auteur d'une infraction à l'article 86 du traité ne bénéficie pas d'une immunité relative aux amendes. Or, si cette prémisse, contestée par ailleurs par les requérantes dans le cadre de leurs moyens relatifs aux amendes, n'est pas fondée, la question du contournement de l'immunité ne se pose pas, puisque l'existence d'une immunité au titre de l'article 86 du traité aurait alors fait obstacle à l'imposition d'amendes pour sanctionner une infraction à cette disposition. Si, au contraire, ladite prémisse est fondée, la question de savoir si la Commission était en droit d'infliger des amendes dépend uniquement de l'existence d'une infraction à l'article 86 du traité, laquelle est contestée par les requérantes dans le cadre de leurs moyens relatifs à l'application de cette disposition. En effet, soit l'infraction à l'article 86 du traité est établie à suffisance de droit, auquel cas la Commission était en droit d'infliger des amendes, soit l'infraction à l'article 86 du traité n'est pas établie à suffisance de droit, auquel cas les amendes infligées au titre de l'article 86 du traité doivent, pour cette seule raison, être annulées. L'allégation de contournement de l'immunité au titre de l'article 85 du traité n'est, par conséquent, d'aucune portée.

456.
    Partant, les arguments des requérantes sur ce point doivent être rejetés.

B - Sur l'appréciation des faits, des preuves et des questions pertinentes

1. Arguments des parties

457.
    Les requérantes font, en premier lieu, grief à la Commission d'avoir basé plusieurs constatations de fait et de droit dans la décision attaquée sur des spéculations, suppositions et présomptions, et non sur des preuves ou éléments d'analyse. Elles relèvent à cet égard l'utilisation, à 47 occasions, des termes «probable» et «peu probable» dans la décision attaquée, au stade de l'examen du marché en cause (considérants 66 et 67), de la concurrence interne (considérant 193), de la concurrence externe (considérants 249, 252 et 258), de la concurrence potentielle (considérant 290), du contenu des contrats de services (considérants 490 et 494), de la rémunération des transitaires (considérant 510) et de la position dominante (considérants 540 et 541). Les requérantes font valoir que ces différents passages de la décision attaquée ne sont fondés sur aucun élément de preuve. Selon elles, s'il peut être légitime pour la Commission, dans certaines circonstances, de mettre en balance les considérations pertinentes et de statuer sur la question en conséquence, les exemples cités dans la requête n'indiquent aucune mise en balance de la sorte.

458.
    En deuxième lieu, les requérantes allèguent que le rejet, par la Commission, des preuves et arguments des requérantes témoigne de ce que la Commission a abordé la présente affaire «[...] sans esprit d'ouverture quant à la recherche de la preuve» (conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt de la Cour du 21 février 1984, Hasselblad/Commission, 86/82, Rec. p. 883, 913).

459.
    À l'appui de ce grief, les requérantes citent un certain nombre d'exemples tirés de la décision attaquée. Premièrement, en ce qui concerne l'examen de la concurrence interne (considérants 201 et 202), les requérantes estiment que l'affirmation selon laquelle «le simple fait que d'autres prix que ceux du tarif sont pratiqués ne prouve pas plus l'existence d'une concurrence qu'il n'en prouve l'absence» démontre que la Commission n'était pas disposée à accepter des preuves de concurrence par les prix. Deuxièmement, en ce qui concerne la concurrence par d'autres éléments que les prix (considérants 242 et 522), les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir expliqué les raisons pour lesquelles elle a écarté les preuves qu'elles avaient apportées. Troisièmement, s'agissant de la substituabilité du côté de l'offre (considérants 280 à 282), les requérantes font grief à la Commission d'avoir retenu une présomption d'invalidité des preuves fournies par elles au motif que les conclusions du rapport Dynamar «ont été orientées par les instructions données à l'expert». Les requérantes font observer que, dans son mémoire en défense, la Commission ne cherche pas à expliquer les raisons de sa suspicion à l'égard du rapport Dynamar en utilisant la correspondance entre les requérantes et Dynamar concernant la préparation de ce rapport, alors que celle-ci est annexée à la requête. Quatrièmement, concernant les allégations en matière de prix (considérants 308, 325, 543 et 589), les requérantes reprochent à la Commission d'avoir procédé, dans la décision attaquée, à une nouvelle analyse des taux des contrats de services, sans se référer aux allégations de la communication des griefs et sans réfuter les arguments qu'elles ont présentés dans leur réponse à la communication des griefs. En particulier, la décision attaquée ne traiterait pas de la question de savoir si les propres constatations de la Commission (à savoir que, au cours de la période allant de 1993 à 1997, les taux maritimes ont augmenté de 8 % et que les taux terrestres communautaires ont diminué de 4 %, sans tenir compte de l'inflation) étaient compatibles avec une constatation de position dominante. Les requérantes font observer que le manque de confiance de la Commission dans sa propre analyse ressort de la description de la décision attaquée qu'elle effectue dans le rapport sur la politique de concurrence de 1998 (XXVIIIe Rapport sur la politique de concurrence - 1998, point 107), dans lequel la Commission se réfère aux allégations discréditées des plaignants plutôt qu'à sa propre analyse de prix. Cinquièmement, en ce qui concerne les contrats de services à double taux (considérant 154), les requérantes reprochent à la Commission de ne pas leur avoir demandé des informations concernant l'allégation selon laquelle l'initiative de ce type de contrats venait des chargeurs parties aux contrats. S'agissant d'une question qui était centrale en ce qui concerne l'allégation d'abus, la Commission ne pourrait tenter de faire peser la charge de la preuve sur les requérantes. Enfin, sixièmement, s'agissant de l'historique des contrats de conférence (considérants 469 à 471), les requérantes relèvent que la Commission n'a retenu qu'un seul des éléments qu'elles avaient apportés, sans aborder les autres. Elles font aussi observer que ce n'est que dans le mémoire en défense, et non dans la décision attaquée, que la Commission a cherché à expliquer les raisons du rejet total de ces éléments.

460.
    En troisième lieu, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir tenu compte, dans la décision attaquée, de certains éléments factuels postérieurs à la communication des griefs, alors que ceux-ci prouvent le caractère erroné d'allégations qui étaient essentielles au raisonnement de la Commission au moment de l'adoption de la communication des griefs. En particulier, les requérantes font grief à la Commission d'avoir maintenu, dans la décision attaquée (considérants 296, 562, 566 et 567), l'allégation figurant dans la communication des griefs (points 108, 113, 229, 235 et 236), selon laquelle elles ne sont pas soumises à une concurrence potentielle importante, alors que, dans le courant de la procédure administrative, les compagnies Chine Ocean Shipping Co. (ci-après «Cosco»), Yangming, K Line (en février 1997) et Norasia Line (en juin 1998) ont pénétré le trafic transatlantique en tant qu'opérateurs indépendants, tandis que NOL (en mai 1998) s'est retirée du TACA pour entamer de nouvelles activités sous le nom d'APL. Or, la Commission fonderait ses conclusions quant à l'altération abusive de la structure du marché sur l'allégation que les concurrents potentiels ont été incités à devenir membres du TACA.

461.
    La Commission conclut au rejet des arguments des requérantes sur ce point.

2. Appréciation du Tribunal

462.
    Par les présents griefs, les requérantes reprochent d'abord à la Commission d'avoir basé plusieurs constatations de fait et de droit dans la décision attaquée sur des spéculations, suppositions et présomptions, et non sur des preuves ou éléments d'analyse. Elles lui reprochent ensuite d'avoir rejeté leurs preuves et arguments sans esprit d'ouverture. Enfin, elles lui reprochent de ne pas avoir tenu compte, dans la décision attaquée, de certains éléments factuels postérieurs à la communication des griefs, alors que ceux-ci prouvaient le caractère erroné d'allégations qui étaient essentielles au raisonnement de la Commission au moment de l'adoption de la communication des griefs.

463.
    Il en ressort que les requérantes reprochent, en substance, à la Commission un manque d'objectivité dans l'examen des faits, preuves et questions pertinentes pour le cas d'espèce.

464.
    Il convient de souligner que le prétendu manque d'objectivité de la Commission sur ces différents points, à supposer même qu'il soit établi, ne constitue pas une violation des droits de la défense susceptible d'entraîner l'annulation de la décision attaquée mais procède de l'examen opéré dans le cadre du contrôle de l'appréciation des moyens de preuve ou de la motivation de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-37/91, cité au point 188 ci-dessus, point 72).

465.
    Ainsi, il y a lieu de relever que la plupart des allégations des requérantes reviennent à dénoncer l'absence de preuves suffisantes à l'appui des allégations de la Commission. Tel est le cas des allégations concernant l'utilisation à 47 occasions des termes «probable» («likely») et «peu probable» («unlikely») dans la décision, le fait que la Commission n'aurait pas été disposée à accepter des preuves de la concurrence par les prix entre les parties au TACA, l'absence de prise en compte des conclusions du rapport Dynamar, le fait que la Commission aurait procédé à une nouvelle analyse des taux des contrats de services dans la décision attaquée sans plus se référer aux allégations formulées dans la communication des griefs, l'absence d'interrogation des requérantes sur le fait que les contrats de services à double taux auraient été demandés par les chargeurs, le fait que la Commission n'aurait retenu que l'un des éléments concernant l'historique des conférences avancé par les requérantes aux fins de déterminer l'intention du législateur au sujet des contrats de services et le fait que des entrées récentes sur le trafic transatlantique contrediraient les allégations de la Commission concernant l'absence de concurrence potentielle.

466.
    Quant aux allégations selon lesquelles la Commission n'aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles elle a écarté les preuves de la concurrence par les prix apportées par les parties au TACA ainsi que les éléments apportés par les parties au TACA en ce qui concerne l'historique des conférences, elles reviennent à contester la motivation de la décision attaquée sur ces points.

467.
    Pour ces raisons, il convient de considérer que les arguments des requérantes sont sans pertinence dans le cadre des présents moyens tirés d'une violation des droits de la défense et qu'ils doivent, en conséquence, être rejetés.

C - Sur l'appréciation des amendes

1. Arguments des parties

468.
    Les requérantes allèguent que les événements qui ont entouré l'imposition d'amendes en l'espèce révèlent un manque d'objectivité de la part de la Commission. Les requérantes invoquent, à cet égard, des articles de presse qui font état d'une certaine opposition, au sein de la Commission et de certains États membres, face au montant des amendes proposé par la direction générale de la concurrence (ci-après la «DG Concurrence»). Les requérantes invoquent également les déclarations d'un chargeur, qui considère que le montant des amendes est excessif. Les requérantes indiquent qu'elles ignorent si ces éléments ont été pris en compte - et, dans l'affirmative, dans quelle mesure - par la Commission avant l'adoption de la décision attaquée.

469.
    La Commission conclut au rejet des arguments des requérantes sur ce point.

2. Appréciation du Tribunal

470.
    En substance, par le présent grief, les requérantes font valoir que les événements qui ont entouré l'imposition d'amendes aux parties au TACA révèlent un manque d'objectivité de la part de la DG Concurrence.

471.
    En ce qui concerne, d'abord, la prétendue opposition de la Commission quant à l'imposition d'amendes proposée par la DG Concurrence, il convient d'observer que, même s'il y avait eu de la part de la DG Concurrence une violation des principes de bonne administration, d'objectivité et d'impartialité, la décision attaquée n'a pas été prise par ladite DG mais par le collège des membres de la Commission (voir, en ce sens, arrêt ABB Asea Brown Boveri/Commission, cité au point 404 ci-dessus, point 104).

472.
    En ce qui concerne, ensuite, l'opposition manifestée par certains États membres au montant des amendes proposé par la DG Concurrence, il convient de rappeler que, en application des dispositions pertinentes des règlements d'application des articles 85 et 86 du traité relatifs à la liaison avec les autorités des États membres, les représentants desdits États membres sont consultés préalablement à l'adoption de toute décision infligeant des amendes pour infraction aux règles de concurrence dans le cadre des comités consultatifs en matière d'ententes et de positions dominantes institués par ces règlements. En l'espèce, la Commission ayant adopté sa décision sur la base des règlements n° 17, n° 1017/68 et n° 4056/86, les trois comités consultatifs institués par chacun de ces règlements ont été consultés. Force est d'observer qu'il est inhérent à ce processus décisionnel que les États membres soulèvent, le cas échéant, des réserves ou objections quant aux décisions de la Commission. Par ailleurs, dans la mesure où lesdits comités consultatifs n'émettent que de simples avis, la Commission ne saurait commettre une violation du principe de bonne administration par le simple fait qu'elle s'en écarte.

473.
    En ce qui concerne, par ailleurs, l'avis exprimé par un chargeur, force est de constater que cet élément est, en tant que tel, sans pertinence pour apprécier si la Commission a manqué d'objectivité. Il ne saurait en effet être déduit de l'avis exprimé par un tiers que la Commission avait un préjugé à l'encontre des requérantes. En outre, il convient de relever que l'article de presse cité par les requérantes rapporte que, selon un autre chargeur, les parties au TACA sont parfaitement en mesure de payer l'amende qui leur a été infligée étant donné les bénéfices qu'elles ont réalisés au cours des cinq dernières années.

474.
    Enfin, en tout état de cause, il convient de souligner que le prétendu manque d'objectivité de la Commission ou de la DG Concurrence quant à l'appréciation du montant des amendes, à supposer même qu'il soit établi, ne constitue pas une violation des droits de la défense susceptible d'entraîner l'annulation de la décision attaquée mais procède de l'examen opéré dans le cadre du contrôle de l'appréciation du montant des amendes et sera dès lors traité dans le cadre de l'examen des moyens relatifs à cette question (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-37/91, cité au point 188 ci-dessus, point 72).

475.
    En conséquence, il convient de rejeter dans son intégralité le troisième grief relatif à l'appréciation des amendes.

D - Conclusion sur la troisième branche

476.
    Il résulte des considérations qui précèdent que la troisième branche du présent groupe de moyens doit être rejetée dans son intégralité.

Conclusion sur les moyens tirés d'une violation des droits de la défense

477.
    Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la première branche du présent groupe de moyens tirés d'une violation des droits de la défense, relative à la violation du droit d'être entendu, doit être accueillie dans la mesure où les requérantes font grief à la Commission d'avoir fondé le second abus constaté dans la décision attaquée sur quatre documents au sujet desquels elles n'ont pas eu l'occasion de faire valoir leurs observations. Les conséquences à tirer de cette violation quant à la légalité de la décision attaquée dépendent toutefois de l'examen quant au fond des appréciations opérées par la Commission au sujet du second abus, lesquelles font l'objet des moyens des requérantes tirés d'une violation de l'article 86 du traité.

478.
    Pour le surplus, la première branche du présent groupe de moyens doit être rejetée. Par ailleurs, la deuxième et la troisième branche du présent groupe de moyens tirés d'une violation des droits de la défense, relatives, respectivement, à la violation du droit d'accès au dossier et à la violation des principes de bonne administration, d'objectivité et d'impartialité, doivent être rejetées dans leur intégralité.

II - Sur les moyens tirés de l'absence d'infraction à l'article 85 du traité et à l'article 2 du règlement n° 1017/68 ainsi que de l'existence de différents défauts de motivation sur ce point

479.
    Les moyens développés par les requérantes dans ce cadre peuvent être regroupés, en substance, en trois branches distinctes. La première branche concerne les appréciations de la décision attaquée relatives à l'accord prévoyant la fixation des prix des services de transport terrestre. La deuxième branche concerne les appréciations de la décision attaquée relatives aux règles sur les contrats de services. Enfin, la troisième branche concerne les appréciations de la décision attaquée relatives aux règles sur la rémunération des transitaires.

Sur la première branche concernant les appréciations de la décision attaquée relatives à l'accord prévoyant la fixation des prix des services de transport terrestre

480.
    Par les moyens avancés dans le cadre de la présente branche, les requérantes font valoir, en premier lieu, que l'interdiction, aux termes de l'article 1er de la décision attaquée, de l'accord conclu par les parties au TACA prévoyant la fixation des prix des services d'acheminement terrestre fournis aux chargeurs sur le territoire de la Communauté en combinaison avec d'autres services dans le cadre d'opérations de transport multimodal de fret par conteneur entre l'Europe du Nord et les États-Unis d'Amérique est incompatible avec l'ordonnance du 10 mars 1995, Atlantic Container e.a./Commission, citée au point 29 ci-dessus. En second lieu, les requérantes soutiennent que, eu égard, en particulier, aux accords de coopération qu'elles ont conclus en vue d'améliorer la fourniture de transport terrestre aux chargeurs, à savoir l'accord EIEIA et le système «hub and spoke», l'accord en cause remplit les conditions de l'octroi d'une exemption individuelle prévues par l'article 85, paragraphe 3, du traité.

481.
    En réponse à une question du Tribunal sur ce point, les requérantes ont toutefois indiqué, à l'audience, que, eu égard, notamment, à l'arrêt FEFC (cité au point 196 ci-dessus) et à la décision 2003/68/CE de la Commission, du 14 novembre 2002, concernant une procédure d'application de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/37.396/D2 - TACA révisé) (JO 2003, L 26, p. 53), elles ne maintenaient pas les moyens avancés dans le cadre de la présente branche.

482.
    Partant, il n'y a plus lieu de statuer sur la première branche des présents moyens tirés de l'absence d'infraction à l'article 85 du traité et à l'article 2 du règlement n° 1017/68 ainsi que de l'existence de différents défauts de motivation sur ce point.

Sur la deuxième branche concernant les appréciations de la décision attaquée relatives aux règles sur les contrats de services

483.
    En substance, les moyens avancés par les requérantes dans le cadre de la deuxième branche sont de deux ordres. Par les premiers moyens, les requérantes font grief à la Commission de leur interdire, aux termes de l'article 3 de la décision attaquée, de conclure, en commun au sein de la conférence, des contrats de services de la conférence avec les chargeurs, selon les procédures de vote définies par l'accord TACA, ce que, selon les termes de la requête, elles appellent le «pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence» («conference service contract authority»). Par les seconds moyens, les requérantes font grief à la Commission d'interdire, aux termes de l'article 3 de la décision attaquée, certaines règles prévues par l'accord TACA en matière de contrats de services.

A - Sur le pouvoir des parties au TACA de conclure des contrats de services de la conférence

484.
    Les requérantes avancent, en substance, deux moyens en ce qui concerne le pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence. Par le premier moyen, elles soutiennent que la Commission a considéré à tort, dans la décision attaquée, que ledit pouvoir n'est pas susceptible de bénéficier de l'application de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86, alors que ce pouvoir relève des activités traditionnelles des conférences et qu'il est compatible avec la notion de taux de fret uniformes ou communs, au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86. Par le second moyen, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir statué, en application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, sur leur demande d'exemption individuelle en faveur du pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence.

1. Sur l'application de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86

a) Arguments des parties

485.
    En premier lieu, les requérantes soutiennent que, contrairement à ce qu'affirme la Commission au considérant 464 de la décision attaquée, le pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence constitue une activité traditionnelle des conférences, compatible avec la notion de taux de fret uniformes ou communs, qui bénéficie dès lors de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86. Étant donné que, selon les requérantes, le pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence constitue une activité couverte par l'exemption par catégorie, l'accord portant sur les conditions dans lesquelles les membres de la conférence exercent ladite autorité devrait bénéficier aussi de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86. Les requérantes précisent encore que, dans la décision TAA, la Commission n'a pas discuté de l'application de l'exemption par catégorie aux contrats de services commun.

486.
    Les requérantes relèvent que les accords contractuels entre chargeurs et conférences pour l'acheminement de marchandises pendant une période donnée à un tarif différent de celui de la conférence font partie des pratiques traditionnelles des conférences et que le terme «contrats de services» fut déjà utilisé par l'US Federal Maritime Board en 1961.

487.
    Les requérantes font aussi valoir qu'elles ont présenté les détails de ces contrats de conférence dans leur réponse à la communication des griefs (2e partie, p. 164 à 181) et décrivent dans leur requête les pratiques traditionnelles des conférences. Les requérantes estiment que ces éléments démontrent que l'argument de la Commission selon lequel les contrats de services n'ont été introduits qu'après l'entrée en vigueur de l'US Shipping Act et ne font pas partie des pratiques traditionnelles des conférences est dépourvu de fondement.

488.
    En second lieu, les requérantes allèguent que le pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence est, contrairement aux conclusions du considérant 462 de la décision attaquée, compatible avec l'existence de taux de fret uniformes ou communs, au sens du règlement n° 4056/86.

489.
    Selon les requérantes, il ressort du règlement n° 4056/86 soit que la définition de la notion de taux de fret uniformes ou communs est suffisamment large pour inclure les accords de fidélité, les TVR et les actions indépendantes, soit que ledit règlement permet aux membres de la conférence de conclure avec les chargeurs plusieurs accords de prix additionnels, comme les accords de fidélité, les TVR et les actions indépendantes.

490.
    Les requérantes soutiennent que la Commission n'interprète pas de manière cohérente la notion de taux de fret uniformes ou communs. De l'avis des requérantes, la Commission adopte une définition étroite de l'expression «uniformes ou communs» pour en exclure le pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence et présente des arguments artificiels afin de distinguer les contrats de services des accords de fidélité, des taux dégressifs en fonction de la durée et du volume et des actions indépendantes.

491.
    Par ailleurs, les requérantes allèguent que la décision attaquée n'explique pas si les services fournis dans le cadre de contrats de fidélité, de TVR, d'actions indépendantes et de contrats de services individuels constituent «des services sensiblement différents de ceux qui sont normalement fournis aux chargeurs payant les taux du tarif de la conférence» au sens du considérant 450 de la décision attaquée.

492.
    À cet égard, les requérantes font d'abord valoir que la Commission accepte que les membres de la conférence s'écartent des prix de la conférence dans certaines circonstances, mais ne concilie pas cette position avec sa définition de la notion de taux de fret uniformes ou communs. En particulier, elle n'expliquerait pas si les services fournis dans le cadre d'accords de fidélité, de TVR et d'actions indépendantes constituent des services qui sont «sensiblement différents de ceux qui sont normalement fournis aux chargeurs payant les taux du tarif de la conférence».

493.
    Les requérantes font ensuite valoir qu'il n'apparaît pas clairement dans la décision attaquée si les services fournis dans les contrats de services individuels - qui, selon la Commission, doivent être autorisés par les conférences - sont (ou devraient être) «sensiblement différents de ceux qui sont normalement fournis aux chargeurs payant les taux du tarif de la conférence». S'ils le sont, la décision attaquée n'expliquerait pas pourquoi les services fournis dans le cadre de contrats de services de la conférence ne le sont pas. Si, en revanche, les services fournis dans le cadre de contrats de services individuels ne sont pas du type de ceux envisagés au considérant 450 de la décision attaquée, ladite décision n'expliquerait pas dans quelle mesure les contrats de services individuels seraient compatibles avec la notion de taux de fret uniformes ou communs telle qu'interprétée par la Commission.

494.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, expose son incapacité à comprendre précisément ce que les requérantes entendent par l'expression «Conference service contract authority». Selon la Commission, si les requérantes entendent par cette expression que les membres de la conférence peuvent collectivement conclure des contrats de services avec les chargeurs, elle souligne que la décision attaquée ne considère pas que cette possibilité est en soi une restriction de concurrence. En conséquence, le problème soulevé par les requérantes ne se poserait pas.

b) Appréciation du Tribunal

495.
    En substance, les requérantes soutiennent que la décision attaquée constate à tort que le pouvoir des parties au TACA de conclure, en commun au sein de la conférence, des contrats de services de la conférence, selon les procédures de vote définies par l'accord TACA, ne bénéficie pas de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86.

496.
    Avant d'examiner cette question, il convient toutefois de vérifier si la décision attaquée a constaté que ledit pouvoir constitue en soi une restriction de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

497.
    À cet égard, il doit être relevé que, au considérant 449 de la décision attaquée, la Commission indique que l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 «n'autorise pas [...] les contrats de services communs». Or, la Commission a reconnu, dans son mémoire en défense, que l'expression «contrats de services communs» utilisée dans la décision attaquée recouvrait à la fois les contrats de services de la conférence et les contrats de services individuels conclus en commun par plusieurs transporteurs.

498.
    Force est d'admettre avec les requérantes qu'il pourrait être déduit de ce considérant de la décision attaquée que la Commission considère que le fait même, pour une conférence maritime, de conclure des contrats de services de la conférence constitue en soi une restriction de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité qui ne relève pas de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 et qui, dès lors, en l'absence d'une exemption individuelle octroyée en application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, est interdite par le premier paragraphe de cette disposition. Cela est d'autant plus vrai que la conclusion de contrats de services de la conférence implique, par essence, la conclusion d'un accord horizontal de fixation des prix. Or, de tels accords, outre qu'ils sont explicitement interdits par l'article 85, paragraphe 1, sous a), du traité, constituent des infractions patentes au droit communautaire de la concurrence (arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Montedipe/Commission, T-14/89, Rec. p. II-1155, point 265, et du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T-148/89, Rec. p. II-1063, point 109), y compris dans le domaine des transports maritimes relevant du champ d'application du règlement n° 4056/86 (arrêt CMA CGM e.a./Commission, cité au point 427 ci-dessus, points 100 et 210).

499.
    Toutefois, la portée exacte de la décision attaquée sur ce point doit être déterminée en fonction de son dispositif ainsi que des motifs qui en constituent le soutien nécessaire (arrêt du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission, T-138/89, Rec. p. II-2181, point 31).

500.
    À cet égard, il convient de relever que, aux termes de l'article 3 du dispositif de la décision attaquée, la Commission constate que les parties au TACA ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité «en s'entendant sur les conditions auxquelles elles peuvent passer des contrats de services avec les chargeurs». De la même manière, il convient d'observer que, dans les motifs de la décision attaquée, la Commission indique, en termes équivalents, aux considérants 379, sous c), et 607, sous b), que c'est l'accord «portant sur les conditions auxquelles elles peuvent passer des contrats de services avec les chargeurs» qui a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

501.
    Or, en premier lieu, il ressort des considérants 477 à 501 de la décision attaquée, relatifs à l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité aux règles du TACA en matière de contrats de services, que les seules «conditions» examinées par la Commission sont, d'une part, l'interdiction, en 1994 et en 1995, de conclure des contrats de services individuels et, d'autre part, les restrictions frappant l'existence et le contenu des contrats de services, à savoir, aux termes des considérants 489 à 501 de la décision attaquée, l'interdiction des clauses conditionnelles, l'interdiction des contrats d'une durée supérieure à un an (laquelle a été portée ensuite à deux puis à trois ans), l'interdiction des contrats multiples, les indemnités forfaitaires, la confidentialité des contrats de services et l'interdiction des actions indépendantes sur les contrats de services. Au terme de son analyse, la Commission conclut, au considérant 502 de la décision attaquée, que ces conditions ne peuvent pas bénéficier de l'octroi d'une exemption individuelle en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité. De même, il doit être noté que, aux termes du considérant 149 de la décision attaquée, la Commission énumère, au titre de restrictions imposées par les parties au TACA en ce qui concerne le contenu des contrats de services et les circonstances dans lesquelles ils peuvent être conclus, les «limitations quant à la durée, l'interdiction des clauses conditionnelles et des contrats multiples, des impératifs de non-confidentialité et un accord quant au niveau des indemnités forfaitaires en cas d'inexécution du contrat».

502.
    Force est, en revanche, de constater que le fait même que les contrats de services de la conférence sont conclus en commun au sein de la conférence selon les procédures de vote définies par celle-ci ne figure pas parmi les conditions identifiées aux considérants 477 à 501 de la décision attaquée, et ce alors même que les dispositions pertinentes de l'accord TACA prévoyant lesdites procédures en vue de la conclusion des contrats de services de la conférence ont été notifiées, au même titre que la plupart des conditions identifiées aux considérants 477 à 501 de la décision attaquée, en vue de l'octroi d'une exemption individuelle en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

503.
    En second lieu, il doit, par ailleurs, être relevé que, au considérant 445 de la décision attaquée, la Commission précise explicitement, dans le cadre de l'examen de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité aux contrats de services, que les «contrats de services communs» relevant de l'interdiction édictée par cette disposition sont ceux «du type conclu par les membres du TACA». Or, aux termes des considérants qui précèdent, après avoir rappelé, au considérant 442, que, en 1994 et en 1995, les parties au TACA ont interdit la conclusion de contrats de services individuels, la Commission indique, au considérant 443, que les «contrats de services communs auxquels deux transporteurs ou plus sont parties peuvent restreindre la concurrence, notamment, s'il existe, entre ces transporteurs, un accord exprès ou implicite par lequel ceux-ci s'engagent à ne pas conclure de contrats de services à titre individuel avec le chargeur concerné».

504.
    Dans un tel cas, la Commission estime, ainsi qu'elle l'expose au considérant 445, que les «contrats de services communs [...] ont pour objet ou pour effet de réduire la concurrence sur les prix et sur d'autres conditions entre concurrents fournissant le même service et non d'offrir un nouveau service au chargeur». À cet égard, elle relève, en particulier, au considérant 446, que «[l]orsque le service à fournir pourrait aussi bien l'être par une compagnie à titre individuel, en l'absence des contrats de services communs, les transporteurs pourraient offrir des avantages supplémentaires tels qu'une franchise plus longue, un crédit plus important et une documentation gratuite ou des rabais sur les services fournis sur d'autres trafics». La Commission constate toutefois, aux termes du considérant 445, que «[l]es membres du TACA n'ont pas prouvé que les contrats de services communs conféraient aux chargeurs des avantages supplémentaires par rapport aux services que les compagnies pourraient leur offrir à titre individuel». Bien au contraire, aux considérants 127 et 128, ainsi qu'aux considérants 145 à 148, dans la partie factuelle de la décision attaquée consacrée à la description des contrats de services de la conférence conclus par les parties au TACA, la Commission souligne longuement les effets de l'interdiction de conclure des contrats de services individuels imposée par le TACA en 1994 et en 1995 et en particulier le fait que les contrats de services de la conférence conclus par le TACA offraient peu de services individualisés, contrairement à la situation prévalant avant l'entrée en vigueur du TAA/TACA lorsque la conclusion de contrats de services individuels était possible.

505.
    Il ressort ainsi d'une lecture combinée des considérants 442 à 446 de la décision attaquée que la Commission a considéré que le fait même, pour les parties au TACA, de conclure, en commun au sein de la conférence, des contrats de services de la conférence, selon les procédures de vote définies par le TACA, ne restreignait la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité que dans la seule mesure où il était, par ailleurs, interdit aux mêmes parties au TACA de conclure des contrats de services individuels, avec pour conséquence que ces dernières pouvaient uniquement conclure des contrats de services de la conférence à l'exclusion de tout contrat de services individuel.

506.
    En conséquence, eu égard aux termes de l'article 3 du dispositif de la décision attaquée, tels qu'interprétés à la lumière des motifs exposés aux considérants 442 à 502, il convient de constater que, lorsque la décision attaquée indique, au considérant 449, que les «contrats de services communs» ne relèvent pas de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 et, partant, qu'ils sont, en l'absence d'exemption individuelle octroyée en application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, interdits par le premier paragraphe de cette disposition, elle vise uniquement l'interdiction, imposée aux parties au TACA, de conclure des contrats de services individuels.

507.
    Il résulte ainsi de ce qui précède que la Commission ne considère pas, dans la décision attaquée, que le pouvoir des parties au TACA de conclure, en commun au sein de la conférence, des contrats de services de la conférence, selon les procédures de vote définies par l'accord TACA, constitue, en tant que tel, une restriction de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité et que, partant, elle n'interdit pas ledit pouvoir. Force est d'ailleurs de constater que la Commission a explicitement confirmé, tant dans son mémoire en défense que dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal et à l'audience que la décision attaquée n'interdit pas aux parties au TACA de conclure de tels contrats de services de la conférence. Il convient aussi d'observer qu'il ressort de la décision 2003/68, sur le TACA révisé, notamment son considérant 66, que les parties au TACA ont continué d'offrir des contrats de services de la conférence après l'adoption de la décision attaquée.

508.
    Partant, il convient de constater que le présent moyen est dépourvu d'objet.

2. Sur l'octroi d'une exemption individuelle en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité

a) Arguments des parties

509.
    Les requérantes allèguent que, dans leur demande d'exemption du 5 juillet 1994, elles ont demandé une exemption individuelle en faveur du pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence («Conference service contract authority»). Elles ajoutent que, bien que le pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence soit jugé contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité et qu'il ne soit pas couvert par l'exemption par catégorie visée à l'article 3 du règlement n° 4056/86, la Commission n'a pas envisagé l'octroi éventuel d'une exemption individuelle et l'article 3 de la décision attaquée ne fait pas référence à leur demande d'exemption.

510.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, réitère qu'elle ne comprend pas la notion de «Conference contract service authority» utilisée par les requérantes et soutient que, en tout état de cause, le moyen n'est pas fondé.

b) Appréciation du Tribunal

511.
    En réponse à une question écrite du Tribunal sur ce point, les requérantes ont indiqué que, eu égard notamment à la décision 2003/68, elles ne maintenaient pas le présent moyen. Partant, il n'y a plus lieu de statuer sur celui-ci.

B - Sur les règles prévues par l'accord TACA en matière de contrats de services

512.
    Par les présents moyens, les requérantes contestent les appréciations de la Commission dans la décision attaquée relatives, premièrement, aux règles concernant le contenu des contrats de services de la conférence, deuxièmement, aux règles concernant l'existence et le contenu des contrats de services individuels et, troisièmement, à l'interdiction des actions indépendantes sur les contrats de services.

1. Sur les règles concernant le contenu des contrats de services de la conférence

a) Arguments des parties

513.
    Les requérantes allèguent d'abord que, le pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence étant couvert par l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86, les parties au TACA sont dès lors nécessairement habilitées à fixer les règles régissant les conditions auxquelles elles peuvent, en tant que conférence, conclure des contrats de services de la conférence. La fixation de ces conditions par le TACA serait dès lors également couverte par l'exemption par catégorie.

514.
    Les requérantes relèvent que la Commission ne traite pas cette question dans la décision attaquée. Par conséquent, elles demandent l'annulation de la décision attaquée en ce que la constatation que l'exemption par catégorie ne s'applique pas aux règles des contrats de services de la conférence se fonde sur la conclusion erronée selon laquelle l'exemption de groupe ne s'applique pas au pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence.

515.
    Ensuite, les requérantes relèvent que la Commission n'examine pas si le pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence remplit les conditions requises pour l'octroi d'une exemption individuelle. Selon elles, la Commission ne saurait refuser l'octroi d'une exemption individuelle aux règles du TACA relatives au contenu des contrats de services de la conférence sans d'abord procéder à cet examen.

516.
    Par conséquent, les requérantes sollicitent l'annulation de la décision attaquée pour défaut de motivation en ce qu'elle refuse l'octroi d'une exemption individuelle aux règles du TACA sur les contrats de services.

517.
    Pour ce qui est de l'affirmation d'ECTU selon laquelle «il est difficile de concevoir, en toute hypothèse, des circonstances dans lesquelles une exemption individuelle pourrait être accordée aux contrats de services communs», les requérantes font valoir que cette affirmation ne reflète pas la position de la Commission dans son mémoire en défense, selon laquelle elle serait disposée à permettre aux membres de conférences maritimes de conclure des contrats de services communs.

518.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, fait valoir qu'elle ne comprend pas ce que les requérantes entendent par «Conference service contract authority» et par «règles régissant les contrats de services de la conférence». Elle conclut au rejet du présent moyen.

b) Appréciation du Tribunal

519.
    Par les présents moyens, les requérantes font valoir, en substance, ainsi qu'elles l'ont indiqué en réponse à une question écrite du Tribunal concernant la portée de leurs moyens relatifs à la violation de l'article 85 du traité, que le pouvoir des parties au TACA de conclure en commun, au sein de la conférence, des contrats de services de la conférence, selon les procédures de vote définies par l'accord TACA, leur confère nécessairement le pouvoir de déterminer le contenu desdits contrats. Or, elles estiment que la décision attaquée ne leur reconnaît pas ce dernier pouvoir.

520.
    Il y a lieu de rappeler qu'il a déjà été constaté ci-dessus que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la décision attaquée n'interdit pas aux parties au TACA, en application de l'article 85 du traité, de conclure des contrats de services de la conférence. Il convient néanmoins encore de vérifier si, comme le font valoir les requérantes, la décision attaquée leur interdit, en application de la même disposition, de déterminer librement, dans le cadre de la conférence, le contenu desdits contrats.

521.
    À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 3 du dispositif de la décision attaquée, la Commission constate que les parties au TACA ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité «en s'entendant sur les conditions auxquelles elles peuvent passer des contrats de services avec les chargeurs». Or, ainsi qu'il a été constaté ci-dessus, il ressort des considérants 477 à 501 de la décision attaquée relatifs à l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité aux règles du TACA en matière de contrats de services que lesdites «conditions» visent, outre l'interdiction, en 1994 et en 1995, de conclure des contrats de services individuels, certaines restrictions frappant l'existence et le contenu des contrats de services, à savoir, aux termes des considérants 489 à 501 de la décision attaquée, l'interdiction des clauses conditionnelles, l'interdiction des contrats d'une durée supérieure à un an (laquelle a été portée ensuite à deux puis à trois ans), l'interdiction des contrats multiples, les indemnités forfaitaires, la confidentialité des contrats de services et l'interdiction des actions indépendantes sur les contrats de services.

522.
    Force est de constater que, s'agissant de ces dernières restrictions, les considérants 472 à 502 de la décision attaquée ne distinguent pas selon que ces restrictions concernent les contrats de services individuels ou les contrats de services de la conférence. Bien au contraire, au considérant 442 de la décision attaquée, la Commission souligne explicitement, au stade de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, que les conditions prévues par les règles en vigueur au sein du TACA ont continué de s'appliquer, en dépit des modifications apportées auxdites règles, à «tous les contrats de services conclus par les parties à l'accord (qu'ils soient communs ou individuels)». Par ailleurs, il convient de relever que l'une des restrictions identifiées aux considérants 487 à 501, à savoir l'interdiction des actions indépendantes, est uniquement susceptible de viser, ainsi que cela ressort des considérants 131 à 139 et du considérant 449, les contrats de services de la conférence et non les contrats de services individuels. De plus, lorsque la Commission constate, au considérant 493, que l'interdiction des contrats multiples a pour effet qu'une partie à un contrat de services communs ne peut conclure de contrat de services individuel, elle envisage explicitement une restriction frappant les contrats de services de la conférence. Enfin, il doit être noté que les considérants 472 à 502 relèvent de la section de la décision attaquée consacrée à l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité aux contrats de services «communs» («XX. Contrats de services communs - application de l'article 85, paragraphe 3»).

523.
    Eu égard à ces considérants, et tenant compte du fait que l'expression «contrats de services communs» utilisée dans la décision attaquée est susceptible de viser, ainsi que la Commission l'a indiqué dans son mémoire en défense, les contrats de services de la conférence, il doit être admis avec les requérantes qu'il pourrait être déduit de la décision attaquée que celle-ci interdit au TACA de déterminer librement le contenu des contrats de services de la conférence.

524.
    Toutefois, la décision attaquée doit être lue dans son ensemble. Or, à cet égard, il doit être constaté que, s'agissant de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité aux contrats de services, la Commission - après avoir exposé, au considérant 445, que cette disposition s'applique aux «contrats de services communs du type conclu par les membres du TACA», expression qui vise de ce fait, ainsi qu'il a été jugé au point 506 ci-dessus, l'interdiction des contrats de services individuels - indique, au considérant 447, que l'article 85, paragraphe 1, du traité s'applique, en outre, à «l'accord entre les parties au TACA visant à restreindre les conditions auxquelles les contrats de services individuels peuvent être conclus». De même, s'agissant de l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, la Commission, après avoir constaté que l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86 ne s'applique pas aux «contrats de services communs du type conclu par les membres du TACA», précise, au considérant 464 de la décision attaquée, qu'il en résulte que ladite exemption par catégorie ne s'applique pas aux «restrictions apportées à l'existence ou au contenu des contrats de services individuels».

525.
    Il en ressort que, aux termes de la décision attaquée, les restrictions frappant le contenu des contrats de services identifiées aux considérants 487 à 501 ne relèvent de l'article 85, paragraphe 1, du traité - et, en l'absence d'application de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86, ne requièrent l'octroi d'une exemption individuelle en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité - que dans la seule mesure où elles affectent les conditions auxquelles les contrats de services individuels peuvent être conclus, soit en déterminant le contenu desdits contrats, soit en déterminant les conditions de leur existence.

526.
    Ainsi, s'agissant du contenu des contrats de services individuels, il ressort des considérants 487 à 501 que la décision attaquée interdit aux parties au TACA d'imposer dans ces contrats des clauses prévoyant l'interdiction des clauses conditionnelles, l'interdiction des contrats d'une durée supérieure à un an (laquelle a été portée ensuite à deux puis à trois ans) et le montant des indemnités forfaitaires. De même, s'agissant des conditions de l'existence des contrats de services individuels, il ressort des mêmes considérants que la décision attaquée interdit aux parties au TACA, en application des règles prévues par l'accord TACA en matière de contrats de services, d'exiger la divulgation des conditions des contrats de services individuels et, eu égard à l'interdiction des contrats multiples et à l'interdiction des actions indépendantes, d'empêcher les parties à un contrat de services de la conférence de conclure des contrats de services individuels et d'exercer une action indépendante sur les contrats de services de la conférence.

527.
    En revanche, pour autant que les termes des contrats de services de la conférence conclus par les parties au TACA n'affectent pas le contenu ou l'existence des contrats de services individuels, la décision attaquée n'interdit pas auxdites parties, sans préjudice de l'application de l'article 86 du traité, d'en déterminer librement le contenu dans le cadre de la conférence, notamment quant à leur durée ou quant au montant des indemnités forfaitaires. À cet égard, il est certes exact que certaines des restrictions identifiées aux considérants 487 à 501 de la décision attaquée s'imposent aux parties au TACA ayant conclu des contrats de services de la conférence. Toutefois, ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, ces restrictions ne déterminent pas le contenu de tels contrats, mais, tout au plus, déterminent indirectement les conditions de l'existence des contrats de services individuels ou de l'exercice d'actions indépendantes.

528.
    En conséquence, ainsi que la Commission l'a indiqué, tant dans ses écrits qu'en réponse aux questions écrites du Tribunal et à l'audience en réponse à des questions spécifiques sur ce point, il convient de constater que, pas plus que la décision attaquée n'interdit aux parties au TACA, en application de l'article 85 du traité, de conclure des contrats de services de la conférence, elle ne leur interdit, en application de cette même disposition, de déterminer librement le contenu desdits contrats, la Commission considérant, dans la décision attaquée, que le pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence implique nécessairement, sous réserve de l'application de l'article 86 du traité, le pouvoir d'en déterminer librement le contenu.

529.
    Dès lors, il convient de constater que les présents moyens sont dépourvus d'objet.

2. Sur les règles concernant l'existence et le contenu des contrats de services individuels

a) Arguments des parties

530.
    Les requérantes soutiennent que la position de la Commission, au considérant 464 de la décision attaquée, selon laquelle, «les contrats de services communs du type conclu par les membres du TACA» ne bénéficiant pas de l'exemption par catégorie, un accord restreignant les contrats de services individuels ne peut également bénéficier de l'exemption par catégorie, n'est pas motivée et est illogique. La Commission n'expliquerait pas en effet les raisons pour lesquelles l'exemption prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 ne s'applique pas aux restrictions quant à l'accès aux contrats de services individuels et à leur contenu.

531.
    Les requérantes font observer que la seule raison apparente justifiant la conclusion de la Commission est que, eu égard au fait que l'article 3 du règlement n° 4056/86 ne s'applique pas au pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence, il ne saurait davantage s'appliquer à un accord imposant des restrictions au contenu des contrats de services individuels. Selon les requérantes, toutefois, même si l'exemption par catégorie ne s'applique pas au pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence, les membres de la conférence sont en droit de convenir de ne pas conclure des contrats individuels et de convenir de restrictions concernant le contenu de ces contrats.

532.
    Par ailleurs, selon les requérantes, dès lors que les membres d'une conférence sont en droit d'interdire les contrats de services individuels, il s'ensuit que tout assouplissement de cette interdiction ne constitue pas une restriction inacceptable à la concurrence. En conséquence, elles estiment que la constatation selon laquelle l'exemption par catégorie ne s'applique pas aux règles relatives à l'existence et au contenu des contrats de services individuels se fonde sur la constatation erronée selon laquelle l'interdiction de tels contrats ne relève pas de l'exemption par catégorie.

533.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, estime que ces moyens ne sont pas fondés.

b) Appréciation du Tribunal

534.
    Par les présents moyens, les requérantes contestent les appréciations de la Commission relatives à l'application de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 aux règles du TACA concernant l'existence et le contenu des contrats de services individuels.

535.
    En premier lieu, les requérantes font valoir que la décision attaquée contient, au considérant 464, une motivation illogique en ce qui concerne la non-application de l'exemption par catégorie à l'interdiction des contrats de services individuels et aux restrictions quant à l'existence et au contenu de tels contrats.

536.
    Il convient de relever que, au considérant 464 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, «les contrats de services communs du type conclu par les membres du TACA ne [faisant] pas partie des pratiques traditionnelles des conférences qui ont bénéficié d'une exemption par catégorie, puisqu'ils n'ont été introduits qu'après l'entrée en vigueur de l'US Shipping Act, [i]l en résulte aussi que les restrictions apportées à l'existence ou au contenu des contrats de services individuels ne bénéficient pas de l'exemption par catégorie et que les parties doivent prouver que ces dispositions remplissent les conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, du traité [...] pour pouvoir bénéficier d'une exemption individuelle».

537.
    Force est d'admettre que, comme le font valoir les requérantes, le raisonnement de la Commission sur ce point ne revêt aucune logique. En effet, la circonstance selon laquelle les contrats de services communs conclus par le TACA ne constituent pas une pratique traditionnelle du TACA ne saurait logiquement justifier que les restrictions quant à l'existence des contrats individuels, en ce compris leur interdiction pure et simple en 1994 et en 1995, ainsi que les restrictions à leur contenu, ne relèvent pas de l'exemption par catégorie.

538.
    Bien que la motivation retenue par la décision attaquée sur ce point soit dès lors erronée, il convient toutefois de constater que, pour les motifs exposés aux points 1381 à 1385, dans le cadre de l'examen des moyens tirés du non-respect de la procédure prévue par le règlement n° 4056/86, c'est à bon droit que la Commission a estimé, au considérant 464 de la décision attaquée, que l'interdiction des contrats de services individuels en 1994 et en 1995 et les restrictions quant à l'existence et au contenu des contrats de services individuels appliquées à partir de 1996 ne relèvent pas de l'exemption par catégorie.

539.
    Partant, le présent moyen doit être rejeté.

540.
    En second lieu, les requérantes soutiennent que, puisque l'interdiction des contrats de services individuels bénéficie de l'exemption par catégorie, il s'ensuit que tout assouplissement apporté à cette interdiction bénéficie également de ladite exemption.

541.
    À cet égard, il suffit de constater que, pour les motifs exposés aux points 1381 à 1385 ci-après, dans le cadre de l'examen des moyens tirés du non-respect de la procédure prévue par le règlement n° 4056/86, l'interdiction des contrats de services individuels ne bénéficie pas de l'exemption par catégorie.

542.
    En conséquence, la prémisse sur laquelle se fonde le présent moyen étant erronée, il doit être rejeté pour ce seul motif.

3. Sur l'interdiction des actions indépendantes sur les contrats de services

a) Arguments des parties

543.
    Les requérantes soutiennent que la décision attaquée ne contient aucune motivation au sujet de l'allégation de la Commission selon laquelle l'interdiction des actions indépendantes sur les contrats de services de la conférence ne peut bénéficier de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86 ou d'une exemption individuelle.

544.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, soutient que ce moyen n'est pas fondé.

b) Appréciation du Tribunal

545.
    Ainsi que le font observer les requérantes, la décision attaquée se borne, au considérant 449, à exposer que l'interdiction des actions indépendantes sur les contrats de services de la conférence ne bénéficie pas de l'application de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86, sans fournir aucune explication spécifique à cet égard.

546.
    Toutefois, il convient de rappeler que, aux considérants 451 à 471 de la décision attaquée, la Commission a exposé en détail les raisons pour lesquelles les contrats de services de la conférence ne relevaient pas de ladite exemption. Or, dès lors que la Commission a constaté que les contrats de services de la conférence ne relevaient pas de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 au motif que les taux prévus par ces contrats varient selon les chargeurs et, partant, n'instituent pas des taux de fret uniformes ou communs, il s'ensuit que la restriction accessoire ayant pour objet d'assurer le respect des taux prévus par les contrats de services de la conférence en interdisant de pratiquer des actions indépendantes sur ceux-ci ne saurait, pour le même motif, bénéficier de l'application de cette exemption par catégorie.

547.
    Quant à l'octroi d'une exemption individuelle en application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, il suffit de constater que, au considérant 500, la décision attaquée indique, d'une part, que les requérantes n'ont pas expliqué en quoi l'interdiction en cause remplissait les conditions d'octroi d'une exemption individuelle et, d'autre part, que les actions indépendantes étaient autorisées dans le passé. Par ailleurs, au considérant 501, la décision attaquée indique que l'interdiction des actions indépendantes sur les contrats de services n'apparaît pas indispensable, étant donné l'existence d'actions indépendantes sur le tarif lui-même et l'absence d'avantage procuré par cette interdiction aux consommateurs.

548.
    Il en résulte que la décision attaquée fournit aux requérantes des indications suffisantes pour savoir si la décision attaquée est bien fondée quant à l'application du règlement n° 4056/86 et de l'article 85, paragraphe 3, du traité à l'interdiction des actions indépendantes sur les contrats de services ou, au contraire, si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité (arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 51).

549.
    Partant, la décision attaquée est motivée à suffisance de droit sur ces points et le présent moyen tiré d'un défaut de motivation doit, en conséquence, être rejeté.

Sur la troisième branche concernant les appréciations de la décision attaquée relatives aux règles sur la rémunération des transitaires

A - Arguments des parties

550.
    En premier lieu, les requérantes allèguent que la décision attaquée ne tient pas compte de l'importance juridique de la genèse des accords entre les membres de la conférence sur les niveaux maximaux de rémunération des transitaires et de la manière dont le droit américain traite ces accords et que, pour cette raison et l'absence de motivation adéquate qui en est le corollaire, les articles 2 et 4 de la décision attaquée devraient être annulés.

551.
    À cet égard, les requérantes soutiennent que la Commission adopte une interprétation étroite de l'expression «fixation des prix et des conditions du transport» contenue à l'article 3 du règlement n° 4056/86 et qu'elle suit une approche différente de celle qu'elle a suivi ailleurs, notamment en ce qui concerne les contrats de services. Les accords fixant les plafonds de rémunération des transitaires constitueraient une pratique datant du début du XXe siècle existant non seulement aux États-Unis d'Amérique, mais aussi dans d'autres pays. Les requérantes font valoir que, aux États-Unis d'Amérique, les parties aux conférences peuvent s'entendre sur les montants, les niveaux ou les conditions de rémunération des transitaires.

552.
    En deuxième lieu, les requérantes affirment qu'il existe un «lien direct et nécessaire» entre les taux de fret et les montants versés aux transitaires, de sorte que l'accord sur les rémunérations maximales des transitaires doit être considéré comme le corollaire nécessaire et accessoire de l'accord sur les taux de fret qui bénéficie de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86.

553.
    En troisième lieu, la requérante dans l'affaire T-213/98 soutient que la Commission n'a pas compris le statut du transitaire et sa relation contractuelle avec le transporteur et son client (le chargeur). Le transitaire ne fournirait normalement aucun service à la compagnie maritime; il n'y aurait aucun contrat entre le transitaire et la compagnie maritime pour la fourniture de tels services et la rémunération du transitaire ne constituerait pas le paiement de tels services. Par conséquent, l'appréciation de l'accord en cause par la Commission au regard de l'article 85, paragraphe 1, et de l'article 85, paragraphe 3, du traité serait viciée.

554.
    La requérante estime que la description faite dans la décision attaquée de la manière dont les transitaires opèrent sur le marché est imprécise sur un point particulier. En Europe continentale, la règle générale serait en effet que le transitaire, bien qu'intervenant comme agent vis-à-vis de son client (le chargeur), agisse en tant que commettant vis-à-vis du transporteur. La rémunération du transitaire serait dès lors, en réalité, une réduction du taux de fret, sous la forme d'une ristourne sur le montant dû par le transitaire au transporteur au titre du contrat de transport. L'accord TACA consistant à fixer des plafonds pour la rémunération des transitaires en Europe continentale serait donc un accord ayant comme objectif la fixation des prix et des conditions du transport au sens de l'article 3 du règlement n° 4056/86.

555.
    La requérante relève que l'appréciation de la Commission est quant à elle basée sur l'idée que la rémunération des transitaires est payée par les membres du TACA en tant que prix de certains services fournis par les transitaires aux compagnies maritimes. Cette idée serait inexacte.

556.
    Au Royaume-Uni et en Irlande, le statut précis du transitaire varierait selon le cas. Il pourrait agir comme agent, auquel cas le contrat de transport serait conclu entre la compagnie maritime et le chargeur. Dans certaines circonstances, il pourrait s'engager vis-à-vis de la compagnie maritime.

557.
    En tout état de cause, la requérante estime que les mêmes erreurs d'analyse s'appliquent, mutatis mutandis, à l'appréciation de la Commission en ce qu'elle concerne la situation au Royaume-Uni et en Irlande. En particulier, le fait que dans ces pays aucun montant n'est payé aux transitaires confirmerait que ces derniers ne fournissent aucun service distinct aux compagnies maritimes et que les seuls services qu'ils procurent sont fournis à leurs clients (les chargeurs), qui sont les seuls à leur verser une rémunération. Il s'ensuivrait que, au Royaume-Uni et en Irlande, la règle interdisant le paiement d'une commission aux transitaires ne serait rien d'autre qu'une interdiction d'accorder des ristournes sur le taux de fret.

558.
    Enfin, en quatrième lieu, la requérante dans l'affaire T-213/98 ajoute que la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée en ce que:

-    les seuls services intermédiaires fournis par les transitaires dans la situation en cause sont ceux qu'ils fournissent à leurs clients (les chargeurs), dont ils sont les agents;

-    la décision attaquée ne contient aucune description des services que les transitaires sont censés fournir aux compagnies maritimes et n'explique pas comment ces services se différencient de ceux fournis aux chargeurs;

-    la décision attaquée n'identifie pas les relations contractuelles ou autres entre les compagnies maritimes et les transitaires en vertu desquelles de tels services sont censés être fournis aux compagnies maritimes, étant observé que, en réalité, il n'y a pas de contrat séparé pour de tels services et la seule relation contractuelle entre le transitaire et la compagnie maritime est celle par laquelle, en Europe continentale, le transitaire agit en tant que commettant dans le cadre d'un contrat de transport avec la compagnie maritime concernée.

559.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, estime qu'aucun de ces moyens n'est fondé.

B - Appréciation du Tribunal

560.
    Par les présents moyens, les requérantes, qui ne contestent pas le caractère restrictif de concurrence de l'accord en cause au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, font valoir, en substance, que la décision attaquée est viciée sur plusieurs points en ce qu'elle constate, aux considérants 509 à 511, que l'accord en cause ne relève pas de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86.

561.
    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 vise les accords portant fixation des prix et des conditions de transport prévus dans le cadre des conférences maritimes, lesquelles doivent, aux termes de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), dudit règlement, appliquer «des taux de fret uniformes ou communs [...] pour la fourniture des services réguliers».

562.
    Il en ressort que, pour bénéficier de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86, les accords de fixation de prix conclus par les membres d'une conférence maritime doivent instituer un taux de fret uniforme ou commun (arrêt TAA, points 138 à 143).

563.
    En l'espèce, ainsi que cela ressort du considérant 164 de la décision attaquée, l'accord en cause consiste dans le fait que, aux termes de l'article 5, paragraphe 1, sous c), de l'accord TACA, les parties au TACA s'accordent sur les montants, les niveaux ou les taux des commissions de courtage et de rétribution des transitaires, y compris les modalités de paiement de ces sommes et la désignation des personnes pouvant servir de courtiers.

564.
    Force est de constater qu'un tel accord n'institue pas un taux de fret au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86, mais qu'il se borne à fixer le niveau des commissions payées par les membres de la conférence maritime aux transitaires en rémunération des services d'intermédiaires de transport qu'ils fournissent en tant qu'agents des chargeurs. De tels services, qui consistent, ainsi que cela ressort du considérant 163 de la décision attaquée, à organiser le transport des marchandises et à négocier les conditions auxquelles le transport sera effectué ainsi qu'à accomplir des formalités administratives, tels l'établissement de documents et le dédouanement, ne sauraient être assimilés aux services de transport maritime proprement dits faisant l'objet des taux de fret relevant de l'exemption par catégorie. Ainsi, il doit être observé que, contrairement au taux de fret, qui est payé par les chargeurs aux compagnies maritimes, les commissions faisant l'objet de l'accord en cause sont payées par les compagnies maritimes aux agents des chargeurs.

565.
    Dans ces circonstances, c'est à bon droit que la Commission a exclu l'application de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 à l'accord en cause.

566.
    Aucun des moyens avancés par les requérantes n'est de nature à remettre en cause cette conclusion.

567.
    S'agissant, d'abord, du moyen selon lequel il existerait un lien direct et nécessaire entre les taux de fret et les montants versés aux transitaires, il suffit de constater que les requérantes, si elles invoquent l'existence d'un tel lien, n'expliquent pas en quoi il consiste. À cet égard, il convient d'ailleurs d'observer que, comme le relève à juste titre la Commission au considérant 517 de la décision attaquée, la circonstance soulignée par la requérante dans l'affaire T-213/98, selon laquelle, au Royaume-Uni et en Irlande, aucune commission n'est payée aux transitaires par les transporteurs maritimes, est, tout au contraire, de nature à suggérer que l'accord en cause n'est nullement indispensable à la fixation des taux de fret.

568.
    Par ailleurs, en tout état de cause, même si l'existence d'un tel lien direct et nécessaire était démontrée, l'accord en cause ne relèverait pas pour autant de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86. En effet, selon une jurisprudence constante, compte tenu du principe général d'interdiction des ententes anticoncurrentielles édicté par l'article 85, paragraphe 1, du traité, les dispositions à caractère dérogatoire insérées dans un règlement d'exemption par catégorie doivent, par nature, être interprétées restrictivement (arrêts du Tribunal du 22 avril 1993, Peugeot/Commission, T-9/92, Rec. p. II-493, point 37, et du 8 octobre 1996, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, dit «CEWAL», T-24/93 à T-26/93 et T-28/93, Rec. p. II-1201, point 48). Or, il doit être rappelé que le champ d'application du règlement n° 4056/86 est limité, en vertu de l'article 1er, paragraphe 2, du même règlement, aux seuls transports maritimes de port à port. En conséquence, l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 dudit règlement ne saurait être étendue à des services qui, même à supposer qu'ils puissent être considérés comme étant accessoires ou nécessaires au transport maritime de port à port, ne constituent pas, en tant que tels, des services de transport maritime relevant du champ d'application du règlement n° 4056/86. Cela est d'autant plus vrai en l'espèce que ces services relèvent d'un marché distinct sur lequel les transitaires sont, ainsi que cela ressort du considérant 156 de la décision attaquée, en concurrence avec d'autres opérateurs économiques, tels les NVOCC (voir, en ce sens, arrêt FEFC, cité au point 196 ci-dessus, point 261).

569.
    S'agissant, ensuite, du moyen selon lequel l'accord en cause serait le reflet d'une pratique traditionnelle des conférences aux États-Unis d'Amérique ainsi que dans d'autres pays, il doit être souligné que l'application de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 à un accord déterminé ne saurait être fonction de son seul caractère traditionnel, mais dépend avant tout de l'examen de la question de savoir si cet accord relève du champ d'application de ladite exemption par catégorie. Par ailleurs, selon la jurisprudence, les pratiques nationales, à supposer qu'elles soient communes à tous les États membres, ne sauraient s'imposer dans l'application des règles de concurrence du traité (arrêt VBVB et VBBB/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 40). Dès lors, a fortiori, des pratiques de certains États tiers ne sauraient-elles commander l'application du droit communautaire (arrêt FEFC, cité au point 196 ci-dessus, point 341).

570.
    Il s'ensuit que la circonstance alléguée par les requérantes selon laquelle l'accord en cause est le reflet d'une pratique traditionnelle des conférences aux États-Unis d'Amérique ainsi que dans d'autres pays ne saurait, à elle seule, conduire, ipso facto, à démontrer que la Commission a exclu à tort l'application de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 audit accord.

571.
    Pour autant que les requérantes font valoir, en outre, un défaut de motivation sur ce point, le présent moyen se confond avec le moyen spécifique tiré d'un défaut de motivation quant à la non-prise en compte du droit des États-Unis d'Amérique, lequel fait l'objet d'un examen distinct aux points 1396 à 1411 ci-après.

572.
    S'agissant du moyen, soulevé par la seule requérante dans l'affaire T-213/98, selon lequel la rémunération payée aux transitaires par les transporteurs maritimes constitue non le prix payé pour des services fournis, mais une réduction sur le taux de fret, il suffit d'observer que ledit moyen se fonde sur la prémisse erronée selon laquelle les transitaires ne fourniraient aucun service aux transporteurs maritimes. En effet, il convient de rappeler que, au considérant 163 de la décision attaquée, la Commission a constaté, sans être contredite sur ce point par la requérante, que, lorsque les transitaires agissent comme agents des chargeurs, leur tâche consiste à organiser le transport des marchandises et à négocier les conditions auxquelles le transport sera effectué ainsi qu'à accomplir des formalités administratives. Force est d'admettre que de tels services bénéficient non seulement aux chargeurs, mais également aux transporteurs maritimes dès lors qu'ils ont pour objet de faciliter la conclusion et l'exécution du contrat de transport maritime.

573.
    À cet égard, il doit en outre être observé que la circonstance selon laquelle, au Royaume-Uni et en Irlande, aucune commission n'est payée aux transitaires par les transporteurs maritimes, loin de démontrer que les transitaires ne fournissent aucun service à ces derniers, est plutôt de nature à indiquer, ainsi que la requérante semble le reconnaître elle-même, l'existence, dans ces États membres, d'un accord interdisant le paiement de toute commission, lequel serait, au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité, plus restrictif de concurrence que l'accord en cause.

574.
    S'agissant, enfin, du moyen tiré d'un défaut de motivation soulevé par cette même requérante, il convient d'observer que les critiques formulées par cette dernière visent, en réalité, à contester le bien-fondé des appréciations effectuées par la Commission dans la décision attaquée au sujet des services fournis par les transitaires et de leur statut juridique par rapport aux transporteurs maritimes et aux chargeurs. Or, de tels arguments, qui doivent, pour les motifs exposés ci-dessus, être rejetés, sont dénués de pertinence dans le cadre de l'examen du respect de l'obligation de motivation (arrêt du 20 avril 1999, PVC II, cité au point 191 ci-dessus, point 389).

575.
    En tout état de cause, à supposer même que les arguments avancés par les requérantes dans le cadre du présent moyen puissent être considérés comme visant à contester la motivation de la décision attaquée, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si, en vertu de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE), la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait ou de droit dont dépend la justification légale de sa décision et les considérations qui l'ont amenée à prendre celle-ci, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés au cours de la procédure administrative (voir, notamment, arrêt de la Cour du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, Rec. p. 2545, points 26 et 44). Tout au plus la Commission a-t-elle l'obligation, au regard de l'article 190 du traité, de répondre de manière spécifique aux seules allégations essentielles soulevées par les requérantes au cours de la procédure administrative (arrêt FEFC, cité au point 196 ci-dessus, point 426).

576.
    Or, en l'espèce, force est de constater que, au cours de la procédure administrative, et en particulier dans la réponse à la communication des griefs, la requérante n'a avancé aucun élément en vue de contester les appréciations effectuées par la Commission, dans la communication des griefs, en ce qui concerne les services fournis par les transitaires et leur statut juridique par rapport aux transporteurs maritimes et aux chargeurs. À l'évidence, il ne saurait être fait grief à la Commission, sur le plan du respect de l'obligation de motivation, de ne pas avoir pris position, dans la décision attaquée, sur des éléments qui ne lui ont pas été présentés avant l'adoption de ladite décision.

577.
    Pour l'ensemble de ces raisons, il convient de rejeter l'ensemble des moyens soulevés par les requérantes à l'encontre des appréciations de la Commission concernant l'accord relatif à la rémunération des transitaires.

Conclusion sur les moyens tirés de l'absence d'infraction à l'article 85 du traité et à l'article 2 du règlement n° 1017/68 ainsi que de l'existence de différents défauts de motivation sur ce point

578.
    Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les présents moyens doivent être rejetés dans leur intégralité.

III - Sur les moyens tirés de l'absence d'infraction à l'article 86 du traité et de l'existence de différents défauts de motivation sur ce point

579.
    Les présents moyens sont développés, en substance, en trois branches. Dans le cadre de la première branche, les requérantes contestent que leur position puisse être appréciée collectivement. Dans le cadre de la deuxième branche, elles font valoir que les membres du TACA ne détiennent pas une position dominante collective. Enfin, dans le cadre de la troisième branche, elles contestent les deux abus de position dominante qui leur sont reprochés par la Commission dans la décision attaquée.

Observation préliminaire sur la recevabilité des présents moyens

580.
    À titre liminaire, la Commission allègue que la partie des requêtes consacrée à l'article 86 du traité est irrecevable en ce qu'elle sollicite l'annulation des appréciations de fait formulées dans les motifs de la décision attaquée (arrêt NBV et NVB/Commission, cité au point 499 ci-dessus).

581.
    Force est toutefois de relever que, par les présents moyens de leurs recours, les requérantes visent non à obtenir l'annulation des appréciations de fait formulées dans les motifs de la décision attaquée, mais à mettre en cause lesdites appréciations dans la mesure où celles-ci constituent le soutien nécessaire des articles 5 à 7 du dispositif de la décision attaquée dont elles sollicitent l'annulation et aux termes desquels la Commission, d'une part, a constaté que les parties au TACA ont abusé de leur position dominante en modifiant la structure concurrentielle du marché de manière à renforcer la position dominante du TACA et en imposant des restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu et, d'autre part, a ordonné à ces parties de mettre fin à ces abus.

582.
    En conséquence, l'exception d'irrecevabilité de la requête sur ce point, soulevée par la Commission, doit être rejetée comme étant non fondée.

Sur la première branche relative à l'absence de position dominante détenue collectivement par les parties au TACA

583.
    Les requérantes contestent que la position détenue par les membres du TACA puisse être appréciée collectivement. À l'appui de cette branche de leurs moyens, elles font valoir que la Commission a commis des erreurs d'appréciation en ce qui concerne, d'une part, les liens économiques entre les parties au TACA et, d'autre part, la concurrence interne entre ces mêmes parties.

A - Sur les moyens tirés d'une appréciation erronée des liens économiques entre les parties au TACA

1. Arguments des parties

584.
    Les requérantes font observer que la décision attaquée, aux points 526 à 531, identifie cinq liens, à savoir le tarif, les mesures d'exécution du TACA, le secrétariat du TACA, la publication du plan d'exploitation et les accords de consortium. Les requérantes considèrent que ces éléments, qu'ils soient pris individuellement ou collectivement, sont insuffisants pour justifier un appréciation collective de leur position sur le marché en cause.

585.
    En premier lieu, en ce qui concerne le tarif, les requérantes allèguent que l'obligation, en droit américain (selon l'US Shipping Act), de respecter le tarif ne constitue pas un lien économique de nature à les conduire à adopter un même comportement sur le marché, car le droit américain permet aux membres d'une conférence de s'écarter du tarif dans le cadre d'actions indépendantes. Les requérantes précisent à cet égard qu'un tarif comporte à la fois les «taux ordinaires» et différentes formes de dérogations à ces taux. Les mécanismes de ces dérogations seraient aussi légaux que les taux eux-mêmes. Selon les requérantes, la thèse de la Commission reviendrait à considérer que les membres de toutes conférences maritimes et de cartels de prix doivent faire l'objet d'une appréciation collective au regard de l'article 86 du traité, ce qui reviendrait à réutiliser les preuves pertinentes pour une appréciation au regard de l'article 85 du traité aux fins d'en tirer des conclusions pour l'application de l'article 86 du traité.

586.
    En deuxième lieu, en ce qui concerne les mesures d'exécution, les requérantes affirment qu'elles sont usuelles au sein des conférences maritimes et qu'elles sont appréciées favorablement par l'US Federal Maritime Commission (ci-après la «FMC») en tant que moyens de protection de la concurrence, en ce qu'elles sont destinées à empêcher les pratiques discriminatoires des membres des conférences à l'égard des chargeurs. En outre, dès lors que ces mesures ne font rien d'autre que de garantir le respect d'obligations prévues par le TACA, elles ne sauraient logiquement être considérées comme un lien en soi. Enfin, en tout état de cause, ce type de mesures ne restreindrait pas la concurrence qui existe entre les membres du TACA.

587.
    En troisième lieu, en ce qui concerne le rôle du secrétariat du TACA, les requérantes soulignent, tout d'abord, s'agissant de la négociation de contrats de services, que le secrétariat agit sur les instructions des membres de la conférence. À cet égard, elles précisent qu'il n'est pas exact d'affirmer, comme le fait la Commission, que le secrétariat participe à la négociation des contrats de services individuels contre la volonté du chargeur. Même lorsqu'un chargeur choisirait d'impliquer le secrétariat dans la négociation des contrats de services individuels, ce dernier participerait très rarement à la négociation des clauses commerciales. S'agissant, ensuite, du rôle du secrétariat dans le cadre de l'exécution des contrats de services, les requérantes estiment que cette tâche est purement administrative et sans pertinence pour la position concurrentielle des membres. De même, en ce qui concerne la publication de communiqués de presse, les requérantes considèrent qu'il s'agit de fonctions administratives normales destinées à assurer la communication avec les chargeurs.

588.
    En quatrième lieu, en ce qui concerne la publication d'un plan d'exploitation, les requérantes font observer que celui-ci est destiné à annoncer les modifications apportées au tarif et aux contrats de services de la conférence. Étant donné que les membres d'une conférence doivent s'entendre sur un tarif, les requérantes estiment que cette annonce périodique ne saurait constituer un lien en soi et servir à présenter la conférence comme ayant une «stratégie commerciale commune» (considérant 530 de la décision attaquée). Les requérantes affirment, en outre, que le plan d'exploitation est une mesure destinée à contribuer au processus de consultation avec les chargeurs, imposée par l'article 5, paragraphe 1, du règlement n° 4056/86.

589.
    En cinquième lieu, en ce qui concerne les consortiums, les requérantes font remarquer qu'elles ne participent pas au même consortium. En outre, elles soulignent que les accords de consortium entraînent des gains d'efficience technique et opérationnelle qui contribuent, ainsi que le reconnaît le règlement (CEE) n° 479/92 du Conseil, du 25 février 1992, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à certaines catégories d'accords, de décisions et de pratiques concertées entre compagnies maritimes de ligne («consortia») (JO L 55, p. 3) dans ses quatrième et sixième considérants, à accroître la compétitivité des transports maritimes de ligne. La Commission aurait ainsi relevé, dans sa décision relative à la concentration entre P & O et Nedlloyd [décision du 19 décembre 1996 déclarant la compatibilité avec le marché commun d'une concentration (Affaire n° IV/M.831 - P & O/Royal Nedlloyd) sur la base du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil (JO 1997, C 110, p. 7), point 65], que «la concurrence se manifeste au sein du consortia, premièrement, par le fait que les compagnies commercialisent leurs services séparément et, deuxièmement, par la qualité de leurs services, par exemple la mise à disposition d'équipements spécialisés, la fourniture de services logistiques (par exemple, la mise en conteneurs) et intermodaux, ainsi que par la rapidité et la qualité de la documentation, en ce compris le traitement des données» (point 65). Selon les requérantes, la participation à des accords de consortium n'a de pertinence en tant que lien économique que si les parties auxdits accords adoptent le même comportement sur le marché. Or, tel ne serait pas le cas en l'espèce. Au contraire, la participation des membres du TACA à différents consortiums contribue plutôt, de l'avis des requérantes, à augmenter la concurrence interne entre elles.

590.
    Enfin, la requérante dans l'affaire T-212/98 fait valoir que la constatation par la Commission que les liens entre elle-même et les autres membres du TACA sont suffisamment forts pour justifier l'existence d'une position dominante collective est fondée sur une appréciation erronée des liens économiques qui les unissent. La requérante relève, à cet égard, que sa part de marché sur le trafic en cause (moins de 0,1 %) et le chiffre d'affaires réalisé sur ce trafic en 1996 comparé à celui des autres membres du TACA (seulement 1,2 % de son chiffre d'affaires a été réalisé sur ce trafic) démontrent qu'elle ne saurait avoir agi en tant qu'entité économique unique avec les autres requérantes sur le marché en cause.

591.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, considère que les liens économiques identifiés dans la décision attaquée démontrent à suffisance de droit le caractère collectif de la position détenue par les parties au TACA.

2. Appréciation du Tribunal

592.
    Par les présents moyens, les requérantes allèguent, en substance, que les liens économiques entre les parties au TACA identifiés dans la décision attaquée, qu'ils soient pris individuellement ou collectivement, sont insuffisants pour justifier une appréciation collective de leur position sur le marché en cause.

593.
    Il convient d'observer que, par les moyens suivants tirés d'une appréciation erronée de la concurrence interne, qui sont examinés ci-après, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la concurrence significative s'exerçant au sein de la conférence entre les parties au TACA, notamment en matière de prix. Dans ces circonstances, il convient dès lors de comprendre les présents moyens comme visant uniquement à faire grief à la Commission d'avoir considéré que les liens résultant de l'existence de la conférence sont, en tant que tels, susceptibles de justifier une appréciation collective de la position détenue par les parties au TACA.

594.
    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence établie, l'article 86 du traité est susceptible de s'appliquer à des situations dans lesquelles plusieurs entreprises détiennent ensemble une position dominante sur le marché pertinent (arrêts de la Cour du 27 avril 1994, Almelo e.a., C-393/92, Rec. p. I-1477, point 43; du 5 octobre 1995, Centro Servizi Spediporto, C-96/94, Rec. p. I-2883, points 32 et 33, et du 17 octobre 1995, DIP e.a., C-140/94 à C-142/94, Rec. p. I-3257, points 25 et 26; arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, dit «Verre plat», T-68/89, T-77/89 et T-78/89, Rec. p. II-1403, point 358, et arrêt du 8 octobre 1996, CEWAL, cité au point 568 ci-dessus, point 60).

595.
    Pour conclure à l'existence d'une telle position dominante collective, il faut, selon la jurisprudence que les entreprises en cause soient suffisamment liées entre elles pour adopter une même ligne d'action sur le marché (arrêts de la Cour Centro Servizi Spediporto, cité au point 594 ci-dessus, point 33; DIP e.a., cité au point 594 ci-dessus, point 26; du 31 mars 1998, France e.a./Commission, dit «Kali und Salz», C-68/94 et C-30/95, Rec. p. I-1375, point 221, et du 19 février 2002, Wouters e.a., C-309/99, Rec. p. I-1577, point 113; arrêt du 8 octobre 1996, CEWAL, cité au point 568 ci-dessus, point 62). À cet égard, il est nécessaire d'examiner les liens ou facteurs de corrélation économique entre les entreprises concernées et de vérifier si ces liens ou facteurs leur permettent d'agir ensemble indépendamment de leurs concurrents, de leurs clients et des consommateurs (arrêts de la Cour Almelo e.a., cité au point 594 ci-dessus, point 43; Kali und Salz, cité au point 595 ci-dessus, point 221; du 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, dit «CEWAL», C-395/96 P et C-396/96 P, Rec. p. I-1365, points 41 et 42, et Wouters e.a., cité au point 595 ci-dessus, point 114).

596.
    En l'espèce, il convient de relever que, au considérant 525 de la décision attaquée, la Commission estime que «les membres du TACA détiennent une position dominante collective du fait qu'il existe entre eux un nombre considérable de liens économiques qui ont sensiblement réduit leur capacité d'agir de manière autonome». Il est constant entre les parties que, aux considérants 526 à 531 de la décision attaquée, la Commission s'est fondée sur les cinq liens économiques suivants: le tarif (considérant 526), les mesures d'exécution et de sanctions (considérant 527), le secrétariat (considérants 528 et 529), les plans d'exploitation annuels (considérants 528 et 530) et les accords de consortium (considérant 531). À cet égard, il ressort du considérant 528 de la décision attaquée que, selon la Commission, le tarif et les mesures d'exécution et de sanction constituent des «restrictions de la capacité des membres du TACA d'agir indépendamment les uns des autres [qui] ont pour objet d'éliminer dans une large mesure la concurrence par les prix entre eux». Par ailleurs, au même considérant de la décision attaquée, la Commission a constaté que le secrétariat du TACA et les plans d'exploitation annuels relevaient des mesures qui ont permis aux parties au TACA «de se présenter sur le marché comme une seule et même entité et de réduire ainsi la pression exercée par les clients pour obtenir des réductions de prix».

597.
    Il convient d'observer que, à l'exception des accords de consortium, les liens identifiés par la Commission, à savoir le tarif, les mesures d'exécution et de sanction, le secrétariat et les plans d'exploitation annuels, résultent directement des activités exercées par les requérantes dans le cadre du TACA et, partant, de leur adhésion à celui-ci.

598.
    Il est constant que le TACA constitue une conférence maritime au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86. Or, il convient d'observer que, pour constituer une conférence maritime au sens de cette disposition du règlement n° 4056/86, les entreprises concernées doivent nécessairement établir un certain nombre de liens entre elles.

599.
    En effet, aux termes de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86, une conférence maritime est «un groupe d'au moins deux transporteurs exploitants de navires qui assure des services internationaux réguliers pour le transport de marchandises sur une ligne ou des lignes particulières dans des limites géographiques déterminées et qui a conclu un accord ou un arrangement, quelle qu'en soit la nature, dans le cadre duquel ces transporteurs opèrent en appliquant des taux de fret uniformes ou communs et toutes autres conditions de transport concertées pour la fourniture de services réguliers».

600.
    Il ressort du huitième considérant de ce règlement que de telles conférences «exercent un rôle stabilisateur de nature à garantir des services fiables aux chargeurs; qu'elles contribuent généralement à assurer une offre de services de transport maritime réguliers, suffisants et efficaces et ceci en prenant en considération les intérêts des usagers dans une mesure équitable; que ces résultats ne peuvent être obtenus sans la coopération que les compagnies maritimes développent au sein desdites conférences en matière de tarifs et, le cas échéant, d'offre de capacité ou de répartition des tonnages à transporter, voire des recettes; que le plus souvent les conférences restent soumises à une concurrence effective de la part tant des services réguliers hors conférence que, dans certains cas, de services de tramp et d'autres modes de transport; que la mobilité des flottes, qui caractérise la structure de l'offre dans le secteur des services de transports maritimes, exerce une pression concurrentielle permanente sur les conférences, lesquelles n'ont normalement pas la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des services de transport maritime en cause».

601.
    Ainsi que la Cour et le Tribunal l'ont déjà jugé (arrêt du 16 mars 2000, CEWAL, cité au point 595 ci-dessus, points 48 et 49; arrêt Verre plat, cité au point 594 ci-dessus, point 359, et arrêt du 8 octobre 1996, CEWAL, cité au point 568 ci-dessus, points 63 à 66), il résulte de ces dispositions que, de par sa nature et au regard de ses objectifs, une conférence maritime, telle que celle définie par le Conseil comme bénéficiaire de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86, peut être qualifiée d'entité collective qui se présente comme telle sur le marché vis-à-vis tant des utilisateurs que des concurrents. Le Conseil prévoit d'ailleurs, par le règlement n° 4056/86, les dispositions nécessaires pour éviter qu'une conférence maritime produise des effets incompatibles avec l'article 86 du traité. Cela ne préjuge en rien la question de savoir si, dans une situation donnée, une conférence maritime détient une position dominante sur un marché déterminé ou, a fortiori, a exploité cette position de façon abusive. En effet, ainsi que cela ressort des termes de l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86, c'est par son comportement qu'une conférence détenant une position dominante peut produire des effets incompatibles avec l'article 86 du traité.

602.
    Eu égard à ce qui précède, il y a dès lors lieu de considérer que les liens résultant de l'existence d'une conférence maritime au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86 sont, en principe, de nature à justifier que la position sur le marché concerné des membres de ladite conférence s'apprécie collectivement aux fins de l'application de l'article 86 du traité, dans la mesure où ces liens sont susceptibles de leur permettre d'adopter ensemble, en tant qu'entité unique qui se présente comme telle sur le marché vis-à-vis des utilisateurs et des concurrents, une même ligne d'action sur ce marché.

603.
    Aucun des arguments avancés par les requérantes dans le cadre des présents moyens n'est susceptible de remettre en cause cette conclusion.

604.
    En premier lieu, en ce qui concerne le tarif du TACA, les requérantes allèguent que l'obligation, en droit américain, de respecter le tarif ne constitue pas un lien économique de nature à les conduire à adopter un même comportement sur le marché, car le droit américain permet aux membres d'une conférence de s'écarter du tarif dans le cadre d'actions indépendantes. Les requérantes précisent encore qu'un tarif comporte à la fois des taux ordinaires et différentes formes de dérogations à ces taux.

605.
    En vue d'examiner le bien-fondé de ce moyen, il y a lieu de rappeler que, au considérant 526 de la décision attaquée, la Commission a considéré que le tarif constituait le premier des liens économiques entre les parties au TACA. À cet égard, elle a observé que non seulement les parties au TACA convenaient d'adhérer à un tarif, mais en outre qu'elles étaient tenues de le faire en vertu de la législation américaine, sous peine d'amendes d'un montant de 25 000 USD par infraction. La Commission considère ainsi, au considérant 528 de la décision attaquée, que le tarif constitue une restriction de la capacité des membres du TACA d'agir indépendamment les uns des autres qui a pour objet d'éliminer dans une large mesure la concurrence par les prix entre eux.

606.
    Il convient de rappeler que l'existence même d'une conférence maritime au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86, tel le TACA, requiert l'application d'un tarif prévoyant des taux de fret uniformes ou communs.

607.
    Force est de constater qu'une telle conférence maritime se présente dès lors en principe comme une entité unique sur le marché dans la mesure où elle fixe des taux de fret uniformes ou communs pour tous ses membres, en ce sens qu'un même prix sera applicable pour le transport d'une même marchandise du point A au point B, indépendamment de l'armateur membre de la conférence qui se chargera du transport (arrêt TAA, point 157).

608.
    À cet égard, le fait que ledit tarif prévoit, outre les taux ordinaires, certains taux dérogatoires, tels par exemple les TVR, est sans pertinence, puisque, comme la Commission l'a constaté en ce qui concerne ces derniers types de taux au considérant 120 de la décision attaquée et comme les requérantes l'admettent par ailleurs elles-mêmes, ces taux dérogatoires constituent également des taux de fret uniformes ou communs faisant partie intégrante du tarif.

609.
    Quant à la circonstance alléguée par les requérantes selon laquelle la législation américaine prévoit le droit, pour les membres d'une conférence maritime, de mener des actions indépendantes sur les taux du tarif, il convient de souligner que lesdites actions indépendantes revêtent un caractère exceptionnel par rapport au principe de la fixation en commun des prix (arrêt TAA, point 307), en sorte qu'elles ne sauraient, en principe, porter atteinte à l'uniformité des taux du tarif et, dès lors, remettre en cause l'appréciation collective de la conférence telle qu'elle résulte, en conjonction avec d'autres facteurs, de celui-ci. Quant à la question de savoir si, en l'espèce, les actions indépendantes et les autres pratiques concrètes des parties au TACA en matière de prix sont de nature à remettre en cause une telle appréciation, elle fait l'objet, ainsi qu'il est indiqué ci-dessus, de moyens distincts qui sont traités ci-après.

610.
    Enfin, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la circonstance selon laquelle un accord est interdit par l'article 85, paragraphe 1, du traité n'empêche pas la Commission de prendre en considération un tel accord pour conclure, dans le cadre de l'application de l'article 86 du traité, au caractère collectif de la position des entreprises concernées sur le marché en cause. En effet, ainsi que la Cour l'a déjà jugé, un accord, une décision ou une pratique concertée, bénéficiant ou non d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, peut, lorsqu'il est mis en oeuvre, avoir pour conséquence que les entreprises concernées se sont liées quant à leur comportement sur un marché déterminé, de manière qu'elles se présentent sur ce marché comme une entité collective à l'égard de leurs concurrents, de leurs partenaires commerciaux et des consommateurs. L'existence d'une position dominante collective peut ainsi résulter de la nature des termes d'un accord, de la manière dont il est mis en oeuvre et, partant, des liens ou facteurs de corrélation entre entreprises qui en résultent (arrêt du 16 mars 2000, CEWAL, cité au point 595 ci-dessus, points 44 et 45). Selon la jurisprudence, tel est le cas, ainsi qu'il a été rappelé au point 601 ci-dessus, d'une conférence maritime au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86. Or, il est constant, en l'espèce, que le TACA constitue une telle conférence maritime. Partant, la Commission était en droit de se fonder sur un tel accord aux fins de conclure, dans le cadre de l'application de l'article 86 du traité, au caractère collectif de la position des parties au TACA sur le marché en cause.

611.
    Il convient dès lors de considérer que c'est à bon droit que la Commission s'est fondée, notamment, sur le tarif du TACA pour apprécier collectivement la position des parties au TACA sur le marché concerné. Partant, les arguments des requérantes sur ce point doivent être rejetés.

612.
    En deuxième lieu, en ce qui concerne les mesures d'exécution et de sanction du TACA, les requérantes relèvent qu'elles sont usuelles au sein des conférences maritimes et qu'elles sont appréciées favorablement par la FMC en tant que moyens de protection de la concurrence, en ce qu'elles sont destinées à empêcher les pratiques discriminatoires des membres des conférences à l'égard des chargeurs. En outre, dans la mesure où ces mesures ne font rien d'autre que de garantir le respect d'obligations prévues par le TACA, elles ne sauraient, selon les requérantes, logiquement être considérées comme un lien en soi.

613.
    Il convient de relever que, au considérant 527 de la décision attaquée, la Commission a constaté que l'adhésion aux règles du TACA est assurée par de nombreuses mesures d'exécution. Il ressort du considérant 21 de la décision attaquée que l'article 10 de l'accord TACA prévoit l'instauration d'une autorité de contrôle («Enforcement Authority») qui est chargée de mener, sur plainte ou d'office, des enquêtes sur toute infraction présumée aux dispositions dudit accord. À cet égard, la Commission relève, au considérant 22 de la décision attaquée, que ladite autorité de contrôle dispose d'un accès illimité à l'ensemble des documents liés aux activités des transporteurs sur le trafic et qu'elle est habilitée à infliger des amendes substantielles pour toute infraction aux accords, en particulier les accords de fixation des prix, et pour tout refus d'accès demandé lors d'une enquête. La Commission constate ainsi, au considérant 527 de la décision attaquée, que «ces mesures constituent l'arsenal disciplinaire le plus complet que la Commission ait jamais rencontré dans le secteur des transports maritimes de ligne».

614.
    Force est de constater que de telles mesures d'exécution et de sanction, qui sont destinées, notamment, à assurer le respect du tarif adopté par une conférence maritime, sont de nature à renforcer le lien établi par ledit tarif. Cela est d'autant plus vrai que, comme il a été constaté au point 599 ci-dessus, l'existence même d'une conférence maritime au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86 requiert l'application d'un tarif prévoyant des taux de fret uniformes ou communs, de sorte que les mesures d'exécution et de sanction destinées à en assurer le respect par les parties à la conférence maritime constituent des mesures nécessaires et, partant, accessoires, à toute conférence maritime au sens de la disposition précitée.

615.
    Contrairement à ce qu'allèguent les requérantes, il est, à cet égard, sans pertinence que la FMC apprécie positivement les mesures d'exécution adoptées par les conférences maritimes. En effet, lesdites mesures ne sont pas retenues par la décision attaquée comme constituant une infraction aux règles de concurrence du traité mais comme un élément de nature à renforcer le lien entre les parties au TACA résultant du tarif adopté par celui-ci. Or, l'existence d'un tel lien, qui peut amener la Commission à apprécier collectivement la position des parties au TACA, n'implique en soi aucune infraction aux règles de concurrence du traité. Seule l'exploitation abusive de cette position est susceptible de constituer une telle infraction, du moins lorsque la position détenue collectivement revêt un caractère dominant sur le marché concerné (arrêt du 16 mars 2000, CEWAL, cité au point 595 ci-dessus, points 37 à 39).

616.
    Quant à la circonstance alléguée par les requérantes selon laquelle les mesures d'exécution et de sanction ne constitueraient pas un lien en soi, elle est sans pertinence dès lors qu'il a été constaté ci-dessus que lesdites mesures étaient de nature à renforcer le lien établi par le tarif.

617.
    C'est dès lors à bon droit que la Commission s'est fondée, notamment, sur l'existence de mesures d'exécution et de sanction pour apprécier collectivement la position détenue par les parties au TACA sur le marché concerné.

618.
    En troisième lieu, en ce qui concerne le secrétariat du TACA, les requérantes soulignent, tout d'abord, s'agissant de la négociation de contrats de services, que le secrétariat agit sur les instructions des membres de la conférence et que, même lorsqu'un chargeur choisit d'impliquer le secrétariat dans la négociation des contrats de services individuels, ce dernier participe très rarement à la négociation des clauses commerciales. S'agissant, ensuite, du rôle du secrétariat dans le cadre de l'exécution des contrats de services, les requérantes estiment que cette tâche est purement administrative et sans pertinence pour la position concurrentielle des membres.

619.
    Il convient de relever que, au considérant 528, la Commission a constaté que le secrétariat du TACA permettait à la conférence maritime de se présenter sur le marché comme une seule et même entité. Au considérant 529, la Commission a relevé, à cet égard, que le secrétariat du TACA assumait des fonctions administratives et financières étendues, qu'il était habilité à remplir le rôle d'agent des membres du TACA en passant des contrats de transport en leur nom, qu'il pouvait assister à la négociation des contrats de services entre les chargeurs et les membres et qu'il publiait des communiqués de presse pour le compte des parties.

620.
    Sans qu'il soit besoin de s'interroger sur le rôle exact du secrétariat du TACA dans le cadre de la négociation et de l'exécution des contrats de services, force est d'admettre que le simple fait de l'existence, non contestée, d'un organe administratif commun ayant la qualité pour représenter les parties au TACA, en particulier vis-à-vis des chargeurs, constitue un élément de nature à démontrer que le TACA est en mesure de se présenter comme une seule et même entité sur le marché, traduisant ainsi les liens existant entre les parties au TACA du fait de leurs activités en tant que membres d'une conférence maritime au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86. À cet égard, il ressort d'ailleurs du dossier devant le Tribunal que la correspondance des chargeurs concernant la conclusion de contrats de services de la conférence est adressée au secrétariat du TACA.

621.
    C'est dès lors à bon droit que la Commission s'est fondée sur l'existence du secrétariat du TACA pour apprécier collectivement la position des parties au TACA sur le marché concerné. Partant, les arguments des requérantes sur ce point doivent être rejetés.

622.
    En quatrième lieu, en ce qui concerne les plans d'exploitation annuels du TACA, les requérantes estiment que, comme ils sont destinés à annoncer les modifications du tarif, ils ne sauraient constituer un lien en soi et servir à présenter la conférence comme ayant une stratégie commerciale commune. Les requérantes relèvent, en outre, que le plan d'exploitation annuel est une mesure destinée à contribuer au processus de consultation avec les chargeurs, imposée par l'article 5, paragraphe 1, du règlement n° 4056/86.

623.
    Il convient de relever que, aux considérants 528 et 530 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la publication, par le TACA, de plans d'exploitation annuels prouvait que les parties au TACA apparaissaient aux chargeurs comme ayant une stratégie commerciale commune sur le marché et permettait ainsi au TACA de se présenter sur le marché comme une seule et même entité.

624.
    Force est d'admettre que la publication par le TACA de plans d'exploitation annuels, établis en commun par ses membres dans le cadre de leurs activités de conférence maritime au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86, est un élément qui est manifestement de nature à faire apparaître le TACA comme une entité unique vis-à-vis des tiers, reflétant ainsi l'existence des liens existant entre les membres d'une conférence maritime au sens dudit règlement. Contrairement à ce qu'allèguent les requérantes, les plans d'exploitation annuels constituent dès lors un lien en soi qui est de nature, du fait même de leur publication par le TACA, à présenter ce dernier comme une entité collective sur le marché concerné vis-à-vis de ses concurrents et des chargeurs.

625.
Cela est d'autant plus vrai que lesdits plans d'exploitation annuels, ainsi que les requérantes le soulignent elles-mêmes, sont destinés à contribuer au processus de consultation avec les chargeurs prévu par l'article 5, paragraphe 1, du règlement n° 4056/86. En effet, aux termes de cette disposition, ces consultations ont lieu en vue de trouver des solutions sur les questions de principe générales concernant les prix, les conditions et la qualité des services réguliers de transport maritime, qui se posent entre les usagers, d'une part, et la conférence maritime dans son ensemble, d'autre part. Dès lors, loin de contredire la constatation de la Commission selon laquelle la publication de plans d'exploitation annuels est de nature à permettre au TACA de se présenter comme une entité collective sur le marché concerné, la circonstance que ladite publication résulte d'une obligation imposée aux conférences maritimes par le règlement n° 4056/86 est, bien au contraire, de nature à la renforcer.

626.
    À cet égard, il convient encore d'observer que ladite publication n'est pas retenue par la décision attaquée comme constituant une infraction aux règles de concurrence du traité mais comme un élément de nature à faire apparaître le TACA comme une entité collective sur le marché concerné. Or, l'existence d'une telle entité collective n'implique en soi aucune infraction aux règles de concurrence du traité. Seule l'exploitation abusive, par cette entité collective, de sa position sur le marché concerné est susceptible de constituer une telle infraction, du moins lorsque la position ainsi détenue revêt un caractère dominant sur le marché concerné (arrêt du 16 mars 2000, CEWAL, cité au point 595 ci-dessus, points 37 à 39).

627.
    C'est dès lors à bon droit que la Commission s'est fondée, notamment, sur la publication des plans d'exploitation annuels du TACA pour apprécier collectivement la position détenue par les parties au TACA sur le marché concerné. Partant, les arguments des requérantes sur ce point doivent être rejetés.

628.
    Force est de constater qu'il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que, conformément à la jurisprudence citée au point 601 ci-dessus, le tarif, les mesures d'exécution et de sanction, le secrétariat et les plans d'exploitation annuels du TACA démontrent à suffisance de droit l'existence de liens substantiels entre les parties au TACA de nature à justifier une appréciation collective de leur position sur le marché concerné.

629.
    En conséquence, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la pertinence d'autres liens entre les requérantes résultant de la conclusion d'autres accords, tels les accords de consortium, il y a lieu de conclure que c'est à bon droit que la Commission s'est fondée sur ces éléments, qui résultent de l'activité des requérantes en tant que parties au TACA et, partant, de leur adhésion à une conférence maritime au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 4056/86, pour apprécier collectivement la position des parties au TACA sur le marché concerné.

630.
    Cette conclusion ne saurait être remise en cause, s'agissant de la requérante dans l'affaire T-212/98, par le caractère minime de sa part de marché ou de son chiffre d'affaires sur le trafic en cause. En effet, dès lors que les liens fondant l'appréciation collective de la position des parties au TACA résultent de leur adhésion au TACA, la position de chaque partie au TACA doit, du seul fait de cette adhésion, être appréciée avec celle des autres parties au TACA collectivement, puisque, par cette adhésion, la requérante s'est liée, quant à son comportement sur un marché déterminé, aux autres parties ayant adhéré au TACA, de manière qu'elles se présentent sur ce marché comme une entité collective à l'égard de leurs concurrents, de leurs partenaires commerciaux et des consommateurs (arrêt du 16 mars 2000, CEWAL, cité au point 595 ci-dessus, point 44). Or, en l'espèce, la requérante ne conteste pas qu'elle était une partie au TACA au cours de la période en cause.

631.
    À cet égard, il convient encore d'observer que, selon la jurisprudence, pour que la position de plusieurs entreprises soit appréciée collectivement sur un marché concerné, il suffit qu'elles aient la possibilité d'adopter une même ligne d'action sur ce marché. Il n'est pas, en revanche, nécessaire de démontrer que ces entreprises ont effectivement toutes adopté cette même ligne d'action en toutes circonstances (voir, en ce sens, arrêt Kali und Salz, cité au point 595 ci-dessus, point 221).

632.
    Dans ces circonstances, le fait que la requérante ne puisse pas, eu égard à sa position minime sur le marché, se voir attribuer tout acte accompli par le TACA est sans pertinence dans le cadre des présents moyens relatifs au caractère collectif de la position détenue par les parties au TACA.

633.
    Tout au plus, le fait qu'une partie au TACA n'aurait pas suivi le comportement adopté par les autres parties au TACA serait de nature à démontrer l'absence de participation de cette partie au TACA à une infraction à l'article 86 du traité s'il s'avère que le comportement adopté par les autres parties au TACA constitue un abus au sens de cette disposition. En effet, si l'existence d'une position dominante collective se déduit de la position que détiennent ensemble les entités économiques concernées sur le marché en cause, l'abus ne doit pas nécessairement être le fait de toutes les entreprises en question. Il doit seulement pouvoir être identifié comme l'une des manifestations de la détention d'une telle position dominante collective (arrêt Irish Sugar/Commission, cité au point 152 ci-dessus, point 66).

634.
    Partant, même si la part de marché ou le chiffre d'affaires de la requérante sur le trafic en cause était minime au cours de cette même période, il convient de considérer que, eu égard au tarif, aux mesures d'exécution et de sanction, au secrétariat et aux plans d'exploitation annuels du TACA, cette requérante était susceptible de former avec les autres parties au TACA une entité unique sur le marché concerné.

635.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que les présents moyens, griefs et arguments tirés d'une appréciation erronée des liens économiques entre les parties au TACA doivent être rejetés dans leur intégralité.

636.
    Il convient toutefois encore de vérifier si, comme le font valoir les requérantes dans leurs moyens suivants, les éléments relatifs à la concurrence interne qu'elles ont avancés sont de nature à démontrer que les liens identifiés par la décision attaquée ne permettaient pas, en l'espèce, de justifier une appréciation collective de la position détenue par les parties au TACA.

B - Sur les moyens tirés des erreurs d'appréciation concernant la concurrence interne entre les parties au TACA

637.
    S'agissant de la concurrence interne entre les parties au TACA, les requérantes font d'abord valoir que la Commission a retenu, dans la décision attaquée, un critère juridique erroné à cet égard. Ensuite, elles allèguent que la Commission a apprécié erronément la concurrence interne par les prix et autre que par les prix entre les parties au TACA. Enfin, les requérantes invoquent différents défauts de motivation de la décision attaquée sur ces points.

1. Sur le critère juridique erroné retenu par la décision attaquée

a) Arguments des parties

638.
    En premier lieu, les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir examiné si les liens existant entre les membres du TACA ont conduit à l'existence d'une entité unique opérant sur le marché. En particulier, elles estiment que la Commission n'a pas «défini ces liens par référence à leur résultat, à savoir la création d'une situation où un groupe d'entreprises indépendantes opèrent sur le marché comme une entité unique» (conclusions de l'avocat général M. Fennelly sous l'arrêt du 16 mars 2000, CEWAL, Rec. p. I-1371, point 28).

639.
    À l'appui de ce grief, les requérantes font valoir que, aux considérants 528 et 530 de la décision attaquée, la Commission se réfère ainsi à leurs intentions et à l'apparence de leurs actions sans toutefois prouver le résultat produit par ces liens sur leur comportement sur le marché.

640.
    En deuxième lieu, les requérantes contestent l'affirmation de la Commission, au considérant 522 de la décision attaquée, selon laquelle il résulte de l'arrêt Verre plat, cité au point 594 ci-dessus, que «le maintien d'une certaine concurrence entre les parties n'exclut pas la constatation de l'existence d'une position dominante collective».

641.
    Les requérantes estiment que l'arrêt Verre plat, précité, ne retient pas cette thèse. Elles rappellent que, dans cet arrêt, le Tribunal a uniquement jugé qu'«on ne saurait exclure, par principe, que deux ou plusieurs entités économiques indépendantes soient, sur un marché spécifique, unies par de tels liens économiques que, de ce fait, elles détiennent ensemble une position dominante par rapport aux autres opérateurs sur le même marché» (point 358 de l'arrêt). Selon les requérantes, rien ne pourrait être déduit de ce passage quant au degré de concurrence qui serait compatible avec la constatation de l'existence d'une position dominante collective.

642.
    Les requérantes font valoir que la Commission cherche, par sa thèse, à développer un nouveau critère qui fait du tarif commun le facteur prédominant justifiant la constatation de l'existence d'une position dominante collective, de sorte que si les entreprises en cause adoptent la même approche générale, la preuve d'un comportement indépendant sur le marché, notamment la fixation autonome des prix, ne s'oppose pas à l'existence d'une position dominante collective. Étant donné que toute conférence maritime repose, en vertu de l'article 3 du règlement n° 4056/86, sur un tarif uniforme ou commun, la Commission appliquerait ainsi une présomption virtuellement irréfutable selon laquelle les membres de toute conférence maritime, y compris le TACA, sont susceptibles d'avoir une position dominante collective. Les requérantes estiment que cette thèse explique également la réticence de la Commission à examiner les preuves de concurrence effective.

643.
    Selon les requérantes, il résulte au contraire de la jurisprudence communautaire que l'existence d'une position dominante collective suppose l'absence de concurrence entre les entreprises concernées. Elles relèvent que, au point 34 de l'arrêt Centro Servizi Spediporto, cité au point 594 ci-dessus, la Cour a jugé qu'«on ne peut pas considérer qu'une réglementation nationale qui prévoit la fixation des tarifs des transports routiers de marchandises par les pouvoirs publics aboutit à investir les opérateurs économiques d'une position dominante collective qui serait caractérisée par l'absence de rapports concurrentiels entre eux» [voir, aussi, arrêt DIP e.a., cité au point 594 ci-dessus, point 27, et, en ce qui concerne la pratique de la Commission, la communication relative à l'application des règles de concurrence aux accords d'accès dans le secteur des télécommunications - Cadre général, marchés en cause et principes, points 78 et 79 (JO 1998, C 265, p. 2)]. Dans ses conclusions sous l'arrêt du 16 mars 2000, CEWAL, citées au point 638 ci-dessus, l'avocat général M. Fennelly aurait conclu qu'«il [ressort] clairement de la jurisprudence analysée ci-dessus, en particulier des arrêts de la Cour, Centro Servizi Spediporto, DIP et [Kali und Salz], que l'absence de concurrence entre un certain nombre d'entreprises présumées détenir une position dominante collective est un élément caractérisé de cette position dominante collective» (point 34). Cette jurisprudence serait, par ailleurs, conforme aux théories économiques généralement acceptées en matière de position dominante collective.

644.
    Dès lors, selon les requérantes, pour conclure à l'existence d'une position dominante collective, il convient d'examiner, premièrement, si les entreprises concernées ont adopté une stratégie commune en matière de prix et, dans l'affirmative, deuxièmement, si l'ampleur et l'intensité d'autres formes de concurrence que par les prix sont de nature à faire obstacle à ce que l'on se fonde sur l'existence d'une stratégie commune en matière de prix pour conclure à l'existence d'une position dominante collective (conclusions de l'avocat général M. Fennelly sous l'arrêt du 16 mars 2000, CEWAL, citées au point 638 ci-dessus, point 34). En l'espèce, la décision attaquée ne procéderait pas à ce double examen.

645.
    En troisième lieu, les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir examiné la question essentielle de savoir si les requérantes ont adopté une «même ligne d'action sur le marché» (arrêt Almelo e.a., cité au point 594 ci-dessus, point 42) et si elles constituent une «entité unique opérant sur le marché» (conclusions de l'avocat général M. Fennelly sous l'arrêt du 16 mars 2000, CEWAL, citées au point 638 ci-dessus, point 28). Elles relèvent que la décision attaquée se borne, au considérant 525, à constater que les liens économiques entre les membres du TACA ont «sensiblement réduit leur capacité d'agir de manière autonome». Selon les requérantes, cette circonstance ne justifie pas la conclusion selon laquelle les requérantes sont en mesure de détenir une position dominante collective. Contrairement aux exigences de la jurisprudence et des théories économiques en la matière, la Commission ne chercherait pas à établir que ces liens ont eu pour effet l'adoption d'un même comportement sur le marché pour tous les aspects pertinents de la concurrence sur le marché. L'affirmation dans le mémoire en défense, selon laquelle il suffirait que les membres du TACA aient adopté une «attitude très semblable», ne saurait donc être acceptée.

646.
    En guise de conclusion, les requérantes font observer encore que l'approche de la Commission, en diluant le critère du «même comportement», brouille la distinction entre les articles 85 et 86 du traité et revient à lui octroyer un pouvoir discrétionnaire pour déterminer les circonstances dans lesquelles l'article 86 du traité s'applique au comportement de deux entreprises ou plus. Selon les requérantes, alors que la Commission a refusé de définir la portée de ce pouvoir discrétionnaire, il semble qu'elle considère que la collusion horizontale peut être «pire» que la position dominante d'une seule entreprise et doit, pour ce motif, relever de l'article 86 du traité.

647.
    La requérante dans l'affaire T-212/98 fait valoir, par ailleurs, que, même si elle pouvait être considérée comme détenant, avec les autres membres du TACA, une position dominante collective pour la seule raison de son adhésion au TACA, il ne saurait s'en suivre que tout acte accompli par deux ou plusieurs parties au TACA concernant le trafic transatlantique doive nécessairement être attribué à toutes les parties au TACA à tout moment. En dépit du fait que les abus reprochés aux requérantes tombent, totalement ou en partie, en dehors du champ d'application de l'accord TACA, la Commission ne démontrerait pas que toutes les parties au TACA ont adopté le même comportement sur le marché sur les questions faisant l'objet de la décision attaquée. Or, selon la requérante, sa faible position sur le marché au moment des faits rend peu vraisemblable l'existence d'un comportement unique, puisqu'elle n'en n'aurait retiré que peu d'avantages. La requérante souligne que, de surcroît, en tant que nouveau membre du TACA, elle a accepté les clauses de l'accord de conférence dans leur état au moment de son adhésion.

648.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, conclut au rejet du présent moyen.

b) Appréciation du Tribunal

649.
    Il y a lieu d'observer que les arguments avancés par les requérantes dans le cadre du présent moyen reviennent, en substance, à reprocher à la Commission de ne pas avoir constaté à suffisance de droit que les membres du TACA formaient une entité unique qui avait adopté un même comportement sur le marché, aboutissant à supprimer tout rapport concurrentiel entre eux.

650.
    À cet égard, il convient de relever que, comme les requérantes le font observer à juste titre, la Commission n'a pas, dans la décision attaquée, constaté que les parties au TACA avaient adopté un même comportement sur le marché concerné, mais uniquement, ainsi qu'il est indiqué au considérant 525, que leur capacité d'agir de manière autonome était «sensiblement» réduite par les nombreux liens économiques identifiés aux considérants 526 à 531, lesquels résultent, d'une part, du tarif, des mesures d'exécution et de sanction, du secrétariat et des plans d'exploitation annuels du TACA et, d'autre part, des accords de consortium. À cet égard, la Commission a d'ailleurs explicitement souligné, au considérant 528 de la décision attaquée, que les restrictions de la capacité des membres du TACA d'agir indépendamment les uns des autres, qui résultent du tarif et des mesures d'exécution et de sanction du TACA, avaient pour objet d'éliminer «dans une large mesure» la concurrence par les prix entre eux. La Commission estime ainsi, comme elle l'a indiqué au considérant 522 de la décision attaquée, que «le maintien d'une certaine concurrence entre les parties n'exclut pas la constatation de l'existence d'une position dominante collective».

651.
    Il convient dès lors d'examiner si, comme les requérantes le soutiennent, pour apprécier collectivement la position détenue par plusieurs entreprises dans le cadre de l'application de l'article 86 du traité, la Commission doit nécessairement constater que les entreprises concernées ont adopté un même comportement aboutissant à supprimer tout rapport concurrentiel entre elles.

652.
    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, pour que la position de plusieurs entreprises puisse faire l'objet d'une appréciation collective sur le marché concerné, il doit être démontré que les entreprises en cause ont, ensemble, notamment en raison de facteurs de corrélation existant entre elles, le pouvoir d'adopter une même ligne d'action sur le marché (arrêt Kali und Salz, cité au point 595 ci-dessus, point 221). Tel est le cas si ces entreprises sont en mesure de prévoir leurs comportements réciproques et sont donc fortement incitées à aligner leur comportement sur le marché de façon, notamment, à maximiser leur profit commun en restreignant la production en vue d'augmenter les prix (arrêts du Tribunal du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T-102/96, Rec. p. II-753, point 276, et du 6 juin 2002, Airtours/Commission, T-342/99, Rec. p. II-2585, point 60).

653.
    Force est d'observer que, si la possibilité, pour une entreprise, d'aligner son comportement sur celui d'un ou plusieurs concurrents implique nécessairement que la concurrence entre eux se trouve restreinte d'une manière sensible, une telle possibilité d'alignement du comportement concurrentiel n'implique, en revanche, nullement que la concurrence entre les entreprises concernées soit totalement éliminée. Au demeurant, il convient de rappeler que l'existence d'une position dominante collective au sens de l'article 86 du traité suppose l'existence de liens économiques entre deux ou plusieurs entités économiques, par définition, indépendantes et, dès lors, capables d'entrer en concurrence les unes avec les autres, et non l'existence entre les entreprises concernées de liens institutionnels analogues à ceux qui existent entre une société mère et ses filiales (voir, en ce sens, arrêt Verre plat, cité au point 594 ci-dessus, points 357 et 358).

654.
    En conséquence, si l'absence d'une concurrence effective entre opérateurs prétendument membres d'un oligopole dominant constitue un élément important parmi les éléments appelés à jouer un rôle dans l'évaluation de l'existence d'une position dominante collective (arrêt Airtours/Commission, cité au point 652 ci-dessus, point 63; voir, également, en ce sens, arrêts Centro Servizi Spediporto, cité au point 594 ci-dessus, point 34, et DIP e.a., cité au point 594 ci-dessus, point 27), il ne saurait être exigé, pour constater une telle position dominante, que cette élimination de la concurrence effective aboutisse à l'élimination de toute concurrence entre les entreprises concernées.

655.
    Il en résulte que c'est à tort que les requérantes soutiennent que l'existence d'une position dominante collective au sens de l'article 86 du traité exclut, par essence, toute concurrence entre les entreprises détenant une telle position et requiert l'adoption par ces entreprises d'un même comportement pour tous les aspects de la concurrence sur le marché concerné.

656.
    Quant aux arguments de la requérante dans l'affaire T-212/98 tirés du fait que, même si elle pouvait être considérée comme détenant, avec les autres membres du TACA, une position dominante collective pour la seule raison de son adhésion au TACA, il ne saurait s'en suivre que tout acte accompli par deux ou plusieurs parties au TACA concernant le trafic transatlantique doive nécessairement être attribué à toutes les parties au TACA à tout moment, il y a déjà été répondu aux points 630 à 634 ci-dessus dans le cadre des moyens précédents.

657.
    Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le présent moyen tiré de l'application d'un critère juridique erroné doit être rejeté.

2. Sur les moyens tirés d'une appréciation erronée de la concurrence interne par les prix et autre que par les prix

a) Arguments des parties

658.
    Les requérantes avancent deux moyens. Le premier est tiré d'une appréciation erronée de la concurrence interne par les prix, le second est tiré d'une appréciation erronée de la concurrence interne autre que par les prix.

659.
    S'agissant, premièrement, de la concurrence par les prix, les requérantes soutiennent que l'appréciation des éléments de preuve qu'elles ont apportés au sujet de leur stratégie individuelle en matière de prix est, d'un point de vue économique et d'un point de vue juridique, incompatible avec la constatation d'une position dominante collective.

660.
    À titre liminaire, les requérantes exposent qu'il convient de distinguer les taux de la conférence des taux des actions indépendantes. Elles expliquent que les taux de la conférence incluent les taux du tarif et les taux des contrats de services de la conférence. Les taux du tarif comprennent à leur tour, d'une part, les «taux ordinaires» relatifs au transport de marchandises relevant de certaines catégories indépendamment de la quantité («class tariff») et, d'autre part, les TVR relatifs au transport d'un volume déterminé sur une période spécifique. Tous ces taux auraient en commun d'être déterminés par les membres de la conférence collectivement. Les taux des actions indépendantes, quant à eux, comprennent les actions indépendantes à la fois sur les «taux ordinaires» et sur les TVR («time/volume rates independent action» ou «TVRIA») et les contrats de services individuels. Ils seraient négociés directement entre le chargeur et le ou les (en cas de contrats de services communs) membres de la conférence.

661.
    Les requérantes soulignent que tant les taux de la conférence que les taux des actions indépendantes reflètent la concurrence sur le marché. Ainsi, dans le cadre de la fixation des taux de la conférence, elles devraient tenir compte de la concurrence exercée par les non-membres de la conférence, les opérateurs actifs sur des routes alternatives, les actions indépendantes, les autres modes de transport et du pouvoir d'achat des clients. Les requérantes font observer que, en raison de cette concurrence, les taux prévalant sur le trafic transatlantique sont bas, ainsi que le démontrent les conclusions des rapports Drewry et Mercer.

662.
    Les requérantes soutiennent que, dans le cadre des conférences maritimes de ligne, la constatation d'une stratégie commune de prix exige que tout ou pratiquement tout le fret soit transporté par la conférence aux «taux ordinaires» de la conférence ou aux taux des contrats de services de la conférence. Or, en l'espèce, les requérantes auraient suivi une politique indépendante en matière de prix en réponse à la concurrence tant interne qu'externe. L'existence d'une concurrence interne serait démontrée par les actions indépendantes, les contrats de services individuels et communs et les contrats avec les NVOCC. Selon les requérantes, nier cette concurrence interne reviendrait à considérer, ce qui est la thèse implicite de la Commission, que les membres d'une conférence maritime doivent, par définition, faire l'objet d'un examen collectif, indépendamment des preuves de concurrence interne par les prix ou autre que par les prix. Les requérantes estiment que les éléments de preuve décrits ci-après démontrent qu'elles n'ont pas adopté le même comportement de fixation des prix sur le marché. La Commission n'aurait avancé aucun élément de preuve en sens contraire.

663.
    En premier lieu, en ce qui concerne les actions indépendantes, les requérantes soutiennent que, même s'il est exact qu'elles sont souvent de très courte durée ou servent de solution provisoire pendant la négociation de contrats de services, ces actions sont la manifestation d'une concurrence interne par les prix en ce sens que le recours aux actions indépendantes, même pour une courte période, est une décision indépendante en matière de prix. Les requérantes soulignent, en particulier, la possibilité pour tout membre d'une conférence de suivre l'action indépendante prise par un autre membre (par le biais d'un «me too»). Selon les requérantes, ces actions constituent une preuve de concurrence interne, car elles témoignent de la volonté du membre suiveur de rester compétitif par rapport au membre ayant pris l'initiative. Le droit de «me too» serait garanti par l'US Shipping Act.

664.
    Les requérantes soulignent, en outre, que la procédure applicable aux actions indépendantes confère une marge de manoeuvre importante aux conférences afin qu'elles puissent répondre à la concurrence interne et externe. À cet égard, elles relèvent que les actions indépendantes sur les «taux ordinaires» doivent être notifiées au secrétariat de la conférence qui les notifie à son tour à tous les membres de la conférence et les publie dans le nouveau tarif de la conférence, de sorte que chaque chargeur peut en bénéficier pendant sa période de validité sans obligation d'effectuer le transport avec le membre ayant pris l'initiative. En ce qui concerne les TVRIA, les requérantes soulignent que tout membre de la conférence peut participer à ces actions pour autant qu'il le fasse avant que le taux ne devienne effectif et moyennant l'accord du membre ayant pris l'initiative. Les requérantes soulignent, en outre, que, en vertu des règles de la FMC, dès que le taux est accepté par un chargeur, il ne peut plus être modifié, même si, ultérieurement, le taux de la conférence diminue.

665.
    En l'espèce, les requérantes exposent que les actions indépendantes des membres du TACA au cours de la période de 1994 à 1997 ont été nombreuses et font valoir, sur la base de données concernant les TVRIA pour l'année 1996 que, premièrement, en 1996, 8,3 % du total des chargements sur la route transatlantique a été effectué dans le cadre d'un TVRIA; deuxièmement, elles ont poursuivi des stratégies différentes en la matière (par exemple, alors que deux membres du TACA n'ont effectué aucun TVRIA, deux autres membres ont transporté plus de 20 % de leur chargement total dans ce cadre); troisièmement, même si elles ne sont pas en mesure de déterminer le volume de fret transporté dans le cadre d'une action indépendante sur les «taux ordinaires», il est évident que le volume de fret transporté dans ce cadre est plus élevé que celui transporté dans le seul cadre des TVRIA.

666.
    Les requérantes exposent également, sur la base de données chiffrées relatives à l'année 1996, que la concurrence entre les membres de chacun des consortiums auxquels sont parties les membres du TACA est caractérisée par l'exercice d'actions indépendantes et de «me too», ce qui contredit l'affirmation, au considérant 198 de la décision attaquée, selon laquelle «les accords de partage de navires ont pour effet de réduire le nombre d'actions indépendantes engagées par leurs membres». À cet égard, les requérantes précisent que la déclaration d'un fonctionnaire de la FMC, reproduite par la décision attaquée au considérant 197, et qui sert de fondement à cette affirmation, ne représente pas la position officielle de la FMC. Le fait que celle-ci aurait accepté un nombre élevé d'accords de partage de navires démontrerait d'ailleurs que la FMC ne fait aucun lien entre l'existence de ce type d'accords et le niveau d'activité des actions indépendantes entreprises par ses membres. Les requérantes prennent note de ce que, dans son mémoire en défense, la Commission considère ce point de la décision attaquée comme mineur, mais maintiennent que la Commission n'a fourni aucune preuve à l'appui de sa constatation.

667.
    Enfin, les requérantes critiquent la pertinence de la comparaison, effectuée au tableau 4 de la décision attaquée, entre les actions indépendantes sur le trafic transpacifique et les actions indépendantes sur le trafic transatlantique. Elles relèvent, premièrement, que la Commission ne fournit aucune donnée quant à la dimension relative des deux trafics, deuxièmement, que la Commission ne tient pas compte du fait que, dans le cadre du TACA, chaque notification d'action indépendante est comptée une seule fois, quel que soit le nombre de lignes du tarif affectées (en termes de marchandises et de routes), alors que, sur le trafic transpacifique en direction de l'Asie, les actions indépendantes sont enregistrées pour chaque marchandise et pour chaque route affectées, troisièmement, que, dans le cadre du TACA, qui contient des «taux ordinaires», les actions indépendantes entreprises sur une catégorie peuvent affecter plusieurs types de marchandises, alors que, dans le cadre du trafic transpacifique, qui connaît un tarif «par marchandise», les actions indépendantes sont généralement entreprises sur une marchandise spécifique et que, quatrièmement, la Commission n'a pas indiqué la source des données qu'elle cite. Au soutien de leurs critiques, les requérantes joignent la déclaration de M. Conrad, Deputy Executive Director du Transpacific Stabilisation Agreement et ancien directeur général et président directeur général de Asia North America Eastbound Rate Agreement, qui explique pourquoi le tableau 5 de la décision attaquée ne corrobore pas les conclusions de la Commission.

668.
    En deuxième lieu, en ce qui concerne les contrats de services, les requérantes soulignent que, en 1996, elles ont conclu au total 92 contrats de services individuels et communs, représentant 17,8 % de tous les contrats de services conclus par elles et 15,3 % du total du fret transporté par elles en 1996. Les requérantes font également remarquer que la participation à des contrats de services communs traduit les politiques commerciales différentes suivies par chacun des membres du TACA. Ainsi, alors que certains membres n'ont participé à aucun de ces contrats, sept membres ont participé à au moins un contrat, tandis que huit membres ont participé à plus de 70 contrats. Elles rappellent que ces contrats de services ne requièrent pas un vote de la conférence. Étant donné que pratiquement toutes les requérantes ont conclu des contrats de services individuels ou communs, et l'ont fait à des degrés divers, les requérantes affirment ne pas comprendre la portée de l'observation de la Commission selon laquelle un peu moins de la moitié des contrats ont été conclus avec des chargeurs propriétaires. Quant à la circonstance, relevée par la Commission, que presque tous les contrats de services prévoyaient des prix différents, les requérantes font observer qu'il s'agit du résultat de stratégies individuelles de transporteurs individuels. De même, le fait que certains chargeurs ont également expédié une partie de leur fret dans le cadre de contrats de services de la conférence serait le reflet de la volonté des transporteurs individuels de faire des affaires en tant qu'opérateurs individuels faisant concurrence, sur l'ensemble du marché de la conférence, à d'autres membres de la conférence et à des compagnies non membres de la conférence.

669.
    Les requérantes font valoir que la conclusion de ces contrats de services a entraîné une réduction du tarif de la conférence. Ainsi, le contrat de services individuel conclu en 1996 par Hanjin avec Wittwer Schwelm concernant le transport de pièces de rechange automobiles et de produits chimiques aurait, après avoir donné lieu à un «me too» de la part d'Ocean World Lines, entraîné une réduction du «taux ordinaire» de différentes marchandises pouvant atteindre 17,7 %. Ces éléments de preuve auraient été fournis à la Commission dans la réponse à la communication des griefs, mais la Commission n'en aurait pas tenu compte dans la décision attaquée, sans donner la moindre explication.

670.
    En troisième lieu, en ce qui concerne la concurrence pour le transport du fret des NVOCC, les requérantes allèguent que les stratégies individuelles adoptées par chacun des membres du TACA démontrent l'absence de position dominante collective. Ainsi, il ressortirait des données chiffrées fournies dans la requête que, premièrement, en 1994, sept des seize membres du TACA à l'époque se sont fait concurrence pour le transport du fret des NVOCC, deuxièmement, en 1995, neuf des dix-sept membres du TACA à l'époque se sont fait concurrence pour le transport du fret des NVOCC, troisièmement, en 1996, quinze des dix-sept membres du TACA se sont fait concurrence pour le transport du fret des NVOCC et, quatrièmement, en 1997, seize des dix-sept membres du TACA se sont fait concurrence pour le transport du fret des NVOCC. Par ailleurs, il ressortirait de ces mêmes données que la part de chacune des requérantes dans le total du fret transporté par la conférence pour des NVOCC a varié considérablement au cours de la période en cause, ce qui traduirait à nouveau les politiques différentes suivies par chacun des membres du TACA en la matière. Ainsi, par exemple, la part de Hapag Lloyd dans le fret de la conférence auprès des NVOCC aurait augmenté entre 1994 et 1997 de 0,9 à 9,6 %, au détriment des compagnies qui traitent traditionnellement ce type de fret. L'explication pertinente aurait été fournie par le conseil des requérantes dans une lettre du 3 mai 1995 à la Commission, qui explique:

«En ce qui concerne le fret transporté par conteneur complet (‘full container load’ ou ‘FCL’), certaines parties au TACA ont choisi, dans le cadre de leur politique globale d'entreprise, de leur planification ainsi que de leur stratégie de commercialisation et d'investissement, de ne pas conserver de gros effectifs de vente et/ou des réseaux d'agences étendus pour obtenir du fret du nombre relativement élevé de petits et moyens chargeurs propriétaires de fret FCL. Par conséquent, de tels transporteurs tendent à avoir davantage recours aux [NVOCC] pour obtenir et grouper des volumes importants de fret FCL. À l'inverse, d'autres membres du TACA ont choisi de conserver de gros effectifs de vente, un service important à la clientèle ainsi que des réseaux d'agences étendus et d'en supporter les coûts fixes. Ces transporteurs ont davantage tendance à traiter directement avec les chargeurs propriétaires de fret FCL et ont dès lors tendance à considérer les [NVOCC] comme des transporteurs concurrents et rivaux (puisque eux aussi essayent d'obtenir du fret FCL auprès de ces chargeurs).»

671.
    Se trouverait, par exemple, dans le premier cas, Cho Yang, dont la part dans le fret de la conférence auprès des NVOCC aurait diminué de 1994 à 1997 de 19,5 à 8,3 %. Au stade de la réplique, les requérantes précisent que ce sont les anciennes compagnies indépendantes, qui ne disposent pas des infrastructures de marketing et de vente nécessaires pour livrer une concurrence efficace aux chargeurs propriétaires, qui se sont basées sur les NVOCC pour fournir cette infrastructure de marketing et de vente. Les requérantes estiment que ces politiques divergentes en matière de fret des NVOCC ont entraîné une concurrence significative entre les membres du TACA, qui a eu pour effet que des membres ont perdu une part importante de cette activité au bénéfice d'autres membres.

672.
    À la lumière de ces éléments, les requérantes réfutent l'allégation, au considérant 296 de la décision attaquée, selon laquelle «la majorité des membres du TACA ne se font pas concurrence pour participer à des contrats de services avec les transporteurs maritimes non exploitants de navires (NVOCC)». Elles soulignent que la Commission, bien qu'elle reproduise la lettre du 3 mai 1995 à la note de bas de page n° 55 sous le considérant 151 de la décision attaquée, a ignoré leur explication. Par ailleurs, elles reprochent à la Commission d'avoir fondé son allégation sur des données relatives à la seule année 1995 sans examiner les tendances et développements qu'a connu le marché en raison des variations dans la stratégie individuelle de chacune des parties au TACA. Enfin, elles relèvent que l'allégation de la Commission semble se limiter aux contrats de services avec les NVOCC. Or, il ressortirait des données fournies dans la requête que Hapag Lloyd a transporté tout son fret des NVOCC en 1994, en 1995 et en 1996 dans le cadre de TVR et que cette compagnie était la seule à procéder de la sorte en 1994. En 1995 et en 1996, plusieurs requérantes auraient également transporté du fret des NVOCC dans ce même cadre. À cet égard, les requérantes précisent que, depuis 1994, l'ensemble du fret des NVOCC dans le cadre de TVR a été transporté non à un taux convenu conjointement, mais à un taux fixé par les compagnies agissant individuellement au titre de TVRIA.

673.
    Quant à l'observation critique de la Commission selon laquelle quatre des membres du TACA ont transporté la majorité du fret des NVOCC, les requérantes font valoir qu'elle revient à soutenir que les membres du TACA n'auraient des stratégies suffisamment différentes que s'ils faisaient tous la même chose. Or, selon les requérantes, la question pertinente est plutôt de savoir si les membres du TACA ont poursuivi des stratégies différentes en ce qui concerne le fret des NVOCC, ce qu'ils ont fait, les éléments qui précèdent démontrant que le transport du fret des NVOCC a considérablement changé avec le temps. Que ces transports aient été réalisés au titre des contrats de services ou dans le cadre de TVR serait sans importance. Selon les requérantes, ce qui importe, c'est la concurrence pour ce fret.

674.
    S'agissant, deuxièmement, de la concurrence autre que par les prix, les requérantes allèguent que l'appréciation des éléments de preuve qu'elles ont apportés à cet égard en ce qui concerne leur stratégie individuelle est, d'un point de vue économique et d'un point de vue juridique, incompatible avec la constatation d'une position dominante collective. En particulier, les requérantes reprochent à la Commission d'avoir constaté, au considérant 194 de la décision attaquée, que «le ‘produit’ offert par chaque transporteur ne se distingue plus des autres», nonobstant les nombreux éléments de preuve de concurrence autre que par les prix apportés par elles au cours de la procédure administrative.

675.
    À titre liminaire, les requérantes font observer que les services offerts par les transporteurs maritimes ne se limitent pas aux services inclus expressément dans les contrats de services, mais doivent s'entendre également comme visant les «services à valeur ajoutée», à savoir ceux qui déterminent la sélection par un chargeur au stade précontractuel des transporteurs appelés à faire offre pour le transport d'un fret déterminé, le choix de traiter avec tel ou tel transporteur et le choix d'un transporteur déterminé dans le cadre d'un contrat de services de la conférence ou d'un contrat de services individuel conclu en commun. Les requérantes estiment que ces éléments de concurrence se reflètent dans les contrats de services de la conférence, les exigences de services spécifiques des chargeurs et les «services à valeur ajoutée».

676.
    En premier lieu, en ce qui concerne les contrats de services de la conférence, les requérantes soulignent que, lorsqu'un tel contrat est signé, c'est au chargeur qu'il appartient, selon son jugement commercial, de répartir son fret entre les transporteurs participants. Les requérantes soutiennent, sur la base de données fournies dans la requête, que, dans la majorité des cas, l'identité du «transporteur principal» («lead carrier») a changé d'année en année et que la proportion de fret transporté par le «transporteur principal» varie considérablement d'année en année. À cet égard, il ne serait pas exact de soutenir, comme le fait la Commission sur la base de l'annexe V de la décision attaquée, que la plupart des changements de transporteurs auraient eu lieu au sein des groupements de transporteurs parties à un même accord. Au contraire, il ressortirait de cette annexe que la part respective des chargeurs dans le fret transporté par les sociétés appartenant à chaque groupement a considérablement changé au cours des années 1994 à 1996. Étant donné que le taux des contrats de services de la conférence a été convenu dans le cadre des procédures de la conférence, les requérantes considèrent que ces changements doivent être attribués à la concurrence autre que par les prix.

677.
    En deuxième lieu, en ce qui concerne les exigences de services spécifiques des chargeurs, les requérantes font valoir que les chargeurs sélectionnent les transporteurs sur la base des services spécialisés à «valeur ajoutée» qu'ils proposent. Il existerait d'ailleurs un large assortiment de services qui, isolément ou en combinaison avec d'autres, détermineraient le choix par le chargeur d'un transporteur.

678.
    À l'appui de ces affirmations, les requérantes invoquent, premièrement, les déclarations des chargeurs au moment de la négociation de contrats de services de la conférence avec le secrétariat de la conférence. Le fait que les chargeurs attacheraient une importance considérable aux différences dans le niveau des services fournis par les transporteurs ressortirait en particulier des demandes des chargeurs de bénéficier d'un taux réduit de la part des transporteurs qui, de leur point de vue, offrent des services de moindre qualité. Selon les requérantes, les éléments de différenciation sont relatifs aux périodes de transit, à la disponibilité des équipements, à la disponibilité de «slots», aux ports d'escale, au contenu des services, aux services de vente et à la vitesse de chargement. Deuxièmement, les requérantes se réfèrent aux exigences posées par les chargeurs dans leurs appels d'offres ainsi qu'aux réponses des transporteurs à ces appels d'offres. Ces documents illustreraient également la variété des services spécifiques qui sont requis de chaque transporteur individuel. Quant à la circonstance que les requérantes auraient, au cours de la procédure administrative, sollicité le traitement confidentiel de ces appels d'offres de sorte que la Commission n'aurait pas pu vérifier l'avis des chargeurs, les requérantes soulignent qu'elle n'empêchait nullement la Commission de mener une enquête générale. Troisièmement, les requérantes soulignent que les contrats de services de la conférence contiennent, dans la grande majorité des cas, des clauses standard qui prévoient à la charge des transporteurs, d'une part, des obligations collectives de services en matière de régularité des horaires, d'espaces disponibles sur le navire, d'escales, de temps de transit et de conteneurs et, d'autre part, des obligations individuelles de services en matière de publicité des horaires, de sécurité et de services/équipements spéciaux. Les requérantes soulignent par ailleurs qu'un nombre élevé de contrats de services conclus en 1995 contient des clauses de services négociées individuellement avec les chargeurs. Les requérantes relèvent, dans leur requête, seize clauses différentes de ce type. L'assertion, au considérant 146 de la décision attaquée, selon laquelle «[i]l a été rapporté à la Commission que les représentants commerciaux des compagnies maritimes prétendent que les clauses TAA/TACA ne les autorisent pas à offrir autre chose qu'un contrat de services standard, à savoir un contrat dépendant du volume sans services supplémentaires», serait dès lors dénuée de fondement. En tout état de cause, il conviendrait de reconnaître que les éléments pris en compte par un chargeur lors de la sélection d'un transporteur maritime ne prennent pas en général la forme de clauses contractuelles, la sélection s'opérant en général sur la base des éléments de valeur ajoutée décrits plus haut. Quatrièmement, les requérantes expliquent que, dans le cadre de contrats de services de la conférence, les membres de la conférence se font concurrence sur la base d'offres de services individuels. Ainsi, chaque chargeur sélectionnerait un transporteur pour des raisons qui lui sont propres. En réponse à la critique de la Commission selon laquelle la requête exposerait à cet égard non l'avis des chargeurs, mais l'opinion des requérantes, celles-ci font valoir que la Commission n'a pas cherché à obtenir des preuves de la part des chargeurs et qu'elle rejette également les déclarations des chargeurs citées dans la requête. Enfin, cinquièmement, les requérantes mettent en exergue l'existence de contrats de coopération globale entre transporteurs et chargeurs.

679.
    En troisième lieu, les requérantes allèguent qu'elles poursuivent des stratégies individuelles différentes pour satisfaire les exigences des chargeurs en matière de services. Premièrement, en ce qui concerne le transport maritime océanique, elles relèvent que les membres du TACA se font concurrence sur la durée des périodes de transit et les ports d'escales, la durée des périodes d'attente et d'enlèvement, en particulier dans le cadre d'un transport multimodal, ainsi que sur la durée des préavis d'arrivée et les notifications d'immobilisation de conteneurs. Selon les requérantes, ces données chiffrées démontrent en tous cas le caractère erroné de l'allégation de la Commission selon laquelle les parties au TACA ont cherché à déterminer les ports dans lesquels elles devaient ou ne devaient pas faire escale. Deuxièmement, les requérantes soulignent que les membres du TACA prennent des initiatives individuelles en matière d'achat d'équipements spéciaux et de transport de conteneurs non standardisés. Troisièmement, en ce qui concerne les services portuaires et à terre, elles font valoir que les membres du TACA se font concurrence sur le plan logistique, notamment quant à leur capacité à repositionner les conteneurs dans les ports adéquats en fonction de la demande des chargeurs, ainsi que sur la possibilité d'offrir des services pendant les week-ends et des services spéciaux en cas de réservation ou de livraison tardive. Quatrièmement, en ce qui concerne les technologies de l'information, les requérantes soulignent qu'elles ont dû prendre des initiatives individuelles afin de satisfaire les exigences des chargeurs en matière d'échange de données informatisées (electronic data interchange) et de services Internet, notamment pour leur permettre d'être informées rapidement des transports en cours. Cinquièmement, les requérantes offriraient des services différents en matière de procédure de douane. Sixièmement, les requérantes font remarquer qu'elles n'assurent pas toutes le même niveau de qualité. En particulier, elles relèvent que toutes les compagnies maritimes n'ont pas obtenu la certification ISO 9002 (gestion de la qualité). Enfin, septièmement, les requérantes insistent sur le fait qu'elles commercialisent leurs services, que ce soit par les médias traditionnels ou électroniques, sur une base individuelle et qu'elles n'effectuent aucune publicité collectivement en tant que conférence ou consortium. Par ailleurs, elles font valoir que leur politique de commercialisation est destinée à distinguer les services individuels qu'elles offrent par rapport à ceux proposés par les autres compagnies.

680.
    Pour toutes ces raisons, les requérantes concluent qu'elles fournissent des services distincts et se font concurrence en vue de satisfaire les exigences spécifiques des chargeurs. Il serait dès lors erroné de considérer qu'elles adoptent un même comportement sur le marché et se présentent comme une entité unique sur le marché.

681.
    La requérante dans l'affaire T-213/98 expose que les circonstances particulières caractérisant sa situation individuelle, et non contestées par la Commission, confirment l'absence d'une position dominante collective. Elle fait valoir que sa politique commerciale et notamment les raisons pour lesquelles elle a adhéré au TACA en 1993 démontrent qu'elle agit de manière autonome en concurrence avec les autres membres du TACA, de sorte qu'il ne saurait être considéré qu'elle forme une entité économique unique avec les autres membres du TACA.

682.
    La requérante explique, à titre liminaire, que les raisons qui l'ont poussée à devenir membre du TACA étaient, contrairement à ce qu'affirme la Commission au considérant 293 de la décision attaquée, justifiées sur un plan commercial. Elle fait valoir à cet égard que, en tant que transporteur traditionnel actif sur le trafic transpacifique et le trafic entre l'Europe et l'Asie, elle a dû se transformer en transporteur global afin de s'adapter à la tendance de la clientèle à davantage centraliser leurs achats sur un plan régional (Amérique du Nord, Europe), voire sur un plan mondial. C'est dans ce contexte que la requérante aurait décidé de développer des activités de transport sur le trafic transatlantique afin de fournir à ses clients existants un réseau unique («one stop shop») pour le transport de leurs marchandises à travers le monde.

683.
    Au vu des pertes annuelles subies par les membres du TACA sur ce trafic [voir considérant 590, sous b), de la décision attaquée], NYK aurait estimé que l'introduction d'un service indépendant comportait des risques excessifs. Elle aurait dès lors choisi de développer ses activités sur ce trafic dans le cadre d'un accord de consortium avec Hapag Lloyd et NOL (Pacific Atlantic Express), dont l'objet était de fournir à la fois un service transpacifique et un service transatlantique. La requérante reconnaît que sa présence sur le marché transatlantique est demeurée limitée. Cette circonstance serait toutefois justifiée par le fait que sa clientèle traditionnelle requiert essentiellement le transport de fret sur le trafic transpacifique et qu'il était difficile d'anticiper dans quelle mesure la clientèle serait disposée à lui confier le transport de son fret sur le trafic transatlantique.

684.
    Selon la requérante, la raison pour laquelle elle a ensuite adhéré au TAA/TACA réside dans le fait que les clients cibles en Europe et en Amérique du Nord utilisaient cette conférence pour le transport de leur fret. Par ailleurs, NYK souligne qu'elle opère traditionnellement dans le cadre de conférences et que son adhésion au TACA était de nature à promouvoir la stabilité sur le trafic en cause, conformément à l'objectif exprimé par le huitième considérant du règlement n° 4056/86. Enfin, dans la mesure où, en vertu du droit américain, l'adhésion à une conférence ne peut être refusée et cette adhésion permet l'accès aux contrats de services de la conférence dans les mêmes conditions que celles dont bénéficient les autres membres, NYK aurait simplement saisi les opportunités offertes par le droit américain afin d'augmenter le fret transporté sur le trafic en cause dans le cadre d'un nouveau service global.

685.
    La requérante soutient que les raisons qui l'ont poussée à devenir membre du TACA ont déterminé la politique commerciale indépendante qu'elle a poursuivie ultérieurement à son adhésion. Ainsi, la requérante explique que sa politique commerciale sur le trafic transatlantique avait pour objectif de se concentrer sur les clients traditionnels de la compagnie sur d'autres trafics. Selon elle, l'avantage commercial qu'elle pouvait offrir à ses clients tenait, d'une part, à la possibilité de faire transporter le fret transatlantique vers la côte Ouest des États-Unis d'Amérique et les lignes transpacifiques uniquement par voie navigable (par le biais du canal de Panama) et, d'autre part, aux services offerts vers les ports canadiens en dehors de la conférence.

686.
    Contrairement à ce que la Commission laisse entendre dans la décision attaquée (considérants 293 et suivants), l'adhésion au TACA ne donnerait nullement à un transporteur la garantie d'entrer avec succès sur un nouveau trafic. La requérante précise tout d'abord que l'accès immédiat aux contrats de services du TACA ne signifie pas la garantie d'obtenir le fret couvert par ces contrats, car il appartient à chaque transporteur de convaincre les chargeurs de leur confier du fret. La Commission conclurait dès lors à tort, au considérant 564, que l'accès immédiat aux contrats de services de la conférence a incité Hyundai à adhérer au TACA. La requérante souligne d'ailleurs que, si les diverses initiatives commerciales qu'elle a prises lui ont permis de gagner certains nouveaux clients et de pénétrer de nouveaux marchés (par exemple, le marché des effets personnels au Royaume-Uni), elle a également perdu certains clients ou a été contrainte de se retirer de certains marchés, par exemple pour des raisons logistiques. La requérante rappelle que sa part de marché sur le trafic en cause a ainsi décliné de 0,9 % en 1994 à 0,6 % en 1995 et en 1996.

687.
    Dans ces circonstances, la requérante estime que la Commission ne saurait soutenir que les parts de marché des membres du TACA n'ont pas fluctué au cours de la période en cause et que l'absence d'une telle fluctuation démontre l'absence de concurrence. En tout état de cause, la requérante estime que des parts de marché stables ne signifient pas nécessairement une absence de concurrence. Dans le secteur maritime, il y aurait une tendance naturelle à ce que les parts de marché reflètent les capacités offertes par les compagnies sur chaque ligne. De surcroît, la requérante allègue que des parts de marché stables peuvent aussi s'expliquer par la fidélité des clients ou par des transferts de clients. La requérante relève que la doctrine économique citée par la Commission dans son mémoire en défense soutient cette thèse, puisque Scherer & Ross (Industrial Market Structure and Economic Performance, Houghton Mifflin, 1990) reconnaissent l'existence de fréquents changements de marques en raison de l'absence de préférence des consommateurs. Dans ces conditions, il importe peu, selon la requérante, que les transporteurs maritimes se livrent à de «vaines tentatives pour différencier des produits», comme l'affirment ces auteurs.

688.
    La requérante soutient encore qu'elle n'a jamais pris la décision de ne pas concourir pour du fret afin de faciliter l'implantation de Hyundai et de Hanjin sur le trafic. Dans la mesure où un refus de fournir des clients risquait d'entraîner leur perte sur d'autres trafics, il n'y aurait eu aucune raison commerciale d'adopter un tel comportement.

689.
    La requérante ajoute par ailleurs que, dans la mesure où l'accès à la conférence ne peut pas être refusé et où il n'existe aucun accord dans le cadre du TACA en vue de limiter les capacités offertes par chaque transporteur individuel, la conférence n'est pas en mesure de contrôler les capacités, en particulier celles offertes par des transporteurs indépendants. Il en résulte, selon la requérante, que les parties au TACA ne sont pas en mesure, en ce qui concerne un aspect essentiel de la relation entre l'offre et la demande, d'agir en tant qu'entité économique unique ou d'éliminer la concurrence potentielle.

690.
    En ce qui concerne plus particulièrement la concurrence par les prix, la requérante précise que le nombre relativement faible, par rapport aux autres membres du TACA, d'actions indépendantes qu'elle a entreprises en matière de prix, y compris sous la forme de TVR ou de contrats de services individuels ou communs, figurant dans les tableaux de la partie commune de la requête, ne doit pas être interprété comme un indice qu'elle n'a pas utilisé son droit de mener une politique de prix autonome. D'une part, il conviendrait d'avoir égard au fait que ces chiffres, exprimés en termes absolus, doivent se comprendre dans le contexte de sa part de marché limitée sur le trafic en cause. D'autre part, ces données ne tiendraient pas compte des actions qu'elle a entreprises sur le trafic vers les ports canadiens, sur lequel elle opère en dehors de toute conférence. De même, la requérante fait observer que si le fret des NVOCC qu'elle a transporté peut apparaître peu important, il n'en demeure pas moins que l'un de ses clients principaux était un NVOCC et que le fret de ce dernier représentait 25 % de ses transports Westbound en 1995. Elle souligne que plus de 30 % du fret transporté Westbound, y compris vers les ports canadiens, était du fret des NVOCC.

691.
    Quant à la circonstance alléguée par la Commission selon laquelle les requérantes font partie d'une conférence maritime bénéficiant d'une exemption par catégorie pour les activités de fixation des tarifs maritimes, elle est, selon la requérante, dénuée de pertinence dès lors que les requérantes ont démontré l'existence d'une concurrence fondée sur d'autres paramètres. La Commission aurait d'ailleurs reconnu l'existence d'une telle concurrence dans le contexte d'un consortium (décision P & O/Nedlloyd, précitée). Or, la requérante souligne que le TACA inclut différents consortiums. De même, la Commission aurait expressément reconnu, dans le contexte du règlement (CE) n° 870/95 de la Commission, du 20 avril 1995, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à certaines catégories d'accords, de décisions et de pratiques concertées entre compagnies maritimes de ligne (consortia) en vertu du règlement n° 479/92 (JO L 89, p. 7, voir considérant 8 et article 5, deuxième tiret), la possibilité qu'il existe une concurrence effective entre les membres d'une conférence en termes de services fournis, l'existence d'une telle concurrence étant une condition préalable de l'application du règlement d'exemption.

692.
    Enfin, la requérante relève que la décision attaquée ne traite pas de la question de savoir si sa participation au TACA a eu un effet sensible tel sur le marché en cause qu'il peut être considéré qu'elle a contribué aux pratiques abusives commises par un groupe d'entreprises détenant une position dominante collective.

693.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, estime que les arguments avancés par les requérantes dans le cadre des présents moyens ne sont pas fondés et qu'ils doivent, en conséquence, être rejetés.

b) Appréciation du Tribunal

694.
    Par leurs arguments avancés dans le cadre des présents moyens, les requérantes font valoir, en substance, que la concurrence interne significative existant entre les parties au TACA est incompatible avec la constatation de l'existence d'une position dominante collective.

695.
    Sans préjudice de la question de savoir si l'existence d'une concurrence interne significative au sein d'une conférence maritime, au sens du règlement n° 4056/86, est susceptible d'affecter la stabilité du trafic justifiant l'application de l'exemption par catégorie prévue par ledit règlement et, dès lors, de conduire la Commission à retirer le bénéfice de celle-ci, il convient d'admettre avec les requérantes qu'une concurrence interne significative peut également être de nature à démontrer que, en dépit des divers liens ou facteurs de corrélation existant entre les membres d'une conférence maritime, ces derniers ne sont pas en mesure d'adopter une même ligne d'action sur le marché pouvant les faire apparaître comme une entité unique vis-à-vis des tiers et, partant, justifiant une appréciation collective de leur position sur le marché au regard de l'article 86 du traité.

696.
    En l'espèce, les requérantes avancent des éléments relatifs tant à la concurrence par les prix qu'à la concurrence autre que par les prix. Par ailleurs, la requérante dans l'affaire T-213/98 fait valoir un certain nombre d'arguments spécifiques.

i) Sur la concurrence interne par les prix

697.
    Les requérantes font valoir que les actions indépendantes, les contrats de services et le transport du fret des NVOCC témoignent de la concurrence que se livrent les membres du TACA entre eux en matière de prix. En substance, les requérantes soulignent que les actions indépendantes et les contrats de services individuels conduisent à appliquer des prix inférieurs au tarif, tandis que les contrats de services de la conférence et le transport du fret des NVOCC traduisent des stratégies commerciales individuelles, certains des membres du TACA y recourant plus que d'autres.

698.
    S'agissant, en premier lieu, des actions indépendantes, à savoir le droit, prévu par la législation américaine, pour tout membre d'une conférence maritime de proposer un prix inférieur au tarif de la conférence, il convient d'abord de relever que cette faculté, imposée par la législation d'un État tiers, de déroger, sous certaines conditions, à la discipline tarifaire issue des accords de fixation des prix de transport maritime revêt un caractère exceptionnel par rapport au principe de fixation des prix en commun par une conférence (arrêt TAA, point 307).

699.
    Il ressort, ensuite, de l'article 13 de l'accord TACA que, en dépit de sa dénomination, l'action indépendante est, ainsi que la Commission le souligne au considérant 104 de la décision attaquée, sans être contredite par les requérantes sur ce point, surveillée et encadrée par les règles de la conférence, en ce sens que le secrétariat du TACA doit être informé avant sa mise en oeuvre, ce qui donne la possibilité aux autres membres de s'aligner ou de persuader son auteur d'y renoncer. L'action indépendante ne relève donc pas du jeu normal de la concurrence, en vertu duquel tout opérateur doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché, ce qui s'oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché (arrêt TAA, point 307).

700.
    Par ailleurs, il est constant entre les parties que, comme la Commission l'a exposé aux considérants 215 et 216 de la décision attaquée, les actions indépendantes peuvent porter sur une période très courte et servir de solution provisoire pendant la négociation des contrats de services.

701.
    Au surplus, il convient de constater que les données fournies par les requérantes elles-mêmes ne permettent pas d'infirmer la constatation, au considérant 221 de la décision attaquée, selon laquelle le recours aux actions indépendantes est resté insignifiant sur le trafic transatlantique. À cet égard, il convient de relever que, si, certes, ces données indiquent le nombre d'actions indépendantes pratiquées par les membres du TACA sur les prix du tarif, en ce compris les TVRIA, en 1994, en 1995 et en 1996, elles n'indiquent toutefois pas, pour les deux premières années, les quantités de fret transportées dans le cadre desdites actions, de sorte qu'elles ne sauraient se voir attribuer une valeur probante aux fins de démontrer l'existence d'une concurrence interne significative. Bien au contraire, il ressort des données relatives à 1996, lesquelles sont les seules à indiquer, en ce qui concerne les TVRIA, les quantités de fret transportées dans le cadre d'actions indépendantes, que, au cours de cette année, le fret concerné par les TVRIA n'a représenté que 8,3 % du total du fret transporté par les parties au TACA, soit une quantité relativement marginale de celui-ci.

702.
    À cet égard, il doit encore être souligné que la Commission a constaté au tableau 5, sous le considérant 220 de la décision attaquée, que le nombre d'actions indépendantes sur le trafic transatlantique est insignifiant par rapport au nombre d'actions indépendantes sur le trafic transpacifique. Bien que les requérantes contestent la méthode suivie par la Commission pour calculer et comparer le nombre d'actions indépendantes sur les deux trafics en cause et qu'elles fassent valoir que la décision attaquée n'explique pas l'absence de données quant à la taille respective des deux trafics, il convient de constater que les requérantes n'apportent aucun élément de nature à démontrer que la conclusion tirée par la Commission, selon laquelle le nombre d'actions indépendantes sur le trafic transatlantique ne revêt pas un caractère significatif, est erronée.

703.
    Partant, les arguments des requérantes visant à établir l'existence d'une concurrence interne significative résultant des actions indépendantes doivent être rejetés.

704.
    S'agissant, en deuxième lieu, des contrats de services, il convient d'abord de relever, en ce qui concerne les contrats de services de la conférence, que c'est à juste titre que la Commission a considéré, au considérant 224 de la décision attaquée, que de tels contrats ne sauraient être invoqués pour démontrer l'existence d'une concurrence interne par les prix. En effet, eu égard au fait que les contrats de services de la conférence sont conclus en commun au sein de la conférence selon les procédures de vote définies par l'accord TACA, ces contrats impliquent, par essence, la fixation collective d'un prix commun par tous les membres de la conférence participant audit contrat. Quant à la circonstance alléguée par les requérantes, selon laquelle certains membres du TACA participent plus souvent que d'autres aux contrats de services de la conférence, elle est sans pertinence dès lors que les chargeurs parties à de tels contrats se voient, en tout état de cause, imposer un prix commun pour le transport de leur fret, quel que soit le membre du TACA participant au contrat qui effectue ledit transport.

705.
    Ensuite, en ce qui concerne les contrats de services individuels, il doit être constaté que, si ces contrats constituent certes une source de concurrence interne par les prix, ils ont été interdits par le TACA en 1994 et en 1995. En conséquence, ces contrats ne peuvent être invoqués par les requérantes comme preuve de l'existence d'une concurrence interne que pour une seule des trois années couvertes par la décision attaquée, à savoir 1996. De plus, il ressort des propres données chiffrées fournies par les requérantes que, en 1996, les contrats de services individuels n'ont représenté que 15,3 % du total du fret transporté par le TACA. Par ailleurs, il ressort des mêmes données que la plupart de ces contrats de services individuels ont été conclus en commun par plusieurs transporteurs, avec pour effet que, dans ce cas, la concurrence interne par les prix n'a pas concerné toutes les parties au TACA. Enfin, il doit être rappelé que, à l'instar des actions indépendantes, la conclusion et la négociation des contrats de services individuels étaient réglementées par l'article 14 de l'accord TACA, celui-ci prévoyant, ainsi que cela ressort du considérant 149 de la décision attaquée, un certain nombre de restrictions concernant leur contenu et les circonstances dans lesquelles ils pouvaient être conclus. Au considérant 447 de la décision attaquée, la Commission a considéré, sans être contredite par les requérantes sur ce point, que de telles restrictions relevaient de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Il en résulte que, même lorsque les contrats de services individuels ont été autorisés par le TACA, ils n'ont pas relevé du jeu normal de la concurrence.

706.
    Quant à l'allégation des requérantes selon laquelle les contrats de services individuels auraient entraîné une diminution du tarif, force est de constater que les requérantes n'établissent pas, pour les marchandises qu'elles identifient dans leur requête, l'existence d'un lien de causalité entre les contrats de services individuels et les diminutions du tarif décidées par le TACA, de sorte que la réalité des faits sur lesquels se fonde cette allégation n'est pas établie. En outre, il doit être observé que la circonstance selon laquelle le TACA aurait décidé de réduire le tarif pour l'aligner sur les taux des contrats de services individuels, loin de remettre en cause l'existence d'une position collective, est au contraire de nature à en confirmer l'existence, puisqu'elle traduit la capacité des parties au TACA de réagir collectivement aux initiatives individuelles prises par certaines d'entre elles afin d'étendre à l'ensemble de la conférence les taux inférieurs proposés par ces dernières.

707.
    Partant, les arguments des requérantes visant à établir l'existence d'une concurrence interne significative résultant des contrats de services doivent être rejetés.

708.
    S'agissant, enfin, du transport du fret des NVOCC, il doit être observé qu'il ressort des données chiffrées fournies par les requérantes en ce qui concerne les années 1994, 1995 et 1996 que l'ensemble du fret des NVOCC a été transporté par les parties au TACA soit dans le cadre de TVR, soit dans le cadre de contrats de services. S'agissant des TVR, les requérantes ont, en réponse à une question écrite du Tribunal sur ce point, étayé leur affirmation figurant dans la requête selon laquelle tout le fret faisant l'objet de TVR était, en réalité, transporté dans le cadre d'actions indépendantes et constituait dès lors des TVRIA. Toutefois, cette seule circonstance, bien qu'établie, est insuffisante pour démontrer l'existence d'une concurrence interne significative au sein du TACA en matière de prix. En effet, d'une part, il convient de souligner que le fret des NVOCC n'a représenté, en 1994, en 1995 et en 1996, que, respectivement, 12,5, 14,5 et 15,1 % du fret total transporté par le TACA au cours de ces trois années. Par ailleurs, il doit être relevé que la partie du fret des NVOCC transportée dans le cadre de TVRIA n'a représenté, au cours de ces années, que, respectivement, 1, 4,5 et 15,5 % du total du fret des NVOCC transporté par les parties au TACA, l'essentiel de ce fret étant dès lors transporté dans le cadre de contrats de services. Or, il convient de rappeler que, en 1994 et en 1995, la conclusion de contrats de services individuels était interdite par le TACA, de sorte que, au cours de ces deux années, le fret des NVOCC transporté dans le cadre de contrats de services, qui a représenté, au cours de ces deux années, respectivement, 99 et 94,5 % du total du fret des NVOCC, a fait l'objet de contrats de services de la conférence, lesquels, par essence, prévoient la fixation de prix communs. Par ailleurs, la Commission indique, sans être contredite par les requérantes sur ce point, que 70 % du fret des NVOCC transporté dans le cadre de contrats de services en 1996 a fait également l'objet de contrats de services de la conférence.

709.
    Il résulte ainsi des propres données fournies par les requérantes que, au cours de la période visée par la décision attaquée, le fret des NVOCC a, pour l'essentiel, été transporté dans le cadre de prix communs fixés par la conférence. À cet égard, il est sans pertinence, aux fins de démontrer l'existence d'une concurrence interne significative en matière de prix, que certaines parties au TACA transportent davantage de fret des NVOCC que d'autres, puisque les NVOCC se voient, pour la quasi-totalité de leur fret, appliquer un prix fixé en commun par la conférence.

710.
    Partant, les arguments des requérantes visant à établir l'existence d'une concurrence interne significative résultant du transport du fret des NVOCC doivent être rejetés.

711.
    Il résulte de ce qui précède qu'aucun des éléments avancés par les requérantes, que ce soit l'exercice d'actions indépendantes sur le tarif, la conclusion de contrats de services de la conférence et de contrats de services individuels ou le transport du fret des NVOCC, n'est de nature à établir l'existence d'une concurrence interne significative par les prix au sein du TACA. Même pris dans leur ensemble, ces éléments témoignent en effet d'une concurrence bien trop marginale pour remettre en cause l'absence de concurrence interne par les prix résultant des prix du tarif commun ou uniforme constitutif de l'accord de conférence maritime au sens du règlement n° 4056/86.

712.
    Il convient toutefois encore de vérifier si les éléments avancés par les requérantes en ce qui concerne la concurrence interne autre que par les prix sont susceptibles de remettre en cause cette conclusion.

ii) Sur la concurrence interne autre que par les prix

713.
    En substance, aux fins de démontrer l'existence d'une concurrence interne autre que par les prix significative, les requérantes font valoir, d'abord, que, dans le cadre des contrats de services de la conférence, le «transporteur principal» («lead carrier») et la proportion de fret transporté chaque année par celui-ci varient d'année en année. Ensuite, elles allèguent que les chargeurs ont des exigences de services spécifiques les conduisant à sélectionner les transporteurs sur la base des services spécialisés qu'ils proposent. Enfin, elles soutiennent que les parties au TACA poursuivent des stratégies individuelles différentes pour satisfaire les exigences des chargeurs en matière de services.

714.
    À titre liminaire, il convient de souligner que la présence entre les membres d'une conférence maritime d'autres formes de concurrence que par les prix, portant par exemple sur la qualité du service fourni, ne suffit pas, en principe, pour contredire l'existence d'une position dominante collective fondée sur des liens déduits de leur stratégie commune en matière de fixation des prix, à moins que l'ampleur et l'intensité de ces autres formes de concurrence soient de nature à faire obstacle à ce que l'on se fonde raisonnablement sur leur politique de prix commune pour établir l'existence d'une seule entité sur le marché (conclusions de l'avocat général M. Fennelly sous l'arrêt du 16 mars 2000, CEWAL, citées au point 638 ci-dessus, point 34).

715.
    En l'espèce, il incombe dès lors aux requérantes d'apporter la preuve non pas seulement du fait qu'il existe une concurrence interne au sein du TACA autre que par les prix, mais surtout du fait que cette éventuelle concurrence interne présente une ampleur et une intensité telles qu'elle est de nature à faire obstacle à ce que les parties au TACA puissent être appréciées collectivement.

716.
    C'est à la lumière de ces considérations qu'il convient d'examiner la valeur probante des éléments de preuve avancés sur ce point par les requérantes.

717.
    S'agissant, en premier lieu, des arguments relatifs aux contrats de services de la conférence, il convient d'observer que, pour apprécier l'existence d'une concurrence interne autre que par les prix, la seule circonstance selon laquelle l'identité du «transporteur principal» avec lequel les chargeurs effectuent le transport de leur fret varie selon les années est, en tant que telle, sans pertinence s'il n'est pas, par ailleurs, tenu compte du fait que chaque transporteur est également partie à des accords de consortium sur le trafic en cause. En effet, ainsi que la Commission le relève à juste titre au considérant 232 de la décision attaquée, sans être contredite sur ce point par les requérantes, lorsqu'un transporteur maritime est partie à un accord de consortium, tel que l'accord VSA entre P & O, Nedlloyd, Sea-Land, Maersk et OOCL, la concurrence sur la qualité du service est exclue, puisque les parties à de tels accords partagent les navires et opèrent selon un calendrier commun. Les accords de consortiums ayant pour objet d'uniformiser les services offerts par les compagnies maritimes qui en sont membres, l'existence d'une concurrence par les services interne au TACA est, dès lors, nécessairement limitée à la concurrence existant entre les différents consortium qui le composent. En conséquence, pour démontrer l'existence d'une concurrence interne sur la qualité des services au sein du TACA, il est nécessaire, ainsi que la Commission l'indique au considérant 233 de la décision attaquée, que les requérantes démontrent que les chargeurs ont transféré leur fret non pas simplement à l'intérieur d'un même consortium, mais d'un consortium à l'autre.

718.
    Or, à cet égard, la Commission a constaté, au même considérant, qu'il ressortait des données fournies par les requérantes dans leur réponse à la communication des griefs, lesquelles sont, en partie, reproduites à l'annexe V de la décision attaquée, que «les parts détenues par les groupements de transporteurs sont restées très stables et, sauf dans quelques cas, les transferts qui ont été opérés ne l'ont pas été d'un groupement à l'autre».

719.
    Bien que les requérantes contestent cette appréciation de la décision attaquée, il doit être observé, outre le fait que cette contestation apparaît pour la première fois au stade de la réplique, que les données fournies par les requérantes dans le cadre des présents recours, et qui ont pour objet de faire apparaître, pour un certain nombre de chargeurs déterminés, les changements de «transporteur principal» ainsi que les variations annuelles dans la part de fret transportée par ces derniers, sont, en substance, identiques à celles présentées à la Commission dans leur réponse à la communication des griefs. Or, il ressort de l'examen de ces données que, comme la Commission l'a constaté au considérant 233 de la décision attaquée, dans la plupart des cas, les changements de «transporteur principal» ont lieu à l'intérieur d'un même consortium. Quant à la circonstance selon laquelle la part de fret de chacun des chargeurs transporté par chaque «transporteur principal» varierait selon les années, il suffit d'observer que, en l'absence d'indication quant à l'identité des compagnies maritimes transportant le solde du fret, les données fournies par les requérantes ne permettent pas de déterminer le consortium bénéficiaire de ce fret. Dans ces circonstances, les données avancées par les requérantes ne sauraient être de nature à remettre en cause la constatation, figurant dans la décision attaquée, selon laquelle les changements de «transporteur principal» ont lieu entre compagnies maritimes parties à un même consortium.

720.
    Il en résulte que les éléments avancés par les requérantes ne sont pas de nature à démontrer l'existence d'une concurrence interne significative sur la qualité des services dans le cadre des contrats de services de la conférence.

721.
    Partant, les arguments des requérantes sur ce point doivent être rejetés.

722.
    S'agissant, en deuxième lieu, des arguments relatifs aux exigences des chargeurs, il ne saurait être contesté que les chargeurs exigent des parties au TACA un certain niveau dans la qualité des services de transport qu'elles fournissent. Toutefois, cette seule circonstance est en soi dénuée de pertinence pour démontrer l'existence d'une concurrence interne entre les parties au TACA autre que par les prix, à moins qu'il ne soit prouvé que les chargeurs transfèrent du fret d'un transporteur à un autre, précisément en raison des services différents offerts par eux. Or, il convient de constater que les requérantes ne rapportent pas cette preuve mais se bornent à présenter un catalogue des services requis par les chargeurs.

723.
    Par ailleurs, si les requérantes affirment, sans l'étayer, que les contrats de services de la conférence proposent, outre des engagements de services collectifs par toutes les compagnies maritimes participantes, des engagements de services individuels par chacune de ces compagnies, elles ne démontrent pas que ces engagements individuels se traduisent par des transferts de fret d'une compagnie maritime à l'autre.

724.
    Enfin, il convient de constater que les seuls exemples de clauses négociées présentées dans la requête sont toutes des clauses négociées par le TACA qui prévoient des engagements collectifs susceptibles d'être offerts par toutes les compagnies participantes. C'est dès lors à bon droit que la Commission a constaté, au considérant 242 de la décision attaquée, que peu de contrats de services de la conférence contenaient des dispositions personnalisées concernant le type de services offerts. Certes, il convient d'admettre que les contrats de services individuels contiennent davantage de clauses particulières que les contrats de services de la conférence. Toutefois, il doit être rappelé que les contrats de services individuels n'ont été autorisés par le TACA qu'à partir de 1996. Par ailleurs, il ressort des données fournies par les requérantes que, en 1996, le fret transporté par des parties au TACA dans le cadre de contrats de services individuels, en ce compris ceux conclus en commun par plusieurs transporteurs, n'a représenté que 15,3 % du fret total transporté par le TACA et que seulement une minorité de ces contrats a été conclue individuellement par un seul transporteur.

725.
    Dans ces circonstances, force est de constater que les données fournies par les requérantes ne sont pas de nature à remettre en cause les appréciations de la décision attaquée sur ce point.

726.
    Partant, les arguments des requérantes relatifs aux exigences des chargeurs doivent être rejetés.

727.
    S'agissant, en troisième lieu, des arguments relatifs à la stratégie individuelle poursuivie par chacune des parties au TACA, force est également de constater qu'aucune des données fournies par les requérantes n'est de nature à prouver que les différences existant dans les services offerts aux chargeurs ont eu un effet significatif quant au choix de la compagnie maritime chargée d'effectuer le transport de leur fret.

728.
    Partant, les arguments des requérantes sur ce point sont dépourvus de pertinence et doivent, en conséquence, être rejetés.

729.
    Il résulte ainsi de ce qui précède que les éléments avancés par les requérantes, pour autant qu'ils établissent l'existence d'une concurrence interne autre que par les prix, ne démontrent pas que cette concurrence présente une ampleur et une intensité telles qu'elle est de nature à compenser l'absence de concurrence par les prix résultant de l'existence des taux de fret uniformes ou communs du tarif.

iii) Sur les arguments spécifiques avancés par la requérante dans l'affaire T-213/98

730.
    S'agissant, en premier lieu, de l'argument selon lequel la requérante a adhéré au TACA pour des raisons commerciales propres et a poursuivi une politique autonome dans le cadre du TACA, il convient de constater que, selon les données fournies par la requérante, sa part de marché sur le trafic en cause au cours de la période couverte par les infractions retenues par la décision attaquée est restée inférieure à 1 %. Dans ces circonstances, à supposer même que les allégations, au demeurant peu étayées, de la requérante soient exactes quant au caractère autonome de sa politique commerciale, la concurrence exercée par cette compagnie sur les autres parties au TACA ne saurait, à elle seule, constituer une source de concurrence interne d'une ampleur et d'une intensité telles qu'elle serait susceptible de mettre en cause la nature collective de la position détenue par les parties au TACA sur le trafic en cause résultant des liens identifiés aux considérants 525 à 531 de la décision attaquée.

731.
    S'agissant, en deuxième lieu, de l'argument selon lequel des parts de marché stables ne signifient pas nécessairement une absence totale de concurrence, celles-ci pouvant aussi s'expliquer par la fidélité des clients ou par des transferts compensateurs de clients, il suffit d'observer que la requérante n'avance aucun élément probant de nature à démontrer l'existence d'une réelle concurrence. Bien au contraire, la circonstance soulignée par les requérantes dans le cadre de cet argument, selon laquelle, dans le secteur maritime, il y aurait une tendance naturelle à ce que les parts de marché reflètent les capacités offertes par les compagnies sur chaque ligne, est de nature à confirmer l'absence de concurrence interne entre les membres d'une conférence maritime. En effet, eu égard au tarif commun institué par la conférence, les requérantes ne sont pas incitées à introduire des capacités en vue de gagner des parts de marché par une politique de prix agressive, puisque l'introduction de capacités nouvelles resterait sans incidence sur les prix. Dans ces circonstances, c'est à bon droit que la Commission a relevé, aux considérants 233 et 239 de la décision attaquée, que le fait que les parts de marché des parties au TACA soient restées stables au cours de la période en cause constituait l'indice de l'absence de concurrence interne significative.

732.
    S'agissant, en troisième lieu, de l'argument selon lequel, dans la mesure où l'accès à la conférence ne peut pas être refusé et où il n'existe aucun accord dans le cadre du TACA en vue de limiter les capacités offertes par chaque transporteur individuel, le TACA n'est pas en mesure d'agir comme entité collective pour un aspect essentiel de la relation entre l'offre et la demande, il doit être observé que le seul fait que le TACA n'a pas conclu d'accord en son sein en vue de traiter collectivement certains aspects des relations commerciales entre ses membres est sans pertinence, dès lors qu'un tel accord collectif existe au sujet d'autres aspects de ces relations commerciales et que cet accord établit à suffisance de droit que la position des parties au TACA doit s'apprécier collectivement au regard de l'article 86 du traité. Ainsi, il convient de souligner que, même en l'absence de règles communes sur les capacités, il n'en demeure pas moins que tout nouveau membre du TACA doit respecter, du fait de son adhésion, les règles collectives fixées par le TACA, notamment en ce qui concerne le tarif. En tout état de cause, il convient de rappeler que, en raison du tarif institué par la conférence, le TACA n'a que peu d'intérêt à réglementer les capacités, puisque chaque membre est conscient que tout ajout ou retrait de capacité restera, en principe, sans incidence sur les prix et donc sur sa part de marché.

733.
    S'agissant, en quatrième lieu, des autres arguments avancés par la requérante, il suffit de constater que ces arguments visent à contester non l'appréciation collective de la position détenue par les parties au TACA, mais le comportement abusif reproché à celles-ci par la décision attaquée.

734.
    Partant, ces arguments sont dépourvus de toute pertinence dans le cadre des présents moyens et doivent, en conséquence, être rejetés.

iv) Conclusion sur le degré de concurrence interne

735.
    Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, il convient de conclure que les éléments avancés par les requérantes en ce qui concerne la concurrence interne par les prix et autre que par les prix ne démontrent pas que la Commission a commis une erreur d'appréciation en se fondant sur l'existence d'un tarif uniforme ou commun pour constater que la concurrence par les prix entre les parties au TACA a été éliminée dans une large mesure, de sorte que lesdites parties sont susceptibles d'adopter une même ligne d'action sur le marché et, partant, que leur position sur le marché doit être appréciée collectivement au regard de l'article 86 du traité.

736.
    En conséquence, l'ensemble des arguments des requérantes sur ce point doit être rejeté.

3. Sur les moyens tirés d'un défaut de motivation

a) Arguments des parties

737.
    Les requérantes font, en premier lieu, valoir que, au considérant 531 de la décision attaquée, la Commission infère de l'existence de «liens économiques très étroits» entre les membres du TACA que ces derniers sont en mesure de détenir une position dominante collective sans préalablement constater que les entreprises en cause ont adopté un même comportement sur le marché. Les requérantes estiment que ce défaut de motivation n'est pas régularisé par les renvois du mémoire en défense à l'évaluation de la concurrence interne effectuée aux considérants 174 à 242 de la décision attaquée. La description des faits y apparaissant ne permettrait pas en effet de soutenir que les requérantes ont adopté le même comportement ou qu'il n'y avait pas suffisamment de concurrence par les prix ou autre que par les prix.

738.
    En deuxième lieu, les requérantes allèguent que, au considérant 522 de la décision attaquée, la Commission ne cherche pas à quantifier ou à expliquer le degré de concurrence interne qui serait compatible avec la constatation de l'existence d'une position dominante collective. Or, les requérantes auraient, au cours de la procédure administrative, apporté des éléments de preuve attestant de l'existence d'une concurrence interne. En l'absence de critères clairs, le considérant 522 ne permettrait ni aux requérantes ni au Tribunal de connaître les raisons qui ont conduit la Commission à rejeter ces éléments de preuve et d'apprécier s'il est exact que le maintien d'une certaine concurrence n'exclut pas l'existence d'une position dominante collective. Les requérantes ajoutent que la Commission n'identifie pas les aspects de la concurrence qui sont pertinents pour établir qu'une appréciation collective est justifiée. Selon les requérantes, la décision attaquée ne tiendrait en effet pas compte des formes de concurrence autre que par les prix.

739.
    En troisième lieu, les requérantes estiment que la Commission n'a pas suffisamment motivé, en ce qui concerne l'analyse de la concurrence interne entre les membres du TACA, premièrement, sa constatation, au considérant 198, que les consortiums tels que les accords de partage de navires dont les parties au TACA sont membres ont pour effet de réduire le nombre d'actions indépendantes engagées par leurs membres, deuxièmement, l'absence de données, au considérant 221, quant à la taille relative du trafic transpacifique par rapport au trafic transatlantique et, troisièmement, sa décision de fonder sur les données d'une seule année sa conclusion, au considérant 296, que la majorité des membres du TACA ne se font pas concurrence pour participer aux contrats de services avec les NVOCC.

740.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, conclut au rejet de ces moyens et arguments.

b) Appréciation du Tribunal

741.
    S'agissant, premièrement, du moyen faisant grief à la Commission de ne pas avoir constaté, dans la décision attaquée, que les parties au TACA ont adopté le même comportement sur le marché en cause, il suffit d'observer que les arguments des requérantes visent, en réalité, à contester le bien-fondé des appréciations effectuées par la Commission dans la décision attaquée à cet égard. Or, de tels arguments, qui doivent être rejetés pour les motifs exposés aux points 649 à 655 ci-dessus, sont dénués de pertinence dans le cadre de la vérification du respect de l'obligation de motivation (arrêt du 20 avril 1999, PVC II, cité au point 191 ci-dessus, point 389).

742.
    En tout état de cause, il convient de relever que la décision attaquée indique, aux considérants 525 à 531, les motifs pour lesquels la Commission considère que les parties au TACA ont, ensemble, en raison de facteurs de corrélation existant entre elles, le pouvoir d'adopter une même ligne d'action sur le marché (arrêt Kali und Salz, cité au point 595 ci-dessus, point 221). En effet, auxdits considérants, la Commission expose chacun des cinq liens économiques existant entre les parties au TACA qu'elle retient aux fins de fonder une appréciation collective de la position détenue par ces dernières sur le marché en cause. De plus, dans le cadre de cette appréciation, la Commission indique explicitement, au considérant 525 de la décision attaquée, que lesdits liens ont sensiblement réduit la capacité des parties au TACA d'agir de manière autonome. À cet égard, elle précise au considérant 528 de la décision attaquée, d'une part, que le tarif et les mesures d'exécution et de sanction ont eu pour objet «d'éliminer dans une large mesure la concurrence par les prix [entre les parties au TACA]», renvoyant, de ce fait, implicitement, mais certainement, aux considérants 174 à 242, dans lesquels elle examine le degré de concurrence interne entre les parties au TACA, et, d'autre part, que le secrétariat et la publication de plans d'exploitation annuels ont permis aux mêmes parties de se présenter sur le marché comme une «seule et même entité». Force est de constater que ces motifs constituent une indication suffisante des éléments de fait ou de droit dont dépend la justification légale de la décision attaquée et des considérations qui ont amené la Commission à prendre celle-ci (voir, notamment, arrêt Remia e.a./Commission, cité au point 575 ci-dessus, points 26 et 44).

743.
    Par ailleurs, il doit être relevé que, au cours de la procédure administrative, et en particulier dans la réponse à la communication des griefs, les requérantes n'ont pas fait valoir que l'appréciation collective de la position des parties au TACA sur le marché concerné au regard de l'article 86 du traité exigeait l'absence de tout rapport concurrentiel entre elles. Or, sur le plan du respect de l'obligation de motivation, il ne saurait, à l'évidence, être fait grief à la Commission de ne pas répondre, dans la décision attaquée, à des arguments qui n'ont pas été soulevés avant son adoption (voir, en ce sens, arrêt FEFC, cité au point 196 ci-dessus, point 427).

744.
    S'agissant, deuxièmement, du moyen faisant grief à la Commission de ne pas avoir quantifié ou expliqué, dans la décision attaquée, le degré de concurrence interne qui serait compatible avec la constatation de l'existence d'une position dominante collective, il convient de rappeler que, aux considérants 174 à 242 de la décision attaquée, la Commission a examiné en détail quel était le degré de concurrence interne entre les parties au TACA. Il ressort de ces considérants de la décision attaquée que la Commission y a constaté que la concurrence interne entre les parties au TACA était limitée, voire insignifiante. À cet égard, après avoir examiné la portée de la réglementation instituée par l'US Shipping Act (considérants 175 à 180), la Commission a souligné l'effet produit par les autres accords restrictifs affectant le trafic transatlantique, en particulier les accords de consortium (considérants 181 à 198). Ensuite, elle a examiné, aux considérants 199 à 242, chacun des éléments de preuve de concurrence interne apportés par les requérantes au cours de la procédure administrative relatifs aux actions indépendantes, aux contrats de services, aux actions unilatérales portant sur les contrats de services, aux TVR, aux TVRIA et à la concurrence sur les services offerts. La Commission a ainsi successivement étudié les pratiques de discrimination par les prix (considérants 203 à 213), les actions indépendantes (considérants 214 à 222), les contrats de services (considérants 223 à 233), la fluctuation des parts de marché (considérants 234 à 239) et la concurrence par la qualité (considérants 240 à 242). C'est dans ce contexte que, au stade de l'appréciation juridique, la Commission a constaté, au considérant 525 de la décision attaquée, qu'il convenait d'apprécier collectivement la position des parties au TACA au regard de l'article 86 du traité, eu égard au fait que leur capacité d'agir de manière autonome était réduite.

745.
    Il résulte de ce qui précède que, en réponse aux éléments de preuve avancés par les parties au TACA au cours de la procédure administrative, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles, en l'espèce, la concurrence interne entre les parties au TACA était insuffisante pour écarter une appréciation collective de la position détenue par celles-ci. Ce faisant, la Commission a ainsi répondu de manière spécifique aux allégations essentielles soulevées par les requérantes au cours de la procédure administrative (arrêt FEFC, cité au point 196 ci-dessus, point 426). De plus, contrairement à ce que font valoir les requérantes, elle a examiné chacun des aspects de la concurrence interne susceptibles d'être pertinents, en ce compris non seulement les formes de concurrence par les prix, aux considérants 199 à 222 de la décision attaquée, mais également, aux considérants 231 à 233 et 240 à 242, les formes de concurrence interne autre que par les prix.

746.
    Certes, la Commission n'a pas indiqué, dans la décision attaquée, quel était le degré de concurrence interne qui aurait permis, le cas échéant, qu'une appréciation collective de la position détenue par les parties au TACA ait été écartée. Toutefois, pour motiver sa décision à suffisance de droit, la Commission se doit uniquement d'exposer de manière claire et précise les raisons soutenant les motifs de celle-ci (arrêt Remia e.a./Commission, cité au point 575 ci-dessus, points 26 et 44). Elle ne saurait, en revanche, être contrainte d'exposer les raisons soutenant des motifs non retenus et, dès lors, purement hypothétiques (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 64).

747.
    En conséquence, la Commission n'ayant pas, en l'espèce, constaté que la concurrence interne au sein du TACA était suffisante pour écarter une appréciation collective de celui-ci, elle n'avait pas à préciser quel degré de concurrence était requis pour écarter une telle appréciation.

748.
    Partant, le moyen tiré d'un défaut de motivation de la décision attaquée sur ce point doit être rejeté.

749.
    S'agissant, troisièmement, du moyen faisant grief à la Commission de ne pas avoir motivé suffisamment l'affirmation, au considérant 198 de la décision attaquée, selon laquelle les accords de consortium dont les parties au TACA sont membres ont pour effet de réduire le nombre d'actions indépendantes engagées par les parties auxdits accords, il suffit d'observer que, selon les termes mêmes de ce considérant, il s'agit d'une affirmation non pas de la Commission, mais de l'une des parties au TACA. Or, le respect de l'obligation de motivation prévue par l'article 190 du traité ne saurait imposer à la Commission l'obligation de motiver les affirmations des tiers, et ce d'autant plus qu'il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission se fonde sur cette affirmation pour conclure à l'existence d'une position dominante collective.

750.
    Partant, le moyen tiré d'un défaut de motivation sur ce point doit être rejeté.

751.
    S'agissant, quatrièmement, du moyen tiré de l'absence de données, au considérant 221 de la décision attaquée, quant à la taille du trafic transpacifique par rapport au trafic transatlantique, il suffit d'observer que, dans la mesure où les requérantes soutiennent que, en l'absence de ces données, la Commission ne pouvait constater que le nombre d'actions indépendantes sur le second trafic était «comparativement» insignifiant par rapport au nombre d'actions indépendantes sur le premier trafic, elles visent, en réalité, à contester le bien-fondé des appréciations de la décision attaquée sur ce point. Or, un tel argument, qui doit être rejeté pour les motifs exposés aux points 698 à 703 ci-dessus, est dénué de pertinence dans le cadre de la vérification du respect de l'obligation de motivation (arrêt du 20 avril 1999, PVC II, cité au point 191 ci-dessus, point 389).

752.
    En tout état de cause, il convient de constater que les considérants 221 et 222 de la décision attaquée mentionnent les éléments chiffrés sur lesquels se fonde l'analyse effectuée par la Commission et la conclusion qui en est tirée par celle-ci et, dès lors, fournissent aux requérantes une indication suffisante pour savoir si la décision attaquée est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité et permettent au juge communautaire d'exercer son contrôle de légalité de la décision (voir, notamment, arrêt Van Megen Sports/Commission, cité au point 548 ci-dessus, point 51).

753.
    Partant, le moyen des requérantes tiré d'un défaut de motivation sur ce point doit être rejeté.

754.
    S'agissant, cinquièmement, du moyen tiré de ce que la Commission n'aurait pas motivé, au considérant 150 de la décision attaquée, le choix de se fonder sur les contrats de services d'une seule année pour étayer la constatation selon laquelle un très grand nombre de contrats de services passés avec les NVOCC ont été conclus par des parties au TACA qui étaient auparavant des membres non structurés du TAA, il doit être constaté que la Commission n'avait nullement l'obligation de motiver sa décision quant à ce choix. En effet, sur le plan du respect de l'obligation de motivation, dès lors que la Commission mentionne, dans la décision attaquée, les éléments sur lesquels se fonde son analyse ainsi que les conclusions qu'elle en a tirées, elle fournit aux requérantes, et cela n'est d'ailleurs pas contesté par ces dernières, une indication suffisante pour savoir si la décision attaquée est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité et permet au juge communautaire d'exercer son contrôle de légalité de la décision (voir, notamment, arrêt Van Megen Sports/Commission, cité au point 548 ci-dessus, point 51).

755.
    Par ailleurs, il convient d'observer que si les données concernant d'autres années, avancées par les requérantes dans le cadre des présents recours, étaient de nature à contredire les conclusions tirées par la Commission sur le fondement de la seule année retenue dans la décision attaquée, il appartiendrait au Tribunal d'en tirer les conséquences non pas sur le plan du respect de l'obligation de motivation, mais quant au fond.

756.
    Pour ces motifs, il convient de rejeter le moyen tiré d'un défaut de motivation sur ce point.

C - Conclusion sur la première branche

757.
    Il ressort de ce qui précède que l'ensemble des moyens avancés dans le cadre de la première branche relative à l'absence de position dominante détenue collectivement par les parties au TACA doit être rejeté.

Sur la deuxième branche relative au caractère dominant de la position détenue par les parties au TACA

758.
    Dans le cadre de cette branche de leurs moyens tirés de l'absence d'infraction à l'article 86 du traité, les requérantes contestent d'abord la définition du marché en cause retenue par la décision attaquée aux fins de l'application de cette disposition. Ensuite, elles contestent que leur position sur ce marché soit dominante. Enfin, elles invoquent plusieurs défauts de motivation sur ces points.

A - Quant à la définition du marché en cause

759.
    Les requérantes soulèvent des moyens et griefs concernant tant la définition du marché des services en cause que la définition du marché géographique en cause retenues par la décision attaquée aux fins de l'application de l'article 86 du traité.

1. Sur le marché des services en cause

760.
    Au considérant 519 de la décision attaquée, la Commission indique que le marché des services en cause aux fins de l'application de l'article 86 du traité est décrit aux considérants 60 à 75. Après avoir examiné, auxdits considérants, les différentes possibilités de substitution invoquées par les requérantes, la Commission conclut, au considérant 84, que le marché des services maritimes en cause est celui «des transports maritimes réguliers par conteneur entre [les ports de] l'Europe du Nord et ceux des États-Unis et du Canada».

761.
    Les requérantes soulèvent des moyens et griefs de deux ordres pour s'opposer à cette définition. D'une part, elles contestent que les services de transport maritime par conteneur constituent le marché des services en cause. D'autre part, elles allèguent que le marché comprend, outre les ports de l'Europe du Nord, les ports méditerranéens de l'Europe du Sud.

a) Sur les services de transport en cause

i) Arguments des parties

762.
    À titre liminaire, les requérantes contestent que la Commission puisse se fonder sur l'arrêt de la Cour du 14 novembre 1996, Tetra Pak/Commission, dit «Tetra Pak II» (C-333/94 P, Rec. p. I-5951), pour considérer, dans la décision attaquée, que la stabilité de la demande constitue la base appropriée pour définir le marché en cause. Au considérant 61 de la décision attaquée, la Commission exposerait en effet que, dans cet arrêt, «la Cour de justice des Communautés européennes a estimé que la stabilité de la demande pour un produit donné constitue le critère pertinent pour définir un marché en cause et que le fait que des produits différents sont, dans une mesure marginale, interchangeables, n'empêche pas de conclure à l'appartenance de ces produits à des marchés de produits distincts».

763.
    Premièrement, la référence faite par la Cour à un «critère pertinent» signifierait que d'autres critères doivent également être pris en compte pour déterminer le degré de substitution. Deuxièmement, la Cour n'aurait pas jugé, dans cet arrêt, que la stabilité de la demande constitue la base appropriée pour déterminer le marché en cause, mais aurait examiné la question de la stabilité de la demande dans le contexte de la substituabilité de produits. Enfin, troisièmement, contrairement à la situation prévalant dans l'arrêt Tetra Pak II, cité au point 762 ci-dessus, il ressortirait des constatations effectuées par la Commission au considérant 69 de la décision attaquée que, d'une part, les volumes de fret transportés, respectivement, par conteneur et en vrac auraient varié substantiellement dans le temps et que, d'autre part, l'interchangeabilité entre le transport en vrac et le transport par conteneur ne serait pas marginale en termes de volumes.

764.
    Dans le cadre du présent moyen, les requérantes font, en substance, grief à la Commission d'avoir considéré, aux considérants 62 à 75 et 84 de la décision attaquée, que le marché des services en cause était celui des «transports maritimes réguliers par conteneur» à l'exclusion des transports classiques en vrac, des transports frigorifiques, des transports aériens et des NVOCC. Elles estiment que l'analyse de la Commission n'est pas conforme aux lignes directrices qu'elle s'est fixées dans la communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5) quant à la substituabilité du point de vue de la demande et la substituabilité du point de vue de l'offre.

765.
    En premier lieu, les requérantes font valoir que la Commission a effectué une analyse erronée de la substitution du point de vue de la demande. Elles rappellent que, dans son arrêt Hoffmann-La Roche/Commission (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 28), la Cour a jugé que «la notion de marché concerné (relevant market) implique, en effet, qu'une concurrence effective puisse exister entre les produits qui en font partie, ce qui suppose un degré suffisant d'interchangeabilité en vue du même usage entre tous les produits faisant partie d'un même marché».

766.
    Sur un plan général, les requérantes font, tout d'abord, grief à la Commission d'avoir négligé l'impact cumulatif des différentes sources de concurrence en considérant que chacune de ces sources ne pouvait se substituer au transport par conteneur que dans des circonstances exceptionnelles et pour un nombre limité de produits. De l'avis des requérantes, pour que deux produits soient substituables, il ne saurait être exigé qu'il existe une interchangeabilité dans une majorité de cas. Une telle thèse ne tiendrait pas compte des types très hétérogènes de produits et d'utilisateurs avec lesquels traitent les requérantes. Ainsi, un opérateur transportant 50 produits différents, chacun d'une valeur différente, et dès lors confronté à la concurrence de l'un ou l'autre transporteur alternatif, est confronté à une concurrence pour l'ensemble de ses produits.

767.
    Ensuite, les requérantes reprochent à la Commission d'avoir, en ce qui concerne les transports classiques (considérants 65, 68 et 74 et la note de bas de page n° 29) et les transports frigorifiques (considérant 73), fondé ses conclusions sur la notion de «substituabilité à sens unique», au lieu d'examiner, comme l'exigent sa communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, précitée, et la doctrine économique, la sensibilité des volumes relatifs de fret transportés par les deux modes de transport en cause à leur prix relatif. Les requérantes estiment que, selon les principes d'économie généralement acceptés, la substituabilité implique nécessairement une relation symétrique (ou à deux sens). Les requérantes soulignent, par exemple, que si les clients passent du transport en vrac au transport par conteneur sur la base du prix relatif existant, une augmentation du prix relatif du mode de transport par conteneur tendra à ralentir le taux de transfert ou même, si la modification de prix est suffisamment importante, renversera la tendance. L'existence de services de transport en vrac serait dès lors un facteur contraignant pour la fixation du prix des services de transport par conteneur. Les requérantes contestent dès lors la constatation de la Commission, au considérant 67 de la décision attaquée, selon laquelle «à partir du moment où un type de marchandise est régulièrement conteneurisé, il est quasiment exclu qu'il soit encore transporté sous une autre forme». Selon les requérantes, un examen économique rigoureux aurait exigé que la Commission nuance son affirmation en ajoutant les mots «si la conteneurisation continue d'offrir les mêmes avantages nets que par le passé», examen qui requiert une analyse de la sensibilité de la demande aux modifications intervenant dans les avantages nets que les chargeurs estiment attractifs. La décision attaquée ne contiendrait pas une telle analyse.

768.
    Sur un plan plus spécifique, les requérantes allèguent que, en tout état de cause, l'appréciation de la substituabilité entre le transport par conteneur et les autres modes de transport identifiés ci-dessus est erronée en fait.

769.
    Premièrement, en ce qui concerne les transports classiques en vrac, les requérantes estiment qu'ils sont substituables aux transports par conteneur et relèvent dès lors du même marché. Elles font remarquer, tout d'abord, que cette substituabilité a été constatée dans un article publié en août 1996 par la revue American Shipper citant les déclarations d'un dirigeant de Mead Corporation, une société américaine exportatrice de papier. Elles soulignent ensuite que, sur le trafic transatlantique Eastbound, la substitution entre le transport classique et le transport par conteneur concerne en général les marchandises transportées en grande quantité provenant de régions spécifiques des États-Unis d'Amérique (par exemple, le café, les cacahuètes, les pommes et les poires, les citrons, etc.). Cette substitution serait particulièrement importante pour les marchandises de faible valeur en raison des taux réduits offerts par les opérateurs des différents types de navires. Les requérantes notent que la Commission admet expressément cette substitution en ce qui concerne le café et les cacahuètes aux considérants 217 et 218 de la décision attaquée. Elles estiment que leur thèse est confirmée par le rapport Dynamar (appendice 25), qui, sur la base de données chiffrées, constate, notamment, l'existence d'une telle substitution en ce qui concerne certains produits sidérurgiques et les produits forestiers. Contrairement à la thèse de la Commission, les requérantes considèrent que la substitution du transport en vrac reste possible même dans l'hypothèse d'un déficit de capacité de conteneurs sur le trafic transatlantique.

770.
    En conclusion, les requérantes reprochent dès lors à la Commission de ne pas avoir tenu compte du critère des «événements-chocs» mentionné au point 38 de sa communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, précitée, selon lequel elle devait examiner des exemples récents de substitution réelle s'étant produits sur le marché. Selon les requérantes, les exemples de substitution réciproque entre le transport classique et le transport par conteneur constituent de tels exemples, mais ils auraient été ignorés par la Commission.

771.
    Deuxièmement, en ce qui concerne les transports frigorifiques en vrac, les requérantes allèguent qu'ils sont également en concurrence directe avec les transports par conteneur. Les requérantes font remarquer que cette substitution est attestée par les déclarations des opérateurs traditionnels de services de transport frigorifique. Elles relèvent ensuite que la concurrence entre les deux modes de transport s'accroît encore avec la décision de certains transporteurs de conteneurs, tel Maersk, d'augmenter leurs capacités frigorifiques. À l'appui de leur thèse, les requérantes citent une étude de Drewry (World Reefer Market Prospects and Modal Competition - pallets v containers v breakbulk, 1997) qui, selon elles, confirme que, sur le trafic entre l'Europe et les États-Unis d'Amérique, une partie des fruits américains est transportée à la fois par conteneurs et par navires frigorifiques classiques. Sur cette base, les requérantes concluent que, au moins pour certaines marchandises, le transport par conteneur et le transport frigorifique en vrac sont substituables.

772.
    Troisièmement, en ce qui concerne les transports aériens, les requérantes allèguent que, pour certaines marchandises, ils constituent une alternative possible au transport maritime. Elles se fondent, à cet égard, sur une déclaration du président du Campbell Aviation Group qui reconnaît cette substitution, en particulier en ce qui concerne les objets de faible poids et de forte valeur. De même, en mai 1998, le Journal of Commerce aurait rapporté qu'environ 10 à 15 % du volume du fret océanique des transitaires a été transféré vers le transport aérien.

773.
    Quatrièmement, en ce qui concerne les NVOCC, les requérantes soutiennent qu'ils représentent une source de concurrence importante dont il convient de tenir compte aux fins de la définition du marché en cause. Les requérantes précisent qu'elles visent uniquement les NVOCC qui n'exploitent de navires ni sur le trafic transatlantique ni sur d'autres trafics, identifiés au considérant 159 de la décision attaquée. Selon les requérantes, du point de vue des chargeurs, il n'existe aucune différence entre les NVOCC et les transporteurs maritimes, car tous deux se font concurrence au stade du détail pour transporter les cargaisons des chargeurs propriétaires (ou des transitaires). Les requérantes soulignent que les NVOCC sont en mesure d'exercer un pouvoir de négociation important sur les transporteurs maritimes en raison, d'une part, de leur pouvoir d'achat considérable résultant du cumul des volumes des chargeurs individuels et, d'autre part, des taux et des services (ports d'escales, périodes de transit, formalités douanières, etc.) avantageux qu'ils peuvent obtenir auprès des transporteurs maritimes (membres ou non d'une conférence) sous la forme de contrats de services ou de TVR, qui sont, en raison de leur puissance d'achat, inévitablement inférieurs à ceux proposés aux chargeurs individuels par les transporteurs maritimes pour l'acheminement de faibles volumes.

774.
    Les requérantes estiment ainsi que la concurrence a lieu à un triple niveau: au premier niveau, les transporteurs se font concurrence entre eux pour le transport du fret des NVOCC sur la base des taux et conditions qu'ils offrent; au deuxième niveau, les NVOCC sélectionnent, sur la base des services et taux offerts par les transporteurs, le ou les transporteurs les plus compétitifs; enfin, au troisième niveau, les transporteurs font aussi concurrence aux NVOCC pour le transport du fret des chargeurs ou des transitaires. Il en résulterait que les transporteurs et les NVOCC opèrent au même stade concurrentiel. Cette relation de concurrence entre les NVOCC et les transporteurs maritimes serait d'ailleurs reconnue par les NVOCC eux-mêmes.

775.
    À l'appui de leur thèse, les requérantes présentent un certain nombre d'exemples de substitution de fret entre les membres du TACA et les NVOCC. Elles observent également que les calculs relatifs à la taille du marché incluent les ventes des NVOCC, réduisant par conséquent les ventes des requérantes. Ainsi, le volume de fret des NVOCC transporté par les membres du TACA dans le cadre de contrats de services et de TVR serait passé de 11,8 % en 1994 à 14,4 % en 1997.

776.
    La thèse de la Commission, selon laquelle les NVOCC, achetant leurs capacités océaniques auprès des exploitants de navires, ne fournissent pas une forme de services différente de ces derniers et doivent donc être exclus du marché en cause, confond, selon les requérantes, le marché intermédiaire (les ventes aux NVOCC) et le marché de l'utilisateur final (les ventes aux chargeurs propriétaires). Or, du point de vue de l'utilisateur final, il ne ferait pas de doute que les services offerts par les exploitants de navires et les NVOCC sont similaires et connaissent un haut degré de substituabilité. Les requérantes établissent à cet égard une analogie avec les sociétés de télédistribution, qui achètent une partie de leurs programmes à des opérateurs de télévision par satellite, avec lesquels ils sont par ailleurs en concurrence pour la fourniture de chaînes payantes. Les requérantes soulignent encore que, dans le cadre d'un transport multimodal, le transport comporte différents composants et niveaux de services. Dès lors, de la même manière que les transporteurs individuels achètent auprès de fournisseurs externes les éléments nécessaires (transport terrestre, services portuaires) pour compléter leurs services de transport multimodal, les NVOCC fourniraient eux-même certains éléments du service de transport multimodal et en achèteraient d'autres.

777.
    Enfin, les requérantes font observer que la Commission n'explique pas les raisons pour lesquelles elle considère que les NVOCC ne font pas partie du marché en cause, alors que dans la décision 94/985/CE de la Commission, du 21 décembre 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/33.218 - Far Eastern Freight Conférence) (JO L 378, p. 17), la Commission constate, au considérant 22, que les NVOCC «offrent les mêmes services que les compagnies de transport maritime de ligne qui proposent des services multimodaux, à la différence qu'ils n'exploitent eux-mêmes aucun navire mais affrètent des espaces (slots) auprès d'armateurs».

778.
    En second lieu, les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte, en contradiction avec le point 20 de sa communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, précitée, de la substitution du point de vue de l'offre. Elles relèvent que, au considérant 75 de la décision attaquée, la Commission renvoie, pour l'examen de cette question, aux considérants 278 à 282. Or, ces paragraphes de la décision attaquée concerneraient non la substitution du point de vue de l'offre, mais la concurrence potentielle. Selon les requérantes, ces deux questions sont, tant sur le plan économique que sur le plan juridique, distinctes et ne sauraient être confondues. Les requérantes constatent en outre que la conclusion au considérant 305 de la décision attaquée, selon laquelle la Commission ne peut admettre que la grande majorité des clients du TACA considère le transport en vrac comme substituable au transport par conteneur intégral, repose sur un seul élément de preuve. Par ailleurs, cet élément de preuve, une publicité d'ACL décrivant l'équipement spécial disponible sur ses navires, démontrerait l'existence d'une substituabilité du point de vue de l'offre, car un opérateur utilisant des conteneurs ne ferait de la publicité de cette manière que s'il cherche à encourager un transfert vers ses services.

779.
    Les requérantes soutiennent que la mobilité des flottes qui est reconnue par le huitième considérant du règlement n° 4056/86 est compatible avec un haut degré de substitution du point de vue de l'offre. Il ressortirait d'ailleurs du rapport Dynamar que, en 1996, des opérateurs «non conteneurisés» actifs sur le trafic transatlantique via la porte canadienne étaient potentiellement en mesure d'augmenter pour un coût minimal leurs transports de conteneurs d'environ 200 000 EVP tant sur le trafic Westbound que sur le trafic Eastbound, représentant 15 % des capacités des requérantes, et ce sans qu'il soit nécessaire d'adapter ou de modifier leurs navires. Les requérantes rappellent que dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission (6/72, Rec. p. 215), la Cour a annulé la décision de la Commission pour ne pas avoir tenu compte de la substitution du point de vue de l'offre, en soulignant que «la détention d'une position dominante sur le marché des emballages métalliques légers destinés aux conserves de viande et de poisson ne saurait être décisive tant qu'il n'a pas été démontré que les concurrents dans d'autres secteurs du marché des emballages métalliques légers ne peuvent pas, par une simple adaptation, se présenter sur ce marché avec une force suffisante pour constituer un contrepoids sérieux» (point 33).

780.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, estime que les moyens des requérantes sont non fondés.

ii) Appréciation du Tribunal

781.
    Les requérantes estiment que la définition du marché des services en cause retenue par la Commission dans la décision attaquée résulte d'une appréciation erronée tant de la substitution du côté de la demande que de la substitution du côté de l'offre.

- Sur la substitution du côté de la demande

782.
    Les requérantes font valoir que les transports aériens, les transports maritimes de ligne classiques (en vrac ou «break bulk») et les NVOCC sont substituables aux transports maritimes de ligne par conteneur. Elles reprochent également à la Commission de ne pas avoir tenu compte de l'effet cumulatif de ces sources de concurrence.

Sur les services de transport aérien

783.
    Bien que, dans leur réponse à la communication des griefs, les requérantes n'aient pas soutenu que les services de transport aérien sont substituables aux services de transport maritime par conteneur, elles allèguent, au stade des présents recours, que, pour certaines marchandises, les services de transport aérien constituent une alternative possible aux services de transport maritime. Elles se fondent, à cet égard, sur une déclaration du président du Campbell Aviation Group et sur un extrait du Journal of Commerce de mai 1998.

784.
    Il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission relève, au considérant 62, que «les transports aériens constituent un marché distinct de celui des transports maritimes par conteneur, notamment parce qu'il n'a pas été établi qu'une proportion importante du fret transporté par conteneur pourrait facilement passer des transports maritimes aux transports aériens». À cet égard, la Commission a relevé, au même considérant, que, «[s]ur l'Atlantique Nord, le transport de fret par voie aérienne est jusqu'à vingt fois plus coûteux et jusqu'à neuf fois plus rapide que le transport maritime».

785.
    Force est de constater que les éléments avancés par les requérantes dans le cadre des présents recours ne sont pas de nature à démontrer l'inexactitude de ces constatations.

786.
    Ainsi, s'agissant de la déclaration du président du Campbell Aviation Group, il suffit de relever que cette déclaration émanant d'un représentant de l'industrie aéronautique, loin de contredire les conclusions de la Commission, souligne explicitement que la substitution alléguée concerne les objets de faible poids et de forte valeur, tels que les composants d'ordinateurs.

787.
    Quant à l'article du Journal of Commerce de mai 1998, il doit être constaté, outre son caractère anecdotique, que cet article se borne à faire état du fait, non autrement étayé, que des transitaires ont transféré 10 à 15 % de leur fret océanique vers le transport aérien en ce qui concerne une catégorie indéterminée de produits. Dans ces circonstances, aucune valeur probante particulière ne saurait être reconnue à ce document.

788.
    Il convient dès lors de constater que les éléments avancés par les requérantes ne démontrent pas que la Commission a commis une erreur d'appréciation en considérant que la demande de transport aérien concernait des quantités limitées de marchandises à haute valeur ajoutée et de faible poids et que le transport aérien constituait un marché distinct du transport maritime de ligne par conteneur (voir, en ce sens, arrêt TAA, point 279).

789.
    Partant, les arguments des requérantes sur ce point doivent être rejetés.

Sur les transports maritimes de ligne classiques (en vrac ou «break bulk»)

790.
    En ce qui concerne, en premier lieu, les transports maritimes de ligne classiques, les requérantes estiment d'abord que l'exclusion de ceux-ci du marché en cause est fondée à tort sur la notion de substituabilité à sens unique.

791.
    À cet égard, il convient de relever que, au considérant 65 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, pour déterminer les conditions de la concurrence sur le marché en cause, il était nécessaire de prendre en considération les possibilités de substituer le transport en vrac au transport par conteneur, la substitution du conteneur au vrac n'entrant pas en ligne de compte. Un raisonnement identique est tenu au considérant 73 en ce qui concerne les services de transport frigorifique, la Commission y relevant que, si les conteneurs réfrigérés sont éventuellement substituables aux transports frigorifiques en vrac, cela n'implique pas que les transports frigorifiques en vrac soient substituables aux transports frigorifiques par conteneur. La Commission a en effet constaté, au considérant 68, que, «à mesure que le degré de conteneurisation augmente, les chargeurs de marchandises non conteneurisées se tournent vers les services conteneurisés, mais une fois qu'ils se sont habitués au transport par conteneur, ils ne reviennent pas aux expéditions non conteneurisées. Les exemples d'une telle substituabilité à sens unique ne sont pas rares».

792.
    Il ressort de la décision attaquée que cette situation est due au fait que les chargeurs s'habituent à expédier les marchandises en plus petites quantités mais plus fréquemment et prennent conscience du fait qu'une fois les marchandises chargées dans un conteneur, il est plus facile de les acheminer du port de livraison jusqu'au destinataire final par le transport multimodal (considérant 67). En outre, des expéditions en moins grandes quantités réduisent les frais de stockage et les risques d'endommagement ou de vols (considérant 70). Or, presque toutes les marchandises peuvent être transportées par conteneur. Ainsi, sur les marchés arrivés à maturité, comme les marchés d'Europe du Nord/États-Unis d'Amérique ou d'Europe du Nord/Extrême-Orient, l'évolution vers le transport par conteneur est quasiment achevée et il ne reste pour ainsi dire aucune marchandise susceptible d'être transportée par conteneur qui ne l'ait pas été (considérant 66).

793.
    En l'espèce, si les requérantes contestent les conclusions tirées par la Commission aux considérants 65 et 73 de la décision attaquée consacrant le recours à la notion de substituabilité à sens unique, elles ne contestent pas, en revanche, les constatations factuelles effectuées aux considérants 66 à 70 au sujet du phénomène de «conteneurisation» progressive du fret qui en constituent le fondement. Tout au plus, les requérantes se bornent à faire valoir qu'une augmentation du prix du transport par conteneur tendra à ralentir le taux de transfert ou même, si la modification de prix est suffisamment importante, renversera la tendance. Selon les requérantes, l'existence de services de transport en vrac serait dès lors un facteur contraignant pour la fixation du prix des services de transport par conteneur. Toutefois, s'il est vrai qu'une modification sensible du prix du transport par conteneur pourrait, du moins en théorie, inciter certains chargeurs à lui substituer le transport en vrac, les requérantes n'apportent aucune preuve concrète à l'appui de leur allégation.

794.
    Dans ces circonstances, il y a lieu de tenir pour établi que la substitution du transport classique par le transport par conteneur, une fois effectuée, est définitive (voir, en ce sens, arrêt TAA, point 281).

795.
    C'est dès lors à bon droit que la Commission a considéré que cette substitution n'était pas pertinente aux fins de définir le marché en cause. En effet, ladite substitution ne démontre pas que, du point de vue des chargeurs, les deux modes de transport en question sont substituables l'un à l'autre, mais elle traduit uniquement un phénomène de «conteneurisation» des marchandises débouchant sur l'émergence d'un nouveau marché distinct dans lequel les transports classiques ne sont pas considérés comme substituables aux services offerts par les transporteurs de conteneurs. En conséquence, il convient de considérer que la Commission n'a commis aucune erreur d'appréciation en fondant son analyse du marché en cause sur la notion de substituabilité à sens unique.

796.
    En second lieu, les requérantes soutiennent que les transports en vrac, en ce compris les transports frigorifiques en vrac, sont substituables au transport par conteneur.

797.
    En ce qui concerne, premièrement, les transports non frigorifiques en vrac, les requérantes invoquent à l'appui de leur thèse l'existence d'une telle substitution sur le trafic transatlantique Eastbound pour les marchandises transportées en grande quantité provenant de régions spécifiques des États-Unis d'Amérique, telles que, par exemple, le café, les cacahuètes, les pommes, les poires ou les citrons. Les requérantes se fondent à cet égard sur les conclusions d'un rapport Dynamar, lequel constaterait, sur la base de données chiffrées, l'existence d'une telle substitution en ce qui concerne notamment certains produits sidérurgiques et les produits forestiers. Elles invoquent aussi un article publié en août 1996 par la revue American Shipper citant les déclarations d'un dirigeant de Mead Corporation, une société américaine exportatrice de papier.

798.
    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le marché à prendre en considération comprend l'ensemble des produits qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d'autres produits (arrêt Michelin/Commission, cité au point 337 ci-dessus, point 37).

799.
    Ainsi que la Cour l'a déjà jugé, la stabilité de la demande pour un produit donné constitue dès lors un critère pertinent pour définir un marché en cause, de sorte que le simple fait que des produits différents sont, dans une mesure marginale, interchangeables n'empêche pas de conclure à l'appartenance de ces produits à des marchés de produits distincts (arrêt Tetra Pak II, cité au point 762 ci-dessus, points 13 à 15; voir, également, arrêt TAA, point 273).

800.
    En l'espèce, c'est dès lors à juste titre que, au considérant 61 de la décision attaquée, la Commission s'est fondée sur cette jurisprudence de la Cour pour constater, aux considérants 64 à 74 de la décision attaquée, que le fait que d'autres modes de transport maritime puissent, pour un nombre limité de marchandises, exercer une concurrence marginale sur le marché des services de transport par conteneur ne signifie pas pour autant qu'ils puissent être considérés comme relevant du même marché.

801.
    À cet égard, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la référence à un «critère pertinent» au point 15 de l'arrêt Tetra Pak II, cité au point 762 ci-dessus, signifie non pas que d'autres critères doivent également être pris en compte pour déterminer le degré de substitution, mais que la Commission est en droit de se fonder sur ce critère pour conclure à l'existence de marchés distincts. En tout état de cause, en l'espèce, il ressort du considérant 75 de la décision attaquée que la Commission ne s'est pas limitée à étudier la substitution du côté de la demande, mais qu'elle a aussi vérifié si les exemples de substitution du côté de l'offre avancés par les requérantes étaient de nature à remettre en cause son analyse. La Commission n'a donc pas fondé ses appréciations sur un seul critère.

802.
    Il convient toutefois encore de vérifier si c'est à bon droit que la Commission a constaté, dans le cas présent, que le transport en vrac exerçait uniquement une concurrence marginale sur le transport par conteneur.

803.
    À cet égard, il apparaît que, dans le cadre des présents recours, les requérantes se bornent, en substance, à reprendre les arguments développés lors de la procédure administrative dans leur réponse à la communication des griefs. Or, il doit être constaté que les requérantes n'ont pas véritablement contesté les motifs pour lesquels ces arguments ont été écartés par la Commission aux considérants 64 à 74 de la décision attaquée. Il ressort de ces derniers, d'une part, que pour la très grande majorité des catégories de marchandises et des utilisateurs des services de transport maritime par conteneur, les autres formes de transport de ligne classique ne représentent pas une solution de remplacement envisageable sur le trafic en cause et, d'autre part, que, à partir du moment où un type de marchandises est régulièrement transporté par conteneur, il est quasiment exclu qu'il soit encore transporté sous une autre forme. Dans ce contexte, la Commission conclut, au considérant 74, que, «si un certain degré de substitution entre le transport classique et le transport par conteneur n'est pas exclu dans des circonstances exceptionnelles, il n'a pas été démontré qu'il existait, dans la grande majorité des cas, une tendance durable à la substitution du vrac au conteneur».

804.
    Force est de constater qu'aucun des éléments avancés par les requérantes dans le cadre des présents recours n'est de nature à démontrer l'inexactitude de ces constatations.

805.
    Ainsi, s'agissant d'abord de la déclaration d'un dirigeant d'un chargeur au sujet d'un produit spécifique, le papier, elle ne saurait raisonnablement établir l'existence d'une large substitution entre les deux services de transport pour une large catégorie de produits. Dans leurs écrits, les requérantes reconnaissent d'ailleurs explicitement que la substitution alléguée est importante uniquement pour les marchandises de faible valeur en raison des taux réduits offerts par les opérateurs des différents types de navires.

806.
    S'agissant, ensuite, des données reproduites dans la requête en vue d'établir que certaines marchandises, tels les fertilisants et certains produits sidérurgiques, sont transportées selon les deux types de transport, il convient de constater que ces données ne prouvent pas l'existence de transferts par les chargeurs entre ces deux types de transport. À cet égard, au considérant 71, la Commission constate, sans être contredite, par les requérantes:

«Dans ce contexte, le fait que certaines marchandises voyagent encore selon les deux modes importe peu: la question essentielle pour établir la substituabilité de la demande est de savoir si le choix du mode s'effectue sur la base des caractéristiques qui lui sont propres. Ainsi, le seul fait que certains produits sidérurgiques voyagent en vrac et d'autres en conteneur n'indique pas que les deux modes soient substituables puisqu'il ne tient pas compte de la diversité de la nature (et de la valeur) des produits sidérurgiques ni des exigences des clients en matière de livraison.»

807.
    Par ailleurs, il convient de relever que, aux considérants 217 et 219 de la décision attaquée, la Commission a observé, sans être davantage contredite par les requérantes, que l'existence d'une certaine substitution pour des produits tels que le café, les cacahuètes et le papier, pour lesquels elle admet qu'il subsiste une concurrence résiduelle des transporteurs en vrac, était le résultat d'actions indépendantes menées par les membres du TACA. À juste titre, la Commission a estimé, au considérant 72, que, loin de démontrer que les transports en vrac devraient être inclus dans le marché en cause, ces exemples prouvaient que les parties au TACA avaient la possibilité de recourir à la discrimination par les prix pour détourner des produits marginaux des transporteurs en vrac sans affecter les taux de fret en général et que rien n'indiquait que les transporteurs en vrac étaient eux aussi en mesure d'opérer une discrimination entre clients.

808.
    S'agissant encore de la circonstance alléguée par les requérantes, selon laquelle les éléments mentionnés au considérant 69 de la décision attaquée démontrent l'instabilité de la demande, la Commission relevant à cet endroit que, selon Drewry (Global Container Markets - Prospects and Profitability in a High Growth Era, Londres, 1996), la proportion de fret en conteneur a augmenté substantiellement entre 1980 et 1994, passant de 20,7 à 41,6 %, cette part devant atteindre 53,8 % en l'an 2000, il suffit de rappeler que, comme la Commission l'a estimé à juste titre au considérant 65 de la décision attaquée, cette substitution n'entre pas en ligne de compte pour déterminer le marché en cause, la seule question pertinente étant en effet non pas de savoir dans quelle mesure le transport par conteneur peut se substituer aux autres modes de transport, mais de savoir à l'inverse dans quelle mesure, une fois que cette substitution a été réalisée, les autres modes de transport peuvent se substituer au transport par conteneur si le prix de celui-ci augmente sensiblement.

809.
    Eu égard à ce qui précède, il convient de constater qu'aucun des éléments avancés par les requérantes n'est de nature à mettre en cause la constatation de la Commission selon laquelle, pour la très grande majorité des catégories de marchandises et des clients des compagnies assurant un transport par conteneur, le transport en vrac ne constitue pas une solution de remplacement raisonnable aux services de transport par conteneur (voir, en ce sens, arrêt TAA, point 273).

810.
    En ce qui concerne, deuxièmement, les services de transport frigorifique en vrac, les requérantes font remarquer que cette substitution est attestée par les déclarations des opérateurs traditionnels de services de transport frigorifique, par le fait que la concurrence entre les deux modes de transport s'accroît encore avec la décision de certains transporteurs de conteneurs, tel Maersk, d'augmenter leurs capacités frigorifiques et par le fait que, sur le trafic entre l'Europe et les États-Unis d'Amérique, une partie des fruits américains est transportée à la fois par conteneurs et par navires frigorifiques classiques.

811.
    Il apparaît ainsi que, dans le cadre des présents recours, les requérantes se bornent, en substance, à reprendre les éléments développés lors de la procédure administrative dans leur réponse à la communication des griefs. Or, il doit être constaté que les requérantes n'ont pas véritablement contesté les motifs pour lesquels ces éléments ont été écartés par la Commission au considérant 73 de la décision attaquée. Il ressort de ce dernier que, si ces éléments démontrent que les conteneurs réfrigérés sont substituables aux transports frigorifiques en vrac, ils ne démontrent pas, en revanche, que les transports frigorifiques en vrac sont substituables aux transports frigorifiques par conteneur. Par ailleurs, la Commission constate à cet endroit de la décision attaquée, d'une part, que les services de transport frigorifique par conteneur offrent certains avantages tels que les volumes réduits et la rapidité de transfert vers d'autres modes de transport et, d'autre part, que davantage de produits se prêtent au transport frigorifique par conteneur qu'au transport frigorifique en vrac.

812.
    Force est de constater que les éléments avancés par les requérantes dans le cadre des présents recours ne démontrent pas l'inexactitude de ces constatations.

813.
    En effet, ainsi que la Commission le relève à juste titre au considérant 73 de la décision attaquée, les éléments en question confirment tout au plus le phénomène de «conteneurisation» progressive des transports frigorifiques et ne démontrent nullement que les transports frigorifiques en vrac sont substituables aux transports frigorifiques par conteneur. Or, ainsi qu'il est indiqué au point 795 ci-dessus, seule la preuve d'une telle substitution serait de nature à démontrer que les deux types de transport frigorifique relèvent d'un même marché.

814.
    Ainsi, les déclarations des opérateurs de services de transport frigorifique en vrac invoquées par les requérantes se bornent uniquement à souligner que «la conteneurisation constitue la menace principale pesant sur les services réfrigérés classiques» mais ne font nullement état du fait que le transport frigorifique en vrac serait substituable au transport frigorifique par conteneur. En tout état de cause, à supposer même que de telles déclarations puissent être interprétées en ce sens, elles ne sauraient sérieusement constituer la preuve de l'existence d'une substitution significative.

815.
    De même, la circonstance selon laquelle des transporteurs de conteneurs installent des capacités frigorifiques «conteneurisées» prouve non pas que les services de transport frigorifique en vrac sont substituables aux services de transport frigorifique par conteneur, mais uniquement qu'il existe un phénomène de «conteneurisation» en ce qui concerne les services de transport frigorifique.

816.
    Enfin, le fait que certains produits sont transportés à la fois par conteneur et en vrac n'établit pas l'existence de transferts par les chargeurs entre ces deux modes de transport et, partant, ne saurait prouver que les services de transport frigorifique en vrac sont, pour une partie significative, substituables aux services de transport frigorifique par conteneur, mais souligne, tout au plus, le phénomène selon lequel une partie du fret réfrigéré est en voie de «conteneurisation».

817.
    Pour ces motifs, il convient dès lors de conclure que les requérantes n'ont pas apporté d'éléments de nature à mettre en cause les constatations de la Commission selon lesquelles les services de transport frigorifique en vrac ne sont pas substituables aux services de transport par conteneur.

Sur les NVOCC

818.
    Les requérantes soutiennent que les NVOCC qui n'exploitent des navires sur aucun trafic représentent une source de concurrence importante dont il convient de tenir compte aux fins de la définition du marché en cause. Les requérantes font aussi valoir que la décision n'est pas motivée à suffisance de droit sur ce point parce qu'elle n'expose pas les raisons pour lesquelles les NVOCC ne font pas partie du marché en cause.

819.
    Il est constant que les NVOCC qui n'exploitent des navires sur aucun trafic acquièrent leurs services de transport maritime, ainsi que la Commission le relève au considérant 159 de la décision attaquée, auprès des parties au TACA de la même manière que les chargeurs, à savoir soit aux taux prévus par le tarif, soit, plus fréquemment, sur la base d'un contrat de services de la conférence.

820.
    Ces opérateurs ne fournissant eux-mêmes aucun service propre de transport maritime, mais acquérant de tels services auprès des parties au TACA, ils n'exercent donc, ainsi que la Commission le souligne aux considérants 160 et 161 de la décision attaquée, aucune concurrence sur les transporteurs maritimes en ce qui concerne la qualité et le prix du service de transport maritime fourni. À cet égard, il est certes exact que les NVOCC en cause peuvent disposer d'une certaine puissance d'achat et peuvent donc obtenir, dans le cadre de contrats de services, des prix inférieurs à ceux payés par d'autres chargeurs. Toutefois, ainsi que la Commission le souligne au considérant 161 de la décision attaquée, ces prix demeurent, en tout état de cause, fixés par les parties au TACA.

821.
    Par ailleurs, dès lors qu'ils ne fournissent pas eux-mêmes des services de transport maritime sur le trafic en cause, il convient d'observer que les NVOCC qui n'exploitent des navires sur aucun trafic n'apportent aucune capacité propre sur le marché, mais se bornent à acquérir, à l'instar des chargeurs, celle fournie par les transporteurs maritimes.

822.
    En conséquence, c'est à bon droit que la Commission a considéré que les NVOCC n'exploitant des navires sur aucun trafic ne faisaient pas partie du même marché que les parties au TACA. Les motifs retenus aux considérants 159 à 161 de la décision attaquée contiennent, en outre, une motivation suffisante sur ce point.

823.
    Partant, les arguments des requérantes à cet égard doivent être rejetés.

Sur la prise en compte de l'effet cumulatif des sources de concurrence

824.
    Les requérantes font enfin grief à la Commission d'avoir ignoré l'impact cumulatif des différentes sources de concurrence en considérant que chacune de ces sources ne pouvait se substituer au transport par conteneur que dans des circonstances exceptionnelles et pour un nombre limité de produits. Ainsi, selon les requérantes, un opérateur transportant 50 produits différents, chacun d'une valeur différente, et dès lors confronté à la concurrence de l'un ou l'autre transporteur alternatif, est confronté à une concurrence pour l'ensemble de ses produits.

825.
    Il convient toutefois de constater, ainsi que l'a fait à juste titre la Commission aux considérants 72, 203 à 213 et 534 à 537 de la décision attaquée, que les transporteurs maritimes qui opèrent une discrimination entre les différentes catégories de marchandises en appliquant des prix fortement différenciés (le prix du transport pouvant, selon les marchandises, aller de 1 à 5 pour le même service de transport) sont capables de limiter les effets d'une concurrence marginale pour le transport de catégories spécifiques de marchandises. En outre, l'argument des requérantes, selon lequel, devant faire face à une source concurrentielle différente pour chaque catégorie de marchandises, elles sont exposées à la concurrence pour tous leurs services, ne saurait prospérer. Non seulement les requérantes n'ont pas établi qu'elles étaient confrontées à la concurrence d'autres services de transport pour ce qui concerne chaque catégorie de marchandises et donc pour toute la gamme de leurs services, mais, en outre, il ressort de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que, pour la grande majorité des catégories de marchandises et d'usagers, les autres services de transport n'étaient pas substituables aux services maritimes de transport par conteneur (voir, en ce sens, arrêt TAA, point 282).

826.
    Partant, le grief tiré de l'absence de prise en compte de l'effet cumulatif des différentes sources de concurrence doit être rejeté.

- Sur la substitution du côté de l'offre

827.
    Les requérantes font valoir que la Commission n'a pas examiné la possibilité de substitution du côté de l'offre, mais uniquement la question différente de savoir si les parties au TACA sont soumises à une certaine concurrence potentielle. Par ailleurs, elles soutiennent que la mobilité des flottes, qui est reconnue par le huitième considérant du règlement n° 4056/86, est compatible avec un haut degré de substitution du côté de l'offre. Il ressortirait d'ailleurs du rapport Dynamar que, en 1996, des opérateurs «non conteneurisés» actifs sur le trafic transatlantique via les ports canadiens étaient potentiellement en mesure d'augmenter pour un coût minimal leurs transports de conteneurs d'environ 200 000 EVP tant sur le trafic Westbound que sur le trafic Eastbound, représentant 15 % des capacités des requérantes, et ce sans qu'il soit nécessaire d'adapter ou de modifier leurs navires.

828.
    S'agissant, en premier lieu, de l'allégation selon laquelle la Commission n'examine pas, dans la décision attaquée, la question de la substitution du côté de l'offre, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, pour pouvoir être considérés comme constituant un marché distinct, les produits en cause doivent s'individualiser non seulement par le simple fait de leur utilisation, mais encore par des caractéristiques particulières de production qui les rendent spécifiquement aptes à cette destination (arrêt Europemballage et Continental Can/Commission, cité au point 779 ci-dessus, point 33).

829.
    Dès lors, en l'espèce, pour délimiter le marché en cause, il appartenait à la Commission de vérifier si les exploitants de navires autres que les porte-conteneurs intégraux pouvaient, par une simple adaptation technique, convertir leurs navires pour transporter des conteneurs ou accroître le nombre de conteneurs transportés et se présenter ainsi sur le marché du transport de fret par conteneur avec une force suffisante pour constituer un contrepoids sérieux aux transporteurs de fret par conteneur (substitution du côté de l'offre).

830.
    À cet égard, il convient d'observer que, au considérant 75 de la décision attaquée, la Commission renvoie l'examen de la question de la substitution du côté de l'offre aux considérants 278 à 282.

831.
    Il doit être constaté que ce renvoi est erroné. En effet, auxdits considérants, qui forment la première partie de la section de la décision attaquée consacrée à la concurrence potentielle, la Commission n'examine pas les possibilités de substitution du côté de l'offre, mais elle se borne à formuler certaines observations préliminaires concernant la valeur probante du rapport Dynamar (The Transatlantic Trade - An overview of the carrying capacity/potential of non-TACA members, 1996) invoqué par les parties au TACA au soutien de leur réponse à la communication des griefs sur ce point. En substance, la Commission expose que, les parties au TACA ne lui ayant pas fourni les instructions données à Dynamar en vue de la préparation de ce rapport, elle en infère que les conclusions de celui-ci ont été orientées par lesdites instructions.

832.
    Il convient toutefois d'observer que, plus loin dans cette même section de la décision attaquée consacrée à la concurrence potentielle, la Commission examine, aux considérants 300 à 305, la concurrence exercée par les navires autres que les porte-conteneurs intégraux, de sorte que le considérant 75 doit se comprendre comme renvoyant auxdits considérants.

833.
    Il y a lieu d'admettre avec les requérantes qu'aucun de ces considérants ne traite explicitement de la question de la substitution du côté de l'offre. En effet, à cet endroit de la décision attaquée, la Commission n'examine pas la capacité des navires autres que les porte-conteneurs intégraux à se transformer pour transporter des conteneurs ou accroître le nombre de conteneurs transportés, mais elle étudie uniquement, ainsi que cela ressort explicitement du considérant 301, la question de savoir si les exploitants de ces navires sont en mesure d'exercer une concurrence potentielle significative sur les porte-conteneurs intégraux en ce sens que, premièrement, ces exploitants sont en mesure d'exercer une concurrence vis-à-vis des parties au TACA sur un pied d'égalité dans des conditions normales de rentabilité et, deuxièmement, que les clients considèrent le transport effectué par ces exploitants comme interchangeable, sur un plan fonctionnel, avec le transport par porte-conteneur intégral. Au terme de son analyse, la Commission rejette l'existence d'une telle concurrence potentielle significative. Sur le premier aspect, elle souligne, aux considérants 302 à 304 de la décision attaquée, d'une part, que les navires autres que les porte-conteneurs intégraux présentent des caractéristiques techniques et des performances sensiblement différentes de celles des porte-conteneurs intégraux et, d'autre part, que les exploitants de ces navires ne détiennent pas les mêmes parcs de conteneurs que les exploitants de porte-conteneurs intégraux et ne possèdent généralement pas les mêmes installations à terre. Sur le second aspect, elle observe, au considérant 305 de la décision attaquée, que, du point de vue de la clientèle, les navires vraquiers ou de «néo-vrac» ne sont pas substituables aux porte-conteneurs.

834.
    Bien que la concurrence potentielle et la substitution du côté de l'offre constituent des questions conceptuellement différentes, ce que la Commission admet d'ailleurs explicitement dans son mémoire en défense, il convient de constater que ces questions se chevauchent en partie, la distinction résidant surtout dans le caractère immédiat ou non de la limitation de la concurrence. Il en résulte que la plupart des éléments soulignés aux considérants 302 à 304 de la décision attaquée sont de nature à justifier tant l'absence de concurrence potentielle significative que l'absence de substitution du côté de l'offre. Ainsi, s'agissant des caractéristiques techniques des navires autres que les porte-conteneurs intégraux, la Commission souligne explicitement, au considérant 303, que certaines d'entre elles «jouent aussi contre la conversion au niveau de l'offre», dans la mesure où «pour transporter des conteneurs sur des navires qui ne sont pas spécifiquement conçus comme des porte-conteneurs, certaines dépenses supplémentaires sont nécessaires». De même, il ne saurait être contesté que l'absence d'un parc important de conteneurs ou d'installations à terre suffisantes constituent des obstacles significatifs à une transformation rapide des navires autres que les porte-conteneurs intégraux en navires de ce type.

835.
    À cet égard, il doit d'ailleurs être souligné qu'il ressort du considérant 300 de la décision attaquée que les appréciations effectuées par la Commission aux considérants 302 à 304 ont pour objet de rejeter l'argument des requérantes tiré du rapport Dynamar, également invoqué à l'appui des présents griefs, selon lequel les exploitants de navires autres que les porte-conteneurs intégraux peuvent transformer ces navires pour transporter des conteneurs ou accroître le nombre de conteneurs transportés.

836.
    Dans ces circonstances, il convient d'admettre que la question de la substitution du côté de l'offre est examinée implicitement, mais certainement, aux considérants 302 à 304 de la décision attaquée. Le grief des requérantes sur ce point doit, dès lors, être rejeté.

837.
    S'agissant, en second lieu, des éléments avancés par les requérantes en vue de démontrer l'existence d'une substitution du côté de l'offre, il convient de souligner, ainsi qu'il est indiqué ci-dessus, que, dans le cadre des présents recours, les requérantes se bornent, en substance, à reprendre les arguments tirés du rapport Dynamar qu'elles ont développés lors de la procédure administrative dans leur réponse à la communication des griefs. Or, il doit être constaté que les requérantes n'ont pas contesté les motifs pour lesquels ces arguments ont été écartés par la Commission aux considérants 302 à 304 de la décision attaquée.

838.
    Tout au plus, les requérantes font valoir que la constatation, au considérant 305 de la décision attaquée, selon laquelle la grande majorité des clients des parties au TACA ne considère pas que le transport en vrac est substituable au transport par conteneur, repose sur un seul élément de preuve, à savoir une publicité d'ACL qui est reproduite dans ce même considérant.

839.
    Il convient toutefois de constater que cette critique est sans pertinence dans le cadre de l'examen des présents griefs relatifs à l'appréciation de la substitution du côté de l'offre. En effet, la constatation figurant au considérant 305 de la décision attaquée traite non de la substitution du côté de l'offre, mais de la substitution du côté de la demande.

840.
    En tout état de cause, contrairement à ce qu'allèguent les requérantes, ladite constatation ne se fonde pas uniquement sur une publicité d'ACL. En effet, il ressort du considérant 69 de la décision attaquée que les appréciations de la Commission concernant les possibilités de substitution entre le transport par conteneur et le transport en vrac se fondent, pour l'essentiel, sur le rapport Drewry (Global Container Markets - Prospects and Profitability in a High Growth Era, Londres, 1996). De surcroît, il convient de souligner que, ainsi qu'il a été indiqué au point 803 ci-dessus, les requérantes n'ont pas véritablement contesté les constatations effectuées par la Commission aux considérants 64 à 74 pour démontrer cette absence de substitution.

841.
    Quant à l'argument tiré du fait que la mobilité des flottes est reconnue par le huitième considérant du règlement n° 4056/86, il convient de rappeler que, audit considérant, le Conseil souligne que «les conférences restent soumises à une concurrence effective de la part tant des services réguliers hors conférence que, dans certains cas, des services de tramp et d'autres modes de transport; que la mobilité des flottes, qui caractérise la structure de l'offre dans le secteur des services de transport maritime, exerce une pression concurrentielle permanente sur les conférences, lesquelles n'ont normalement pas la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des services de transport maritime en cause». Il ressort ainsi clairement des termes de ce considérant que le Conseil se fonde sur la mobilité des flottes pour constater non pas que les navires autres que les porte-conteneurs peuvent accroître leur capacité en conteneurs, mais que les transporteurs maritimes de ligne qui sont parties à une conférence maritime sur un trafic donné sont, en principe, soumis à la concurrence potentielle des porte-conteneurs actifs sur d'autres trafics. Par ailleurs, et en tout état de cause, il doit être observé que la Commission a constaté, aux considérants 289 à 299 de la décision attaquée, sans être contredite par les requérantes sur ce point, que la mobilité des flottes n'avait guère de chance d'être effective sur le trafic transatlantique. Dans ces circonstances, les requérantes ne sauraient tirer aucun argument du fait que la mobilité des flottes est reconnue par le règlement n° 4056/86 aux fins de contester la définition du marché des services en cause retenue par la décision attaquée.

842.
    Partant, les arguments des requérantes concernant la substitution du côté de l'offre doivent être rejetés.

b) Sur la dimension géographique des services en cause

i) Arguments des parties

843.
    Les requérantes soutiennent que la définition du marché géographique en cause au considérant 84 de la décision attaquée comme étant celui des transports maritimes entre les ports d'Europe du Nord et ceux des États-Unis d'Amérique et du Canada est erronée en ce qu'elle exclut les ports méditerranéens d'Europe du Sud (considérants 76 à 83 de la décision attaquée).

844.
    En guise de remarque préliminaire, les requérantes précisent que, contrairement à ce que la Commission laisse entendre au considérant 77 de la décision attaquée, elles n'ont pas soutenu, au cours de la procédure administrative, que les ports de Turquie, du Liban, d'Israël, de Chypre, d'Égypte, de Libye, de Tunisie, d'Algérie et du Maroc sont substituables aux ports d'Europe du Nord. Pour le reste, les requérantes exposent ce qui suit.

845.
    En premier lieu, les requérantes répètent qu'elles reprochent à la Commission d'avoir, au considérant 76 de la décision attaquée, rejeté la substituabilité des ports méditerranéens en se fondant sur la notion de substituabilité à sens unique. Tout en renvoyant aux critiques qu'elles ont formulées au stade de la définition du marché de services en cause, les requérantes soulignent plus particulièrement que la Commission n'a pas montré en quoi les éléments prouvant que les ports d'Europe du Nord étaient substituables aux ports d'Europe du Sud ne démontraient pas du même coup que les ports des deux régions étaient substituables les uns aux autres. Les requérantes considèrent que, en rejetant les preuves de substituabilité qu'elles ont apportées dans leur réponse à la communication des griefs, la Commission a fait peser sur elles la charge de prouver que les ports d'Europe du Sud sont substituables aux ports d'Europe du Nord, alors que la définition correcte du marché en cause est une condition préalable à la constatation d'une position dominante. Selon les requérantes, il appartenait à la Commission d'envoyer les demandes d'informations nécessaires aux chargeurs, elles-mêmes n'étant pas en mesure d'obtenir de ces derniers les preuves pertinentes.

846.
    En second lieu, les requérantes allèguent que les constatations de la Commission, aux considérants 80 et 82, selon lesquelles les ports méditerranéens «ne suffiraient pas» et connaîtraient des «limites sur le plan des infrastructures» sont contredites par les faits.

847.
    Premièrement, il ressortirait de la presse spécialisée que les ports d'Europe du Sud sont de plus en plus souvent perçus comme substituables aux ports d'Europe du Nord. Ainsi, il aurait été rapporté que de nombreux transporteurs estiment qu'il est plus sensé de s'arrêter dans les ports de la Méditerranée pour relier les services Europe-Asie aux services Europe-Amérique du Nord. Par ailleurs, les ports méditerranéens eux-mêmes considéreraient leurs services comme concurrentiels par rapport aux ports d'Europe du Nord, ainsi qu'en attesterait, par exemple, une publicité de l'autorité portuaire de Marseille. Les requérantes font aussi valoir que le volume de fret relatif au trafic Europe-États-Unis d'Amérique traité dans les ports d'Europe du Sud a augmenté substantiellement de 1994 à 1997.

848.
    Deuxièmement, l'attitude des transporteurs maritimes démontrerait également que les ports d'Europe du Sud sont substituables à ceux du Nord. Les requérantes relèvent à cet égard qu'une étude préparée par l'une des requérantes conclut que les ports d'Europe du Sud exercent une concurrence effective sur ceux du Nord en termes d'efficacité, qu'il existe depuis toujours des conférences (SEAC et USSEC) sur le trafic entre l'Europe du Sud et les États-Unis d'Amérique et que des compagnies indépendantes telles que Lykes et Evergreen ont accru leurs services à partir des ports d'Europe du Sud.

849.
    Enfin, troisièmement, il ressortirait du comportement des chargeurs que les ports d'Europe du Sud sont substituables à ceux du Nord. Ainsi, un appel d'offres de chargeur expose expressément que «les ports de la Méditerranée peuvent être considérés comme ports de chargement sans aucune préférence de notre part». Par ailleurs, de nombreux chargeurs auraient transféré une partie de leur fret des ports d'Europe du Nord vers ceux d'Europe du Sud. Rien ne permettrait d'affirmer, comme le soutient la Commission dans sa défense, que ces preuves ont été présentées tardivement.

850.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, estime que la définition du marché géographique en cause retenue par la décision attaquée est correcte et motivée à suffisance de droit. Elle conclut dès lors au rejet des moyens et arguments des requérantes sur ce point.

ii) Appréciation du Tribunal

851.
    Les requérantes reprochent à la Commission d'avoir exclu les ports méditerranéens de sa définition du marché des services en cause au considérant 84 de la décision attaquée, alors que les services de transport concernant la route transatlantique offerts à partir des ports d'Europe du Nord et ceux offerts à partir des ports méditerranéens d'Europe du Sud sont substituables.

852.
    Il y a lieu de relever que, par cette argumentation, les requérantes contestent la composante géographique des services de transport constituant le marché pertinent. Cette composante renvoie à la question de la détermination des points d'origine et de destination des services de transport concernant la route transatlantique (arrêt TAA, point 293).

853.
    Ainsi que la Commission le fait observer à juste titre, cette question est distincte de celle de la définition du marché géographique en cause, qui figure, en l'espèce, au considérant 519 de la décision attaquée, et qui a pour objet de déterminer le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre des services en cause, sur lequel également les conditions de la concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de la concurrence y diffèrent de manière appréciable (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27/76, Rec. p. 207, point 11, et arrêt du Tribunal du 30 mars 2000, Kish Glass/Commission, T-65/96, Rec. p. II-1885, point 81).

854.
    En premier lieu, les requérantes reprochent à la Commission d'avoir déterminé la composante géographique du marché en cause en se fondant à tort sur la notion de «substituabilité à sens unique», en ce sens qu'elle a considéré que les ports du nord de l'Europe étaient substituables à ceux du sud de l'Europe mais non l'inverse. Elles font valoir que la Commission n'a pas montré en quoi les éléments prouvant que les ports d'Europe du Nord étaient substituables aux ports d'Europe du Sud ne démontraient pas du même coup que les ports des deux régions étaient substituables les uns aux autres.

855.
    Il y a lieu de relever que, aux considérants 76 à 83 de la décision attaquée, la Commission a exclu les ports méditerranéens d'Europe du Sud de la composante géographique du marché des services en cause, au motif, exposé au considérant 76, que «si certains chargeurs considèrent que les ports de l'Europe du Nord sont substituables à certains ports de la Méditerranée, il en est peu, voire aucun, pour considérer que les ports de la Méditerranée sont substituables à ceux de l'Europe du Nord».

856.
    Force est de constater qu'il ressort ainsi explicitement de ce considérant de la décision attaquée que, contrairement à ce que suggèrent les requérantes, la Commission n'a pas constaté que les ports d'Europe du Nord étaient substituables aux ports méditerranéens d'Europe du Sud, mais uniquement que «certains» chargeurs considéraient que les ports d'Europe du Nord étaient substituables à «certains» ports méditerranéens d'Europe du Sud.

857.
    Bien que ce seul motif suffise déjà à rejeter le présent grief, il doit en outre être souligné que, même si la Commission avait établi que les ports d'Europe du Nord étaient substituables aux ports méditerranéens d'Europe du Sud, elle n'aurait pas pour autant été tenue d'établir, aux fins de justifier l'exclusion des ports méditerranéens d'Europe du Sud du marché en cause, les raisons pour lesquelles les éléments prouvant cette substituabilité ne prouvaient pas que lesdits ports méditerranéens d'Europe du Sud étaient substituables à ceux d'Europe du Nord.

858.
    En effet, il convient de souligner que le TACA est un accord régissant les conditions de transport maritime par conteneur vers les États-Unis d'Amérique à partir non pas des ports européens de la Méditerranée, mais des ports d'Europe du Nord, et plus particulièrement, ainsi que cela ressort du considérant 14 de la décision attaquée, des ports situés à des latitudes comprises entre celle de Bayonne et celle du cap de Norvège et des points d'Europe desservis via ces ports, en dehors de l'Espagne et du Portugal. Pour déterminer la composante géographique du marché de services en cause, aux fins d'apprécier un tel accord au regard du droit de la concurrence, la seule question pertinente est dès lors de savoir si un chargeur acheminant du fret à partir d'Europe du Nord vers les États-Unis d'Amérique pourrait facilement substituer aux services offerts à partir des ports d'Europe du Nord les services offerts à partir des ports méditerranéens d'Europe du Sud à destination des États-Unis d'Amérique. À cet égard, les raisons pour lesquelles un chargeur acheminant du fret à partir des ports méditerranéens d'Europe du Sud vers les États-Unis d'Amérique pourrait finalement leur substituer les ports d'Europe du Nord sont manifestement dépourvues de pertinence.

859.
    Contrairement à ce que font valoir les requérantes, il n'en résulte nullement un renversement de la charge de la preuve. En effet, il ressort de la décision attaquée que, pour exclure les ports méditerranéens d'Europe du Sud du marché en cause au motif qu'aucun chargeur n'a acheminé des quantités importantes de fret de l'Europe du Nord vers les ports européens de la Méditerranée avec comme destination finale l'Amérique du Nord, la Commission se fonde sur plusieurs éléments de preuve, à savoir, en substance:

-    le fait que les parties au TACA qui participent aux accords VSA exploitent deux ou trois services ferroviaires aller-retour par semaine entre Milan et Rotterdam (considérant 80);

-    le fait que, selon le rapport Drewry (Global Container Markets, Londres, 1996), même pour les services Europe-Extrême-Orient, les ports méditerranéens ne semblent pas substituables (considérant 82);

-    le fait que, pour certaines catégories de marchandises, les parties au TACA peuvent limiter l'effet de la concurrence marginale provenant des autres moyens de transport en offrant des prix moins élevés sans nécessairement que cela affecte le niveau général des prix (considérant 83).

860.
    Au considérant 80 de la décision attaquée, la Commission estime que ces éléments l'emportent sur ceux apportés par les parties au TACA, lesquelles faisaient valoir, en substance, que des chargeurs ont transféré quelque 8 000 à 10 000 EVP de fret d'Europe du Nord vers les ports européens de la Méditerranée.

861.
    Il résulte de ce qui précède que la Commission a bien assumé la charge de la preuve qui lui incombe dans le cadre de la définition préalable du marché en cause aux fins de l'application de l'article 86 du traité.

862.
    Pour ces motifs, les présents griefs tirés d'un recours erroné à la notion de substituabilité à sens unique doivent être rejetés.

863.
    En second lieu, les requérantes allèguent que les constatations de la Commission, aux considérants 80 et 82 de la décision attaquée, selon lesquelles les ports méditerranéens d'Europe du Sud «ne suffiraient pas» et connaîtraient des «limites sur le plan des infrastructures» sont contredites par les faits. De l'avis des requérantes, les preuves qu'elles fournissent dans la requête démontrent que les ports méditerranéens du sud de l'Europe sont de plus en plus souvent perçus comme substituables aux ports d'Europe du Nord.

864.
    Il est indéniable qu'il existe une certaine substituabilité entre les services de transport maritime assurés dans le cadre du TACA et les services réguliers de transport de conteneurs, sur la ligne transatlantique, offerts à partir ou à destination des ports méditerranéens d'Europe du Sud (arrêt TAA, point 296). Toutefois, ce n'est pas l'absence totale de substituabilité qui justifie l'exclusion de ces derniers des services du marché pertinent, mais la circonstance que cette substituabilité est très limitée.

865.
    En effet, au considérant 80 de la décision attaquée, la Commission constate que «les parties au TACA n'ont fourni aucune preuve qu'un chargeur aurait acheminé des quantités importantes de fret de l'Europe du Nord vers des ports de la Méditerranée avec comme destination finale l'Amérique du Nord». La Commission relève, à cet égard, au considérant 79 de la décision attaquée, que la prétendue substitution de 8 000 à 10 000 EVP de fret des ports d'Europe du Nord vers les ports méditerranéens d'Europe du Sud, invoquée par les requérantes au cours de la procédure administrative, aurait pour seul effet, selon les propres chiffres des requérantes, d'accroître le marché total de 2 %, avec pour conséquence que la part du marché en cause détenue par les parties au TACA s'en trouverait réduite d'environ 1 %.

866.
    Or, ainsi qu'il a été indiqué au point 799 ci-dessus, il résulte de la jurisprudence que l'existence d'une substituabilité marginale n'empêche pas de conclure à l'existence de marchés distincts (arrêt Tetra Pak II, cité au point 762 ci-dessus, points 13 à 15, et arrêt TAA, point 273).

867.
    Force est de constater que les requérantes n'ont pas fourni, dans le cadre des présents recours, d'éléments de nature à démontrer que, pour les chargeurs d'Europe du Nord, qui constitue la zone d'attraction des services assurés par les membres du TACA, les services offerts par les ports méditerranéens d'Europe du Sud représentent une solution de rechange raisonnable.

868.
    Premièrement, les requérantes invoquent l'existence de transferts de fret des ports du nord de l'Europe vers les ports méditerranéens d'Europe du Sud. Elles se fondent à cet égard sur des transferts effectués par treize chargeurs entre 1996 et 1998, sur l'appel d'offres d'un chargeur dans lequel ce dernier indique n'avoir aucune préférence entre les ports du nord de l'Europe et les ports européens de la Méditerranée et sur les données de P & O Nedlloyd au sujet des ports à partir desquels cette requérante fournit ses services à ses clients.

869.
    Force est toutefois d'observer que, si les requérantes allèguent, sur la base de ces données, qu'il existe des transferts de fret à partir des ports du nord de l'Europe vers les ports méditerranéens d'Europe du Sud, en revanche, elles ne soutiennent à aucun moment que ces transferts sont substantiels. Or, ainsi qu'il est indiqué ci-dessus, au considérant 80 de la décision attaquée, ce n'est pas l'absence totale de transfert qui a conduit la Commission à exclure les ports européens de la Méditerranée du marché en cause mais le fait que ces transferts ne portent pas sur des quantités importantes.

870.
    Par ailleurs, il ressort de l'examen des données fournies par les requérantes que ces données ne sauraient établir l'existence de transferts substantiels.

871.
    Ainsi, s'agissant, d'abord, des exemples de transferts effectués par treize chargeurs, les données fournies par les requérantes font apparaître, tout au plus, des transferts pour un volume de 7 900 EVP en trois ans. Or, il ressort du tableau 2 figurant sous le considérant 85 de la décision attaquée que, pour la seule année 1996, le TACA a transporté, sur le trafic entre l'Europe du Nord et les États-Unis d'Amérique, 1 429 090 EVP, de sorte que les transferts allégués représentent une quantité infime du marché en cause. En outre, les données en question ne permettent pas de tirer la moindre conclusion pertinente dès lors qu'elles n'indiquent ni le lieu de l'établissement du chargeur ni, surtout, la destination des marchandises. S'agissant, ensuite, de l'appel d'offres cité dans la requête, il suffit de constater qu'il concerne un seul contrat de services d'un seul chargeur et qu'il ne saurait donc se voir attribuer une valeur probante particulière. S'agissant, enfin, des données de Nedlloyd concernant un seul transporteur, il doit être observé que, comme le relève à juste titre la Commission, elles n'ont aucune valeur probante dès lors qu'elles se bornent à indiquer, pour certains clients chargeurs de P & O Nedlloyd, les variations dans le fret transporté à partir des ports européens de la Méditerranée entre 1995 et 1996, sans préciser les variations dans le fret total transporté à partir des ports d'Europe du Nord et à partir des ports méditerranéens d'Europe du Sud. Dans ces circonstances, ces données ne permettent pas d'établir si les variations de fret résultent de transferts en provenance des ports d'Europe du Nord ou d'une variation dans les volumes des exportations vers les États-Unis d'Amérique.

872.
    Deuxièmement, les requérantes font valoir que le volume de fret relatif au trafic entre l'Europe et les États-Unis d'Amérique, qui est traité dans les ports méditerranéens d'Europe du Sud, a augmenté substantiellement au cours de la période de 1994 à 1997.

873.
    À cet égard, il convient de constater que, si, certes, les données fournies par les requérantes sur ce point démontrent incontestablement un tel accroissement, elles ne prouvent pas en revanche que celui-ci résulterait de transferts de fret à partir des ports d'Europe du Nord et non d'autres facteurs, tel un développement des exportations vers les États-Unis d'Amérique (arrêt TAA, point 297).

874.
    Troisièmement, les requérantes avancent qu'une étude préparée par l'une d'entre elles conclut que les ports méditerranéens d'Europe du Sud exercent une concurrence effective sur ceux d'Europe du Nord en termes d'efficacité. Dans ce cadre, elles soulignent également qu'il existe depuis toujours des conférences sur le trafic entre l'Europe du Sud et les États-Unis d'Amérique et que des compagnies indépendantes telles que Lykes et Evergreen ont accru leurs services à partir des ports méditerranéens d'Europe du Sud.

875.
    Force est toutefois de constater que ces données ne démontrent pas que, du point de vue des chargeurs, les ports méditerranéens d'Europe du Sud sont substituables, dans une mesure significative, aux ports d'Europe du Nord. Ainsi, s'agissant de l'étude produite par les requérantes, il convient d'observer que celle-ci se borne à étudier la productivité des ports européens de la Méditerranée et celle des ports d'Europe du Nord, sans à aucun moment examiner leur substituabilité. Une telle étude est dès lors dépourvue de pertinence pour contester la définition du marché en cause retenue par la décision attaquée. Quant aux autres éléments avancés par les requérantes, s'ils démontrent certes qu'une certaine quantité de fret à destination des États-Unis d'Amérique est acheminée à partir des ports méditerranéens d'Europe du Sud, ils ne prouvent, en revanche, nullement l'existence de transferts de fret par les chargeurs à partir des ports d'Europe du Nord vers les ports méditerranéens d'Europe du Sud.

876.
    Enfin, quatrièmement, les requérantes citent des articles de la presse spécialisée faisant état de ce que, d'une part, «beaucoup de transporteurs estiment ‘plus sensé’ de s'arrêter dans les ports méditerranéens de l'Europe du Sud» pour relier les services Europe-Asie aux services Europe-Amérique du Nord et, d'autre part, les exploitants des ports méditerranéens d'Europe du Sud considèrent que leurs services sont concurrentiels par rapport aux ports d'Europe du Nord.

877.
    À cet égard, il doit toutefois être constaté que les impressions des chargeurs, telles qu'elles sont rapportées par la presse spécialisée, au sujet de la liaison Extrême-Orient-Amérique du Nord, ne sauraient raisonnablement remettre en cause les conclusions contraires tirées par le rapport Drewry (Global Container Markets, Londres, 1996), figurant au considérant 82 de la décision attaquée aux termes duquel «les ports méditerranéens [d'Europe du Sud] ne semblent pas substituables aux ports de l'Europe du Nord, même pour les services Europe-Extrême-Orient». En tout état de cause, il convient de relever que les articles de presse invoqués par les requérantes à cet égard se bornent à faire état de l'augmentation du trafic dans les ports méditerranéens d'Europe du Sud, sans aucunement démontrer que ladite augmentation est due à des transferts de fret effectués par des chargeurs d'Europe du Nord.

878.
    Quant au fait que les ports méditerranéens d'Europe du Sud proclament leur compétitivité par rapport aux ports d'Europe du Nord, il suffit de constater que le seul élément avancé en ce sens par les requérantes est une publicité de l'autorité portuaire de Marseille, dont la teneur ne saurait manifestement pas, eu égard à son objet, remettre en cause les conclusions tirées par la Commission sur la base du rapport Drewry.

879.
    Il résulte de ce qui précède que les requérantes n'ont pas établi l'existence de transferts importants de fret à partir des ports d'Europe du Nord vers les ports méditerranéens d'Europe du Sud.

880.
    Par ailleurs, il convient encore de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté, sans être contredite sur ce point par les requérantes, d'une part, au considérant 80, que les parties au TACA qui participent aux accords VSA exploitaient deux ou trois services ferroviaires aller-retour par semaine entre Milan et Rotterdam et, d'autre part, au considérant 83, que, pour certaines catégories de marchandises, les parties au TACA pouvaient limiter l'effet de la concurrence marginale provenant des autres moyens de transport en offrant des prix moins élevés sans nécessairement que cela affecte le niveau général des prix. Dans ses écrits devant le Tribunal, la Commission a aussi souligné de manière pertinente que le tarif terrestre du TACA s'étend jusqu'à la Croatie. Force est d'admettre que de telles circonstances constituent des indices sérieux de nature à démontrer, ainsi que la Commission le souligne à juste titre, que les ports méditerranéens d'Europe du Sud ne suffisent pas à assurer les expéditions vers l'Amérique du Nord et qu'ils ne sont donc pas substituables aux ports d'Europe du Nord.

881.
    Enfin, en tout état de cause, ainsi qu'il a déjà été mentionné ci-dessus, les requérantes ont relevé, au cours de la procédure administrative, que, si le fret transporté à partir des ports européens de la Méditerranée était inclus dans le marché concerné, cela aurait pour effet d'accroître le marché total de 2 %. Or, au considérant 79 de la décision attaquée, la Commission a constaté, à cet égard, sans être contredite par les requérantes sur ce point, que, «[c]omme elles n'incluent pas dans la part du marché du TACA le fret transporté par les parties à l'accord sur des trafics ne relevant pas de la couverture géographique de celui-ci, la part du marché en cause détenue par les parties au TACA s'en trouverait réduite d'environ 1 %». Dans cette mesure, les présents griefs, pour autant qu'ils visent, en contestant la définition du marché en cause, à mettre en cause le caractère dominant de la position détenue par les parties au TACA sur ce marché, sont inopérants.

882.
    Pour l'ensemble de ces raisons, il convient donc de rejeter les arguments des requérantes concernant la dimension géographique du marché en cause retenue par la décision attaquée.

c) Conclusion sur le marché des services en cause

883.
    Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les griefs soulevés par les requérantes au sujet de la définition du marché des services en cause retenue par la décision attaquée doivent être rejetés dans leur intégralité.

2. Sur le marché géographique en cause

a) Arguments des parties

884.
    Les requérantes font valoir que, s'agissant de la définition du marché géographique en cause, la position de la Commission est incohérente. En effet, au considérant 84 de la décision attaquée, la Commission définirait le marché géographique comme les routes maritimes entre les ports d'Europe du Nord et ceux des États-Unis d'Amérique et du Canada, alors que, au considérant 519, elle affirmerait que «[l]e marché géographique correspond à la zone où les services de transport maritime sont commercialisés, à savoir en l'espèce les zones d'attraction des ports de l'Europe du Nord», et que «ce marché géographique correspond au champ d'application du tarif terrestre du TACA». Dans ces circonstances, les requérantes ne comprennent pas la conclusion, au considérant 91, selon laquelle les services de transport terrestre entre l'Europe du Nord et les États-Unis dans un cadre multimodal ne font pas partie du marché des transports maritimes. Or, si le marché en cause devait comprendre ces services de transport terrestre, il serait indéniable que les requérantes n'occupaient pas une position dominante.

885.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, estime que ce moyen n'est pas fondé.

b) Appréciation du Tribunal

886.
    À titre liminaire, il convient de rappeler que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la définition du marché géographique en cause retenue par la Commission dans la présente espèce figure non au considérant 84, mais au considérant 519 de la décision attaquée. En effet, ainsi qu'il a été indiqué aux points 851 à 852 ci-dessus, au considérant 84 de la décision attaquée, la Commission ne définit pas le marché géographique en cause mais uniquement la composante géographique des services maritimes en cause.

887.
    Il convient de relever que, au considérant 519 de la décision attaquée, la Commission expose que le marché géographique des services maritimes en cause «correspond à la zone où les services de transport maritime sont commercialisés, à savoir en l'espèce les zones d'attraction des ports de l'Europe du Nord», et précise que «ce marché géographique correspond au champ d'application du tarif terrestre du TACA».

888.
    Il est exact, ainsi que le soulignent les requérantes, que, au considérant 91 de la décision attaquée, la Commission constate que les services de transport terrestre en cause, à savoir ceux «qui sont fournis aux chargeurs sur le territoire de la Communauté en combinaison avec d'autres services, dans le cadre d'opérations de transport multimodal de fret par conteneur entre l'Europe du Nord et les États-Unis d'Amérique, [...] ne font pas partie du marché des transports maritimes».

889.
    Contrairement à ce que font valoir les requérantes, il n'en résulte, toutefois, aucune contradiction. En effet, les considérants 91 et 519 de la décision attaquée portent chacun sur des marchés de services différents, à savoir, respectivement, le marché des services de transport terrestre en cause et le marché des services de transport maritime en cause. Or, le fait que les marchés géographiques de ces services se chevauchent partiellement, en ce sens qu'ils recouvrent tous deux la zone géographique dans laquelle sont fournis les services de transport terrestre du TACA, ne saurait logiquement impliquer que les services terrestres et les services maritimes en cause sont substituables les uns aux autres et, partant, relèvent d'un même marché de services. Rien ne s'oppose en effet à ce qu'une même zone géographique recouvre deux marchés de services distincts.

890.
    La motivation de la décision attaquée ne souffrant d'aucune contradiction sur ce point, le présent grief doit dès lors être rejeté.

3. Conclusion sur la définition du marché en cause

891.
    Il ressort de l'ensemble de ce qui précède que les moyens et arguments des requérantes concernant la définition du marché des services en cause retenue par la décision attaquée aux fins de l'application de l'article 86 du traité doivent être rejetés dans leur intégralité.

B - Quant à l'existence d'une position dominante sur le marché en cause

892.
    Dans cette branche de leurs moyens tirés de l'absence d'infraction à l'article 86 du traité, les requérantes contestent que les parties au TACA détenaient une position dominante sur le marché en cause au cours de la période couverte par la décision attaquée. À cet égard, elles soutiennent que la Commission a analysé erronément non seulement leur part de marché, mais également la concurrence externe effective, la concurrence potentielle, la concurrence interne et l'évolution des taux sur le trafic en cause. Les requérantes allèguent, par ailleurs, l'existence de différents vices de motivation sur ce dernier point.

1. Sur la part de marché détenue par les parties au TACA

a) Arguments des parties

893.
    Le premier moyen des requérantes est tiré de ce que la Commission a commis une erreur de droit en constatant, au considérant 533 de la décision attaquée, que le fait de détenir en 1994, en 1995 et en 1996 une part de marché d'environ 60 % «induit une forte présomption de position dominante». Les requérantes estiment que l'analyse par la Commission des données relatives à la part de marché des parties au TACA est erronée et incomplète.

894.
    En premier lieu, les requérantes allèguent que les données relatives à la part de marché utilisées par la Commission ne couvrent pas une période suffisamment longue (trois années seulement). Or, la Cour aurait reconnu l'importance de la persistance d'une part de marché élevée aux fins de la constatation d'une position dominante (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, point 41). Bien que la Cour n'ait pas précisé la durée requise, il ressortirait de la doctrine (Bellamy & Child, Common Market Law of Competition, 4e édition, point 9024) qu'une période de cinq ans serait probablement suffisante mais qu'une période inférieure à trois ans, en particulier sur un marché dynamique, pourrait être jugée trop brève pour qu'une part de marché élevée puisse être considérée comme un indicateur d'une position dominante.

895.
    En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que la Commission n'a pas examiné la position des parties par rapport à celle des compagnies indépendantes. Or, lorsqu'une entreprise détenant une faible part de marché est en mesure de satisfaire la demande des clients qui souhaitent se détourner de l'entreprise détenant la part de marché la plus élevée, celle-ci ne pourrait être considérée comme un «partenaire obligatoire» au sens de l'arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, et dès lors en position dominante. Elles rappellent que, selon cet arrêt, «la possession d'une part de marché extrêmement importante met l'entreprise qui la détient pendant une période d'une certaine durée, par le volume de production et d'offre qu'elle représente - sans que les détenteurs de parts sensiblement plus réduites soient en mesure de satisfaire rapidement la demande qui désirerait se détourner de l'entreprise détenant la part la plus considérable - dans une situation de force qui fait d'elle un partenaire obligatoire et qui, déjà de ce fait, lui assure, tout au moins pendant des périodes relativement longues, l'indépendance de comportement caractéristique de la position dominante» (point 41). Les requérantes soulignent également que l'appréciation de la part de marché de manière isolée sans tenir compte de la part de marché des principaux concurrents conduit à ignorer, d'une part, les contraintes résultant de la concurrence potentielle (alors qu'elles ont apporté de nombreuses preuves de l'existence d'une telle concurrence) et, d'autre part, la nature de la dynamique concurrentielle du marché.

896.
    En troisième lieu, les requérantes soutiennent que, dans l'hypothèse d'une position dominante collective, la Commission ne peut induire une présomption de position dominante de la seule considération d'une part de marché supérieure à 50 %. Les requérantes considèrent que cette présomption, tirée du point 60 de l'arrêt AKZO/Commission, cité au point 95 ci-dessus, aux fins de la constatation d'une position dominante individuelle, n'est pas pertinente dans l'hypothèse d'une position dominante collective. Selon les requérantes, dans cette dernière hypothèse, l'analyse des parts de marché cumulées devrait en outre tenir compte de l'existence de la concurrence interne entre les entreprises en cause. Ce ne serait qu'en l'absence d'une telle concurrence interne que l'analyse faite dans l'arrêt AKZO/Commission, cité au point 95 ci-dessus, redeviendrait pertinente. La Cour aurait, dans le cadre du contrôle communautaire des concentrations, confirmé ce point de vue dans son arrêt Kali und Salz (cité au point 595 ci-dessus, point 226), dans lequel elle a jugé qu'«une part de marché totale d'environ 60 % [répartie entre les entreprises individuelles de la manière suivante: 23 % pour l'une et 37 % pour l'autre] ne saurait constituer par elle-même un indice décisif de l'existence d'une position dominante collective desdites entreprises». Par ailleurs, la Commission elle-même aurait reconnu, dans sa pratique décisionnelle en matière de contrôle des concentrations, que des parts de marché et des niveaux de production asymétriques rendaient l'adoption d'une stratégie commerciale commune peu probable. Or, en l'espèce, d'une part, les parts de marché des requérantes auraient varié, en 1996, de 9,6 % dans le cas de Sea-Land à 0,1 % dans le cas de NOL et, d'autre part, l'utilisation des capacités individuelles des requérantes aurait différé considérablement.

897.
    En quatrième lieu, les requérantes soulignent que, selon la pratique de la Commission, tant en droit des ententes [décision 87/500/CEE de la Commission, du 29 juillet 1987, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CEE (IV/32.279 - BBI/Boosey & Hawkes: mesures conservatoires) (JO L 286, p. 36), point 18] qu'en droit du contrôle des concentrations [décision 91/251/CEE de la Commission, du 12 avril 1991, déclarant la compatibilité avec le marché commun d'une concentration (Affaire n° IV/M042 - Alcatel/Telettra) (JO L 122, p. 48)], une part de marché élevée ne saurait créer une présomption de dominance. En outre, dans le cas de conférences maritimes, elles rappellent que celles-ci disposent traditionnellement d'une part de marché cumulée relativement élevée afin de jouer le rôle stabilisateur qui leur est reconnu par le règlement n° 4056/86. À cet égard, les requérantes estiment que, le règlement n° 4056/86 comportant une disposition en vertu de laquelle la Commission peut appliquer l'article 86 du traité aux conférences maritimes, il ne saurait légitimement être présumé, sur la base d'une part de marché cumulée relativement élevée, qu'une conférence maritime détient une position dominante.

898.
    Le deuxième moyen des requérantes est tiré de ce que, même si la Commission était en droit de considérer les parties au TACA collectivement, la part de marché collective des requérantes est incompatible avec la constatation d'une position dominante collective.

899.
    En premier lieu, les requérantes allèguent que, sur le marché tel que défini par la Commission, la part de marché détenue par les parties au TACA de 1994 à 1997 sur le marché en cause en tant qu'opérateurs TACA était, contrairement à ce que constate la décision attaquée au considérant 85 et au tableau 2, pour chacune des années, de 58,1, de 57,6, de 56,2 et de 54,3 %. Les requérantes expliquent que la différence de la part de marché par rapport à celle constatée dans la décision attaquée correspond à la différence d'approche sur la question des transports effectués via les ports canadiens. Selon les requérantes, les transports réalisés par les membres individuels du TACA par la porte canadienne ne relèvent pas du champ d'application du TACA et ne doivent dès lors pas être ajoutés aux transports effectués par elles sur les trafics directs.

900.
    En second lieu, les requérantes allèguent que, sur le marché en cause correctement défini, la part de marché des parties au TACA est substantiellement inférieure à celle constatée dans la décision attaquée. Ainsi, les requérantes estiment que la part de marché des parties au TACA sur ce marché serait, selon le cas, de 47,2, de 46,4 voire inférieure à 40 % selon que, du point de vue de la demande, il est tenu compte, respectivement, du fret transporté en vrac et dans le cadre de services de transport frigorifique, des ports de la Méditerranée et des NVOCC. Les requérantes précisent que les données relatives au transport aérien ne sont pas disponibles, mais que si elles l'étaient, leur part de marché serait encore inférieure à ces données. Par ailleurs, s'il était tenu compte de la possibilité de substitution du côté de l'offre, leur part de marché serait de 43,3 % (sans déduire le fret des NVOCC). Les requérantes indiquent que ces estimations sont basées sur leurs propres données, relatives à 1995 en ce qui concerne la substitution du point de vue de la demande, et relatives à 1996 en ce qui concerne la substitution du point de vue de l'offre. Les requérantes font valoir que les imperfections dues au caractère limité de ces données jouent, en tout état de cause, en leur défaveur, puisque davantage d'information au sujet du fret transporté par conteneur et en vrac aurait pour effet de réduire d'autant leur part de marché.

901.
    La requérante dans l'affaire T-213/98 soutient encore que la Commission ne peut rejeter comme non pertinent le fait que la part de marché du TACA a diminué en 1997 (considérant 533 de la décision attaquée) sans examiner les raisons de cette réduction de part de marché. Si la réduction est due à la concurrence exercée sur le TACA, cette circonstance serait en effet pertinente pour l'appréciation de la position du TACA sur le marché en cause.

902.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, estime que ces moyens ne sont pas fondés.

b) Appréciation du Tribunal

903.
    En substance, par les présents moyens et griefs, les requérantes contestent que leur part de marché sur le trafic transatlantique soit de nature à leur conférer une position dominante sur celui-ci.

904.
    Toutefois, il doit être précisé d'emblée qu'il ressort de la décision attaquée que la Commission ne s'est pas uniquement fondée sur la seule détention d'une telle part de marché pour conclure à l'existence d'une position dominante. Au considérant 533 de la décision attaquée, la Commission indique explicitement que la part de marché des parties au TACA «induit une forte présomption de position dominante». Par ailleurs, aux considérants 534 à 549 de la décision attaquée, la Commission constate que cette présomption est confirmée par d'autres facteurs, à savoir:

-    le maintien par le TACA d'une grille de prix discriminatoire, la Commission estimant, aux considérants 534 à 537, que le système de tarification différenciée, notamment, en fonction de la valeur des produits ou des quantités, dont le but est de maximiser les recettes, ne se retrouve normalement que dans des situations où une ou plusieurs entreprises jouissent d'une importante puissance de marché;

-    les possibilités limitées qu'ont les clients de se tourner vers d'autres fournisseurs, la Commission estimant que cette circonstance résulte des capacités détenues par le TACA (considérant 539), de l'existence de contrats de services (considérant 540), du leadership du TACA en matière de prix (considérants 541 et 548), du rôle de suiveur des concurrents en matière de prix (considérants 541 et 544), de la capacité du TACA d'imposer des augmentations de prix régulières, quoique modestes, au cours de la période en cause (considérant 543) et des barrières à l'entrée considérables qui existent sur le trafic (considérants 545 à 547).

905.
    En conséquence, la Commission n'ayant pas fondé sa constatation selon laquelle les parties au TACA détiennent une position dominante sur le trafic en cause sur leur seule part de marché sur ledit trafic, il convient de comprendre les présents moyens et griefs des requérantes comme visant à reprocher à la Commission d'avoir déduit une «forte présomption de position dominante» à partir d'une telle part de marché.

906.
    En l'espèce, il convient d'observer que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté, au considérant 533, que les parties au TACA détenaient environ 60 % du marché en cause en 1994, en 1995 et en 1996, à savoir, ainsi que cela ressort des considérants 592 et 594, au cours de la période couverte par les infractions à l'article 86 du traité retenues par la décision attaquée. La Commission a également relevé que cette part de marché atteignait 70 % sur le segment le plus important du trafic, à savoir, ainsi que cela ressort du tableau 3, sous le considérant 86 auquel renvoie le considérant 533, sur le segment du trafic entre l'Europe du Nord et la côte Est des États-Unis d'Amérique ainsi que sur le segment du trafic entre l'Europe du Nord et la côte Ouest des États-Unis d'Amérique.

907.
    Force est d'admettre que, comme la Commission l'a constaté à juste titre, une telle part de marché est de nature à donner aux parties au TACA le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en leur fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de leurs concurrents et des chargeurs et, partant, à leur conférer une position dominante au sens de l'article 86 du traité (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, point 38). En effet, selon la jurisprudence, si l'existence d'une telle position peut résulter de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants, des parts de marché extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l'existence d'une position dominante (arrêt du 8 octobre 1996, CEWAL, cité au point 568 ci-dessus, point 76, et la jurisprudence citée). Il ressort de la jurisprudence que des parts de marché de plus de 50 % constituent des parts de marché extrêmement élevées (arrêt AKZO/Commission, cité au point 95 ci-dessus, point 60; arrêts du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89, Rec. p. II-1439, point 89, et du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T-83/91, Rec. p. II-755, point 109). Ainsi, le Tribunal a déjà constaté qu'une part de marché s'élevant entre 70 et 80 % constitue, en elle-même, un indice clair de l'existence d'une position dominante (arrêt Hilti/Commission, cité au point 907 ci-dessus, point 92).

908.
    Dans ces circonstances, il convient de considérer que c'est à bon droit que, au considérant 533 de la décision attaquée, la Commission a déduit du fait que les parties au TACA détenaient une part de marché de 60 % sur le trafic en cause une «forte présomption de position dominante».

909.
    Aucun des moyens et griefs avancés par les requérantes dans le cadre des présents recours n'est de nature à remettre en cause cette conclusion.

910.
    En ce qui concerne, en premier lieu, l'allégation selon laquelle les données relatives à la part de marché retenue dans la décision attaquée seraient inexactes, les requérantes font, d'abord, grief à la Commission d'avoir inclus à tort les transports effectués par les parties au TACA via les ports canadiens.

911.
    À cet égard, il convient de rappeler que, aux considérants 265 à 273 de la décision attaquée, la Commission a estimé que la part de marché des parties au TACA pour les services fournis via les ports canadiens devait être ajoutée à celle qu'elles détenaient pour les services directs, et non traitée comme si elle revenait à un concurrent. En conséquence, aux fins de déterminer la part de marché des parties au TACA sur le marché en cause au cours de la période couverte par la décision attaquée, la Commission a tenu compte, ainsi que cela ressort des considérants 85 et 533 de la décision attaquée, du fret des parties au TACA transitant par les ports canadiens.

912.
    Sans qu'il soit besoin, à ce stade, de se prononcer sur la question de savoir si c'est à tort que la Commission a tenu compte du fret transitant par les ports canadiens pour déterminer la part de marché des parties au TACA sur le marché en cause, cette question faisant l'objet de moyens distincts examinés ci-après dans le cadre de l'examen de la concurrence externe, il convient d'observer que, en tout état de cause, la part de marché des parties au TACA entre 1994 et 1996 telle que calculée par les requérantes en excluant ledit fret n'est que de peu inférieure à celle retenue dans la décision attaquée, puisqu'elle s'élève, pour chacune des années, à 58,1, à 57,6 et à 56,2 % au lieu de 60,6, de 61,5 et de 59,8 %.

913.
    Or, force est de constater qu'une part de marché de 56 % demeure encore une part de marché extrêmement importante qui, conformément à la jurisprudence précitée, constitue par elle-même, sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l'existence d'une position dominante.

914.
    Dans ces circonstances, le grief des requérantes, même à le supposer fondé, doit être considéré comme inopérant.

915.
    S'agissant, ensuite, du grief selon lequel, sur le marché en cause tel que défini par les requérantes, la part de marché des parties au TACA est inférieure à 50 %, voire à 40 %, il est dépourvu de tout fondement, les griefs des requérantes quant à la définition du marché en cause ayant été rejetés ci-dessus.

916.
    Partant, le moyen tiré d'un calcul inexact de la part de marché des parties au TACA doit être rejeté.

917.
    En ce qui concerne, en second lieu, le moyen tiré du caractère incomplet et erroné de l'analyse de la part de marché des parties au TACA, les requérantes font d'abord grief à la Commission de ne pas avoir examiné ladite part de marché sur une période d'une durée suffisamment longue.

918.
    À cet égard, il convient de rappeler que, au considérant 533 de la décision attaquée, la Commission constate que les parties au TACA détenaient une part de marché d'environ 60 % en 1994, en 1995 et en 1996, à savoir, ainsi que cela ressort des considérants 592 et 594 de la décision attaquée, au cours des trois années correspondant à la période couverte par les infractions à l'article 86 du traité retenues par la décision attaquée. Au même considérant, la Commission précise que la décision attaquée n'examine pas si cette part de marché s'est maintenue en 1997.

919.
    Certes, il ne saurait être exclu que la détention d'une part de marché élevée au cours d'une très courte période, dans certaines circonstances, ne suffise pas pour induire une présomption de position dominante.

920.
    En l'espèce, il doit toutefois être relevé que la détention d'une part de marché de l'ordre de 60 % pendant une période de trois années correspondant aux trois premières années de fonctionnement de l'accord TACA ne saurait a priori être considérée comme insuffisante pour induire l'existence d'une présomption de position dominante. À cet égard, force est d'ailleurs de constater que, si les requérantes soutiennent, de manière générale, qu'une période de trois années est insuffisante, elles n'expliquent pas en quoi tel serait le cas en l'espèce.

921.
    En outre, il doit être observé que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la détention par les parties au TACA d'une part de marché de l'ampleur de celle retenue dans la décision attaquée ne s'est pas limitée à trois ans. En effet, ainsi que le Tribunal l'a constaté dans l'arrêt TAA (point 326), le TAA, auquel le TACA a succédé en 1994, disposait, sur le trafic transatlantique entre l'Europe du Nord et les États-Unis d'Amérique, d'une part de marché de l'ordre de 75 % en 1992 et de 65 à 70 % en 1993. Dans la mesure où le TAA regroupait en 1992 et en 1993 la plupart des parties au TACA, il convient dès lors de constater que les parties au TAA/TACA ont détenu une part de marché excédant 60 % pendant au moins cinq ans. Or, dans leurs écrits devant le Tribunal, les requérantes elles-mêmes ont admis que la détention d'une part de marché élevée pendant cinq ans était suffisante pour induire une présomption de position dominante.

922.
    Il en résulte que c'est à tort que les requérantes soutiennent que la présomption de position dominante constatée dans la décision attaquée a été induite à partir de données relatives à une période insuffisamment longue.

923.
    Par ailleurs, pour autant que, par le présent grief, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la diminution de la part de marché détenue par les parties au TACA au-delà de 1996, ledit grief se confond avec les moyens et arguments relatifs à l'examen de la concurrence potentielle examinés ci-après. En effet, un recul significatif de la part de marché des parties au TACA postérieurement à 1996 pourrait être l'indice de l'existence d'une concurrence potentielle importante entre 1994 et 1996 qui serait, le cas échéant, de nature à mettre en cause l'existence d'une position dominante au cours de cette dernière période. Cette question est traitée aux points 1009 à 1037 ci-après.

924.
    S'agissant, ensuite, du grief selon lequel la Commission n'a pas examiné la position des concurrents des parties au TACA, il convient de relever que, aux considérants 538 à 544 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la présomption de position dominante résultant de la part de marché détenue par les parties au TACA au cours de la période en cause était confirmée par les possibilités limitées qu'avaient leurs clients de se tourner vers d'autres fournisseurs. À cet égard, la Commission a relevé, au considérant 539 de la décision attaquée, que, entre 1993 et 1995, les parties au TACA détenaient plus de 70 % des capacités disponibles sur le trafic direct entre l'Europe du Nord et les États-Unis d'Amérique, tout en soulignant que le concurrent le plus important des parties au TACA, à savoir Evergreen, détenait 11 % desdites capacités disponibles et qu'il n'y avait aucune raison pour que ces chiffres aient été différents en 1996. Par ailleurs, s'agissant des autres principaux concurrents, la Commission a renvoyé, au même considérant, à l'analyse effectuée aux considérants 244 à 264 de la décision attaquée.

925.
    Certes, il ressort de ce qui précède que, aux fins de constater que les parties au TACA détenaient une position dominante sur le marché en cause, la Commission a apprécié la position des concurrents des parties au TACA en se référant non pas à leurs parts de marché, mais à la part détenue par ces derniers dans les capacités disponibles sur le marché en cause. Il ne saurait toutefois, pour ce seul motif, être déduit que la Commission n'a pas, comme le font valoir les requérantes, examiné la position des concurrents des parties au TACA par rapport à ces dernières.

926.
    En effet, les requérantes elles-mêmes ont indiqué, dans leurs écrits devant le Tribunal, que, sur le marché des transports maritimes, les parts de marché reflètent, en principe, les capacités.

927.
    De surcroît, aux considérants 244 à 264, auxquels le considérant 539 renvoie explicitement, la Commission étudie en détail la position concurrentielle de chacun des concurrents du TACA disposant d'une part de marché supérieure à 1 %, à savoir, outre Evergreen, Lykes, Atlantic Cargo Service, Independent Container Line et Carol Line. Dans ce cadre, la Commission examine non seulement la part de marché de chacun de ces concurrents, mais également l'ensemble des autres éléments pertinents, notamment, les capacités détenues par ces concurrents et les autres accords auxquels ils sont liés, pour apprécier l'intensité de la concurrence exercée par ces derniers.

928.
    De plus, la Commission a souligné, aux considérants 540 à 544 et 548 de la décision attaquée, l'effet de fermeture provoqué par les contrats de services et le fait que les concurrents des parties au TACA fixent leurs taux en fonction du TACA et sont donc des suiveurs en la matière.

929.
    Il en résulte que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la Commission a bien examiné, dans la décision attaquée, la position des concurrents des parties au TACA et que, ce faisant, elle a été en mesure d'apprécier, conformément à la jurisprudence (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, point 48), si ces concurrents étaient en mesure d'exercer une concurrence effective sur les parties au TACA.

930.
    Partant, le grief tiré d'un prétendu défaut d'examen de la position des concurrents des parties au TACA doit être rejeté.

931.
    S'agissant du grief selon lequel, contrairement à la situation prévalant en cas de position dominante individuelle, une part de marché supérieure à 50 % ne saurait suffire à établir une présomption de position dominante collective, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion de position dominante vise une situation de puissance économique donnant le pouvoir à l'entité qui la détient de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et finalement des consommateurs (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, point 38).

932.
    Force est de constater qu'une entité qui détient plus de 50 % du marché, qu'elle forme une entité individuelle ou une entité collective, est susceptible de jouir d'une telle indépendance.

933.
    Certes, ainsi que les requérantes le relèvent à juste titre, une entité collective est composée d'entreprises entre lesquelles un certain degré de concurrence peut subsister et dont les parts de marché peuvent présenter une certaine asymétrie. Toutefois, si une telle circonstance est susceptible, le cas échéant, de conduire à exclure une appréciation collective de la position de ces entreprises sur le marché concerné (voir, en ce sens, arrêt Kali und Salz, cité au point 595 ci-dessus, points 226 et 233), elle est, en revanche, sans pertinence pour déterminer si cette position collective revêt un caractère dominant. En effet, le caractère dominant d'une position de marché s'apprécie en fonction du degré de dépendance par rapport aux concurrents, clients et fournisseurs, de sorte que seuls ces derniers facteurs tenant à la concurrence externe doivent être pris en compte.

934.
    En tout état de cause, en l'espèce, il y a lieu de relever que la part de marché détenue par le TACA au cours de la période en cause excédait de manière significative le seuil de part de marché de 50 %. Dans la décision attaquée, la Commission a en effet constaté que les parties au TACA détenaient une part de marché d'environ 60 %. Par ailleurs, au considérant 533 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, sur le segment le plus important du marché en cause, la part de marché du TACA était d'environ 70 % au cours de la période en cause. Enfin, ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, selon les propres données fournies par les requérantes à l'appui de leurs recours, la part de marché du TACA atteindrait encore plus de 56 %.

935.
    Dans ces circonstances, il convient de constater que, même à suivre la thèse erronée des requérantes selon laquelle le seuil de part de marché requis pour induire l'existence d'une position dominante collective est plus élevé que pour une simple position dominante individuelle, tel serait le cas en l'espèce.

936.
    Partant, le grief des requérantes sur ce point doit être rejeté.

937.
    S'agissant, enfin, de l'argument selon lequel les conférences maritimes doivent disposer de parts de marché élevées afin de jouer le rôle stabilisateur qui leur est reconnu par le règlement n° 4056/86, il doit être admis qu'une conférence maritime, par nature, restreint la concurrence entre ses membres et ne peut atteindre l'objectif de stabilisation qui lui est reconnu par le règlement n° 4056/86 que si elle dispose d'une part de marché non négligeable. La circonstance que le règlement n° 4056/86 prévoit une exemption par catégorie en faveur des conférences maritimes ne permet pas, dès lors, de considérer automatiquement que toute conférence maritime détenant une part de marché de 50 % ne satisfait pas à la quatrième condition de l'article 85, paragraphe 3, du traité, à savoir l'élimination de la concurrence (arrêt TAA, point 324).

938.
    Il ne saurait, toutefois, en être déduit que, dans le domaine des transports maritimes, le fait qu'une conférence maritime détient une part de marché élevée ne constitue pas l'indice de l'existence d'une position dominante.

939.
    En effet, si le fait d'éliminer la concurrence est de nature à exclure l'application de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86, en revanche, le simple fait de détenir une position dominante est sans aucune incidence à cet égard. D'une part, la notion d'élimination de la concurrence étant plus restrictive que celle de l'existence ou de l'acquisition d'une position dominante, une entreprise détenant une telle position est susceptible de bénéficier d'une exemption (arrêts United Brands/Commission, cité au point 853 ci-dessus, point 113; Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, point 39, et arrêt TAA, point 330). Ainsi, en vertu de l'article 8 du règlement n° 4056/86, c'est uniquement lorsqu'une conférence maritime exploite de manière abusive sa position dominante que la Commission peut retirer le bénéfice de l'exemption par catégorie prévue par ledit règlement. D'autre part, le simple fait de détenir une position dominante n'est pas, contrairement à la possibilité d'éliminer la concurrence, en soi interdit par les règles de concurrence instituées par le traité, seule l'exploitation abusive de cette position étant interdite.

940.
    Il en résulte que, même dans le domaine des transports maritimes, la détention d'une part de marché élevée est susceptible de constituer l'indice d'une position dominante au sens de l'article 86 du traité.

941.
    Partant, le présent argument tiré du règlement n° 4056/86 doit être rejeté.

942.
    Il ressort dès lors de ce qui précède que les moyens et griefs relatifs à la part de marché détenue par les parties au TACA doivent être rejetés dans leur intégralité.

2. Sur la concurrence externe effective

a) Arguments des parties

943.
    Le présent moyen des requérantes est tiré de ce que la décision attaquée constate erronément aux considérants 243 à 275 (section X: «Concurrence externe») ainsi qu'aux considérants 543 et 566 (dans la section XXIII: «Appréciation au regard de l'article 86») qu'elles ont éliminé la concurrence externe réelle. Subsidiairement, les requérantes allèguent encore que, dans la mesure où la Commission aurait reconnu, au stade de la procédure écrite, qu'elles n'ont pas, en commettant le second abus relevé par la décision attaquée, éliminé la concurrence externe réelle, il conviendrait, à tout le moins, d'en tenir compte au stade de l'appréciation de la proportionnalité des amendes infligées.

944.
    En premier lieu, les requérantes font valoir que, en considérant que la part de marché cumulée des parties au TACA a connu une relative stabilité, la Commission a méconnu le fait qu'une modification numérique infime en termes de parts de marché pouvait équivaloir à une variation importante en termes de fret. Ainsi, lorsque Evergreen a augmenté sa part de marché en 1995 de 1,2 % par rapport à 1994, cette augmentation aurait représenté une augmentation de fret de 36 466 EVP. Les requérantes ajoutent qu'il existe plus de 20 opérateurs indépendants de transport par conteneur sur le trafic entre l'Europe du Nord et les États-Unis d'Amérique, lesquels exercent une pression concurrentielle cumulative sur les parties au TACA.

945.
    En deuxième lieu, les requérantes relèvent que le taux d'augmentation du fret transporté par d'autres transporteurs au cours des périodes de 1994 à 1996 et de 1994 à 1997 a excédé le leur. Par exemple, les requérantes font observer que, sur le trafic est-ouest, pour la période de 1994 à 1996, le fret transporté par le TACA a baissé de 8,3 %, alors que celui transporté par d'autres transporteurs a augmenté de 6,7 %. Les requérantes relèvent également que les nouveaux entrants sur le marché ont augmenté de manière significative leur part de marché dans le transport de certaines marchandises. Par ailleurs, les capacités offertes par les transporteurs indépendants sur le trafic en cause auraient augmenté de 41 % pour la période allant de juillet 1996 à juillet 1997 et de 47 % pour la période allant de juillet 1995 à juillet 1997. Cette augmentation serait due à l'arrivée sur le marché, en février 1997, de Cosco, de K Line et de Yangming.

946.
    En troisième lieu, les requérantes soulignent l'importance de la concurrence exercée par les transporteurs de conteneurs indépendants, Evergreen et Lykes, sur le trafic transatlantique direct.

947.
    S'agissant d'Evergreen, les requérantes considèrent que cette concurrence est démontrée par le transfert, par les chargeurs, de tout ou partie de leur fret du TACA vers Evergreen et par l'augmentation de la part de marché de cette dernière sur la période de 1994 à 1996 de 10,8 à 12 %. En outre, Evergreen aurait annoncé son intention, en octobre 1997, d'investir dans la construction de 25 nouveaux navires. Cet élément répondrait à l'allégation, au considérant 251 de la décision attaquée, selon laquelle «la pression concurrentielle exercée par Evergreen est limitée par le fait que, étant donné les taux actuellement élevés d'utilisation des capacités sur le trafic transatlantique, cette compagnie n'aurait d'autre solution, pour tenter d'accroître sa part de marché, que la mise en service de nouveaux navires». En tout état de cause, selon les requérantes, même si Evergreen n'investissait pas dans de nouvelles capacités, cette compagnie aurait les moyens d'augmenter ses capacités sur le trafic transatlantique, sans coût supplémentaire, par le simple transfert de navires affectés à d'autres trafics.

948.
    S'agissant de Lykes, les requérantes estiment que la concurrence qu'elle livre au TACA est démontrée par les cas de transferts de leur fret vers Lykes, ainsi que par le volume de fret transporté par ce transporteur sur le trafic en cause entre 1994 et 1996. Quant à la circonstance alléguée par la Commission selon laquelle nombre de ces cas de transferts ne concernent pas l'ensemble des besoins des chargeurs, les requérantes estiment que ces transferts démontrent que les chargeurs considèrent les parties non membres du TACA comme faisant une concurrence effective à la conférence, puisque les chargeurs répartissent souvent leurs besoins précisément en vue d'exercer une plus grande pression lorsqu'ils négocient les taux.

949.
    En quatrième lieu, les requérantes soulignent la concurrence exercée par le fret transporté via les ports canadiens soit par des membres du TACA actifs sur ce trafic (ACL, DSR-Senator, Hapag Lloyd, MSC, Maersk, NOL, NYK, OOCL, P & O Nedlloyd, POL et Sea-Land), soit par des non-membres du TACA (CAST et Canadia Maritime, Bolt Canada Line et Norasia). Les requérantes rappellent que le fret passant par les ports canadiens à destination des États-Unis d'Amérique n'est pas soumis à la fixation collective des tarifs, de sorte que les membres du TACA actifs sur cette ligne opèrent en tant que transporteurs indépendants. Elles font valoir que la concurrence exercée par le fret transitant par les ports canadiens est reconnue par la presse spécialisée et démontrée par les cas de transferts de fret effectués par les chargeurs, entre 1993 et 1998, des membres du TACA vers d'autres opérateurs actifs sur le trafic via les ports canadiens.

950.
    Quant à la concurrence exercée par les membres du TACA, les requérantes estiment qu'elle est démontrée par le fait que les taux pratiqués sur le trafic direct et sur le trafic via les ports canadiens sont différents. Cette concurrence serait en outre reconnue par les chargeurs eux-mêmes, qui considèrent que les membres du TACA opérant via les ports canadiens agissent en tant qu'indépendants. Selon les requérantes, ces éléments contredisent les constatations effectuées aux considérants 269 et 270 de la décision attaquée.

951.
    Quant à la concurrence exercée par les opérateurs non membres du TACA, les requérantes précisent d'abord que, contrairement à ce que laisse entendre le considérant 268 de la décision attaquée, les autorités canadiennes ne sont nullement «préoccupées» par la situation concurrentielle sur le trafic Europe du Nord-Canada. Dans son ordonnance au sujet de la fusion entre Cast et CP Ships, la Canadian Federal Court of Appeal (Cour d'appel fédérale du Canada) aurait en effet considéré que la concurrence ne sera pas réduite par cette fusion étant donné l'intensité de la concurrence sur le trafic, démontrée par l'annonce par Sea-Land, Maersk et P & O Nedlloyd de leur entrée sur ce trafic. Les requérantes soulignent ensuite la concurrence significative exercée par le groupe CP Ships, Bolt Canada Line et Norasia. Le groupe CP Ships, qui détient une capacité de 85 000 EVP et une flotte de 46 navires, constituerait un concurrent puissant sur la route via les ports canadiens. Le fret transporté par ce groupe à destination des États-Unis d'Amérique représenterait d'ailleurs une part importante du fret total qu'il transporte. Par ailleurs, Canadia Maritime aurait l'intention d'accroître sa présence sur la route à la suite de l'acquisition de nouveaux conteneurs. Quant à Bolt Canada Line, elle serait active sur la route avec trois navires. Enfin, Norasia, une compagnie basée en Suisse, aurait lancé, en juin 1998, un nouveau service entre l'Europe du Nord et le Canada. Les navires de Norasia représenteraient une capacité de 1 388 EVP et l'objectif de cette compagnie serait de se différencier de la concurrence en opérant uniquement à partir de trois ports.

952.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, estime que ces moyens et griefs ne sont pas fondés.

b) Appréciation du Tribunal

953.
    Les requérantes contestent que le TACA a éliminé la concurrence externe effective. Elles font valoir qu'il existe un nombre élevé de concurrents au TACA dont la part de marché a augmenté au cours de la période en cause, que le taux d'accroissement de la part de marché de ces derniers a excédé celui du TACA et que les capacités offertes par les compagnies indépendantes ont augmenté à la suite de l'entrée sur le marché de Cosco, de K Line et de Yangming. Elles relèvent aussi que des chargeurs ont transféré tout ou partie de leur fret du TACA vers Evergreen et Lykes et qu'Evergreen est en mesure d'augmenter ses capacités à l'avenir. La requérante dans l'affaire T-213/98 conteste que le leadership du TACA en matière de prix puisse constituer l'indice d'une position dominante dans le domaine des transports maritimes. Les requérantes estiment encore que la Commission a apprécié erronément la concurrence exercée par le fret transporté via les ports canadiens.

954.
    Il convient, à titre liminaire, d'observer que, contrairement à ce qu'allèguent les requérantes, la Commission n'a pas constaté, dans la décision attaquée, que la concurrence externe effective vis-à-vis du TACA était éliminée mais uniquement qu'elle était limitée. En effet, au considérant 538 de la décision attaquée, la Commission indique que l'un des éléments démontrant la position dominante du TACA consiste dans les possibilités «limitées» qu'ont ses clients de se tourner vers d'autres fournisseurs, ce qui en fait un partenaire commercial obligé, même pour les clients mécontents. À cet égard, la Commission souligne, s'agissant de la concurrence externe, les facteurs suivants: le fait que le TACA détient 70 % des capacités disponibles sur le trafic direct entre l'Europe du Nord et les États-Unis d'Amérique, alors que son concurrent principal en détient 11 %, l'effet de fermeture créé par les contrats de services, le leadership du TACA et le rôle de suiveur des concurrents en matière de prix et les augmentations régulières, quoique modestes, des prix imposées par le TACA entre 1994 et 1996.

955.
    Il en résulte que ce n'est donc pas l'absence totale de concurrence qui a conduit la Commission à conclure à l'existence d'une position dominante mais bien la faible intensité de cette concurrence externe. À cet égard, il doit d'ailleurs être rappelé que, selon la jurisprudence, une position dominante n'exclut pas nécessairement l'existence d'une certaine concurrence mais met la firme qui en bénéficie en mesure, sinon de décider, tout au moins d'influencer notablement les conditions dans lesquelles cette concurrence se développe et, en tout cas, de se comporter dans une large mesure sans devoir en tenir compte et sans pour autant que cette attitude lui porte préjudice (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, point 39).

956.
    Dans ce contexte, il convient dès lors d'examiner si les moyens et griefs soulevés par les requérantes concernant l'analyse de la concurrence externe effectuée dans la décision attaquée démontrent, outre l'existence d'une concurrence externe, son caractère significatif.

i) Sur le nombre de concurrents des parties au TACA et l'accroissement de leur part de marché

957.
    Les requérantes font valoir, d'une part, que le TACA était soumis à la concurrence cumulative d'une vingtaine de compagnies maritimes et, d'autre part, que l'augmentation de leur part de marché, même modeste, traduit des quantités élevées en termes de volume.

958.
    S'agissant, premièrement, du nombre de concurrents, il a déjà été indiqué aux points 927 à 929 ci-dessus que, aux considérants 244 à 262 de la décision attaquée, la Commission a examiné la position concurrentielle de cinq compagnies maritimes indépendantes du TACA, à savoir Evergreen, Lykes, Atlantic Cargo Service, Independant Container Line et Carol Line. La Commission a considéré que ces entreprises étaient les «cinq grands concurrents» du TACA. Au considérant 244 de la décision attaquée, la Commission constate que la part de marché de chacun de ces concurrents en 1995 était, respectivement, de 10,2, de 5,7, de 3,2, de 2,7 et de 1 %.

959.
    Il est exact, ainsi que le relèvent les requérantes, que la Commission n'a pas, en revanche, examiné la position détenue par la douzaine d'autres concurrents actifs sur le marché en cause.

960.
    Toutefois, il est constant entre les parties que, au cours de la période en cause, aucun de ces autres concurrents n'a détenu une part de marché supérieure à 1 %. Or, il ne saurait sérieusement être contesté qu'une compagnie maritime disposant d'une part de marché inférieure à 1 % n'est pas en mesure d'exercer une concurrence significative sur les parties au TACA. À cet égard, il convient d'ailleurs d'observer que les requérantes ne contestent pas les constatations de la Commission, aux considérants 253 à 262 de la décision attaquée, concernant l'absence de concurrence effective exercée par Atlantic Cargo Service, Independant Container Line et Carol Line, alors que ces dernières détiennent des parts de marché de l'ordre de 2 à 3 %. Par ailleurs, il doit être rappelé que, selon une jurisprudence constante, plus les concurrents sont faibles et de dimensions réduites, moins ils sont en mesure d'exercer une pression concurrentielle réelle à l'égard de l'entreprise dominante (arrêts United Brands/Commission, cité au point 853 ci-dessus, points 111 et 112; Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, points 51 à 58, et arrêt TAA, point 341). S'agissant du marché en cause, le Tribunal a ainsi déjà constaté qu'«aucune des autres compagnies indépendantes ne disposait, compte tenu de parts de marché ou de ressources inférieures à celles d'Evergreen, de la capacité de fournir des services en nombre suffisant pour exercer une pression concurrentielle réelle sur les membres du TAA» (arrêt TAA, point 343).

961.
    De surcroît, même en tenant compte de la position cumulative détenue par les concurrents en question, il ressort des propres données fournies par les requérantes que ces derniers représentaient ensemble, tout au plus, 2,3 % du marché en cause en 1996. Il est manifeste qu'une telle part de marché n'est pas de nature à exercer une pression concurrentielle considérable sur une entité détenant 60 % du marché. À cet égard, il doit d'ailleurs être observé que les requérantes n'expliquent pas en quoi la prétendue pression cumulative exercée par les concurrents en question aurait effectivement affecté la position détenue par les parties au TACA.

962.
    Il en résulte que c'est dès lors à bon droit que la Commission n'a pas tenu compte des concurrents dont la part de marché était inférieure à 1 % pour déterminer si les parties au TACA détenaient une position dominante sur le marché en cause. Partant, le grief des requérantes sur ce point doit être rejeté.

963.
    S'agissant, deuxièmement, de l'allégation selon laquelle une augmentation modeste de part de marché traduit des quantités élevées en termes de volume, elle est manifestement sans aucun fondement. En effet, le fait qu'une entreprise augmente le volume de ses ventes est en soi sans pertinence pour apprécier sa position concurrentielle par rapport aux autres opérateurs actifs sur le marché en cause si l'augmentation du volume des ventes n'est pas rapportée au volume global du marché afin de déterminer la part qu'elle représente dans celui-ci.

964.
    Partant, le grief des requérantes sur ce point doit être rejeté.

ii) Sur le taux de croissance du volume de fret transporté par les concurrents du TACA

965.
    Les requérantes soutiennent que les concurrents des parties au TACA ont réussi à conquérir une partie significative de l'augmentation de la demande entre 1994 et 1996. À cet égard, elles relèvent que, entre 1994 et 1996, le taux de croissance du fret transporté par le TACA a augmenté de 2 %, alors que celui de ses concurrents a augmenté de 11 %.

966.
    Il convient toutefois de constater que, en dépit de cette circonstance, la part de marché du TACA s'est maintenue, en substance, au même niveau pendant les trois années couvertes par la décision attaquée. Dès lors, même si les concurrents des parties au TACA ont augmenté le volume de fret qu'ils transportent, ils n'ont pas été en mesure de gagner des parts de marché importantes au détriment des parties au TACA.

967.
    Par ailleurs, il doit être rappelé que, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, la part de marché détenue par les parties au TACA s'est maintenue à un niveau élevé. Ainsi, même en retenant les estimations des requérantes, il apparaît que la part de marché des parties au TACA entre 1994 et 1996 est demeurée supérieure à 56 %, alors que celle d'Evergreen, le concurrent le plus important des parties au TACA, n'a pas dépassé 12 %. Force est de constater qu'un tel écart entre la part de marché détenue par les parties au TACA et celle de son concurrent principal constitue un indice important de l'existence d'une position dominante (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, point 48), et ce d'autant plus que les concurrents suivants détiennent des parts de marché marginales (arrêts United Brands/Commission, cité au point 853 ci-dessus, points 111 et 112; Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, points 51 à 58, et arrêt TAA, point 341).

968.
    Quant à la circonstance alléguée selon laquelle les capacités offertes par les concurrents des parties au TACA auraient augmenté à la suite de l'entrée sur le marché de Cosco, de K Line et de Yangming, il suffit de constater que, dès lors que l'entrée de ces compagnies maritimes indépendantes sur le trafic transatlantique a eu lieu postérieurement à la période couverte par la décision attaquée, elle est sans pertinence pour l'examen de la concurrence externe effective.

969.
    Pour ces motifs, le grief des requérantes sur ce point doit être rejeté.

iii) Sur la concurrence effective exercée par Evergreen et Lykes

970.
    En vue de démontrer la concurrence externe exercée par Evergreen et Lykes, les requérantes invoquent, d'une part, l'existence de transferts de fret en faveur de ces deux compagnies maritimes et, d'autre part, le fait qu'Evergreen dispose de la possibilité d'augmenter ses capacités.

971.
    À cet égard, il y a lieu de relever qu'Evergreen est la seule compagnie indépendante disposant d'une part de marché relativement importante, à savoir, selon le considérant 244 de la décision attaquée, 10,5 % en 1995. Toutefois, ainsi que cela ressort des considérants 249, 250, 539 et 544 de la décision attaquée, plusieurs facteurs sont de nature à amoindrir fortement la concurrence que ladite compagnie a pu exercer à l'égard des membres du TACA. Ainsi, il convient de souligner que la part de marché d'Evergreen est cinq fois inférieure à celle détenue par les parties au TACA. Par ailleurs, il ressort du considérant 539 de la décision attaquée que, entre 1993 et 1995, Evergreen disposait de 11 % des capacités disponibles sur le trafic direct entre l'Europe du Nord et les États-Unis d'Amérique, alors que les parties au TACA en détenaient plus de 70 %. De plus, il est constant qu'Evergreen était partie à l'accord Eurocorde, à la Southern Europe America Conference et à des accords de non-utilisation de capacités tels que le Transpacific Stabilisation Agreement et l'Europe Asia Trades Agreement, auxquels certaines parties au TACA étaient également parties, ce qui indique une communauté d'intérêts avec les requérantes. Il doit également être rappelé qu'Evergreen devait initialement participer au TAA, le prédécesseur du TACA, et que, même si elle est finalement restée indépendante, le Tribunal a déjà constaté qu'elle avait néanmoins gardé des contacts réguliers avec certains membres du TAA et était très largement informée de la politique de prix adoptée par ces derniers, ce qui lui permettait de modifier sa grille tarifaire pour suivre, avec un léger décalage, les évolutions introduites par les parties au TAA (arrêt TAA, point 342). Au considérant 249 de la décision attaquée, la Commission a ainsi constaté, sans que les requérantes n'apportent aucun élément concret de nature à mettre en cause cette constatation, qu'Evergreen avait annoncé des hausses de prix identiques à celles du TACA pour 1996 et que cette compagnie devait, en conséquence, être considérée comme un suiveur du TACA en matière de prix.

972.
    Dans ces circonstances, il apparaît qu'Evergreen, qui était l'unique compagnie indépendante disposant d'une certaine puissance sur le marché des services réguliers de transport sur la route transatlantique, n'était, en réalité, pas en mesure d'exercer une pression concurrentielle réelle sur les membres du TACA (voir, en ce sens, arrêt TAA, point 342).

973.
    Quant à Lykes, le deuxième opérateur indépendant le plus important sur le marché en cause, il ressort du considérant 244 de la décision attaquée que sa part de marché sur le marché en cause en 1995 était seulement de 5,7 %. Par ailleurs, au considérant 252, la Commission a constaté, sans être contredite par les requérantes sur ce point, que cette compagnie avait demandé le bénéfice d'un règlement judiciaire en 1995, conformément à la loi américaine, entravant de ce fait sa liberté commerciale sur le marché en cause.

974.
    Il en ressort que ni Evergreen ni Lykes n'ont été en mesure d'exercer une concurrence externe significative sur les parties au TACA.

975.
    Aucun des éléments avancés par les requérantes dans le cadre des présents recours n'est de nature à remettre en cause cette constatation.

976.
    S'agissant de l'existence de transferts des chargeurs en faveur d'Evergreen et de Lykes, il suffit d'observer que, si les données fournies par les requérantes démontrent incontestablement l'existence d'une certaine concurrence exercée par ces compagnies indépendantes, circonstance au demeurant non contestée par la Commission, elles ne démontrent pas, en revanche, que cette concurrence concerne des quantités significatives de fret. Par ailleurs, au considérant 544 de la décision attaquée, la Commission a constaté, sans être contredite par les requérantes sur ce point, qu'il ressortait des exemples choisis par les parties au TACA dans leur réponse à la communication des griefs, dont la plupart sont identiques à ceux présentés dans le cadre des présents recours, que «le fret transféré à Evergreen ne représentait qu'une part, parfois infime, des besoins du chargeur concerné».

977.
    S'agissant de la possibilité pour Evergreen d'augmenter ses capacités en 1997, il y a lieu de souligner que le fait qu'Evergreen a envisagé d'augmenter ses capacités après la période couverte par la décision attaquée ne prouve pas l'existence, au cours de la période couverte par la décision, d'une concurrence externe effective mais, tout au plus, le cas échéant, l'existence d'une certaine concurrence potentielle. Partant, l'argument des requérantes est sans pertinence pour contester les appréciations de la décision attaquée concernant la concurrence externe effective. En tout état de cause, il doit être observé que les données fournies par les requérantes ne permettent pas de déterminer la part représentée par les augmentations de capacité décidées par Evergreen par rapport à l'ensemble des capacités disponibles sur le marché en cause, de sorte qu'elles ne sauraient revêtir aucun caractère probant.

978.
    En conséquence, les griefs des requérantes relatifs à la concurrence externe effective exercée par Evergreen et Lykes doivent être rejetés.

iv) Sur le «leadership» du TACA en matière de prix et le rôle de suiveur des concurrents indépendants

979.
    Si les requérantes ne contestent pas véritablement le «leadership» du TACA en matière de prix constaté aux considérants 249, 541 et 548 de la décision attaquée, la requérante dans l'affaire T-213/98 estime que la Commission ne peut pas en déduire l'indice d'une position dominante, puisque le fait que les compagnies maritimes hors conférence tendent à suivre le TACA en se servant du tarif uniforme comme point de référence constitue l'un des aspects de la stabilité à laquelle les conférences contribuent dans le domaine des transports maritimes.

980.
    Il est certes exact, ainsi que les requérantes le font observer, que le «leadership» détenu par les conférences maritimes en matière de prix est de nature à leur permettre d'assurer l'objectif de stabilité du trafic prévu par le règlement n° 4056/86. Toutefois, il ne saurait en être déduit que le «leadership» du TACA en matière de prix ne constitue pas, pour ce motif, l'indice d'une position dominante au sens de l'article 86 du traité.

981.
    En effet, ainsi qu'il a été indiqué aux points 937 à 940 ci-dessus, dans le cadre de l'examen de la part de marché détenue par les parties au TACA, le fait de détenir une position dominante, d'une part, n'est pas en soi interdit par l'article 86 du traité et, d'autre part, n'empêche pas l'octroi d'une exemption en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Par ailleurs, il ressort d'une jurisprudence constante que l'existence d'une position dominante se déduit de tout élément objectif démontrant la capacité de l'entreprise en cause de se comporter de manière indépendante par rapport aux clients, concurrents et fournisseurs, y compris d'éléments en soi positifs, tels que l'existence de programmes de recherche et de développement efficaces (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, point 48). Dès lors, la circonstance selon laquelle le «leadership» du TACA en matière de prix contribue à l'objectif de stabilisation du trafic n'est nullement de nature à empêcher la Commission de s'en prévaloir afin de constater l'existence d'une position dominante.

982.
    Partant, les griefs des requérantes sur ces points doivent être rejetés.

v) Sur la concurrence exercée par la porte canadienne

983.
    Les requérantes soutiennent que le fret transporté via les ports canadiens, soit par des parties au TACA qui sont actives sur ce trafic, soit par des compagnies maritimes qui ne sont pas parties au TACA, exerce une concurrence externe significative sur les parties au TACA. À cet égard, les requérantes soulignent que le fret passant par les ports canadiens à destination des États-Unis d'Amérique n'est pas soumis à la fixation collective des tarifs, de sorte que les parties au TACA qui sont actives sur ce trafic opèrent en tant que transporteurs indépendants. Elles font également valoir que la concurrence exercée par le fret transitant par les ports canadiens est reconnue par la presse spécialisée et démontrée par les cas de transferts de fret effectués entre 1993 et 1998 par les chargeurs des parties au TACA vers d'autres opérateurs actifs sur le trafic via les ports canadiens.

984.
    Avant d'examiner les présents arguments, il convient de souligner que, dans la décision attaquée, la Commission n'a pas constaté que le fret transitant par les ports canadiens à destination ou en provenance des États-Unis d'Amérique n'exerçait aucune concurrence sur les parties au TACA, mais uniquement que cette concurrence était relativement limitée. Au considérant 265 de la décision attaquée, la Commission reconnaît en effet que le fret provenant du Mid-West ou destiné à cette région des États-Unis d'Amérique peut voyager vers l'Europe ou en venir en passant soit par les ports américains, soit par les ports canadiens, principalement Montréal et Halifax. La Commission relève également que le fret transitant par la porte canadienne est exclu du champ d'application des exemptions de la législation antitrust aussi bien aux États-Unis d'Amérique qu'au Canada. En conséquence, elle admet, au considérant 266 de la décision attaquée, que, pour certains chargeurs, la porte canadienne peut être substituable aux ports de la côte Est des États-Unis d'Amérique.

985.
    Toutefois, ainsi que cela ressort des considérants 269 à 272 de la décision attaquée, la Commission estime que cette concurrence demeure limitée parce que, d'une part, plusieurs membres des conférences canadiennes, à savoir OOCL, Hapag Lloyd, ACL et POL, sont aussi parties au TACA et, d'autre part, les membres des conférences canadiennes sont informés des pratiques des parties au TACA en matière de fixation de prix. En conséquence, elle conclut, au considérant 273 de la décision attaquée, que «la part de marché des parties au TACA pour les services fournis via [la porte canadienne] doit être agrégée à celle qu'elles détiennent pour les services directs et non traitée comme si elle revenait à un concurrent». Il ressort ainsi des considérants 85 et 533 de la décision attaquée que les données relatives à la part de marché utilisées par la Commission aux fins d'induire une présomption de position dominante incluent le fret transitant par les ports canadiens.

986.
    Force est de constater qu'aucun des éléments avancés par les requérantes dans le cadre des présents recours n'est de nature à remettre en cause ces constatations en démontrant l'existence d'une concurrence significative exercée par le fret transitant par les ports canadiens.

987.
    En ce qui concerne, en premier lieu, la concurrence exercée par les membres du TACA actifs sur la porte canadienne, les requérantes avancent certaines données en vue de démontrer que les taux pratiqués par ces membres sur le trafic direct sont différents de ceux applicables sur le trafic via les ports canadiens.

988.
    Il convient, toutefois, de constater que ces données sont sans pertinence dès lors que les taux différents imposés sur le trafic direct et sur le trafic via les ports canadiens peuvent s'expliquer par d'autres raisons tenant à la nature des services fournis sur les deux lignes en cause. Ainsi que la Commission le constate à juste titre au considérant 270 de la décision attaquée, «[c]e qui importe, c'est l'élasticité-prix croisée entre les deux services et non le niveau des prix [; or,] les parties au TACA n'ont fourni aucun élément attestant le degré d'élasticité-prix croisée entre les deux itinéraires». Par ailleurs, au considérant 269 de la décision attaquée, la Commission a constaté, sans être contredite par les requérantes, que Hapag Lloyd, ACL et POL n'offraient pas de services séparés sur la porte canadienne, les mêmes «slots» étant utilisés pour les expéditions directes et pour celles transitant par les ports canadiens. Ainsi que la Commission le relève à bon droit au même considérant, «il est irréaliste de croire qu'une même compagnie se fera concurrence pour vendre le même slot en fonction de la voie d'acheminement terrestre des marchandises [et s']il n'est pas exclu qu'une certaine concurrence puisse exister, elle est sans doute restreinte, car certaines des parties au TACA ont également une influence importante sur les conditions de la concurrence entre l'Europe du Nord et le Canada».

989.
    C'est dès lors à bon droit que la Commission a estimé que les parties au TACA qui sont actives sur la porte canadienne n'exerçaient pas une concurrence externe significative sur les parties au TACA actives sur le trafic direct en cause.

990.
    En ce qui concerne, en deuxième lieu, la concurrence exercée par les compagnies maritimes non membres du TACA, les requérantes relèvent que CP Ships transporte des quantités importantes de fret par la porte canadienne et que cette compagnie aurait l'intention d'accroître sa présence à l'avenir. Elles soulignent également que Bolt Canada Line est active sur ce trafic avec trois navires et que Norasia a lancé, en 1998, un nouveau service entre l'Europe du Nord et le Canada.

991.
    Force est de constater que si ces éléments attestent incontestablement de l'existence d'une certaine concurrence exercée par la porte canadienne sur le trafic direct vers les États-Unis d'Amérique, circonstance qui n'est d'ailleurs pas contestée, ils ne sont nullement de nature à infirmer la conclusion de la Commission selon laquelle cette concurrence est limitée.

992.
    Ainsi, il convient, d'abord, de rappeler que, même si le fret transitant par la porte canadienne a été inclus par la Commission dans le marché en cause, il n'en demeure pas moins qu'il représente une partie relativement modeste du fret total acheminé entre l'Europe du Nord et les États-Unis d'Amérique. En effet, il ressort des données relatives au marché figurant au considérant 85 de la décision attaquée que le fret transitant par les ports canadiens à destination des États-Unis d'Amérique ou de l'Europe du Nord représente entre 15 et 17 % de l'ensemble du fret transporté entre l'Europe du Nord et les États-Unis d'Amérique. Dans ces circonstances, la pression concurrentielle exercée par les conférences canadiennes, qui ne détiennent qu'une partie du fret transitant par la porte canadienne, sur les compagnies actives sur le trafic direct, est nécessairement limitée.

993.
    Ensuite, il convient de relever que les requérantes ne contestent pas que les conférences canadiennes, même si elles ne bénéficient pas d'une exemption en matière de fixation collective des prix, suivent les pratiques de prix du TACA sur le trafic transatlantique, ainsi que la Commission le constate aux considérants 271 et 272 de la décision attaquée. Dès lors, même si les conférences canadiennes étaient susceptibles d'exercer une pression concurrentielle significative sur le TACA, il faudrait constater qu'elles y ont, pour l'essentiel, renoncé.

994.
    Enfin, il doit être constaté qu'aucun des éléments avancés par les requérantes n'apparaît concluant. Ainsi, il convient d'observer que l'augmentation des capacités envisagée par CP Ships et celle réalisée en 1998 par Norasia ne démontrent pas l'existence d'une concurrence externe actuelle au cours de la période couverte par la décision attaquée. Par ailleurs, la présence de trois navires détenus par Bolt Canada Line revêt, en l'absence de toute donnée concernant sa part de marché, un caractère purement anecdotique. Quant au fret transporté par CP Ships, il y a lieu de constater que les requérantes se bornent à fournir une série de données disparates destinées à souligner l'importance de la compagnie sans qu'il soit possible d'en déduire le volume de fret transporté par elle sur le segment en cause et la part de marché que ce volume représente.

995.
    En conséquence, il apparaît que c'est à bon droit que la Commission a considéré que les compagnies maritimes non membres du TACA qui sont actives sur la porte canadienne n'exerçaient pas une concurrence externe significative sur les parties au TACA sur le trafic en cause.

996.
    En ce qui concerne, en troisième lieu, les transferts de fret du TACA vers les membres des conférences canadiennes, il convient d'observer que la plupart des exemples cités par les requérantes se rapportent à des années antérieures ou postérieures à la période couverte par la décision attaquée. Par ailleurs, si ces données établissent que certains chargeurs ont transféré une partie de leur fret vers les conférences canadiennes, démontrant de ce fait, ce qui n'est pas contesté, l'existence d'une certaine concurrence exercée par la porte canadienne, elles n'établissent nullement que cette concurrence est significative. Bien au contraire, il ressort de la confrontation de ces données avec celles reprises au considérant 85 de la décision attaquée que les exemples de transferts avancés par les requérantes représentent des quantités marginales n'excédant pas, respectivement, 0,8, 0,9 et 2,3 % de l'ensemble du fret transitant par les ports canadiens en 1994, en 1995 et en 1996.

997.
    Partant, les griefs des requérantes relatifs à l'absence de prise en compte de la concurrence externe effective exercée par la porte canadienne doivent être rejetés.

vi) Conclusion sur la concurrence externe effective

998.
    Il résulte de ce qui précède que l'ensemble des moyens et griefs avancés par les requérantes concernant l'appréciation de la concurrence externe doit être rejeté.

3. Sur la concurrence potentielle

a) Arguments des parties

999.
    Les requérantes allèguent que, aux considérants 276 à 306 de la décision attaquée, la Commission a constaté erronément que les membres du TACA avaient éliminé la concurrence potentielle effective. À titre subsidiaire, pour le cas où la Commission reconnaîtrait à présent que la concurrence potentielle n'a pas été éliminée, les requérantes font valoir qu'il conviendrait d'en tenir compte au stade de l'appréciation de la gravité du deuxième abus relevé par la décision attaquée et de la proportionnalité des amendes infligées.

1000.
    En premier lieu, les requérantes allèguent que les coûts d'entrée sur le trafic transatlantique ne sont pas aussi élevés que la Commission le prétend. À cet égard, elles font valoir que les conclusions de la Commission aux considérants 288 et 545 sont contredites par le rapport Dynamar selon lequel l'investissement initial pour l'établissement d'un service opérationnel est d'environ 355 millions de USD, tandis qu'un service de niche n'exige qu'un investissement de 100 millions de USD, soit en toute hypothèse un montant largement inférieur aux 500 millions de USD mentionnés dans la décision attaquée. Selon ce même rapport, la mise en place de services de transport maritime par affrètement d'espaces sur d'autres navires pourrait même s'effectuer, dans le cadre d'une activité de niche, pour un investissement de 21 millions de USD. Par ailleurs, les investissements nécessaires pourraient encore être réduits par le redéploiement de navires en provenance d'autres trafics ou par le recours au leasing. Quant à l'allégation de la Commission selon laquelle les chiffres cités dans la décision attaquée concerneraient l'hypothèse où l'entrant souhaite proposer un niveau de service comparable à celui des parties au TACA, les requérantes estiment qu'elle ne tient pas compte du fait que plusieurs membres du TACA ne sont pas propriétaires des navires qu'ils exploitent mais utilisent de l'espace d'affrètement sur des navires appartenant à d'autres opérateurs (voir considérant 182 de la décision attaquée). Par conséquent, la comparabilité des services ne dépendrait pas de la qualité de propriétaire du navire.

1001.
    En deuxième lieu, les requérantes font valoir que l'entrée récente sur le marché de plusieurs compagnies maritimes opérant en tant que non-membres du TACA démontre que les membres du TACA étaient soumis, au cours de la période en cause dans la décision attaquée, à une concurrence potentielle. Les requérantes se réfèrent à cet égard aux entrées de K Line, de Yangming et de Cosco en février 1997 et d'APL et de Mitsui en mars 1998 par le biais d'affrètements d'espaces auprès de Lykes ainsi qu'au nouveau service de la Compagnie générale maritime, depuis le 2 décembre 1997, à partir de Philadelphie. Les requérantes relèvent que ces événements démontrent que la Commission a commis une erreur de fait lorsqu'elle a constaté, au point 113 de la communication des griefs, que les parties au TACA ne subissent pas de concurrence potentielle effective en raison du fait qu'APL, Mitsui, Yangming et K Line entreront probablement sur la route en cause en adhérant au TACA. Il serait sans pertinence à cet égard qu'APL et Mitsui soient membres de la New World Alliance, cette circonstance n'affectant aucunement la concurrence qu'elles exercent sur le TACA.

1002.
    En troisième lieu, les requérantes contestent que les contrats de services constituent un obstacle à l'entrée sur le marché (considérants 135, 225 et 564 de la décision attaquée). Elles font valoir que les preuves qu'elles avancent démontrent que la majorité des chargeurs ne couvrent pas l'ensemble de leurs besoins par un seul contrat de services. Elles relèvent que les chargeurs excèdent souvent les engagements de quantités minimales prévus par les contrats de services de plus de 60 %, ce qui prouve que les chargeurs conservent la possibilité de transporter du fret avec d'autres transporteurs à des taux compétitifs. Les requérantes contestent, par ailleurs, que l'effet restrictif des contrats de services serait plus important au début de l'année. Elles relèvent d'ailleurs que Cosco, K Line et Yangming sont entrées avec succès sur le marché en février 1997 et ont rapidement acquis des parts de marché.

1003.
    En quatrième lieu, les requérantes soulignent que, depuis 1997, un certain nombre de requérantes (Hanjin, NOL, Cho Yang, DSR-Senator, TMM, Tecomar et Hyundai) se sont retirées du TACA et opèrent en tant qu'indépendants sur le trafic transatlantique.

1004.
    La requérante dans l'affaire T-213/98 fait encore valoir que les parties au TACA ne sont pas en mesure d'éliminer la concurrence.

1005.
    Elle fait observer, à cet égard, qu'il ressort des dispositions du règlement n° 4056/86 (voir huitième considérant) que, pour autant qu'une certaine concurrence actuelle ou potentielle subsiste, les bénéfices que les chargeurs et les consommateurs tirent des conférences justifient les restrictions inhérentes aux accords de conférence et que toute puissance de marché excessive peut être contrôlée par les pouvoirs que l'article 7, paragraphe 2, sous b), i), attribue à la Commission. Dans ces circonstances, il serait incohérent que la Commission puisse qualifier d'abus le simple élargissement d'une conférence existante par l'addition de nouveaux membres tant que la concurrence sur le marché en cause n'est pas éliminée. La requérante estime que la Commission confond l'élimination de la concurrence avec l'élimination d'une source de concurrence potentielle (Hanjin et Hyundai). Les faits démontreraient que, à la suite de l'adhésion de Hanjin et de Hyundai, la concurrence sur le marché a empêché que le TACA puisse exercer une quelconque puissance de marché.

1006.
    La requérante soutient également que les compagnies actives sur d'autres trafics ont la possibilité d'entrer sur le trafic transatlantique en réalisant des économies d'échelle. Elle souligne à cet égard que les compagnies peuvent utiliser leurs infrastructures opérationnelles et administratives sur d'autres trafics, acquérir des compagnies actives sur le trafic transatlantique ou fusionner avec elles et que la plupart des principales compagnies maritimes sont engagées dans un processus d'extension de leur réseau en complétant leurs routes principales est-ouest par des routes nord-sud.

1007.
    La requérante conclut que, dans ces circonstances, les parties au TACA ne sont pas en mesure d'éliminer la concurrence. À titre d'illustration, elle relève que les parts de marché des compagnies membres et non membres du TACA sur le trafic en cause ont continuellement fluctué entre 1996 et 1998 et que des compagnies indépendantes ont pénétré ce marché (Cosco, Yangming et K Line). La requérante invoque aussi la concurrence exercée par les ports de la Méditerranée pour le transport de marchandises en provenance ou à destination de l'Espagne, de l'Italie, de la France du Sud et du Centre et d'autres régions du sud de l'Europe (Suisse, Autriche, République tchèque, etc.). Elle fait valoir que, dans ces derniers cas, le transport maritime plus long est compensé par un transport terrestre plus court. La requérante souligne également la concurrence exercée par les ports canadiens. Contrairement à ce qui est affirmé au considérant 269 de la décision attaquée, il ne serait pas inhabituel que des entreprises se positionnent sur un marché d'une manière telle que leurs produits se font concurrence entre eux. La requérante souligne également que la procédure des autorités canadiennes concernant l'acquisition de Cast, mentionnée au considérant 268 de la décision attaquée, n'indique rien au sujet de la concurrence exercée par CP Ships, Cast et OOCL sur le marché américain. Elle ajoute que l'entrée sur le trafic transatlantique n'exige pas nécessairement des navires de 4 000 EVP, comme il est affirmé au considérant 287, dans la mesure où l'itinéraire sur ce trafic est relativement court.

1008.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, estime que ce moyen n'est pas fondé.

b) Appréciation du Tribunal

1009.
    Les requérantes soutiennent que la Commission a constaté erronément que les membres du TACA ont éliminé la concurrence potentielle. En premier lieu, elles allèguent que les coûts d'entrée sur le trafic transatlantique ne sont pas aussi élevés que la Commission le prétend. En deuxième lieu, elles soulignent que plusieurs compagnies maritimes sont récemment entrées sur le trafic en cause en tant que compagnies indépendantes du TACA. En troisième lieu, elles contestent que les contrats de services constituent un obstacle à l'entrée sur le marché. Enfin, en quatrième lieu, elles soulignent que plusieurs d'entre elles se sont retirées du TACA après 1997. À l'audience, les requérantes ont toutefois indiqué, en réponse à une question du Tribunal sur ce dernier point, qu'elles ne faisaient pas valoir que lesdits retraits constituaient la preuve de l'existence d'une concurrence potentielle significative s'exerçant sur les parties au TACA, de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'examiner ce grief.

1010.
    Il convient, à titre liminaire, d'observer que, contrairement à ce qu'allèguent les requérantes, la Commission n'a pas constaté, dans la décision attaquée, que la concurrence potentielle exercée sur les parties au TACA était éliminée mais uniquement qu'elle était limitée. En effet, au considérant 538 de la décision attaquée, la Commission indique que l'un des éléments démontrant la position dominante du TACA consiste dans les possibilités «limitées» qu'ont ses clients de se tourner vers d'autres fournisseurs, ce qui en fait un partenaire commercial obligé, même pour les clients mécontents. À cet égard, la Commission souligne, s'agissant de la concurrence potentielle, que les barrières à l'entrée sont considérables, eu égard aux coûts élevés de l'entrée sur le marché (considérant 545), à la mobilité réduite des flottes sur le trafic en cause - c'est-à-dire la possibilité réduite que des concurrents effectifs accroissent leurs capacités ou que des concurrents potentiels entrent sur le trafic (considérant 546) - et à la spécialisation des navires (considérant 547).

1011.
    Il en résulte que ce n'est pas l'absence totale de concurrence potentielle qui a conduit la Commission à conclure à l'existence d'une position dominante mais bien sa faible intensité.

1012.
    Dans ce contexte, il convient dès lors d'examiner si les moyens et griefs soulevés par les requérantes concernant l'analyse de la concurrence potentielle effectuée dans la décision attaquée démontrent, outre l'existence d'une telle concurrence potentielle, son caractère significatif.

i) Sur les coûts de l'entrée sur le marché

1013.
    Il convient de rappeler que, au considérant 545 de la décision attaquée, la Commission indique que l'investissement nécessaire à l'entrée sur le marché peut varier entre 400 millions de USD et 2 milliards de USD. Ainsi, au considérant 288 de la décision attaquée, la Commission indique qu'un investissement de l'ordre de 500 millions de USD est nécessaire pour pouvoir assurer un service hebdomadaire à jour fixe faisant escale dans trois ou quatre ports d'Europe du Nord et de même aux États-Unis d'Amérique, un tel service exigeant une flotte de cinq navires de vitesse et de capacité similaires ainsi qu'un stock de conteneurs d'une capacité triple de celle de la flotte.

1014.
    Force est de constater qu'aucun des arguments avancés par les requérantes dans le cadre des présents recours n'est de nature à remettre en cause ces constatations de la décision attaquée.

1015.
    S'agissant, d'abord, de l'argument selon lequel le rapport Dynamar estime que l'investissement initial pour l'établissement d'un service opérationnel par un exploitant propriétaire de navires est d'environ 355 millions de USD, il suffit de constater qu'un tel montant, bien qu'inférieur aux estimations contenues dans la décision attaquée, demeure néanmoins considérable. Par ailleurs, la Commission a indiqué, sans être contredite par les requérantes sur ce point, que les estimations effectuées par le rapport Dynamar ne tenaient pas compte des investissements irrécupérables qui n'interviennent pas avant la deuxième année.

1016.
    Contrairement à ce que soutient la requérante dans l'affaire T-213/98, il convient aussi d'observer que la Commission n'affirme nullement que l'entrée sur le trafic transatlantique exige des navires de 4 000 EVP. Au considérant 287 de la décision attaquée, la Commission se borne en effet à relever que «le coût par slot serait de 30 à 40 % moins élevé sur un navire de 4 000 EVP que sur un navire de 2 500 EVP».

1017.
    S'agissant, ensuite, des autres estimations, toutes inférieures à 355 millions de USD, avancées par les requérantes sur la base du même rapport Dynamar, il doit être observé que ces estimations concernent la mise en place de services de niche sur la base d'accords de location de navires. Or, pour apprécier l'importance des barrières à l'entrée sur le marché en cause, il convient de déterminer les coûts nécessaires à la mise en place d'un service de niveau comparable à celui des parties au TACA. En effet, ce n'est que dans une telle situation qu'un nouvel opérateur entrant sur le marché sera, le cas échéant, en mesure d'exercer une concurrence significative sur les parties au TACA. Dès lors qu'il est constant que les parties au TACA ne se limitent pas à exercer des activités de niche, mais qu'elles sont actives globalement sur l'ensemble du trafic en cause, il convient donc de constater que les données fournies par les requérantes sont sans pertinence. Par ailleurs, s'il est vrai, ainsi que les requérantes le soulignent, que certaines parties au TACA exercent leurs activités de transport maritime sur le trafic en cause par la voie de l'affrètement d'espaces sur des navires appartenant à d'autres parties au TACA, il doit être souligné que les nouveaux entrants indépendants qui ne souhaitent pas adhérer au TACA ne peuvent exercer cette possibilité dans une mesure identique à celle des parties au TACA, puisque la concurrence externe au TACA est limitée. En tout état de cause, les requérantes ont indiqué à l'audience qu'il n'était pas possible de déterminer le coût de l'entrée sur le marché par la voie de l'affrètement d'espaces, un tel coût étant fonction des conditions négociées avec l'affréteur.

1018.
    S'agissant, enfin, de l'argument selon lequel un nouvel entrant pourrait réduire les investissements nécessaires en redéployant des navires actifs sur d'autres trafics, la Commission a constaté, dans la décision attaquée, que la mobilité des flottes reconnue par le règlement n° 4056/86 était limitée sur le trafic en cause. Premièrement, la Commission a relevé, au considérant 287 de la décision attaquée, que les caractéristiques du trafic transatlantique réduisaient sensiblement les probabilités d'une concurrence potentielle, soulignant à cet égard que ce trafic était très dense et nécessitait des services réguliers à grande capacité, ce qui impliquait un nombre important de navires modernes de grande taille assurant un service hebdomadaire faisant escale dans un nombre suffisant de ports. Deuxièmement, la Commission a constaté, au considérant 290 de la décision attaquée, que presque toutes les grandes compagnies maritimes étaient déjà présentes sur le trafic transatlantique. Troisièmement, elle a souligné, aux considérants 291 à 298, que, entre 1993 et 1995, chaque concurrent potentiel important était entré sur ce trafic en adhérant au TACA. Quatrièmement, la Commission a constaté, au considérant 299, que le coût d'un retrait du trafic transatlantique, avec les répercussions dommageables qui en découlaient pour la réputation de l'intéressé et sa position concurrentielle sur d'autres trafics ainsi que les maigres perspectives de revenir un jour sur ce trafic, diminuait l'incitation à y entrer. Enfin, cinquièmement, elle a observé, au considérant 547, qu'il était indispensable de redéployer des navires d'un niveau de performance relativement élevé, spécialisés dans le transport de conteneurs.

1019.
    Les requérantes n'ayant contesté aucune de ces appréciations contenues dans la décision attaquée, il y a lieu de tenir pour établi que la mobilité des flottes est limitée sur le trafic en cause.

1020.
    Partant, l'argument selon lequel un nouvel entrant pourrait réduire les coûts d'entrée sur le marché en déployant des navires actifs sur d'autres trafics doit être rejeté.

1021.
    Pour ces motifs, l'ensemble des arguments des requérantes relatifs aux coûts d'entrée sur le marché doit être rejeté.

ii) Sur les entrées récentes sur le marché en cause en dehors du TACA

1022.
    Les requérantes soulignent que plusieurs compagnies maritimes sont entrées sur le trafic transatlantique entre 1997 et 1998 sans adhérer au TACA.

1023.
    Il est constant entre les parties que K Line, Yangming et Cosco sont entrées sur le trafic en cause le 16 février 1997 dans le cadre d'accords de consortium. De même, il n'est pas contesté qu'APL et Mitsui sont entrées sur ledit trafic en mars 1998 sur la base d'accords d'affrètement d'espaces auprès de Lykes, tandis que depuis le 2 décembre 1997, la Compagnie générale maritime a instauré sur ce trafic un nouveau service à partir de Philadelphie.

1024.
    Force est de constater que ces entrées sur le marché contredisent directement la constatation effectuée par la Commission dans la communication des griefs - soit au cours de la période durant laquelle la décision attaquée constate que les parties au TACA détiennent une position dominante sur le marché en cause - selon laquelle, eu égard aux liens existant avec les parties au TACA sur d'autres trafics, il est probable que, si ces compagnies maritimes entrent sur le trafic transatlantique, elles le feront en devenant membres du TACA.

1025.
    Contrairement à ce que soutient la Commission, le fait que toutes ces entrées sont postérieures à la période couverte par la décision attaquée est sans pertinence. La concurrence potentielle ne saurait se confondre avec la concurrence externe effective. Par définition, la concurrence potentielle se réfère en effet à une pression concurrentielle qui n'est pas avérée au moment des faits en cause mais dont la survenance à court ou à moyen terme peut, sur la base d'indices précis et concordants, être prévue avec un certain degré de certitude au moment de ces mêmes faits. Or, au cours de la procédure administrative, les requérantes ont produit différents articles de la presse spécialisée faisant état de l'intention d'APL et de Cosco de pénétrer le marché à court terme.

1026.
    Toutefois, il convient d'observer que la circonstance selon laquelle plusieurs compagnies maritimes, en dépit de leurs liens avec les parties au TACA sur d'autres trafics, sont entrées sur le trafic transatlantique en dehors du TACA entre 1997 et 1998 ne démontre pas nécessairement que ces compagnies représentaient, au cours de la période couverte par la décision attaquée, une concurrence potentielle significative.

1027.
    Or, à cet égard, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté, au considérant 264, sans être contredite par les requérantes sur ce point, que, sur la base des capacités exploitées sur le trafic au milieu de l'année 1995, la nouvelle capacité représentée par le consortium Cosco-K Line-Yangming aurait donné à Cosco une part de 2,8 % dans le sens ouest-est et de 2,7 % dans le sens est-ouest sur le trafic direct et, respectivement, des parts de 2,3 et de 2,2 % si le trafic passant par le Canada était inclus, les autres compagnies ayant chacune exactement la moitié de ces parts. Quant à l'entrée de Mitsui et d'APL, la Commission souligne, au considérant 244 de la décision attaquée, sans davantage être contredite par les requérantes, que ces deux nouveaux opérateurs sont entrés sur le trafic transatlantique sans introduire la moindre nouvelle capacité.

1028.
    Par ailleurs, il convient de rappeler que la Commission a constaté, au considérant 249 de la décision attaquée, sans être contredite par les requérantes sur ce point, que les concurrents indépendants avaient tendance à suivre le «leadership» du TACA en matière de prix. Dans ses écrits, la requérante dans l'affaire T-213/98 a d'ailleurs elle-même souligné que cette tendance à suivre les prix fixés par le TACA constituait l'un des aspects de la stabilité reconnue par le règlement n° 4056/86 à laquelle les conférences maritimes contribuent dans le domaine des transports maritimes.

1029.
    Dans ces circonstances, la Commission a pu considérer à bon droit que K Line, Yangming, Cosco, APL et Mitsui n'étaient pas susceptibles de constituer une source de concurrence potentielle significative sur les parties au TACA.

1030.
    Partant, les arguments des requérantes sur ce point doivent être rejetés.

iii) Sur les contrats de services

1031.
    Les requérantes contestent que les contrats de services constituent un obstacle à l'entrée sur le marché. Elles font valoir que la majorité des chargeurs ne couvrent pas l'ensemble de leurs besoins par un seul contrat de services. Ainsi, elles relèvent que les chargeurs excèdent souvent de plus de 60 % les engagements de quantités minimales prévus par les contrats de services, ce qui prouve que les chargeurs conservent la possibilité de faire transporter du fret avec d'autres transporteurs à des taux compétitifs.

1032.
    Il est constant entre les parties qu'un contrat de services, qu'il soit individuel ou commun, est un contrat par lequel, d'une part, un chargeur s'engage à faire transporter une quantité minimale de fret sur une période donnée et, d'autre part, la conférence ou le transporteur s'engage à appliquer un certain taux ainsi qu'à fournir un certain niveau de services. La Commission a constaté, au considérant 135 de la décision attaquée, que les chargeurs essayaient, en principe, d'obtenir un contrat de services portant sur le plus gros volume possible dont ils estimaient avoir besoin, puisque cela leur permettait d'obtenir un rabais plus important sur le tarif normal. Pour ce motif, elle estime, au considérant 540 de la décision attaquée, qu'il est peu probable que les chargeurs qui ont besoin de services de transport maritime réguliers sur une période d'un an ou plus s'adressent aux petits transporteurs pour couvrir une partie de leurs besoins, car cela réduirait la quantité minimale qu'ils s'engagent à faire transporter dans le cadre du contrat de services avec la conférence et donc le rabais qui leur est consenti.

1033.
    Loin d'infirmer ces constatations, les données présentées par les requérantes dans le cadre des présents recours les confirment en tous points. Il ressort en effet de ces données que, au cours des trois années couvertes par la décision attaquée, les volumes de fret faisant l'objet d'un engagement minimal en vertu d'un contrat de services ont représenté, respectivement, 59,2 (1994), 60,6 (1995) et 61,2 % (1996) du fret total transporté par les chargeurs indiqués par les requérantes. Or, même si ces données ne concernent pas tous les chargeurs et ne semblent pas se limiter au marché en cause, dans la mesure où les requérantes les présentent comme étant représentatives du comportement de l'ensemble des chargeurs, il peut en être déduit qu'environ 60 % du fret transporté sur le marché en cause était couvert par une obligation de transport de quantités minimales envers un transporteur dans le cadre d'un contrat de services. Eu égard à la part de marché d'environ 60 % détenue par les parties au TACA sur le trafic en cause au cours de la période couverte par la décision attaquée, il peut donc en être déduit qu'environ 36 % de ce fret était lié aux parties au TACA.

1034.
    Force est de constater qu'un tel seuil de dépendance est susceptible de restreindre de manière sensible l'accès des concurrents au marché en cause (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Schöller/Commission, T-9/93, Rec. p. II-1611, point 81). Certes, les contrats de services n'imposant pas, sur un plan juridique, une obligation d'achat exclusif, un chargeur est, en principe, en droit de faire transporter les quantités couvertes par un tel contrat auprès d'un autre transporteur. Toutefois, dans la mesure où le respect de l'obligation de transport de quantités minimales est sanctionné par le paiement d'indemnités forfaitaires significatives, les contrats de services sont manifestement de nature à inciter les chargeurs à faire transporter en priorité les quantités concernées par le transporteur auquel ils sont liés contractuellement.

1035.
    Pour ces raisons, c'est à bon droit que la Commission a considéré que les contrats de services constituaient une barrière à l'entrée significative pour les concurrents potentiels.

1036.
    Partant, les arguments des requérantes sur ce point doivent être rejetés.

iv) Conclusion sur la concurrence potentielle

1037.
    Il résulte de l'ensemble de ces considérations que les moyens et arguments des requérantes relatifs à la concurrence potentielle doivent être rejetés.

4. Sur la concurrence interne au sein du TACA

a) Arguments des parties

1038.
    Les requérantes reprochent à la Commission ne pas avoir pris en compte la concurrence interne entre les membres du TACA au stade de l'analyse de leur puissance collective sur le marché en cause.

1039.
    Selon les requérantes, même si l'on admet que les entreprises en cause peuvent faire l'objet d'une appréciation collective, les preuves d'une concurrence interne par les prix ou autre que par les prix sont pertinentes pour déterminer leur capacité collective à agir indépendamment des concurrents (tant internes qu'externes), des clients et des consommateurs. Les requérantes estiment que la concurrence interne restreint la possibilité d'une action collective des entreprises concernées. Par exemple, la concurrence interne par les prix empêcherait les entreprises en cause de fixer collectivement les prix à un niveau excessif. Or, la Commission aurait admis que le caractère collectif de la position dominante des membres du TACA n'exclut pas la possibilité d'écarts individuels par rapport à la stratégie commerciale commune. Il conviendrait dès lors de tenir compte de ces écarts pour apprécier si les entreprises en cause détiennent une position dominante. Les requérantes renvoient à cet égard aux éléments de preuve présentés ci-dessus au stade de l'examen du caractère collectif de la position dominante.

1040.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, conclut au rejet du présent moyen.

b) Appréciation du Tribunal

1041.
    Il convient de rappeler qu'il a été constaté au point 735 ci-dessus que le degré de concurrence interne entre les parties au TACA ne permettait pas d'exclure une appréciation collective de la position détenue par lesdites parties sur le marché en cause. Par les présents moyens, les requérantes soutiennent néanmoins que la concurrence interne entre les parties au TACA était suffisante pour mettre en cause leur position dominante sur ce marché.

1042.
    À cet égard, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, point 38), la question de savoir si les parties au TACA détiennent ensemble une position dominante sur le trafic transatlantique dépend uniquement de la capacité desdites parties à se comporter de façon indépendante par rapport aux pressions concurrentielles externes résultant, notamment, de l'activité de leurs concurrents hors conférence et des chargeurs. Dès lors, si le degré de concurrence interne entre les entreprises en cause est susceptible, le cas échéant, de conduire à exclure une appréciation collective de leur position sur le marché concerné (arrêt Kali und Salz, cité au point 595 ci-dessus, point 233), elle est, en revanche, sans pertinence pour déterminer si cette position collective revêt un caractère dominant.

1043.
    Certes, il ne saurait être exclu, ainsi que les requérantes le font valoir, que la concurrence interne prévalant entre des entreprises dont la position fait l'objet d'une appréciation collective puisse avoir pour effet de restreindre l'ampleur des augmentations de prix décidées par ces entreprises. Il n'en demeure toutefois pas moins que, si de telles augmentations de prix sont décidées par lesdites entreprises en toute indépendance sans devoir tenir compte de la pression concurrentielle externe, elles doivent être considérées comme étant le fait d'entreprises détenant ensemble une position dominante. Tout au plus, si la concurrence interne en question devait avoir pour effet de restreindre l'ampleur de ces augmentations de prix, il pourrait, le cas échéant, en résulter que les prix ainsi fixés n'atteignent pas un niveau excessif et ne revêtent dès lors pas un caractère abusif au sens de l'article 86 du traité. La thèse des requérantes revient ainsi à confondre l'existence d'une position dominante avec l'exploitation abusive de celle-ci.

1044.
    Partant, les arguments des requérantes relatifs à la concurrence interne entre les parties au TACA doivent être rejetés.

5. Sur l'évolution des taux sur le trafic en cause

a) Arguments des parties

1045.
    Les requérantes soutiennent que l'évolution des taux sur le trafic transatlantique est incompatible avec la constatation d'une position dominante.

1046.
    En premier lieu, les requérantes exposent que si elles n'avaient pas été confrontées à la concurrence externe, elles n'auraient pas été incitées à transporter du fret en dehors des «taux ordinaires» de la conférence dans le cadre de TVR ou de contrats de services. Or, les requérantes font observer que le volume et la proportion du fret transporté par le TACA aux «taux ordinaires» ont diminué de manière constante entre 1994 et 1997. À l'inverse, le volume et la proportion du fret transporté dans le cadre de TVR et dans le cadre de tous les contrats de services (à savoir ceux de la conférence, les contrats individuels et les contrats communs) auraient augmenté au cours de cette période. Les requérantes relèvent encore que le volume et la proportion du fret transporté dans le cadre de contrats de services de la conférence ont diminué en 1996 et en 1997 par rapport à 1994, tandis que le volume du fret transporté dans le cadre de contrats de services individuels et communs ont augmenté. Les requérantes soulignent également que les taux des contrats de services ont représenté, en 1996 et en 1997, une réduction plus importante sur les «taux ordinaires» de la conférence qu'en 1994. Elles en déduisent que cela démontre que les taux des contrats de services de la conférence ont diminué au cours de la période entre 1994 et 1997.

1047.
    Les requérantes font observer que la Commission se borne à affirmer que les TVR et les contrats de services ne sont pas en soi des preuves de concurrence externe. La Commission n'expliquerait toutefois pas pourquoi le volume et la proportion du fret transporté aux «taux ordinaires» ont diminué et pourquoi le volume et la proportion du fret transporté dans le cadre de TVRIA et de contrats de services individuels ont augmenté au cours de la période en cause.

1048.
    Les requérantes constatent que la Commission se borne, dans son mémoire en défense, à critiquer le rapport Mercer en ce qu'il conclut que des réductions de taux peuvent, sur un marché de transport maritime concurrentiel, apparaître avant des réductions de coûts effectives. Les requérantes relèvent toutefois que la Commission ne conteste pas l'existence de baisses de taux par anticipation, mais qu'elle rejette néanmoins la conclusion qui s'impose, à savoir qu'il existe une intense concurrence par les prix sur le marché. Le rejet de cette conclusion reposerait sur une hypothèse dépourvue de fondement, à savoir que les taux des requérantes étaient excessifs.

1049.
    Quant à la constatation de la Commission selon laquelle, au premier semestre 1995, 40 % de l'ensemble du fret du TACA évoluait au tarif, elle ne distinguerait pas entre les «taux de catégorie» de la conférence et les autres taux qui apparaissent dans le tarif, à savoir les TVR et les actions indépendantes.

1050.
    En second lieu, les requérantes font valoir que l'évolution des taux de 75 % de leurs contrats de services révèle que, au cours de la période de 1993 à 1998, les taux sur le trafic Westbound en devises européennes ont baissé en moyenne de plus de 15 % (en tenant compte de l'inflation).

1051.
    Concernant la méthode qu'elles ont adoptée, les requérantes précisent que, contrairement à l'allégation de la Commission, leur analyse n'exprime pas uniquement ses résultats en devises nationales mais également en USD. Les requérantes ajoutent que les résultats de cette analyse ont été pondérés en fonction de l'engagement de quantités minimales figurant dans chaque contrat afin de refléter l'importance relative de chaque contrat de services dans l'appréciation globale. Contrairement aux critiques de la Commission, cette pondération ne masquerait nullement l'effet de leur puissance de marché par rapport aux petits chargeurs. Enfin, les requérantes estiment qu'elles ont ajusté à juste titre les données relatives aux taux afin de refléter le niveau général de l'inflation et de la déflation des monnaies en cause auquel elles-mêmes et les chargeurs étaient soumis au cours de la période en cause.

1052.
    Les requérantes relèvent que la tendance baissière constatée dans leur analyse confirme la pression sur les taux qui s'est manifestée au cours de la période 1983-1993, à propos de laquelle Drewry Shipping Consultants (Global Container Markets, Prospects and Profitability in a High Growth Era, Londres, 1996) a constaté que les taux transatlantiques avaient baissé en termes réels.

1053.
    Les requérantes relèvent que, dans la décision attaquée (considérant 324 et tableau 11), la Commission conclut, au terme de sa propre analyse portant sur l'évolution des taux, que, sur une période de cinq ans (1993-1997), les taux des transports maritimes ont augmenté de 8 %, alors que ceux des transports terrestres dans la Communauté ont diminué de 4 %. La Commission ne fournirait toutefois aucune explication sur la divergence qui apparaîtrait entre cette conclusion et l'affirmation des plaignants (ESC), reprise aux points 118 et 119 de la communication des griefs, selon laquelle les augmentations imposées en 1995 donnent une augmentation totale sur une période de trois ans de plus de 80 %. Par ailleurs, les requérantes soulignent le contraste entre, d'une part, les conclusions du considérant 324 et du tableau 11 et, d'autre part, les affirmations aux considérants 325 et 328 qui font allusion à une «forte domination» et à des «hausses substantielles sur les deux parcours».

1054.
    Les requérantes relèvent que, dans son mémoire en défense, la Commission se demande désormais si les comparaisons de prix sont véritablement utiles, s'agissant d'entreprises en situation de monopole, à moins qu'il ne soit démontré que, sur un marché concurrentiel, les taux auraient été inférieurs aux taux des entreprises en cause. Les requérantes notent toutefois que, dans la décision attaquée, la Commission, d'une part, se fonde sur une analyse de l'évolution des taux pour étayer sa constatation de l'existence d'une position dominante et, d'autre part, ne démontre pas que, sur un marché concurrentiel, les prix auraient été inférieurs.

1055.
    Les requérantes estiment, en outre, que l'analyse de prix effectuée aux considérants 320 à 328 de la décision attaquée est fondée sur une méthodologie erronée pour plusieurs raisons. Premièrement, l'échantillon de contrats de services utilisé serait trop réduit: les contrats de services examinés concerneraient dix chargeurs sur un total de 500 et le plus grand nombre de chargeurs faisant l'objet d'un examen pour une période donnée serait de huit. La Commission n'expliquerait pas par ailleurs sur quelle base elle a sélectionné ces dix chargeurs par rapport à tout autre chargeur qui aurait pu satisfaire les critères de sélection de la Commission. Deuxièmement, le volume de fret transporté dans le cadre des contrats de services analysés représenterait une part relativement faible du fret total transporté par les requérantes (le volume de fret des dix chargeurs choisis représenterait 6,4 % de l'ensemble du fret transporté par les requérantes au titre de contrats de services en 1993, 5,1 % en 1994 et 7 % en 1995). Troisièmement, les pourcentages d'augmentation ne feraient l'objet d'aucune pondération afin de tenir compte de l'importance relative (en termes de volumes) des contrats de services examinés. Quatrièmement, le choix de 1992 comme année de référence serait subjectif, car il s'agirait d'une année où les taux sur le trafic transatlantique ont diminué de manière très importante. Cinquièmement, l'analyse ne tiendrait pas compte des charges accessoires au fret.

1056.
    En toute hypothèse, même si elle était fiable, les requérantes estiment que l'étude de la Commission ne démontre pas l'existence d'une position dominante. Elles relèvent que, par exemple, la Commission constate que, au cours de la période de 1993 à 1997, les taux océaniques ont augmenté de 8 % (tableau 11 de la décision attaquée) et que les taux terrestres ont diminué de 4 %. Ces évolutions ne tiendraient cependant pas compte de l'inflation.

1057.
    Quant à l'analyse de l'évolution des taux à laquelle se livre la Commission sur la base des données fournies par les requérantes dans le cadre de leur étude de 75 contrats de services des membres du TACA, les requérantes estiment qu'elle est également erronée en ce que les données ne sont pas ajustées pour tenir compte de l'inflation, ne sont pas pondérées en fonction du volume et excluent les taxes et surtaxes de manutention au terminal. En outre, contrairement à la méthode qu'elle entend suivre, la Commission omettrait des chargeurs qui avaient pourtant conclu des contrats de services en 1993 et des contrats de services ou des TVR en 1996.

1058.
    Les requérantes font également grief à la Commission de ne pas avoir révélé la méthode arithmétique et les données de base qui ont été utilisées pour calculer, aux considérants 320 à 328, les augmentations de taux des contrats de services (l'annexe VI de la décision ne reprendrait que le résultat de ces calculs). Ensuite, elles font grief à la Commission d'avoir fondé son analyse, au considérant 320 de la décision attaquée, en ce qui concerne les variations de prix dans les contrats de services TAA/TACA, sur une fraction minime de l'ensemble des contrats de services de la conférence, sans tenir compte de l'inflation.

1059.
    Dans l'affaire T-213/98, la requérante invoque encore plusieurs moyens tirés d'une erreur d'appréciation et/ou de motivation.

1060.
    En premier lieu, la requérante allègue que le maintien de prix différents en fonction de la valeur des produits ne saurait être utilisé par la Commission pour confirmer la présomption d'une position dominante (considérant 534 de la décision attaquée) dans la mesure où la différenciation des tarifs en fonction de la valeur des marchandises constitue une pratique bien établie dans le secteur maritime qui est expressément imposée par le code de la Cnuced [article 12, sous b)]. De même, l'affirmation de la Commission selon laquelle, sur un marché moins concentré, le prix du transport serait fixé «sur la base des coûts effectifs et selon le jeu des forces du marché» (considérant 535) serait erronée dans la mesure où des prix différents peuvent se justifier en fonction de la «capacité de payer» des clients, comme cela est fréquemment le cas dans le domaine des transports aériens. En tout état de cause, la requérante estime que l'absence de lien entre des prix différenciés et la détention d'une position dominante est démontrée par le fait que presque toutes les compagnies offrent, sur tous les trafics, des tarifs variant en fonction de la valeur des marchandises.

1061.
    En deuxième lieu, la requérante fait grief à la Commission de s'être fondée sur le fait que le coefficient d'ajustement monétaire (ci-après le «CAF») fixé par le TACA serait discriminatoire selon le port de destination ou d'embarquement (considérant 536 de la décision attaquée). La requérante relève tout d'abord que le raisonnement de la Commission est confus et contradictoire, puisque, après avoir indiqué que les différences de CAF pourraient ne pas être économiquement justifiées, la Commission énonce néanmoins que la décision attaquée n'aborde pas la question de savoir si l'accord des parties au TACA concernant le CAF remplit les conditions de l'article 4 du règlement n° 4056/86, lequel traite précisément de la question de la justification économique de CAF différents. La requérante reproche en outre à la Commission de ne pas expliquer les raisons pour lesquelles une prétendue discrimination commise en 1997 serait pertinente pour apprécier l'existence d'une position dominante entre 1994 et 1996.

1062.
    En troisième lieu, la requérante reproche à la Commission de s'être basée sur la circonstance que le TACA détiendrait un «leadership» en matière de prix (considérants 541 et 542 de la décision attaquée). La requérante allègue que, comme la Commission le reconnaît au considérant 329 de la décision attaquée, le fait que les compagnies non membres d'une conférence tendent à suivre la conférence en se servant du tarif uniforme comme «point de référence au marché» constitue l'un des aspects de la stabilité à laquelle les conférences contribuent dans le domaine des transports maritimes. Dans ces conditions, le fait que l'accord TACA soit «l'un des plus restrictifs qui soit» ou que le TACA ait acquis une «réputation de leader en matière de prix» ne saurait être considéré comme pertinent pour déterminer si le TACA détient une position dominante. Il en est de même, selon la requérante, de l'affirmation, au considérant 548, selon laquelle en raison de ce «leadership», il serait peu probable qu'un concurrent risque de déstabiliser le marché en livrant au TACA une concurrence agressive par les prix.

1063.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, estime que les présents moyens ne sont pas fondés.

b) Appréciation du Tribunal

1064.
    Par les présents moyens, les requérantes font valoir que l'évolution des taux sur le trafic transatlantique est incompatible avec l'existence d'une position dominante. À cet égard, elles soulignent, d'une part, que la quantité de fret transportée aux taux ordinaires prévus par le tarif a diminué de manière constante au profit des TVR et des contrats de services et, d'autre part, que les taux pratiqués par le TACA ont diminué au cours de la période en cause.

i) Sur la proportion représentée par le fret transporté aux taux ordinaires par rapport au fret transporté dans le cadre des TVR et des contrats de services

1065.
    Il n'est pas contesté que, au cours de la période couverte par la décision attaquée, environ 60 % du fret transporté par le TACA a été acheminé dans le cadre de TVR et de contrats de services. Dans ses écrits devant le Tribunal, la Commission a elle-même reconnu qu'il s'agit d'une part «considérable». Or, il est constant que les TVR et les contrats de services permettent aux membres d'une conférence maritime d'accorder à leurs clients des réductions de prix par rapport aux taux ordinaires prévus par le tarif. Ainsi que cela ressort des considérants 457 et 459 de la décision attaquée, alors que les TVR conduisent à accorder une réduction à tous les chargeurs sur une base commune et uniforme en fonction des volumes et des quantités transportées, les contrats de services sont susceptibles de conduire à accorder une telle réduction sur une base individuelle en fonction des conditions négociées entre la conférence et le chargeur concerné.

1066.
    Il peut dès lors être tenu pour établi que, au cours de la période couverte par la décision attaquée, plus de la moitié du fret transporté par les parties au TACA a bénéficié de taux réduits par rapport aux taux les plus élevés du tarif du TACA.

1067.
    Toutefois, contrairement à ce que font valoir les requérantes, une telle circonstance ne démontre nullement, en tant que telle, que les parties au TACA ne détenaient pas une position dominante au cours de la période en cause. En effet, le fait qu'une entreprise accorde des ristournes à ses clients ne constitue en aucun cas l'indice que cette entreprise ne jouit pas d'une position dominante sur le marché concerné. Ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre à l'audience en réponse à une question du Tribunal sur ce point, il est fréquent qu'une entreprise détenant une position dominante sur un marché donné accorde des ristournes à ses clients, par exemple, afin de répercuter des gains d'efficience et des économies d'échelle ou en vue de fidéliser lesdits clients (voir, notamment, arrêts Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, points 90 et 91, et Michelin/Commission, cité au point 337 ci-dessus, point 71). L'existence d'une position dominante tient en effet davantage à la capacité d'une entreprise à fixer ses prix en toute indépendance, sans devoir tenir compte de la pression concurrentielle externe, qu'à la capacité de fixer les prix les plus élevés.

1068.
    Dès lors, en l'espèce, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la nature exacte des ristournes octroyées par les parties au TACA, il doit être constaté que, pour contester le caractère dominant de leur position sur le marché en cause, les requérantes ne sauraient tirer aucun argument du fait que lesdites parties accordent des ristournes aux chargeurs dans le cadre des TVR ou des contrats de services.

1069.
    Bien au contraire, dans la décision attaquée, la Commission a établi que les ristournes accordées dans le cadre de TVR et de contrats de services confirmaient la position dominante détenue par les parties au TACA parce qu'elles traduisaient la capacité des parties au TACA à faire une discrimination entre les chargeurs par les prix.

1070.
    Ainsi, aux considérants 203 à 213 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les parties au TACA visaient à facturer ce que chaque chargeur est en mesure de supporter afin d'accroître leurs revenus sans augmenter leurs coûts. À cet égard, la Commission a relevé que les parties au TACA pratiquaient trois degrés de discrimination. Le premier consiste, selon le considérant 206, à faire payer à un client un prix donné pour un article ou un service donné et un prix différent pour les articles ou services achetés par la suite. Le deuxième, qui revêt la forme des TVR et des contrats de services, consiste, selon le considérant 207, à fixer les prix en fonction de la quantité achetée. Enfin, le troisième, qui se traduit par la division du tarif en codes et par les actions indépendantes, consiste, selon les considérants 208 à 213, à répartir les clients en plusieurs catégories et à fixer un prix différent pour chaque catégorie.

1071.
    Au considérant 534 de la décision attaquée, la Commission a estimé que cette capacité de discrimination était de nature à confirmer la position dominante induite des parts de marché détenues par les parties au TACA. À cet égard, la Commission observe d'abord que «[l]e tarif du TACA pour les services de transport maritime comporte des taux qui varient d'un produit à l'autre en fonction de la valeur du produit [, que bien] que la fourchette des tarifs soit nettement plus réduite que celle des valeurs des marchandises, les prix peuvent aller du simple au double [et que, en] d'autres termes, alors que le coût du transport d'un conteneur n'a pratiquement rien à voir avec le type de marchandises transportées, les taux de fret sont cinq fois plus élevés pour les produits de forte valeur que pour ceux de faible valeur». Aux termes du considérant 535 de la décision attaquée:

«Ce système de tarification différenciée, dont le but est de maximiser les recettes, ne se retrouve normalement que dans des situations où une ou plusieurs entreprises jouissent d'une importante puissance de marché. Sur des marchés des transports qui ne seraient pas caractérisés par une concentration significative de puissance de marché, il est probable que le prix du transport serait fixé en fonction du type de service offert et non des marchandises transportées, sur la base des coûts effectifs et selon le jeu des forces du marché.»

1072.
    Ensuite, aux considérants 536 et 537, la Commission constate qu'un autre exemple de la discrimination imposée par le TACA est celui du CAF dont le montant varie considérablement selon les ports de destination et d'origine.

1073.
    Ces constatations ne sont pas remises en cause par la circonstance soulignée par la requérante dans l'affaire T-213/98 selon laquelle presque toutes les compagnies maritimes offrent, sur tous les trafics, des prix variant en fonction de la valeur des marchandises. En effet, la requérante elle-même a souligné que l'un des aspects de la stabilité envisagée par le règlement n° 4056/86 à laquelle les conférences maritimes contribuent dans le domaine des transports maritimes était le fait que les compagnies non membres d'une conférence tendaient à suivre la conférence en se servant du tarif uniforme comme «point de référence du marché». Ainsi, sur le trafic en cause, la Commission constate, au considérant 548 de la décision attaquée, sans être contredite par les requérantes sur ce point, que, «du fait que le TACA est leader en matière de prix, il est peu probable qu'un concurrent quel qu'il soit se risque à déstabiliser le marché en livrant au TACA une concurrence agressive par les prix».

1074.
    Dans ces circonstances, le fait que, sur d'autres trafics, des compagnies maritimes ne jouissant pas d'une position dominante adoptent, à l'instar des compagnies dominantes, une politique tarifaire discriminatoire à l'égard des chargeurs ne démontre pas que la discrimination par les prix ne constitue pas un critère pertinent pour constater l'existence d'une position dominante sur un marché donné, mais, tout au plus, révèle que les compagnies non dominantes ont tendance à suivre la politique tarifaire des compagnies dominantes.

1075.
    Quant à la circonstance alléguée par la même requérante, selon laquelle le caractère discriminatoire du CAF, souligné au considérant 536 de la décision attaquée, repose sur des données relatives à 1997, soit une année postérieure à la période couverte par la décision attaquée, elle est sans pertinence. En effet, dès lors que la Commission ne constate pas, dans le dispositif de la décision attaquée, que ladite discrimination est interdite, mais qu'elle se borne à invoquer cette discrimination en tant qu'exemple de la capacité des parties au TACA à faire une discrimination par les prix, capacité qui n'est pas contestée par les requérantes, il était loisible à la Commission de se fonder sur des données postérieures à la période couverte par la décision attaquée pour illustrer sa thèse.

1076.
    Par ailleurs, pour autant que la requérante allègue que la décision attaquée serait erronément motivée, il suffit d'observer que les allégations sur ce point se confondent avec les moyens pris d'une erreur d'appréciation et qu'elles visent, en conséquence, à contester le bien-fondé de l'appréciation de la décision attaquée (arrêt Commission/Sytraval et Brink's France, cité au point 746 ci-dessus, point 67). Partant, lesdites allégations sont sans pertinence dans le cadre de la vérification du respect de l'obligation de motivation (arrêt FEFC, cité au point 196 ci-dessus, points 425 et 431).

1077.
    Il en résulte qu'aucun des éléments avancés par les requérantes tirés de l'existence de ristournes sur les taux les plus élevés du tarif n'est de nature à remettre en cause la constatation par la Commission du caractère dominant de la position détenue par les parties au TACA sur le marché en cause.

ii) Sur l'augmentation des taux pratiqués par les parties au TACA

1078.
    Par les présents moyens, les requérantes contestent les résultats de l'étude de prix portant sur l'évolution des prix, pour le parcours maritime et le parcours terrestre dans la Communauté, des contrats de services TAA/TACA de 1992 à 1997, qui sont présentés aux considérants 320 à 328 de la décision attaquée (ci-après l'«étude sur les taux des contrats de services»). Au considérant 324 de la décision attaquée, la Commission constate que «[l]a conclusion la plus évidente que l'on peut tirer de l'étude est que les augmentations de prix de 1993 à 1996 pour les parcours maritimes ont été supérieures de 10,4 points de pourcentage à celles enregistrées pour les parcours terrestres dans la Communauté».

1079.
    Il ressort de la décision attaquée que la Commission s'est fondée sur ces résultats pour constater, au considérant 543, que les possibilités limitées pour les chargeurs de s'adresser aux concurrents du TACA étaient démontrées par le fait que le TACA avait été en mesure «d'imposer des augmentations de prix régulières, quoique modestes, au cours de la période allant de 1994 à 1996, par contraste avec les deux autres grands trafics».

1080.
    Il convient d'admettre avec les requérantes que les résultats de l'étude sur les taux des contrats de services sont peu concluants. En effet, s'il est vrai que, pour la période allant de 1993 à 1996, ladite étude constate une augmentation du tarif maritime de 15,5 points contre seulement une augmentation de 5,1 points du tarif terrestre, il ne ressort pas de la décision attaquée que cette étude examine spécifiquement l'évolution des prix au cours de la période couverte par la décision attaquée, à savoir de 1994 à 1996. Or, les autres résultats présentés par cette étude ne permettent pas de déduire que l'évolution des prix au cours de cette période a été identique à celle ayant eu lieu entre 1993 et 1996. Ainsi, pour la période allant de 1992 à 1996, cette même étude constate que le tarif maritime a moins augmenté que le tarif terrestre, tandis que, pour la période allant de 1992 à 1997, l'augmentation du tarif maritime excède de peu celle du tarif terrestre. Force est de constater que ces résultats en sens divers ne permettent pas de tirer de conclusions aux fins de la constatation de l'existence d'une position dominante.

1081.
    Toutefois, quels que soient les vices affectant cette étude, il doit être constaté que la Commission fonde également sa constatation, au considérant 543 de la décision attaquée, selon laquelle les parties au TACA ont imposé des augmentations de prix régulières, sur les résultats d'une autre étude qui est présentée aux considérants 307 à 319 de la décision attaquée, avant ceux de l'étude sur les taux des contrats de services. En effet, au terme de cette autre étude, qui porte sur l'évolution des revenus moyens par EVP du TACA entre 1992 et 1996 (ci-après l'«étude sur les revenus moyens»), la Commission conclut, ainsi qu'elle l'indique aux considérants 318 et 319, d'une part, que, «[e]n moyenne, les parties au TACA ont augmenté leur revenu par EVP (c'est-à-dire le prix moyen payé par les chargeurs pour le transport maritime d'un EVP) de 8 % dans le sens ouest-est et de 18 % dans le sens est-ouest entre 1992 et 1996» et, d'autre part, que «plusieurs parties au TACA ont pu accroître sensiblement leur revenu moyen par EVP sans que leur part de marché n'en souffre». Par ailleurs, il ressort des considérants 314, 315 et 317 de la décision attaquée que l'augmentation du revenu moyen aurait été encore plus substantielle si les parties au TACA n'avaient pas été forcées par la FMC de ramener les taux du tarif et des contrats de services de 1995 au niveau de ceux de 1994.

1082.
    Force est de constater que les requérantes ne contestent pas les résultats de l'étude sur les revenus moyens. Dans ces circonstances, il peut être tenu pour établi que la constatation, au considérant 543 de la décision attaquée, selon laquelle les parties au TACA ont imposé des augmentations de prix régulières, est suffisamment étayée, dans la décision attaquée, par l'étude sur les revenus moyens.

1083.
    En conséquence, la circonstance selon laquelle les résultats de l'étude sur les taux des contrats de services ne permettent pas de démontrer la constatation effectuée au considérant 543 est, à supposer qu'elle soit établie, inopérante.

1084.
    En tout état de cause, il convient de souligner que la constatation, au considérant 543 de la décision attaquée, selon laquelle les parties au TACA ont imposé des augmentations de prix régulières ne constitue que l'un des nombreux éléments retenus aux considérants 532 à 549 de la décision attaquée pour démontrer l'existence d'une position dominante. En effet, si la capacité d'imposer des augmentations de prix régulières constitue incontestablement un élément susceptible d'indiquer l'existence d'une position dominante, elle n'en constitue nullement un élément indispensable, l'indépendance dont jouit une entreprise dominante en matière de prix tenant davantage à la capacité de fixer ces derniers sans devoir tenir compte de la réaction des concurrents, clients et fournisseurs que dans la capacité de les augmenter (voir, en ce sens, arrêt AKZO/Commission, cité au point 95 ci-dessus, points 70 à 72).

1085.
    Or, en l'espèce, il doit être constaté qu'il résulte de l'examen des moyens et arguments qui précède que la position dominante des parties au TACA est déjà suffisamment établie par les autres éléments retenus par la décision attaquée, lesquels tiennent non seulement à leur part de marché extrêmement importante, mais aussi à leur capacité de procéder à une discrimination par les prix et à l'absence de concurrence externe effective telle qu'elle ressort de leur part détenue dans les capacités disponibles sur le trafic en cause, de l'effet de fermeture créé par les contrats de services, du leadership du TACA en matière de prix et du rôle de suiveur des concurrents en cette matière.

1086.
    Pour ces motifs, il convient de rejeter les moyens et arguments des requérantes relatifs à l'évolution des taux sur le trafic en cause.

6. Conclusion sur les moyens relatifs à l'existence d'une position dominante sur le marché en cause

1087.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que les moyens des requérantes relatifs à l'existence d'une position dominante détenue par les parties au TACA doivent être rejetés dans leur intégralité.

C - Conclusion sur la deuxième branche

1088.
    Pour les motifs exposés ci-dessus, l'ensemble des moyens et arguments avancés dans le cadre de la deuxième branche relative au caractère dominant de la position détenue par les parties au TACA doit être rejeté.

Sur la troisième branche relative à l'absence d'exploitation abusive

1089.
    Par leurs moyens développés dans le cadre de la présente branche, les requérantes contestent les deux abus constatés par la Commission dans la décision attaquée, à savoir, d'une part, l'imposition abusive de restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu et, d'autre part, la modification abusive de la structure concurrentielle du marché.

A - Sur le premier abus constitué par l'imposition abusive de restrictions à l'accès aux contrats de services

1090.
    Les moyens et griefs des requérantes à l'encontre de la décision attaquée concernant le premier abus sont de deux ordres. D'une part, les requérantes allèguent que chacune des pratiques constituant cet abus est objectivement justifiée. D'autre part, les requérantes font valoir que la décision attaquée est insuffisamment motivée sur différents points.

1. Sur le caractère objectivement justifié des pratiques constituant le premier abus

a) Arguments des parties

1091.
    Les requérantes allèguent, en ce qui concerne, en premier lieu, les contrats de services de la conférence, que les conditions imposées par le TACA relatives aux clauses conditionnelles, à la durée des contrats de services, à l'interdiction des contrats multiples et au niveau des indemnités forfaitaires, auxquelles le considérant 556 de la décision attaquée fait référence, sont justifiées par des raisons objectives. Elles contestent que ces justifications ne concerneraient que leurs intérêts propres. Elles estiment que leur caractère objectif est attesté par les nombreuses références à la situation prévalant en droit américain. Quant à la circonstance que les parties au TACA ont notifié une version modifiée de leur accord ne contenant plus les clauses abusives et autres restrictions de concurrence identifiées par la décision attaquée en matière de contrats de services, elle reflèterait non un manque de confiance des requérantes à l'égard de la validité de leur accord, mais leur volonté de mettre un terme au litige avec la Commission.

1092.
    Premièrement, s'agissant des clauses conditionnelles, les requérantes précisent que ce type de clause prévoit généralement que, si le taux du tarif atteint un niveau inférieur à celui des contrats de services du chargeur ou si la conférence conclut un autre contrat de services stipulant un engagement portant sur un volume moindre ainsi qu'un taux moins élevé, le chargeur qui a signé le premier contrat peut automatiquement se prévaloir du taux le plus bas.

1093.
    Selon les requérantes, l'interdiction des clauses conditionnelles est justifiée par la nécessité de préserver la stabilité des taux et des services. Les clauses conditionnelles seraient en effet susceptibles de compromettre le rôle stabilisateur des conférences maritimes, qui est l'objectif même de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86. Ainsi, les autorités américaines auraient reconnu, dans le contexte d'un litige entre Lykes et une association de chargeurs en 1995, que les clauses conditionnelles pouvaient être anticoncurrentielles dans la mesure où elles étaient susceptibles d'inciter Lykes à ne pas octroyer des taux favorables aux concurrents de l'association des chargeurs concernée. Il résulterait également d'une jurisprudence constante des autorités américaines que les clauses dites «de la nation la plus favorisée» sont anticoncurrentielles. Il serait dès lors erroné de soutenir que ce type de clause n'aurait été jugé anticoncurrentiel que de manière exceptionnelle.

1094.
    Deuxièmement, s'agissant de la durée des contrats, les requérantes précisent tout d'abord que l'objet de la clause prévue par l'accord TACA est que les membres du TACA s'engagent à maintenir un prix stable pendant au moins une année calendaire, permettant ainsi au transporteur et au chargeur de planifier et de budgétiser recettes et dépenses. Cet avantage serait dans la ligne de ceux reconnus au considérant 473 de la décision attaquée. Les requérantes font ensuite valoir que la clause en cause produit des gains d'efficience administrative pour les transporteurs et contribue à assurer une égalité de traitement entre les chargeurs se trouvant dans la même situation. Par ailleurs, selon les requérantes, la durée d'un an imposée par l'accord TACA est conforme à la pratique usuelle en matière de contrats de services. Les requérantes estiment que cette situation est due au fait que, en raison des fluctuations sur le marché international de ligne et de la tendance baissière des taux, les chargeurs sont réticents à prendre des engagements pour un volume minimal spécifique à un taux déterminé pendant plus d'un an. Enfin, les requérantes relèvent que la Commission n'a pas prouvé que les durées d'un an, de deux ans ou de trois ans prévues par l'accord TACA produisaient un effet restrictif sensible sur la concurrence. Or, l'effet éliminatoire de la concurrence des contrats de services, allégué par la Commission aux considérants 225 et 564 de la décision attaquée, serait plus substantiel si les transporteurs et les chargeurs étaient en droit de conclure des contrats de services excédant les durées permises par l'accord TACA.

1095.
    Troisièmement, s'agissant des contrats multiples, les requérantes rappellent que l'accord TACA n'interdit la conclusion par un transporteur de plusieurs contrats de services avec un même chargeur que dans la mesure où ces contrats couvrent, totalement ou partiellement, le transport d'un même fret sur la même route ou un segment de celle-ci. Selon les requérantes, cette interdiction est conforme à la pratique commerciale courante. D'abord, elles relèvent que si ces contrats étaient autorisés, cela reviendrait en fait à permettre aux parties au TACA d'amender unilatéralement les contrats de la conférence. Ensuite, elles font valoir qu'un conflit d'intérêt surgirait si une partie était autorisée à négocier et à voter un contrat de conférence, puis à porter atteinte à ce contrat en concluant à titre personnel un contrat avec le même chargeur pour le même fret à des conditions différentes. Selon les requérantes, les transporteurs membres d'une conférence doivent choisir entre participer à un contrat de la conférence, établir un TVR, entreprendre une action indépendante ou (depuis 1996) conclure un contrat de services individuel (ou individuel passé en commun). Enfin, les requérantes font observer que les contrats de services (qu'ils soient de la conférence ou individuels) peuvent être modifiés, de sorte que la clause imposée par l'accord TACA ne lie pas irrévocablement les parties. Par exemple, les parties pourraient décider d'ajouter des marchandises ou des destinations supplémentaires.

1096.
    Quatrièmement, s'agissant des indemnités forfaitaires, les requérantes estiment que le droit de régir les conséquences juridiques d'une violation des obligations prévues par un contrat de services de la conférence est inhérent au droit de conclure de tels contrats. Elles soulignent que la clause d'indemnité forfaitaire constitue une estimation préalable du préjudice que subit le transporteur en cas de non-exécution par le chargeur des obligations de quantités minimales prévues par le contrat de services. Selon les requérantes, le caractère raisonnable de cette clause résulterait également du dixième considérant du règlement n° 4056/86, qui prévoit que les membres d'une conférence peuvent convenir de «sanctionner [les usagers] qui éluderaient abusivement l'obligation de fidélité qui est la contrepartie de ristournes, taux de fret réduits ou commissions qui leur sont accordés par la conférence». Les requérantes font en outre valoir que les clauses d'indemnités forfaitaires sont légales en droit américain. En particulier, la FMC aurait conclu, dans sa circulaire 1-89, que les indemnités prévues doivent être substantielles afin d'empêcher que les contrats de services ne soient utilisés pour contourner le tarif. Enfin, les requérantes font observer que si un contrat ne prévoit pas de clause d'indemnités forfaitaires, le transporteur n'aura d'autre choix, en cas d'inexécution du chargeur, que de tarifer à nouveau le fret faisant l'objet du contrat au taux de la conférence, ce qui reviendrait à imposer au chargeur un montant supérieur à l'indemnité forfaitaire prévue par l'accord TACA.

1097.
    En deuxième lieu, en ce qui concerne les contrats de services individuels, les requérantes soutiennent que leur interdiction constitue une pratique de la conférence qui est objectivement justifiable.

1098.
    Premièrement, les requérantes estiment que l'obligation, prévue par le règlement n° 4056/86, pour une conférence maritime d'opérer en appliquant des taux de fret uniformes ou communs [article 1, paragraphe 3, sous b)] et de fixer les prix et conditions de transport (article 3) habilite (mais n'oblige pas) les membres de la conférence à interdire la conclusion de contrats de services individuels. Selon les requérantes, l'interdiction des contrats de services individuels constitue une pratique usuelle des conférences pour préserver l'intégrité et l'uniformité du tarif. Ainsi, depuis le 1er janvier 1999, date de l'introduction de contrats de services individuels confidentiels par les membres du TACA, les taux sur le trafic transatlantique auraient diminué de manière substantielle (soit de 21 % par rapport à l'année précédente sur le trafic ouest-est et de 14 % sur le trafic est-ouest). La Commission n'expliquerait pas comment le droit de conclure sans entrave des contrats de services individuels serait conciliable avec l'obligation d'opérer en appliquant des taux de fret uniformes ou communs.

1099.
    Deuxièmement, les requérantes soulignent que les conférences actives sur le trafic transatlantique ont traditionnellement interdit la conclusion de contrats de services individuels par leurs membres. Ainsi, au considérant 126, la décision attaquée aurait reconnu que ces conférences «n'avaient jamais autorisé ouvertement les contrats de services individuels jusqu'à leur introduction par les parties au TACA en 1996». Sur les autres routes, les restrictions à la conclusion de contrats de services individuels seraient d'ailleurs plutôt la règle que l'exception.

1100.
    Troisièmement, les requérantes considèrent que l'interdiction des contrats de services individuels est compatible avec le droit des États-Unis d'Amérique. Elles relèvent que l'US Shipping Act autorise l'interdiction du recours à des contrats de services par les membres d'une conférence [section 4 (a) (7)]. Cette situation n'aurait pas été affectée par l'accord de règlement conditionnel de 1995. La FMC n'aurait pas décidé, dans cet accord de règlement conditionnel, que les conférences doivent, au regard de la législation des États-Unis d'Amérique, autoriser la conclusion de contrats de services individuels, mais elle aurait imposé aux parties au TACA l'obligation d'autoriser des contrats de services individuels en 1996. Elle n'aurait, en revanche, pas exigé que ces contrats soient autorisés en 1997 et au cours des années suivantes, de sorte qu'elles auraient été en droit, conformément à l'accord de règlement conditionnel, d'interdire les contrats de services individuels.

1101.
    En troisième lieu, quant à l'application des règles de la conférence en matière de contrats de services aux contrats de services individuels, les requérantes allèguent que, lorsqu'elles ont autorisé les contrats de services individuels en 1996, elles étaient autorisées, aux termes de l'US Shipping Act, à en réglementer et à en interdire l'usage [section 4 (a) (7)]. L'application des règles du TACA relatives aux contrats de services individuels était donc légale au regard du droit des États-Unis d'Amérique. Par ailleurs, les requérantes estiment que l'application aux contrats de services individuels des règles du TACA en matière de contrats de services constituait une exigence de l'accord de règlement conditionnel de la FMC de 1995. Selon les requérantes, l'ordonnance de la FMC imposait en effet au TACA d'autoriser les contrats de services individuels pour l'année 1996 et prévoyait que lesdits contrats devaient être régis par les règles du TACA (à savoir l'article 14, paragraphe 2, du TACA).

1102.
    En quatrième lieu, en ce qui concerne la confidentialité des contrats de services individuels, les requérantes font valoir que la communication des éléments essentiels des contrats de services individuels (y compris ceux passés en commun) est obligatoire en droit américain [section 8 (c) de l'US Shipping Act]. Bien que les éléments essentiels énumérés dans la législation américaine n'incluent pas le nom du chargeur, tout opérateur bien informé dans le secteur des transporteurs maritimes serait à même de déduire cette information à partir des éléments publiés (à savoir, les distances parcourues, les marchandises concernées, le volume minimal, le taux de transport d'un terminal à l'autre, la durée, les engagements en matière de services, les indemnités forfaitaires pour inexécution). Dans ces circonstances, les requérantes estiment que la communication mutuelle des informations relatives aux contrats de services individuels peut être considérée comme étant raisonnable eu égard aux conditions de transparence résultant de l'US Shipping Act.

1103.
    La requérante dans l'affaire T-213/98 soutient qu'une entreprise en position dominante ne saurait, en l'absence d'autre élément, commettre un abus lorsqu'elle adopte des pratiques commerciales qui pourraient également être celles d'une entreprise non dominante (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus), à moins que lesdites pratiques n'aient pour effet de renforcer sa position dominante ou de réduire la concurrence subsistant sur le marché. Or, d'une part, les pratiques en cause en matière de contrats de services seraient également le fait de compagnies indépendantes et, d'autre part, la Commission ne démontrerait pas que ces pratiques ont renforcé la position dominante alléguée des parties au TACA. Par ailleurs, en ce qui concerne l'interdiction des contrats de services individuels, la requérante souligne les initiatives qu'elle a entreprises en matière de tarifs au cours de la période en cause, que ce soit sous forme d'actions indépendantes, de taux dégressifs ou de transport de fret via les ports canadiens.

1104.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, estime que ces moyens et arguments ne sont pas fondés.

b) Appréciation du Tribunal

1105.
    En vue d'examiner les présents moyens et arguments, par lesquels les requérantes soutiennent que les pratiques constituant le premier abus sont objectivement justifiées, il convient de rappeler que, selon l'article 6 du dispositif de la décision attaquée, la Commission a constaté que les parties au TACA ont abusé de leur position dominante collective en concluant un accord imposant des restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu.

1106.
    Il ressort des considérants 551 à 558 de la décision attaquée, ce que la Commission a confirmé à l'audience en réponse aux questions du Tribunal, que ce premier abus est constitué par les pratiques suivantes:

-    en ce qui concerne les contrats de services individuels, leur interdiction pure et simple en 1994 et en 1995 (considérants 554 et 557) et, lorsqu'ils ont été autorisés à partir de 1996, l'application de certaines conditions fixées collectivement par le TACA (considérants 554 à 556) et la divulgation mutuelle de leurs conditions (considérant 552);

-    en ce qui concerne les contrats de services de la conférence, l'application de certaines conditions fixées collectivement par le TACA (considérants 554 à 556).

1107.
    Il résulte des termes du considérant 556 de la décision attaquée que les conditions fixées collectivement par le TACA en cause sont celles concernant l'interdiction des clauses conditionnelles, la durée des contrats de services, l'interdiction des contrats multiples et le niveau des indemnités forfaitaires. Ces conditions sont prévues par l'article 14, paragraphe 2, de l'accord TACA.

1108.
    Les requérantes estiment que chacune de ces pratiques est objectivement justifiée au regard de l'article 86 du traité. À cet égard, elles invoquent, en substance, trois ordres de justifications tirés, respectivement, du caractère nécessaire desdites pratiques pour atteindre certains objectifs, de leur conformité avec la pratique usuelle dans le domaine des transports maritimes et de leur conformité avec le droit des États-Unis d'Amérique.

1109.
    Avant d'examiner ces justifications, il doit être souligné d'emblée qu'il n'existe aucune exception au principe de l'interdiction des abus de position dominante en droit communautaire de la concurrence. En effet, contrairement à l'article 85 du traité, l'article 86 du traité ne permet pas aux entreprises détenant une position dominante de solliciter l'octroi d'une exemption en faveur de leurs pratiques abusives (arrêt de la Cour du 11 avril 1989, Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66/86, Rec. p. 803, point 32, et arrêt du 8 octobre 1996, CEWAL, cité au point 568 ci-dessus, point 152). Par ailleurs, selon la jurisprudence, il incombe aux entreprises dominantes une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par leur comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun (arrêts Michelin/Commission, cité au point 337 ci-dessus, point 57, et Irish Sugar/Commission, cité au point 152 ci-dessus, point 112). En conséquence, les pratiques abusives commises par des entreprises dominantes sont interdites sans exception.

1110.
    C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'apprécier les justifications avancées par les requérantes dans le cadre des présents recours.

i) Sur les justifications tirées du caractère nécessaire de certaines des pratiques en cause

1111.
    Les requérantes soutiennent que l'interdiction des contrats de services individuels, les restrictions quant à la durée et à l'interdiction des clauses conditionnelles sont nécessaires pour préserver la stabilité des taux uniformes ou communs bénéficiant de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86. Elles font aussi valoir que les restrictions quant à la durée sont nécessaires pour assurer l'égalité entre les chargeurs et réaliser des gains d'efficience administrative. Enfin, les requérantes estiment que l'interdiction des contrats multiples et la clause relative au niveau des indemnités forfaitaires sont nécessaires, en substance, pour préserver l'intégrité des contrats de services de la conférence.

1112.
    Il convient toutefois de souligner que, dès lors que l'article 86 du traité ne prévoit pas la possibilité de l'octroi d'une exemption, les pratiques abusives sont interdites quels que soient les avantages auxquels elles donnent éventuellement lieu pour les auteurs de telles pratiques ou les tiers.

1113.
    Il est exact que, selon la jurisprudence, l'existence d'une position dominante ne saurait priver une entreprise se trouvant dans une telle position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont attaqués, de sorte qu'il faut lui accorder, dans une mesure raisonnable, la faculté d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts, pour autant, cependant, que de tels comportements n'aient pas pour objet de renforcer cette position dominante et d'en abuser (voir, par exemple, arrêts United Brands/Commission, cité au point 853 ci-dessus, point 189; du 8 octobre 1996, CEWAL, cité au point 568 ci-dessus, points 107 et 146, et Irish Sugar/Commission, cité au point 152 ci-dessus, point 112). Il en résulte qu'il est donc loisible à une entreprise dominante d'invoquer des motifs de nature à justifier les pratiques qu'elle adopte.

1114.
    Toutefois, les justifications permises par la jurisprudence dans le cadre de l'article 86 du traité ne sauraient conduire, dans l'application de cette disposition, à admettre l'existence de motifs d'exemption. En effet, le seul objet desdites justifications est de permettre à une entreprise dominante de démontrer non pas que les pratiques en cause procurent certains avantages qui justifient qu'elles soient autorisées, mais uniquement que lesdites pratiques visent à protéger de manière raisonnable leurs intérêts commerciaux face aux actions entreprises par certains tiers et, partant, qu'elles ne constituent pas, en réalité, des pratiques abusives.

1115.
    Or, en l'espèce, il convient de constater que les justifications invoquées par les requérantes visent à démontrer non pas que les pratiques en cause en matière de contrats de services ne constituent pas des pratiques abusives, mais uniquement que ces pratiques sont nécessaires à la réalisation de certains avantages, à savoir, la préservation de la stabilité des taux de fret uniformes ou communs et de l'intégrité des contrats de services de la conférence, le respect de l'égalité entre les chargeurs et la réalisation de gains d'efficience administrative. À cet égard, il convient de relever que les motifs justifiant, selon les requérantes, la nécessité des pratiques en cause de la conférence tiennent non pas à l'action de tiers mettant en péril les intérêts commerciaux du TACA, mais au risque que les propres membres du TACA ne portent atteinte, par leur comportement, aux règles adoptées par la conférence, telles que l'accord de fixation collective des taux de fret uniformes ou communs et les contrats de services de la conférence, ou au fonctionnement efficace de celle-ci.

1116.
    Il en résulte que, par les présentes justifications, les requérantes visent ainsi en réalité à obtenir une exemption en faveur des pratiques abusives en cause, au motif que lesdites pratiques sont nécessaires pour réaliser certains avantages découlant du système des conférences.

1117.
    Bien que ce seul motif suffise déjà à rejeter l'ensemble des justifications tirées du caractère nécessaire des règles en cause, il doit, par ailleurs, être constaté que, même si de telles justifications pouvaient être retenues dans le cadre de l'application de l'article 86 du traité, les requérantes ne démontrent nullement en quoi les pratiques en cause sont nécessaires pour réaliser les avantages allégués.

1118.
    Ainsi, s'agissant de la prétendue nécessité de préserver la stabilité des taux de fret uniformes ou communs, la simple circonstance selon laquelle la fixation collective desdits taux bénéficie de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 ne saurait, à elle seule, justifier les pratiques en cause au regard de l'article 86 du traité. En effet, d'une part, l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 prévoit explicitement que l'article 86 du traité est applicable au comportement des conférences maritimes bénéficiant de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 dudit règlement (arrêt du 8 octobre 1996, CEWAL, cité au point 568 ci-dessus, point 64). D'autre part, l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 dudit règlement ne saurait, eu égard à son caractère tout à fait exceptionnel, voir ses effets étendus au-delà de son champ d'application (voir, en ce sens, arrêt FEFC, cité au point 196 ci-dessus, point 254).

1119.
    A fortiori, s'agissant de la prétendue nécessité de ne pas porter atteinte aux contrats de services de la conférence, les requérantes ne sauraient se prévaloir de cet objectif pour justifier, au regard de l'article 86 du traité, les pratiques restrictives en cause, alors que les contrats de services de la conférence ne relèvent pas, pour les motifs exposés aux points 1381 à 1385 ci-dessous, de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86. À cet égard, il doit en outre être observé, en ce qui concerne la clause relative aux indemnités forfaitaires, que, si le dixième considérant du règlement n° 4056/86 prévoit, ainsi que les requérantes le relèvent à juste titre, que les membres d'une conférence peuvent convenir de «sanctionner [les chargeurs] qui éluderaient abusivement l'obligation de fidélité qui est la contrepartie de ristournes, taux de fret réduits ou commissions qui leur sont accordés par la conférence», aucune disposition dudit règlement n'impose à la conférence le niveau desdites indemnités. Or, il ressort du considérant 556 de la décision attaquée que seul ce dernier, tel qu'il a été fixé par les parties au TACA, à savoir un montant de 250 USD par EVP, est considéré comme abusif par ladite décision.

1120.
    Quant à la prétendue nécessité d'assurer l'égalité entre les chargeurs et de réaliser des gains d'efficience administrative, il suffit d'observer que, eu égard à la responsabilité particulière qui leur incombe de ne pas porter atteinte à la concurrence, il appartient aux entreprises dominantes d'adopter des comportements proportionnés aux objectifs qu'elles poursuivent. À l'évidence, aucun motif tiré de l'organisation administrative interne du TACA ne saurait dès lors justifier une infraction à l'article 86 du traité. De même, s'agissant du motif tiré de la nécessité d'assurer l'égalité entre les chargeurs, les requérantes ne sauraient invoquer leur intention de ne pas commettre une infraction à l'article 86 du traité, qui interdit aux entreprises dominantes, en son point c), d'imposer des conditions discriminatoires à leurs partenaires commerciaux, pour justifier une autre infraction à l'article 86 du traité.

1121.
    Enfin, en toute hypothèse, les requérantes ne sauraient se prévaloir du fait que certaines parties au TACA pourraient manquer aux obligations découlant de l'accord de fixation des taux de fret uniformes ou communs ou des contrats de services de la conférence pour justifier, au regard de l'article 86 du traité, des pratiques destinées à empêcher de tels manquements. Le simple fait que le respect de l'accord de fixation des taux et des contrats de services de la conférence prive de toute utilité les pratiques en cause en matière de contrats de services suffit à démontrer l'absence de nécessité de ces pratiques (voir, en ce sens, arrêt FEFC, cité au point 196 ci-dessus, point 389).

1122.
    Partant, les justifications tirées des avantages procurés par les pratiques en cause en matière de contrats de services doivent être rejetées.

ii) Sur les justifications tirées de la conformité de certaines pratiques en cause avec la pratique usuelle dans le domaine des transports maritimes

1123.
    Les requérantes font valoir que l'interdiction des contrats de services individuels et les restrictions quant à la durée sont conformes à la pratique usuelle du secteur.

1124.
    Il convient, toutefois, de souligner que, sous peine de vider l'article 86 du traité de sa substance, un comportement ne saurait perdre son caractère abusif au simple motif qu'il constitue la pratique généralement suivie dans un secteur déterminé. En effet, il incombe aux entreprises dominantes, au sens de l'article 86 du traité, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par leur comportement, à une concurrence effective et non faussée sur le marché en cause (arrêt Michelin/Commission, cité au point 337 ci-dessus, point 57). Contrairement à ce que fait valoir la requérante dans l'affaire T-213/98, une telle responsabilité n'est nullement limitée aux seuls comportements susceptibles de renforcer la position dominante de l'entreprise concernée ou de réduire la concurrence subsistant sur le marché, l'article 86 du traité visant non seulement les pratiques de nature à porter atteinte à une concurrence effective, mais également celles susceptibles, comme en l'espèce, de causer un préjudice immédiat aux consommateurs (arrêt Europemballage et Continental Can/Commission, cité au point 779 ci-dessus, point 26).

1125.
    Dès lors, à supposer même que chacune des pratiques en cause en matière de contrats de services relève de la pratique usuelle des transporteurs maritimes, l'article 86 du traité interdisait néanmoins aux parties au TACA, eu égard à la responsabilité particulière qui leur incombait en tant qu'entité collective dominante sur le trafic transatlantique, d'adopter de telles pratiques, et ce quand bien même ces pratiques auraient été suivies par la plupart, voire par l'ensemble, de leurs concurrents.

1126.
    Cette conclusion ne saurait pas être remise en cause par la circonstance selon laquelle, aux termes de l'article 86, sous d), du traité, le fait de subordonner la conclusion de contrats à des prestations supplémentaires n'est interdit que si ces dernières n'ont, «par leur nature ou selon les usages commerciaux», pas de lien avec l'objet desdits contrats. En effet, la prise en compte des usages commerciaux dans ce contexte procède de l'examen des éléments constitutifs de la notion de ventes liées, la constatation de telles ventes exigeant nécessairement que soient déterminées les circonstances dans lesquelles des ventes commerciales n'ont pas de lien entre elles. Pour les motifs exposés ci-dessus, cette prise en compte des usages commerciaux ne saurait toutefois être étendue à d'autres pratiques abusives en vue de les justifier, en particulier lorsque ces pratiques ont précisément pour objet de renforcer une position dominante et d'en abuser (arrêt United Brands/Commission, cité au point 853 ci-dessus, point 189).

1127.
    En conséquence, les justifications tirées des usages commerciaux doivent être rejetées.

iii) Sur les justifications tirées de la conformité de certaines des pratiques en cause avec le droit des États-Unis d'Amérique

1128.
    Les requérantes font valoir que la clause relative au niveau des indemnités forfaitaires, l'interdiction des clauses conditionnelles, l'interdiction des contrats de services individuels, l'application de conditions fixées collectivement par la conférence aux contrats de services individuels et la divulgation mutuelle des conditions des contrats de services sont des pratiques conformes au droit des États-Unis d'Amérique.

1129.
    À titre liminaire, il convient d'observer qu'en l'espèce le TACA, en tant que conférence maritime active sur le trafic transatlantique, est régi à la fois par le droit communautaire de la concurrence, tel qu'il résulte des articles 85 et 86 du traité, et par le droit des États-Unis d'Amérique, en particulier l'US Shipping Act. Il en résulte que les parties au TACA doivent assurer que leur comportement sur le marché en cause est conforme non seulement au droit communautaire de la concurrence, mais également au droit des États-Unis d'Amérique.

1130.
    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les articles 85 et 86 du traité ne visent que les comportements anticoncurrentiels qui ont été adoptés par les entreprises de leur propre initiative. Si un comportement anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une législation nationale ou si celle-ci crée un cadre juridique éliminant toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part, les articles 85 et 86 du traité ne sont pas d'application. Dans une telle situation, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause ainsi que l'impliquent ces dispositions, dans des comportements autonomes des entreprises. En revanche, les articles 85 et 86 du traité peuvent s'appliquer s'il s'avère que la législation nationale laisse subsister la possibilité d'une concurrence susceptible d'être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des entreprises (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, Commission et France/Ladbroke Racing, C-359/95 P et C-379/95 P, Rec. p. I-6265, point 33; du 9 septembre 2003, Consorzio Industrie Fiammiferi, C-198/01, Rec. p. I-0000, points 52 à 55, et du 11 septembre 2003, Altair Chimica SpA, C-207/01, Rec. p. I-0000, points 30, 35 et 36; arrêts du Tribunal du 17 juillet 1998, ITT Promedia/Commission, T-111/96, Rec. p. II-2937, point 96; Irish Sugar/Commission, cité au point 152 ci-dessus, point 130; du 30 mars 2000, Consiglio Nazionale degli Spedizionieri Doganali/Commission, T-513/93, Rec. p. II-1807, points 58 et 59, et du 26 octobre 2000, Asia Motor France e.a./Commission, T-154/98, Rec. p. II-3453, points 78 à 91). En conséquence, si une loi nationale se limite à permettre, à inciter ou à faciliter l'adoption par les entreprises de comportements concurrentiels autonomes, celles-ci demeurent justiciables des règles de concurrence du traité (voir, notamment, arrêts de la Cour du 27 septembre 1988, Ahlström/Commission, 89/85, 104/85, 114/85, 116/85, 117/85 et 125/85 à 129/85, Rec. p. 5193, point 20, et Consorzio Industrie Fiammiferi, précité, point 56).

1131.
    En l'espèce, pour autant que les requérantes font valoir que certaines des pratiques précitées sont permises, voire même favorisées par le droit des États-Unis d'Amérique, il convient dès lors de constater que cette circonstance est en soi sans aucune pertinence pour l'application de l'article 86 du traité auxdites pratiques, puisque, dans un tel cas, les parties au TACA conservent la possibilité d'adapter leur comportement afin de respecter tant le droit communautaire de la concurrence que le droit des États-Unis d'Amérique.

1132.
    Ainsi, s'agissant de la clause d'indemnités forfaitaires, le fait que ce type de clause soit légal en droit des États-Unis d'Amérique ne saurait être invoqué pour justifier ladite clause au regard de l'article 86 du traité, et ce d'autant plus qu'il ressort du considérant 556 de la décision attaquée que seul le niveau des indemnités forfaitaires, tel qu'il a été fixé par les parties au TACA, et non le fait même de prévoir une telle clause, est considéré comme abusif par ladite décision.

1133.
    De même, s'agissant de l'interdiction des clauses conditionnelles, il suffit d'observer, pour rejeter le grief des requérantes, que celles-ci se bornent à alléguer que, selon la jurisprudence américaine, les clauses conditionnelles sont susceptibles de comporter des effets anticoncurrentiels de sorte que leur interdiction est permise mais non qu'une telle interdiction serait imposée.

1134.
    Enfin, s'agissant des pratiques en matière de contrats de services individuels, il est constant entre les parties que la levée de l'interdiction des contrats de services individuels en 1996 fait suite à l'ordonnance de la FMC du 4 avril 1995, par laquelle la FMC a mis fin à la procédure engagée aux États-Unis d'Amérique à l'encontre des pratiques du TACA, en particulier, le niveau excessif des taux de son tarif, après que les parties au TACA ont accepté de ramener les taux du tarif de 1995 à ceux de 1994. Aux termes de cette ordonnance:

«[...] le projet d'accord de règlement du litige est approuvé à la condition que l'accord TACA soit modifié par l'ajout d'un nouvel article 14, paragraphe 4, énonçant ce qui suit:

Sans préjudice des dispositions de l'article 14, paragraphe 3, chaque partie peut, individuellement ou en commun avec une autre partie ou parties, conclure un contrat individuel avec tout chargeur ou association de chargeurs en vue du transport de fret sur le trafic, à la condition que ce contrat:

[...]

i)    ne commence pas avant le 1er janvier 1996 et arrive à échéance le ou avant le 31 décembre 1996 [...]

ii)    soit conforme aux lignes directrices prévues par l'article 14, paragraphe 2, sous a) à h).»

1135.
    Les requérantes font valoir que l'ordonnance de la FMC n'est pas de nature à démontrer que l'interdiction des contrats de services individuels en 1994 et en 1995 est contraire au droit américain, puisque cette ordonnance n'empêchait pas les parties au TACA de réintroduire ladite interdiction à partir de 1997.

1136.
    Il est vrai, ainsi que le font valoir les requérantes, qu'il ressort des termes de l'ordonnance de la FMC que celle-ci n'a prévu la levée de l'interdiction des contrats de services individuels que pour la seule année 1996.

1137.
    Cette circonstance est toutefois sans aucune pertinence dans le cadre du présent moyen. En effet, celle-ci démontre tout au plus que le droit des États-Unis d'Amérique autorisait les parties au TACA à interdire les contrats de services individuels en 1994 et en 1995 ou à réintroduire cette interdiction à partir de 1997. Or, conformément à la jurisprudence précitée au point 1130, une telle circonstance n'est pas de nature à justifier la légalité de la pratique en cause au regard de l'article 86 du traité, puisque rien n'empêchait les parties au TACA de ne pas prévoir une telle interdiction en 1994 et en 1995 ou de ne pas procéder à sa réintroduction à partir de 1997.

1138.
    Par ailleurs, il est constant que les parties au TACA ont maintenu la levée de l'interdiction des contrats de services individuels au-delà de 1996, ce qui suffit en soi à démontrer que ladite interdiction n'était pas nécessaire pour se conformer au droit des États-Unis d'Amérique.

1139.
    En conséquence, les requérantes ne sauraient se fonder sur l'ordonnance de la FMC pour justifier objectivement l'interdiction des contrats de services individuels à partir de 1996.

1140.
    Pour autant que les requérantes font valoir que certaines des pratiques en cause sont imposées par le droit des États-Unis d'Amérique, il convient d'observer que, eu égard au fait souligné ci-dessus que les parties au TACA sont, en ce qui concerne leurs activités sur le trafic transatlantique, régies à la fois par le droit communautaire de la concurrence et le droit des États-Unis d'Amérique, il ne peut être exclu qu'un comportement interdit par le droit communautaire soit imposé par le droit des États-Unis d'Amérique, de sorte que, pour respecter le droit communautaire, les parties au TACA n'auraient d'autre choix que d'enfreindre le droit des États-Unis d'Amérique. À cet égard, il convient d'ailleurs de relever que l'article 9 du règlement n° 4056/86 envisage explicitement ces situations de conflit avec la législation d'un pays tiers. Aux termes de cette disposition, il appartient, dans un tel cas, à la Commission d'engager des négociations avec le pays tiers concerné en vue de concilier, dans la mesure du possible, les intérêts en cause.

1141.
    En l'espèce, il convient toutefois d'abord de déterminer dans quelle mesure les pratiques en cause résultent effectivement d'obligations légales imposées au TACA.

1142.
    S'agissant de l'application des règles fixées collectivement par la conférence aux contrats de services individuels, il convient d'admettre avec les requérantes qu'il résulte de l'ordonnance de la FMC, citée au point 1134 ci-dessus, que celle-ci a prévu, selon les propres termes de son dispositif, que les parties au TACA pouvaient conclure des contrats de services individuels «à la condition» qu'ils soient conformes aux dispositions de l'article 14, paragraphe 2, de l'accord TACA, ce dont il ressort que l'application de ces dernières règles aux contrats de services individuels a été non seulement autorisée, mais en outre imposée par la FMC.

1143.
    Afin d'apprécier la portée de l'ordonnance de la FMC sur ce point, il convient toutefois de tenir compte de sa nature, ainsi que de l'objectif qu'elle a poursuivi.

1144.
    En ce qui concerne, d'abord, la nature de l'ordonnance de la FMC, il doit être souligné que celle-ci constitue non pas un acte législatif abstrait de portée générale, mais un acte judiciaire ayant pour objet d'approuver un projet d'accord qui a été conclu entre les parties au TACA et les services de la FMC dans le but de mettre un terme à une procédure contentieuse engagée par la FMC.

1145.
    Il s'ensuit que les obligations prévues par cette ordonnance ne résultent pas entièrement de circonstances extérieures aux requérantes. En effet, d'une part, ladite ordonnance trouve son origine dans le propre comportement des parties au TACA, à savoir, en l'espèce, le fait qu'elles ont pratiqué des prix excessifs de nature à porter préjudice aux chargeurs, et, d'autre part, les termes de cette ordonnance résultent, ainsi que cela ressort des pièces produites par les requérantes en réponse à une question écrite du Tribunal sur ce point, de négociations avec la FMC dans lesquelles les parties au TACA ont été impliquées.

1146.
    Certes, il ressort du dossier devant le Tribunal que l'application aux contrats de services individuels des dispositions de l'article 14, paragraphe 2, de l'accord TACA a été ajoutée par la FMC au stade ultime de la procédure en tant que condition de l'approbation du projet d'accord de règlement du litige qui lui était soumis. C'est dès lors à tort que la Commission a soutenu à l'audience que l'application des règles fixées collectivement par le TACA aux contrats de services individuels a été négociée entre les parties au TACA et les services de la FMC.

1147.
    Toutefois, il n'en demeure pas moins qu'il ressort des motifs de l'ordonnance que cette condition d'approbation, si elle n'a pas été négociée entre les parties au TACA et la FMC, n'a pas pour autant été imposée unilatéralement par cette dernière. En effet, la FMC a expressément soumis cette condition d'approbation à l'acceptation des parties au TACA, laquelle est intervenue le 9 mars 1995 par la notification à la FMC d'une version modifiée de l'accord TACA. Bien que le refus de cette condition d'approbation dans le délai imparti eût entraîné, aux termes de l'ordonnance, la caducité du projet d'accord de règlement du litige, il convient de considérer que les parties au TACA ont accepté ladite condition de leur propre initiative en tenant compte des divers intérêts en présence. À cet égard, il convient d'ailleurs d'observer que, en tout état de cause, la caducité éventuelle du projet d'accord de règlement du litige n'aurait pas préjugé l'issue de la procédure menée au fond par la FMC quant à la légalité des pratiques en cause du TACA.

1148.
    En ce qui concerne, ensuite, l'objectif poursuivi par l'ordonnance de la FMC, il doit être observé que la condition d'approbation imposée par la FMC avait pour objet essentiel, non pas d'appliquer les règles du TACA aux contrats de services individuels, mais de supprimer l'interdiction prévue par le TACA de conclure de tels contrats et répondait ainsi à la crainte exprimée par les chargeurs à la suite de la publication du projet d'accord de règlement du litige, que les parties au TACA compensent la réduction des taux du tarif de 1995 par des augmentations excessives des taux du tarif de 1996. Selon la FMC, la concurrence accrue résultant de l'introduction des contrats de services individuels sur le trafic était de nature à priver les parties au TACA d'une telle possibilité.

1149.
    Eu égard à cet objectif, il apparaît que l'application des règles du TACA aux contrats de services individuels, plutôt que de constituer un objectif délibéré, a été insérée par la FMC afin de permettre aux clients du TACA de conclure des contrats de services individuels au même titre que des contrats de services de la conférence. Aucun des motifs de l'ordonnance ne permet d'ailleurs de considérer que la FMC a estimé que l'application des règles fixées collectivement par le TACA aux contrats de services individuels était indispensable pour atteindre l'objectif poursuivi et, partant, que le fait pour les parties au TACA de ne pas appliquer de telles règles aurait nécessairement constitué une violation de cette ordonnance. Ainsi que la partie intervenante l'a relevé à juste titre à l'audience, il ressort d'ailleurs de la décision 2003/68, en particulier ses considérants 24, sous 2), et 64, que le TACA révisé ne restreint plus en rien la liberté des parties au TACA de conclure des contrats de services individuels avec les chargeurs aux conditions convenues librement par les parties auxdits contrats.

1150.
    Pour l'ensemble de ces raisons, il convient de conclure que l'ordonnance de la FMC n'imposait nullement aux requérantes d'appliquer les règles du TACA aux contrats de services individuels à partir de 1996. Partant, le grief des requérantes sur ce point, dès lors qu'il se fonde sur une prémisse erronée, doit être rejeté.

1151.
    S'agissant de la divulgation mutuelle des conditions des contrats de services, il ressort du considérant 498, auquel renvoie le considérant 551, ainsi que du considérant 552 de la décision attaquée que l'abus reproché par la Commission tient au fait que les parties au TACA communiquaient l'existence des contrats de services individuels et le contenu desdits contrats aux compagnies maritimes qui n'étaient pas parties à ceux-ci.

1152.
    Il est toutefois constant entre les parties que, en vertu de l'US Shipping Act, les parties au TACA ont l'obligation de notifier leurs contrats de services individuels à la FMC, à laquelle doit aussi être remis un résumé des «clauses essentielles» de ces contrats, à savoir, selon la législation en vigueur au moment des faits en cause, les clauses portant sur les secteurs portuaires ou les zones géographiques d'origine et de destination, le ou les produits concernés, le volume minimal, le taux applicable du transport proprement dit, la durée, les prestations de services garanties et, le cas échéant, l'indemnité forfaitaire en cas d'inexécution. Ce résumé est ensuite publié par la FMC. La Commission ne conteste pas que ce résumé reprend toutes les informations pertinentes contenues dans les «clauses essentielles», de sorte que le contenu desdites clauses, dès lors qu'il est publié, est accessible au public, en ce compris non seulement les chargeurs, mais également toutes les parties au TACA. Ainsi que la Commission le relève au considérant 112 de la décision attaquée, les parties au TACA ont l'obligation, en vertu de la législation américaine, d'offrir les mêmes conditions à tous les chargeurs se trouvant dans une situation analogue.

1153.
    Dans ces circonstances, il doit dès lors être constaté que, contrairement à la thèse des requérantes, la pratique en cause n'est pas imposée par le droit américain. En effet, la législation américaine n'impose pas aux parties au TACA de se divulguer mutuellement l'existence et le contenu de leurs contrats de services individuels, mais tout au plus leur impose-t-elle l'obligation de notifier lesdits contrats à la FMC, qui procède ensuite à la publication d'un résumé de leurs «clauses essentielles».

1154.
    Toutefois, il doit être observé que, du fait de la publication, aux États-Unis d'Amérique, d'un tel résumé, le contenu des «clauses essentielles» des contrats de services individuels constitue une donnée publique. Dans un tel contexte, les parties au TACA ne sauraient se voir reprocher par la Commission, au considérant 552 de la décision attaquée, d'être convenues de se «divulguer» mutuellement de telles données. En effet, eu égard à la publication du contenu des «clauses essentielles», la communication entre les parties au TACA de l'existence et du contenu de leurs contrats de services individuels constitue un échange d'informations publiques. Or, selon la jurisprudence, un tel système d'échange d'informations n'est pas susceptible d'enfreindre les règles de concurrence du traité (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, Deere/Commission, T-35/92, Rec. p. II-957, point 81, confirmé par l'arrêt de la Cour du 28 mai 1998, Deere/Commission, C-7/95 P, Rec. p. I-3111, points 89 et 90).

1155.
    En réponse aux questions écrites du Tribunal sur ce point, la Commission a toutefois soutenu que les parties au TACA se divulguaient mutuellement des informations supplémentaires par rapport à celles couvertes par la publication prévue par l'US Shipping Act. Interrogée à l'audience sur ce point, la Commission a toutefois admis que la seule clause des contrats de services individuels qui ne doit pas être publiée en tant que «clause essentielle» en vertu du droit des États-Unis d'Amérique est celle portant sur l'identité du ou des chargeurs concernés.

1156.
    À cet égard, il convient cependant d'observer, ainsi que les requérantes l'ont fait valoir à juste titre dans leurs écrits devant le Tribunal, que l'identité du ou des chargeurs concernés peut aisément être déduite par les parties au TACA à partir des «clauses essentielles» publiées en vertu de la législation américaine. En effet, dès lors que les parties au TACA ont accès, pour chaque contrat de services individuel conclu par l'une d'entre elles, à des informations telles que les zones portuaires et géographiques concernées, les produits concernés et les prestations de services garanties, il peut raisonnablement être considéré que, eu égard aux nombreux liens existant entre elles dans le cadre de la conférence maritime, elles sont en mesure de déterminer l'identité du ou des chargeurs liés par les contrats de services concernés. La Commission n'a d'ailleurs pas contesté ce fait, mais, tout au plus, a soutenu que l'identité du ou des chargeurs concernés était divulguée par les parties au TACA avant la publication des «clauses essentielles». Force est toutefois de constater que cette allégation, formulée pour la première fois à l'audience, n'est étayée par aucun élément du dossier, de sorte qu'elle ne saurait être tenue pour établie.

1157.
    Il résulte dès lors de ce qui précède que, au cours de la période couverte par la décision attaquée, chacune des parties au TACA était en mesure, eu égard à la publication des «clauses essentielles» contenues dans les contrats de services individuels, prévue par le droit des États-Unis d'Amérique, de prendre connaissance de l'existence des contrats de services individuels conclus par l'une d'entre elles ainsi que de l'ensemble des conditions pertinentes prévues par ces contrats.

1158.
    Dans ces circonstances, il convient de conclure que la décision attaquée a constaté à tort que les requérantes sont convenues de se divulguer mutuellement l'existence des contrats de services individuels et leur contenu.

1159.
    En conséquence, il convient d'accueillir les griefs des requérantes sur ce point.

2. Sur la motivation de la décision attaquée quant au premier abus

a) Arguments des parties

1160.
    Les requérantes formulent quatre critiques concernant la motivation de la décision attaquée en tant qu'elle se rapporte aux contrats de services de la conférence.

1161.
    La première critique est tirée de ce que la décision attaquée n'expliquerait pas pourquoi les membres d'une conférence ne devraient pas être autorisés à déterminer les conditions auxquelles ils exercent le pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence («Conference service contract authority»), alors que l'exercice de ce pouvoir est en lui-même compatible avec le droit communautaire.

1162.
    Les requérantes relèvent que, si la Commission conclut que le pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence ne relève pas du champ d'application du règlement n° 4056/86, elle n'exclut pas qu'il puisse bénéficier d'une exemption individuelle. Les requérantes se réfèrent à cet égard au considérant 582 de la décision attaquée, lequel indique que «la présente décision n'impose pas aux chargeurs l'obligation de renégocier leurs contrats de services communs, pas plus qu'elle n'impose de délai pour l'éventuelle renégociation de ces contrats». Étant donné que les membres d'une conférence peuvent convenir ensemble de conclure des contrats de services de la conférence, il s'ensuivrait que les membres de la conférence doivent également être autorisés à déterminer les conditions auxquelles ils peuvent conclure de tels contrats. Si tel n'est pas la position de la Commission, elle devrait motiver les raisons pour lesquelles l'accord des requérantes portant sur ces conditions constitue l'exploitation abusive d'une position dominante.

1163.
    Au stade de la réplique, les requérantes prennent note de l'affirmation de la Commission, dans son mémoire en défense, selon laquelle le premier abus relevé dans la décision attaquée concerne, non l'accord portant sur les conditions dans lesquelles était exercé le pouvoir de la conférence quant aux contrats de services, mais les restrictions imposées à la conclusion des contrats de services individuels (ou aux contrats de services individuels communs) en tant que tels ou sauf à des conditions convenues collectivement.

1164.
    La deuxième critique des requérantes est tirée de ce que la décision attaquée ne motive pas l'affirmation selon laquelle les conditions imposées par l'article 14, paragraphe 2, de l'accord TACA, auquel se réfère le considérant 556 de la décision attaquée (à savoir, les clauses conditionnelles, la durée des contrats de services, l'interdiction des contrats multiples et le niveau des indemnités forfaitaires), sont inéquitables au regard de l'article 86, sous a), du traité. La Commission n'expliquerait pas les raisons pour lesquelles l'accord portant sur le contenu des contrats de services de la conférence constitue un abus de position dominante. Il n'y aurait en outre aucune analyse de ces conditions et aucune prise en compte du contexte commercial et économique dans le cadre duquel ces conditions ont été convenues. La Commission n'expliquerait par ailleurs pas la pertinence de l'appréciation effectuée dans le cadre de l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, à laquelle se réfère le considérant 551 de la décision attaquée.

1165.
    La troisième critique des requérantes porte sur le fait que la décision attaquée n'explique pas les raisons pour lesquelles les conditions auxquelles les requérantes ont fourni des services étaient déraisonnables. Or, il ressortirait de la jurisprudence qu'un refus de fournir des services n'est abusif que s'il n'est pas objectivement justifié. La décision attaquée ne contiendrait pas une telle analyse mais se bornerait à constater, aux considérants 553 et 554, que, en raison des règles édictées à l'article 14 de l'accord TACA, aucun contrat de services ne respectant pas ces règles n'était disponible.

1166.
    La quatrième critique des requérantes est tirée de ce que, contrairement aux enseignements de l'arrêt Verre plat, cité au point 594 ci-dessus (point 360), la Commission a recyclé les constatations effectuées dans le cadre de l'article 85 du traité aux fins de conclure à l'existence d'une pratique abusive au sens de l'article 86 du traité. Selon les requérantes, le premier abus relevé par la décision consiste en effet, ainsi que la décision le reconnaît au considérant 551, dans le même comportement que celui examiné au titre de l'infraction à l'article 85 faisant l'objet d'une «description détaillée aux considérants 487 à 502». Il résulterait de ce renvoi que, du point de vue de la Commission, les clauses des contrats de services ne produisant pas suffisamment d'avantages positifs en termes d'amélioration de la production ou de la distribution des services ou en termes de promotion du progrès technique ou économique pour satisfaire les conditions d'une exemption individuelle énumérées aux considérants 487 à 502, ces clauses seraient également abusives et déraisonnables au regard de l'article 86 du traité.

1167.
    Au stade de la réplique, les requérantes allèguent que ce raisonnement constitue une erreur de droit. Elles font valoir que l'examen d'une pratique au regard des conditions d'octroi d'une exemption individuelle prévues à l'article 85, paragraphe 3, du traité ne saurait, sans autre formalité, constituer un raisonnement suffisant pour justifier la conclusion que cette pratique est également abusive au sens de l'article 86 du traité. Étant donné que les critères juridiques d'application des articles 85 et 86 du traité sont différents et poursuivent des objectifs économiques différents, le simple renvoi au raisonnement tenu dans le cadre de l'article 85 du traité ne saurait suffire pour motiver la constatation d'un abus au sens de l'article 86 du traité. Or, la décision attaquée (pas plus que le mémoire en défense) ne contiendrait d'explication motivée au sujet des raisons pour lesquelles ces restrictions de concurrence constitueraient des abus au sens de l'article 86, sous a) et b) du traité.

1168.
    Les requérantes considèrent que les conclusions de l'avocat général sous l'arrêt du 16 mars 2000, CEWAL, cité au point 595 ci-dessus, ne sont pas pertinentes pour la présente problématique. Aux points 28 et 35 de ses conclusions, l'avocat général n'examinerait pas en effet la question du renvoi au raisonnement tenu dans le cadre de l'article 85, paragraphe 3, du traité aux fins de motiver la constatation d'un abus au sens de l'article 86 du traité, mais la question différente de savoir si la Commission peut, afin d'établir les liens économiques nécessaires pour procéder à un examen collectif, se baser sur des faits susceptibles de correspondre à un accord ou à une pratique concertée au sens de l'article 85 du traité.

1169.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, estime que la décision attaquée est suffisamment motivée sur tous ces points et conclut, dès lors, au rejet des présents moyens et griefs des requérantes.

b) Appréciation du Tribunal

1170.
    Par les présents moyens et griefs, les requérantes font valoir que la décision attaquée n'indique pas les raisons pour lesquelles les conditions de l'exercice du pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence sont contraires à l'article 86 du traité. Par ailleurs, elles allèguent, en substance, que la Commission n'expose pas à suffisance de droit les raisons pour lesquelles les pratiques constituant le premier abus, d'une part, sont abusives au sens de l'article 86 du traité et, d'autre part, ne sont pas objectivement justifiées.

1171.
    En ce qui concerne, premièrement, le grief tiré de l'absence de motivation quant au caractère abusif des conditions de l'exercice du pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence, il a déjà été constaté aux points 1106 et 1107 ci-dessus que, s'agissant des contrats de services de la conférence, le premier abus a consisté, aux termes de la décision attaquée, dans le fait que les parties au TACA ont appliqué à ces contrats de services certaines des conditions prévues par l'article 14, paragraphe 2, de l'accord TACA, à savoir, aux termes du considérant 556 de la décision attaquée, celles concernant l'interdiction des clauses conditionnelles, la durée des contrats de services, l'interdiction des contrats multiples et le niveau des indemnités forfaitaires.

1172.
    Il en résulte que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la décision attaquée ne constate pas que le simple fait de fixer collectivement les conditions de l'exercice du pouvoir de conclure des contrats de services de la conférence constitue en soi un abus, mais uniquement que l'application de certaines de ces conditions prévues par l'accord TACA est abusive.

1173.
    Partant, le grief des requérantes sur ce point est dépourvu d'objet.

1174.
    En ce qui concerne, deuxièmement, le grief tiré de l'absence de motivation quant au caractère abusif des pratiques constituant le premier abus, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir exposé, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles lesdites pratiques relèvent de l'article 86 du traité, mais d'avoir, à cet égard, procédé à un «recyclage» de la motivation retenue pour exclure l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité aux mêmes pratiques.

1175.
    Il doit d'emblée être observé que, par un tel grief, les requérantes se limitent à invoquer, ainsi que cela ressort des termes explicites de leur requête, une violation de l'article 190 du traité, en ce sens que la décision attaquée serait viciée par un défaut de motivation ou par une motivation insuffisante. Contrairement à ce que les requérantes ont suggéré à l'audience en réponse à une question du Tribunal, il ne saurait, dès lors, être admis que, par le présent grief, les requérantes visent également à reprocher à la Commission d'avoir retenu une motivation erronée sur ce point. En effet, un tel moyen, qui porterait sur la légalité au fond de la décision attaquée et relèverait, à ce titre, de la violation d'une règle de droit relative à l'application du traité, ne saurait être confondu avec le moyen distinct tiré d'un défaut ou de l'insuffisance de motivation, qui relève de la violation des formes substantielles (arrêt Commission/Sytraval et Brink's France, cité au point 746 ci-dessus, point 67). Dès lors, pour autant qu'un moyen tiré d'une motivation erronée pourrait, le cas échéant, être déduit des termes de la réplique, il devrait être déclaré irrecevable en tant que moyen nouveau par application de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

1176.
    En l'espèce, en vue d'examiner le bien-fondé du grief des requérantes, il convient dès lors uniquement de vérifier si la décision attaquée contient une motivation suffisante quant au caractère abusif des pratiques constituant le premier abus.

1177.
    À cet égard, il doit être rappelé que, selon l'article 6 du dispositif de la décision attaquée, le premier abus a consisté dans le fait que les parties au TACA ont conclu un accord imposant des restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu. Ainsi qu'il a été indiqué aux points 1106 et 1107 ci-dessus, il ressort des considérants 551 à 558 de la décision attaquée que ce premier abus résulte, d'une part, en ce qui concerne les contrats de services individuels, de leur interdiction pure et simple en 1994 et en 1995 et, lorsqu'ils ont été autorisés à partir de 1996, de l'application de certaines conditions fixées collectivement par le TACA et de la divulgation mutuelle de leurs conditions, et, d'autre part, en ce qui concerne les contrats de services de la conférence, de l'application de certaines conditions fixées collectivement par le TACA.

1178.
    Il doit d'abord être constaté que, contrairement à ce que les requérantes font valoir, la Commission, dans la décision attaquée, ne motive pas le caractère abusif de ces pratiques en recyclant les motifs exposés aux considérants 487 à 502 en vue de justifier le refus de l'octroi d'une exemption individuelle en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité en faveur de ces mêmes pratiques. En effet, aux termes du considérant 551 de la décision attaquée, sur lequel les requérantes fondent leur allégation de «recyclage», la Commission expose uniquement:

«L'importance des contrats de services pour les chargeurs est examinée en détail aux considérants 122 à 126 ainsi qu'aux considérants 472 à 476. Les parties au TACA ont conclu entre elles un accord visant à imposer un certain nombre de restrictions au contenu des contrats de services; dans le passé, elles s'interdisaient également de passer des contrats de services individuels. L'imposition de ces restrictions avait notamment pour objectif d'empêcher la concurrence par les prix (voir considérant 479). On en trouve une description détaillée aux considérants 487 à 502.»

1179.
    Force est ainsi de constater qu'il ressort des termes mêmes de la dernière phrase de ce considérant que le renvoi aux considérants 487 à 502 porte, non sur les motifs justifiant le refus de l'octroi d'une exemption individuelle, mais sur la «description détaillée» qui y est effectuée des restrictions au contenu des contrats de services imposées par les règles du TACA. Les arguments des requérantes tirés d'un prétendu «recyclage» sont dès lors, pour ce seul motif, dénués de fondement.

1180.
    Il convient toutefois encore d'examiner si la décision attaquée contient une motivation propre quant au caractère abusif des pratiques en cause.

1181.
    À cet égard, il y a lieu d'observer que, au considérant 553 de la décision attaquée, la Commission indique qu'un accord visant à imposer des restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu revient à refuser de fournir des services autrement qu'à des conditions non équitables ainsi qu'à une restriction à la fourniture de produits de transports, de sorte qu'un tel accord relève de l'article 86, sous a) et b), du traité. Ensuite, au considérant 554 de la décision attaquée, la Commission constate, s'agissant de l'interdiction des contrats de services individuels, que cette interdiction a eu pour effet que les parties au TACA ont refusé de fournir en 1995 «des services personnalisés, selon les capacités propres à chaque transporteur», ce refus privant les chargeurs «de tout service supplémentaire que les parties au TACA pouvaient être en mesure de fournir à titre individuel». Quant à l'application aux contrats de services individuels (à partir de 1996) et de la conférence de certaines conditions fixées collectivement par les parties au TACA, la Commission indique, au même considérant, que «[l]es parties au TACA ont refusé de fournir aux chargeurs des services de transport maritime et terrestre dans le cadre d'un contrat de services si ce n'est à certaines conditions qu'elles ont fixées collectivement». Une considération similaire figure au considérant 555 de la décision attaquée.

1182.
    Il ressort ainsi des termes de la décision attaquée que la Commission a considéré, dans ladite décision, que les pratiques constituant le premier abus sont abusives au sens de l'article 86 du traité en raison de leur caractère inéquitable et restrictif quant à la fourniture des produits de transport dans la mesure où ces pratiques ont eu pour objet, pour les motifs exposés aux considérants 554 et 555 de la décision attaquée, de restreindre l'accès aux contrats de services et leur contenu.

1183.
    Force est de constater qu'une telle motivation, qui mentionne le type d'abus prévu par l'article 86 du traité dont les pratiques en cause relèvent et précise les raisons concrètes pour lesquelles ces pratiques constituent de tels abus, fournit aux requérantes une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité et permet au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée (arrêt Van Megen Sports/Commission, cité au point 548 ci-dessus, point 51).

1184.
    En conséquence, il y a lieu de considérer que la décision attaquée est motivée à suffisance de droit sur ce point.

1185.
    Partant, il convient de rejeter le présent grief.

1186.
    En ce qui concerne, enfin, la motivation du caractère objectivement justifiable des pratiques constituant le premier abus, il convient de souligner que, selon la jurisprudence, lorsque la Commission constate qu'une entreprise a exploité d'une manière abusive sa position dominante, c'est à l'entreprise en question qu'il appartient, le cas échéant, de justifier par des circonstances objectives les abus qui lui sont reprochés (arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Tournier, 395/87, Rec. p. 2521, point 38).

1187.
    En l'espèce, force est de constater que, dans leur réponse à la communication des griefs, les requérantes n'ont fourni aucun élément en vue de justifier l'abus en matière de contrats de services qui leur était reproché par la Commission dans la communication des griefs.

1188.
    Or, il ne saurait à l'évidence être fait grief à la Commission, sur le plan du respect de l'obligation de motivation, de ne pas avoir pris position dans la décision attaquée sur des éléments qui ne lui ont pas été présentés avant l'adoption de ladite décision, mais qui sont avancés pour la première fois au stade des présents recours (voir, en ce sens, arrêt FEFC, cité au point 196 ci-dessus, points 426 et 427).

1189.
    Partant, le grief des requérantes sur ce point doit être rejeté.

3. Conclusion sur le premier abus

1190.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que les moyens et griefs des requérantes concernant le premier abus doivent être accueillis dans la seule mesure où ils concernent la divulgation mutuelle par les parties au TACA de l'existence et du contenu des contrats de services. Pour le surplus, les présents moyens et griefs doivent être rejetés.

1191.
    Partant, il convient d'annuler l'article 6 du dispositif de la décision attaquée en ce qu'il s'applique à la divulgation mutuelle par les parties au TACA de l'existence et du contenu des contrats de services et, par voie de conséquence, l'article 7 dudit dispositif en ce qu'il enjoint aux requérantes d'y mettre fin immédiatement et de s'abstenir à l'avenir de tout acte ayant un objet ou un effet identique.

B - Sur le second abus constitué par la modification abusive de la structure concurrentielle du marché

1192.
    Les requérantes soulèvent des moyens et griefs de quatre ordres à l'encontre des appréciations de la décision attaquée concernant le second abus. Les premiers concernent la preuve des pratiques constituant le second abus. Les deuxièmes concernent l'effet sensible desdites pratiques. Les troisièmes concernent leur durée. Enfin, les quatrièmes concernent leur imputabilité à Hanjin et à Hyundai.

1. Sur la preuve des pratiques constituant le second abus

a) Arguments des parties

i) Observations préliminaires

1193.
    À titre liminaire, les requérantes soulignent que le second abus relevé dans la décision attaquée est entièrement basé sur la constatation que la conférence a activement incité deux compagnies, Hanjin et Hyundai, à adhérer au TACA.

1194.
    Les requérantes constatent cependant que la Commission développe, dans son mémoire en défense, une nouvelle argumentation selon laquelle, au-delà des événements entourant l'adhésion de Hanjin et de Hyundai au TACA (qui ne seraient que des illustrations), elles auraient adopté une «politique» consistant à neutraliser la concurrence et exprimé une «volonté» de proposer des incitations afin de modifier la structure du marché.

1195.
    Les requérantes soutiennent que l'article 86 du traité n'est pas applicable à de telles circonstances et que l'arrêt Europemballage et Continental Can/Commission, cité au point 779 ci-dessus, sur lequel la Commission se fonde aux considérants 559 et 560 de la décision attaquée, ne fait pas autorité pour l'application de l'article 86 du traité à la politique ou à la volonté des membres du TACA. Selon les requérantes, en l'absence d'une preuve de contrainte abusive exercée sur le nouveau venu pour qu'il adhère à la conférence, il convient de conclure que ce dernier a adhéré à la conférence sur la base d'une appréciation propre de ses intérêts commerciaux. Les requérantes font valoir que, contrairement à une situation de concentration comme celle ayant donné lieu à l'arrêt susmentionné, les parties à une conférence maritime demeurent libres, d'une part, de se faire concurrence par les prix ou autrement et, d'autre part, de quitter la conférence à l'expiration du délai de préavis convenu. Selon les requérantes, si la structure de la concurrence est gravement entravée par l'accession de nouveaux membres à la conférence, la Commission a le pouvoir de retirer le bénéfice de l'exemption par catégorie en application des articles 7 et/ou 8 du règlement n° 4056/86.

1196.
    Les requérantes font encore observer que la Commission n'explique pas comment la «politique» visant à neutraliser la concurrence et la «volonté» de proposer des incitations aux transporteurs afin de les inciter à entrer sur le trafic transatlantique en tant que parties au TACA a eu des conséquences négatives sur le marché. Or, selon les requérantes, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la notion d'abus est un concept objectif qui vise des pratiques susceptibles de causer un préjudice aux consommateurs ou de porter atteinte à la structure concurrentielle du marché (arrêts Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, point 91; Europemballage et Continental Can/Commission, cité au point 779 ci-dessus, point 26, et du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, cité au point 346 ci-dessus, point 70). En tout état de cause, les requérantes estiment que la Commission n'apporte pas de preuve de ce que la politique du TACA visant à neutraliser la concurrence a eu une incidence sur la structure de la concurrence.

1197.
    La requérante dans l'affaire T-213/98 fait observer que les adhésions et retraits de conférences maritimes ne sont en rien exceptionnels. La requérante estime que l'analyse de la Commission en l'espèce est susceptible d'avoir pour effet de «geler» le nombre de membres des conférences à leur niveau actuel, contrairement aux objectifs poursuivis par le règlement n° 4056/86. En outre, la requérante rappelle que les conférences ouvertes régies par le droit américain doivent accepter tout nouveau membre, tandis que les conférences fermées doivent également, conformément à l'article 1er, paragraphe 1, du code de la Cnuced, accepter les nouveaux membres qui remplissent certaines conditions objectives.

1198.
    La requérante reproche, en substance, à la Commission de ne pas avoir caractérisé clairement, dans la décision attaquée, le comportement constitutif d'abus. Selon la requérante, l'article 5 de la décision attaquée peut induire que l'abus reproché réside soit dans l'admission de Hanjin et de Hyundai comme membres du TACA, soit dans les mesures prises par les requérantes pour inciter ces deux compagnies à adhérer au TACA, soit dans les deux.

1199.
    En ce qui concerne la première hypothèse, la requérante allègue qu'elle est erronée sur le plan des principes en ce que les conférences ne sauraient à la fois être tenues légalement d'accepter tout nouveau membre et ce faisant commettre un abus. La requérante rappelle que, pour exercer leur rôle stabilisateur conformément au règlement n° 4056/86, les conférences doivent détenir une part de marché suffisamment élevée. La requérante soutient également, sur le plan des faits, que l'adhésion de compagnies telles Hanjin et Hyundai ne saurait avoir altéré de manière sensible la concurrence, étant donné que leur part de marché cumulée excède à peine 1 %. Par ailleurs, la Commission ne saurait déduire du fait que l'adhésion de ces deux compagnies a éliminé «cette source de concurrence» (considérant 566) la conclusion que le TACA a eu l'intention d'éliminer la concurrence par les prix. La requérante relève d'ailleurs que des compagnies indépendantes ont ensuite pénétré le marché.

1200.
    En ce qui concerne la deuxième hypothèse, la requérante précise tout d'abord que celle-ci suppose logiquement que l'adhésion de Hyundai et de Hanjin au TACA ne constitue pas en soi une condition préalable à la constatation de l'abus. La requérante estime que, dans cette hypothèse, la Commission n'explique pas comment les prétendues incitations ont altéré la structure du marché. La Commission n'attacherait d'ailleurs aucune importance à la forme prise par ces incitations. En tout état de cause, si les incitations données par les conférences maritimes pour susciter les adhésions constituent des cas d'abus, la requérante se demande comment les conférences peuvent être en mesure d'augmenter le nombre de leurs membres alors qu'elles assurent à leurs membres et au trafic en général les bénéfices prévus par le règlement n° 4056/86.

1201.
    En ce qui concerne la troisième hypothèse, la requérante fait valoir que les observations qui précèdent s'appliquent cumulativement.

1202.
    Au stade de sa réplique, la requérante répète les arguments des autres requérantes concernant la modification par la Commission de la nature du second abus. Elle soutient que la Commission ne fournit aucun détail au sujet de la politique ou de la volonté des parties au TACA d'éliminer la concurrence et ne produit aucun document à l'appui de sa thèse. La requérante affirme ne pas avoir eu une telle politique ou volonté et rappelle que son adhésion au TACA est de peu antérieure à celle de Hanjin. En tout état de cause, la requérante conclut au rejet de la nouvelle thèse de la Commission pour la simple raison qu'il ne s'agit pas de l'abus relevé par l'article 5 de la décision attaquée.

1203.
    La Commission souligne que le second abus reproché aux requérantes est extrêmement grave en ce qu'il a visé à éliminer la concurrence potentielle en incitant les concurrents potentiels à entrer sur le marché en tant que parties au TACA. À cet égard, la Commission précise que les événements entourant l'accès de Hanjin et de Hyundai à la conférence ne sont que des illustrations de la politique menée par les parties au TACA. La Commission relève que la décision attaquée fournit d'autres exemples d'incitations offertes par le TACA aux concurrents potentiels, non limités à Hanjin et à Hyundai, à savoir les contrats à double tarification et le fait que les anciens membres structurés du TAA s'abstenaient de concourir pour les contrats de services avec les NVOCC (considérant 565). Dès lors, même si les requérantes parvenaient à démontrer que la conférence n'a pas incité Hyundai et Hanjin à adhérer au TACA, cela ne suffirait pas à réfuter le second abus relevé par la décision attaquée.

1204.
    La Commission fait valoir que la doctrine des conférences ouvertes n'empêche pas les membres d'une conférence de solliciter de la FMC une dérogation à l'obligation d'accepter tout nouveau membre lorsque ce dernier n'envisage pas d'exploiter ses propres navires sur le trafic. Par ailleurs, à la lumière du code des conférences de ligne de la Cnuced, la Commission interprète le règlement n° 4056/86 comme autorisant (sans les imposer) les conférences de lignes fermées. Or, l'un des motifs de refus d'un nouveau membre permis par le code serait que ce nouveau membre n'apporte pas ses propres navires. Dans la mesure où l'article 7, paragraphe 1, de l'accord TACA emprunte littéralement le libellé du code de la Cnuced pour décrire les conditions dans lesquelles les nouveaux membres peuvent être admis, la Commission considère qu'il est pertinent de relever que les nouvelles parties au TACA, telles que Hyundai et Hanjin, sont entrées sur le trafic sans introduire leur propre tonnage.

1205.
    En tout état de cause, la Commission estime que la doctrine des conférences ouvertes est non pertinente en l'espèce, car la décision attaquée ne constate pas que les parties au TACA ont commis un abus en admettant de nouveaux membres. Selon la Commission, il pourrait y avoir des circonstances dans lesquelles une conférence détiendrait une position si forte que toute augmentation de ses effectifs serait susceptible de constituer un abus. Tel ne serait toutefois pas le cas en l'espèce. La décision attaquée constaterait en effet uniquement que les parties au TACA ont adopté un comportement ayant spécifiquement pour but de détourner la concurrence potentielle en incitant à adhérer au TACA les compagnies maritimes qui, sans cela, l'auraient fait comme armateurs indépendants. Cette stratégie rappellerait celle de la structure tarifaire à double niveau en cause dans l'affaire TAA.

1206.
    L'ECTU fait valoir qu'empêcher ou retarder l'entrée de concurrents indépendants est l'un des abus les plus graves d'une position dominante dans la mesure où il est de nature à porter atteinte à la structure de la concurrence en empêchant l'émergence d'une concurrence effective.

1207.
    L'ECTU fait valoir que l'approche de la Commission est conforme à la jurisprudence des juridictions communautaires. La partie intervenante relève que la Cour a déjà jugé, dans l'arrêt Europemballage et Continental Can/Commission, cité au point 779 ci-dessus, qu'un comportement qui entraîne le renforcement d'une position dominante relève de l'article 86 du traité parce qu'il est susceptible de porter atteinte à la structure de la concurrence effective. Selon la Cour, les «moyens et procédés» utilisés à cette fin par l'entreprise dominante importent peu. L'ECTU constate que la Cour et le Tribunal ont, dans les arrêts CEWAL, précités, également consacré ces principes dans le cadre de l'application des règles de concurrence au secteur des transports maritimes (arrêt du 16 mars 2000, CEWAL, cité au point 595 ci-dessus, points 112, 113 et 114, et arrêt du 8 octobre 1996, CEWAL, cité au point 568 ci-dessus, points 106 et 107).

1208.
    Selon l'ECTU, il importe peu que le comportement en question n'entraîne pas une augmentation supplémentaire de la part de marché de l'entreprise dominante ou entraîne une diminution de celle-ci (arrêt du 8 octobre 1996, CEWAL, cité au point 568 ci-dessus, point 77). En effet, si le TACA n'avait pas eu un comportement abusif, la concurrence aurait été plus effective et la position du TACA aurait été réduite. De même, l'ECTU estime qu'il importe peu que les chargeurs aient été demandeurs de certaines des pratiques abusives alléguées (à savoir les contrats à double tarification). Outre que cette allégation est dépourvue de base factuelle, la partie intervenante rappelle qu'il est établi que le fait que des politiques de prix anticoncurrentielles ont été négociées par les entreprises en position dominante en réponse aux demandes des consommateurs ne peut valoir comme moyen de défense lorsqu'il y a preuve d'une intention de commettre un abus [décision 91/300/CEE de la Commission, du 19 décembre 1990, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CEE (IV/33.133-D, Carbonate de soude - ICI) (JO 1991, L 152, p. 40)].

1209.
    La partie intervenante souligne que l'exemption prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 est de large portée, en ce qu'elle autorise la fixation collective des prix pour une durée indéterminée. Dans ces circonstances, elle fait valoir que la Commission se doit d'examiner attentivement le comportement des parties à de tels cartels légalisés afin de vérifier que les conditions d'une telle exemption sont remplies à tout moment et que les parties n'abusent pas d'une position dominante.

ii) Sur les mesures spécifiques destinées à Hanjin et à Hyundai

1210.
    Le premier grief des requérantes est tiré de ce que, contrairement aux constatations effectuées aux considérants 563 et 564 de la décision attaquée, les faits entourant l'entrée de Hanjin et de Hyundai sur le trafic transatlantique et les contacts entre le TACA et d'autres opérateurs concernant l'entrée possible de ces opérateurs sur le trafic sont incompatibles avec la constatation d'un abus en ce qu'ils démontrent que les membres du TACA n'ont pas incité des concurrents potentiels à entrer sur le trafic transatlantique en adhérant au TACA.

1211.
    Les requérantes soulignent que, en admettant Hanjin et Hyundai dans la conférence, les membres du TACA ont agi strictement en conformité avec leurs obligations au titre du droit américain. Elles font valoir que, conformément à la section 5, sous b), de l'US Shipping Act, le TACA est une conférence «ouverte» qui permet l'adhésion de nouveaux membres sur la base des critères raisonnables et non discriminatoires énoncés à l'article 7, paragraphe 1, du TACA. À l'appui de leurs affirmations, les requérantes joignent une déclaration de M. Benner, un ancien conseiller général de la FMC, dans laquelle ce dernier déclarerait qu'il ne connaît aucun élément ou précédent étayant l'affirmation de la Commission, faite dans son mémoire en défense, selon laquelle les requérantes auraient pu demander à la FMC l'autorisation de ne pas admettre un transporteur océanique en tant que membre de la conférence lorsque le transporteur demandeur ne proposait pas d'exploiter ses propres navires sur le trafic couvert par la conférence.

1212.
    S'agissant, en premier lieu, de l'adhésion spécifique de Hanjin, les requérantes contestent les constatations effectuées aux considérants 563 et 564 de la décision attaquée, selon lesquelles «avant de devenir partie au TACA, Hanjin a demandé à prendre connaissance de ‘tous les documents et statistiques pertinents émanant du TACA (tarifs, contrats de services, escales, chargements et performances)’ [lettre de Hanjin au TACA du 19 août 1994]» et selon lesquelles «la déclaration du secrétariat du TACA [...] démontre une volonté collective de ‘permettre’ à Hanjin de se forger une part de marché compatible avec sa capacité en slots sur le trafic [note d'instruction du TACA du 15 février 1996]».

1213.
    Les requérantes font valoir que les premiers contacts entre Hanjin et le TACA ont eu lieu le 23 août 1994, date de la demande d'adhésion de la compagnie. Il ressortirait de ce document que, premièrement, la demande d'adhésion de Hanjin résultait de discussions non avec les membres du TACA, mais avec ses partenaires au sein du consortium Tricon (soit avec DSR-Senator et Cho Yang Shipping), deuxièmement, cette demande d'adhésion était effectuée en vertu de la doctrine de la conférence ouverte en droit américain, troisièmement, la demande d'informations de Hanjin était motivée par la nécessité de préparer ses activités commerciales et, quatrièmement, la plupart des informations sollicitées étaient publiques. Les requérantes relèvent que, dans sa lettre en réponse du 24 août 1994, le secrétariat du TACA a précisé que les informations demandées par Hanjin ne lui seraient communiquées qu'après son adhésion à la conférence le 31 août 1994. Il résulterait également de ce document que le TACA était conscient de ses obligations en vertu de la doctrine de la conférence ouverte en droit américain. À la suite de cet échange de correspondance, Hanjin serait devenue membre du TACA avec effet au 31 août 1994. Le TACA lui aurait ensuite communiqué copie du tarif Eastbound le 1er septembre 1994 ainsi que d'autres informations dans les jours suivants.

1214.
    Sur la base de ces éléments, les requérantes soutiennent que la Commission a conclu à tort, au considérant 563 de la décision attaquée, que la communication d'informations a constitué «un moyen d'incitation puissant pour amener Hanjin à s'introduire sur le trafic transatlantique». Il ressortirait en effet clairement de la lettre de Hanjin du 23 août 1994 qu'elle avait déjà décidé d'adhérer à la conférence. Il serait en outre illogique de considérer qu'une demande d'informations de Hanjin constitue une incitation à adhérer au TACA sans que soient examinés quand et dans quelles conditions le TACA a répondu à cette demande.

1215.
    De surcroît, les requérantes font valoir que le droit américain exigeait, en vertu de la doctrine des conférences ouvertes, que la conférence fournisse à Hanjin les informations relatives au tarif et aux contrats de services. Les requérantes joignent à cet égard une déclaration de M. Benner dans laquelle ce dernier atteste qu'il n'existe, en droit américain, aucune base légale pour interdire à un nouveau membre d'une conférence de participer aux contrats de services existants de la conférence. Selon les requérantes, il était donc tout à fait légitime qu'un nouveau membre sollicite de la conférence le type d'informations demandées par Hanjin dans sa demande d'adhésion.

1216.
    Les requérantes prennent note que la Commission semble admettre que la conférence n'a pas fourni à Hanjin les informations qu'elle avait demandées avant de devenir partie à la conférence, lorsqu'elle affirme, dans son mémoire en défense, que la lettre du 24 août 1994 précise que les informations souhaitées par Hanjin ne seront pas fournies tant que cette dernière ne sera pas partie au TACA.

1217.
    Quant à la lettre du président du TACA à Hanjin, datée du 30 janvier 1996, reproduite en partie au considérant 561 de la décision attaquée, les requérantes soulignent que, dans la mesure où elle a été écrite 17 mois après l'adhésion de Hanjin à la conférence en août 1994, cette lettre ne saurait logiquement concerner la problématique de l'entrée de Hanjin sur le trafic transatlantique. Selon les requérantes, cette lettre concernerait les actions proposées par Hanjin en tant que membre du TACA actif sur le trafic transatlantique et qui étaient considérées comme des menaces pesant sur le rôle stabilisateur de la conférence. La lettre en question relaterait ainsi plutôt le projet d'expansion de Hanjin en tant qu'opérateur sur le trafic en cause.

1218.
    Selon les requérantes, c'est dans ce contexte que doit se comprendre la note d'instruction du 15 février 1996. Les requérantes expliquent que cette note fait suite à la lettre du 30 janvier 1996 du président du TACA. Elle aurait été rédigée par le secrétariat britannique en vue d'une réunion qui aurait eu lieu le 29 février 1996 entre le président et le directeur exécutif de la conférence, d'une part, et les cadres de Hanjin, d'autre part. Selon les requérantes, l'objet de la note était de réagir à la politique de prix de Hanjin en lui expliquant les options possibles pour fixer ses prix concurrentiels dans le cadre de la conférence sans porter atteinte au rôle stabilisateur de la conférence. En tout état de cause, les requérantes ne voient pas comment cette déclaration du secrétariat du TACA, rédigée quelque 17 mois après l'adhésion de Hanjin au TACA, aurait pu inciter Hanjin à entreprendre cette démarche.

1219.
    S'agissant, en deuxième lieu, de l'adhésion spécifique de Hyundai, les requérantes contestent la constatation faite au considérant 564 de la décision attaquée, selon laquelle la possibilité pour Hyundai de participer immédiatement aux contrats de services de la conférence «aurait été une incitation puissante pour amener Hyundai à entrer sur le trafic transatlantique en tant que partie au TACA».

1220.
    Les requérantes font valoir que les premiers contacts de Hyundai relatifs à son entrée sur le trafic transatlantique ont eu lieu avec une compagnie indépendante du TACA, en vue d'envisager un accord d'affrètement d'espaces de navires dans le cadre d'un partenariat à trois impliquant également une autre compagnie indépendante. Ces négociations auraient toutefois échoué. Les requérantes exposent ensuite que peu avant la rupture de ces négociations, Hyundai aurait également contacté MSC en mai 1995 aux fins de conclure un accord d'affrètement. Ce serait dans le cadre de ces négociations que, en juin 1995, la question de l'adhésion de Hyundai à la conférence serait apparue (lettre du 19 juin 1995). Selon les requérantes, les premiers contacts entre Hyundai et la conférence ont eu lieu par téléphone à la fin du mois de juillet 1995. Le 30 août 1995, Hyundai aurait interrogé le TACA sur la possibilité de participer aux contrats de services de la conférence existant jusqu'à la fin de l'année 1995. Hyundai serait devenue membre de la conférence avec effet au 11 septembre 1995. Il ressortirait d'une note interne du TACA du 29 septembre 1995 que Hyundai aurait choisi d'être incluse dans tous les contrats de services de la conférence de 1995.

1221.
    Les requérantes allèguent qu'il ressort de ces documents que, premièrement, le premier choix de Hyundai était d'entrer sur le trafic transatlantique en concluant un accord non avec le TACA, mais avec une compagnie indépendante, deuxièmement, les négociations à cette fin ont échoué pour des raisons n'ayant aucun rapport avec la conférence, troisièmement, à la suite de cet échec, Hyundai a entamé des négociations avec MSC, un membre du TACA, en vue de conclure un accord d'affrètement d'espaces, quatrièmement, lorsque les termes de l'accord ont été clairs, Hyundai a contacté la conférence à la fin du mois de juillet 1995 en vue d'adhérer au TACA, cinquièmement, l'accord avec MSC a été signé un mois avant l'adhésion de Hyundai à la conférence, sixièmement, bien que la demande d'adhésion date de juillet 1995, ce n'est que le 30 août 1995 que Hyundai a pour la première fois soulevé la question de la participation aux contrats de services de la conférence de 1995 et, septièmement, en réponse à cette demande, Hyundai a été informée qu'elle était en droit de participer à ces contrats.

1222.
    Selon les requérantes, il n'y aurait dès lors aucune preuve de ce que la conférence aurait encouragé Hyundai à adhérer au TACA ou de ce qu'elle l'aurait incitée à le faire en lui donnant accès aux contrats de services de la conférence. Au contraire, il ressortirait de ce qui précède que les premiers contacts en vue d'une adhésion émanaient de Hyundai et que c'est sur la base des instructions de Hyundai que le TACA a inclus celle-ci dans les contrats de services de la conférence.

1223.
    De surcroît, les requérantes font valoir que le droit américain imposait aux parties au TACA d'admettre Hyundai aux contrats de services de la conférence existants. En vertu de la doctrine des conférences ouvertes, le TACA n'aurait eu aucun motif pour s'opposer à la décision de Hyundai de participer aux contrats de services aux mêmes conditions que les autres membres de la conférence à partir de la date d'adhésion. Les requérantes se réfèrent à cet égard à la déclaration de M. Benner précitée.

1224.
    En troisième lieu, en ce qui concerne l'adhésion d'autres concurrents potentiels, les requérantes exposent, d'une part, que United Arab Shipping Company (ci-après «UASC»), bien qu'elle ait pris certains contacts avec le TACA en juin 1996 en vue d'une éventuelle adhésion, n'a pas adhéré au TACA et n'est pas entrée sur le trafic transatlantique et, d'autre part, qu'APL n'a eu aucun contact avec le TACA en vue d'une adhésion à ce dernier. Elles précisent à cet égard que, en 1998, NOL a démissionné de la conférence et repris APL. NOL serait désormais actif sur le trafic transatlantique en tant que compagnie indépendante sous le nom d'APL. Enfin, les requérantes rappellent que, en février 1997, Cosco, Yangming et K Line sont entrées sur le trafic transatlantique non pas en tant que parties au TACA mais en tant que compagnies indépendantes.

1225.
    Enfin, la requérante dans l'affaire T-213/98 conteste avoir contribué à des mesures d'incitation ou avoir eu connaissance de telles mesures destinées à amener Hanjin et Hyundai à adhérer au TACA. La requérante rappelle qu'elle n'est devenue membre du TACA qu'en 1993, soit peu de temps avant l'adhésion de Hanjin en 1994. Plus particulièrement, la requérante rejette l'allégation, figurant au considérant 293 de la décision attaquée, selon laquelle il lui aurait été «permis» en vertu de «différents accords avec les parties au TACA» de «s'introduire et de s'établir sur le marché sans devoir faire face à la concurrence à laquelle on s'attendrait normalement dans de telles circonstances».

1226.
    La requérante allègue par ailleurs que la thèse de la Commission défendue dans le mémoire en défense est inacceptable, car elle rend en pratique impossible l'augmentation par une conférence du nombre de ses membres sans commettre un abus. À cet égard, la requérante souligne que, dans le cadre de négociations d'adhésion, il est de pratique commerciale normale que les partenaires offrent des incitants. La requérante ne comprend pas pourquoi, alors que le règlement n° 4056/86 reconnaît les avantages procurés par les conférences maritimes, la Commission cherche à présent à interdire aux conférences de persuader des compagnies non membres de devenir membres. Elle souligne que, en l'espèce, la part de marché du TACA est inférieure à bien d'autres conférences et répète que l'adhésion de Hanjin et de Hyundai n'a entraîné qu'une faible augmentation de cette part de marché. S'agissant de l'allégation de réservation par le TACA d'une part de marché à Hanjin (considérants 533 et 535 de la décision attaquée), la requérante fait encore observer que ce comportement, même s'il était démontré, ne saurait néanmoins être qualifié d'abusif, car le règlement n° 4056/86 autorise les accords de partage de fret. Il n'y aurait aucune raison pour que ce type d'incitant ne puisse pas être proposé à un candidat membre avant son adhésion alors qu'il pourrait l'être après cette adhésion. Selon la requérante, une telle approche ruinerait le processus de négociation.

1227.
    En réponse aux allégations de l'ECTU, les requérantes répètent qu'il n'existe aucune preuve du fait que le TACA aurait tenté de persuader les compagnies indépendantes d'adhérer à la conférence. Elles constatent également que l'intention alléguée du TACA d'éliminer les concurrents indépendants aurait été découverte par l'ECTU dans un document de 1992. Quant à la circonstance que le TACA aurait maintenu sa position dominante, elles estiment que la décision attaquée ne contient aucune constatation en ce sens.

1228.
    La Commission maintient en ce qui concerne, en premier lieu, l'adhésion de Hanjin qu'il était évident que cette compagnie était en mesure de pénétrer le marché en cause de manière indépendante, s'agissant d'une compagnie qui n'était pas partie à des accords de conférence. Elle estime que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la lettre de Hanjin du 19 août 1994 indique non que cette compagnie a décidé d'adhérer au TACA, mais uniquement qu'elle a décidé d'entrer sur le trafic en cause.

1229.
    Quant à la lettre du TACA du 24 août 1994, la Commission estime qu'elle confirme qu'Hanjin n'avait pas encore arrêté sa décision au moment de sa demande d'informations et que «d'autres discussions concernant l'adhésion [de Hanjin] devaient avoir lieu». La Commission souligne également que cette lettre précise que les informations souhaitées par Hanjin ne seront pas fournies tant que cette dernière ne sera pas partie au TACA. Selon la Commission, une partie de ces informations visait le contenu des contrats de services existants, les volumes transportés et les performances des parties au TACA, soit des informations confidentielles et commercialement sensibles, dont la divulgation permettait à Hanjin d'identifier la majeure partie des clients du TACA. La Commission considère que ces informations dépassent ce qui est nécessaire à une compagnie maritime désireuse de devenir membre de la conférence. Elle maintient que le fait de savoir que les parties au TACA étaient disposées à communiquer à Hanjin ces informations dès son adhésion a constitué une incitation supplémentaire pour amener celle-ci à adhérer à la conférence.

1230.
    La Commission considère que la note d'instruction du 15 février 1996 démontre qu'il existait une volonté collective des membres du TACA de céder des parts de marché à Hanjin. Selon la Commission, cette volonté collective constituait une incitation pour Hanjin à adhérer au TACA. La Commission estime que la même attitude transparaît de la lettre du président du TACA du 30 janvier 1996. Selon la Commission, cette lettre, bien que datant de 1996, demeure pertinente en ce qu'elle décrit la situation passée. Elle relève que, contrairement à ce qu'expliquent les requérantes, la déclaration selon laquelle le président du TACA proposait l'aide de la conférence «à chaque compagnie qui cherchait à entrer sur le marché» peut difficilement se comprendre comme ne s'appliquant pas aux compagnies désireuses d'entrer sur le trafic.

1231.
    La Commission est d'avis que, même dans le cadre d'une conférence de ligne bénéficiant d'une exemption par catégorie, on ne saurait considérer comme un comportement commercial normal le fait que la conférence oeuvre pour que de nouveaux entrants soient en mesure d'obtenir une part de marché suffisante pour maintenir leur activité aux frais des membres de la conférence. Dans le cadre du TACA, un tel comportement n'aurait de sens que si l'intention était que les avantages liés à l'élimination de la concurrence potentielle l'emportent sur la perte de parts de marché.

1232.
    En ce qui concerne, en deuxième lieu, l'adhésion de Hyundai, la Commission estime que le fait que Hyundai a envisagé de conclure un partenariat avec une compagnie indépendante ne peut remettre en cause l'argument selon lequel la volonté des parties au TACA d'accepter de conclure des contrats de services avec Hyundai a constitué une incitation puissante au moment d'effectuer son choix. Quant aux contacts avec MSC, la Commission rappelle que, dans leur réponse à la communication des griefs, les requérantes ont reconnu que la décision de Hyundai d'affréter des emplacements de MSC était liée à sa décision d'adhérer au TACA. Par ailleurs, la Commission conteste l'allégation selon laquelle le droit américain imposerait l'admission immédiate aux contrats de services de tous les nouveaux membres d'une conférence.

1233.
    En ce qui concerne, en troisième lieu, l'adhésion d'autres opérateurs, la Commission estime qu'UASC et APL ne peuvent en aucun cas être comparées à Hanjin et à Hyundai en tant que concurrents potentiels. Par ailleurs, la Commission fait observer, d'une part, qu'il aurait été surprenant qu'UASC et APL adhèrent au TACA après l'adoption de la communication des griefs en mai 1996 et, d'autre part, que les preuves présentées par les requérantes concernant les contacts d'UASC et d'APL avec la conférence semblent incomplètes dans la mesure où elles ne mentionnent pas les discussions qui ont eu lieu au sein du secrétariat du TACA ou entre celui-ci et les parties au TACA.

iii) Sur les mesures générales destinées aux concurrents potentiels

- Sur les contrats de services à double tarification

1234.
    Le deuxième grief des requérantes est tiré de ce que la constatation de la Commission, au considérant 565 de la décision attaquée, selon laquelle les contrats de services à double tarification des requérantes ont constitué une incitation pour que les nouveaux entrants adhèrent à la conférence, est viciée par des erreurs de fait et d'appréciation.

1235.
    Les requérantes soutiennent que, dans chaque cas, l'initiative d'un contrat de services à deux niveaux de taux provenait du chargeur partie au contrat sur la base de la perception qu'avait ce dernier des différences dans la qualité des services fournis par les transporteurs concernés. Les requérantes relèvent qu'il ressort du considérant 450 de la décision attaquée que la Commission elle-même a accepté que les chargeurs pouvaient se voir offrir des taux différents lorsqu'ils fournissaient des services de qualité différente. Contrairement à ce qu'affirme la Commission au considérant 154 de la décision attaquée, les requérantes estiment que les échanges de correspondance entre les chargeurs et les transporteurs au moment de la négociation des contrats de services démontrent leurs allégations. Or, la Commission n'aurait pas demandé aux requérantes de fournir ces éléments de preuve. Les requérantes estiment qu'il ne peut leur être reproché de ne pas les avoir présentés de leur propre initiative, puisqu'elles n'avaient aucune raison de supposer que la Commission avait des objections à formuler à l'encontre de la manière dont les contrats de services étaient négociés. Les requérantes soulignent que cette question a fait l'objet d'une réunion avec la Commission le 3 mai 1995 (six mois avant l'adhésion de Hyundai) sans que celle-ci n'émette des critiques à cet égard.

1236.
    En tout état de cause, les requérantes contestent que les contrats à double taux aient incité les concurrents potentiels à adhérer à la conférence. Elles relèvent qu'une minorité des contrats de services de la conférence comprenait des doubles taux de tarification, qu'il n'y avait pas d'accord préalable entre les requérantes quant à l'identité des parties auxquelles les chargeurs paieraient des taux inférieurs et qu'il n'y avait aucun accord préalable quant au montant de l'écart entre les taux.

1237.
    Les requérantes notent que, au cours de la période de l'infraction, seules Hanjin et Hyundai ont adhéré au TACA. Or, la décision attaquée ne contiendrait aucune preuve de ce que les contrats de services de la conférence à double taux ont incité ces deux compagnies à rejoindre le TACA.

1238.
    S'agissant de Hanjin, les correspondances citées ci-dessus ne contiendraient aucune indication en ce sens. Par ailleurs, le fret transporté par Hanjin sur la base de contrats de services à double taux ne représenterait que, respectivement, 5,5 et 6,9 % de l'ensemble du fret transporté par Hanjin dans le cadre de contrats de services en 1995 et en 1996.

1239.
    S'agissant de Hyundai, les preuves indiqueraient que, lorsque cette compagnie s'est informée de l'existence de structures tarifaires à double niveau dans les contrats de services avant d'y adhérer, il lui a été clairement répondu que, au sein du TACA, tous les transporteurs jouissaient d'un statut égal avec des droits et des obligations égaux (lettre du 8 septembre 1995). Par ailleurs, il ressortirait d'un courrier électronique du 2 octobre 1995 du secrétariat du TACA, au moment de l'adhésion de Hyundai, que, dans le cas où les contrats de services contiendraient un double taux, Hyundai y participerait au taux le plus élevé. Enfin, les requérantes relèvent que le fret transporté par Hyundai sur la base de contrats de services à double taux ne représente que, respectivement, 7 et 14,7 % de l'ensemble du fret transporté par Hyundai dans le cadre de contrats de services en 1995 et en 1996.

1240.
    Les requérantes trouvent par ailleurs surprenant que l'ECTU ne présente aucune observation au sujet des preuves fournies par les requérantes pour démontrer que les contrats à double tarification étaient demandés par les chargeurs.

1241.
    La Commission maintient les constatations qu'elle a effectuées aux considérants 565 et 152 de la décision attaquée, selon lesquelles en 1995 près d'un tiers de l'ensemble des contrats de services de la conférence contenait une double tarification.

1242.
    La Commission fait observer que les requérantes tentent de minimiser l'importance des contrats de services à double taux en insérant dans leurs calculs les contrats de services avec les NVOCC. Or, la Commission rappelle que les membres traditionnels de la conférence étaient rarement parties aux contrats de services avec les NVOCC en 1996 (et pas du tout en 1995). Il n'était donc pas nécessaire d'y insérer une double tarification. En tout état de cause, la circonstance qu'une minorité de contrats de services de la conférence contiendrait un double taux est, selon la Commission, sans pertinence. Elle expose que les chargeurs pouvaient avoir un contrat de services à un taux avec un ou plusieurs membres et un autre contrat à un autre taux avec un ou plusieurs autres membres. Dans ces conditions, il ne faudrait pas de contrat à double taux.

1243.
    L'analyse des contrats de services de 1995 effectuée par la Commission mettrait en lumière le fait que l'écart entre les deux taux était, dans la plupart des cas, de 50 ou de 100 USD. Étant donné que les contrats étaient adoptés par la conférence, la Commission considère que l'argument des requérantes selon lequel il n'y avait pas d'accord préalable quant à l'importance de l'écart est dépourvu de pertinence.

1244.
    La Commission répète qu'aucune preuve n'a été fournie de ce que l'initiative des contrats à double taux provenait des chargeurs. La Commission rappelle que le maintien des doubles taux ne lui est apparu que lorsqu'elle a demandé une copie des contrats de services. En tout état de cause, selon la Commission, la plupart des demandes que citent les requérantes semblent concerner la poursuite de contrats à double niveau de taux de l'année précédente et non l'insertion de cette disposition dans un nouveau contrat. La Commission considère qu'il serait extraordinaire que la prédominance des contrats à double niveau de taux puisse uniquement résulter de la perception qu'aurait chaque chargeur des différentes qualités des services offerts par les parties au TACA.

1245.
    Quant au fait allégué par les requérantes que ni Hyundai ni Hanjin n'auraient été incitées à adhérer au TACA en raison de ces contrats, la Commission précise que ces derniers n'ont constitué que l'un des aspects des incitations offertes par le TACA. Elle fait valoir que, en 1995, 68,5 % du fret total transporté dans le cadre de contrats de services par Hanjin l'a été en application d'un contrat contenant un double taux ou d'un contrat avec un NVOCC. Au cours de la même année, le chiffre correspondant pour Hyundai était de 73 %.

- Sur les contrats de services avec les NVOCC

1246.
    Le troisième grief des requérantes est tiré de ce que la constatation de la Commission, aux considérants 150 et 565 de la décision attaquée, selon laquelle les anciens membres structurés du TAA s'abstenaient de concourir pour certains contrats de services avec les NVOCC n'est pas démontrée par les faits.

1247.
    À titre d'observation préliminaire, les requérantes font valoir que la Commission n'explique pas sur quelle base elle considère, à la note de bas de page n° 53 de la décision attaquée, Cho Yang, DSR-Senator, MSC, Hanjin, POL, Tecomar et TMM comme anciens membres non structurés du TAA.

1248.
    Les requérantes relèvent, pour le reste, que la décision attaquée ne contient aucune preuve de l'existence d'un accord ou d'une pratique concertée entre les membres traditionnels de la conférence en vue de réserver aux compagnies traditionnellement indépendantes les contrats de services avec les NVOCC. La Commission se fonderait uniquement sur une comparaison entre les transports effectués par les anciens membres indépendants du TACA dans le cadre des contrats de services avec les NVOCC et ceux effectués par les membres traditionnels du TACA. Quant à la lettre du 28 décembre 1995 envoyée par POL à Hanjin, les requérantes estiment qu'elle ne saurait valoir en tant que preuve du fait que les contrats de services avec les NVOCC ont été réservés par les membres traditionnels de la conférence aux nouveaux venus et aux compagnies traditionnellement indépendantes, puisqu'il s'agit d'une lettre adressée par un ancien indépendant à un nouveau venu.

1249.
    Les requérantes soulignent que la décision de transporter du fret des NVOCC est une décision unilatérale prise individuellement par chaque requérante. Elles rappellent à cet égard l'explication qu'elles ont fournie à la Commission au cours de la procédure administrative, reproduite à la note de bas de page n° 55 de la décision attaquée.

1250.
    Les requérantes font observer que, si, en 1994 et en 1995, les membres traditionnels de la conférence (à l'exception de Hapag-Lloyd) ont concentré leurs activités sur le transport de fret des chargeurs propriétaires, à partir de 1996, presque toutes les requérantes ont transporté du fret des NVOCC. Ainsi, les membres traditionnels de la conférence auraient, en 1996 et en 1997, transporté, respectivement, 22 et 29 % de l'ensemble du fret des NVOCC. Dans ces circonstances, les requérantes estiment que la Commission n'a pas présenté un faisceau d'indices sérieux, précis et concordants de l'existence d'une concertation préalable et n'a pas établi que la concertation constitue la seule explication plausible du transport de fret des NVOCC par elles.

1251.
    La Commission, soutenue par l'ECTU, relève que les requérantes ont concédé implicitement dans leur requête que les membres traditionnels de la conférence ne concouraient pas pour les contrats de services avec les NVOCC en 1994 et en 1995.

1252.
    La Commission ajoute que les requérantes tentent d'amalgamer les contrats de services avec les NVOCC en cause dans la décision attaquée et le fret des NVOCC dans le cadre du tarif. Selon la Commission, les preuves établissent que, en 1996, les anciennes compagnies indépendantes du TACA ont transporté 94,7 % de l'ensemble du fret des NVOCC en application d'un contrat de services du TACA. Étant donné que la valeur du marché transatlantique des NVOCC en 1995 dépassait 300 millions de USD, il ne serait pas plausible que les membres traditionnels de la conférence aient décidé unilatéralement que cette activité ne méritait pas d'être poursuivie. La Commission considère que ces éléments démontrent que les contrats avec les NVOCC étaient réservés aux membres non traditionnels et aux nouveaux venus sur le marché.

1253.
    Quant aux raisons commerciales invoquées par les requérantes, la Commission comprend que les membres traditionnels du TACA ne concouraient pas pour le fret des NVOCC parce qu'ils considéraient ces derniers comme des concurrents. Les requérantes n'expliqueraient toutefois pas pourquoi ces mêmes membres transportent actuellement une part significative des cargaisons relevant des contrats de services avec les NVOCC. Selon la Commission, les explications des requérantes sont dès lors dépourvues de toute crédibilité. La Commission considère que le changement de stratégie commerciale des membres traditionnels du TACA est intervenu en raison des mesures prises par elle pour réduire l'effet des pratiques anticoncurrentielles des parties au TACA.

1254.
    Enfin, la Commission rappelle les termes de la lettre adressée par POL à Hanjin le 28 décembre 1995 au sujet des contrats de services avec les NVOCC, qui est reproduite au considérant 180 de la décision attaquée. Loin de traiter d'une question purement bilatérale entre POL et Hanjin, cette lettre soulignerait que toutes les questions relatives aux NVOCC étaient très délicates et sensibles et devaient être traitées en harmonie au sein du TACA, collectivement et sans individualisme, afin de préserver la position si soigneusement construite par le groupe au fil des années. Selon la Commission, ces considérations sont loin de suggérer un problème qui ne toucherait pas l'ensemble de la conférence.

b) Appréciation du Tribunal

1255.
    En vue d'examiner les présents moyens concernant la preuve des pratiques constituant le second abus, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 5 du dispositif de la décision attaquée, la Commission a constaté que le TACA a abusé de sa position dominante «en modifiant la structure concurrentielle du marché de manière à renforcer la position dominante du [TACA]».

1256.
    Il ressort du considérant 562 de la décision attaquée que, selon la Commission, «l'intention des parties au TACA était [...] de faire en sorte que si un concurrent potentiel souhaitait entrer sur le marché, il ne le fasse qu'après être devenu partie au TACA». En effet, la Commission constate, aux termes du considérant 563 de la décision attaquée, que «les parties au TACA ont pris des mesures pour aider ces concurrents potentiels à s'introduire avec succès sur le marché en tant que parties au TACA». Aux termes du considérant 566 de la décision attaquée:

«Chacun de ces actes aurait été une mesure d'incitation destinée à amener les concurrents potentiels à entrer sur le trafic transatlantique non pas en tant que transporteurs indépendants mais en tant que parties au TACA. Dans la mesure où l'existence d'une concurrence potentielle peut avoir restreint la puissance de marché du TACA (théorie des marchés contestables), l'élimination de cette source de concurrence aurait eu un double effet: l'élimination de la concurrence potentielle et l'élimination par anticipation de la concurrence réelle. La Commission estime que ce comportement, qui n'a pas été révélé dans la demande d'exemption, a nui à la structure concurrentielle du marché et a constitué un abus de la position dominante collective des parties au TACA en 1994, 1995 et 1996.»

1257.
    Il ressort des considérants 563 à 565 de la décision attaquée que la Commission identifie à cet égard des mesures incitatives spécifiques destinées à Hanjin et à Hyundai et des mesures incitatives générales destinées à tous les concurrents potentiels. Les premières ont résulté, selon les considérants 563 et 564, de la communication à Hanjin d'informations confidentielles relatives au TACA, de la volonté collective des parties au TACA de permettre à Hanjin de se forger une part de marché compatible avec sa capacité en «slots» sur le trafic et de la participation immédiate de Hyundai aux contrats de services de la conférence. Quant aux secondes, elles ont résulté, selon le considérant 565, de la conclusion d'un grand nombre de contrats de services à double tarification et dans le fait que les anciens membres structurés du TAA s'abstenaient de concourir pour certains contrats de services avec les NVOCC.

1258.
    Par les présents moyens, les requérantes contestent tant les mesures incitatives spécifiques destinées à Hanjin et à Hyundai que les mesures incitatives générales destinées à tous les concurrents potentiels.

i) Sur les mesures incitatives spécifiques destinées à Hanjin et à Hyundai

1259.
    En substance, les requérantes estiment que la Commission a apprécié erronément les faits ayant entouré les adhésions de Hanjin et de Hyundai au TACA. À cet égard, elles font d'abord valoir que le droit des États-Unis d'Amérique obligeait les parties au TACA à accepter les adhésions de Hanjin et de Hyundai. Ensuite, elles soutiennent qu'elles n'ont pas incité Hanjin et Hyundai à adhérer au TACA mais que ces dernières ont demandé leur adhésion suivant une décision autonome.

- Sur les obligations découlant du droit des États-Unis d'Amérique

1260.
    Les requérantes soulignent que, en admettant Hanjin et Hyundai dans la conférence, le TACA a agi strictement en conformité avec ses obligations au titre du droit américain. Elles font valoir que, conformément à la section 5, sous b), de l'US Shipping Act, le TACA est une conférence «ouverte» qui permet l'adhésion de nouveaux membres sur la base des critères raisonnables et non discriminatoires énoncés à l'article 7, paragraphe 1, de l'accord TACA.

1261.
    Il convient d'observer que le présent moyen se fonde sur la prémisse selon laquelle la décision attaquée fait grief aux parties au TACA d'avoir abusé de leur position dominante collective en acceptant des nouveaux membres dans la conférence.

1262.
    Il est exact que, selon la jurisprudence, le fait pour une entreprise en position dominante de renforcer cette position au point que le degré de domination ainsi atteint entrave substantiellement la concurrence, c'est-à-dire ne laisse subsister que des entreprises dépendantes, dans leur comportement, de l'entreprise dominante, est susceptible de constituer un abus de cette position dominante au sens de l'article 86 du traité (arrêt Europemballage et Continental Can/Commission, cité au point 779 ci-dessus, point 26). Aussi, il ne saurait être exclu, ainsi que la Commission le fait observer à juste titre dans ses écrits, que, dans certaines circonstances, le fait pour une conférence maritime détenant une position dominante d'accepter de nouveaux membres constitue en soi un abus.

1263.
    Force est toutefois de constater que tel n'est pas l'abus constaté en l'espèce dans la décision attaquée. En effet, ainsi qu'il a déjà été indiqué ci-dessus, il ressort des considérants 562 à 566 de la décision attaquée, ce que la Commission a confirmé dans ses écrits et à l'audience en réponse à une question du Tribunal sur ce point, que le second abus constaté dans ladite décision a consisté non pas dans le fait même que certains concurrents potentiels ont adhéré au TACA entre 1994 et 1996, mais dans le fait que les parties au TACA ont pris certaines mesures en vue d'inciter lesdits concurrents potentiels à adhérer au TACA, la décision attaquée faisant ainsi grief aux parties au TACA d'avoir adopté un comportement ayant spécifiquement pour but de détourner la concurrence potentielle en incitant à adhérer au TACA des compagnies maritimes qui, sans cela, seraient entrées sur le marché en tant que compagnies indépendantes concurrentes de la conférence.

1264.
    Il doit, par ailleurs, être relevé que, aux termes du considérant 576 de la décision attaquée, la Commission indique explicitement que, si «[la décision attaquée] concerne certaines mesures prises par les parties au TACA visant à inciter des concurrents potentiels à entrer sur le marché en tant que membres du TACA, [elle] ne traite ni ne préjuge donc la capacité des conférences maritimes dont les activités relèvent de l'exemption de groupe de l'article 3 du règlement (CEE) n° 4056/86 à admettre de nouveaux membres sur les mêmes bases que les anciens pas plus que de la capacité des membres de telles conférences maritimes à échanger les informations nécessaires pour des activités relevant de cette exemption de groupe».

1265.
    Il en résulte que la décision attaquée ne reproche pas aux parties au TACA d'avoir accepté l'adhésion de nouveaux membres à la conférence, mais uniquement d'avoir adopté certaines mesures en vue d'inciter de telles adhésions.

1266.
    Or, si les requérantes font valoir, par le présent moyen, que le droit américain les oblige à accepter l'adhésion de tout nouveau membre à la conférence, elles ne soutiennent pas, en revanche, que ce même droit les obligerait à adopter des mesures pour inciter de telles adhésions.

1267.
    En conséquence, les arguments développés dans le cadre du présent moyen tiré du droit américain sont sans pertinence. Partant, ils doivent être rejetés.

- Sur la preuve des mesures destinées à Hanjin et à Hyundai

1268.
    Les requérantes allèguent que les parties au TACA n'ont pas incité Hanjin et Hyundai à adhérer à la conférence. Elles estiment que l'abus constaté sur ce point n'est pas prouvé à suffisance de droit.

1269.
    Il est constant que Hanjin et Hyundai ont adhéré au TACA avec effet, respectivement, au 31 août 1994 et au 11 septembre 1995.

1270.
    Il n'est pas contesté que, avant leur adhésion au TACA, Hanjin et Hyundai n'opéraient pas sur le trafic transatlantique et qu'elles exerçaient leurs activités de transport maritime sur d'autres trafics, non en tant que membres de conférences maritimes, mais en tant que compagnies indépendantes. Au considérant 563 de la décision attaquée, la Commission a ainsi constaté, sans être contredite par les requérantes sur ce point, que, dans leur réponse à la communication des griefs dans l'affaire TAA, les requérantes ont présenté Hanjin et Hyundai comme des armateurs indépendants exerçant une «pression concurrentielle sensible» sur les parties au TAA parce qu'elles menaçaient d'entrer sur le trafic couvert par celui-ci.

1271.
    Il en résulte que la Commission a pu considérer à bon droit, dans la décision attaquée, que Hanjin et Hyundai représentaient une source de concurrence potentielle pour les parties au TACA, dans la mesure où ces compagnies, en tant que compagnies indépendantes sur d'autres trafics, étaient susceptibles d'entrer sur le trafic transatlantique sans adhérer au TACA. Hanjin et Hyundai ayant néanmoins adhéré au TACA, il doit donc être constaté que, de ce fait, la source de concurrence potentielle qu'elles représentaient a été éliminée.

1272.
    Toutefois, ainsi qu'il a été indiqué au point 1265 ci-dessus, le second abus constaté dans la décision attaquée ne réside pas dans le fait que Hanjin et Hyundai ont adhéré au TACA mais dans le fait que les parties au TACA on adopté des mesures destinées à les inciter à devenir membres de la conférence plutôt que d'entrer sur le trafic transatlantique en tant que compagnies indépendantes.

1273.
    Par conséquent, afin de déterminer si la Commission a constaté à bon droit que l'élimination de la concurrence potentielle résultant de l'adhésion de Hanjin et de Hyundai au TACA a eu pour cause un comportement abusif des parties au TACA, il convient d'examiner si elle a établi à suffisance de droit, dans la décision attaquée, que lesdites parties au TACA ont adopté des mesures destinées à inciter Hanjin et Hyundai à adhérer à la conférence.

Sur l'adhésion de Hanjin au TACA

1274.
    Il convient de rappeler que, selon la décision attaquée, la Commission a considéré que Hanjin a été incitée par les parties au TACA à adhérer à la conférence, d'une part, selon le considérant 563, par la communication d'informations confidentielles figurant dans les documents et statistiques émanant du TACA et, d'autre part, selon le considérant 564, par la volonté collective des parties au TACA de lui permettre de se forger une part de marché compatible avec sa capacité en «slots» sur le trafic. Il ressort de ces mêmes considérants que, selon la Commission, ces mesures incitatives sont démontrées, respectivement, par la lettre de Hanjin au TACA du 19 août 1994 et par la note du TACA du 15 février 1996.

1275.
    Or, il a déjà été constaté, au terme de l'examen des moyens tirés de la violation des droits de la défense au point 187 ci-dessus, que la lettre de Hanjin du 19 août 1994 et la note du TACA du 15 février 1996 ont été utilisées par la Commission en violation des droits de la défense et que, en conséquence, ces documents à charge doivent être éliminés en tant qu'éléments de preuve.

1276.
    Dans la mesure où l'allégation selon laquelle le TACA a incité Hanjin à adhérer à la conférence par les mesures précitées se fonde entièrement sur ces deux documents, ce que la Commission a confirmé à l'audience en réponse à une question du Tribunal sur ce point, cette allégation de la décision attaquée doit dès lors être considérée comme ne reposant sur aucun élément de preuve.

1277.
    Par ailleurs, pour autant que la Commission entendrait prouver lesdites mesures incitatives destinées à Hanjin par la lettre du TACA du 30 janvier 1996, à laquelle la décision attaquée se réfère de manière générale au considérant 561, il conviendrait de même de constater que, cette lettre ayant été utilisée, pour les raisons exposées dans le cadre des moyens tirés d'une violation des droits de la défense, en violation de ces droits, elle devrait également être éliminée en tant qu'élément de preuve.

1278.
    Il en résulte que le second abus n'est pas prouvé à suffisance de droit en ce qu'il consiste dans le fait que les parties au TACA ont adopté des mesures spécifiques destinées à inciter Hanjin à adhérer à la conférence.

1279.
    En tout état de cause, il doit être constaté que, contrairement à ce que soutient la Commission, ni la lettre de Hanjin du 19 août 1994 ni la note du TACA du 15 février 1996 ne démontrent que l'adhésion de Hanjin au TACA ne résulte pas d'une décision autonome, mais aurait été incitée par les mesures précitées adoptées par les parties au TACA.

1280.
    S'agissant, premièrement, de la lettre du 19 août 1994, la Commission a constaté au considérant 563 de la décision attaquée que Hanjin a demandé, aux termes de cette lettre, à prendre connaissance de «tous les documents et statistiques pertinents émanant du TACA (tarif, contrats de services, escales, chargements et performances)». Au considérant 563 de la décision attaquée, la Commission estime que «[la] communication d'informations de cette nature, dont beaucoup constituent des secrets d'affaires d'une valeur considérable (identité des clients, marchandises, prix, types de transport) et ne sont pas nécessaires à une compagnie maritime pour devenir membre d'une conférence maritime exerçant des activités qui relèvent du champ d'application de l'exemption par catégorie, aurait été un moyen d'incitation puissant pour amener Hanjin à s'introduire sur le trafic transatlantique en tant que partie au TACA et non en tant que transporteur indépendant».

1281.
    En vue d'examiner le bien-fondé de ces appréciations de la décision attaquée, il doit d'abord être observé que la lettre de Hanjin du 19 août 1994 contient la demande d'adhésion de cette compagnie au TACA. Par cette lettre, Hanjin informe le TACA qu'un accord d'affrètement d'espaces avec DSR-Senator et Cho Yang, ses partenaires au sein du consortium Tricon, a été conclu à cette fin, de sorte que Hanjin sera en mesure d'utiliser les capacités déjà disponibles sur le trafic plutôt que d'apporter ses propres navires. Hanjin propose dès lors au TACA de procéder aux notifications requises auprès de la Commission et de la FMC, tout en soulevant certaines questions ayant trait à son adhésion.

1282.
    La Commission ne saurait valablement soutenir que ladite lettre indique uniquement l'intention de Hanjin non pas d'adhérer au TACA, mais de pénétrer le marché transatlantique. En effet, s'il est vrai que l'accord d'affrètement d'espaces conclu avec DSR-Senator et Cho Yang ne préjugeait peut-être pas la possibilité pour Hanjin d'opérer sur le trafic transatlantique en tant que compagnie indépendante, les termes de la correspondance produite par les requérantes concernant l'adhésion de Hanjin au TACA ne permettent pas de considérer que cette alternative était celle choisie par Hanjin au moment de l'envoi de la lettre du 19 août 1994. Ainsi, aux termes de cette lettre, Hanjin indique explicitement qu'elle souhaite «adhérer au [TACA] tel qu'il a été notifié à la FMC et à la Commission européenne». Par ailleurs, Hanjin conclut sa lettre en indiquant qu'elle espère recevoir une réponse positive aux questions posées dans sa «demande d'adhésion». Il convient d'ailleurs de constater que la lettre de Hanjin a été également comprise en ce sens par le TACA. En effet, par télécopie du 24 août 1994, le TACA a accusé réception de la «demande d'adhésion» de Hanjin, tandis que, par lettre du même jour, le TACA a informé Hanjin des modalités de cette adhésion. En outre, par télécopie du 24 août 1994, le président du TACA a félicité Hanjin pour sa décision d'adhérer au TACA en lui demandant de contacter son représentant légal afin qu'il notifie l'adhésion de la compagnie aux autorités compétentes. Par ailleurs, il convient d'observer que, la lettre du 19 août 1994 étant adressée au TACA, il est difficile de concevoir qu'elle ait pu avoir pour objet d'informer ce dernier que Hanjin souhaitait entrer sur le marché en tant qu'indépendant.

1283.
    Il en résulte qu'il doit être considéré comme établi que la lettre du 19 août 1994 constitue la demande d'adhésion de Hanjin au TACA.

1284.
    Or, la Commission n'apporte aucun élément de nature à démontrer que le TACA a entrepris des démarches envers Hanjin avant le 19 août 1994. Ainsi, le dossier devant le Tribunal ne contient aucune correspondance antérieure à cette date concernant l'adhésion de Hanjin et la teneur de la correspondance postérieure à cette date ne révèle aucun indice permettant de conclure que la demande d'adhésion de Hanjin a été suscitée par le TACA.

1285.
    Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que la décision de Hanjin de devenir membre du TACA ait été incitée par les parties au TACA.

1286.
    Il est exact, ainsi que la Commission le relève au considérant 563 de la décision attaquée, que, par sa lettre du 19 août 1994, Hanjin a demandé à prendre connaissance de tous les documents et statistiques pertinents émanant du TACA relatifs au tarif, aux contrats de services, aux escales, aux chargements et aux performances.

1287.
    Toutefois, il doit être rappelé que la Commission a indiqué, au considérant 576, que la décision attaquée ne préjugeait pas la capacité des conférences maritimes dont les activités relevaient de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 à admettre de nouveaux membres sur les mêmes bases que les anciens pas plus que la capacité des membres à échanger des informations nécessaires pour les activités relevant de cette exemption. En effet, ainsi que la Commission l'a confirmé à l'audience, la décision attaquée ne met pas en cause le fait même des nouvelles adhésions au TACA mais le fait que les parties au TACA ont pris certaines mesures en vue d'inciter les concurrents potentiels à devenir membres de la conférence. Or, s'il était considéré que la communication d'informations nécessaires à l'exercice des activités relevant de l'article 3 du règlement n° 4056/86 a constitué l'incitation à adhérer au TACA, cela reviendrait à considérer que c'est l'adhésion au TACA qui a constitué, en elle-même, l'abus. En effet, dans ce cas, la mesure incitative imputée au TACA résiderait dans le fait même que les nouveaux membres du TACA bénéficient du régime d'exemption par catégorie prévu par le règlement n° 4056/86, qui autorise des restrictions de concurrence dont le caractère exceptionnel a déjà été souligné par le Tribunal (arrêt TAA, point 146).

1288.
    En l'espèce, il est constant que Hanjin a obtenu les informations sollicitées dans la lettre du 19 août 1994 après son adhésion à la conférence. En effet, il ressort de la lettre du TACA à Hanjin du 24 août 1994, dont les termes ne sont pas contestés par la Commission, que les informations en cause ont été rendues accessibles à Hanjin au cours d'une réunion qui s'est tenue après le 1er septembre 1994.

1289.
    Or, en vertu de l'article 3 du règlement n° 4056/86, les membres de conférences maritimes bénéficient d'une exemption par catégorie en ce qui concerne leurs accords de fixation des taux de fret uniformes ou communs et en ce qui concerne leurs accords portant sur la coordination des horaires des navires ou de leurs dates de voyage ou d'escale, la détermination de la fréquence des voyages ou des escales, la coordination ou la répartition des voyages ou des escales, la régulation de la capacité de transport offerte par chacun des membres et la répartition entre ces membres du tonnage transporté ou de la recette.

1290.
    Force est de constater que la Commission n'explique pas en quoi la communication des informations sollicitées en l'espèce par Hanjin concernant le tarif, les contrats de services, les escales, les chargements et les performances n'était pas nécessaire à l'exercice de ces activités relevant de l'article 3 du règlement n° 4056/86 et, partant, n'était pas requise pour permettre à Hanjin d'adhérer aux mêmes conditions que les anciens membres. Or, la communication d'informations relatives au tarif apparaît inhérente à la conclusion de tout accord de fixation des taux de fret uniformes ou communs. Il est d'ailleurs constant, ainsi que la décision attaquée le constate au considérant 99, que le tarif est publié. De même, la conclusion d'accords portant sur la coordination des horaires et la fréquence des escales ou leur répartition requiert a priori que les membres de la conférence se communiquent certaines informations relatives aux escales. Quant à la communication d'informations relatives aux contrats de services, aux chargements et aux performances, elle peut, à première vue, être nécessaire à la conclusion d'accords de régulation de la capacité de transport ou de répartition du tonnage transporté ou de la recette.

1291.
    À cet égard, il doit encore être observé, s'agissant des contrats de services, que la décision attaquée, ainsi que la Commission l'a confirmé à l'audience, n'interdit pas aux parties au TACA de conclure des contrats de services de la conférence. Or, pour participer à de tels contrats, tout nouveau membre du TACA doit nécessairement être en mesure de prendre connaissance des informations relatives à ceux-ci.

1292.
    Dès lors, il convient de constater que la Commission n'a pas établi à suffisance de droit que la communication, par les parties au TACA, d'informations confidentielles à Hanjin a constitué une mesure incitative destinée à amener cette compagnie à adhérer à la conférence en lui permettant d'avoir accès à des informations qui ne sont pas nécessaires pour exercer les activités couvertes par l'exemption par catégorie.

1293.
    Il convient, par conséquent, d'accueillir les griefs des requérantes sur ce point.

1294.
    S'agissant, deuxièmement, de la note du TACA du 15 février 1996, la Commission a constaté, au considérant 564 de la décision attaquée, que cette note démontrait une volonté collective «de permettre à Hanjin de se forger une part de marché compatible avec sa capacité en slots sur le trafic [...]». Selon la Commission, «l'existence d'une telle volonté de la part des autres parties au TACA aurait considérablement réduit les risques commerciaux inhérents à l'entrée sur un nouveau marché et aurait de ce fait été un facteur d'incitation pour amener Hanjin à entrer sur le trafic transatlantique en tant que partie au TACA».

1295.
    Il convient toutefois d'observer que la note du TACA du 15 février 1996, qui est postérieure de plus de 17 mois à l'adhésion de Hanjin au TACA, ne concerne pas cette adhésion, mais traite des solutions à apporter à un conflit entre le TACA et Hanjin, en tant que membre de la conférence.

1296.
    Il ressort du dossier devant le Tribunal que ladite note fait suite à la lettre du TACA du 30 janvier 1996 dans laquelle le président de la conférence, M. Rakkenes, s'inquiétait auprès de Hanjin des initiatives récentes prises par cette partie au TACA en matière de prix sur le trafic transatlantique. Dans cette lettre, le président du TACA indiquait à Hanjin qu'une guerre des prix serait susceptible de «détruire les fondations sur lesquelles le TACA a été construit», motif pour lequel il proposait de rencontrer à bref délai les dirigeants de Hanjin, avant de conclure, aux termes d'un passage de ladite lettre cité aux considérants 292 et 561 de la décision attaquée:

«Comme je l'ai dit à chaque compagnie qui cherchait à entrer sur le marché, venez me voir et discuter avec moi et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour vous aider à parvenir à vos fins.»

1297.
    Il ressort du dossier devant le Tribunal qu'une réunion s'est ainsi tenue entre Hanjin et le TACA le 13 février 1996.

1298.
    Ainsi qu'il résulte de ses termes, l'objet de la note du TACA du 15 février 1996 a ensuite été de préparer la tenue d'une nouvelle réunion avec Hanjin le 29 février 1996. Dans cette note, le secrétariat britannique du TACA constate que Hanjin, dont la part de marché sur le trafic transatlantique était limitée en 1995, a entrepris un nombre significatif d'actions indépendantes qu'il conviendrait de restreindre afin de maintenir la stabilité des taux sur le trafic en cause. En vue de réaliser cet objectif, le secrétariat britannique du TACA propose notamment les recommandations suivantes à la conférence:

«1    Encourager Hanjin, en donnant l'assurance que les autres transporteurs seront encouragés de la même manière, à mettre sur la table une solution commerciale en vue d'une discussion commune et d'une résolution conjointe. De cette façon, les [actions indépendantes] deviennent un instrument de dernier ressort plutôt qu'un moyen d'action prioritaire.

2    Encourager et convaincre tous les transporteurs de trouver collectivement un moyen pour permettre à Hanjin de se forger une part de marché compatible avec sa capacité en slots sur le trafic, sans provoquer une réaction en chaîne négative.

3    Si des actions indépendantes sont encore nécessaires, Hanjin devrait être encouragée à trouver des moyens et des méthodes pour les structurer sur une base plus étroite, minimisant ainsi l'effet de distorsion, et pour indiquer séparément les taxes terrestres et accessoires.

4    Indiquer à Hanjin que si elle persiste dans ses actions indépendantes, elle ne fera qu'augmenter la pression sur les autres transporteurs, qui sont en concurrence au même niveau de services et se concentrent sur les mêmes segments du marché, à faire la même chose en intensifiant leur activité. Ceci conduira à l'effondrement complet du tarif du TACA.»

1299.
    Force est de constater qu'il ressort de ce qui précède que la volonté collective des parties au TACA de permettre à Hanjin de se forger une part de marché compatible avec sa capacité en «slots» sur le trafic est sans aucune relation avec son adhésion à la conférence. Interrogée à l'audience sur ce point, la Commission a d'ailleurs admis que la note du TACA du 15 février 1996 n'était pas liée à l'adhésion de Hanjin.

1300.
    Par ailleurs, la note du TACA du 15 février 1996 ne saurait être interprétée comme démontrant l'existence d'une volonté collective permanente de la part des parties au TACA d'allouer à Hanjin, à compter de son adhésion à la conférence, une certaine part de marché. En effet, le fait que la volonté de permettre à Hanjin de se forger une part de marché soit affirmée plus de 17 mois après son adhésion afin de résoudre un conflit interne au TACA suffit en soi à démontrer qu'une telle mesure ne préexistait pas à ce conflit et, en tout état de cause, qu'elle n'existait pas au moment de l'adhésion de Hanjin à la conférence. La Commission ne saurait donc soutenir, ainsi qu'elle l'a fait à l'audience, que la note du TACA du 15 février 1996 illustre le contexte général ayant entouré l'envoi de la lettre de Hanjin du 19 août 1994, par laquelle cette compagnie a demandé à être admise à la conférence.

1301.
    Il en est de même de la lettre du TACA du 30 janvier 1996. En effet, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, cette lettre a été envoyée dans le même contexte que celui ayant entouré la rédaction de la note du 15 février 1996. Dès lors, même si les termes généraux d'un passage isolé de cette lettre pourraient, le cas échéant, laisser entendre que le président du TACA était enclin à aider les tiers à adhérer à la conférence, il ne saurait raisonnablement en être déduit, en l'absence de tout autre élément concret en ce sens, que les parties au TACA ont systématiquement incité les concurrents potentiels, dont Hanjin, à adhérer au TACA par des mesures leur permettant de devenir membres de la conférence à des conditions différentes de celles proposées aux anciens membres. La seule circonstance selon laquelle le président du TACA a affirmé vouloir aider les tiers à devenir membres de la conférence ne démontre en effet en aucun cas que les parties au TACA ont effectivement adopté collectivement des mesures incitatives au sens de la décision attaquée en vue d'amener les concurrents potentiels à adhérer au TACA.

1302.
    Enfin, en toute hypothèse, il convient d'observer que, dans le cadre du régime de concurrence institué par le règlement n° 4056/86, les accords de répartition du marché conclus entre les membres d'une conférence maritime ne sont pas nécessairement interdits. En effet, l'article 3 du règlement n° 4056/86 prévoit explicitement que l'exemption par catégorie s'applique également aux accords ayant comme objectif la régulation de la capacité de transport offerte par chacun des membres et la répartition entre ces membres du tonnage transporté ou de la recette.

1303.
    Force est de constater que la décision attaquée n'explique pas en quoi la volonté collective du TACA de forger à Hanjin une certaine part de marché sur le trafic en cause ne constitue pas un tel accord de nature à permettre à cette compagnie d'adhérer à la conférence sur la même base que les anciens membres. Or, au considérant 576 de la décision attaquée, la Commission, elle-même, a indiqué que la décision attaquée ne préjugeait pas cette capacité, la décision attaquée n'interdisant pas, ainsi que la Commission l'a confirmé à l'audience, le fait même des nouvelles adhésions au TACA. Ainsi qu'il a été observé ci-dessus, s'il était considéré que la participation à des accords relevant de l'exemption par catégorie a constitué l'incitation à adhérer au TACA, cela reviendrait à considérer que c'est l'adhésion au TACA qui a constitué, en elle-même, l'abus, puisque, dans ce cas, la mesure incitative imputée au TACA résiderait dans le fait même que Hanjin bénéficie de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86, qui autorise des restrictions de concurrence dont le caractère exceptionnel a déjà été souligné par le Tribunal.

1304.
    Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que la Commission n'a pas établi à suffisance de droit que la volonté collective des parties au TACA de permettre à Hanjin de se forger une certaine part de marché sur le trafic en cause a constitué une mesure incitative destinée à amener cette compagnie à devenir membre de la conférence.

1305.
    Il convient, par conséquent, d'accueillir les griefs des requérantes sur ce point.

Sur l'adhésion de Hyundai au TACA

1306.
    Il convient de rappeler que, aux termes du considérant 564 de la décision attaquée, la Commission a constaté que Hyundai a été incitée par les parties au TACA à devenir membre de la conférence par le fait qu'«elle est devenue partie aux contrats de services [de la conférence] auxquels elle souhaitait adhérer, et cela avec effet à son premier départ sur le trafic». Il ressort de ce même considérant que, selon la Commission, cette mesure incitative est démontrée par le compte rendu PWSC 95/8.

1307.
    Or, il a déjà été constaté, au terme de l'examen des moyens tirés de la violation des droits de la défense au point 187 ci-dessus, que ce compte rendu a été utilisé par la Commission en violation des droits de la défense et que, en conséquence, ce document à charge doit être éliminé en tant qu'élément de preuve.

1308.
    Dans la mesure où l'allégation selon laquelle le TACA a incité Hyundai à adhérer à la conférence par l'accès immédiat aux contrats de services de la conférence se fonde entièrement sur ce seul document, ce que la Commission a confirmé à l'audience en réponse à une question du Tribunal sur ce point, cette allégation de la décision attaquée doit dès lors être considérée comme ne reposant sur aucun élément de preuve.

1309.
    Par ailleurs, pour autant que la Commission entendrait prouver la mesure incitative précitée par la lettre du TACA du 30 janvier 1996, à laquelle la décision attaquée se réfère de manière générale au considérant 561, il conviendrait de même de constater que, cette lettre ayant été utilisée, pour les raisons exposées dans le cadre des moyens tirés d'une violation des droits de la défense, en violation de ces droits, elle devrait également être éliminée en tant qu'élément de preuve.

1310.
    Il en résulte que le second abus n'est pas prouvé à suffisance de droit en ce qu'il consiste dans le fait que les parties au TACA ont adopté des mesures spécifiques destinées à inciter Hyundai à adhérer à la conférence.

1311.
    En tout état de cause, il doit être constaté que, contrairement à ce que soutient la Commission, le compte rendu PWSC 95/8 ne démontre pas que l'adhésion de Hyundai au TACA ne résulte pas d'une décision autonome mais aurait été incitée par la mesure précitée adoptée par les parties au TACA.

1312.
    Il convient de relever que, aux termes de ce compte rendu tels qu'ils sont reproduits au considérant 230 de la décision attaquée, «Hyundai a cherché à adhérer à des contrats de services pour 1995 auxquels trois membres ou plus participent actuellement pour le secteur ouest-est, trois ou plus pour le secteur est-ouest et trois ou plus sur la base de contrats de services communs ouest-est/est-ouest, et ce aux niveaux de taux applicables à la majorité des membres dans ce type de contrats». À cet égard, il a été confirmé, aux termes du même compte rendu, «que le nécessaire était fait pour notifier cette adjonction, qui prendra effet au moment des premiers voyages transatlantiques de Hyundai, aux chargeurs qui sont parties aux contrats de services». La Commission estime, aux termes du considérant 564 de la décision attaquée, que, eu égard au fait que «l'existence de nombreux contrats de services peut constituer une barrière à l'entrée, [l]'accès immédiat à ces contrats de services aurait été une mesure d'incitation puissante pour amener Hyundai à entrer sur le trafic transatlantique en tant que partie au TACA».

1313.
    Il convient d'observer qu'il ressort du dossier devant le Tribunal, en particulier de la correspondance échangée à l'époque de l'adhésion de Hyundai au TACA, que, dans un premier temps, au cours du mois de février 1995, Hyundai a envisagé d'entrer sur le trafic transatlantique non pas en devenant partie au TACA, mais en concluant un accord d'affrètement d'espaces avec une compagnie indépendante concurrente du TACA. Ces négociations ayant échoué dans le courant du mois de mai 1995, Hyundai a alors engagé des négociations avec MSC, un membre du TACA, en vue de conclure un accord d'affrètement d'espace.

1314.
    Il convient dès lors de vérifier si, comme le soutient la Commission, l'échec des négociations avec cette compagnie indépendante a tenu au fait que le TACA a proposé à Hyundai l'accès immédiat aux contrats de services de la conférence en cas d'adhésion à celle-ci.

1315.
    Il est constant entre les parties que Hyundai a, pour la première fois, interrogé le TACA quant à la possibilité d'avoir accès immédiat aux contrats de services de la conférence le 30 août 1995. Il ressort du compte rendu d'une réunion du TACA du 31 août 1995 (PWSC 95/7) que cette proposition, dont il est précisé qu'elle a été discutée «à la demande de Hyundai», a été acceptée à cette date par le TACA. Hyundai a pris note de cette acceptation par télécopie du 5 septembre 1995 adressée au TACA.

1316.
    Il peut dès lors être tenu pour établi que, à la suite de discussions avec le TACA avant son adhésion, Hyundai a été informée par ce dernier que, en cas d'adhésion, elle serait incluse dans les contrats de services de la conférence relatifs à 1995.

1317.
    Toutefois, cette seule circonstance ne suffit pas à démontrer que c'est ce motif qui a incité Hyundai à adhérer au TACA.

1318.
    En effet, il est constant que Hyundai avait signé un accord d'affrètement d'espaces avec MSC dès le 17 août 1995, à la suite de négociations engagées avec cette partie au TACA au mois de mai 1995. Il ressort du dossier que, à cette même date, un projet final de notification de cet accord à la FMC avait déjà été établi. Or, dans leur réponse à la demande de renseignements du 8 mars 1996, les parties au TACA ont expliqué, sans que cela ne soit contesté par la Commission, que la décision de Hyundai de conclure un accord d'affrètement d'espaces avec MSC était liée à sa décision d'adhérer au TACA. Contrairement à ce que fait valoir la Commission, loin de contredire la thèse des requérantes, une telle circonstance est, bien au contraire, de nature à la confirmer, puisqu'elle indique que Hyundai avait pris sa décision d'adhérer à la conférence dès le mois de mai 1995.

1319.
    Par ailleurs, les requérantes ont indiqué, sans être contredites par la Commission sur ce point, qu'elles ont pris contact avec le TACA en vue d'une telle adhésion au cours du mois de juillet 1995 lorsque les termes de l'accord d'affrètement d'espaces avec MSC ont été clairement définis.

1320.
    Enfin, il ressort de la correspondance ultérieure avec MSC que, le 22 août 1995, Hyundai indiquait déjà à ce membre de la conférence que sa demande d'adhésion devrait être envoyée au TACA vers le 30 août 1995, MSC s'engageant, pour sa part, à notifier cette décision au TACA, de sorte que le président de la conférence puisse instruire son représentant légal en Europe de procéder aux notifications requises auprès de la Commission.

1321.
    Il ressort de ces éléments que Hyundai a décidé d'adhérer au TACA au terme d'une décision autonome bien avant que la question de l'accès immédiat aux contrats de la conférence ne soit soulevée. En effet, lorsque Hyundai a demandé à avoir accès immédiat aux contrats de services de la conférence, elle avait déjà, d'une part, signé l'accord d'affrètement d'espaces avec MSC lui permettant d'entrer sur le trafic en cause sans apporter de nouvelles capacités et, d'autre part, engagé toutes les démarches nécessaires en vue d'adhérer au TACA.

1322.
    Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que l'adhésion de Hyundai au TACA a été déterminée par l'accès immédiat aux contrats de services de la conférence.

1323.
    Par ailleurs, il convient de rappeler que la Commission elle-même a indiqué, au considérant 576, que la décision attaquée ne préjugeait pas la capacité des conférences maritimes dont les activités relevaient de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 à admettre de nouveaux membres sur les mêmes bases que les anciens. Or, dès lors que la décision attaquée n'interdit pas aux parties au TACA, ainsi que la Commission l'a confirmé à l'audience, de conclure des contrats de services de la conférence, la Commission n'explique pas en quoi l'adhésion de tout nouveau membre aux mêmes conditions que les anciens ne permettait pas à Hyundai d'exiger de devenir immédiatement partie à tous les contrats de services de la conférence, et en particulier de bénéficier des mêmes conditions que celles offertes à MSC, avec laquelle Hyundai avait conclu un accord d'affrètement d'espaces pour entrer sur le trafic en cause. À cet égard, il convient d'ailleurs de relever que, selon la lettre du 19 août 1994, Hanjin a effectué une demande analogue à celle de Hyundai, sans que la Commission ne considère qu'il s'agisse d'une mesure destinée à inciter Hanjin à adhérer au TACA.

1324.
    Interrogée à l'audience, la Commission a fait valoir que l'adhésion de Hyundai au TACA devait également être comprise à la lumière de la lettre du TACA du 30 janvier 1996. Toutefois, il a déjà été constaté au point 1301 ci-dessus que, en l'absence de tout autre élément concret en ce sens, la Commission ne pouvait raisonnablement déduire des termes généraux d'un passage isolé de cette lettre, qui a été envoyée par le président du TACA dans le cadre d'un conflit avec Hanjin survenu plus de 17 mois après son adhésion au TACA, que les parties au TACA ont systématiquement incité les concurrents potentiels, dont Hyundai, à adhérer au TACA par des mesures leur permettant de devenir membre de la conférence à des conditions différentes de celles proposées aux anciens membres.

1325.
    Eu égard à ce qui précède, il convient dès lors de constater que la Commission n'a pas établi à suffisance de droit que les parties au TACA ont incité Hyundai à adhérer à la conférence en lui permettant d'avoir accès immédiat aux contrats de services de la conférence au moment de son adhésion.

1326.
    Il résulte de tout ce qui précède que le second abus n'est pas prouvé à suffisance de droit en ce qu'il consiste dans le fait que les parties au TACA ont adopté des mesures spécifiques destinées à inciter Hanjin et Hyundai à adhérer au TACA.

ii) Sur les mesures incitatives générales destinées aux concurrents potentiels

1327.
    Par les présents moyens et arguments, les requérantes contestent les appréciations de la décision attaquée concernant les mesures incitatives générales adoptées par les parties au TACA, à savoir, d'une part, la conclusion d'un grand nombre de contrats de services à double tarification et, d'autre part, le fait que les anciens membres structurés du TAA s'abstenaient de concourir pour certains contrats de services avec les NVOCC.

- Sur les contrats de services à double tarification

1328.
    En substance, les requérantes contestent que Hanjin et Hyundai ont été incitées à adhérer au TACA en raison de la double tarification dans les contrats de services. À l'appui de leur thèse, elles font d'abord valoir que cette mesure a été sollicitée par les chargeurs. Ensuite, elles relèvent que la décision ne contient aucune preuve que cette mesure a incité Hanjin et Hyundai à adhérer au TACA. Enfin, elles soulignent que Hanjin et Hyundai ont été parties à une minorité de contrats de services de ce type.

1329.
    Il convient de rappeler que, au considérant 565 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, «[c]omme [elle] l'a constaté dans l'affaire TAA [...], la grille de prix à deux niveaux avait pour objet et pour effet de limiter la concurrence des armateurs indépendants en les faisant adhérer à la conférence [et qu'à] la suite de l'interdiction du TAA en 1994, les parties au TACA ont renoncé à leur tarif à deux niveaux, mais elles ont néanmoins continué à offrir des contrats de services prévoyant des prix plus élevés pour les anciens membres de la conférence et des prix plus bas pour les anciens transporteurs indépendants et les nouveaux venus». La Commission estime que «[c]e comportement aurait eu pour effet d'inciter les concurrents potentiels qui souhaitaient entrer sur le marché à le faire en tant que parties au TACA».

1330.
    La Commission fonde son allégation sur le fait exposé au considérant 152 de la décision attaquée aux termes duquel:

«[...] une étude des contrats de services TACA relatifs à l'année 1995 fait [...] apparaître qu'un grand nombre de ces contrats (environ un tiers) contiennent une grille de taux à deux niveaux en vertu de laquelle les anciens membres ‘non structurés’ du TAA appliquent, dans le cadre d'un même contrat de services, des taux moins élevés que les anciens membres ‘structurés’ du TAA. Cette réduction oscille généralement entre 50 et 100 dollars des États-Unis par EQP, mais atteint 150 dollars des États-Unis dans un cas au moins. Cette double tarification se retrouve dans les contrats de services TACA relatifs à 1996 et 1997.»

1331.
    Force est de constater que si les requérantes contestent que la double tarification dans les contrats de services de la conférence a été adoptée de leur propre initiative ou qu'elle représente une proportion significative des contrats de services conclus par Hanjin et par Hyundai, elles ne contestent pas, en revanche, que de nombreux contrats de services de la conférence conclus par les parties au TACA au cours de la période en cause dans la décision attaquée contenaient un double taux.

1332.
    Il convient de rappeler que, dans l'arrêt TAA (point 163), le Tribunal a déjà constaté que l'instauration de taux différenciés dans le tarif du TAA avait pour but d'intégrer dans l'accord des transporteurs indépendants qui, sans cette faculté de minorer les prix qui leur est reconnue par rapport aux anciens membres, resteraient indépendants et continueraient à concurrencer la conférence notamment par les prix. Le Tribunal a relevé que cet objectif ressortait à suffisance de droit d'un compte rendu d'une réunion regroupant les futurs membres du TAA à Genève (Suisse) le 13 janvier 1992.

1333.
    Dans ces circonstances, il convient dès lors d'examiner si, comme la Commission le soutient, la double tarification dans les contrats de services de la conférence a également incité les concurrents potentiels à adhérer au TACA au cours de la période couverte par la décision attaquée en leur permettant d'offrir aux chargeurs des prix plus bas que ceux offerts par les anciens membres structurés de la conférence.

1334.
    À cet égard, il y a lieu d'observer que, pour constituer une mesure ayant incité les concurrents potentiels à adhérer à la conférence, la double tarification dans les contrats de services doit nécessairement avoir eu pour effet d'amener des concurrents potentiels à devenir membres du TACA. En effet, le fait qu'une mesure qualifiée d'incitation à adhérer à la conférence n'ait été suivie d'aucune adhésion au TACA démontrerait que cette mesure n'était pas, en réalité, une incitation à adhérer à la conférence.

1335.
    Ainsi, il apparaît que la modification de la structure concurrentielle du marché constituant le second abus constaté à l'article 5 du dispositif de la décision attaquée résulte du fait que les mesures incitatives adoptées par les parties au TACA, dont la double tarification dans les contrats de services, ont eu pour effet d'amener des concurrents potentiels à devenir membres de la conférence, éliminant du même coup la source de concurrence potentielle représentée par ces derniers. La Commission ne relève d'ailleurs, dans la décision attaquée, aucun autre effet résultant des mesures en cause.

1336.
    À l'audience, la Commission a toutefois soutenu que la double tarification dans les contrats de services a produit d'autres effets sur la structure de la concurrence. À cet égard, elle a d'abord fait valoir que cette mesure a contribué, au même titre que les autres mesures en cause, à instituer un environnement favorable permanent afin non seulement d'inciter les tiers à adhérer à la conférence plutôt qu'à entrer sur le marché en tant que compagnies indépendantes, mais également d'inciter les anciens transporteurs indépendants à rester membres de la conférence. Par ailleurs, elle a souligné que, par les mesures incitatives en cause, les parties au TACA ont neutralisé la concurrence potentielle.

1337.
    S'agissant de la création d'un environnement favorable permanent, il doit toutefois à nouveau être observé qu'à défaut d'amener des concurrents potentiels à devenir membres du TACA, la double tarification dans les contrats de services ne saurait être considérée comme ayant incité lesdits concurrents à adhérer à la conférence. Dès lors, si aucun concurrent potentiel n'a adhéré au TACA, il doit nécessairement être constaté que ladite mesure n'a pas établi un environnement favorable pour ceux-ci. Par ailleurs, pour autant que la Commission allègue que les mesures en cause ont institué un environnement favorable pour faire en sorte que les parties au TACA restent membres de la conférence, il suffit d'observer que tel n'est manifestement pas l'abus constaté dans la décision attaquée, laquelle vise uniquement, selon les considérants 562 à 566 de la décision attaquée, des mesures destinées à amener les concurrents potentiels à adhérer au TACA et non des mesures destinées à amener des parties au TACA à rester membres de la conférence.

1338.
    S'agissant de la neutralisation de la concurrence potentielle, il convient d'admettre que le fait, pour une conférence maritime, d'adopter des mesures en vue de restreindre la capacité des concurrents potentiels à pénétrer le marché en tant que transporteurs indépendants pourrait constituer une modification abusive de la structure concurrentielle du marché. Il est exact que, dans un tel cas, la seule circonstance selon laquelle des concurrents potentiels entreraient néanmoins sur le marché ne priverait pas nécessairement le comportement de la conférence de son caractère abusif. En effet, le fait que des concurrents potentiels auraient pénétré le marché ne signifierait pas pour autant que lesdites mesures ont été dénuées d'effet, dans la mesure où, en l'absence de ces mesures, l'entrée sur le marché aurait pu s'effectuer à des conditions différentes. Aussi, dans un tel cas, la circonstance selon laquelle le résultat escompté n'est pas atteint ne suffit pas à écarter l'existence d'un abus de position dominante (voir, en ce sens, arrêt du 8 octobre 1996, CEWAL, cité au point 568, point 149).

1339.
    Toutefois, la neutralisation de la concurrence potentielle constatée dans la décision attaquée résulte non pas de mesures destinées à restreindre la capacité des concurrents potentiels d'entrer sur le marché, mais, à l'inverse, de mesures qualifiées d'incitations à entrer sur le marché en tant que parties au TACA. Or, dans un tel cas, la circonstance selon laquelle le résultat escompté n'est pas atteint suffit à démontrer que la mesure en cause ne constitue pas une incitation à adhérer à la conférence et, partant, à écarter l'abus de position dominante constaté dans la décision attaquée.

1340.
    Il convient dès lors d'examiner si la double tarification dans les contrats de services de la conférence a effectivement amené des concurrents potentiels à adhérer au TACA.

1341.
    À cet égard, il convient d'observer que, en dépit du fait que les parties au TACA ont conclu un nombre élevé de contrats de services à double tarification, seules Hanjin et Hyundai ont adhéré au TACA au cours de la période couverte par la décision attaquée.

1342.
    Il en résulte que la plupart des concurrents potentiels de la conférence n'ont pas été incités à adhérer au TACA par la mesure en cause. À cet égard, il convient d'ailleurs de relever qu'un concurrent potentiel, UASC, a décidé de ne pas devenir membre de la conférence bien qu'il ait effectué des démarches en ce sens au cours de l'année 1996. De même, il a été constaté ci-dessus que des compagnies telles que Cosco, Yangming, K-Line, Mitsui et APL, qui sont pourtant par la suite entrées sur le trafic en cause, n'ont pas adhéré au TACA au cours de la période en cause dans la décision attaquée.

1343.
    Par ailleurs, s'agissant de Hanjin et de Hyundai, il doit être constaté que, dans la décision attaquée, la Commission ne mentionne aucun élément probant de nature à démontrer que ces compagnies ont adhéré au TACA en raison de l'incitation constituée par la double tarification dans les contrats de services.

1344.
    Bien au contraire, il a déjà été constaté ci-dessus que les éléments du dossier devant le Tribunal ne permettaient pas de considérer que les adhésions de Hanjin et de Hyundai au TACA ne résultaient pas d'une décision autonome prise par ces dernières. À cet égard, s'agissant de Hanjin, il doit être souligné que la correspondance entre cette compagnie et le TACA concernant son adhésion ne traite à aucun moment de la question de la double tarification dans les contrats de services. Quant à Hyundai, si cette question est effectivement abordée dans une note du TACA du 2 octobre 1995, il ressort de ladite note que Hyundai a demandé, pour les contrats de services contenant une telle double tarification, à pouvoir bénéficier du taux le plus élevé, ce qui contredit directement la thèse de la Commission selon laquelle les anciens transporteurs indépendants ont été incités à adhérer au TACA par la possibilité d'offrir les taux plus bas prévus par les contrats de services. À l'audience, la Commission a admis qu'elle ne disposait d'aucun élément de nature à mettre en cause la note du 2 octobre 1995.

1345.
    En outre, il est constant entre les parties que Hanjin et Hyndai ont participé à un nombre peu élevé de contrats de services à double tarification. À cet égard, si la Commission souligne que Hanjin et Hyundai ont transporté la plupart de leur fret en application de contrats de services contenant un double taux ou de contrats de services avec les NVOCC, elle ne conteste pas que les premiers types de contrats de services ont représenté une partie marginale des contrats de services auxquels ces compagnies ont été parties.

1346.
    Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que Hanjin et Hyundai ont été incitées à devenir membres de la conférence par le fait que les parties au TACA ont conclu un grand nombre de contrats de services contenant un double taux.

1347.
    Il convient dès lors de constater que la Commission n'a pas prouvé à suffisance de droit que la double tarification dans les contrats de services de la conférence a constitué une mesure incitative ayant amené les concurrents potentiels à adhérer au TACA au cours de la période en cause.

1348.
    Les moyens et griefs des requérantes sur ce point doivent dès lors être accueillis.

- Sur les contrats de services avec les NVOCC

1349.
    Les requérantes contestent que les parties au TACA ont incité les concurrents potentiels à adhérer au TACA en s'abstenant de concourir pour certains contrats de services avec les NVOCC.

1350.
    Il convient de rappeler que, au considérant 565 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les anciens membres structurés du TAA, à savoir ACL, Hapag Lloyd, P & O, Nedlloyd, Sea-Land, Maersk, NYK et OOCL, s'abstenaient de concourir pour certains contrats de services avec les NVOCC, réservant de ce fait certaines cargaisons «aux anciens transporteurs indépendants et aux nouveaux venus». La Commission estime que «[c]e comportement aurait eu pour effet d'inciter les concurrents potentiels qui souhaitaient entrer sur le marché à le faire en tant que parties au TACA».

1351.
    En vue de vérifier le bien-fondé de ces appréciations de la décision attaquée, il convient d'abord d'examiner si la Commission a établi à suffisance de droit l'existence d'un accord ou, à tout le moins, d'une pratique concertée visant à réserver les contrats de services avec les NVOCC aux anciens transporteurs indépendants qui n'étaient pas membres structurés du TAA, ainsi qu'aux nouveaux membres du TACA.

1352.
    À cet égard, il convient de relever que, aux termes d'une lettre datée du 28 décembre 1995 citée au considérant 180 de la décision attaquée, POL a indiqué à Hanjin:

«[...] toutes les questions relatives aux NVOCC sont très délicates et sensibles. Elles ne peuvent être traitées convenablement qu'en parfaite harmonie au sein du TACA collectivement, sans aucun individualisme, car toute démarche indépendante risque de détruire totalement cette partie du marché, qui a été si soigneusement construite par le groupe au fil des années [...]. Nous vous invitons par conséquent à régler ce problème avec POL dans le souci d'éviter toute concurrence mutuelle au sein du TACA [...]»

1353.
    C'est à bon droit que, au considérant 180 de la décision attaquée, la Commission a déduit des termes de cette lettre l'existence d'un «esprit de coopération» au sein du TACA concernant le transport du fret des NVOCC. Contrairement à ce que font valoir les requérantes, il est manifestement sans pertinence à cet égard que ladite lettre ait été envoyée par un ancien transporteur indépendant, et non par un ancien membre structuré de la conférence, dès lors que cette lettre reflète l'existence d'un accord ou, à tout le moins, d'une pratique concertée, entre les parties au TACA visant à réserver le transport du fret des NVOCC à certains d'entre eux.

1354.
    Par ailleurs, il convient d'observer que la Commission a constaté, au considérant 150 de la décision attaquée:

«Il ressort d'une analyse des contrats de services TACA relatifs à l'année 1995 qu'un très grand nombre des contrats de services passés avec les [NVOCC] n'ont été conclus que par les parties au TACA qui étaient auparavant des membres non structurés du TAA. Ces compagnies maritimes étaient les anciennes compagnies indépendantes opérant hors conférence sur le trafic transatlantique.»

1355.
    Force est de constater que, loin de contredire cette constatation de la décision attaquée, les éléments avancés par les requérantes dans le cadre des présents recours sont de nature à les confirmer. En effet, il ressort des données présentées dans la requête que, en 1994 et en 1995, aucun des membres structurés du TAA n'a transporté du fret dans le cadre de contrats de services avec les NVOCC, à l'exception de Hapag-Lloyd qui en a transporté une partie négligeable en 1994. Par ailleurs, si Nedlloyd, NYK, OOCL et P & O ont transporté du fret dans le cadre de contrats de services avec les NVOCC en 1996, il ressort de ces mêmes données que ce fret a seulement représenté 8,3 % du fret transporté par les membres du TACA dans le cadre de ce type de contrat.

1356.
    Aux termes d'une lettre du 3 mai 1995 adressée à la Commission, le représentant légal du TACA a expliqué que le désintérêt des anciens membres structurés du TAA pour le fret des NVOCC était le résultat d'une politique commerciale autonome de la part de compagnies disposant de gros effectifs de vente, d'un service important à la clientèle ainsi que de réseaux d'agences étendus.

1357.
    Si une telle explication peut, certes, être de nature à justifier que la plupart des contrats de services avec les NVOCC ont été conclus avec les anciens membres non structurés du TAA, qui étaient effectivement des concurrents de taille modeste sur le trafic en cause, elle ne saurait toutefois suffire à justifier l'absence totale ou quasi totale, pendant trois années, de contrats de services entre les NVOCC et les anciens membres structurés du TAA. Étant donné la valeur commerciale représentée par ce fret, un tel désintérêt des anciens membres structurés du TAA constitue incontestablement l'indice de l'existence d'un accord ou, à tout le moins, d'une pratique concertée destinée à réserver les contrats de services avec les NVOCC à certains membres du TACA.

1358.
    Eu égard à ces éléments, il convient donc d'admettre que la Commission était en droit de considérer qu'il existait entre les parties au TACA un accord ou, à tout le moins, une pratique concertée, visant à réserver les contrats de services avec les NVOCC aux anciens transporteurs indépendants qui n'étaient pas membres structurés du TAA ainsi qu'aux nouveaux membres.

1359.
    Il convient toutefois encore d'examiner si ledit accord ou ladite pratique concertée a effectivement incité des concurrents potentiels à adhérer au TACA au cours de la période couverte par la décision attaquée. En effet, ainsi qu'il a été indiqué aux points 1334 à 1339 ci-dessus, le fait qu'une mesure qualifiée d'incitation à adhérer à la conférence n'ait été suivie d'aucune adhésion au TACA démontrerait que cette mesure n'était pas, en réalité, une incitation à adhérer à la conférence.

1360.
    À cet égard, il convient d'observer que, en dépit du fait que les parties au TACA ont réservé les contrats de services avec les NVOCC aux nouveaux membres de la conférence, seules Hanjin et Hyundai ont adhéré au TACA au cours de la période couverte par la décision attaquée.

1361.
    Il en résulte que la plupart des concurrents potentiels de la conférence n'ont pas été incités à adhérer au TACA par la mesure en cause. À cet égard, il a déjà été indiqué au point 1342 ci-dessus qu'un concurrent potentiel, UASC, a décidé de ne pas devenir membre de la conférence, bien qu'il ait effectué des démarches en ce sens au cours de l'année 1996. De même, il a été constaté ci-dessus que des compagnies telles que Cosco, Yangming, K-Line, Mitsui et APL, qui sont pourtant par la suite entrées sur le trafic en cause, n'ont pas adhéré au TACA au cours de la période en cause dans la décision attaquée.

1362.
    Par ailleurs, s'agissant de Hanjin et de Hyundai, il doit être constaté que, dans la décision attaquée, la Commission ne mentionne aucun élément probant de nature à démontrer que ces compagnies ont adhéré au TACA, en raison de l'incitation constituée par le fait que les anciens membres structurés du TAA s'abstenaient de concourir pour la conclusion de contrats de services avec les NVOCC.

1363.
    Bien au contraire, il a déjà été constaté ci-dessus que les éléments du dossier devant le Tribunal ne permettaient pas de considérer que les adhésions de Hanjin et de Hyundai au TACA ne résultaient pas d'une décision autonome de ces dernières. À cet égard, il convient de relever que la question de la participation aux contrats de services avec les NVOCC n'est abordée dans aucun document relatif aux adhésions de Hanjin et de Hyundai à la conférence.

1364.
    Enfin, en tout état de cause, il convient de souligner que, dans le cadre du régime de concurrence institué par le règlement n° 4056/86, les accords de répartition du marché conclus entre les membres d'une conférence maritime ne sont pas nécessairement interdits. En effet, l'article 3 du règlement n° 4056/86 prévoit explicitement que l'exemption par catégorie s'applique également aux accords ayant comme objectif la régulation de la capacité de transport offerte par chacun des membres et la répartition entre ces membres du tonnage transporté ou de la recette.

1365.
    Force est de constater que la décision attaquée n'explique pas en quoi le fait pour les anciens membres structurés du TAA de s'abstenir de concourir pour la conclusion de contrats de services avec les NVOCC, réservant de ce fait ce type de fret aux anciens transporteurs indépendants non membres structurés du TAA et aux nouveaux membres du TACA, ne constitue pas un tel accord de nature à permettre à ces derniers d'adhérer à la conférence sur la même base que les anciens membres. Or, aux termes du considérant 576 de la décision attaquée, la Commission elle-même a indiqué que la décision attaquée ne préjugeait pas cette capacité, ladite décision n'interdisant pas, ainsi que la Commission l'a confirmé à l'audience, le fait même des nouvelles adhésions au TACA. Ainsi qu'il a été observé ci-dessus, s'il était considéré que la participation à des accords relevant de l'exemption par catégorie a constitué l'incitation à adhérer au TACA, cela reviendrait à considérer que c'est l'adhésion au TACA qui a constitué, en elle-même, l'abus, puisque, dans ce cas, la mesure incitative imputée au TACA résiderait dans le fait même que les nouveaux membres bénéficient de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86, qui autorise des restrictions de concurrence dont le caractère exceptionnel a déjà été souligné par le Tribunal.

1366.
    Il résulte de ce qui précède que la Commission n'a pas prouvé à suffisance de droit que la réservation des contrats de services avec les NVOCC à certaines parties au TACA a constitué une mesure incitative ayant amené les concurrents potentiels à adhérer à la conférence au cours de la période en cause.

1367.
    Les moyens et griefs des requérantes sur ce point doivent dès lors être accueillis.

iii) Conclusion sur la preuve des mesures constituant le second abus

1368.
    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n'a pas démontré à suffisance de droit que les parties au TACA ont incité les concurrents potentiels à adhérer au TACA par les mesures retenues dans la décision attaquée.

1369.
    Partant, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par les requérantes concernant le second abus, il convient, pour ce seul motif, d'annuler l'article 5 du dispositif de la décision attaquée et, par voie de conséquence, l'article 7 dudit dispositif en ce qu'il enjoint aux requérantes de mettre fin immédiatement au second abus et de s'abstenir à l'avenir de tout acte ayant un objet ou un effet identique.

IV - Sur les moyens tirés du non-respect de la procédure prévue par le règlement n° 4056/86

Arguments des parties

1370.
    La requérante dans l'affaire T-213/98 fait, en premier lieu, grief à la Commission d'avoir enfreint les exigences procédurales de l'article 9 du règlement n° 4056/86. Selon la requérante, il est en effet évident que le TACA est régi à la fois par le droit des États-Unis d'Amérique et par le droit communautaire. En particulier, l'adhésion de Hanjin et de Hyundai résulterait directement des exigences de conférence ouverte du droit américain. Dès lors, dans la mesure où le second abus consiste dans le respect par le TACA de l'obligation imposée par le droit américain d'accepter l'adhésion de Hanjin et de Hyundai, la Commission avait, selon la requérante, l'obligation de suivre la procédure prévue par l'article 9 du règlement avant de prendre, sur la base dudit règlement, une initiative - à savoir, en l'occurrence, l'adoption d'une décision qualifiant d'abus certains comportements et infligeant des amendes - qui était susceptible d'engendrer un conflit avec le droit des États-Unis d'Amérique.

1371.
    En second lieu, la requérante fait grief à la Commission d'avoir enfreint les exigences procédurales des articles 7 et 8 du règlement n° 4056/86. La requérante soutient que, dans la mesure où les constatations d'abus consistent uniquement dans des comportements de conférences bénéficiant d'une exemption par catégorie, la Commission devait, avant de constater une infraction à l'article 86 du traité, et a fortiori avant d'imposer une amende, suivre la procédure de retrait de l'exemption prévue par l'article 7 du règlement. La requérante fonde son argumentation sur le libellé de l'article 8, paragraphe 2, du règlement qui prévoit que, si le comportement des conférences bénéficiant de l'exemption produit des effets incompatibles avec l'article 86 du traité, la Commission peut retirer le bénéfice de l'exemption et prendre toutes les mesures appropriées pour faire cesser les infractions à l'article 86 du traité.

1372.
    La Commission estime que ces moyens ne sont pas fondés.

Appréciation du Tribunal

1373.
    S'agissant du moyen tiré d'une violation de l'article 9 du règlement n° 4056/86, il convient de constater que, selon les termes explicites de la requête, la requérante invoque uniquement une violation de cette disposition en ce qui concerne le second abus constaté dans la décision attaquée, mais non en ce qui concerne le premier abus.

1374.
    Dans ces circonstances, dans la mesure où il a été conclu ci-dessus que la décision attaquée doit être annulée en ce qu'elle constate le second abus, il n'y a plus lieu de statuer sur ce moyen.

1375.
    S'agissant du moyen tiré d'une violation des articles 7 et 8 du règlement n° 4056/86, la requérante soutient, en substance, que, dès lors que les pratiques considérées comme abusives dans la décision attaquée relèvent de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86, la Commission avait l'obligation de retirer ladite exemption avant de constater les infractions à l'article 86 du traité.

1376.
    Dans la mesure où il a été conclu ci-dessus que la décision attaquée doit être annulée en ce qu'elle constate le second abus, le présent moyen doit uniquement être examiné en ce que ladite décision constate le premier abus, en dehors toutefois de la divulgation mutuelle de l'existence et du contenu des contrats de services individuels, cette constatation ayant été annulée pour les motifs exposés aux points 1151 à 1159.

1377.
    Il convient de rappeler que la Commission est en droit de retirer le bénéfice de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 lorsqu'elle constate, dans un cas particulier, soit, en application de l'article 7, paragraphe 2, dudit règlement, que les accords bénéficiant de ladite exemption ont des effets incompatibles avec l'article 85, paragraphe 3, du traité, soit, en application de l'article 8, paragraphe 2, dudit règlement, que le comportement des conférences bénéficiant de l'exemption produit des effets incompatibles avec l'article 86 du traité.

1378.
    Il est exact, ainsi que la Commission l'a souligné à l'audience, que dans son arrêt du 16 mars 2000, CEWAL, cité au point 595 ci-dessus, point 136, la Cour a jugé que l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 n'impose et ne pourrait imposer une restriction au pouvoir dont la Commission dispose d'infliger des amendes pour violation de l'article 86 du traité.

1379.
    Toutefois, il doit être observé que la solution dégagée dans cet arrêt, outre qu'elle ne concerne pas le retrait prévu par l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86, visait des pratiques ne bénéficiant manifestement pas de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86, de sorte qu'elle n'est pas nécessairement pertinente lorsque les pratiques en cause relèvent du champ d'application de ladite exemption (voir, en ce sens, conclusions de l'avocat général M. Fennelly sous l'arrêt du 16 mars 2000, CEWAL, citées au point 638 ci-dessus, points 163 et 165).

1380.
    Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur cette question, il convient cependant de constater que, en l'espèce, contrairement à ce qu'allègue la requérante, aucune des pratiques en matière de contrats de services constituant le premier abus (en dehors de la divulgation mutuelle de l'existence et du contenu des contrats de services individuels) n'est susceptible de bénéficier de l'exemption par catégorie.

1381.
    En effet, il convient d'observer que les pratiques en cause en matière de contrats de services, qu'il s'agisse de l'interdiction des contrats de services individuels ou des autres restrictions quant à l'existence et au contenu de ces contrats, ne sont pas mentionnées à l'article 3 du règlement n° 4056/86 parmi les accords ou pratiques bénéficiant de l'exemption par catégorie. Or, selon une jurisprudence constante, compte tenu du principe général d'interdiction des ententes anticoncurrentielles édicté par l'article 85, paragraphe 1, du traité, les dispositions à caractère dérogatoire insérées dans un règlement d'exemption par catégorie doivent, par nature, être interprétées restrictivement (arrêts Peugeot/Commission, cité au point 568 ci-dessus, point 37, et du 8 octobre 1996, CEWAL, cité au point 568 ci-dessus, point 48). Cette solution s'impose a fortiori pour les dispositions du règlement n° 4056/86 en raison de sa durée illimitée ainsi que du caractère exceptionnel des restrictions de concurrence autorisées, de sorte que l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 ne saurait faire l'objet d'une interprétation extensive et évolutive de manière à couvrir tous les accords que les compagnies maritimes estiment utiles, voire nécessaires, d'adopter pour s'adapter aux conditions du marché (arrêt TAA, point 146).

1382.
    Par ailleurs, bien que, comme la Commission l'a confirmé en réponse aux questions écrites du Tribunal, la fixation des prix des contrats de services ne figure pas parmi les restrictions de concurrence interdites par la décision attaquée en application de l'article 85 du traité, il doit être constaté que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, les contrats de services ne sauraient être assimilés aux accords «ayant comme objectif la fixation des prix et des conditions du transport» visés par l'article 3 du règlement n° 4056/86. En effet, il ressort de cette disposition que, pour bénéficier de l'exemption par catégorie, les accords de fixation de prix et des conditions de transport conclus par les membres d'une conférence maritime doivent prévoir l'application de «taux de fret uniformes ou communs» au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), dudit règlement (arrêt TAA, points 138 à 143), ce qui exige l'application de taux de fret identiques pour tous les membres de la conférence et vis-à-vis de tous les chargeurs (arrêt TAA, points 144, 151 et 155).

1383.
    Or, les taux institués par les contrats de services ne sont pas identiques pour tous les chargeurs, mais aboutissent à les catégoriser. En effet, ainsi que la Commission le souligne au considérant 457 de la décision attaquée, sans être contredite par les requérantes sur ce point:

«[...] dans les contrats de services, le taux ne fait pas partie du tarif normal publié, mais est déterminé quasiment au cas par cas sur la base d'une négociation entre le fournisseur et le client. Il en résulte que les chargeurs faisant transporter les marchandises répondant à la même description ne paient pas nécessairement tous le même taux de contrats de services. Les taux de contrats de services divergent des taux du tarif, mais pas de manière uniforme. En résumé, bien que chaque membre du TACA facture sans doute le même taux à un chargeur donné, différents chargeurs (faisant transporter la même catégorie de marchandises) paient des taux différents [...]»

1384.
    En outre, en l'espèce, les taux institués par les contrats de services de la conférence conclus par le TACA au cours de la période couverte par la décision attaquée n'étaient pas identiques pour tous les membres de la conférence. En effet, il est constant entre les parties, ainsi qu'il est indiqué au point 1331 ci-dessus, que ces contrats de services prévoyaient une grille de taux à deux niveaux en vertu de laquelle les anciens membres non structurés du TAA appliquaient, dans le cadre d'un même contrat de services, des taux moins élevés que les anciens membres structurés du TAA. À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà jugé que l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86 ne s'applique pas aux accords entre transporteurs prévoyant un régime tarifaire différencié (arrêt TAA, point 167).

1385.
    Dans ces circonstances, les taux institués par les contrats de services n'étant pas identiques pour tous les chargeurs ni même, en l'espèce, pour tous les membres de la conférence, lesdits taux ne sauraient relever des accords de fixation de prix bénéficiant de l'exemption par catégorie.

1386.
    En conséquence, la prémisse sur laquelle se fonde le présent moyen étant erronée, il convient de rejeter celui-ci dans son intégralité.

V - Sur le moyen tiré d'un défaut de motivation quant à la non-prise en compte du droit des États-Unis d'Amérique

Arguments des parties

1387.
    Les requérantes font valoir que l'obligation de motivation incombant à la Commission, en vertu de l'article 190 du traité, exige qu'elle explique les raisons pour lesquelles son appréciation diffère, sur certains points importants, de celle du droit américain, tel que consacré par l'US Shipping Act. À l'appui de ce grief, les requérantes invoquent l'arrêt de la Cour du 17 janvier 1995, Publishers Association/Commission (C-360/92 P, Rec. p. I-23, point 44). Elles relèvent que, dans cet arrêt, la Cour a annulé une décision de la Commission au motif qu'elle ne contenait «aucune explication justifiant les raisons pour lesquelles les conclusions de la [UK Restrictive Practice Court] et les documents fournis par la [Publishers Association] au soutien de sa thèse seraient dépourvus de pertinence».

1388.
    En l'espèce, les requérantes rappellent que l'accord TACA est régi à la fois par le droit communautaire et par le droit américain de la concurrence. Or, la décision attaquée adopterait sur plusieurs aspects essentiels de l'accord TACA une position différente de celle du droit américain. En effet, contrairement au droit américain, la décision attaquée conclurait au caractère «non exemptable» - individuellement ou collectivement - et dès lors interdirait, premièrement, la fixation collective, par les membres de la conférence, des taux terrestres d'un service de transport multimodal (considérants 400 à 441), deuxièmement, les pouvoirs de la conférence en matière de contrats de services (considérants 442 à 471), troisièmement, les restrictions apportées par les règles de la conférence à l'existence des contrats de services et à leur contenu, en particulier en ce qui concerne la durée des contrats, les clauses conditionnelles, l'interdiction des contrats multiples, le niveau des indemnités forfaitaires et l'interdiction des actions indépendantes sur les contrats de services (considérants 464, 487 à 502 et 551 à 558), quatrièmement, l'interdiction des contrats de services individuels et leur soumission, lorsqu'ils sont autorisés, aux règles de la conférence (considérants 477 à 486 et 551 à 558) ainsi que la divulgation de leurs termes (considérants 496 et 551 à 558) et, cinquièmement, la fixation collective du niveau des commissions des transitaires (considérants 505 à 518). En outre, les requérantes relèvent que, aux fins d'établir l'existence d'une position dominante collective, la décision attaquée se fonde sur le fait que le TACA assure l'adhésion à ses règles par de nombreuses mesures d'exécution (considérant 527), prévoit un système de tarification différenciée (considérants 534 et 535) et a incité Hanjin et Hyundai à entrer sur le trafic en cause en tant que membres de la conférence plutôt que comme indépendants (considérants 563 et 564), alors que, à l'inverse, le droit américain autorise le rôle d'autorité de contrôle des conférences, n'a jamais déclaré illégal le système de taux différenciés et exige que l'adhésion des conférences soit «ouverte» à toute entreprise sur la base de critères raisonnables et non discriminatoires.

1389.
    Les requérantes précisent que, contrairement à ce que soutient la Commission, leur thèse n'est pas que la Commission est tenue par le droit américain ou qu'elle est empêchée d'appliquer le droit communautaire. Ce qu'elles soutiennent, c'est que la Commission aurait dû, d'une part, tenir compte de la position retenue par le droit américain pour examiner la légalité des pratiques en cause et, d'autre part, dans le cas où elle retiendrait une position différente, exposer les raisons pour lesquelles l'appréciation de ces pratiques par le droit américain n'est pas pertinente.

1390.
    Cette obligation s'imposerait d'autant plus en l'espèce pour les quatre raisons suivantes.

1391.
    En premier lieu, la décision attaquée constituerait le premier cas d'application du droit communautaire aux contrats de services, aux accords de taux de rémunération des transitaires et aux obligations des conférences maritimes en matière d'adhésion de nouveaux membres (arrêt de la Cour du 26 novembre 1975, Papiers Peints/Commission, 73/74, Rec. p. 1491, point 31). Par analogie avec l'ordonnance du président du Tribunal du 7 juillet 1998, Van den Bergh Foods/Commission (T-65/98 R, Rec. p. II-2641), qui concerne l'application des articles 85 et 86 du traité à une même pratique par les autorités nationales de la concurrence et la Commission, il conviendrait d'éviter une application contradictoire du droit communautaire et du droit américain aux circonstances de l'espèce.

1392.
    En deuxième lieu, les requérantes relèvent qu'il existait en l'espèce un désaccord important entre la Commission et les entreprises concernées au sujet de questions essentielles à l'appréciation, par la Commission, de l'accord en cause (arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T-374/94, T-375/94, T-384/94 et T-388/94, Rec. p. II-3141, point 97). En outre, les requérantes auraient contesté l'analyse de la Commission en se référant à de nombreuses reprises au droit américain.

1393.
    En troisième lieu, les requérantes font observer que le défaut de prise en compte des différences d'analyse avec le droit américain est peu compatible avec les obligations de coopération et de courtoisie active («positive comity») instituées par les accords de coopération entre les États-Unis d'Amérique et la Communauté. Même si ces accords n'ont pas pour objet d'harmoniser le droit substantiel des parties, leur simple existence, étant donné qu'ils visent à éviter le risque de décisions contradictoires, obligerait d'autant plus la Commission à expliquer les raisons pour lesquelles, dans le cas présent, son appréciation des pratiques et questions en cause est différente de celle des États-Unis d'Amérique. Or, en l'espèce, le respect par les requérantes de la décision attaquée les placerait en conflit avec leurs obligations au titre du droit américain. Les requérantes relèvent à cet égard que la FMC a non seulement autorisé, mais exigé, en tant que condition de l'accord de règlement conditionnel de 1995, qu'elles concluent des contrats de services individuels régis par les règles figurant à l'article 14, paragraphe 2, du TACA. Les requérantes précisent en outre qu'il leur a également été demandé de publier les différentes «clauses de base» des contrats de services spécifiées à l'article 8, paragraphe c), de l'US Shipping Act, dont la Commission constate, dans la décision attaquée (considérants 496 et 551 à 558), que la divulgation mutuelle constitue une violation des articles 85 et 86 du traité.

1394.
    Enfin, en quatrième lieu, les requérantes font valoir que le règlement n° 4056/86 reconnaît lui-même, au quinzième considérant, qu'il y a lieu de tenir compte de ce que son application à certaines ententes peut conduire à des conflits avec des législations de certains pays tiers. Elles relèvent que l'article 9 dudit règlement prévoit, à cette fin, une procédure de prévention des conflits.

1395.
    La Commission estime que ce moyen n'est pas fondé.

Appréciation du Tribunal

1396.
    Par le présent moyen, les requérantes font valoir que l'obligation de motivation incombant à la Commission en vertu de l'article 190 du traité exige qu'elle explique les raisons pour lesquelles son appréciation diffère sur plusieurs points importants de celle du droit américain, tel que consacré par l'US Shipping Act.

1397.
    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, si en vertu de l'article 190 du traité la Commission est tenue de mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la décision et les considérations qui l'ont amenée à prendre celle-ci, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés au cours de la procédure administrative (voir, notamment, arrêt Remia e.a./Commission, cité au point 575 ci-dessus, point 26). Tout au plus, la Commission a l'obligation, au regard de l'article 190 du traité, de répondre de manière spécifique aux seules allégations essentielles soulevées par les requérantes au cours de la procédure administrative (arrêt FEFC, cité au point 196 ci-dessus, point 426).

1398.
    En l'espèce, bien que les requérantes n'indiquent pas, dans leur requête, dans quelle mesure elles ont invoqué les prétendues différences entre le droit communautaire et le droit américain au cours de la procédure administrative, il ressort de l'examen de la réponse des parties au TACA à la communication des griefs que ces dernières n'ont invoqué le droit américain que sur quatre points limités, à savoir les TVRIA, la concurrence exercée par la porte canadienne, les contrats de services de la conférence et la fixation collective de la rémunération des transitaires.

1399.
    Dès lors, pour autant que les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir traité, dans la décision attaquée, des différences éventuelles entre le droit américain et le droit communautaire sur d'autres points, leurs arguments sont manifestement dépourvus de tout fondement. En effet, il ne saurait, à l'évidence, être reproché à la Commission de ne pas avoir motivé, dans sa décision, sa position au sujet d'allégations qui sont formulées pour la première fois dans le cadre des présents recours contre ladite décision. En conséquence, l'affirmation des requérantes, selon laquelle, en vue de contester les appréciations de la Commission, elles se sont considérablement fondées sur le droit américain, ne saurait être retenue.

1400.
    Pour autant que les différences alléguées concernent les quatre points précités, il convient d'observer, s'agissant, d'abord, des TVRIA, que les parties au TACA se sont bornées à indiquer, dans leur réponse à la communication des griefs, que, en vertu d'un règlement de la FMC, les TVR ne peuvent pas être modifiés lorsqu'ils ont été notifiés. Force est de constater qu'une telle indication est purement descriptive, les requérantes n'en tirant aucune allégation particulière. En conséquence, la Commission n'avait nullement l'obligation d'y répondre de façon motivée dans la décision attaquée.

1401.
    S'agissant, ensuite, de la concurrence exercée par la porte canadienne, il apparaît que les parties au TACA ont souligné, dans leur réponse à la communication des griefs, que l'immunité antitrust prévue par l'US Shipping Act ne s'appliquait pas au transport du fret transitant par les ports canadiens à destination ou en provenance des États-Unis d'Amérique. Force est toutefois de constater que la Commission a répondu à cette allégation aux considérants 265 à 273 de la décision attaquée, dans lesquels elle a exposé à suffisance de droit les raisons pour lesquelles la porte canadienne, en dépit de l'absence d'immunité antitrust, n'exerçait pas une concurrence significative sur les parties au TACA, la Commission soulignant à cet égard que d'autres facteurs étaient de nature à restreindre cette concurrence. La décision attaquée ne souffre dès lors d'aucun défaut de motivation sur ce point.

1402.
    S'agissant des contrats de services de la conférence, il ressort de la réponse à la communication des griefs que les parties au TACA ont fait valoir, à l'appui de leur demande d'octroi d'une exemption individuelle, que la législation américaine attestait que les contrats de services de la conférence constituaient une pratique traditionnelle des conférences maritimes. Force est toutefois de constater que la Commission a répondu à cette allégation aux considérants 464 à 471 de la décision attaquée, dans lesquels elle a exposé à suffisance de droit les motifs pour lesquels lesdits contrats de services ne constituaient pas une pratique traditionnelle des conférences, la Commission soulignant, notamment, à cet égard, que l'argumentation des parties au TACA rendait compte de manière inexacte des constatations factuelles contenues dans l'un des documents de droit américain invoqués par celles-ci. La décision attaquée n'est dès lors affectée d'aucun défaut de motivation sur ce point.

1403.
    S'agissant, enfin, de la fixation collective de la rémunération des transitaires, il ressort de la réponse des parties au TACA à la communication des griefs que celles-ci ont invoqué la jurisprudence et la législation américaine aux fins de soutenir que le droit américain permettait aux compagnies maritimes de fixer collectivement la rémunération des transitaires. À cet égard, il doit toutefois être relevé que, au considérant 512 de la décision attaquée, la Commission a indiqué explicitement que l'argument tiré par les parties au TACA du droit américain sur ce point, à savoir que les conférences opérant sur le trafic en cause fixaient collectivement des niveaux de commissions payables aux transitaires européens depuis le début des années 70, ne justifiait pas la fixation de plafonds de rémunération des transitaires, la Commission exposant, dans les considérants suivants, les raisons pour lesquelles cette pratique ne remplissait pas les conditions de l'octroi d'une exemption individuelle prévues par l'article 85, paragraphe 3, du traité.

1404.
    Il est certes exact que, dans la décision attaquée, la Commission n'a pas abordé la question de la pertinence ou du bien-fondé de la position juridique retenue par la législation ou la jurisprudence américaine sur ce dernier point et, partant, n'a pas expliqué les raisons pour lesquelles cette position n'était pas également justifiée en droit communautaire.

1405.
    Toutefois, il doit être souligné que l'article 190 du traité n'impose pas, et ne saurait imposer, à la Commission de discuter de telles questions, le respect de l'obligation de motivation l'obligeant, tout au plus, à indiquer les motifs pour lesquels elle estime devoir rejeter non pas le droit américain en tant que tel, mais les arguments ou allégations qui en sont tirés par les requérantes, du moins lorsqu'ils sont essentiels. La Commission ne saurait en effet être tenue, au regard de l'obligation de motivation, d'exposer les motifs qui justifient légalement sa position au regard d'un droit étranger, mais uniquement d'exposer les raisons qui justifient sa position en droit communautaire.

1406.
    En effet, selon la jurisprudence, la motivation doit permettre aux intéressés d'obtenir les indications suffisantes pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité (arrêt Van Megen Sports/Commission, cité au point 548 ci-dessus, point 51). Or, selon la jurisprudence, des pratiques nationales, à supposer qu'elles soient communes à tous les États membres, ne sauraient s'imposer dans l'application des règles de concurrence du traité (arrêt VBVB et VBBB/Commission, cité au point 162 ci-dessus, point 40). Tel est d'autant plus le cas lorsqu'il s'agit de pratiques nationales de pays tiers (arrêt FEFC, cité au point 196 ci-dessus, point 341).

1407.
    En conséquence, dès lors qu'une violation du droit américain ne constitue pas, en tant que telle, un vice susceptible d'entraîner l'illégalité d'une décision adoptée sur le fondement du droit communautaire, la Commission ne saurait être tenue, dans sa décision, d'expliciter les raisons pour lesquelles elle s'écarte de la position juridique retenue par le droit américain. En effet, si la Commission était tenue par une telle obligation, elle serait nécessairement contrainte d'examiner, quant au fond, les dispositions pertinentes du droit américain, puisqu'elle devrait, dans un tel cas, exposer les raisons pour lesquelles la solution juridique dégagée par celui-ci ne s'applique pas en droit communautaire, et ce alors même que la position adoptée par le droit américain ne saurait commander celle retenue par le droit communautaire.

1408.
    Contrairement à ce que font valoir les requérantes, cette analyse n'est pas en contradiction avec l'arrêt Publishers Association/Commission, cité au point 1387 ci-dessus. Certes, dans cet arrêt, la Cour a estimé que la Commission n'avait pas motivé à suffisance de droit sa décision en ce qui concerne certains aspects de droit national invoqués par la requérante. Il ressort toutefois de cet arrêt que la Cour a constaté un défaut de motivation uniquement en ce que la Commission n'avait pas explicité, dans sa décision, les raisons pour lesquelles les constatations factuelles contenues dans les décisions nationales en cause n'avaient aucune valeur probante dans le cadre de la procédure d'exemption devant la Commission. La requérante avait en effet présenté à la Commission, à l'appui de sa demande d'octroi d'une exemption individuelle, des décisions de la Restrictive Practices Court (autorité compétente au Royaume-Uni en matière de concurrence), en tant qu'élément de preuve «essentiel» des effets bénéfiques de leur accord prévoyant des conditions types uniformes pour la vente des livres à prix imposés applicables lorsque l'éditeur choisit de commercialiser un livre comme un «net book». Plus particulièrement, la requérante soutenait qu'il ressortait de ces décisions nationales que la suppression de l'accord sur les «net books» entraînerait une diminution du nombre et de la qualité d'équipement des librairies disposant de stocks, une augmentation du prix du livre et une diminution du nombre des titres publiés. Selon elle, ces constatations valaient également pour le commerce intracommunautaire, eu égard à la zone linguistique unique pour le marché du livre entre l'Irlande et le Royaume-Uni.

1409.
    Il en résulte que, loin d'infirmer l'analyse qui précède, l'arrêt Publishers Association/Commission, cité au point 1387 ci-dessus, confirme, tout au contraire, que lorsqu'un requérant invoque la solution retenue par un droit national, la Commission est tout au plus tenue, en vertu de l'obligation de motivation, d'expliciter les raisons pour lesquelles elle réfute les arguments qu'en déduit ce requérant (voir, en ce sens, arrêt FEFC, cité au point 196 ci-dessus, points 427 et 428).

1410.
    Or, en l'espèce, pour les motifs exposés ci-dessus, il apparaît que la Commission, dans la décision attaquée, a exposé à suffisance de droit les raisons pour lesquelles les arguments tirés par les requérantes du droit américain devaient être écartés.

1411.
    Partant, il convient de rejeter le présent moyen tiré d'un défaut de motivation comme étant non fondé.

VI - Sur les moyens relatifs au montant des amendes et à différents défauts de motivation sur ce point

1412.
    À l'appui des présents moyens, les requérantes soutiennent, dans le cadre de leur première branche, que le premier abus, constitué par l'imposition abusive de restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu, bénéficiait de l'immunité relative aux amendes eu égard à la notification de l'accord TACA en vue de l'octroi d'une exemption individuelle. Par ailleurs, dans le cadre de la seconde branche desdits moyens, les requérantes contestent le montant des amendes infligées par la Commission dans la décision attaquée. Elles invoquent également différents défauts de motivation sur ces points.

1413.
    À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l'article 8 du dispositif de la décision attaquée, la Commission a infligé des amendes à chacune des parties au TACA pour les seules infractions à l'article 86 du traité.

1414.
    Dans la mesure où il a été conclu ci-dessus, dans le cadre de l'examen des moyens pris de l'absence d'infraction à l'article 86 du traité, que le second abus, constitué par la modification abusive de la structure du marché, n'était pas prouvé à suffisance de droit, la partie des amendes infligées à ce titre doit être annulée pour ce seul motif.

1415.
    Par ailleurs, dès lors qu'il a été conclu ci-dessus, dans le cadre de l'examen des moyens pris de l'absence d'infraction à l'article 86 du traité, que le premier abus résultant de l'imposition abusive de restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu n'est pas fondé en ce qu'il réside dans la divulgation mutuelle de l'existence et du contenu des contrats de services individuels, la partie des amendes infligées à ce titre doit également être annulée pour ce seul motif.

1416.
    En conséquence, les présents moyens des requérantes doivent uniquement être examinés en ce qu'ils se rapportent à l'amende infligée du fait du premier abus, en dehors de la divulgation mutuelle de l'existence et du contenu des contrats de services individuels.

Sur la première branche concernant l'immunité relative aux amendes

A - Arguments des parties

1417.
    Les requérantes font grief à la Commission d'avoir violé l'immunité contre l'imposition d'amendes dont elles bénéficiaient en ce qui concerne les restrictions à l'accès aux contrats de services.

1418.
    Les requérantes soutiennent que, contrairement à ce que la décision attaquée conclut au considérant 584, la Commission ne pouvait pas imposer des amendes pour violation de l'article 86 du traité en ce qui concerne les restrictions à l'accès aux contrats de services dans la mesure où celles-ci restaient dans les limites de l'activité décrite dans la notification et étaient postérieures à la notification.

1419.
    Selon les requérantes, les articles 19, paragraphe 2, sous a), et 19, paragraphe 4, du règlement n° 4056/86 accordent une immunité en matière d'amendes tant en ce qui concerne les infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité qu'en ce qui concerne les infractions à l'article 86 du traité à l'égard des actes notifiés en vue de l'octroi d'une exemption en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Les requérantes relèvent que le quatrième paragraphe de l'article 19 du règlement n° 4056/86, qui prévoit le régime d'immunité contre l'imposition d'amendes, renvoie «aux amendes prévues au paragraphe 2, sous a)», lequel vise les amendes infligées pour infraction «aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, ou de l'article 86». Elles soulignent que ce renvoi n'est nullement restreint aux amendes prévues à l'article 19, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4056/86 infligées pour infraction à l'article 85, paragraphe 1. Contrairement à ce que soutient la Commission, les requérantes estiment que cette thèse ne confère nullement aux entreprises en position dominante une immunité absolue contre le risque d'amendes au titre de l'article 86. Les requérantes soulignent en effet que, lorsqu'une notification est effectuée et qu'une décision refusant l'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, est adoptée, l'immunité est perdue tant pour les infractions à l'article 85, paragraphe 1, que pour celles à l'article 86.

1420.
    Les requérantes font valoir que la Cour a confirmé cette interprétation dans l'arrêt United Brands/Commission, cité au point 853 ci-dessus, dans lequel aucune amende n'a été imposée en vertu de l'article 86 du traité à l'égard d'activités qui avaient été notifiées à la Commission en vue de l'octroi d'une exemption pour le motif qu'aucune infraction de propos délibéré ou par négligence n'avait été commise pendant la procédure d'exemption. Elles se réfèrent également aux conclusions de M. le juge Kirschner faisant fonction d'avocat général sous l'arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Tetra Pak/Commission, dit «Tetra Pak I» (T-51/89, Rec. p. II-309, II-312, point 39), dans lequel ce dernier a exprimé l'avis selon lequel «l'article 15, paragraphe 5, du règlement n° 17 contient une réglementation indirecte de l'application de l'article 86 pendant la procédure d'exemption» et selon lequel «[une] fois qu'un accord a été notifié au titre de l'article 4 du règlement, le comportement notifié ne peut être sanctionné par une amende ni au titre d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, ni au titre d'une violation de l'article 86». Cette thèse serait également suivie par la doctrine.

1421.
    Les requérantes allèguent également que leur thèse repose sur des considérations de politique générale dans la mesure où l'immunité contre les amendes qui seraient imposées tant en vertu de l'article 85, paragraphe 1, du traité que de l'article 86 du traité est de nature à encourager les entreprises à procéder à des notifications à la Commission. Elles soulignent qu'il ressort du sixième considérant du règlement n° 17 que «les entreprises peuvent avoir intérêt à savoir si des accords, décisions ou pratiques auxquels elles participent, ou envisagent de participer, sont susceptibles de donner lieu à l'intervention de la Commission en vertu de l'article 85, paragraphe 1, ou de l'article 86». Elles font valoir que, de la même manière, l'avocat général M. Jacobs a exposé que «[les objectifs du règlement n° 17] sont, notamment, d'encourager la notification des accords, décisions et pratiques et de faciliter, à titre général, les démarches des entreprises auprès de la Commission» (conclusions de l'avocat général M. Jacobs sous l'arrêt de la Cour du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a., C-67/91, Rec. p. I-4785, I-4806, point 23).

1422.
    Les requérantes exposent que, si l'immunité était restreinte aux seules amendes qui seraient infligées pour infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, le régime de notification serait inutile pour les entreprises détenant une position dominante. Elles rappellent que la Cour a reconnu que, lorsqu'une entreprise prend le risque de dénoncer elle-même l'accord ou la pratique concertée, elle doit bénéficier de l'avantage de l'immunité contre l'imposition d'amendes (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 93). Outre le risque que la Commission constate que l'accord ou la pratique viole l'article 85, paragraphe 1, et ne bénéficie pas d'une exemption en vertu de l'article 85, paragraphe 3, ainsi que le risque d'amendes pour les agissements antérieurs à la notification, les requérantes relèvent que, selon la thèse de la Commission, les entreprises encourraient également le risque que la Commission se base sur l'accord notifié aux fins d'une exemption pour justifier une constatation de position dominante détenue collectivement par les entreprises ou la conclusion que l'accord ou la pratique notifié constitue une infraction à l'article 86 du traité. Selon les requérantes, l'approche de la Commission rompt l'équilibre nécessaire au bon fonctionnement du système de notification en réduisant les avantages et en augmentant les risques liés à la notification.

1423.
    À cet égard, les requérantes ne considèrent pas que la distinction effectuée par la Commission entre position dominante individuelle et position dominante collective soit pertinente. Les requérantes relèvent que, dans le cas où une entreprise détenant une position dominante putative conclurait un contrat avec une entreprise non dominante, l'entreprise dominante bénéficierait de l'immunité par rapport aux amendes dans le cadre de l'article 85 du traité mais pourrait ne pas bénéficier de l'immunité si la Commission considérait que le contrat en soi donne lieu à un comportement abusif. Les requérantes estiment que cette entreprise en position dominante individuelle a droit à la protection contre les amendes tant dans le cadre de l'article 85 que dans le cadre de l'article 86 du traité.

1424.
    Par ailleurs, les requérantes font observer que, en l'absence d'immunité contre l'imposition d'amendes au titre de l'article 86 du traité, la Commission serait en mesure de contourner l'immunité contre l'imposition d'amendes au titre de l'article 85 et d'imposer des amendes sanctionnant des activités notifiées sans suivre la procédure spécifique de retrait d'immunité prévue par l'article 19, paragraphe 4, du règlement n° 4056/86. En effet, selon les requérantes, en dépit du fait que les entreprises concernées n'auraient pas eu l'occasion d'exercer leurs droits procéduraux pour s'opposer au retrait de l'immunité, la Commission serait en droit d'imposer des amendes avec effet rétroactif à l'égard d'accords notifiés et d'activités entreprises en vue de leur mise en oeuvre dans le respect des termes notifiés. Les requérantes estiment que ce résultat est contraire aux garanties procédurales décrites dans l'arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission (arrêt de la Cour du 15 mars 1967, 8/66 à 11/66, Rec. p. 93, 116) qui énonce que «par l'effet [des mesures de retrait d'exemption], les entreprises ont été transférées de l'exemption d'amende de l'article 15, paragraphe 5, qui les protégeait, sous le régime contraire de l'article 15, paragraphe 2, qui les menace désormais; que cette mesure les a privées du bénéfice d'une situation juridique attachée par l'article 15, paragraphe 5, à la notification de l'accord, pour les exposer à un grave risque pécuniaire». Selon les requérantes, il s'ensuit que, si la Commission considérait que les contrats de services des parties au TACA constituaient un abus de position dominante collective ne pouvant bénéficier d'une exemption, elle aurait pu, même avant l'ouverture de la procédure au fond, retirer l'immunité contre l'imposition d'amendes. Les requérantes soulignent que tel n'a pas été le cas en l'espèce.

1425.
    Enfin, les requérantes font valoir que la Commission n'indique pas les raisons pour lesquelles elle estime que la notification ne confère aucune immunité contre l'imposition d'amendes en ce qui concerne les infractions à l'article 86 du traité, alors qu'elle prend cette position pour la première fois, en contradiction avec sa pratique décisionnelle, la jurisprudence de la Cour (arrêt Papiers Peints/Commission, cité au point 1391 ci-dessus), les termes du règlement n° 4056/86 et la doctrine.

1426.
    La Commission relève que le deuxième alinéa de l'article 19, paragraphe 4, du règlement n° 4056/86 accorde une immunité en matière d'amendes pour ce qui concerne la période postérieure à la notification jusqu'à l'adoption de la décision de la Commission «par laquelle elle accorde ou refuse l'application de l'article 85, paragraphe 3». Selon la Commission, cette précision suggère fortement que l'immunité n'est accordée que pour l'interdiction pour laquelle une exemption peut être délivrée, à savoir celle de l'article 85, paragraphe 1, du traité. La Commission est d'avis que la justesse de cette interprétation est confirmée par le troisième alinéa de l'article 19, paragraphe 4, qui prévoit que la Commission peut lever l'immunité lorsqu'elle estime que les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 1, sont remplies et qu'une application de l'article 85, paragraphe 3, n'est pas justifiée. Selon la Commission, si l'intention du législateur avait été d'étendre l'immunité aux amendes qui seraient infligées au titre de l'article 86 du traité, il aurait certainement prévu également une procédure de levée de l'immunité. L'interprétation des requérantes aurait pour effet que l'immunité appliquée aux amendes au titre de l'article 86 serait absolue.

1427.
    Par ailleurs, la Commission souligne que l'objet de l'immunité étant d'inciter les entreprises à notifier les accords susceptibles d'enfreindre l'article 85, paragraphe 1, du traité, les entreprises doivent uniquement être protégées contre le risque de se voir infliger des amendes au cas où elle constaterait que leurs accords ne remplissent pas les critères de l'article 85, paragraphe 3. Or, dans le cadre de l'article 86 du traité, ni cet équilibre d'intérêts, ni ce besoin de protection, ni, partant, cette fonction d'immunité n'existeraient.

1428.
    La Commission attire l'attention sur le fait que si la question de l'immunité au titre de l'article 86 du traité se pose en l'espèce, c'est en raison de la position dominante collective des requérantes. Elle souligne que, dans ce cas, l'article 85 du traité est susceptible de rendre illicite le caractère collectif de l'activité, alors que l'article 86 concerne le caractère abusif de la conduite en question. La Commission considère que les entreprises qui ont abusé collectivement de leur position dominante ne doivent pas être mieux traitées qu'une entreprise en position dominante individuelle, qui n'a quant à elle pas la possibilité de notifier sa conduite et d'obtenir une immunité.

1429.
    Enfin, s'agissant de l'argument relatif à la levée de l'immunité, la Commission souligne que si l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86 n'accorde pas d'immunité pour les infractions à l'article 86 du traité, il ne saurait être fait grief à la Commission de vouloir contourner les garanties procédurales prévues par l'article 19, paragraphe 4, dans l'hypothèse d'un retrait de l'immunité.

1430.
    S'agissant du respect de l'obligation de motivation, la Commission affirme ne pas avoir connaissance d'une pratique d'une trentaine d'années démontrant l'existence d'une telle immunité et souligne que les requérantes ne citent aucune affaire dans laquelle la Commission aurait affirmé que la notification d'un accord ou d'une pratique confère une immunité contre l'imposition d'amendes au titre de l'article 86 du traité. La Commission estime que, bien au contraire, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt United Brands/Commission, citée au point 853 ci-dessus, la Commission a uniquement considéré qu'il était inopportun d'infliger une amende, ce qui indique implicitement qu'il n'existait pas d'obstacle à l'imposition d'amendes.

B - Appréciation du Tribunal

1431.
    En substance, par le présent moyen, les requérantes allèguent que l'amende infligée au titre du premier abus constitué par l'imposition abusive de restrictions à l'accès aux contrats de services et à leur contenu doit être annulée au motif qu'elle était couverte par l'immunité relative aux amendes prévue par le règlement n° 4056/86. Elles font également valoir un défaut de motivation sur ce point.

1432.
    À cet égard, il convient, toutefois, de relever d'emblée que, selon le considérant 583 de la décision attaquée, la Commission a infligé des amendes aux parties au TACA non seulement en vertu de l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056/86, mais également, dans la mesure où le premier abus relève aussi du règlement n° 1017/68, en vertu de l'article 22, paragraphe 2, du règlement n° 1017/68.

1433.
    Or, le Tribunal a déjà jugé que l'article 22 du règlement n° 1017/68 ne prévoyait aucune immunité relative aux amendes en ce qui concerne les accords notifiés relevant de son champ d'application, que ce soit à l'égard d'amendes infligées au titre de l'article 85 du traité ou à l'égard d'amendes infligées au titre de l'article 86 du traité (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, cité au point 44 ci-dessus, point 48).

1434.
    Il s'ensuit que les requérantes ne sauraient se prévaloir d'une immunité en ce qui concerne la partie des amendes infligées au titre du premier abus en vertu de l'article 22 du règlement n° 1017/68.

1435.
    Il y a lieu, dès lors, de constater que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le présent moyen, à supposer qu'il soit fondé, n'est pas susceptible d'entraîner l'annulation de l'ensemble des amendes infligées au titre du premier abus, mais uniquement de la partie desdites amendes qui a été infligée en vertu du règlement n° 4056/86.

1436.
    Dans le cadre de l'examen du présent moyen, il convient dès lors d'examiner si la partie des amendes qui a été infligée au titre de l'article 86 du traité en vertu du règlement n° 4056/86 était couverte par l'immunité prévue par ledit règlement.

1437.
    À cet égard, il convient de relever que, aux termes de l'article 19, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 4056/86, la Commission peut infliger des amendes aux entreprises qui «commettent une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, ou de l'article 86 du traité». Toutefois, aux termes du paragraphe 4, deuxième alinéa, de cette disposition, «les amendes prévues au paragraphe 2, [sous] a), ne peuvent être infligées pour des agissements postérieurs à la notification à la Commission et antérieurs à la décision par laquelle elle accorde ou refuse l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, pour autant qu'ils restent dans les limites de l'activité décrite dans la notification». L'article 19, paragraphe 4, troisième alinéa, prévoit cependant que cette dernière disposition n'est pas applicable «dès lors que la Commission a fait savoir aux entreprises intéressées qu'après examen provisoire elle estime que les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité sont remplies et qu'une application de l'article 85, paragraphe 3, n'est pas justifiée».

1438.
    Dans la décision attaquée, la Commission a estimé, au considérant 584, que les dispositions précitées ne prévoyaient pas d'immunité en ce qui concerne les amendes infligées pour des infractions à l'article 86 du traité. En conséquence, elle a infligé aux parties au TACA des amendes au titre de cette disposition, nonobstant la notification de l'accord TACA.

1439.
    En vue d'examiner si la Commission a exclu à bon droit le bénéfice de l'immunité en ce qui concerne le premier abus, il convient de déterminer, d'abord, la portée de l'immunité prévue par le règlement n° 4056/86 et, ensuite, dans quelle mesure les pratiques constituant le premier abus sont, le cas échéant, couvertes par cette immunité.

1. Sur la portée de l'immunité prévue par le règlement n° 4056/86

1440.
         Aux fins de déterminer la portée de l'immunité prévue par le règlement n° 4056/86, il convient d'avoir égard tant aux termes des dispositions pertinentes dudit règlement qu'à leur finalité et à leur économie générale.

1441.
    En ce qui concerne, en premier lieu, les termes des dispositions pertinentes du règlement n° 4056/86, il convient, à titre liminaire, de relever, ainsi que le Tribunal l'a déjà jugé (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, cité au point 44 ci-dessus, points 50 à 52), que l'immunité relative aux amendes revêt un caractère dérogatoire. En conséquence, les termes pertinents de l'article 19, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement n° 4056/86 prévoyant une immunité en matière d'amendes en cas de notification doivent faire l'objet d'une interprétation restrictive et ne peuvent être interprétés de façon à étendre leurs effets à des cas non expressément prévus.

1442.
    À cet égard, il doit toutefois être relevé que l'immunité prévue par l'article 19, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement n° 4056/86 vise, selon ses propres termes, «les amendes prévues au paragraphe 2, [sous] a)». Or, les amendes prévues par cette dernière disposition sont celles qui sont infligées non seulement du fait de la participation à une entente restrictive de concurrence, mais également du fait de pratiques abusives. En effet, l'article 19, paragraphe 2, sous a), vise explicitement les amendes pour «infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, ou de l'article 86 du traité».

1443.
    Il résulte ainsi de ce renvoi que l'article 19, paragraphe 4, du règlement n° 4056/86, loin de réserver l'immunité relative aux amendes aux seules infractions à l'article 85 du traité, prévoit, tout au contraire, de manière expresse, que les pratiques abusives contraires à l'article 86 du traité sont également susceptibles de bénéficier de ladite immunité.

1444.
    Certes, ainsi que le souligne la Commission, l'article 19, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement n° 4056/86 envisage des agissements «postérieurs à la notification et antérieurs à la décision par laquelle la Commission accorde ou refuse l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité» et qui «restent dans les limites de l'activité décrite dans la notification». Or, seuls les accords susceptibles de relever de l'article 85, paragraphe 1, du traité peuvent être notifiés en vue de l'octroi d'une exemption en application du paragraphe 3 de cette disposition, les abus de position dominante étant interdits sans exception (arrêt Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, cité au point 1109 ci-dessus, point 32).

1445.
    Toutefois, contrairement à ce que soutient la Commission, il n'en résulte pas pour autant que l'immunité ne s'applique qu'aux seules amendes sanctionnant une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

1446.
    En effet, d'une part, il convient de relever que, selon les termes mêmes des passages précités de l'article 19, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement n° 4056/86, l'immunité relative aux amendes couvre non pas des «accords entre entreprises», des «décisions d'associations d'entreprises» et des «pratiques concertées» contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, mais des «agissements», notion générique qui est susceptible d'englober, sans que le sens en soit déformé, des pratiques unilatérales relevant de l'article 86 du traité. Quant à la condition selon laquelle ces agissements doivent être «postérieurs à la notification», elle ne concerne pas, à l'évidence, le champ d'application matériel de l'immunité, lequel porte sur des «agissements», mais le champ d'application de l'immunité dans le temps. En effet, ainsi que le Tribunal l'a déjà jugé, cette disposition prévoit une dérogation temporaire en faveur des entreprises qui ont notifié leur accord pour les agissements postérieurs à la notification et antérieurs à la décision finale statuant sur cette notification (arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, cité au point 44 ci-dessus, point 46).

1447.
    D'autre part, la condition selon laquelle les agissements doivent rester «dans les limites de l'activité décrite dans la notification», si elle signifie nécessairement que seules des activités effectivement notifiées bénéficient de l'immunité (arrêt de la Cour du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, 240/82 à 242/82, 261/82, 262/82, 268/82 et 269/82, Rec. p. 3831, point 74), n'a nullement pour effet de réserver l'immunité aux seules infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité et donc d'exclure celles à l'article 86 du traité. En effet, bien que les pratiques abusives ne puissent pas être notifiées en vue de l'octroi d'une exemption, il convient d'observer que certaines activités ou certains accords notifiés peuvent être considérés comme constitutifs de pratiques abusives, puisque, selon la jurisprudence, la Commission est en droit de considérer qu'un accord restrictif de concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité constitue également un abus au sens de l'article 86 du traité lorsqu'il est le fait d'une entreprise détenant une position dominante (arrêts Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, point 116, et Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, cité au point 1109 ci-dessus, points 34 et suivants). Ainsi, un accord notifié par une entreprise en position dominante, tel un contrat d'approvisionnement exclusif, est susceptible de constituer non seulement un accord interdit par l'article 85, paragraphe 1, du traité, mais également un abus interdit par l'article 86 du traité. Force est de constater qu'un tel abus constitue des «agissements» qui restent «dans les limites de l'activité décrite dans la notification» au sens de l'article 19, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement n° 4056/86, puisqu'il consiste dans le fait même des accords notifiés.

1448.
    La Commission ne saurait soutenir que l'article 19, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement n° 4056/96, qui prévoit la possibilité pour la Commission de retirer l'immunité lorsqu'elle estime, au terme d'un examen provisoire, que les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité sont remplies et qu'une application de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'est pas justifiée, exclut nécessairement que les infractions à l'article 86 du traité bénéficient de l'immunité, sous peine que celles-ci bénéficient d'une immunité absolue.

1449.
    En effet, cette thèse repose sur la prémisse inexacte que l'article 19, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement n° 4056/86 ne permet pas le retrait de l'immunité relative aux amendes infligées en vertu de l'article 86 du traité. Or, si l'article 19, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement n° 4056/86 prévoit, certes, que le retrait de l'immunité ne peut avoir lieu que dans le cas où, au terme d'un examen provisoire, la Commission estime que les accords notifiés ne sont pas susceptibles d'être exemptés en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité, il ne prévoit en aucun cas que l'immunité peut être retirée uniquement pour les infractions à l'article 85 du traité. En effet, il ressort manifestement des termes de cette disposition que la condition relative à l'existence d'un accord interdit par l'article 85 du traité se rapporte non pas à l'objet du retrait de l'immunité, mais aux circonstances dans lesquelles celui-ci peut être décidé. Ainsi, lorsqu'une pratique abusive consiste dans un accord notifié en vue de l'octroi d'une exemption, si la Commission estime, au terme d'un examen provisoire, que cet accord est interdit par l'article 85, paragraphe 1, et n'est pas susceptible de bénéficier d'une telle exemption et qu'elle décide de retirer l'immunité, ce retrait concernera non seulement l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, mais également l'infraction éventuelle à l'article 86 du traité.

1450.
    Il résulte ainsi de ce qui précède que non seulement l'article 19, paragraphe 4, du règlement n° 4056/86 prévoit explicitement, en son deuxième alinéa, que les pratiques abusives contraires à l'article 86 du traité sont susceptibles de bénéficier de l'immunité relative aux amendes, mais également que les deuxième et troisième alinéas de cette disposition ne s'opposent pas à l'application de cette immunité aux infractions à l'article 86 du traité.

1451.
    Dans ces circonstances, la Commission ne saurait soutenir, dans le cadre des présents recours, que la thèse des requérantes méconnaît les termes de l'article 19, paragraphe 4, du règlement n° 4056/86 et que ceux-ci suggèrent «fortement» que l'immunité ne vaut que pour les infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

1452.
    Il doit être observé que la conclusion qui précède n'aboutit nullement à interpréter l'article 19, paragraphe 4, du règlement n° 4056/86 de manière extensive, contrairement au principe d'interprétation applicable en l'espèce, puisque cette conclusion découle directement des termes mêmes de cette disposition sans que leur sens n'en soit déformé ou même simplement complété. En outre, il convient de rappeler que l'immunité relative aux amendes ne s'applique pas à toutes les pratiques abusives contraires à l'article 86 du traité, mais uniquement, conformément aux termes mêmes de l'article 19, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement n° 4056/86, à celles d'entre elles qui «restent dans les limites de l'activité décrite dans la notification».

1453.
    Par ailleurs, il y a lieu de relever, en second lieu, que la portée de l'article 19, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement n° 4056/86, telle qu'elle résulte de ses termes, est conciliable avec la finalité poursuivie par cette disposition et son économie générale.

1454.
    À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé, s'agissant des dispositions similaires prévues par le règlement n° 17, que le bénéfice de l'immunité au profit des entreprises ayant notifié un accord ou une pratique concertée constituait la contrepartie du risque encouru par l'entreprise en dénonçant elle-même l'accord ou la pratique concertée, cette entreprise risquant non seulement de faire constater que l'accord ou la pratique viole l'article 85, paragraphe 1, du traité, et de se voir refuser l'application du paragraphe 3, mais également d'être sanctionnée par une amende pour ses agissements antérieurs à la notification (arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 1422 ci-dessus, point 93, et Asociación Española de Banca Privada e.a., cité au point 1421 ci-dessus, point 52). La Cour a également souligné que, si le législateur communautaire a voulu réserver l'avantage de l'immunité aux entreprises qui ont notifié leurs accords, c'est parce que, en les révélant ainsi, elles prennent le risque de devoir y mettre fin et réduisent, par ailleurs, d'autant les tâches d'investigation de la Commission (arrêt Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, cité au point 1447 ci-dessus, point 76).

1455.
    Or, s'il est vrai que, contrairement aux accords relevant de l'article 85 du traité, les pratiques abusives contraires à l'article 86 du traité sont interdites sans exception, il convient d'observer que, lorsqu'une entreprise détenant une position dominante notifie des accords à la Commission en vue de l'octroi d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, elle prend le risque non seulement que la Commission considère que ledit accord n'est pas susceptible de bénéficier de cette exemption et qu'il soit interdit, mais également, si cet accord est qualifié d'abus par la Commission, qu'il soit interdit au titre de l'article 86 du traité et que des amendes lui soient infligées de ce fait. En effet, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, selon la jurisprudence, la Commission est en droit de considérer qu'un accord restrictif de concurrence constitue également un abus lorsqu'il est le fait d'une entreprise détenant une position dominante (arrêts Hoffmann-La Roche/Commission, cité au point 765 ci-dessus, point 116, et Ahmed Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, cité au point 1109 ci-dessus, point 44).

1456.
    Par ailleurs, il convient de souligner que, lorsque la Commission accorde, en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité, une exemption individuelle à des accords notifiés par des entreprises détenant une position dominante, elle s'interdit indirectement, en l'absence d'évolution des circonstances de fait ou de droit, de considérer que les mêmes accords constituent des pratiques abusives contraires à l'article 86 du traité (voir, en ce sens, arrêt Tetra Pak I, cité au point 1420 ci-dessus, point 28). En effet, avant d'accorder une exemption à une entreprise en position dominante, la Commission doit vérifier la réunion de toutes les conditions requises par l'article 85, paragraphe 3, du traité, à savoir, en particulier, la participation des consommateurs au profit qui résulte de l'entente, la proportionnalité des restrictions imposées et le maintien de la concurrence pour une partie substantielle des produits ou services en cause. Dès lors, si la Commission parvient à un résultat positif - l'exemption - pour un accord déterminé, elle ne peut qualifier le même accord d'exploitation abusive de position dominante lors d'une deuxième procédure engagée pour violation de l'article 86 du traité. Cette disposition produit ainsi des effets dans le champ d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, dans la mesure où ce dernier exclut l'exemption d'un comportement qui relève de la notion d'abus de position dominante (conclusions de M. le juge Kirschner faisant fonction d'avocat général sous l'arrêt Tetra Pak I, citées au point 1420 ci-dessus, points 40 et 45).

1457.
    Il en résulte que, du point de vue du risque encouru, une entreprise en position dominante se trouve dans une situation analogue à celle d'une entreprise non dominante ayant notifié un accord en vue de l'octroi d'une exemption. En effet, si la Commission refuse l'octroi d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, l'entreprise en position dominante perd la certitude que, en l'absence d'évolution des circonstances de fait ou de droit, la Commission n'interviendra pas au titre de l'article 86 du traité à l'encontre de l'accord notifié et, en outre, elle risque de se voir infliger des amendes du fait d'un accord qu'elle a elle-même dévoilé, alors qu'elle a facilité les tâches d'investigation de la Commission. Force est, en outre, de constater que l'immunité relative aux amendes dont une entreprise en position dominante bénéficie pour les accords notifiés, en ce qui concerne le risque d'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, serait, pour l'essentiel, vidée de sa substance si cette entreprise était susceptible de se voir infliger des amendes pour violation de l'article 86 du traité du fait de la conclusion des mêmes accords.

1458.
    Cela est d'autant plus le cas que, dans le cadre du régime de concurrence institué par le règlement n° 4056/86, l'octroi d'une exemption individuelle en vertu dudit règlement ne requiert pas obligatoirement une notification préalable. En effet, en vertu de l'article 11, paragraphe 4, dudit règlement, la Commission est tenue d'octroyer une exemption même d'office ou à la suite d'une plainte. Dès lors, lorsqu'une compagnie maritime choisit néanmoins, sur une base volontaire, de notifier un accord en vue de l'octroi d'une exemption individuelle, il convient d'admettre qu'elle doit a fortiori être protégée contre le risque d'amendes qui seraient, le cas échéant, imposées au titre de l'article 86 du traité du fait desdits accords.

1459.
    Il apparaît ainsi conforme à la finalité et à l'économie générale du système que l'immunité prévue par le règlement n° 4056/86 s'applique également aux infractions à l'article 86 du traité qui consistent dans des accords notifiés.

1460.
    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le fait qu'il incombe aux entreprises en position dominante une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par leur comportement à une concurrence effective et non faussée sur un marché où la concurrence est déjà restreinte du fait même de leur position dominante (arrêt Michelin/Commission, cité au point 337 ci-dessus, point 57). En effet, cette responsabilité particulière signifie uniquement qu'une entreprise dominante peut se voir interdire des comportements qui sont légitimes lorsqu'ils sont le fait d'entreprises non dominantes. Elle ne saurait, en revanche, priver les entreprises dominantes de l'immunité relative aux amendes lorsqu'elles ont pris le risque de dévoiler à la Commission des accords restrictifs de concurrence qui sont susceptibles d'être qualifiés d'abus en cas de refus d'exemption. Un tel comportement témoigne précisément du fait qu'une entreprise dominante assume la responsabilité particulière qui lui incombe. Si la Commission est éventuellement en droit de qualifier un même comportement de restriction de concurrence et d'abus de position dominante et, le cas échéant, d'infliger des amendes du fait de chacune de ces infractions, il lui appartient d'en assumer toutes les conséquences juridiques en ce qui concerne le respect de l'immunité relative aux amendes.

1461.
    Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la Commission, l'application de l'immunité relative aux amendes aux infractions à l'article 86 du traité n'aboutit nullement à avantager les entreprises détenant une position dominante collective par rapport aux entreprises détenant une position dominante individuelle. En effet, une entreprise détenant une position dominante individuelle est également susceptible de bénéficier de l'immunité relative aux amendes en ce qui concerne les infractions à l'article 86 du traité lorsque celles-ci consistent dans des accords notifiés.

1462.
    Pour ces motifs, il convient de conclure que tant le libellé de l'article 19, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement n° 4056/86 que sa finalité et son économie générale justifient que l'immunité prévue par cette disposition s'applique non seulement aux infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité, mais également aux infractions à l'article 86 du traité, lorsque l'abus résulte des accords notifiés.

1463.
    Dans ces circonstances, il convient encore d'examiner dans quelle mesure le premier abus reproché en l'espèce aux requérantes consiste dans des accords notifiés susceptibles de relever de l'immunité relative aux amendes prévue par le règlement n° 4056/86.

2. Sur l'application de l'immunité relative aux amendes au premier abus

1464.
    Il convient de rappeler qu'il ressort des considérants 551 à 558 de la décision attaquée que le premier abus résulte, s'agissant des contrats de services individuels, de leur interdiction pure et simple en 1994 et en 1995 et, lorsqu'ils ont été autorisés à partir de 1996, de l'application de certaines conditions fixées collectivement par le TACA et de la divulgation mutuelle de leurs conditions et, s'agissant des contrats de services de la conférence, de l'application de certaines conditions fixées collectivement par le TACA.

1465.
    Il résulte des termes du considérant 556 de la décision attaquée que les conditions fixées collectivement par le TACA en cause sont celles concernant l'interdiction des clauses conditionnelles, la durée des contrats de services, l'interdiction des contrats multiples et le niveau des indemnités forfaitaires.

1466.
    Il convient de rappeler qu'il a déjà été constaté ci-dessus que le premier abus n'était pas fondé en ce qu'il concerne la divulgation mutuelle de l'existence des contrats de services individuels et de leur contenu.

1467.
    Dans ces circonstances, il convient dès lors uniquement d'examiner si les autres pratiques abusives constituant le premier abus consistent dans des accords notifiés à la Commission.

1468.
    À cet égard, il y a lieu de rappeler que les règles du TACA en matière de contrats de services sont prévues à l'article 14 de l'accord TACA qui a été notifié à la Commission en vue de l'octroi d'une exemption individuelle en vertu de l'article 12 du règlement n° 4056/86.

1469.
    Or, il convient de relever que toutes les pratiques abusives en cause dans le cadre du présent moyen sont mentionnées à l'article 14 de l'accord TACA. Ainsi, le paragraphe 3, sous a), de cette disposition interdit explicitement la conclusion de contrats de services individuels, tandis que le paragraphe 2, sous a), c), d) et e), prévoit, respectivement, la durée maximale des contrats de services, l'interdiction des clauses conditionnelles, le niveau des indemnités forfaitaires et l'interdiction des contrats multiples. Par ailleurs, il doit être observé, ainsi que cela ressort du considérant 32 de la décision attaquée, que les parties au TACA ont explicitement informé la Commission, le 9 mars 1995, que la FMC leur avait imposé de modifier leur accord de façon à permettre la conclusion de contrats de services individuels en 1996 pour autant que ces contrats respectaient les conditions prévues par l'article 14 de l'accord TACA. Le 21 mars 1995, les parties au TACA ont ainsi communiqué à la Commission une version modifiée de l'article 14 de l'accord TACA notifié en 1994.

1470.
    En conséquence, il y a lieu de constater que, les pratiques abusives en matière de contrats de services en cause dans le cadre du présent moyen ayant été effectivement notifiées à la Commission en vue de l'octroi d'une exemption, elles relevaient du champ d'application de l'immunité relative aux amendes prévue par l'article 19, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement n° 4056/86.

1471.
    La notification initiale de l'accord TACA ayant eu lieu le 5 juillet 1994 et la période de l'infraction retenue par la décision attaquée couvrant, aux termes du considérant 592, «une partie de l'année 1994 et l'ensemble des années 1995 et 1996», il convient, en outre, de constater que l'ensemble des amendes infligées aux parties au TACA dans la décision attaquée du fait des pratiques abusives en cause concernent des agissements postérieurs à la notification de l'accord TACA et antérieurs à l'adoption de la décision attaquée.

1472.
    Il convient dès lors de conclure que la partie des amendes infligées en application du règlement n° 4056/86 du fait des pratiques abusives en matière de contrats de services prévues par l'article 14 de l'accord TACA était couverte par l'immunité relative aux amendes prévue par ledit règlement.

1473.
    En conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner si la décision attaquée est motivée sur ce point, le présent moyen des requérantes doit être accueilli en ce que, en infligeant des amendes du fait des pratiques en matière de contrats de services prévues par l'article 14 de l'accord TACA, la Commission a violé l'immunité relative aux amendes prévue par le règlement n° 4056/86 dont bénéficiaient les requérantes du fait de la notification de l'accord TACA. Partant, cette partie des amendes doit être annulée.

1474.
    Pour le surplus, à savoir la partie des amendes infligées en application du règlement n° 1017/68, le présent moyen des requérantes doit, pour les motifs exposés aux points 1432 à 1434 ci-dessus, être rejeté.

Sur la seconde branche relative au calcul des amendes

1475.
    Dans le cadre de la seconde branche des moyens relatifs au montant des amendes et à différents défauts de motivation sur ce point, les requérantes contestent, en premier lieu, la méthodologie retenue par la Commission pour déterminer le montant des amendes. En deuxième lieu, elles font valoir que les infractions sanctionnées par des amendes n'ont pas été commises de propos délibéré ou par négligence. En troisième lieu, elles soutiennent que la Commission a effectué une appréciation erronée de l'incidence, de la gravité et de la durée des infractions ainsi que des circonstances atténuantes. En quatrième lieu, elles invoquent certaines circonstances spécifiques individuelles qui n'auraient pas été prises en compte par la Commission. Enfin, en cinquième lieu, elles contestent le taux d'intérêt retenu par la décision attaquée en cas de paiement tardif des amendes.

A - Sur la méthodologie retenue par la Commission pour déterminer le montant des amendes

1. Arguments des parties

1476.
    Les requérantes reprochent à la Commission d'avoir, en violation des principes fondamentaux du droit communautaire, suivi une méthodologie irrationnelle et incohérente pour le calcul des amendes.

1477.
    Les requérantes soutiennent que toute amende infligée par la Commission en application des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices») doit être conforme aux principes établis par les juridictions communautaires. Selon les requérantes, il s'ensuit que, même si la nouvelle approche de la Commission est qu'une amende doit d'abord refléter la gravité de l'infraction proprement dite, indépendamment de la taille et du chiffre d'affaires de l'entreprise qui l'a commise, les principes développés par les juridictions communautaires exigent que d'autres éléments soient également pris en compte. En particulier, les requérantes estiment que le principe majeur dérivé de la jurisprudence communautaire est que, en évaluant la gravité d'une infraction, la Commission doit tenir compte de l'ensemble des éléments pertinents, à savoir le chiffre d'affaires total de l'entreprise concernée, la part de ce chiffre d'affaires réalisée sur le marché concerné par l'infraction, le profit dégagé par l'entreprise grâce aux pratiques illégales, la taille de l'entreprise et la valeur des biens ou services en cause (voir, par exemple, arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 1422 ci-dessus, points 120 et 121).

1478.
    Selon les requérantes, il résulte de cette jurisprudence, d'une part, que l'ensemble des éléments pertinents doit être pris en compte par la Commission lorsqu'elle évalue la gravité de l'infraction et fixe le niveau des amendes et, d'autre part, que le fait de ne pas tenir compte d'un ou de plusieurs facteurs signifie qu'une importance disproportionnée est accordée aux éléments qui ont été pris en compte.

1479.
    En l'espèce, les requérantes allèguent que la décision attaquée n'est pas conforme aux exigences posées par la jurisprudence pour plusieurs raisons.

1480.
    En premier lieu, les requérantes font grief à la Commission d'avoir manqué d'impartialité et d'avoir enfreint le principe de non-discrimination et d'égalité de traitement reconnu par la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T-143/89, Rec. p. II-917, point 55) en imposant des amendes aux parties sur la base de groupes artificiels et non sur la base de la dimension individuelle de chacune d'entre elles.

1481.
    Les requérantes constatent que la Commission ne fournit aucune explication ou justification en ce qui concerne la répartition des entreprises en quatre groupes ou les critères sur la base desquels ces groupes ont été définis. Les requérantes relèvent également que les groupes d'amendes repris au tableau 13 de la décision attaquée ne reflètent pas la disparité des tailles des quatre groupes de transporteurs identifiés au tableau 12 de ladite décision. Ainsi, les petits transporteurs, dont le chiffre d'affaires mondial relatif au transport de fret par conteneur n'est que de 6 à 12 % du chiffre d'affaires le plus élevé, se voient tous imposer une amende d'un montant représentant 25 % de l'amende imposée au requérant soumis à l'amende la plus élevée. Les requérantes constatent que le niveau des amendes individuelles a été différencié uniquement sur la base du chiffre d'affaires mondial et uniquement dans la mesure où la Commission a réparti les requérantes en quatre groupes sur la base de leur chiffre d'affaires mondial. En conséquence, la taille des requérantes n'aurait eu que peu d'incidence sur le calcul des amendes. Selon les requérantes, si la taille des requérantes avait été prise en compte aux fins de la détermination des amendes, celles-ci auraient été moins élevées.

1482.
    Dans ce cadre, DSR-Senator relève, quant à elle, que l'amende qui lui est infligée atteint la moitié de celle qui est imposée aux grands transporteurs relevant du premier groupe, alors que son chiffre d'affaires mondial relatif au transport de fret par conteneur représente environ le quart de celui des grands transporteurs.

1483.
    De même, la requérante dans l'affaire T-212/98 fait observer que, alors que la taille moyenne des entreprises de la catégorie des «transporteurs petits à moyens» dans laquelle elle a été placée représente moins d'un quart de celle des plus grands transporteurs membres du TACA, elle se voit infliger une amende atteignant la moitié de celle infligée aux grands transporteurs membres du TACA. Par ailleurs, elle fait observer que, malgré le fait qu'elle avait en 1996 le chiffre d'affaires le plus bas des parties au TACA sur le trafic transatlantique, l'amende qui lui est infligée est le double de celle imposée à trois autres requérantes qui ont pourtant réalisé un chiffre d'affaires transatlantique de 400 % supérieur au sien et la même que celle imposée à trois requérantes, bien que celles-ci aient réalisé un chiffre d'affaires transatlantique d'au moins 800 % supérieur au sien.

1484.
    Quant à la requérante dans l'affaire T-213/98, elle allègue que l'amende infligée enfreint le principe d'égalité de traitement en ce qu'elle s'est vu imposer la deuxième amende la plus importante, alors que son chiffre d'affaires sur le marché en cause constitue le deuxième plus petit chiffre d'affaires. En conséquence, elle souligne que, en dépit d'une part de marché moyenne de 0,7 % sur le marché en cause au cours de la période de 1994 à 1996, le montant de l'amende qui lui a été infligée représente 7,76 % du montant total de l'amende infligée à l'ensemble de la conférence.

1485.
    Enfin, les requérantes dans l'affaire T-214/98 soutiennent que la Commission a violé le principe d'égalité de traitement en n'appréciant pas la situation individuelle de chacune des requérantes sur le marché en cause.

1486.
    En deuxième lieu, les requérantes font valoir que la Commission n'a pas examiné individuellement la situation de chacune d'entre elles pour déterminer le montant des amendes (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 1422 ci-dessus, points 129 à 134).

1487.
    Les requérantes estiment que cette allégation est démontrée par le fait que la Commission a réparti les requérantes, de manière arbitraire et sans la moindre explication, en quatre groupes et a imposé des amendes aux groupes plutôt qu'aux entreprises individuelles qui les composent. Par ailleurs, les requérantes relèvent que la Commission n'a tenu compte d'aucun autre élément, tel que par exemple le chiffre d'affaires sur le trafic en cause ou le bénéfice retiré de l'infraction.

1488.
    À cet égard, la requérante dans l'affaire T-213/98 fait valoir que la Commission n'a pas effectué une appréciation individuelle de sa situation alors qu'elle est la partie au TACA dont la position est la plus faible (à une exception près) sur le trafic transatlantique. Ainsi, la requérante souligne qu'elle se voit imposer une amende équivalant à 98 % de son chiffre d'affaires de 1996 sur le trafic transatlantique.

1489.
    En troisième lieu, les requérantes reprochent à la Commission d'avoir calculé le montant des amendes sur la base du chiffre d'affaires total au niveau mondial afférent aux services de transport ayant pour objet le transport de fret par conteneur sans tenir compte du chiffre d'affaires réalisé sur le marché en cause.

1490.
    Les requérantes estiment que la Commission aurait dû, conformément à la jurisprudence (arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 1422 ci-dessus, points 120 et 121; du 12 novembre 1985, Krupp/Commission, 183/83, Rec. p. 3609, point 37; arrêts du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission, T-77/92, Rec. p. II-549, point 94, et du 8 octobre 1996, CEWAL, cité au point 568 ci-dessus, point 233; conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, Rec. p. 1914, 1950), tenir compte du chiffre d'affaires des parties relatif aux services fournis sur le marché auquel se rapporte l'infraction, à savoir celui des services de transport transatlantique ainsi que de la proportion représentée par ce chiffre d'affaires dans le chiffre d'affaires mondial afférent au transport de fret par conteneur. Les requérantes relèvent d'ailleurs que, au considérant 588 de la décision attaquée, la Commission considère que le chiffre d'affaires afférent au trafic transatlantique est pertinent pour apprécier l'incidence des infractions.

1491.
    Les requérantes soulignent que, pour nombre d'entre elles, le chiffre d'affaires afférent aux services transatlantiques représente une faible proportion de leur chiffre d'affaires mondial. Le montant des amendes serait ainsi manifestement disproportionné comparé aux chiffres d'affaires réalisés sur le trafic transatlantique. Les requérantes relèvent que l'avocat général M. Fennelly (conclusions sous l'arrêt de la Cour du 16 mars 2000, CEWAL, citées au point 638 ci-dessus) a reconnu qu'une infraction commise par une entreprise dans un petit secteur seulement de ses activités sera habituellement moins grave qu'une infraction commise par rapport à l'ensemble de ses activités. Selon les requérantes, cette disproportion est encore accentuée en l'espèce par le fait que seulement 60 % (ou moins) de leur chiffre d'affaires sur le trafic transatlantique provient des contrats de services qui sont l'objet du premier abus et partiellement du second abus.

1492.
    Il s'ensuit, selon les requérantes, que la Commission n'a pas apprécié correctement la «gravité de l'infraction» (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 1422 ci-dessus, point 120) et que l'amende est le «résultat d'un simple calcul basé sur le chiffre d'affaires global» (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 1422 ci-dessus, point 121).

1493.
    En quatrième lieu, les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte de tous les facteurs pertinents pour l'appréciation de la gravité de l'infraction aux fins de la détermination des amendes (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 1422 ci-dessus, point 129, et arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T-229/94, Rec. p. II-1689, point 127).

1494.
    Selon les requérantes, le seul facteur pris en compte par la Commission étant le chiffre d'affaires mondial afférent au transport de fret par conteneur, il en résulte nécessairement que l'importance attachée à ce facteur est disproportionnée. Elles font valoir que, parmi les éléments pertinents à prendre en compte, auraient dû figurer la position des parties sur le marché en cause, les bénéfices éventuels tirés de la fourniture des services transatlantiques dans le cadre de contrats de services et le chiffre d'affaires afférent aux contrats de services par rapport au chiffre d'affaires global.

1495.
    En cinquième lieu, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir pris en compte les bénéfices éventuels réalisés sur le marché en cause, de sorte que les amendes sont disproportionnées.

1496.
    Les requérantes relèvent que, dans les lignes directrices (p. 5), la Commission souligne que les amendes doivent prendre en considération l'«avantage économique ou financier éventuellement acquis par les auteurs de l'infraction» (voir aussi le XXIe Rapport sur la politique de concurrence - 1992, point 139). Selon les requérantes, il s'ensuit que le montant des amendes ne saurait excéder celui des bénéfices tirés de l'infraction sur le marché en cause, puisque c'est sur ce marché que l'infraction a été commise. Or, en l'espèce, la Commission n'aurait pas tenu compte, pour la détermination des amendes, des résultats nets réalisés par les requérantes en 1996 sur le trafic transatlantique.

1497.
    En sixième lieu, les requérantes considèrent que la Commission ne s'est pas conformée au principe de proportionnalité. Elles renvoient à cet égard aux arguments qui précèdent.

1498.
    En septième lieu, les requérantes dans les affaires T-213/98 et T-214/98 estiment que la Commission a violé le principe de confiance légitime.

1499.
    À cet égard, la requérante dans l'affaire T-213/98 fait grief à la Commission de ne pas avoir appliqué en l'espèce les principes de calcul des amendes dégagés par la jurisprudence antérieure.

1500.
    Les requérantes dans l'affaire T-214/98 reprochent encore à la Commission de ne pas avoir suivi les lignes directrices, le montant de base de l'amende étant fixé non pour chaque entreprise en cause, mais pour chaque groupe d'entreprises, de sorte qu'il n'y a plus aucun lien entre le montant de base de l'amende et le chiffre d'affaires (total ou relatif au marché concerné) des entreprises en cause. Les requérantes constatent, par ailleurs, que la Commission conclut sur la gravité des abus constatés sans prouver leur incidence réelle sur le marché en cause. La Commission aurait également omis de prendre en compte la dimension du marché géographique affecté par les infractions alléguées.

1501.
    Les requérantes estiment que, en n'appliquant pas les critères énoncés dans les lignes directrices, la Commission a violé le principe de confiance légitime. Les requérantes estiment que les lignes directrices font naître chez les entreprises la confiance légitime que la Commission exercera son pouvoir d'appréciation pour déterminer le montant des amendes dans chaque cas particulier en tenant compte de la méthodologie et de tous les critères fixés dans les lignes directrices. Elles relèvent à cet égard que les lignes directrices elles-mêmes indiquent que les principes qu'elles posent «devraient permettre d'assurer la transparence et le caractère objectif des décisions de la Commission tant à l'égard des entreprises qu'à l'égard de la Cour de justice» et annoncent que «la nouvelle méthodologie applicable pour le montant de l'amende obéira dorénavant au schéma [qu'elles précisent]». En tout état de cause, la Commission ne pourrait pas modifier une mesure d'application générale telles les lignes directrices par une décision individuelle (arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313/90, Rec. p. I-1125, points 44 et 45).

1502.
    En huitième lieu, les requérantes soutiennent que la décision attaquée ne contient pas d'explication au sujet du calcul des amendes. Les requérantes considèrent que la méthodologie adoptée par la Commission enfreint le principe de transparence en violation de l'article 190 du traité et de la jurisprudence (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, cité au point 498 ci-dessus, point 142; Société métallurgique de Normandie/Commission, T-147/89, Rec. p. II-1057, et Société des treillis et panneaux soudés/Commission, T-151/89, Rec. p. II-1191; du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T-327/94, Rec. p. II-1373, point 206).

1503.
    À cet égard, les requérantes relèvent que la décision attaquée n'explique ni les raisons pour lesquelles la Commission les a réparties en quatre catégories (tableau 12 de la décision attaquée), ni les critères retenus par la Commission pour effectuer cette répartition. La décision attaquée n'expliquerait ainsi ni le rapport entre le tableau 12 et le tableau 13 (qui fixe le montant des amendes infligées) ni la manière selon laquelle les chiffres du tableau 13 ont été calculés. Par ailleurs, les requérantes estiment que, en fixant les amendes à un montant qui représente une part aussi importante du chiffre d'affaires afférent au trafic en cause, la Commission se départit de sa pratique antérieure [décision 94/815/CE de la Commission, du 30 novembre 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (Affaire IV/33.126 et 33.322 - Ciment) (JO L 343, p. 1) et décision 98/273/CE de la Commission, du 28 janvier 1998, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.733 - VW) (JO L 124, p. 60)], sans motiver à suffisance de droit ce changement, contrairement aux exigences posées par l'arrêt Papiers Peints/Commission, cité au point 1391 ci-dessus.

1504.
    Par ailleurs, la requérante dans l'affaire T-212/98 avance, quant à elle, que la Commission n'explique pas, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles, d'une part, elle lui impose une amende équivalant au double de sa taille relative et, d'autre part, elle se réfère uniquement à son chiffre d'affaires mondial, contrairement à sa pratique en la matière (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 1422 ci-dessus, point 129, et arrêt Deutsche Bahn/Commission, cité au point 1493 ci-dessus, point 127). La Commission ne préciserait ainsi nulle part pourquoi elle a choisi de ne pas tenir compte d'autres facteurs tels que sa situation sur le marché, ses bénéfices et sa situation de nouvel entrant sur le trafic et de nouveau membre du TACA. De surcroît, s'agissant du rôle joué par les requérantes dans les infractions alléguées, la requérante fait observer que la Commission n'établit pas que les membres du TACA ont agi de concert pour inciter les tiers à adhérer au TACA et elle ne montre pas non plus qu'elle-même a contribué à ces incitations. Or, dans ses conclusions sous l'arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, citées au point 1422 ci-dessus, l'avocat général aurait observé qu'«une infraction commise par une entreprise dans un petit secteur de ses activités seulement est, dans les circonstances ordinaires, moins grave qu'une infraction commise dans l'ensemble de ses activités».

1505.
    La requérante constate que ce n'est que dans son mémoire en défense que la Commission expose, en termes généraux, les raisons pour lesquelles elle a choisi de calculer le niveau des amendes par référence au chiffre d'affaires mondial. Elle n'expliquerait toutefois pas pourquoi cette méthode est justifiée à son égard bien qu'elle conduise à lui infliger une amende disproportionnée, même lorsqu'elle est comparée aux autres requérantes sur le critère de leur seul chiffre d'affaires mondial. Or, dans l'arrêt du 20 avril 1999, PVC II, cité au point 191 ci-dessus, le Tribunal aurait réduit les amendes au motif que la Commission a surestimé la part de marché des entreprises concernées sur le marché en cause lorsqu'elle a réparti l'amende totale entre elles.

1506.
    Enfin, les requérantes dans l'affaire T-214/98 allèguent pour leur part que la décision attaquée n'explique pas, contrairement aux exigences de la jurisprudence (arrêts du Tribunal Tréfilunion/Commission, cité au point 498 ci-dessus, point 142, et du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T-352/94, Rec. p. II-1989, point 278), comment le montant des amendes a été calculé, de sorte que les requérantes ne sont pas en mesure de vérifier si la Commission a correctement mis en oeuvre sa méthodologie. En particulier, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir exposé dans la décision attaquée le critère utilisé pour répartir les parties au TACA en quatre groupes.

1507.
    La Commission estime qu'aucun de ces moyens n'est fondé.

2. Appréciation du Tribunal

1508.
    Par les présents moyens et griefs, les requérantes reprochent, en substance, à la Commission d'avoir réparti les parties au TACA en quatre groupes pour déterminer le montant des amendes. À cet égard, elles font valoir des arguments de trois ordres. Les premiers ont trait à l'absence d'appréciation individuelle et à la violation du principe de proportionnalité ainsi qu'à des défauts de motivation sur ce point. Les deuxièmes ont trait à la violation du principe d'égalité de traitement et à des défauts de motivation sur ce point. Enfin, les troisièmes ont trait à la violation du principe de confiance légitime ainsi qu'à des défauts de motivation sur ce point.

1509.
    Il est constant que les amendes infligées en l'espèce ont été déterminées par la Commission sur la base de la méthode définie dans les lignes directrices.

1510.
    Il convient de relever que, au considérant 595 de la décision attaquée, la Commission a considéré, après avoir déterminé aux considérants 591 à 594 la gravité des infractions telle qu'elle résulte de leur nature propre, que, pour tenir compte de la capacité effective des entreprises concernées à causer un dommage important et de la nécessité de faire en sorte que le montant de l'amende ait un caractère suffisamment dissuasif, il convenait, eu égard aux différences de taille considérables existant entre les parties au TACA, d'infliger des amendes plus élevées aux plus grandes d'entre elles.

1511.
    À cette fin, la Commission a divisé les parties au TACA en quatre groupes en fonction de leur taille relative par rapport à Maersk, la plus importante des parties au TACA. Il ressort du considérant 596 de la décision attaquée que la taille relative de chacune des parties au TACA a été déterminée sur la base de leur chiffre d'affaires relatif à 1996 afférent au transport maritime de fret par conteneur réalisé à l'échelle mondiale, la Commission ayant estimé que ce chiffre d'affaires permettait d'apprécier les ressources et l'importance réelle des entreprises concernées.

1512.
    Le tableau 12 sous le considérant 596 de la décision attaquée indique les quatre groupes ainsi constitués et la taille relative de chacune des parties au TACA en 1996 par rapport à Maersk. Il ressort de ce tableau que les quatre groupes et la taille relative des parties au TACA qui les composent sont établis de la manière suivante: les «grands transporteurs» [Maersk (1,00) et Sea-Land (0,89)], les «transporteurs moyens à grands» [P & O (0,50), OOCL (0,44), NYK (0,41), Nedlloyd (0,39), Hanjin (0,33), Hapag Lloyd (0,32) et Hyundai (0,31)], les «transporteurs petits à moyens» [DSR-Senator (0,24), NOL (0,22), MSC (0,21) et Cho Yang (0,18)] et les «petits transporteurs» [TMM-Tecomar (0,12), ACL (0,06) et POL (0,06)].

1513.
    Le tableau 13 sous le considérant 598 de la décision attaquée présente le calcul du niveau des amendes pour chacun de ces groupes, compte tenu de la nature des infractions et de leur durée. Ces montants s'élèvent, respectivement, à 27,50 millions d'écus pour les «grands transporteurs», à 20,63 millions d'écus pour les «transporteurs moyens à grands» (sauf pour Hyundai dont l'amende est réduite en raison de la durée de sa participation à 18,56 millions d'écus), à 13,75 millions d'écus pour les «transporteurs petits à moyens» et à 6,88 millions d'écus pour les «petits transporteurs».

1514.
    Il convient d'examiner si, comme les requérantes l'allèguent, cette méthode de détermination du montant des amendes est contraire à une exigence d'appréciation individuelle et enfreint les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que le principe de confiance légitime.

a) Sur l'exigence d'une appréciation individuelle

1515.
    Les requérantes font d'abord grief à la Commission de ne pas avoir examiné individuellement la situation de chacune d'entre elles pour déterminer le montant des amendes. Ensuite, elles font grief à la Commission de ce que la répartition des parties au TACA en quatre groupes a conduit, en l'espèce, à ne tenir compte, pour le calcul du montant des amendes, que du seul chiffre d'affaires mondial afférent au transport maritime de fret par conteneur et à exclure d'autres critères pertinents pour apprécier la gravité de l'infraction, en particulier le chiffre d'affaires sur le marché en cause, la proportion de ce chiffre d'affaires dans le chiffre d'affaires mondial, les bénéfices réalisés sur le marché en cause et l'incidence réelle des infractions sur le marché en cause. Elles invoquent également différents défauts de motivation sur ces points.

1516.
    Par leur premier grief, les requérantes contestent ainsi la forfaitisation du montant de base des amendes pour chaque groupe d'entreprises, telle qu'elle résulte du tableau 13 sous le considérant 596 de la décision attaquée. C'est en effet cette forfaitisation qui a conduit la Commission à ignorer, au sein de chaque groupe, les différences pouvant exister entre chaque entreprise appartenant à un même groupe.

1517.
    En ce qui concerne le bien-fondé de la décision attaquée sur ce point, il ressort du considérant 595 que, pour déterminer la gravité des infractions, la Commission a, eu égard aux différences de taille considérables existant entre les parties au TACA, divisé ces dernières en quatre groupes afin d'infliger des amendes plus élevées aux plus grandes d'entre elles.

1518.
    Il convient de rappeler que le Tribunal a déjà jugé, dans son arrêt CMA CGM e.a./Commission, cité au point 427 ci-dessus, point 384, que la répartition par groupes en fonction de la taille des entreprises concernées n'excédait pas le pouvoir dont la Commission dispose pour la fixation des amendes, dès lors que, en assurant que les entreprises relevant des groupes d'entreprises de plus grande taille se voient infliger des amendes d'un montant supérieur à celui des amendes infligées aux entreprises relevant des groupes d'entreprises de plus petite taille, ladite répartition contribue à l'objectif poursuivi consistant à sanctionner plus sévèrement les grandes entreprises.

1519.
    À cet égard, le Tribunal a, notamment, souligné que la Commission n'était pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes en fonction de la gravité de l'infraction, d'assurer, au cas où des amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finaux des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d'affaires global (arrêt CMA CGM e.a./Commission, cité au point 427 ci-dessus, point 385).

1520.
    En conséquence, il y a lieu de considérer que la Commission n'a pas commis d'erreur de fait ou de droit en procédant, au stade de la détermination de la gravité de l'infraction, à la répartition des requérantes en groupes (arrêt CMA CGM e.a./Commission, cité au point 427 ci-dessus, point 386).

1521.
    En ce qui concerne l'obligation de motivation sur ce point, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les exigences de formalité substantielle que constitue l'obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C-291/98 P, Rec. p. I-9991, point 73).

1522.
    Or, en l'espèce, il ressort à suffisance de droit du considérant 595 de la décision attaquée, d'une part, que pour tenir compte de la capacité effective des entreprises concernées à créer un dommage important et de la nécessité de faire en sorte que le montant de l'amende ait un caractère suffisamment dissuasif, la gravité telle qu'elle résulte de la nature de l'infraction a été modulée en fonction de la taille des entreprises en cause et, d'autre part, que pour infliger des amendes plus élevées aux grandes entreprises, la Commission a divisé les parties au TACA en quatre groupes. Dès lors que la forfaitisation des amendes résulte de cette division, il convient d'admettre que la décision attaquée est suffisamment motivée sur ce point.

1523.
    Partant, les griefs des requérantes sur ce point doivent être rejetés.

1524.
    Par les seconds griefs, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir individualisé le calcul des amendes en tenant compte d'autres critères que celui du chiffre d'affaires. À cet égard, elles reprochent, en particulier, à la Commission de ne pas avoir tenu compte de leur chiffre d'affaires sur le marché en cause ou de leur part de marché sur celui-ci.

1525.
    En ce qui concerne le bien-fondé de la décision sur ce point, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54). Selon une jurisprudence constante, parmi les éléments d'appréciation de la gravité d'une infraction, peuvent, selon le cas, figurer le volume et la valeur des produits faisant l'objet de l'infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l'entreprise (arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 1422 ci-dessus, point 120, et du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, point 52).

1526.
    En l'espèce, il ressort du considérant 598 de la décision attaquée que les montants de base des amendes fixés au tableau 13 ont été déterminés en fonction de la nature des infractions et de leur durée pour chacun des quatre groupes mentionnés au tableau 12 sous le considérant 596. Or, il ressort de ce dernier considérant que cette division en quatre groupes a été effectuée par la Commission sur la base de la taille relative de chacune des parties au TACA par rapport à Maersk, telle qu'elle résulte de leur chiffre d'affaires afférent au transport maritime de fret par conteneur au niveau mondial. Dès lors, il convient de constater que les montants de base repris au tableau 13 résultent indirectement de la prise en compte du chiffre d'affaires des requérantes.

1527.
    Le Tribunal a déjà jugé qu'une telle méthode, dans laquelle le chiffre d'affaires des entreprises en cause est utilisé non pas pour calculer directement le montant de l'amende comme une proportion de ce chiffre d'affaires, mais pour moduler, au stade de la détermination de la gravité de l'infraction, un montant de base défini en fonction de la nature de l'infraction et de sa durée en vue de tenir compte de la différence de taille entre les entreprises concernées, était conforme au cadre juridique des sanctions tel que défini par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et les dispositions équivalentes des règlements n° 1017/68 et n° 4056/86 (arrêt CMA CGM e.a./Commission, cité au point 427 ci-dessus, points 395 et 397).

1528.
    À cet égard, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission est en droit, pour déterminer la taille des entreprises concernées, de se référer à leur chiffre d'affaires global plutôt qu'à leur chiffre d'affaires sur le ou les marché(s) en cause. Il a en effet déjà été jugé que le chiffre d'affaires global de l'entreprise concernée constituait une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de sa taille et de sa puissance économique (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 1422 ci-dessus, point 121). Ainsi, dans le domaine des transports maritimes, le Tribunal a déjà admis que, en retenant, aux fins de la détermination du montant des amendes, le chiffre d'affaires global de l'entreprise en cause pour le transport maritime de fret par conteneur, la Commission n'avait pas enfreint l'article 19 du règlement n° 4056/86 (arrêts du 8 octobre 1996, CEWAL, cité au point 568 ci-dessus, point 233, et CMA CGM e.a./Commission, cité au point 427 ci-dessus, point 399).

1529.
    Par ailleurs, c'est à tort que les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû tenir compte du fait que seulement 60 % du chiffre d'affaires des parties au TACA sur le trafic en cause provient des contrats de services qui font l'objet du premier abus. En effet, le chiffre d'affaires afférent aux seuls contrats de services n'est pas de nature à refléter la capacité effective des parties au TACA à créer un dommage, un tel chiffre d'affaires ne tenant pas compte de leurs ressources et de leur importance réelle. Dans la mesure où, pour fixer le montant des amendes en l'espèce, la Commission a précisément entendu tenir compte de la capacité réelle des entreprises concernées à causer un dommage, elle était donc en droit de ne pas déterminer la taille des parties au TACA sur la base de leur seul chiffre d'affaires afférent aux contrats de services.

1530.
    Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette méthode n'a pas conduit la Commission à fixer le montant de l'amende sur la base d'un calcul fondé sur le seul chiffre d'affaires global sans tenir compte des circonstances individuelles propres à chacune des requérantes. En effet, il ressort de la décision attaquée, ainsi que des lignes directrices dont les principes sont appliqués dans celle-ci, que, si la gravité de l'infraction est, dans un premier temps, appréciée en fonction des éléments propres à l'infraction tels que sa nature et son impact sur le marché, dans un second temps, cette appréciation est modulée en fonction de circonstances propres à l'entreprise, ce qui amène la Commission à prendre en considération, outre la taille et les capacités de l'entreprise, non seulement les éventuelles circonstances aggravantes, mais également, le cas échéant, les circonstances atténuantes (arrêts du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission, T-202/98, T-204/98 et T-207/98, Rec. p. II-2035, point 109, et CMA CGM e.a./Commission, cité au point 427 ci-dessus, point 401).

1531.
    Dans ces conditions, la Commission était en droit, aux fins de la détermination du montant des amendes, tel qu'il résulte de la gravité de l'infraction, de ne pas tenir compte des circonstances individuelles propres à chacune des requérantes autres que celle résultant de leur chiffre d'affaires global afférent au transport maritime de fret par conteneur.

1532.
    En ce qui concerne le respect de l'obligation de motivation sur ce point, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les exigences de formalité substantielle que constitue l'obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction (arrêt du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, cité au point 1521 ci-dessus, point 73). Par ailleurs, la portée de l'obligation de motivation doit être déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO e.a./Commission, citée au point 1525 ci-dessus, point 54, et arrêt LR AF 1998/Commission, cité au point 334 ci-dessus, point 378).

1533.
    Or, à cet égard, il suffit de constater que, en l'espèce, il ressort à suffisance de droit de la décision attaquée, en particulier de ses considérants 591 à 596, que la gravité des infractions a été déterminée en fonction de leur nature propre et modulée selon la taille relative des parties au TACA, exprimée par leur chiffre d'affaires mondial afférent au transport maritime de fret par conteneur, afin de tenir compte des différences de taille considérables existant entre lesdites parties, en vue d'infliger des amendes plus élevées aux plus grandes d'entre elles.

1534.
    Dès lors que la décision indique à suffisance de droit les éléments d'appréciation sur lesquels elle se fonde pour déterminer la gravité des infractions et que la liste des critères pertinents pour la détermination de la gravité des infractions n'est pas contraignante pour la Commission, il ne saurait lui être reproché de ne pas indiquer les raisons pour lesquelles elle ne retient pas d'autres éléments.

1535.
    Quant à la circonstance alléguée selon laquelle, en fixant des amendes représentant une part importante du chiffre d'affaires sur le marché en cause, la Commission a modifié sa pratique en matière de fixation d'amende, il suffit de constater que ce grief revient à contester que la Commission puisse utiliser le chiffre d'affaires des entreprises en cause non directement pour déterminer le montant de l'amende, mais indirectement pour moduler la gravité de l'infraction telle qu'elle résulte de sa nature afin de tenir compte de la disparité dans la taille des entreprises en cause. Or, la motivation sur ce point figure au considérant 595 de la décision attaquée ainsi qu'au point 1 A des lignes directrices auxquelles la Commission est, en principe, tenue de se conformer depuis leur publication (arrêt LR AF 1998/Commission, cité au point 334 ci-dessus, point 390).

1536.
    De même, quant au fait que la Commission, en se référant au chiffre d'affaires mondial, aurait modifié sa pratique, il suffit de constater que la Commission indique, au considérant 598 de la décision attaquée, les raisons de ce choix, à savoir le fait que ce chiffre d'affaires permet de tenir compte des ressources et de l'importance réelle des entreprises concernées. Certes, comme le relève, notamment, la requérante dans l'affaire T-212/98, cette méthode peut entraîner une amende proportionnellement plus élevée pour certaines requérantes. Toutefois, la Commission n'est pas tenue d'expliciter les raisons pour lesquelles elle applique cette méthode à chacune des requérantes. En effet, dès lors que la Commission a expliqué, dans sa décision, les raisons pour lesquelles elle a pris en compte le chiffre d'affaires mondial, elle a fourni à chacune des requérantes toutes les données nécessaires permettant à ces dernières de savoir si la décision est bien fondée également à leur égard ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité.

1537.
    À cet égard, il doit être relevé que l'analogie effectuée par la requérante dans l'affaire T-212/98 avec l'arrêt du 20 avril 1999, PVC II, cité au point 191 ci-dessus, est erronée. Certes, dans cet arrêt, le Tribunal a réduit l'amende infligée à certains producteurs de PVC au motif que la Commission avait apprécié erronément leur part de marché dans le domaine du PVC. Toutefois, dans sa décision, la Commission avait réparti l'amende globale entre les entreprises sur la base du critère de l'importance de chacune d'entre elles sur le marché du PVC, celle-ci étant quantifiée au vu de leur part de marché moyenne entre 1980 et 1984 sur ledit marché (point 1191). En revanche, en l'espèce, la Commission n'a pas fixé le montant des amendes en tenant compte de la part de marché des entreprises en cause. L'analogie avec l'arrêt PVC II du Tribunal est dès lors dépourvue de fondement.

1538.
    En conséquence, il convient de conclure que la décision attaquée indique à suffisance de droit les critères retenus pour déterminer la gravité des infractions. Partant, le grief tiré d'un défaut de motivation sur ce point doit être rejeté.

1539.
    Il résulte de ce qui précède que les griefs tirés de l'absence d'appréciation individuelle et de défauts de motivation sur ce point doivent être rejetés dans leur intégralité.

b) Sur les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité

1540.
    Les requérantes reprochent à la Commission d'avoir réparti les parties au TACA en quatre groupes de manière artificielle, sans aucune explication quant au critère utilisé à cette fin. À cet égard, elles contestent tant la délimitation des quatre groupes que les montants de base appliqués à chacun de ces groupes.

1541.
    En ce qui concerne, en premier lieu, la délimitation des quatre groupes, il doit être rappelé, s'agissant du bien-fondé de la décision attaquée sur ce point, que le Tribunal a jugé, dans l'arrêt CMA CGM e.a./Commission, cité au point 427 ci-dessus, points 416 à 418, que la Commission est en droit de répartir les entreprises concernées en groupes aux fins de la détermination du montant des amendes, pour autant toutefois que cette répartition soit cohérente et objectivement justifiée.

1542.
    Ainsi, si le Tribunal a estimé, dans cet arrêt, que la répartition en quatre groupes était viciée sur le fond, c'est uniquement dans la mesure où la cohérence de ladite répartition ne ressortait ni de sa décision - la logique sous-tendant la répartition n'apparaissant pas de l'examen de celle-ci et la décision n'exposant pas les critères utilisés à cette fin - ni des explications ultérieures fournies par la Commission, lesdites explications ne permettant pas de justifier la répartition effectuée dans la décision.

1543.
    En l'espèce, il doit, en revanche, être constaté que la cohérence de la répartition en quatre groupes effectuée au tableau 12 sous le considérant 596 de la décision attaquée ressort clairement dudit tableau. En effet, l'examen de ce tableau fait apparaître que les seuils de délimitation de chacun des groupes ont été fixés à partir de la taille de la plus grande des parties au TACA par réductions successives de moitié de la taille de celle-ci, à savoir 50, 25 et 12,5 % de la taille de Maersk.

1544.
    Force est d'admettre qu'une telle délimitation constitue l'une des méthodes permettant de répartir les entreprises concernées en groupes de manière cohérente et objectivement justifiée. Les requérantes n'ont d'ailleurs avancé aucun élément de nature à mettre en cause la cohérence d'une répartition effectuée selon cette méthode.

1545.
    À cet égard, il convient de souligner que, contrairement à ce que les requérantes ont soutenu à l'audience, le Tribunal, dans l'arrêt CMA CGM e.a./Commission, cité au point 427 ci-dessus, points 420 à 422, n'a nullement énoncé le principe selon lequel la Commission est tenue, lorsqu'elle répartit les entreprises concernées en groupes aux fins de la détermination du montant des amendes, de fixer les limites de chacun des groupes là où se présentent les écarts relatifs de taille les plus élevés, mais il a uniquement constaté que, dans l'affaire en cause, la Commission ne pouvait soutenir, ainsi qu'elle l'avait fait dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, que la délimitation des groupes avait été effectuée selon cette méthode, puisque les écarts relatifs de taille délimitant les groupes retenus dans la décision n'étaient pas les plus élevés parmi ceux constatés entre les entreprises en cause. La Commission n'ayant pas été en mesure de justifier le choix des seuils de délimitation des quatre groupes retenus dans la décision, le Tribunal a dès lors considéré que ladite répartition était contraire au principe d'égalité de traitement.

1546.
    Dans ce cadre, il doit d'ailleurs être rappelé que, dans l'arrêt IAZ e.a./Commission, cité au point 1525 ci-dessus, point 53, la Cour a admis la licéité d'une méthode de calcul selon laquelle la Commission avait d'abord déterminé le montant total des amendes à infliger pour répartir ensuite ce montant total entre les entreprises concernées en classant celles-ci en trois groupes selon l'importance de leur activité déterminée en fonction du nombre des labels de conformités commandés à l'association en cause, à savoir moins de 10 000 labels, de 10 000 à 50 000 labels et plus de 50 000 labels.

1547.
    En conséquence, c'est à tort que les requérantes ont soutenu à l'audience que la solution dégagée par le Tribunal dans l'arrêt CMA CGM e.a./Commission, cité au point 427 ci-dessus, devait également conduire à constater que la répartition en groupes effectuée en l'espèce était viciée de la même manière.

1548.
    Quant au respect de l'obligation de motivation, il suffit de constater que, la logique sous-tendant la répartition effectuée en l'espèce ressortant clairement du tableau 12 sous le considérant 596 de la décision attaquée, les requérantes étaient en mesure, sur cette seule base, de savoir si la décision était fondée ou éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, tandis que le Tribunal est en mesure, sur cette même base, d'exercer son contrôle de légalité (arrêt Van Megen Sports/Commission, cité au point 548 ci-dessus, point 51).

1549.
    En conséquence, il convient de constater que la délimitation en quatre groupes effectuée en l'espèce n'enfreint pas le principe d'égalité de traitement et de proportionnalité et qu'elle est suffisamment motivée.

1550.
    En ce qui concerne, en second lieu, les montants de base des amendes appliqués à chacun des groupes, il ressort du tableau 13 sous le considérant 598 de la décision attaquée que les montants de base appliqués à chaque groupe en fonction de la gravité et de la durée des infractions ont été fixés par réductions successives de 25 % du montant de base appliqué à l'entreprise la plus grande.

1551.
    S'agissant du bien-fondé de la décision attaquée sur ce point, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà jugé, dans l'arrêt CMA CGM e.a./Commission, cité au point 427 ci-dessus, point 431, que la méthode consistant à fixer les montants de base des amendes par réductions successives de 25 % du montant de base appliqué à l'entreprise la plus grande n'excédait pas la marge d'appréciation dont dispose la Commission pour la fixation des amendes. En effet, dès lors que la Commission a déterminé quatre groupes en fonction de la taille relative des requérantes, les réductions successives, par tranche de 25 %, du montant de base appliqué au groupe du requérant ayant la plus grande taille peuvent être considérées comme une méthode cohérente de nature à être objectivement justifiée.

1552.
    Quant à la circonstance alléguée selon laquelle, dans un tel système, un montant de base identique est appliqué, au sein de chaque groupe, à des entreprises de tailles différentes, il convient d'observer que cette circonstance est inhérente à tout système de répartition en groupes. Or, il a déjà été constaté au point 1520 ci-dessus que ladite répartition correspond à une appréciation correcte de la gravité de l'infraction.

1553.
    Dès lors, même si, en raison de la répartition en groupes, certaines requérantes se voient appliquer un montant de base identique alors qu'elles ont des tailles différentes, il convient de conclure que ladite différence de traitement est objectivement justifiée par la prééminence accordée à la nature de l'infraction par rapport à la taille des entreprises lors de la détermination de la gravité de l'infraction (arrêt CMA CGM e.a./Commission, cité au point 427 ci-dessus, point 411).

1554.
    En conséquence, la Commission était en droit, en l'espèce, d'appliquer aux entreprises d'un même groupe un montant de base identique sans enfreindre le principe d'égalité de traitement.

1555.
    S'agissant du respect de l'obligation de motivation sur ce point, il suffit de constater que la logique sous-tendant la détermination des montants de base des amendes indiqués au tableau 13 sous le considérant 598 de la décision attaquée ressort clairement dudit tableau, et ce d'autant plus que ces montants de base des amendes constituent l'exacte traduction chiffrée de la division en quatre groupes effectuée dans la décision attaquée.

1556.
    Dans ces conditions, les requérantes étaient manifestement en mesure, sur cette seule base, de savoir si la décision était fondée ou éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, tandis que le Tribunal est en mesure, sur cette même base, d'exercer son contrôle de légalité (arrêt Van Megen Sports/Commission, cité au point 548 ci-dessus, point 51).

1557.
    Il est vrai que la décision attaquée n'expose pas la méthode ou le calcul ayant conduit la Commission à retenir, au stade de la détermination de la gravité de l'infraction, le montant de 2 millions d'euros choisi pour le groupe des «grands transporteurs» à partir duquel les autres montants ont été déterminés, pas plus que sa relation avec les groupes mentionnés au tableau 12.

1558.
    Toutefois, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les exigences de formalité substantielle que constitue l'obligation de motivation n'imposent pas à la Commission d'indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes, mais uniquement les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction (arrêt du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, cité au point 1521 ci-dessus, points 73 et 76).

1559.
    Force est de constater que ces éléments ressortent à suffisance de droit des considérants 591 à 596 de la décision attaquée.

1560.
    Ainsi, s'agissant de la gravité de l'infraction, il convient de relever que la Commission indique, au considérant 591, que, dans la mesure où le premier abus a visé à limiter la concurrence par les prix, cet abus doit être qualifié, eu égard à sa nature propre, d'infraction grave au sens des lignes directrices, lesquelles prévoient, dans un tel cas, que le montant envisageable en fonction de la gravité de l'infraction peut varier entre 1 million et 20 millions d'euros. Par ailleurs, il ressort des considérants 595 et 596 de la décision attaquée que la Commission a entendu moduler le montant déterminé sur la base de la nature de l'infraction en fonction de la taille des entreprises en cause afin de tenir compte, eu égard aux différences de taille considérables entre les parties au TACA, de la capacité effective à créer un dommage et de la nécessité de faire en sorte que le montant de l'amende ait un caractère suffisamment dissuasif.

1561.
    Dans ces circonstances, les requérantes ne sauraient, ainsi qu'elles l'ont fait à l'audience, se fonder sur l'arrêt CMA CGM e.a./Commission, cité au point 427 ci-dessus, pour faire grief à la Commission de ne pas avoir indiqué les raisons pour lesquelles elle a appliqué aux grands transporteurs un montant supérieur au minimum retenu par les lignes directrices pour les infractions graves. En effet, si, dans ce dernier arrêt, le Tribunal a constaté un défaut de motivation sur ce point, ce n'est pas parce que la Commission avait retenu un montant de base supérieur au montant minimal prévu par les lignes directrices pour les infractions graves, mais parce que, après avoir explicitement indiqué, dans sa décision, qu'«il convenait de fixer le montant de base des amendes au niveau le plus bas de l'échelle des amendes applicables aux infractions graves», la Commission avait, sans fournir la moindre explication, finalement retenu un autre montant. En l'espèce, en revanche, il doit être constaté que la Commission n'a nullement indiqué, dans la décision attaquée, qu'elle entendait retenir le montant le plus bas prévu par les lignes directrices pour les infractions graves.

1562.
    S'agissant, ensuite, de la durée de l'infraction, il convient de constater que la Commission indique, au considérant 597 de la décision attaquée, que l'infraction ayant duré de deux à trois ans, le montant des amendes déterminé en fonction de la gravité doit être augmenté de 25 %.

1563.
    En conséquence, il convient de conclure que la Commission, dans la décision attaquée, a motivé à suffisance de droit la détermination des montants de base figurant au tableau 13. Partant, les griefs des requérantes sur ce point doivent être rejetés.

1564.
    Il résulte de ce qui précède que l'ensemble des griefs des requérantes relatifs à la détermination des montants de base des amendes doit être rejeté.

c) Sur le principe de confiance légitime

1565.
    La requérante dans l'affaire T-213/98 estime que la Commission a violé le principe de confiance légitime en n'appliquant pas, en l'espèce, les principes de calcul des amendes dégagés par la pratique antérieure. Par ailleurs, la requérante dans l'affaire T-214/98 reproche à la Commission de ne pas avoir appliqué les critères énoncés dans les lignes directrices.

1566.
    En ce qui concerne, en premier lieu, le grief tiré de la non-application de la pratique antérieure de la Commission, la requérante dans l'affaire T-213/98 reproche, en substance, à la Commission d'avoir modifié sa pratique en appliquant les lignes directrices.

1567.
    À cet égard, il y a lieu d'observer que, s'agissant de la fixation des amendes sanctionnant les infractions aux règles de concurrence, la Commission exerce son pouvoir dans les limites de la marge d'appréciation qui lui est octroyée par le règlement n° 17 ainsi que par les règlements n° 1017/68 et n° 4056/86. Or, il est de jurisprudence constante que les opérateurs économiques ne sont pas fondés à placer une confiance légitime dans le maintien d'une situation existante pouvant être modifiée dans le cadre du pouvoir d'appréciation des institutions communautaires (arrêts de la Cour du 15 juillet 1982, Edeka, 245/81, Rec. p. 2745, point 27, et du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, point 33; arrêt LR AF 1998/Commission, cité au point 334 ci-dessus, point 241).

1568.
    Ainsi, il a déjà été jugé que la Commission était en droit d'élever le niveau général des amendes dans les limites fixées par le règlement n° 17, si cela était nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de concurrence (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, cité au point 1422 ci-dessus, point 109).

1569.
    En l'espèce, il est certes exact que la Commission a appliqué les lignes directrices à des faits antérieurs à leur publication. Toutefois, il a déjà été constaté ci-dessus que la méthode de fixation du montant des amendes prévue par les lignes directrices respectait le cadre légal défini par le règlement n° 17 ainsi que par les règlements n° 1017/68 et n° 4056/86.

1570.
    Il s'ensuit que la Commission n'a pas porté atteinte à la confiance légitime de la requérante en suivant la méthode définie par les lignes directrices pour fixer les amendes infligées dans la décision attaquée.

1571.
    En tout état de cause, pour autant que la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir déterminé le montant des amendes sur la base d'une appréciation individuelle des entreprises concernées et de ne pas avoir tenu compte de tous les facteurs pertinents, il suffit d'observer qu'il ressort de la jurisprudence antérieure à l'adoption des lignes directrices que les critères de nature à déterminer la gravité de l'infraction ne sont ni exhaustifs ni contraignants (ordonnance SPO e.a./Commission, citée au point 1525 ci-dessus, point 54).

1572.
    Ainsi, bien avant l'adoption des lignes directrices, le juge communautaire avait déjà constaté la licéité d'une méthode de calcul selon laquelle la Commission détermine d'abord le montant total des amendes à imposer pour répartir ensuite ce montant total entre les entreprises concernées selon leurs activités dans le secteur concerné (arrêt IAZ e.a./Commission, cité au point 1525 ci-dessus, point 53).

1573.
    Étant donné que la Commission, dans sa pratique antérieure, ne s'est pas servie exclusivement d'une méthode basée sur une appréciation individuelle des entreprises concernées en fonction de tous les critères pertinents, la requérante n'a donc légitimement pas pu s'attendre à ce qu'une telle méthode lui soit appliquée dans la décision attaquée.

1574.
    Partant, les griefs de la requérante sur ce point doivent être rejetés.

1575.
    En ce qui concerne, en second lieu, le grief tiré de la non-application des critères énoncés dans les lignes directrices, formulé par la requérante dans l'affaire T-214/98, il ressort de ce qui précède que, en déterminant le montant des amendes sur la base, d'une part, de la gravité des infractions telle qu'elle résulte de leur nature propre, modulée en fonction de la taille des entreprises en cause, et, d'autre part, de la durée des infractions, la Commission a précisément appliqué en l'espèce les critères énoncés dans les lignes directrices, ce qui, au demeurant, fait l'objet des griefs examinés ci-dessus.

1576.
    À cet égard, il convient d'ailleurs de relever que les lignes directrices prévoient explicitement la possibilité de moduler la gravité de l'infraction telle qu'elle résulte de sa nature en fonction de la taille des entreprises concernées. En effet, au point 1 A, sixième alinéa, desdites lignes directrices, la Commission expose que, pour les infractions impliquant plusieurs entreprises, il pourra convenir, dans certains cas, de pondérer le montant des amendes «afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l'impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu'il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d'une infraction de même nature». À cet égard, la Commission indique au point 1 A, septième alinéa, des lignes directrices que «le principe d'égalité de sanction pour un même comportement peut conduire, lorsque les circonstances l'exigent, à l'application de montants différenciés pour les entreprises concernées sans que cette différenciation n'obéisse à un calcul arithmétique».

1577.
    Partant, les griefs des requérantes dans les affaires T-213/98 et T-214/98 tirés de la violation du principe de confiance légitime doivent être rejetés.

d) Conclusion sur la méthodologie retenue par la Commission pour déterminer le montant des amendes

1578.
    Il résulte de tout ce qui précède que les moyens et griefs des requérantes concernant la méthode suivie en l'espèce par la Commission pour fixer le montant des amendes doivent être rejetés dans leur intégralité.

B - Sur l'appréciation des circonstances atténuantes

1. Arguments des parties

1579.
    Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir ajusté le niveau des amendes pour tenir compte de circonstances atténuantes.

1580.
    Comme première circonstance atténuante, les requérantes font valoir que, conformément à la pratique suivie dans d'autres affaires [décision 88/518/CEE de la Commission, du 18 juillet 1988, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CEE (IV/30.178 - Napier Brown - British Sugar) (JO L 284, p. 41), point 87; décision 94/985, point 159], la Commission aurait dû prendre en compte le fait que le droit communautaire n'est pas suffisamment développé à certains égards.

1581.
    Premièrement, elles invoquent le fait que les conditions de l'existence d'une position dominante collective dans le cas de conférences maritimes n'étaient pas, comme l'admet la Commission dans d'autres domaines [voir, par exemple, communication de la Commission relative à l'application des règles de concurrence aux accords d'accès dans le secteur des télécommunications (JO 1998, C 265, p. 2), point 76], clairement définies. Contrairement à sa position exposée au considérant 522 de la décision attaquée, la Commission aurait auparavant exprimé l'avis selon lequel une position dominante collective requiert l'absence de toute concurrence entre les entreprises en cause (communication précitée, points 78 et 79). Les requérantes réfutent par ailleurs qu'«elles savaient au moins depuis le 10 décembre 1993 que la Commission a considéré que les parties au TAA occupaient une position dominante» (considérant 603 de la décision attaquée). Les requérantes soulignent que cette assertion, formulée dans la communication des griefs dans l'affaire TAA, n'a pas été reprise dans la décision TAA. Elles ajoutent que les conditions de marché ont entre-temps évolué.

1582.
    Deuxièmement, les requérantes soutiennent que la présente affaire est la première affaire dans laquelle la Commission a apprécié les obligations des membres d'une conférence à l'égard de nouveaux membres, dans le cadre d'une conférence également régie par le droit américain.

1583.
    Troisièmement, les requérantes estiment que la décision attaquée constitue un premier cas d'application du droit de la concurrence aux accords de conférences maritimes en matière de contrats de services. Dès lors, même si les parties avaient connaissance depuis octobre 1994 du fait que la Commission considérait l'interdiction des contrats de services individuels comme une grave restriction de la concurrence (considérant 603 de la décision attaquée), la Commission aurait dû n'imposer aucune amende ou infliger une amende réduite [voir décision 87/1/CEE de la Commission, du 2 décembre 1986, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.128 - Fatty Acids) (JO 1987, L 3, p. 17), points 34, 35, 58 et 59]. Les requérantes soulignent que la décision TAA ne se prononce pas sur la légalité de l'interdiction des contrats de services individuels au regard des articles 85 et 86 du traité. Quant à la lettre de la Commission du 15 décembre 1994, à laquelle se réfère le considérant 604 de la décision attaquée, elle n'aurait en aucun cas averti les parties que la Commission avait l'intention d'imposer des amendes en vertu de l'article 86 du traité. Enfin, contrairement à ce qui est affirmé au considérant 601, les requérantes relèvent qu'il ressort de la lettre de leur avocat reproduite sous le considérant 153 qu'elles n'ont pas reçu de leur conseil un avis juridique selon lequel un double taux est contraire à la décision TAA lorsqu'il est demandé par le chargeur.

1584.
    Quatrièmement, les requérantes allèguent que la décision attaquée constitue le premier cas d'imposition d'une amende en vertu de l'article 86 à l'égard d'un accord notifié à la Commission. Les requérantes rappellent que M. le juge Kirschner faisant fonction d'avocat général, dans ses conclusions sous l'arrêt Tetra Pak I, citées au point 1420 ci-dessus, a conclu qu'une amende ne pouvait être imposée dans un tel cas. Elles soulignent également que, dans d'autres affaires de ce type, la Commission n'a pas imposé d'amendes [décision 76/353/CEE de la Commission, du 17 décembre 1975, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CEE (IV/26.699 - Chiquita) (JO 1976, L 95, p. 1), point 119; décision 89/113/CEE de la Commission, du 21 décembre 1988, relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité CEE (IV/30.979 et 31.394 - Decca Navigator System) (JO 1989, L 43, p. 27)].

1585.
    Cinquièmement, les requérantes réitèrent que les activités auxquelles la Commission s'oppose dans la décision attaquée sont permises ou imposées par le droit américain.

1586.
    La requérante dans l'affaire T-212/98 estime que les incertitudes sur l'état du droit communautaire et, en particulier, les imprécisions entourant la notion de position dominante collective existaient a fortiori dans son cas, étant donné qu'elle est un transporteur non communautaire ayant une faible position sur le marché communautaire. En outre, la requérante fait valoir que, contrairement à sa pratique antérieure sur la base du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil [décision de la Commission du 15 mars 1994 déclarant la compatibilité avec le marché commun d'une concentration (Affaire n° IV/M.422 - Unilever France/Ortiz Miko II)], la Commission n'a pas tenu compte en l'espèce de l'asymétrie entre les parts de marché des entreprises en cause. Elle rappelle également que, au moment de son adhésion à la conférence, l'accord TAA venait d'être modifié afin de tenir compte des exigences de la Commission. Étant donné que l'accord modifié, à savoir le TACA, avait été notifié, la requérante aurait pu légitimement s'attendre à ce que son adhésion au TACA soit considérée comme étant compatible avec l'article 86 du traité. Enfin, au vu des éléments qui précèdent, la requérante estime qu'elle était fondée à avoir comme attente légitime que la Commission ne lui impose pas d'amende.

1587.
    La requérante dans l'affaire T-213/98 conteste l'importance que la Commission semble accorder aux opinions qu'elle a exprimées au cours des procédures administratives dans les affaires TAA et TACA et auxquelles elle se réfère aux considérants 603 et 604 de la décision attaquée. Dans le cas où la Commission aurait entendu en tenir compte pour le calcul de l'amende, la requérante considère que, eu égard à l'état incertain du droit communautaire durant la période en cause, les opinions de la Commission n'auraient pas dû affecter négativement la position des parties, en particulier en ce qui concerne le montant des amendes. La requérante fait valoir que toute entreprise destinataire d'une communication des griefs a le droit, en toute bonne foi, de continuer de croire à la légalité des comportements mis en cause et à la possibilité d'obtenir l'annulation de la décision finale de la Commission.

1588.
    La requérante fait encore valoir que, en tout état de cause, la Commission aurait dû tenir compte, au titre des circonstances atténuantes, de la nouveauté des questions juridiques traitées dans la décision attaquée. La requérante souligne la nature particulière du régime de concurrence mis en place par le règlement n° 4056/86. Elle fait valoir que c'est en raison de cette nature particulière que des principes bien établis du droit de la concurrence tels que l'interdiction des accords horizontaux de fixation de prix, de partage de marché et de contrôle des capacités ne sont pas applicables au secteur des transports maritimes. Dans ce contexte, et en l'absence de jurisprudence des juridictions communautaires sur la portée de l'exemption par catégorie, la requérante estime que le montant de l'amende aurait dû prendre en compte le fait que les requérantes ont pu raisonnablement croire que leurs pratiques étaient conformes au droit de la concurrence.

1589.
    La deuxième circonstance atténuante invoquée par les requérantes concerne la coopération avec la Commission. Les requérantes soulignent d'abord qu'elles ont notifié l'accord TACA en juillet 1994 ainsi que, ultérieurement, d'autres accords en matière de coopération terrestre, à savoir l'EIEIA et le système «hub and spoke». Les requérantes estiment qu'une telle notification équivaut à informer la Commission de faits pertinents et d'infractions potentielles dont elle n'avait pas connaissance, de sorte que, par analogie avec la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4) et conformément à sa pratique antérieure [décision 89/113; décision 79/68/CEE de la Commission, du 12 décembre 1978, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/29.430 - Kawasaki) (JO 1979, L 16, p. 9); décision 96/438/CE de la Commission, du 5 juin 1996, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/34.983 - FENEX) (JO L 181, p. 28), point 89], la Commission aurait dû ne pas imposer d'amende ou réduire le montant de celle-ci. Ensuite, les requérantes font état de la longue correspondance et des réunions qui ont eu lieu au sujet des contrats de services et de la fixation des tarifs de transport terrestre. Enfin, elles font valoir que l'accord TACA constitue une modification de l'accord TAA à la suite de la décision TAA et que l'accord TACA a été modifié à diverses reprises au cours de la procédure pour tenir compte des objections de la Commission.

1590.
    La requérante dans l'affaire T-213/98 souligne que le TACA, loin de constituer un cartel secret, a toujours agi de manière ouverte et transparente en notifiant ses tarifs aux autorités américaines et en les rendant publics conformément à l'article 5 du règlement n° 4056/86. La requérante invoque également le fait que la Commission a continuellement été tenue informée des pratiques du TACA, qui ont été notifiées de manière détaillée en vue de l'octroi d'une exemption individuelle. La requérante rappelle que, dans le cadre des règlements n° 1017/68 et n° 4056/86, une telle notification n'était pas obligatoire. Enfin, la requérante fait valoir qu'elle a toujours rencontré la Commission avec un esprit ouvert et la volonté de déboucher sur une solution à la fois conforme au droit communautaire et commercialement satisfaisante.

1591.
    La troisième circonstance atténuante soulevée par les requérantes est relative aux conditions de marché difficiles et aux pertes financières subies par les parties au TACA. Les requérantes font valoir qu'elles ont subi des pertes d'environ 600 millions de USD en 1991 et en 1992 et que, à la suite de l'entrée en vigueur du TACA, certaines d'entre elles ont continué à supporter des pertes ou à enregistrer des bénéfices limités. Dans sa pratique décisionnelle [décision 83/546/CEE de la Commission, du 17 octobre 1983, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne (IV/30.064 - Cylindres en fonte et en acier moulés) (JO L 317, p. 1), points 72 et 74], la Commission aurait tenu compte de ce type de circonstances pour réduire le montant des amendes. Les requérantes soulignent par ailleurs que le législateur communautaire a reconnu l'importance des conférences maritimes pour l'industrie communautaire (voir les troisième et cinquième considérants du règlement n° 479/92).

1592.
    La requérante dans l'affaire T-212/98 invoque, quant à elle, que, en raison de sa faible position sur le marché en cause et de sa qualité de nouvel entrant, d'une part, elle n'a pas pu jouer un rôle significatif dans les infractions alléguées et, d'autre part, elle n'a pas pu commettre l'infraction de propos délibéré ou par négligence.

1593.
    La Commission expose, s'agissant, premièrement, de l'état du droit communautaire, que, en l'espèce, il n'existe aucun élément nouveau justifiant la réduction des amendes. Selon la Commission, il n'y a rien de nouveau dans l'idée que les membres d'une conférence puissent occuper une position dominante ou dans l'idée que les mesures prises dans le but concerté de fausser ou d'éliminer la concurrence potentielle puissent constituer un abus de position dominante. Selon la Commission, le fait que le TACA est également soumis aux dispositions du droit américain n'ajoute rien au débat. En ce qui concerne l'application des règles de concurrence aux contrats de services, la Commission souligne que l'abus en cause est classique, dans la mesure où il consiste à imposer des conditions commerciales non équitables aux clients et à refuser de fournir des utilisateurs en dehors des conditions de la conférence. Quant à l'absence d'immunité contre l'imposition d'amendes pour une infraction à l'article 86 du traité, la Commission fait observer qu'il ne peut être question d'un nouveau développement des règles de fond en matière d'abus de position dominante. Enfin, dans la mesure où le droit américain n'impose pas les activités infractionnelles en cause, il ne saurait constituer une circonstance de nature à justifier la réduction des amendes.

1594.
    S'agissant, deuxièmement, de la coopération avec la Commission, cette dernière estime que les requérantes ne peuvent invoquer la communication concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, précitée, puisque la présente affaire ne concerne pas un cas de dénonciation d'entente. La Commission fait observer que, tout au contraire, les requérantes ont, au cours de la procédure, contesté l'approche juridique défendue par elle ainsi que les faits.

1595.
    S'agissant, troisièmement, des conditions de marché difficiles, la Commission relève que les requérantes invoquent un climat défavorable pour une période largement antérieure aux abus en cause et à la décision attaquée.

1596.
    Dans l'affaire T-213/98, la Commission répète que les questions posées en l'espèce ne sont pas nouvelles. Elle s'oppose à l'idée que, le règlement n° 4056/86 créant, à certains égards, un régime de concurrence favorable aux compagnies maritimes, celles-ci étaient en droit de croire qu'aucune des règles du droit communautaire de la concurrence ne leur était applicable.

2. Appréciation du Tribunal

1597.
    À titre liminaire, il convient de rappeler qu'il résulte de l'examen des moyens précédents que les amendes prévues à l'article 8 du dispositif de la décision attaquée doivent être annulées en ce qu'elles ont été infligées, d'une part, du fait du second abus et, d'autre part, du fait du premier abus dans la mesure où elles concernent la divulgation mutuelle de l'existence et du contenu des contrats de services individuels et, pour les autres pratiques constituant le premier abus, à savoir les pratiques en cause en matière de contrats de services prévues par l'article 14 de l'accord TACA, dans la mesure où elles ont été infligées en application du règlement n° 4056/86.

1598.
    En conséquence, le présent moyen doit uniquement être examiné en ce qui concerne la partie des amendes qui a été infligée du fait de ces dernières pratiques en application du règlement n° 1017/68.

1599.
    À cet égard, il doit être relevé qu'il ressort du considérant 92 de la décision attaquée que les services d'acheminement terrestre sur le territoire de la Communauté relevant du règlement n° 1017/68 ont représenté une part d'environ 48 % du fret que les parties au TACA ont transporté sur le trafic transatlantique en 1995.

1600.
    Dès lors qu'il ressort du tableau 13 sous le considérant 598 de la décision attaquée que le montant des amendes retenu pour le premier abus représente environ 9 % du total des amendes infligées par la décision attaquée, il en résulte que la partie des amendes infligée en application du règlement n° 1017/68 représente environ 5 % de ce dernier montant.

1601.
    Il convient dès lors de vérifier si cette partie de l'amende demeure justifiée en dépit des circonstances atténuantes invoquées par les requérantes.

1602.
    Dans ce cadre, il convient de rappeler que, aux considérants 601 à 606 de la décision attaquée, la Commission a exclu l'existence de circonstances atténuantes au motif, d'une part, qu'aucune raison n'a été avancée justifiant que les parties au TACA soient considérées comme ayant agi en tant que suiveur plutôt qu'en tant que meneur et, d'autre part, que les parties au TACA ne pouvaient ignorer que leurs pratiques avaient pour objet de restreindre la concurrence et ne relevaient pas de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86, de même qu'elles ne pouvaient avoir de doutes quant à la possibilité de se voir infliger des amendes au titre de l'article 86 du traité en dépit de la notification des pratiques en matière de contrats de services.

1603.
    Il convient, en premier lieu, de relever que, ainsi qu'il a déjà été constaté aux points 1468 et 1469 ci-dessus, les pratiques abusives prévues par l'article 14 de l'accord TACA ont toutes été notifiées à la Commission en vue de l'octroi d'une exemption individuelle. Bien que les parties au TACA aient effectué cette notification en vertu du règlement n° 4056/86, la Commission elle-même leur a indiqué, par lettre du 15 juillet 1994, que leur demande d'exemption individuelle serait également examinée au regard du règlement n° 1017/68, certaines des activités notifiées ne relevant pas du champ d'application du règlement n° 4056/86.

1604.
    Par ailleurs, il doit être rappelé que les parties au TACA ont explicitement informé la Commission, le 9 mars 1995, que la FMC leur avait imposé de modifier leur accord de façon à permettre la conclusion de contrats de services individuels en 1996 pour autant que ces contrats respectaient les conditions prévues par l'article 14 de l'accord TACA. Le 21 mars 1995, les parties au TACA ont ainsi communiqué à la Commission une version modifiée de l'article 14 de l'accord TACA notifié en 1994.

1605.
    Force est de constater que, ce faisant, les requérantes ont dévoilé, de leur propre initiative, les pratiques qui ont été retenues par la Commission comme constituant des pratiques abusives contraires à l'article 86 du traité.

1606.
    Cela est d'autant plus vrai que ni le règlement n° 4056/86 ni le règlement n° 1017/68 ne prévoient un système de notification obligatoire pour l'octroi d'une exemption individuelle, de sorte que la notification de l'accord TACA a été effectuée par les requérantes sur une base volontaire.

1607.
    Dans ces circonstances, il convient dès lors d'admettre que la notification de l'accord TACA a permis à la Commission de constater avec moins de difficulté le caractère abusif des pratiques prévues par ledit accord en matière de contrats de services et qu'elle a ainsi contribué à faciliter la tâche de la Commission consistant à constater et à réprimer des infractions aux règles communautaires de la concurrence, ce qui, selon la jurisprudence, est une circonstance susceptible de justifier une réduction du montant des amendes (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C-297/98 P, Rec. p. I-10101, point 36, voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 septembre 2003, Volkswagen/Commission, C-338/00 P, Rec. p. I-0000, point 179).

1608.
    Or, il doit être constaté que, dans la décision attaquée, la Commission n'a pas, aux fins d'apprécier si les parties au TACA bénéficiaient de circonstances atténuantes, examiné le degré de leur coopération au cours de la procédure administrative. Ni dans ses écrits ni à l'audience la Commission n'a pourtant contesté la coopération résultant de la notification de l'accord TACA. Tout au plus, a-t-elle fait valoir, dans son mémoire en défense, que les requérantes n'ont eu de cesse, au cours de la procédure administrative, de contester les faits et l'appréciation juridique de ceux-ci, de sorte qu'aucune coopération au titre de la communication concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes ne saurait être retenue.

1609.
    Toutefois, il convient d'observer que les requérantes ne font pas valoir qu'elles n'ont pas contesté les faits ou les infractions retenus dans la décision attaquée, mais uniquement qu'elles ont permis à la Commission de constater plus aisément lesdits faits et infractions. Ce faisant, les requérantes n'invoquent nullement la communication concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes, laquelle concerne la coopération avec la Commission dans le cadre de la dénonciation de cartels secrets, ce qui n'est pas l'hypothèse du cas d'espèce, mais la coopération à laquelle la Commission doit avoir égard dans toute procédure d'application des règles communautaires de concurrence lorsque le comportement des entreprises en cause au cours de la procédure administrative lui a facilité la tâche au sens de la jurisprudence précitée. À cet égard, il doit d'ailleurs être observé que, au point 3, sixième tiret, des lignes directrices, la Commission elle-même prévoit la possibilité de réduire le montant des amendes afin de tenir compte de la «collaboration effective de l'entreprise à la procédure, en dehors du champ d'application de la communication [...] concernant la non-imposition ou la réduction du montant des amendes».

1610.
    Enfin, il doit encore être relevé qu'il est sans pertinence que les pratiques abusives en cause ont été dévoilées en vue de l'octroi d'une exemption individuelle au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité. En effet, dès lors que, par leur notification, les parties au TACA ont permis à la Commission de déceler et de prouver plus aisément les pratiques en cause constituant le premier abus, elles ont nécessairement facilité la tâche de la Commission au sens de la jurisprudence précitée.

1611.
    En deuxième lieu, il doit être observé que la décision attaquée constitue la première décision dans laquelle la Commission a apprécié directement la légalité des pratiques adoptées par les conférences maritimes en matière de contrats de services au regard des règles communautaires de concurrence.

1612.
    S'agissant, d'abord, de l'application de l'article 85 du traité, la Commission ne saurait se fonder sur le considérant 410 de la décision TAA pour faire valoir, au considérant 603 de la décision attaquée, que les requérantes «savent depuis octobre 1994 que la Commission considérait que l'interdiction des contrats de services individuels était une restriction de concurrence grave». En effet, audit considérant de la décision TAA, la Commission ne constate nullement que l'interdiction des contrats de services individuels constitue une restriction de concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, mais uniquement que l'accord de fixation des prix du transport maritime conclu par les membres du TAA ne remplit pas la première condition pour l'octroi d'une exemption individuelle prévue par l'article 85, paragraphe 3, du traité, notamment, au motif que, «en interdisant la négociation commerciale directe et individuelle entre un membre structuré de l'accord et un chargeur [...], le TAA limite les possibilités de relations de coopération directe ou de partenariat à moyen ou à long terme entre fournisseurs et clients».

1613.
    Par ailleurs, pour autant que, eu égard au renvoi effectué par le considérant 286 de la décision TAA aux considérants 13 à 15 de la même décision, celle-ci puisse être interprétée comme interdisant les règles et conditions prévues par le TAA en matière de contrats de services décrites dans ces derniers considérants, à savoir celles concernant leur durée, les quantités minimales sur lesquelles ils devaient porter et les modalités de la conclusion des contrats de services individuels, ce que la Commission n'a soutenu ni dans le cadre de la présente procédure ni au cours de la procédure ayant donné lieu à l'arrêt TAA, il devrait être constaté que, le TAA n'étant pas, selon la décision TAA, une conférence maritime, ladite décision ne saurait être considérée comme ayant déjà apprécié la légalité des règles adoptées par les conférences maritimes en matière de contrats de services. En tout état de cause, il convient de souligner que la décision TAA apprécie uniquement la légalité de deux des cinq pratiques considérées comme abusives dans la décision attaquée, alors que l'accord TAA, notifié en 1992, prévoyait également l'interdiction des clauses conditionnelles, l'interdiction des contrats multiples et le montant des indemnités forfaitaires, règles qui ont été considérées comme des pratiques abusives dans la décision.

1614.
    S'agissant, ensuite, de l'application de l'article 86 du traité, s'il est exact, ainsi que la Commission l'expose au considérant 602 de la décision attaquée, que, dans sa communication des griefs dans l'affaire TAA, elle a indiqué aux parties au TAA qu'elle envisageait d'infliger des amendes pour abus de position dominante en matière de contrats de services, il doit être observé que, dans sa décision finale, la Commission n'a constaté aucune infraction à l'article 86 du traité sur ce point. Dans ces circonstances, eu égard au caractère provisoire de la communication des griefs, les requérantes ont pu croire que la Commission avait retiré ses griefs concernant l'application de l'article 86 du traité aux pratiques en matière de contrats de services.

1615.
    En troisième lieu, il ne saurait être sérieusement contesté que le traitement juridique qu'il convenait de réserver aux pratiques des conférences maritimes sur les contrats de services ne présentait pas, en particulier en raison de leurs liens étroits avec les accords faisant l'objet de l'exemption par catégorie prévue par une réglementation tout à fait spécifique et exceptionnelle en droit de la concurrence, un caractère d'évidence et soulevait, notamment, des questions complexes sur le plan juridique (voir, par analogie, arrêt FEFC, cité au point 196 ci-dessus, point 484).

1616.
    À cet égard, il doit être souligné que, en l'espèce, ainsi que cela ressort des points 496 à 507 et 520 à 528 ci-dessus, bien que les motifs de la décision attaquée soient énoncés dans 611 considérants, ce n'est qu'au cours de l'audience que la Commission a précisé dans quelle mesure les pratiques du TACA en matière de contrats de services étaient, selon ladite décision, contraires aux articles 85 et 86 du traité, la Commission elle-même ayant admis à l'audience et en réponse aux questions écrites du Tribunal sur ce point que tant le dispositif que certains considérants de la décision attaquée étaient susceptibles, pris isolément, de faire l'objet d'interprétation en sens divers. En particulier, il doit être rappelé que la décision attaquée contient plusieurs passages contradictoires quant à la question de savoir si les parties au TACA étaient en droit de conclure des contrats de services de la conférence et si lesdites parties étaient libres d'en déterminer le contenu, et ce alors même que la décision TAA suscitait déjà, ainsi que cela ressort des points 421 à 423 de l'arrêt TAA, des difficultés d'interprétation sur ce point.

1617.
    En quatrième lieu, il doit être souligné que l'abus résultant des pratiques en matière de contrats de services ne constitue pas une forme classique de pratique abusive au sens de l'article 86 du traité.

1618.
    À cet égard, contrairement à ce que soutient la Commission, les pratiques en cause ne sauraient en aucun cas être assimilées purement et simplement aux cas de refus de vente ayant déjà été qualifiés d'abusifs par la jurisprudence, lesquels visent, notamment, la cessation de livraisons à un client ancien lorsque les commandes de ce client ne présentent aucun caractère anormal (arrêt United Brands/Commission, cité au point 853 ci-dessus, point 186), le refus de fournir un client en vue de se réserver un marché dérivé (arrêt de la Cour du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, Rec. p. 223, point 24) ou le refus de fournir un client en vue de protéger des droits exclusifs (arrêts de la Cour du 5 octobre 1988, Volvo, C-238/87, Rec. p. 6211, point 9, et du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission, C-241/91 P et C-242/91 P, Rec. p. I-743, point 54). En effet, en l'espèce, par les pratiques en cause, si les parties au TACA ont certes restreint l'accès et le contenu des contrats de services, elles n'ont nullement privé les chargeurs de la possibilité de faire transporter leur fret par les membres de la conférence sur le trafic en cause, que ce soit dans le cadre de contrats de services ou dans le cadre des taux du tarif. À cet égard, il convient d'ailleurs d'observer que la Commission a elle-même constaté, au considérant 553 de la décision attaquée, que les pratiques en cause ne constituaient pas un cas de «refus de fournir pur et simple» mais, selon ses propres termes, un «refus de fournir autrement qu'à des conditions non équitables».

1619.
    Par ailleurs, si les restrictions en cause en matière de contrats de services peuvent certes être qualifiées, au considérant 592 de la décision attaquée, d'infraction «grave» au sens des lignes directrices, eu égard à leur objectif visant à limiter la concurrence par les prix, ce que les requérantes ne sauraient sérieusement contester dès lors qu'elles justifient lesdites restrictions par la nécessité de préserver la stabilité des taux du tarif, leur caractère abusif au sens de l'article 86 du traité ne saurait, en revanche, être considéré comme étant manifeste.

1620.
    En effet, outre que, dans la décision TAA, la Commission a abandonné les griefs d'abus formulés initialement sur ce point, il convient d'observer que, en l'espèce, ce n'est que dans la communication des griefs, après trois années d'examen des pratiques en cause, que la Commission a indiqué pour la première fois aux parties au TACA qu'elle envisageait d'appliquer l'article 86 du traité auxdites pratiques, et ce alors même qu'il ressort de la correspondance échangée au cours de la procédure administrative qu'elle avait déjà examiné en détail ces pratiques à la fin de 1994 et au début de 1995. À ce stade, la Commission n'a toutefois, à aucun moment, fait allusion à une application éventuelle de l'article 86 du traité. Ainsi, dans sa lettre du 15 décembre 1994, la Commission s'est bornée à souligner que les pratiques en matière de contrats de services ne relevaient pas de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86 et qu'elles devraient être modifiées pour bénéficier d'une exemption individuelle. De même, lorsque la Commission a été informée par les parties au TACA, à la suite de l'intervention de la FMC, de l'application des dispositions prévues par l'article 14 de l'accord TACA aux contrats de services individuels, elle leur a indiqué uniquement, dans sa lettre du 16 mai 1995, que ladite application apparaissait restrictive de concurrence et peu susceptible de bénéficier d'une exemption individuelle.

1621.
    Dans ces circonstances, il convient d'admettre que les parties au TACA ont pu légitimement ignorer, en dépit de la jurisprudence selon laquelle les accords conclus par une entreprise dominante sont susceptibles de constituer des abus, que leurs pratiques en matière de contrats de services étaient susceptibles d'être qualifiées d'abus. À cet égard, il doit d'ailleurs être souligné que ce n'est qu'à l'audience que la Commission a précisé pour la première fois que, si la décision attaquée constatait que les dispositions prévues par l'article 14 de l'accord TACA étaient contraires à l'article 85 du traité uniquement en ce qu'elles s'appliquaient aux contrats de services individuels, mais non en ce qu'elles s'appliquaient aux contrats de services de la conférence, ladite décision constatait, en revanche, que lesdites dispositions étaient, en toute hypothèse, contraires à l'article 86 du traité, en ce compris en ce qu'elles s'appliquaient aux contrats de services de la conférence.

1622.
    En cinquième lieu, il convient d'admettre que les requérantes avaient toutes les raisons de croire, au cours de la procédure administrative, que la Commission ne leur infligerait pas d'amende du fait de leurs pratiques en matière de contrats de services.

1623.
    Premièrement, il doit d'abord être rappelé que, dans la mesure où lesdites pratiques relèvent du règlement n° 4056/86, il a déjà été constaté ci-dessus que les parties au TACA bénéficiaient de l'immunité relative aux amendes prévue par ledit règlement pour les infractions à l'article 86 du traité. Bien que la partie des amendes infligées en application du règlement n° 4056/86 ne doive plus être examinée dans le cadre des présents moyens, il convient donc d'observer que c'est à tort que, au considérant 604 de la décision attaquée, la Commission a retenu à l'encontre des requérantes que «toutes les parties au TACA avaient suffisamment accès au conseil juridique pour ne pas ignorer la possibilité que des amendes soient infligées pour infraction à l'article 86 du traité nonobstant la notification du TACA».

1624.
    Par ailleurs, dans la mesure où les pratiques en cause relèvent du règlement n° 1017/68, il convient de rappeler qu'il existait, à l'époque, une réelle incertitude quant à l'existence d'une immunité relative aux amendes dans le cadre dudit règlement. En effet, bien que le Tribunal ait jugé, dans son arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, cité au point 44 ci-dessus, que le règlement n° 1017/68 ne prévoyait pas d'immunité relative aux amendes et que celle-ci ne saurait être déduite des principes généraux, il ne saurait être contesté qu'un doute sérieux existait à cet égard, puisque, dans la décision ayant fait l'objet du recours dans cet arrêt, la Commission elle-même avait estimé nécessaire, à titre de précaution, de «retirer» aux parties au TACA l'immunité relative aux amendes en ce qui concerne les dispositions du TACA prévoyant la fixation des taux terrestres, dans l'hypothèse où lesdites parties bénéficieraient d'une immunité au titre du règlement n° 1017/68. Il s'ensuit que l'argument, formulé au considérant 604 de la décision attaquée, selon lequel les requérantes ne pouvaient ignorer le risque que des amendes leur soient infligées au titre de l'article 86 du traité pour des accords notifiés ne saurait pas non plus être retenu pour la partie des amendes qui a été infligée en application du règlement n° 1017/68, laquelle est la seule à devoir encore être examinée dans le cadre des présents moyens.

1625.
    Dès lors, même si la Commission a informé les parties au TACA, par sa lettre du 15 décembre 1994, que, selon elle, les pratiques du TACA relatives aux contrats de services ne relevaient pas du champ d'application de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 4056/86, ce qui était certes de nature à suggérer qu'elle avait des objections à cet égard, il n'en demeure pas moins que les parties au TACA pouvaient légitimement croire qu'elles étaient protégées contre le risque d'amendes au titre des articles 85 et 86 du traité du fait de la notification desdites pratiques. La Commission ne pouvait dès lors, au considérant 604 de la décision attaquée, retenir cette lettre contre les requérantes pour exclure l'existence de toute circonstance atténuante.

1626.
    Deuxièmement, il doit être constaté que, en dépit d'un échange de correspondance continu avec les parties au TACA au cours de la procédure administrative dans la présente affaire, la Commission n'a pas, jusqu'à l'envoi de la communication des griefs, informé lesdites parties qu'elle entendait qualifier les pratiques en cause non seulement de restrictions de concurrence au sens de l'article 85 du traité, mais également d'abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité.

1627.
    Or, il convient de rappeler que l'ensemble des amendes infligées par la décision attaquée l'a été pour la période s'étendant de la notification de l'accord TACA à l'envoi de la communication des griefs.

1628.
    Il en résulte que, même si les parties au TACA avaient estimé que la notification des pratiques en matière de contrats de services ne leur accordait pas d'immunité relative aux amendes pour les infractions à l'article 86 du traité, elles n'avaient aucune raison de les modifier pour échapper à des amendes infligées au titre de cette disposition, puisqu'elles ignoraient, à ce moment, que la Commission les considérait comme abusives.

1629.
    Pour ce motif également, l'argument formulé au considérant 604 de la décision attaquée, selon lequel «toutes les parties au TACA avaient suffisamment accès au conseil juridique pour ne pas ignorer la possibilité que des amendes soient infligées pour infraction à l'article 86 du traité nonobstant la notification du TACA», ne saurait être retenu.

1630.
    Enfin, troisièmement, il doit être relevé que, ainsi que les requérantes l'ont fait valoir dans leurs écrits, la Commission a déjà admis, dans sa pratique décisionnelle, que lorsqu'un même comportement était contraire aux articles 85 et 86 du traité, il convenait de ne pas imposer des amendes dès lors que ledit comportement avait été notifié en vue de l'octroi d'une exemption individuelle au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Ainsi, il ressort de la décision 89/113, dans laquelle la Commission a constaté que Racal Decca avait enfreint les articles 85 et 86 du traité du fait de certains accords notifiés en vue de l'octroi d'une exemption, qu'aucune amende n'a été infligée à cette entreprise ni au titre de l'article 85 du traité ni au titre de l'article 86 du traité, eu égard, notamment, au fait que Racal Decca avait porté dès le début les pratiques abusives à la connaissance de la Commission. De même, la Cour a déjà constaté que, dans la décision 76/353, la Commission n'avait pas infligé d'amendes à United Brands au titre de l'article 86 du traité pour avoir interdit à ses distributeurs-mûrisseurs de revendre ses bananes à l'état vert, au motif que ladite interdiction figurait dans les conditions générales de vente notifiées par United Brands en vue de l'octroi d'une exemption (arrêt United Brands/Commission, cité au point 853 ci-dessus, points 291 et 292).

1631.
    À l'audience, les requérantes ont aussi fait observer, à juste titre, que, dans l'affaire Van den Bergh Foods [décision 98/531/CE de la Commission, du 11 mars 1998, relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité (Affaires IV/34.073, IV/34.395 et IV/35.436 - Van den Bergh Foods Ltd) (JO L 246, p. 1)], les accords notifiés par l'entreprise dominante en cause en vue de l'octroi d'une exemption individuelle, qui prévoyaient la fourniture de congélateurs aux points de vente distribuant les glaces de ladite entreprise sous réserve qu'ils soient utilisés exclusivement pour ces dernières, s'ils ont été considérés comme étant à la fois restrictifs de concurrence et abusifs, n'ont pas été sanctionnés par des amendes.

1632.
    Force est de constater que la Commission n'a pas invoqué l'existence d'autres décisions dans lesquelles une amende aurait été infligée, au titre de l'article 86 du traité, pour sanctionner des comportements notifiés au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

1633.
    Au vu de l'ensemble de ces circonstances, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens et griefs soulevés par les requérantes, le Tribunal, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, considère qu'il est justifié de ne pas imposer d'amende en l'espèce en ce qui concerne les pratiques abusives prévues par l'article 14 de l'accord TACA, dans la mesure où lesdites pratiques relèvent du champ d'application du règlement n° 1017/68.

1634.
    En conséquence, l'article 8 du dispositif de la décision attaquée doit être annulé.

VII - Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 215, deuxième alinéa, du traité

Arguments des parties

1635.
    La requérante dans l'affaire T-213/98 fait valoir que la Commission lui a causé des dommages illégaux en l'obligeant à obtenir une garantie bancaire pour l'amende qui lui a été infligée.

1636.
    La Commission estime que ce moyen est irrecevable et non fondé.

Appréciation du Tribunal

1637.
    Il convient de rappeler que, en vertu de l'article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal, conformément à l'article 53, premier alinéa, du même statut, et de l'article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure, la requête doit notamment indiquer l'objet du litige et contenir les conclusions ainsi qu'un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information. Afin de garantir le respect du principe du contradictoire, la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu'un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance De Hoe/Commission, citée au point 281 ci-dessus, point 20; arrêt Ismeri Europa/Cour des comptes, cité au point 281 ci-dessus, point 29, et ordonnance Partido Latinoamericano/Conseil, citée au point 281 ci-dessus, point 6).

1638.
    Il ressort de la jurisprudence que, eu égard à ces exigences, il appartient au premier chef, à la partie qui met en cause la responsabilité de la Commission, d'apporter des preuves quant à l'existence ou à l'étendue du préjudice qu'elle invoque et d'établir le lien de causalité entre ce dommage et le comportement incriminé des institutions communautaires (arrêts de la Cour du 21 mai 1976, Roquette Frères/Commission, 26/74, Rec. p. 677, points 22 et 23, et du 7 mai 1998, Somaco/Commission, C-401/96 P, Rec. p. I-2587, point 71).

1639.
    En l'espèce, il convient de constater que, ainsi que la Commission l'a soulevé à juste titre au cours de l'audience, la requête ne permet pas d'identifier, avec le degré de précision requis, le comportement fautif imputé à la Commission.

1640.
    En effet, dans ses écrits, la requérante se borne à relever à cet égard que «l'insistance de la Commission à obtenir une garantie bancaire a placé NYK dans la position difficile de devoir prévoir un tel mécanisme à un coût considérable» et que, «eu égard à la nature tout à fait exceptionnelle de l'affaire, caractérisée par un nombre sans précédent d'exemples de mauvaise administration de la part de la Commission, NYK soutient respectueusement que la Commission lui a causé un dommage illégal». De même, à l'audience, la requérante s'est bornée à faire valoir que les illégalités alléguées dans le cadre de ses moyens d'annulation sont «tellement graves» qu'elles justifient une indemnisation au titre de l'article 215 du traité.

1641.
    Force est de constater que les passages précités de la requête et les éléments présentés à l'audience ne permettent pas de déterminer en quoi consistent les comportements fautifs imputés à la Commission ni même de savoir si ces comportements se distinguent de l'illégalité de la décision attaquée (arrêt du Tribunal du 21 janvier 1999, Riviera Auto Service e.a./Commission, T-185/96, T-189/96 et T-190/96, Rec. p. II-93, point 90; dans le domaine du traité CECA: arrêt du Tribunal du 10 octobre 2001, Corus UK/Commission, T-171/99, Rec. p. II-2967, point 45). En particulier, il ne ressort pas clairement de la requête si le comportement fautif allégué est l'adoption de la décision attaquée, le fait pour la Commission d'avoir exigé une garantie bancaire ou les deux.

1642.
    Il s'ensuit que les conclusions en indemnité présentées dans la requête doivent, pour ce seul motif, être rejetées comme irrecevables.

1643.
    Par ailleurs, pour autant que, à l'audience, la requérante a soutenu, dans le cadre de sa demande d'indemnité au titre de l'article 215 du traité, que l'exécution de l'arrêt d'annulation du Tribunal obligerait la Commission à rembourser les coûts de constitution de la garantie bancaire en vertu de l'article 176 du traité CE (devenu article 233 CE), il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence, une telle demande, indépendante de celle tendant à la condamnation des dépens, doit être rejetée comme irrecevable, dès lors qu'elle concerne, en réalité, l'exécution de l'arrêt. En effet, en vertu de l'article 176 du traité, c'est à la Commission qu'il appartient de prendre les mesures que comporte une telle exécution (arrêts du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, cité au point 172 ci-dessus, point 5118, et du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland e.a./Commission, T-224/00, Rec. p. II-0000, point 356). En tout état de cause, en l'espèce, il convient d'observer qu'un tel moyen tiré de la violation de l'article 176 du traité, dès lors qu'il ne figure pas dans la requête et ne se fonde sur aucun élément révélé pendant la procédure, constitue un moyen nouveau au sens de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

1644.
    Pour l'ensemble de ces motifs, il convient de rejeter les conclusions en indemnité comme étant, en tout état de cause, irrecevables.

Sur les dépens

1645.
    En application de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

1646.
    En l'espèce, il convient, certes, de relever que la décision attaquée constitue l'une des plus longues jamais adoptées par la Commission en application des articles 85 et 86 du traité, que ladite décision soulève des questions de fait et de droit relativement complexes sur lesquelles il n'existait, au moment de l'introduction des recours, aucune jurisprudence pertinente et que, en l'état actuel du droit communautaire, aucune disposition ne limite le volume des écrits et des documents déposés à l'appui d'un recours en annulation formé sur le fondement de l'article 173 du traité. Force est, toutefois, de constater que les quatre requêtes déposées par les requérantes, ainsi que les annexes qui y sont jointes, revêtent un caractère inhabituellement volumineux, chacune des requêtes totalisant près de 500 pages tandis que les annexes représentent une centaine de classeurs, et qu'elles soulèvent un nombre abusivement élevé de moyens qui, même si certains ont été accueillis, sont pour la plupart dépourvus de fondement.

1647.
    Dans ces circonstances, bien que le recours soit accueilli sur plusieurs chefs, les requérantes ayant, par leur comportement, alourdi substantiellement le traitement de l'affaire, majorant ainsi, de manière inutile, notamment, les dépens de la Commission, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chacune des parties supportera ses propres dépens.

1648.
    En ce qui concerne la partie intervenante, l'ECTU, il sera fait une juste application de l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure en la condamnant à supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

déclare et arrête:

1)    L'article 5 de la décision 1999/243/CE de la Commission, du 16 septembre 1998, relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité CE (Affaire IV/35.134 - Trans-Atlantic Conference Agreement), est annulé.

2)    L'article 6 de la décision 1999/243 est annulé en ce qu'il s'applique à la divulgation mutuelle par les requérantes de l'existence et du contenu de leurs contrats de services individuels.

3)    L'article 7 de la décision 1999/243 est annulé dans la mesure requise par l'annulation des articles 5 et 6.

4)    L'article 8 de la décision 1999/243 est annulé.

5)    Les recours sont rejetés pour le surplus.

6)    Les requérantes et la Commission supporteront chacune leurs propres dépens.

7)    European Council of Transport Users ASBL supportera ses propres dépens.

Lenaerts
Azizi
Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts

Table des matières

     Cadre juridique

II - 3

     Faits à l'origine du litige

II - 10

         I - Trans-Atlantic Agreement (TAA)

II - 10

         II - Trans-Atlantic Conference Agreement (TACA)

II - 11

             Notifications effectuées par le TACA

II - 12

             Procédure administrative de levée de l'immunité contre l'imposition d'amendes

II - 13

             Procédure administrative d'infraction en application des articles 85 et 86 du traité

II - 13

     Décision attaquée

II - 14

         I - Dispositions pertinentes du TACA

II - 14

             Fixation collective des prix du transport

II - 14

             Contrats de services

II - 15

             Rémunération des transitaires

II - 17

         II - Définition du marché en cause

II - 17

         III - Appréciation juridique

II - 17

             Application de l'article 85 du traité

II - 18

             Application de l'article 86 du traité

II - 18

             Amendes

II - 19

             Dispositif

II - 19

     Procédure

II - 22

     Conclusions des parties

II - 24

     En droit

II - 24

         I - Sur les moyens tirés de la violation des droits de la défense

II - 25

             Sur la première branche tirée de la violation du droit d'être entendu

II - 25

                 A - Sur le moyen tiré de l'illégalité de la communication des griefs en ce qu'elle revêt un caractère prématuré

II - 26

                     1. Arguments des parties

II - 26

                     2. Appréciation du Tribunal

II - 28

                 B - Sur les moyens tirés de l'existence de nouvelles allégations de fait ou de droit dans la décision attaquée

II - 32

                     1. Sur les prétendues nouvelles allégations de fait ou de droit relatives au second abus

II - 32

                     a) Arguments des parties

II - 32

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 34

                     i) Sur la modification de la nature du second abus dans la décision attaquée

II - 35

                     ii) Sur les documents probants retenus à l'appui du second abus constaté dans la décision attaquée

II - 42

                     2. Sur les prétendues nouvelles allégations de fait ou de droit autres que celles relatives au second abus

II - 50

                     a) Observations préliminaires

II - 50

                     b) Sur les nouvelles allégations de fait ou de droit concernant la légalité des contrats de services communs, le caractère collectif de la position détenue par les parties au TACA et le caractère dominant de cette position

II - 52

                     i) Arguments des parties

II - 52

                     ii) Appréciation du Tribunal

II - 53

                     - Sur les allégations relatives à la légalité des contrats de services communs

II - 53

                     - Sur les allégations relatives au caractère collectif de la position détenue par les parties au TACA

II - 57

                     - Sur les allégations relatives au caractère dominant de la position détenue par les parties au TACA

II - 61

                     c) Sur les nouvelles allégations de fait et de droit résultant des réponses des requérantes à certaines demandes de renseignements postérieures à la communication des griefs

II - 64

                     i) Arguments des parties

II - 64

                     ii) Appréciation du Tribunal

II - 64

                     - Sur la recevabilité du moyen

II - 65

                     - Sur le bien-fondé du moyen

II - 67

                     Sur la demande de renseignements du 22 mai 1996

II - 68

                     Sur la demande de renseignements du 11 juillet 1996

II - 68

                     Sur les demandes de renseignements des 17 juillet 1996 et 8 août 1996

II - 71

                     Sur la demande de renseignements du 12 septembre 1996

II - 71

                     Sur la demande de renseignements du 8 novembre 1996

II - 72

                     Sur la demande de renseignements du 12 février 1997

II - 73

                     Sur la demande de renseignements du 13 février 1997

II - 73

                     Sur la demande de renseignements du 15 mai 1997

II - 74

                     Sur la demande de renseignements du 19 juin 1997

II - 74

                     Sur la demande de renseignements du 2 octobre 1997

II - 74

                     d) Conclusion

II - 75

             Sur la deuxième branche tirée de la violation du droit d'accès au dossier

II - 75

                 A - Observations préliminaires

II - 75

                 B - Sur le moyen tiré de l'absence de communication des comptes rendus des entretiens entre la Commission et les plaignants

II - 77

                     1. Arguments des parties

II - 77

                     2. Appréciation du Tribunal

II - 78

                 C - Sur le moyen tiré de l'absence de communication du compte rendu ou de toute autre note relative à une réunion entre le membre de la Commission en charge de la concurrence et l'ESC

II - 80

                     1. Arguments des parties

II - 80

                     2. Appréciation du Tribunal

II - 84

                 D - Sur le moyen tiré du caractère incomplet du dossier

II - 90

                     1. Arguments des parties

II - 90

                     2. Appréciation du Tribunal

II - 90

             Sur la troisième branche tirée de la violation des principes de bonne administration, d'objectivité et d'impartialité

II - 91

                 A - Sur le déroulement de la procédure administrative

II - 91

                     1. Arguments des parties

II - 91

                     2. Appréciation du Tribunal

II - 92

                     a) Sur le caractère prématuré de la communication des griefs

II - 92

                     b) Sur la rédaction de la décision attaquée

II - 97

                     c) Sur les menaces d'amendes

II - 98

                 B - Sur l'appréciation des faits, des preuves et des questions pertinentes

II - 102

                     1. Arguments des parties

II - 102

                     2. Appréciation du Tribunal

II - 104

                 C - Sur l'appréciation des amendes

II - 105

                     1. Arguments des parties

II - 105

                     2. Appréciation du Tribunal

II - 105

                 D - Conclusion sur la troisième branche

II - 106

             Conclusion sur les moyens tirés d'une violation des droits de la défense

II - 106

         II - Sur les moyens tirés de l'absence d'infraction à l'article 85 du traité et à l'article 2 du règlement n° 1017/68 ainsi que de l'existence de différents défauts de motivation sur ce point

II - 107

             Sur la première branche concernant les appréciations de la décision attaquée relatives à l'accord prévoyant la fixation des prix des services de transport terrestre

II - 107

             Sur la deuxième branche concernant les appréciations de la décision attaquée relatives aux règles sur les contrats de services

II - 108

                 A - Sur le pouvoir des parties au TACA de conclure des contrats de services de la conférence

II - 108

                     1. Sur l'application de l'exemption par catégorie prévue par l'article 3 du règlement n° 4056/86

II - 108

                     a) Arguments des parties

II - 108

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 110

                     2. Sur l'octroi d'une exemption individuelle en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité

II - 114

                     a) Arguments des parties

II - 114

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 114

                 B - Sur les règles prévues par l'accord TACA en matière de contrats de services

II - 114

                     1. Sur les règles concernant le contenu des contrats de services de la conférence

II - 114

                     a) Arguments des parties

II - 114

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 115

                     2. Sur les règles concernant l'existence et le contenu des contrats de services individuels

II - 118

                     a) Arguments des parties

II - 118

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 119

                     3. Sur l'interdiction des actions indépendantes sur les contrats de services

II - 120

                     a) Arguments des parties

II - 120

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 120

             Sur la troisième branche concernant les appréciations de la décision attaquée relatives aux règles sur la rémunération des transitaires

II - 121

                 A - Arguments des parties

II - 121

                 B - Appréciation du Tribunal

II - 123

             Conclusion sur les moyens tirés de l'absence d'infraction à l'article 85 du traité et à l'article 2 du règlement n° 1017/68 ainsi que de l'existence de différents défauts de motivation sur ce point

II - 127

         III - Sur les moyens tirés de l'absence d'infraction à l'article 86 du traité et de l'existence de différents défauts de motivation sur ce point

II - 127

             Observation préliminaire sur la recevabilité des présents moyens

II - 127

             Sur la première branche relative à l'absence de position dominante détenue collectivement par les parties au TACA

II - 128

                 A - Sur les moyens tirés d'une appréciation erronée des liens économiques entre les parties au TACA

II - 128

                     1. Arguments des parties

II - 128

                     2. Appréciation du Tribunal

II - 130

                 B - Sur les moyens tirés des erreurs d'appréciation concernant la concurrence interne entre les parties au TACA

II - 139

                     1. Sur le critère juridique erroné retenu par la décision attaquée

II - 140

                     a) Arguments des parties

II - 140

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 142

                     2. Sur les moyens tirés d'une appréciation erronée de la concurrence interne par les prix et autre que par les prix

II - 144

                     a) Arguments des parties

II - 144

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 155

                     i) Sur la concurrence interne par les prix

II - 156

                     ii) Sur la concurrence interne autre que par les prix

II - 160

                     iii) Sur les arguments spécifiques avancés par la requérante dans l'affaire T-213/98

II - 163

                     iv) Conclusion sur le degré de concurrence interne

II - 164

                     3. Sur les moyens tirés d'un défaut de motivation

II - 165

                     a) Arguments des parties

II - 165

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 166

                 C - Conclusion sur la première branche

II - 169

             Sur la deuxième branche relative au caractère dominant de la position détenue par les parties au TACA

II - 169

                 A - Quant à la définition du marché en cause

II - 170

                     1. Sur le marché des services en cause

II - 170

                     a) Sur les services de transport en cause

II - 170

                     i) Arguments des parties

II - 170

                     ii) Appréciation du Tribunal

II - 175

                     - Sur la substitution du côté de la demande

II - 176

                     Sur les services de transport aérien

II - 176

                     Sur les transports maritimes de ligne classiques (en vrac ou «break bulk»)

II - 177

                     Sur les NVOCC

II - 182

                     Sur la prise en compte de l'effet cumulatif des sources de concurrence

II - 183

                     - Sur la substitution du côté de l'offre

II - 184

                     b) Sur la dimension géographique des services en cause

II - 188

                     i) Arguments des parties

II - 188

                     ii) Appréciation du Tribunal

II - 189

                     c) Conclusion sur le marché des services en cause

II - 195

                     2. Sur le marché géographique en cause

II - 196

                     a) Arguments des parties

II - 196

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 196

                     3. Conclusion sur la définition du marché en cause

II - 197

                 B - Quant à l'existence d'une position dominante sur le marché en cause

II - 197

                     1. Sur la part de marché détenue par les parties au TACA

II - 197

                     a) Arguments des parties

II - 197

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 200

                     2. Sur la concurrence externe effective

II - 207

                     a) Arguments des parties

II - 207

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 209

                     i) Sur le nombre de concurrents des parties au TACA et l'accroissement de leur part de marché

II - 210

                     ii) Sur le taux de croissance du volume de fret transporté par les concurrents du TACA

II - 212

                     iii) Sur la concurrence effective exercée par Evergreen et Lykes

II - 213

                     iv) Sur le «leadership» du TACA en matière de prix et le rôle de suiveur des concurrents indépendants

II - 215

                     v) Sur la concurrence exercée par la porte canadienne

II - 215

                     vi) Conclusion sur la concurrence externe effective

II - 218

                     3. Sur la concurrence potentielle

II - 219

                     a) Arguments des parties

II - 219

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 221

                     i) Sur les coûts de l'entrée sur le marché

II - 222

                     ii) Sur les entrées récentes sur le marché en cause en dehors du TACA

II - 224

                     iii) Sur les contrats de services

II - 225

                     iv) Conclusion sur la concurrence potentielle

II - 227

                     4. Sur la concurrence interne au sein du TACA

II - 227

                     a) Arguments des parties

II - 227

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 227

                     5. Sur l'évolution des taux sur le trafic en cause

II - 228

                     a) Arguments des parties

II - 228

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 232

                     i) Sur la proportion représentée par le fret transporté aux taux ordinaires par rapport au fret transporté dans le cadre des TVR et des contrats de services

II - 232

                     ii) Sur l'augmentation des taux pratiqués par les parties au TACA

II - 235

                     6. Conclusion sur les moyens relatifs à l'existence d'une position dominante sur le marché en cause

II - 237

                 C - Conclusion sur la deuxième branche

II - 237

             Sur la troisième branche relative à l'absence d'exploitation abusive

II - 238

                 A - Sur le premier abus constitué par l'imposition abusive de restrictions à l'accès aux contrats de services

II - 238

                     1. Sur le caractère objectivement justifié des pratiques constituant le premier abus

II - 238

                     a) Arguments des parties

II - 238

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 242

                     i) Sur les justifications tirées du caractère nécessaire de certaines des pratiques en cause

II - 243

                     ii) Sur les justifications tirées de la conformité de certaines pratiques en cause avec la pratique usuelle dans le domaine des transports maritimes

II - 246

                     iii) Sur les justifications tirées de la conformité de certaines des pratiques en cause avec le droit des États-Unis d'Amérique

II - 247

                     2. Sur la motivation de la décision attaquée quant au premier abus

II - 253

                     a) Arguments des parties

II - 253

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 256

                     3. Conclusion sur le premier abus

II - 259

                 B - Sur le second abus constitué par la modification abusive de la structure concurrentielle du marché

II - 259

                     1. Sur la preuve des pratiques constituant le second abus

II - 260

                     a) Arguments des parties

II - 260

                     i) Observations préliminaires

II - 260

                     ii) Sur les mesures spécifiques destinées à Hanjin et à Hyundai

II - 264

                     iii) Sur les mesures générales destinées aux concurrents potentiels

II - 270

                     - Sur les contrats de services à double tarification

II - 270

                     - Sur les contrats de services avec les NVOCC

II - 272

                     b) Appréciation du Tribunal

II - 274

                     i) Sur les mesures incitatives spécifiques destinées à Hanjin et à Hyundai

II - 275

                     - Sur les obligations découlant du droit des États-Unis d'Amérique

II - 275

                     - Sur la preuve des mesures destinées à Hanjin et à Hyundai

II - 276

                     Sur l'adhésion de Hanjin au TACA

II - 277

                     Sur l'adhésion de Hyundai au TACA

II - 284

                     ii) Sur les mesures incitatives générales destinées aux concurrents potentiels

II - 287

                     - Sur les contrats de services à double tarification

II - 287

                     - Sur les contrats de services avec les NVOCC

II - 291

                     iii) Conclusion sur la preuve des mesures constituant le second abus

II - 294

         IV - Sur les moyens tirés du non-respect de la procédure prévue par le règlement n° 4056/86

II - 295

             Arguments des parties

II - 295

             Appréciation du Tribunal

II - 295

         V - Sur le moyen tiré d'un défaut de motivation quant à la non-prise en compte du droit des États-Unis d'Amérique

II - 298

             Arguments des parties

II - 298

             Appréciation du Tribunal

II - 300

         VI - Sur les moyens relatifs au montant des amendes et à différents défauts de motivation sur ce point

II - 304

             Sur la première branche concernant l'immunité relative aux amendes

II - 305

                 A - Arguments des parties

II - 305

                 B - Appréciation du Tribunal

II - 309

                     1. Sur la portée de l'immunité prévue par le règlement n° 4056/86

II - 310

                     2. Sur l'application de l'immunité relative aux amendes au premier abus

II - 316

             Sur la seconde branche relative au calcul des amendes

II - 317

                 A - Sur la méthodologie retenue par la Commission pour déterminer le montant des amendes

II - 318

                     1. Arguments des parties

II - 318

                     2. Appréciation du Tribunal

II - 324

                     a) Sur l'exigence d'une appréciation individuelle

II - 325

                     b) Sur les principes d'égalité de traitement et de proportionnalité

II - 330

                     c) Sur le principe de confiance légitime

II - 334

                     d) Conclusion sur la méthodologie retenue par la Commission pour déterminer le montant des amendes

II - 336

                B - Sur l'appréciation des circonstances atténuantes

II - 336

                     1. Arguments des parties

II - 336

                     2. Appréciation du Tribunal

II - 341

         VII - Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 215, deuxième alinéa, du traité

II - 349

             Arguments des parties

II - 349

             Appréciation du Tribunal

II - 349

     Sur les dépens

II - 351


1: Langue de procédure: l'anglais.