Language of document : ECLI:EU:T:2019:499

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

11 juillet 2019 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché du conditionnement alimentaire destiné à la vente au détail – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Imputabilité du comportement infractionnel – Conditions de l’octroi du bénéfice de l’immunité – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Valeur des ventes – Plafond de l’amende – Durée de la procédure administrative – Délai raisonnable – Capacité contributive »

Dans l’affaire T‑523/15,

Italmobiliare SpA, établie à Milan (Italie), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe(1), représentées initialement par Mes M. Siragusa, F. Moretti et A. Bardanzellu, puis par Mes Siragusa et Moretti, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Rossi, A. Biolan, F. Jimeno Fernández et Mme T. Vecchi, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, à titre principal, à l’annulation partielle de la décision C(2015) 4336 final de la Commission, du 24 juin 2015, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39563 – Conditionnement alimentaire destiné à la vente au détail), et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant des amendes infligées aux requérantes,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, président, MM. E. Bieliūnas (rapporteur) et A. Kornezov, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 11 octobre 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La première requérante, Italmobiliare SpA, était la société faitière d’un groupe (ci-après le « groupe Italmobiliare ») au sein duquel les autres requérantes, dont les noms figurent en annexe, formaient un sous-groupe (ci-après le « sous-groupe Sirap-Gema »).

2        Le 18 mars 2008, l’entreprise formée par le groupe dont la maison mère est Linpac Group Ltd (ci-après « Linpac »), à savoir un groupe spécialisé dans la fourniture de divers produits de conditionnement alimentaire, a déposé une demande d’immunité auprès de la Commission européenne au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la coopération »). Le 4 juin 2008, la Commission a accordé une immunité conditionnelle à Linpac.

3        Les 4 et 6 juin 2008, la Commission a procédé, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs sociétés opérant dans le secteur du conditionnement alimentaire destiné à la vente au détail.

4        Après les inspections, six demandes de clémence au titre de la communication sur la coopération ont été déposées. Le 1er juillet 2008, les requérantes ont déposé une demande d’immunité ou, à défaut, une demande de réduction du montant de l’amende auprès de la Commission au titre de ladite communication.

5        Le 21 septembre 2012, la Commission a adopté une communication des griefs, laquelle a été notamment notifiée aux requérantes. Une audition s’est tenue du 10 au 12 juin 2013.

6        Le 24 juin 2015, la Commission a adopté la décision C(2015) 4336 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39563 – Conditionnement alimentaire destiné à la vente au détail) (ci-après la « décision attaquée »).

7        Par la décision attaquée, la Commission a constaté que des sociétés actives dans le secteur du conditionnement alimentaire destiné à la vente au détail avaient, au cours de périodes comprises entre 2000 et 2008, participé à cinq infractions distinctes. Celles-ci ont été délimitées selon la zone géographique desservie, à savoir l’Italie, l’Europe du Sud-Ouest, l’Europe du Nord-Ouest, l’Europe centrale et orientale (ci-après l’« ECO ») et la France.

8        Les produits concernés par la décision attaquée sont des barquettes servant au conditionnement d’aliments destinés à la vente au détail en polystyrène et, en ce qui concerne l’entente en Europe du Nord-Ouest, en polypropylène rigide.

9        La présente affaire ne concerne que trois des cinq infractions mentionnées au point 7 ci-dessus, à savoir les infractions commises en Italie, en ECO et en France.

10      La décision attaquée comprend les dispositions suivantes :

« Article premier

1. Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 [TFUE] en participant, au cours des périodes mentionnées, à une infraction unique et continue, constituée par plusieurs infractions distinctes, ayant trait à des barquettes en polystyrène destinées au secteur du conditionnement alimentaire pour la vente au détail et couvrant le territoire de l’Italie :

[…]

b)       Sirap-Gema S.p.A. et [Italmobiliare], du 18 juin 2002 au 17 décembre 2007 ;

[…]

4. Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 [TFUE] en participant, au cours des périodes mentionnées, à une infraction unique et continue, constituée par plusieurs infractions distinctes, ayant trait à des barquettes en polystyrène destinées au secteur du conditionnement alimentaire pour la vente au détail et couvrant le territoire de la Hongrie, de la Pologne, de la République tchèque et de la Slovaquie (dénommées conjointement « ECO ») :

[…]

b)       Petruzalek GmbH, Petruzalek Kft., Petruzalek s.r.o., Petruzalek Spol. s.r.o., Sirap-Gema S.p.A. et [Italmobiliare], du 5 novembre 2004 au 24 septembre 2007 ;

[…]

5. Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 [TFUE] en participant, au cours des périodes mentionnées, à une infraction unique et continue, constituée par plusieurs infractions distinctes, ayant trait à des barquettes en polystyrène destinées au secteur du conditionnement alimentaire pour la vente au détail et couvrant le territoire de la France :

[…]

b)       Sirap France S.A.S., Sirap-Gema S.p.A. et [Italmobiliare], du 3 septembre 2004 au 24 novembre 2005 ;

[…]

Article 2

1. Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article premier, paragraphe 1 :

a)       LINPAC Packaging Verona S.r.l. et [Linpac], conjointement et solidairement : […] 0 ;

b) Sirap-Gema S.p.A. et [Italmobiliare], conjointement et solidairement : […] 29 738 000 [euros] ;

[…]

2. Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article premier, paragraphe 2 :

a)       LINPAC Packaging Pravia S.A. : […] 0 ;

[…]

3. Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article premier, paragraphe 3 :

a)       LINPAC Packaging GmbH et [Linpac], conjointement et solidairement. : […] 0 ;

[…]

4. Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article premier, paragraphe 4 :

a)       LINPAC Packaging Polska Sp zo.o., LINPAC Packaging Kereskedelmi Korlátolt Felelősségű Társaság, LINPAC Packaging Spol S.r.o., LINPAC Packaging S.r.o., LINPAC Packaging GmbH et [Linpac], conjointement et solidairement : […] 0 ;

b)       Petruzalek GmbH, Petruzalek Kft., Petruzalek s.r.o., Petruzalek Spol. s.r.o., Sirap-Gema S.p.A. et [Italmobiliare], conjointement et solidairement : […] 943 000 [euros] ;

[…]

5. Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article premier, paragraphe 5 :

a)       LINPAC France SAS, LINPAC Distribution SAS et [Linpac], conjointement et solidairement : […] 0 ;

b)       Sirap France S.A.S., Sirap-Gema S.p.A. et [Italmobiliare], conjointement et solidairement : […] 5 207 000 [euros] ;

[…]

Article 4

Sont destinataires de la présente décision :

[…]

[Italmobiliare], Via Borgonuovo 20, 20120 Milan, Italie ;

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 septembre 2015, les requérantes ont introduit le présent recours.

12      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, le Tribunal a posé une question écrite aux parties et demandé à la Commission de produire certains documents. Les parties ont répondu à la question écrite et la Commission a produit les documents demandés.

13      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 11 octobre 2017.

14      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre préliminaire, ordonner une expertise en vue d’établir la situation de grave difficulté du sous-groupe Sirap-Gema et le caractère disproportionné des sanctions infligées par la Commission ;

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle accorde à Linpac l’immunité de sanctions au titre de la communication sur la coopération ;

–        annuler ladite décision en ce qu’elle concerne la première requérante, notamment son article 1er, paragraphe 1, sous b), paragraphe 4, sous b), et paragraphe 5, sous b), son article 2, paragraphe 1, sous b), paragraphe 4, sous b), et paragraphe 5, sous b), et son article 4 ;

–        réduire le montant des amendes infligées dans cette décision ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande d’expertise ; 

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

16      À l’appui du recours, les requérantes soulèvent les quatre moyens suivants :

–        un abus de pouvoir, une violation de la communication sur la coopération et une violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne le bénéfice de l’immunité d’amende octroyée à Linpac ;

–        une violation de l’article 101 TFUE, une violation des droits fondamentaux, une violation du principe d’égalité de traitement et un défaut de motivation, s’agissant de l’application de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante ;

–        une violation de l’article 101 TFUE, de l’article 23 du règlement no 1/2003, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») et des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, dans le cadre de la détermination des éléments ou des paramètres de calcul du montant des amendes, en particulier, concernant la valeur des ventes, le coefficient de gravité, le montant additionnel, l’absence de prise en considération de la situation de crise du secteur, l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires, la réduction insuffisante des amendes en raison de la durée excessive de la procédure administrative et l’appréciation de la capacité contributive ;

–        une « demande d’exercice, par le Tribunal, de sa compétence de pleine juridiction ».

 Sur le premier moyen, tiré d’un abus de pouvoir, d’une violation de la communication sur la coopération et d’une violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concernele bénéfice de l’immunité d’amende octroyée à Linpac 

17      Par le premier moyen, les requérantes, en premier lieu, soutiennent que la Commission a commis un abus de pouvoir et violé le paragraphe 12, sous b), de la communication sur la coopération en accordant le bénéfice de l’immunité d’amende à Linpac, alors que cette dernière avait consciemment violé l’obligation de s’abstenir de tout contact avec les concurrents après avoir déposé une demande de clémence. Elles estiment que la Commission a omis de tirer les bonnes conclusions des éléments de preuve relatifs à une réunion de mai 2008 concernant le marché italien et à au moins cinq réunions tenues entre juin 2008 et janvier 2009 concernant le marché français, en considérant, à tort, que ces réunions n’étaient corroborées par aucun autre élément de preuve. Elles ajoutent que le fait que la Commission a fixé la fin des infractions en Italie et en France à une date antérieure à ces réunions est dénué de pertinence. Enfin, la Commission aurait entaché la décision attaquée d’un défaut d’instruction, étant donné que, face à des affirmations contradictoires, elle n’aurait pas demandé des explications supplémentaires.

18      En deuxième lieu, les requérantes contestent la décision de la Commission d’accorder le bénéfice de l’immunité d’amende à Linpac, étant donné que, avant le dépôt de la demande d’immunité, une enquête dans le secteur du conditionnement alimentaire avait déjà été ouverte par les autorités hongroises de la concurrence. Selon elles, la Commission n’a pas empêché Linpac d’instrumentaliser le mécanisme de la coopération et de porter un préjudice à ses concurrents. Dans la réplique, elles ajoutent que la Commission avait dû être informée de l’ouverture d’une enquête en Hongrie, en vertu de l’article 11, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, et ainsi n’aurait même pas dû initialement accorder d’immunité à Linpac, au moins en ce qui concerne l’infraction en ECO.

19      En troisième lieu, les requérantes font valoir que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement à leur détriment étant donné que Linpac a pu bénéficier d’avantages prévus par la communication sur la coopération même si, contrairement à elles, Limpac avait continué ses comportements illicites.

20      En quatrième lieu, dans la réplique, les requérantes soutiennent que, par l’octroi à Linpac de l’immunité d’amende sans que les conditions soient réunies, la Commission a manqué à son devoir de « gardienne des traités » au sens de l’article 17 TUE. Elles font valoir également que le moyen est recevable du fait de la violation du principe d’égalité de traitement engendrée et du fait qu’elles tireraient un bénéfice direct et immédiat si Linpac perdait son immunité. En particulier, elles soutiennent, d’une part, qu’elles étaient les premières à avoir fourni des informations pertinentes en ce qui concernait, au moins, l’infraction en ECO et, d’autre part, que tout désavantage financier pour Linpac, comme l’imposition d’une amende, aurait des effets favorables sur leur position sur le marché en cause.

21      La Commission considère, en substance, que ce moyen est irrecevable étant donné que les requérantes n’ont pas d’intérêt à obtenir l’annulation de la décision attaquée en ce que ladite décision octroie l’immunité d’amende à Linpac. À titre subsidiaire, elle estime que ce moyen doit être rejeté comme dénué de fondement.

22      À cet égard, il convient de de rappeler que le juge de l’Union européenne est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le moyen, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir, par analogie, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52). Or, en l’espèce, le premier moyen est fondé, en substance, sur la prémisse, laquelle ressort également du deuxième chef de conclusions, que le bénéfice de l’immunité d’amende octroyée à Linpac peut être révoqué et que, ainsi, les requérantes pourraient, d’une part, progresser dans l’échelle des réductions au titre de la clémence, en ce qui concerne les infractions commises en France et en Italie, et, d’autre part, bénéficier elles-mêmes d’une immunité d’amende en ce qui concerne l’infraction en ECO à la place de Linpac.

23      Or, force est de constater que, même à supposer que le bénéfice de l’immunité d’amende octroyée à Linpac puisse être révoqué, les requérantes ne remplissent pas, en toute hypothèse, les conditions requises pour bénéficier d’une immunité d’amendes ou d’un rang pouvant leur donner droit à une plus grande réduction.

24      En effet, les requérantes ne prétendent même pas remplir les conditions fixées au paragraphe 8, sous a) et b), de la communication sur la coopération pour bénéficier d’une immunité d’amendes. Lesdites dispositions prévoient que « la Commission exemptera une entreprise qui révèle sa participation à une entente présumée affectant [l’Union] de l’amende qui, à défaut, lui aurait été infligée si elle est la première à fournir des renseignements et des éléments de preuve qui, de l’avis de la Commission, lui permettront : d’effectuer une inspection ciblée en rapport avec l’entente présumée ; ou de constater une infraction à l’article [101 TFUE] en rapport avec l’entente présumée ».

25      À cet égard, il est constant que, à la suite de la demande d’immunité de Linpac, la Commission a pu effectuer des inspections inopinées les 4 à 6 juin 2008 dans les locaux des entreprises concernées. Ce n’est que postérieurement à cette date que les requérantes ont déposé une demande au titre de la communication sur la coopération, en particulier le 1er juillet 2008. Il est également contant que les requérantes ne remplissent pas les conditions prévues au paragraphe 8, sous b), lu en combinaison avec le paragraphe 11, de ladite communication.

26      Or, aucune entreprise dont la demande au titre de la communication sur la coopération a été déposée après l’organisation des inspections ciblées par la Commission n’est fondée à soutenir qu’elle serait susceptible de remplir les conditions posées par le paragraphe 8, sous a), de cette communication, en rapport avec l’entente présumée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 septembre 2013, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, T‑496/07, non publié, EU:T:2013:464, point 335).

27      Il est, en effet, inhérent à la logique de l’immunité d’amende que seul un des membres d’une entente puisse en bénéficier, étant donné que l’effet recherché est de créer un climat d’incertitude au sein des ententes en encourageant leur dénonciation auprès de la Commission. Or, cette incertitude résulte précisément du fait que les participants à l’entente savent que seul l’un d’entre eux pourra bénéficier d’une immunité d’amende en dénonçant les autres participants à l’infraction, les exposant ainsi au risque de se voir infliger des amendes plus sévères (voir arrêt du 16 septembre 2013, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, T‑496/07, non publié, EU:T:2013:464, point 334 et jurisprudence citée).

28      Ainsi, étant donné que, à la suite des éléments de preuve reçus de la part de Linpac, la Commission a pu effectuer des inspections ciblées en rapport avec les ententes présumées, le paragraphe 8, sous a), de la communication sur la coopération ne pourrait être appliqué à aucune autre entreprise, puisqu’il avait déjà été appliqué à Linpac au titre des ententes en cause (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Repsol Lubricantes y Especialidades e.a./Commission, T‑496/07, non publié, EU:T:2013:464, point 333).

29      Par conséquent, même dans le cas où, à la suite d’une violation par Linpac des conditions posées par le paragraphe 12, sous b), de la communication sur la coopération, le bénéfice de l’immunité devrait finalement être révoqué, les requérantes ne pourraient pas automatiquement et de ce seul fait, d’une part, bénéficier d’une immunité d’amende en ce qui concerne l’infraction en ECO, ni, d’autre part, progresser dans l’échelle des réductions au titre de la clémence, en ce qui concerne les infractions commises en France et en Italie.

30      Aucun autre argument avancé par les requérantes dans le cadre du premier moyen ne saurait remettre en cause cette conclusion.

31      Premièrement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel tout désavantage financier pour Linpac, comme l’imposition d’une amende, aurait des effets favorables sur leur position sur le marché en cause, celui-ci est purement hypothétique et, en tout état de cause, non étayé. Les requérantes n’apportent aucun élément concret démontrant comment la révocation de l’immunité pourrait affecter le comportement de Linpac sur le marché en cause.

32      Deuxièmement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel en octroyant à Linpac le bénéfice de l’immunité d’amende sans que les conditions soient réunies la Commission a manqué à son devoir de « gardienne des traités » au sens de l’article 17 TUE, il y a lieu de le considérer comme tardif dans la mesure où il a été soulevé dans la réplique et, en l’absence d’éléments nouveaux révélés durant la procédure, de ce fait, de l’écarter comme irrecevable.

33      Troisièmement, quant à l’argument des requérantes selon lequel Linpac ne pouvait pas bénéficier de l’immunité d’amende en ce qui concerne l’infraction en ECO, dès lors que les mêmes comportements anticoncurrentiels faisaient déjà l’objet d’une procédure similaire en Hongrie, il doit être rejeté. En effet, même à supposer que l’enquête ouverte par les autorités hongroises de la concurrence empêchât la Commission d’octroyer le bénéfice de l’immunité d’amende à Linpac en ce qui concerne ladite infraction, les requérantes n’auraient, en tout état de cause, pas pu prétendre à pareille immunité en ce qui concerne cette infraction, étant donné qu’elles n’ont déposé la demande au titre de la communication sur la coopération qu’après les inspections ciblées et qu’elles ne prétendent même pas remplir les conditions fixées au paragraphe 8, sous a) et b), de ladite communication.

34      Quatrièmement, en ce qui concerne les conséquences prévues au paragraphe 20 de la communication sur la coopération, à savoir la possibilité pour l’entreprise de retirer les éléments de preuve divulgués à l’appui de sa demande d’immunité dans les situations où il apparaît que l’immunité n’est pas disponible ou que l’entreprise ne remplit pas les conditions fixées au paragraphe 8, sous a) ou b), de ladite communication, il importe de relever qu’elles ne concernent pas la situation prévue au paragraphe 12, sous b), de cette communication, dénoncée par les requérantes. En effet, le paragraphe 20 de la communication en question fait référence uniquement au paragraphe 8, sous a) et b), de la même communication et aucunement au paragraphe 12 d’une telle communication.

35      Cinquièmement, s’agissant de la prétendue violation du principe d’égalité de traitement (voir point 19 ci-dessus), et à supposer que les requérantes soient recevables à invoquer cet argument, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, EU:C:2010:188, point 70).

36      Il y a lieu également de rappeler que le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui. En effet, une éventuelle illégalité commise à l’égard d’une autre entreprise, qui n’est pas partie à la présente procédure, ne peut amener le Tribunal à constater une discrimination et, partant, une illégalité à l’égard des requérantes. Une telle approche équivaudrait à consacrer le principe de « l’égalité de traitement dans l’illégalité » et à imposer à la Commission, en l’espèce, l’obligation d’ignorer les éléments de preuve dont elle dispose pour sanctionner l’entreprise ayant commis une infraction punissable, au seul motif qu’une autre entreprise se trouvant éventuellement dans une situation comparable a illégalement échappé à une telle sanction. En outre, ainsi qu’il ressort d’ailleurs clairement de la jurisprudence relative au principe d’égalité de traitement, dès lors qu’une entreprise a, par son propre comportement, violé l’article 101, paragraphe 1, TFUE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif que d’autres opérateurs économiques ne se sont pas vu infliger d’amende alors même que le juge de l’Union n’est pas saisi de la situation de ces derniers (voir arrêt du 9 septembre 2015, Samsung SDI e.a./Commission, T‑84/13, non publié, EU:T:2015:611, point 163 et jurisprudence citée).

37      Ainsi, à supposer même que la Commission ait commis une illégalité en octroyant à Linpac le bénéfice de l’immunité d’amende en ce qui concerne l’infraction en ECO, alors qu’elle avait continué ses comportements illicites, cela ne peut amener le Tribunal à constater une discrimination et, partant, une illégalité à l’égard des requérantes.

38      Par conséquent, le premier moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 101 TFUE, d’une violation des droits fondamentaux, d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’un défaut de motivation, s’agissant de l’application de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante

39      Il y a lieu d’observer que ce moyen comprend trois branches, tirées, la première, d’une violation de l’article 101 TFUE, la deuxième, d’une violation des droits fondamentaux et, la troisième, d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’un défaut de motivation.

 Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 101 TFUE

40      Les requérantes soutiennent que la Commission a violé l’article 101 TFUE en tenant la première requérante pour responsable du comportement du sous-groupe Sirap-Gema du seul fait qu’elle détenait, directement ou indirectement, 100 % du capital social des membres dudit sous-groupe et qu’il existait un système de transmission d’informations entre le holding financier qu’elle était et ses filiales. Selon les requérantes, ledit holding financier n’a pas exercé une influence déterminante sur ce sous-groupe. D’une part, cet holding n’aurait pas participé à la gestion de ses filiales et, d’autre part, le système de transmission d’informations aurait constitué un simple instrument de compte rendu financier qui ne permettait pas d’exercer une influence sur le sous-groupe Sirap-Gema ni d’être informé des agissements anticoncurrentiels.

41      La Commission conteste cette argumentation.

42      Il convient de rappeler d’emblée que, selon une jurisprudence constante, la notion d’entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. À cet égard, la Cour a précisé, d’une part, que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, devait être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique était constituée de plusieurs personnes physiques ou morales et, d’autre part, que, lorsqu’une telle entité économique enfreignait les règles de la concurrence, il lui incombait, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 53 et jurisprudence citée).

43      En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 54 et jurisprudence citée).

44      En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d’une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE, la Commission peut adresser une décision imposant des amendes à la société mère sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 55 et jurisprudence citée). En d’autres termes, ce n’est pas nécessairement une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et la filiale, ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère, mais le fait que les sociétés concernées constituent une seule entreprise, au sens de l’article 101 TFUE (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 88).

45      Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une telle influence (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 56 et jurisprudence citée).

46      Ainsi, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce effectivement une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 57 et jurisprudence citée).

47      Par ailleurs, il a été jugé que la présomption visée au point 45 ci-dessus trouvait également application lorsque la société mère détenait le capital de sa filiale, non directement, mais, comme en l’espèce, par l’intermédiaire d’autres sociétés (voir, en ce sens, arrêts du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C‑90/09 P, EU:C:2011:21, point 86, et du 15 juillet 2015, GEA Group/Commission, T‑45/10, non publié, EU:T:2015:507, point 142).

48      En outre, la présomption visée au point 45 ci-dessus repose sur le constat selon lequel, d’une part, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles, une société détenant la totalité du capital d’une filiale peut, au vu de cette seule part de capital, exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, l’absence d’exercice effectif de ce pouvoir d’influence peut normalement le plus utilement être recherchée dans la sphère des entités à l’encontre desquelles cette présomption opère. Dans ces conditions, s’il suffisait à une partie intéressée de réfuter ladite présomption en avançant de simples affirmations non étayées, celle-ci serait largement privée de son utilité (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, points 60 et 61).

49      Afin de renverser la présomption visée au point 45 ci-dessus, une société mère doit, dans le cadre des recours dirigés contre une décision de la Commission, soumettre à l’appréciation du juge de l’Union tout élément relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre elle-même et sa filiale de nature à démontrer qu’elles ne constituent pas une seule entité économique (voir arrêt du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 32 et jurisprudence citée).

50      En l’espèce, la Commission a constaté, au considérant 829 de la décision attaquée, que Sirap-Gema SpA, la société qui avait participé à l’infraction en Italie, était détenue indirectement à 100 % par la première requérante pendant toute la durée de l’infraction. Au considérant 925 de ladite décision, elle a constaté que cette dernière était la société faîtière du groupe Italmobiliare et détenait, directement ou indirectement, 100 % du capital de toutes les entités du sous-groupe Sirap-Gema qui avaient directement participé à l’infraction en ECO, et ce pendant toute la durée de l’infraction. Au considérant 945 de cette décision, la Commission a constaté que Sirap-Gema était la société mère à 100 % de Sirap France SAS, les deux sociétés qui avaient participé à l’infraction en France, et que la première requérante était la société mère à 100 % de Sirap-Gema, pendant toute la période de l’infraction. Dans les trois considérants susmentionnés, elle a conclu que la première requérante avait la capacité d’exercer, et avait effectivement exercé, une influence déterminante sur le comportement de ses filiales.

51      Aux considérants 831, 927 et 947 de la décision attaquée, la Commission a rejeté de manière motivée les arguments des requérantes en réponse à la communication des griefs visant à réfuter la présomption visée au point 45 ci-dessus.

52      Il y a lieu d’observer que, par la présente branche, les requérantes ne contestent pas le fait que la première requérante détenait directement ou indirectement 100 % du capital des différentes filiales, mentionnées au point 50 ci-dessus, pendant toute la durée de chacune des trois infractions en cause.

53      Il convient également de constater que les requérantes ne contestent pas les éléments de preuve avancés par la Commission dans la décision attaquée en réponse à leurs arguments, qui confirment l’exercice effectif d’une influence déterminante de la première requérante sur ses filiales, mais tentent uniquement, à travers de différents arguments qu’il convient d’examiner, de minimiser l’importance de ceux-ci ou se bornent à répéter les mêmes arguments que ceux qui ont été présentés à la Commission en réponse à la communication des griefs.

54      Tout d’abord, s’agissant de l’argument selon lequel la première requérante est un holding financier, il suffit de constater que le fait d’être un holding financier ne suffit pas à écarter la présomption visée au point 45 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 2011, Legris Industries/Commission, T‑376/06, non publié, EU:T:2011:107, point 51 et jurisprudence citée ; du 13 juillet 2011, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑38/07, EU:T:2011:355, point 70 et jurisprudence citée, et du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 283 et jurisprudence citée).

55      Ensuite, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le système de transmission d’informations qui existait entre la première requérante et ses filiales avait uniquement pour but de contrôler l’évolution de son investissement et n’était en aucune façon destiné à ce que la première requérante puisse exercer une influence sur la gestion de l’activité du conditionnement alimentaire, il doit également être rejeté. En effet, une telle communication d’informations, même si elle est limitée aux résultats financiers, montre précisément, comme le soutient à juste titre la Commission, que la première requérante a suivi les activités de ses filiales et ne peut, en aucun cas, être envisagée comme un élément de preuve qui pourrait permettre de renverser la présomption visée au point 45 ci-dessus. Le système de transmission d’informations fait partie des instruments à la disposition d’un holding pour recevoir des comptes quant à l’activité des filiales.

56      En effet, lorsque la santé économique et commerciale de la filiale est bonne, il peut suffire à la société mère de se tenir informée de l’évolution de sa filiale. Or, c’est précisément l’information détaillée de la société mère qui lui permet d’intervenir à tout moment dans la gestion et la politique commerciale de sa filiale dans la circonstance où le besoin devait s’en faire sentir (arrêt du 16 novembre 2011, Groupe Gascogne/Commission, T‑72/06, non publié, EU:T:2011:671, point 84). De plus, la Cour a constaté que la seule absence d’adoption d’une décision de gestion par l’entité faitière dans le respect des exigences de forme prévues par le droit des sociétés ne saurait suffire à renverser la présomption visée au point 45 ci-dessus (arrêt du 11 juillet 2013, Commission/Stichting Administratiekantoor Portielje, C‑440/11 P, EU:C:2013:514, point 66).

57      Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la première requérante ne s’est pas occupée de la gestion directe des filiales en raison du peu d’intérêt que l’activité du conditionnement alimentaire présentait pour elle, il convient de souligner, à cet égard, que le fait que cette dernière était active dans un secteur commercial entièrement différent de ses filiales n’exclut pas l’exercice d’une influence déterminante sur le comportement de ses filiales (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2013, HSE/Commission, T‑399/09, non publié, EU:T:2013:647, point 50).

58      Enfin, en ce qui concerne les arguments des requérantes selon lesquels le fait que la première requérante a exercé uniquement une activité de gestion de nature purement technico-financière est démontré, premièrement, par l’autonomie du sous-groupe Sirap-Gema pour l’examen de chaque investissement dans le secteur du conditionnement alimentaire destiné à la vente au détail, deuxièmement, par l’établissement et l’approbation du budget de façon autonome sans qu’il soit soumis à l’examen préalable de la société mère, troisièmement, par le fait que le directeur commercial et le directeur général de Sirap-Gema disposent d’un pouvoir de décision et de signature sans limite de montant et, quatrièmement, par le mode d’élection des administrateurs délégués des sociétés dudit sous-groupe qui se réalise sans aucune intervention de la première requérante, il y a lieu d’observer qu’il s’agit de simples affirmations non étayées par aucun élément de preuve.

59      En tout état de cause, il convient de relever que, par ces arguments, les requérantes essaient de démontrer une indépendance opérationnelle des filiales de la première requérante. Or, l’indépendance opérationnelle ne prouve pas, en soi, qu’une filiale définit son comportement sur le marché de manière indépendante par rapport à sa société mère. La division des tâches entre les filiales et leurs sociétés mères, et, en particulier, le fait de confier la direction opérationnelle aux dirigeants locaux d’une filiale à 100 %, est une pratique habituelle des entreprises de grande taille et composées d’une multitude de filiales détenues, ultimement, par la même société faîtière (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2014, RWE et RWE Dea/Commission, T‑543/08, EU:T:2014:627, point 49 et jurisprudence citée).

60      Enfin, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel admettre que la détention par le holding de la totalité des actions de la filiale permet de présumer l’exercice d’une influence déterminante sur le comportement de cette filiale est de nature à rendre cette présomption irréfragable, il y a lieu de souligner que la simple circonstance qu’une entité ne produise pas, dans un cas donné, d’éléments de preuve de nature à renverser ladite présomption ne signifie pas que la présomption en question ne peut, en aucun cas, être renversée (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 66).

61      Par ailleurs, il ressort du considérant 831 de la décision attaquée, dont le contenu n’est pas contesté par les requérantes sur ce point, que le dossier administratif contient également des exemples d’envois par des employés des filiales de conditionnement alimentaire d’informations détaillées sur le marché aux employés de Sirap-Gema ou de la première requérante.

62      Il en résulte que les requérantes n’ont pas apporté d’éléments permettant de considérer que la première requérante n’a pas exercé d’influence déterminante sur le comportement de ses filiales. Ainsi, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la deuxième branche, tirée d’une violation des droits fondamentaux 

63      Les requérantes font valoir que la Commission a violé leurs droits fondamentaux en appliquant la présomption visée au point 45 ci-dessus. Selon elles, d’une part, la Commission a enfreint les principes de sécurité juridique, de personnalité des peines et de la présomption d’innocence consacrés à l’article 6, paragraphe 2, et à l’article 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), ainsi qu’aux articles 48 et 49 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Elles soutiennent, en substance, que, en vertu de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, le niveau de protection des droits fondamentaux offert par la Charte ne peut être inférieur à celui garanti par la CEDH. Elles estiment que, comme il serait incontestable que les sanctions en matière de droit de la concurrence ont un caractère pénal, les garanties offertes par la CEDH leur sont rigoureusement applicables. D’autre part, elles soutiennent que l’application de ladite présomption entraîne la violation du droit de propriété consacré à l’article 1er du protocole additionnel à la CEDH, de l’article 14 de la CEDH ainsi que des articles 17 et 21 de la Charte en ce que cela donne lieu à une différence de traitement arbitraire et injustifiée entre différents régimes de propriété.

64      La Commission conteste cette argumentation.

65      Il convient d’examiner en premier lieu les griefs des requérantes tirés de la violation des principes de la personnalité des peines et de la présomption d’innocence et, en second lieu, celui tiré de la violation du droit de propriété.

–       Sur la violation des principes de la personnalité des peines et de la présomption d’innocence

66      Les requérantes soutiennent, en substance, que la présomption visée au point 45 ci-dessus constitue, en elle-même, une exception aux principes de la personnalité des peines et de la présomption d’innocence, étant donné que, en vertu de ces principes, la charge de la preuve devrait, en principe, incomber à la Commission et le doute profiter à l’accusé. L’application de cette présomption poserait la question fondamentale de savoir si une personne morale peut être sanctionnée pour les comportements d’une entité distincte. Sur cette base, les requérantes contestent la jurisprudence selon laquelle ladite présomption ne viole pas le principe de la personnalité des peines dans la mesure où la notion d’entreprise en tant qu’« entité économique unique » implique une responsabilité personnelle et non une responsabilité sans faute et pour le fait d’autrui.

67      La Commission conteste cette argumentation.

68      À cet égard, il convient de relever que la Cour s’est déjà penchée sur la question de savoir si la présomption visée au point 45 ci-dessus était compatible avec les principes de la personnalité des peines et de la présomption d’innocence.

69      En effet, il ressort de la jurisprudence qu’une présomption, même difficile à renverser, demeure dans des limites acceptables tant qu’elle est proportionnée au but légitime poursuivi, qu’existe la possibilité d’apporter la preuve contraire et que les droits de la défense sont assurés (voir arrêt du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 107 et jurisprudence citée).

70      La présomption visée au point 45 ci-dessus vise notamment à ménager un équilibre entre l’importance, d’une part, de l’objectif consistant à réprimer les comportements contraires aux règles de la concurrence, en particulier à l’article 101 TFUE, et d’en prévenir le renouvellement et, d’autre part, des exigences de certains principes généraux du droit de l’Union tels que, notamment, les principes de la présomption d’innocence, de la personnalité des peines et de sécurité juridique ainsi que le respect des droits de la défense, y compris le principe d’égalité des armes. C’est notamment pour cette raison qu’elle est réfragable (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 59). Il s’ensuit qu’une telle présomption est proportionnée au but légitime poursuivi (arrêt du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 108).

71      Par ailleurs, d’une part, la présomption visée au point 45 ci-dessus repose sur le constat selon lequel, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles, une société détenant la totalité ou la quasi-totalité du capital d’une filiale peut, compte tenu de cette seule détention, exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, l’absence d’exercice effectif de ce pouvoir d’influence peut normalement le plus utilement être recherchée dans la sphère des entités à l’encontre desquelles cette présomption opère. Elle est cependant réfragable et les entités qui souhaitent renverser ladite présomption peuvent apporter tout élément relatif aux liens économiques, organisationnels et juridiques unissant la filiale à la société mère et qu’elles considèrent comme étant de nature à démontrer que la filiale et la société mère ne constituent pas une entité économique unique, mais que la filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir arrêt du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 109 et jurisprudence citée).

72      Il ressort également de la jurisprudence que le fait que la société mère d’un groupe, qui exerce une influence déterminante sur ses filiales, puisse être déclarée responsable solidairement des infractions au droit de la concurrence commises par ces dernières ne constitue nullement une exception au principe de la responsabilité personnelle, mais est au contraire une expression de ce principe, car la société mère et les filiales soumises à son influence déterminante forment ensemble une entreprise unique au sens du droit de la concurrence de l’Union, entreprise dont elles sont responsables, et, si, de propos délibéré ou par négligence, cette entreprise viole les règles de concurrence, elle engagera la responsabilité personnelle et solidaire de l’ensemble des personnes juridiques entrant dans la structure du groupe (voir arrêt du 27 septembre 2012, Nynäs Petroleum et Nynas Belgium/Commission, T‑347/06, EU:T:2012:480, point 40 et jurisprudence citée).

73      Il s’ensuit que l’argument des requérantes selon lequel la présomption visée au point 45 ci-dessus est incompatible avec les principes de la personnalité des peines et de la présomption d’innocence doit être rejeté comme étant non fondé.

–       Sur la violation du droit de propriété

74      Les requérantes soutiennent que la décision attaquée enfreint l’article 1er du protocole additionnel à la CEDH et l’article 14 de la CEDH, ainsi que les articles 17 et 21 de la Charte, en ce qu’elle donne lieu à une différence de traitement arbitraire et injustifiée entre différents régimes de propriété. Les effets de l’application de la présomption visée au point 45 ci-dessus seraient également incompatibles avec le principe de neutralité consacré à l’article 345 TFUE. Les requérantes font valoir, en substance, que l’application de ladite présomption à un cas comme celui de l’espèce aboutit à décourager la détention d’actifs tels que ceux des holdings industriels, étant donné que ces derniers, même lorsqu’ils sont totalement étrangers aux comportements anticoncurrentiels adoptés par leurs filiales, sont néanmoins tenus pour responsables. En revanche, dans d’autres schémas de détention d’actifs, tels que l’actionnariat diffus ou le contrôle exercé au moyen d’une participation inférieure à la quasi-totalité des actions, la société mère ou les sociétés mères ne seraient pas exposées à un tel risque. Enfin, les requérantes relèvent que ladite décision est susceptible d’affecter, de manière inéquitable et déraisonnable, des petits actionnaires de la première requérante.

75      La Commission conteste cette argumentation.

76      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée aux points 42 à 47 ci-dessus, la présomption visée au point 45 ci-dessus s’applique à toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. Ainsi, il n’y a aucune discrimination quant à la forme de l’entité.

77      Par ailleurs, dès lors que la présomption visée au point 45 ci-dessus permet à la Commission uniquement de ne plus devoir démontrer l’exercice d’une influence déterminante par la société mère sur sa filiale et demeure, en tout état de cause, réfragable, rien ne permet de conclure que cette présomption comporte une limitation sur le régime des différentes formes de propriété de sociétés ou que, comme les requérantes le prétendent, la présomption concernée est susceptible de décourager certains régimes de détention capitalistiques tels que les holdings industriels.

78      Enfin, il ressort de la jurisprudence citée au point 70 ci-dessus que la présomption visée au point 45 ci-dessus est proportionnée au but légitime poursuivi.

79      Par conséquent, il y a lieu de constater qu’une discrimination, dans le sens invoqué par les requérantes, n’est pas établie.

80      Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la présomption visée au point 45 ci-dessus viole l’article 345 TFUE, il suffit de réaffirmer que ladite présomption ne régit pas le régime substantiel de la propriété, dans la mesure où elle ne constitue qu’une présomption ayant pour effet le renversement de la charge de la preuve.

81      De plus, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel les petits actionnaires de la première requérante seraient victimes, en dernière instance, de l’application de la présomption visée au point 45 ci-dessus compte tenu de la diminution de la valeur de leurs actions, il ne saurait prospérer, étant donné que le prétendu préjudice découle du comportement de l’entreprise et non de la ladite présomption.

82      Enfin, même à supposer que la présomption visée au point 45 ci-dessus puisse avoir un effet sur le droit fondamental de propriété, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, ce droit n’apparaît pas comme une prérogative absolue, mais doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage dudit droit, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du même droit ainsi garanti (arrêt du 13 juillet 2011, Schindler Holding e.a./Commission, T‑138/07, EU:T:2011:362, point 189).

83      En l’espèce, dans la mesure où la proportionnalité de la présomption visée au point 45 ci-dessus a été confirmée par la Cour dans sa jurisprudence (voir point 70 ci-dessus), il ne devrait pas faire de doute que la prétendue limitation du droit de propriété est justifiée.

84      Partant, il y a lieu de conclure que la présomption visée au point 45 ci-dessus ne viole ni le droit fondamental de propriété ni l’article 345 TFUE. Ainsi, la deuxième branche du deuxième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la troisième branche, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’un défaut de motivation

85      Les requérantes considèrent que la Commission a violé le principe de non-discrimination et d’égalité de traitement, étant donné que la première requérante était le seul holding financier sanctionné dans la décision attaquée. Ainsi, la Commission aurait dû écarter l’application de la présomption visée au point 45 ci-dessus. Par ailleurs, les requérantes reprochent à la Commission une discrimination manifeste et une absence de motivation, étant donné que le holding financier qui contrôlait Linpac entre 2003 et 2009 n’a ni été impliqué dans la procédure ni été sanctionné dans la décision attaquée.

86      La Commission conteste cette argumentation.

87      Il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit au respect duquel la Commission est tenue dans le cadre d’une procédure engagée au titre de l’article 101 TFUE et qui s’oppose à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente et à ce que des situations différentes soient traitées de manière semblable, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2012, GDF Suez/Commission, T‑370/09, EU:T:2012:333, point 386).

88      Par ailleurs, selon la jurisprudence citée aux points 42 à 47 et 54 ci-dessus, la présomption visée au point 45 ci-dessus s’applique à toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement. De ce fait, il ressort de la jurisprudence qu’aucune distinction, aux fins de l’imputabilité de ladite présomption, entre un holding financier et d’autres sociétés mères, quel que soit leur forme ou statut juridique, n’est permise.

89      Ainsi, en l’espèce, le fait que la première requérante puisse être l’unique holding financier parmi les sociétés destinataires de la décision attaquée n’est pas pertinent dans la mesure où l’activité éventuellement exercée ne la place pas dans une situation différente de celle d’autres sociétés mères.

90      Par conséquent, c’est à juste titre que la Commission n’a pas accordé à la première requérante un traitement différent de celui réservé aux autres sociétés destinataires de la décision attaquée.

91      En ce qui concerne la prétendue inégalité de traitement entre la première requérante et le holding financier qui contrôlait Linpac entre 2003 et 2009, il y a lieu d’observer, comme le soutient à juste titre la Commission, que la situation de contrôle de la première requérante sur ses filiales ne peut pas être considérée comme étant comparable à celle dudit holding financier sur Linpac. En effet, ce holding financier n’a détenu, entre 2003 et 2009, que 46 % du capital social de Linpac. Or, la présomption visée au point 45 ci-dessus peut uniquement être appliquée lorsque la société mère détient au moins la quasi-totalité du capital social d’une filiale.

92      Enfin, s’agissant du prétendu défaut de motivation relatif au fait que la Commission n’aurait pas explicitement indiqué les raisons pour lesquelles elle a exclu le holding financier qui contrôlait Linpac entre 2003 et 2009 des destinataires de la décision attaquée et même du texte de la décision attaquée, il doit également être rejeté. En effet, il convient de noter que, à cet égard, il suffit que la Commission expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. En particulier, elle n’est pas tenue de prendre position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (voir arrêt du 9 septembre 2015, Philips/Commission, T‑92/13, non publié, EU:T:2015:605, point 103 et jurisprudence citée).

93      Par ailleurs, il convient de rappeler que, dès lors qu’une entreprise a, par son comportement, violé l’article 101 TFUE, elle ne saurait échapper à toute sanction au motif qu’un ou deux autres opérateurs économiques ne se seraient pas vu infliger d’amende, alors même que le Tribunal n’est pas saisi de la situation desdits opérateurs (voir arrêt du 14 mars 2013, Dole Food et Dole Germany/Commission, T‑588/08, EU:T:2013:130, point 678 et jurisprudence citée).

94      Dans ces conditions, la troisième branche du deuxième moyen ainsi que l’ensemble du deuxième moyen doivent être rejetés comme étant non fondés.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 101 TFUE, de l’article 23 du règlement no 1/2003, des lignes directrices de 2006 et des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, dans le cadre de la détermination des éléments ou des paramètres de calcul du montant des amendes

95      Les requérantes estiment que la Commission a abusé de la marge d’appréciation qui lui serait reconnue en matière d’amendes et a infligé des amendes excessives qui risquent de mettre en péril de façon irréparable la poursuite des activités du sous-groupe Sirap-Gema.

96      Les requérantes subdivisent le présent moyen en sept branches qu’il convient d’examiner successivement.

 Sur la valeur des ventes

97      Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a commis une erreur en considérant que la valeur des ventes, aux fins du calcul des amendes, comprenait également les coûts de transport et les commissions payées aux agents.

98      La Commission conteste cette argumentation.

99      Il convient de rappeler, à cet égard, que le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 a pour objet de retenir, comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à une entreprise, un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids de cette entreprise dans celle-ci. Par conséquent, si la notion de valeur des ventes, visée audit paragraphe, ne saurait, certes, s’étendre jusqu’à englober les ventes réalisées par l’entreprise en cause qui ne relèvent pas du champ d’application de l’entente reprochée, il serait toutefois porté atteinte à l’objectif poursuivi par cette disposition si cette notion s’entendait comme ne visant que le chiffre d’affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu’elles ont réellement été affectées par cette entente (arrêt du 17 décembre 2014, Pilkington Group e.a./Commission, T‑72/09, non publié, EU:T:2014:1094, point 221).

100    En outre, il convient de relever que la valeur des ventes est utilisée comme une valeur de remplacement pour l’importance économique de l’infraction non seulement parce qu’elle est la mieux à même de refléter l’importance économique de cette infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction, mais aussi parce qu’il s’agit d’un critère objectif facile à appliquer. Cette dernière qualité de la valeur des ventes rend l’action de la Commission plus prévisible pour les entreprises et leur permet d’évaluer l’importance du montant d’une amende à laquelle elles s’exposent lorsqu’elles décident de participer à une entente illicite. L’utilisation du critère de la valeur des ventes au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 poursuit donc, notamment, un objectif de dissuasion générale (voir arrêt du 29 février 2016, Schenker/Commission, T‑265/12, EU:T:2016:111, point 291 et jurisprudence citée).

101    S’agissant, plus précisément, de l’inclusion de certains coûts de fonctionnement, en particulier les coûts de transport ou les commissions des agents, dans la valeur des ventes, il y a lieu d’observer que, selon la jurisprudence, c’est le chiffre d’affaires reflétant de façon complète la réalité du montant de la transaction qui est intéressant pour la détermination de la valeur des ventes en vue de la détermination du montant de base de l’amende. Ainsi, c’est le chiffre d’affaires tel qu’il ressort de la comptabilité de l’entreprise qui est à prendre en compte (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2013, ICF/Commission, T‑406/08, EU:T:2013:322, point 175).

102    Par ailleurs, la valeur des ventes reflète le prix tel qu’il est facturé au client, sans déduction pour les coûts de transport ou autres frais. S’agissant des frais de transport, il y a lieu de considérer que, dès lors qu’un producteur livre à destination, à la demande du client, les quantités vendues, le service de transport fait partie intégrante de la vente du produit. Le prix réclamé pour un tel service, quand bien même il correspondrait au remboursement des sommes dues par le vendeur au transporteur indépendant auquel il a eu recours pour ce service, est donc une composante du prix global de vente (voir arrêt du 18 juin 2013, ICF/Commission, T‑406/08, EU:T:2013:322, point 176 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, Schenker/Commission, T‑265/12, EU:T:2016:111, point 264).

103    Partant, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, et au regard de la jurisprudence rappelée aux points 101 et 102 ci-dessus, la Commission n’était pas obligée de déduire les frais de transport et de commissions de la valeur des ventes. En effet, ces coûts étaient inhérents à la valeur finale des ventes et donc non déductibles.

104    Lors de l’audience, les requérantes ont invité le Tribunal à reconsidérer la jurisprudence rappelée aux points 101 et 102 ci-dessus. Selon elles, il n’est pas juste d’inclure dans la valeur des ventes, aux fins du calcul des amendes, les coûts de transport ainsi que les commissions qui ont été supportées lors de paiements effectués au profit de tierces personnes.

105    À cet égard, il convient d’observer que, comme le soutient à juste titre la Commission, la décision de recourir à des services de tierces personnes est un choix stratégique d’une entreprise qui se fait pour une multitude de raisons, tant économiques qu’organisationnelles. Or, la méthode de calcul de la valeur des ventes doit reposer sur des facteurs objectifs et ne saurait être modifiée en fonction des choix individuels de chaque entreprise.

106    Par conséquent, cette première branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur le coefficient de gravité

107    Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir fixé un coefficient de gravité de 16 % en se fondant uniquement sur la nature des infractions. Elles estiment également que ledit coefficient est disproportionné. En outre, elles font valoir que la Commission a enfreint le principe d’égalité de traitement en appliquant à toutes les sociétés destinataires de la décision attaquée le même coefficient de gravité, sans tenir compte du nombre d’infractions auxquelles chacune d’entre elles avait participé.

108    La Commission conteste cette argumentation.

109    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003, la Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et aux associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions des articles 101 et 102 TFUE.

110    Selon l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende, il convient de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

111    Les paragraphes 19 à 23 des lignes directrices de 2006 indiquent ce qui suit :

« 19. Le montant de base de l’amende sera lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction.

20. L’appréciation de la gravité sera faite au cas par cas pour chaque type d’infraction, tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce.

21. En règle générale, la proportion de la valeur des ventes prise en compte sera fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %.

22. Afin de décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné devrait être au bas ou au haut de cette échelle, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction, et la mise en œuvre ou non de l’infraction.

23. Les accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, qui sont généralement secrets, comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. Au titre de la politique de la concurrence, ils doivent être sévèrement sanctionnés. Par conséquent, la proportion des ventes prise en compte pour de telles infractions sera généralement retenue en haut de l’échelle. »

112    Enfin, s’agissant de la prétendue violation du principe de proportionnalité, il convient de rappeler que ce principe exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, C‑180/96, EU:C:1998:192, point 96).

113    Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les violations aux règles de la concurrence, l’application de ce principe implique que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est-à-dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié, EU:T:2007:267, point 224 et jurisprudence citée). En particulier, ledit principe implique que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit, à ce sujet, appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (voir arrêts du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, EU:T:2006:270, point 228, et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, EU:T:2010:165, point 171).

114    S’agissant des cartels, considérés comme les infractions les plus graves, le Tribunal a jugé, après avoir rappelé que, en vertu du paragraphe 23 des lignes directrices de 2006, la proportion des ventes prise en compte sera généralement retenue à un niveau situé « en haut de l’échelle », que le taux devrait, à tout le moins, être supérieur à 15 % (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2011, Ziegler/Commission, T‑199/08, EU:T:2011:285, point 141).

115    En l’espèce, pour justifier qu’un coefficient de gravité de 16 % soit retenu, la Commission a relevé, aux considérants 1026 et 1027 de la décision attaquée, d’une part, que les pratiques de fixation de prix, de partage de marché et de soumissions concertées étaient, en raison de leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves et, d’autre part, que chacune des trois ententes en question, à savoir l’infraction commise en Italie, celle commise en ECO et celle commise en France, avait un caractère multidimensionnel.

116    Ainsi, dans la mesure où un coefficient de gravité de 16 % constitue un coefficient situé au début de la marge haute de l’échelle fixée au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006, allant de 0 à 30 %, et reflète l’importance de la gravité des infractions en cause, il y a lieu de considérer que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation ou de violation du principe de proportionnalité que la Commission a retenu, en l’espèce, un tel coefficient de gravité.

117    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments que les requérantes soulèvent dans la présente branche.

118    En premier lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, en vue de déterminer le coefficient de gravité, la Commission a pris en considération uniquement la nature de chacune des infractions, il y a lieu d’observer que, aux considérants 1026 et 1030 à 1033 de la décision attaquée, la Commission a précisé qu’elle a pris également en considération la part de marché combinée de toutes les entreprises en cause en ce qui concerne chaque infraction, la portée géographique de chacune des infractions et la mesure dans laquelle chacune des infractions a été mise à exécution. Le fait qu’elle n’a pas retenu ces facteurs pour augmenter ou réduire le coefficient de gravité ne signifie pas qu’elle ne les a pas pris en considération.

119    En second lieu, s’agissant de la prétendue violation du principe d’égalité de traitement au motif que la Commission a appliqué le même coefficient de gravité à toutes les entreprises destinataires de la décision attaquée, et ce indépendamment du nombre d’infractions auxquelles chaque entreprise avait participé, il convient de rappeler que la Commission n’a pas retenu l’existence d’une infraction unique et continue globale dans la décision attaquée. Elle a considéré qu’il s’agissait de cinq ententes distinctes pour lesquelles il existait, à chaque fois, une infraction unique et continue.

120    Ainsi, le fait que certaines autres entreprises participant aux trois ententes en question et à qui un même pourcentage de 16 % a été appliqué ont également été impliquées dans certaines ou dans toutes les autres ententes retenues dans la décision attaquée ne remet pas en cause la validité de ce pourcentage pour les trois ententes en question, pour lesquelles les entreprises se trouvant dans une même situation se sont vu infliger un même traitement. Aucune violation du principe d’égalité de traitement ne doit donc être retenue à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, UTi Worldwide e.a./Commission, T‑264/12, non publié, EU:T:2016:112, point 310).

121    Par conséquent cette deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur le montant additionnel

122    Les requérantes contestent, en substance, l’application d’un droit d’entrée de 16 %. Elles soutiennent que, au vu de l’importance du montant lié à la gravité de l’infraction, la Commission n’aurait pas dû accroître davantage le montant de base de l’amende. Par ailleurs, elles estiment que le droit d’entrée est totalement disproportionné, illégal et injustifié quand il vise la première requérante, au vu du fait que cette dernière n’est pas auteur de l’infraction. Elles estiment également que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en n’ayant pas échelonné le droit d’entrée en fonction du nombre d’infractions auxquelles chacune des sociétés destinataires de la décision attaquée avait participé.

123    La Commission conteste cette argumentation.

124    À cet égard, il y a lieu d’observer que, au considérant 1036 de la décision attaquée, la Commission a précisé que, indépendamment de la durée de la participation des entreprises à l’infraction, elle avait inclus dans le montant de base un montant additionnel de 16 % de la valeur des ventes dans le but de dissuader les entreprises de conclure des accords horizontaux de fixation de prix et de partage du marché, compte tenu des caractéristiques concernant la gravité de chacune des infractions.

125    Cette approche se fonde sur le paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, qui dispose qu’un montant additionnel allant de 15 à 25 % de la valeur des ventes est inclus dans le montant de base de l’amende afin de dissuader les entreprises de participer de nouveau à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de la production.

126    Il ressort du libellé et de l’économie des lignes directrices de 2006 que l’inclusion dans le montant de base de l’amende d’un montant additionnel au titre de l’effet dissuasif, prévue au paragraphe 25 de ces dernières, reflète la participation aux pratiques anticoncurrentielles les plus graves. Le montant additionnel inclus à ce titre fait état des caractéristiques des pratiques de l’ensemble des participants, et non de la situation individuelle de chacun d’entre eux (arrêt du 13 septembre 2013, Total Raffinage Marketing/Commission, T‑566/08, EU:T:2013:423, point 455).

127    En l’espèce, les requérantes ne contestent pas leur participation aux trois ententes en cause.

128    Dès lors, conformément au paragraphe 25 des lignes directrices de 2006, l’application d’un coefficient de la valeur des ventes à titre dissuasif est automatique. Par ailleurs, compte tenu du fait que la Commission a appliqué un montant additionnel qui se situe en bas de l’échelle mentionnée audit paragraphe, un tel montant n’est pas disproportionné (arrêt du 29 février 2016, UTi Worldwide e.a./Commission, T‑264/12, non publié, EU:T:2016:112, point 301).

129    Ainsi, il y a lieu de considérer que la Commission était en droit de retenir un montant additionnel de 16 % de la valeur des ventes au titre des trois infractions en question.

130    Les arguments que les requérantes soulèvent, à cet égard, ne sauraient prospérer.

131    En premier lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’application du droit d’entrée à la première requérante est injustifiée et inéquitable, dans la mesure où elle frappe une personne qui est totalement étrangère à l’infraction et ne peut être « découragée » d’en commettre une, il doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés notamment aux points 54 à 61 ci-dessus, dans le cadre du deuxième moyen.

132    Par ailleurs, la distinction entre entités ayant participé directement ou indirectement à l’infraction ne trouve aucun fondement dans la jurisprudence. Tous les destinataires de la décision attaquée sont censés avoir participé directement à l’infraction, indépendamment du point de savoir si les personnes physiques impliquées dans l’infraction étaient des membres de leur propre personnel ou de leur direction ou relevaient d’une de leurs filiales, avec laquelle elles formaient une unité économique. Il s’ensuit que ni les principes d’égalité de traitement ou de proportionnalité ni une autre règle ou un autre principe du droit de l’Union n’imposaient une différenciation du droit d’entrée, selon le caractère prétendument « direct » ou « indirect » de la participation de chaque destinataire de la décision attaquée à l’infraction (arrêt du 13 décembre 2013, HSE/Commission, T‑399/09, non publié, EU:T:2013:647, point 131).

133    De plus, il est loisible à la Commission de fixer le pourcentage de la valeur des ventes visé au paragraphe 25 des lignes directrices de 2006 et pris en compte aux fins du calcul du droit d’entrée, comme d’ailleurs celui visé au paragraphe 21 desdites lignes directrices, au même niveau pour tous les participants à l’entente. La fixation d’un même pourcentage pour tous les participants à l’entente n’implique pas la fixation d’un même droit d’entrée pour tous les participants à l’entente. Dès lors que ce droit consiste en un pourcentage de la valeur des ventes réalisées en relation avec l’infraction par chaque participant à l’entente, il sera différent pour chacun d’entre eux, en fonction des différences dans la valeur des ventes qu’ils ont réalisées (voir arrêt du 13 décembre 2013, HSE/Commission, T‑399/09, non publié, EU:T:2013:647, point 132 et jurisprudence citée).

134    En second lieu, s’agissant de l’argument des requérantes pris de la violation du principe d’égalité de traitement, il doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 1 à 120 ci-dessus.

135    Par conséquent, cette troisième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur l’absence de prise en considération de la situation de crise du secteur

136    Les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû tenir compte, lors du calcul du montant des amendes, de la crise dans le secteur du conditionnement alimentaire destiné à la vente au détail et leur accorder une circonstance atténuante spécifique. Elles considèrent que la décision attaquée est viciée en fait et en droit et dépourvue de motivation en ce que la Commission a estimé que l’état de crise du secteur avait été pris en considération dans le cadre de l’analyse sur la capacité contributive de l’entreprise.

137    La Commission conteste cette argumentation.

138    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas tenue de considérer comme circonstance atténuante la mauvaise santé financière du secteur en cause. Ce n’est pas parce que la Commission a tenu compte, dans de précédentes affaires, de la situation économique du secteur comme circonstance atténuante qu’elle doit nécessairement continuer à observer cette pratique (voir arrêt du 23 janvier 2014, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, T‑391/09, non publié, EU:T:2014:22, point 187 et jurisprudence citée).

139    En l’espèce, il convient, dès lors, de constater que la Commission n’avait aucune obligation de tenir compte de la situation de crise dans le secteur concerné et d’accorder une circonstance atténuante justifiant une réduction du montant de l’amende.

140    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la décision attaquée est dépourvue de motivation, lorsque la Commission a estimé que l’état de crise du secteur avait été pris en considération dans le cadre de l’analyse sur la capacité contributive de l’entreprise, il doit également être rejeté. En effet, au considérant 1051 de la décision attaquée, la Commission a expliqué de manière claire que, bien que les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3) eussent mentionné le contexte économique spécifique comme étant un motif distinct pour les réductions, les lignes directrices de 2006, sur la base desquelles les amendes ont été calculées dans le cas des requérantes, prévoient que le contexte économique est pris en compte pour déterminer si une entreprise est admissible à une réduction en vertu du paragraphe 35 de ces dernières lignes directrices sur la capacité contributive. Ainsi, une telle explication est plus que suffisante.

141    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait dû tenir compte de l’état de crise du secteur, indépendamment du sort réservé à la demande de reconnaissance de l’absence de capacité contributive, en d’autres termes indépendamment de l’influence que cette crise a eu sur la situation subjective d’une entreprise, il ne saurait prospérer. En effet, comme le soutient à juste titre la Commission, un tel raisonnement pourrait déboucher sur la situation absurde dans laquelle la Commission devrait accorder la circonstance atténuante tirée d’une éventuelle crise de marché également à des entreprises qui n’ont été nullement affectées par cette crise et qui, au contraire, en ont peut-être même bénéficié.

142    Par conséquent, la quatrième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur l’application de la limite de 10 % du chiffre d’affaires

143    Les requérantes estiment que la Commission a eu tort d’utiliser le chiffre d’affaires de la première requérante pour le calcul du plafond de 10 %. Elles font valoir que lier la possibilité d’appliquer l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 au chiffre d’affaires consolidé d’un holding financier revient à lui donner des limites incertaines, abusives et potentiellement fortement discriminatoires et préjudiciables. Par ailleurs, les chiffres d’affaires des holdings financiers seraient hautement volatils, comme cela aurait été le cas pour celui de la première requérante lors des dernières années.

144    La Commission conteste cette argumentation.

145    À cet égard, tout d’abord, il doit être rappelé que l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 dispose que la Commission peut infliger des amendes aux entreprises qui commettent une infraction à l’article 101 TFUE sous réserve que, pour chaque entreprise participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

146    L’objectif visé par l’établissement d’un plafond de 10 % du chiffre d’affaires de chaque entreprise ayant participé à l’infraction est notamment d’éviter que l’infliction d’une amende d’un montant supérieur à ce plafond dépasse la capacité de paiement de l’entreprise à la date où elle est reconnue responsable de l’infraction et où une sanction pécuniaire lui est infligée par la Commission (arrêt du 4 septembre 2014, YKK e.a./Commission, C‑408/12 P, EU:C:2014:2153, point 63).

147    Il ressort d’une jurisprudence constante que le plafond de 10 % doit être calculé sur la base du chiffre d’affaires cumulé de toutes les sociétés constituant l’entité économique unique agissant en tant qu’entreprise au sens de l’article 101 TFUE. Ce dernier chiffre constitue en effet le meilleur indicateur de la capacité de l’entreprise concernée à mobiliser les fonds nécessaires au paiement de l’amende (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2013, Eni/Commission, C‑508/11 P, EU:C:2013:289, point 109 et jurisprudence citée, et du 26 novembre 2013, Groupe Gascogne/Commission, C‑58/12 P, EU:C:2013:770, point 53).

148    En l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les entreprises responsables de chacune des infractions en question étaient constituées par les requérantes. Selon elle, la première requérante formait, avec l’ensemble de ses filiales concernées, une seule et même unité économique pour chacune des trois infractions en question (voir point 50 ci-dessus).

149    Or, il ressort de l’analyse effectuée dans le cadre du deuxième moyen que la Commission a établi à suffisance de droit l’imputabilité des infractions en cause à la première requérante.

150    Ainsi, la Commission était en mesure de prendre en considération le chiffre d’affaires de l’ensemble des requérantes, y compris celui de la première requérante, composant l’entreprise, au sens de l’article 101 TFUE, responsable des trois infractions en question.

151    S’agissant de l’argument des requérantes tiré de ce que le chiffre d’affaires consolidé d’un holding financier ne devrait pas être pris en compte lors de la détermination du plafond de 10 %, il suffit de renvoyer à la jurisprudence citée aux points 54 et 146 ci-dessus, dont il ressort qu’il n’y a pas lieu d’opérer une distinction entre les différents types des sociétés mères dans le cadre de l’application du droit de la concurrence de l’Union. Comme la Commission l’a considéré à juste titre au considérant 1056 de la décision attaquée, la notion d’entreprise ne peut pas être interprétée de manière différente aux fins de l’imputation de l’infraction et aux fins de l’application du plafond de 10 %. Ainsi, le fait que la première requérante soit un holding financier n’a aucune incidence sur l’imputabilité de l’amende et donc aux fins de l’utilisation de son chiffre d’affaires comme référence pour l’application du plafond de 10 %. Par ailleurs, exclure le chiffre d’affaires consolidé d’un holding uniquement en raison de la structure sociétaire entraînerait une discrimination injustifiée entre différents opérateurs du marché et pourrait permettre aux sociétés mères d’échapper à leurs responsabilités.

152    Il résulte de ce qui précède que la cinquième branche du troisième moyen doit être rejetée.

 Sur la réduction insuffisante des amendes en raison de la durée excessive de la procédure administrative

153    Les requérantes estiment que, pour tenir compte de la longueur déraisonnable de la durée de la procédure administrative, la Commission aurait dû procéder à une réduction du montant des amendes supérieure à la réduction de 5 % effectivement accordée. En particulier, elles soutiennent que la période de trente-trois mois entre l’adoption de la communication des griefs et l’adoption de la décision attaquée aurait dû être plus courte, étant donné que, après l’adoption de la communication des griefs, la Commission n’a pratiquement plus procédé à aucun devoir d’enquête, si ce n’est l’audition, et que le texte de ladite décision correspond dans une large mesure au texte de la communication des griefs. Elles estiment que la Commission aurait dû tenir compte davantage du fait que l’attente prolongée d’une sanction éventuelle durant une période de crise économique les a empêchées de procéder à une planification commerciale adéquate.

154    La Commission conteste cette argumentation.

155    À cet égard, il y a lieu de constater que, en l’espèce, les requérantes se prévalent, en substance, du caractère excessif de la durée de la procédure administrative et considèrent que la réduction de 5 % que la Commission a accordée à ce titre à chacun des destinataires de la décision attaquée est insuffisante.

156    Tout d’abord, force est de constater que les lignes directrices de 2006 ne prévoient pas que la Commission soit tenue de réduire le montant de l’amende en cas de durée excessive de la procédure administrative. C’est donc dans le cadre du paragraphe 37 desdites lignes directrices que la Commission a pu décider d’octroyer une réduction d’amende à ce titre sans préjudice du droit des requérantes, à supposer qu’une telle durée leur ait éventuellement porté préjudice, d’introduire un recours en responsabilité à ce titre.

157    À cet égard, concernant l’appréciation de la durée excessive de la procédure administrative, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que la violation par la Commission du délai raisonnable d’une procédure administrative, à la supposer établie, n’est pas susceptible de conduire à une réduction du montant de l’amende infligée (voir arrêt du 9 juin 2016, CEPSA/Commission, C‑608/13 P, EU:C:2016:414, point 61 et jurisprudence citée).

158    En l’espèce, les requérantes se prévalent du caractère déraisonnable de la durée de la procédure administrative afin d’obtenir une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée.

159    Ainsi, les arguments des requérantes ne sauraient prospérer. En effet, une violation, par une institution de l’Union, de son obligation résultant de l’article 41, deuxième alinéa, de la Charte de traiter les affaires dans un délai raisonnable doit trouver sa sanction dans un recours en indemnité porté devant le Tribunal, un tel recours constituant un remède effectif (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2014, Bolloré/Commission, C‑414/12 P, non publié, EU:C:2014:301, points 106 et 109, et jurisprudence citée).

160    En tout état de cause, à supposer que la jurisprudence de la Cour citée aux points 157 et 159 ci-dessus puisse être interprétée comme ne s’opposant pas à la possibilité même de réformer le montant d’une amende dans l’exercice de la compétence de pleine juridiction dans une situation comme en l’espèce quand la Commission a déjà tenu compte de la durée de la procédure administrative et a ainsi octroyé une réduction de l’amende, il convient de constater que la réduction du montant des amendes accordée par la Commission en raison du caractère excessif de la durée de la procédure administrative est appropriée compte tenu des circonstances de l’espèce. D’une part, pour autant que les requérantes indiquent que la durée longue de cette procédure les a empêchées de planifier leur activité commerciale, elles ne fournissent aucune explication concrète à cet égard. D’autre part, une telle réduction est proportionnée, dès lors que la durée excessive de ladite procédure résulte de la complexité des faits, la décision attaquée concernant cinq ententes différentes ainsi qu’un nombre élevé de sociétés impliquées.

161    Ainsi, la sixième branche du troisième moyen doit être rejetée.

 Sur l’appréciation de la capacité contributive

162    Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir accueilli leur demande visant à reconnaître l’incapacité de payer de Sirap-Gema, de Petruzalek GmbH et de Petruzalek Kft. D’après elles, la motivation avancée par la Commission à cet égard est erronée et n’est, en tout état de cause, pas suffisamment détaillée. La Commission aurait répondu aux données financières et patrimoniales concernant la situation de crise du sous-groupe Sirap-Gema d’une manière succincte et en se référant uniquement à la situation de la première requérante.

163    La Commission conteste cette argumentation.

164    À cet égard, en premier lieu, s’agissant de la motivation de la décision attaquée, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 9 septembre 2015, Philips/Commission, T‑92/13, non publié, EU:T:2015:605, point 102 et jurisprudence citée).

165    En l’espèce, la Commission a d’abord rejeté la demande formulée au titre de l’absence de capacité contributive en indiquant dans l’annexe II de la décision attaquée qu’il ressortait des dernières données disponibles relatives au bilan consolidé de la première requérante, laquelle contrôlait Sirap-Gema, Petruzalek GmbH et Petruzalek Kft et était également la destinataire de la décision attaquée, qu’elle détenait des réserves de liquidités supérieures à la valeur de l’amende. Elle a ensuite ajouté que l’amende était d’un montant limité au regard de la taille globale de l’entreprise en termes d’actifs, de patrimoine net et de ventes. Enfin, la Commission a précisé que les dividendes distribués par la première requérante en 2014 dépassaient, eux aussi, le montant de l’amende. En ce qui concerne cette dernière constatation, elle a reconnu que ce n’était pas uniquement la première requérante mais également les sociétés du groupe Italmobiliare qui avaient distribué des dividendes dépassant le montant de l’amende.

166    Par ailleurs, ces motifs doivent être lus en combinaison avec les considérants 1099 à 1103 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission a expliqué les termes du paragraphe 35 des lignes directrices de 2006 et la méthode qu’elle avait suivie dans son analyse.

167    Ainsi, les motifs de la décision attaquée permettent au Tribunal de comprendre les raisons qui ont conduit la Commission à rejeter la demande présentée par Sirap-Gema, Petruzalek GmbH et Petruzalek Kft. Par ailleurs, au vu de leur argumentation, lesdits motifs n’ont manifestement pas empêché les requérantes de comprendre la justification de ladite décision en ce qu’elle rejette leur demande liée à l’absence de capacité contributive.

168    En second lieu, s’agissant du bien-fondé de l’appréciation de la Commission, il convient de rappeler que le paragraphe 35 des lignes directrices de 2006 envisage l’incidence que peut avoir la capacité contributive d’une entreprise sanctionnée pour avoir enfreint l’article 101 TFUE sur le calcul du montant de l’amende susceptible de lui être infligée. Ce point est rédigé comme suit :

« Dans des circonstances exceptionnelles, la Commission peut, sur demande, tenir compte de l’absence de capacité contributive d’une entreprise dans un contexte social et économique particulier. Aucune réduction d’amende ne sera accordée à ce titre par la Commission sur la seule constatation d’une situation financière défavorable ou déficitaire. Une réduction ne pourrait être accordée que sur le fondement de preuves objectives que l’imposition d’une amende, dans les conditions fixées par les présentes lignes directrices, mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur. »

169    Selon une jurisprudence constante, en adoptant des règles de conduite telles que des lignes directrices et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime [voir arrêt du 15 juillet 2015, Fapricela/Commission, T‑398/10, EU:T:2015:498, point 316 (non publié) et jurisprudence citée].

170    Il y a lieu de relever d’emblée qu’une réduction du montant de l’amende ne peut être accordée au titre du paragraphe 35 des lignes directrices de 2006 que dans des circonstances exceptionnelles et aux conditions qui sont définies dans ces orientations. Ainsi, d’une part, il doit être démontré que l’amende infligée « mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur ». D’autre part, l’existence d’un « contexte économique et social particulier » doit également être établie. Il convient de rappeler, en outre, que ces deux ensembles de conditions ont été précisés par les juridictions de l’Union [arrêt du 15 juillet 2015, Fapricela/Commission, T‑398/10, EU:T:2015:498, point 317 (non publié)].

171    S’agissant du premier ensemble de conditions, il a été jugé que la Commission n’était pas, en principe, obligée de tenir compte, lors de la détermination du montant de l’amende à infliger pour une violation des règles de concurrence, de la situation financière déficitaire d’une entreprise, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché [voir arrêt du 15 juillet 2015, Fapricela/Commission, T‑398/10, EU:T:2015:498, point 318 (non publié) et jurisprudence citée].

172    En effet, si tel devait être le cas, ces entreprises risqueraient d’être favorisées aux dépens d’autres entreprises, plus efficaces et mieux gérées. De ce fait, la seule constatation d’une situation financière défavorable ou déficitaire de l’entreprise concernée ne saurait suffire à fonder une demande visant à obtenir de la Commission qu’elle tienne compte de l’absence de sa capacité contributive pour accorder une réduction du montant de l’amende [arrêt du 15 juillet 2015, Fapricela/Commission, T‑398/10, EU:T:2015:498, point 319 (non publié)].

173    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, le fait qu’une mesure prise par une autorité de l’Union provoque la faillite ou la liquidation d’une entreprise n’est pas interdit, en tant que tel, par le droit de l’Union. Si la faillite ou la liquidation d’une entreprise sous la forme juridique en cause peut porter atteinte aux intérêts financiers des propriétaires ou des actionnaires, cela ne signifie pas pour autant que les éléments personnels, matériels et immatériels représentés par l’entreprise perdraient eux aussi leur valeur [voir arrêt du 15 juillet 2015, Fapricela/Commission, T‑398/10, EU:T:2015:498, point 320 (non publié) et jurisprudence citée].

174    Il peut en être déduit que seule l’hypothèse d’une perte de la valeur des éléments personnels, matériels et immatériels représentés par une entreprise, en d’autres termes, de ses actifs, pourrait justifier la prise en considération, lors de la fixation du montant de l’amende, de l’éventualité de sa faillite ou de sa liquidation, à la suite de l’imposition de cette amende [voir arrêt du 15 juillet 2015, Fapricela/Commission, T‑398/10, EU:T:2015:498, point 321 (non publié) et jurisprudence citée].

175    En effet, la liquidation d’une société n’implique pas nécessairement la disparition de l’entreprise en cause. Celle-ci peut continuer à subsister en tant que telle, soit en cas de recapitalisation de la société, soit en cas de reprise globale des éléments de son actif par une autre entité. Une telle reprise peut intervenir soit par un rachat volontaire, soit par une vente forcée des actifs de la société avec poursuite d’exploitation [voir arrêt du 15 juillet 2015, Fapricela/Commission, T‑398/10, EU:T:2015:498, point 322 (non publié) et jurisprudence citée].

176    Il convient donc de comprendre la référence qui est faite, au paragraphe 35 des lignes directrices de 2006, à la privation des actifs de l’entreprise concernée de toute valeur comme envisageant la situation dans laquelle la reprise de l’entreprise dans les conditions évoquées au point précédent paraît improbable, voire impossible. Dans une telle hypothèse, les éléments d’actif de cette entreprise seront offerts à la vente séparément et il est probable que beaucoup d’entre eux ne trouveront aucun acheteur ou, au mieux, ne seront vendus qu’à un prix considérablement réduit [voir arrêt du 15 juillet 2015, Fapricela/Commission, T‑398/10, EU:T:2015:498, point 323 (non publié) et jurisprudence citée].

177    Quant au second ensemble de conditions, relatif à l’existence d’un contexte économique et social particulier, il renvoie, selon la jurisprudence, aux conséquences que le paiement de l’amende pourrait entraîner, notamment en termes d’augmentation du chômage ou de détérioration des secteurs économiques situés en amont et en aval de l’entreprise concernée [voir arrêt du 15 juillet 2015, Fapricela/Commission, T‑398/10, EU:T:2015:498, point 324 (non publié) et jurisprudence citée].

178    Dès lors, si les conditions cumulatives envisagées précédemment sont réunies, l’imposition d’une amende qui risquerait de provoquer la disparition d’une entreprise s’avérerait contraire à l’objectif poursuivi par le paragraphe 35 des lignes directrices de 2006. L’application dudit paragraphe aux entreprises concernées constitue, de la sorte, une traduction concrète du principe de proportionnalité en matière de sanctions des infractions au droit de la concurrence [voir arrêt du 15 juillet 2015, Fapricela/Commission, T‑398/10, EU:T:2015:498, point 325 (non publié) et jurisprudence citée].

179    En l’espèce, force est de constater que les requérantes n’allèguent ni ne justifient le fait que l’imposition d’une amende était de nature à mettre irrémédiablement en danger leur viabilité économique et conduirait à priver leurs actifs de toute valeur.

180    En effet, les requérantes reprochent, en substance, à la Commission, d’une part, de ne pas avoir apprécié les conditions difficiles dans lesquelles se trouvaient Sirap-Gema, Petruzalek GmbH, Petruzalek Kft et le sous-groupe Sirap-Gema et, d’autre part, d’avoir rejeté la demande qu’elles avaient présentée en se référant uniquement à la situation de la première requérante. En outre, leur argumentation, développée dans le cadre de la requête, est principalement fondée sur la prétendue situation de crise dudit sous-groupe.

181    Or, comme le soutient à juste titre la Commission et comme il ressort de l’analyse dans le cadre du deuxième moyen, le sous-groupe Sirap-Gema ne saurait être considéré comme étant effectivement autonome par rapport à la première requérante. Ainsi, la capacité contributive des sociétés dudit sous-groupe devait être appréciée conjointement avec celle de cette dernière.

182    Par ailleurs, même si les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur en affirmant dans l’annexe II de la décision attaquée que les dividendes distribués par la première requérante en 2014 dépassent la valeur des amendes, ce que la Commission a reconnu (voir point 165 ci-dessus), il y a lieu d’observer qu’elles ne contestent pas la conclusion principale de la Commission selon laquelle la première requérante, en tant que société mère, pouvait faire face aux amendes imposées à ses filiales (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Rubinetteria Cisal/Commission, T‑368/10, non publié, EU:T:2013:460, point 118).

183    Il apparaît ainsi que la Commission a fait application de la méthode définie dans les lignes directrices de 2006 et que son refus d’accorder une réduction du montant de l’amende est conforme à la jurisprudence visée aux points 169 à 178 ci-dessus.

184    Au point 115 de la requête, les requérantes se réfèrent à un rapport établi par un expert « dans le but de démontrer l’impossibilité pour le sous-groupe Sirap-Gema de faire face au paiement d’une amende d’un montant aussi élevé ». Elles indiquent également que l’auteur du rapport se tient à la disposition du Tribunal si ce dernier voulait disposer de l’analyse d’un expert judiciaire.

185    Au point 141 de la requête, les requérantes concluent à ce qu’il plaise au tribunal d’« ordonner une expertise en vue d’établir la situation de grave difficulté économique du sous-groupe Sirap-Gema et le caractère disproportionné des sanctions infligées par la Commission » (voir également point 14 ci-dessus).

186    Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il convient de considérer que les pièces du dossier sont suffisantes et qu’il n’y a donc pas lieu de donner suite à cette demande.

187    Par ailleurs, il n’y a pas lieu d’analyser les arguments des requérantes développés aux points 115 à 124 de la requête, étant donné qu’ils se basent sur le rapport d’un expert qui à son tour concerne uniquement la situation du sous-groupe Sirap-Gema et ne prend pas en compte l’existence de la société mère, la première requérante.

188    Par conséquent, la septième branche du troisième moyen ainsi que le troisième moyen dans son ensemble doivent être rejetés comme non fondés.

 Sur le quatrième moyen, relatif à l’exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction

189    Les requérantes demandent au Tribunal, dans le cas où il devrait décider de ne pas annuler la décision attaquée, de réduire significativement le montant des amendes infligées aux requérantes, en s’écartant, en tant que de besoin, des principes établis par les lignes directrices de 2006 et en prenant en compte l’ensemble des circonstances pertinentes exposées dans la requête. Par ailleurs, elles font valoir que le montant des amendes est également disproportionné d’un point de vue économique.

190    La Commission s’oppose à cette demande et soutient que les arguments invoqués par les requérantes à l’appui de ce moyen sont répétitifs et génériques.

191    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la compétence de pleine juridiction, reconnue au juge de l’Union à l’article 31 du règlement no 1/2003 conformément à l’article 261 TFUE, habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 63 et jurisprudence citée).

192    En outre, l’exercice de cette compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office et la procédure est contradictoire. C’est à la partie requérante qu’il appartient, en principe, de soulever les moyens à l’encontre de la décision litigieuse et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 76 et jurisprudence citée).

193    Par ailleurs, afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 75 et jurisprudence citée).

194    En l’espèce, tout d’abord, il y a lieu d’observer que les requérantes ont expressément demandé au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction également dans le cadre de leur argumentation développée au sein des deuxième à septième branches du troisième moyen, en particulier aux points 76, 82, 91, 102, 107 et 124 de la requête.

195    Ensuite, il importe de relever que, dans le cadre du quatrième moyen, les requérantes se bornent, en substance, à répéter les arguments déjà avancés à l’appui des précédents moyens du recours, dans lesquels elles se sont contentées d’alléguer que les appréciations de la Commission étaient illégales, et n’apportent aucun nouvel élément de preuve spécifique visant à établir que lesdites appréciations seraient par ailleurs inappropriées.

196    En effet, dans le cadre du quatrième moyen, les requérantes font valoir, en substance, premièrement, que la rigidité des critères prévus par les lignes directrices de 2006 et leur application mécanique sans aucun correctif risquent de mettre en péril l’activité du groupe, ce qui modifierait l’équilibre sur le marché au seul avantage du leader sur ce marché, à savoir Linpac ; deuxièmement, que les amendes calculées en utilisant comme point de départ la valeur des ventes auraient eu un impact excessif au regard des données économiques du groupe et, en particulier, que l’écart entre la valeur des ventes et la marge bénéficiaire nette du groupe aurait entraîné un résultat injuste et excessif pour les requérantes ; troisièmement, que le caractère disproportionné des amendes serait également démontré par l’analyse économique réalisée par un expert ; et, quatrièmement, qu’il fallait tenir compte de la crise financière qui s’est manifestée à la fin de l’année 2008 et qui aurait affecté le secteur du conditionnement alimentaire destiné à la vente au détail.

197    Or, il ne ressort aucunement des griefs énumérés au point 194 ci-dessus, examinés cette fois au titre de la pleine juridiction, que la Commission ait adopté des sanctions inadéquates dans leur montant respectif.

198     Au demeurant, il convient d’indiquer que c’est à tort que les requérantes reprochent à la Commission d’avoir injustement « protégé » Linpac, dès lors que, par sa démarche, cette dernière a porté à la connaissance de la Commission une entente prohibée par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, permettant à cette institution, d’abord, de faire cesser tout comportement anticoncurrentiel s’y rapportant et, ensuite, d’en sanctionner les auteurs, exception faite de l’informatrice. Ainsi, le traitement préférentiel accordé à celle-ci répond à l’intérêt éminent visant à la divulgation des pratiques anticoncurrentielles et ne rend donc pas en soi inapproprié le montant de l’amende infligée aux autres participants à l’entente ainsi dénoncée et, en l’espèce, aux requérantes.

199    Ensuite, l’argument des requérantes tiré de la crise financière de 2008, qui pourrait être avancé par n’importe quelle entreprise, reste trop général, même rapporté au secteur du conditionnement alimentaire, et s’avère insuffisamment étayé pour établir le caractère inapproprié du montant de l’amende. Par ailleurs, l’argument des requérantes selon lequel l’analyse économique permettrait de démontrer que les bénéfices qu’a pu tirer le sous-groupe Sirap-Gema de l’entente sont extrêmement réduits et de très faible importance ne saurait pas plus prospérer, puisque le fait qu’une entreprise n’ait retiré qu’un bénéfice faible de l’infraction, à le supposer établi, ne saurait conduire le Tribunal à réduire, sur ce fondement, le montant de l’amende, compte tenu de la nécessité d’assurer le caractère dissuasif de celle-ci.

200    En particulier, l’argument des requérantes tiré du supposé écart entre la valeur des ventes et la marge bénéficiaire du sous-groupe Sirap-Gema revient, en réalité, à soutenir que, dès lors que la marge bénéficiaire dudit sous-groupe est relativement basse, le Tribunal doit réduire, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, le montant de l’amende infligée. Toutefois, une telle approche reviendrait à avantager des entreprises moins performantes et ne saurait, dès lors, prospérer.

201    De même, l’expertise figurant à l’annexe A.18 de la requête, réalisée par le professeur P., fait, certes, apparaître une augmentation du coût des matières premières durant la période de l’entente, et l’amoindrissement de la rentabilité du sous-groupe Sirap-Gema en résultant, mais elle ne permet pas pour autant de conclure que le montant des amendes en cause, pour important qu’il fût au regard de la profitabilité de ce sous-groupe, n’est pas approprié, en particulier au regard, d’une part, de la capacité de paiement de la première requérante et, d’autre part, de l’objectif de dissuasion susmentionné.

202    En outre, aucun élément survenu postérieurement à l’adoption de la décision attaquée dans la situation financière des requérantes ne justifie de réduire le montant des amendes.

203    Ainsi, les arguments avancés par les requérantes ne justifient pas une réduction du montant des amendes dans le cadre de l’exercice de la compétence de pleine juridiction.

204    Par conséquent, il y a lieu de considérer que la demande des requérantes tendant à ce que le Tribunal réduise le montant des amendes doit être rejetée.

205    Partant, à la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, le présent recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

206    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter l’ensemble des dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Italmobiliare SpA et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnées aux dépens.

Tomljenović

Bieliūnas

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2019.

Signatures


Annexe

Autres parties requérantes

Sirap-Gema SpA, établie à Verolanuova (Italie),

Sirap France SAS, établie à Noves (France),

Petruzalek GmbH, établie à Tattendorf (Autriche),

Petruzalek kft, établie à Budapest (Hongrie),

Petruzalek s. r. o., établie à Bratislava (Slovaquie),

Petruzalek s. r. o., établie à Břeclav (République Tchèque).


Table des matières 


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’un abus de pouvoir, d’une violation de la communication sur la coopération et d’une violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne le bénéfice de l’immunité d’amende octroyée à Linpac

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 101 TFUE, d’une violation des droits fondamentaux, d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’un défaut de motivation, s’agissant de l’application de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante

Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 101 TFUE

Sur la deuxième branche, tirée d’une violation des droits fondamentaux

– Sur la violation des principes de la personnalité des peines et de la présomption d’innocence

– Sur la violation du droit de propriété

Sur la troisième branche, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’un défaut de motivation

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 101 TFUE, de l’article 23 du règlement n o 1/2003, des lignes directrices de 2006 et des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, dans le cadre de la détermination des éléments ou des paramètres de calcul du montant des amendes

Sur la valeur des ventes

Sur le coefficient de gravité

Sur le montant additionnel

Sur l’absence de prise en considération de la situation de crise du secteur

Sur l’application de la limite de 10 % du chiffre d’affaires

Sur la réduction insuffisante des amendes en raison de la durée excessive de la procédure administrative

Sur l’appréciation de la capacité contributive

Sur le quatrième moyen, relatif à l’exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’italien.


1 La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.