Language of document : ECLI:EU:T:2015:591

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

1er septembre 2015(*)

« Recours en annulation – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur d’appréciation – Droit de propriété – Droit au respect de la vie privée – Proportionnalité – Autorité de chose jugée – Délai de recours – Recevabilité – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑441/13,

Eyad Makhlouf, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Mes C. Rygaert et G. Karouni, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. G. Étienne et Mme R. Liudvinaviciute-Cordeiro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 147, p. 14), pour autant que cette décision concerne le requérant,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Eyad Makhlouf, est un officier de nationalité syrienne, ayant le grade de lieutenant-colonel.

2        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en divers endroits dans toute la Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 9 mai 2011, la décision 2011/273/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi qu’un gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées sont mentionnés aux annexes de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5 de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe. Le nom du requérant ne figure pas dans cette annexe.

4        Par la décision d’exécution 2011/302/PESC, du 23 mai 2011, mettant en œuvre la décision 2011/273 (JO L 136, p. 91), le Conseil a modifié la décision 2011/273 en vue, notamment, d’appliquer les mesures restrictives en cause à d’autres personnes et entités et a remplacé son annexe par le texte mis à jour figurant à l’annexe I de la présente décision. Le nom du requérant figure à la ligne 19 du tableau de cette annexe. Les motifs de son inscription sont les suivants :

« Frère de Rami Makhlouf et officier de la direction des renseignements généraux ; impliqué dans la répression contre la population civile. »

5        Le nom du requérant a été maintenu sur les listes figurant en annexe de différents actes postérieurs à la décision d’exécution 2011/302, avec les mêmes informations et motifs que ceux retenus dans l’annexe I de ladite décision.

6        Ainsi qu’il résulte de l’arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil (T‑383/11, Rec, EU:T:2013:431), par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 juillet 2011, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision d’exécution 2011/302, en ce que cette décision le concernait. Le requérant a adapté ses conclusions à deux reprises, le 5 janvier 2012 puis le 31 janvier 2013, afin, en substance, de demander également l’annulation de la décision 2012/739/PESC du Conseil, du 29 novembre 2012, concernant les mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/782/PESC (JO L 330, p. 21). Par l’arrêt Makhlouf/Conseil, précité (EU:T:2013:431), le Tribunal a rejeté au fond le recours en annulation du requérant.

7        Le 31 mai 2013, le Conseil a adopté la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 147, p. 14) (ci-après, la « décision attaquée »). Cette décision a été adoptée à la suite de l’expiration de la décision 2012/739 et maintient le nom du requérant à son annexe I. En effet, le nom de ce dernier figure à la ligne 19 du tableau figurant à l’annexe I de ladite décision avec les mêmes informations et motifs que ceux retenus dans l’annexe I de la décision d’exécution 2011/302.

8        Le 1er juin 2013, le Conseil a publié un avis à l’attention des personnes et entités auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives prévues notamment par la décision 2013/255 (JO C 155, p. 1).

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 août 2013, le requérant a introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision 2013/255 dans la mesure où son nom a été maintenu sur la liste des personnes et entités auxquelles s’appliquaient les mesures restrictives en cause.

10      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 11 avril 2014, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre de la requête, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

11      Le requérant n’a présenté aucune observation sur l’exception d’irrecevabilité.

12      Par ordonnance du 2 octobre 2014, le président de la septième chambre du Tribunal a ordonné la jonction au fond de l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil.

13      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, prévues à l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal a invité le Conseil à préciser, dans le mémoire en défense, s’il disposait de l’adresse du requérant à la date de l’adoption de la décision attaquée.

14      Dans le mémoire en défense déposé au greffe du Tribunal le 24 novembre 2014, le Conseil a déféré à cette demande.

15      Par décision du 3 décembre 2014, le Tribunal a décidé qu’un deuxième échange de mémoires n’était pas nécessaire.

16      Le requérant conclut, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle le concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

17      Le Conseil conclut, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

18      En vertu de l’article 126 de son règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider, sans poursuivre la procédure, de statuer par voie d’ordonnance motivée. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la recevabilité du recours

19      Le Conseil soutient que le recours est irrecevable pour deux motifs. D’une part, il porterait atteinte à l’autorité de chose jugée de l’arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra (EU:T:2013:431). D’autre part, il serait irrecevable rationae temporis.

 Sur l’argument tiré de l’autorité de chose jugée

20      Le Conseil fait valoir que le recours présente une identité de partie, d’objet et de cause avec l’arrêt Maklhouf/Conseil, point 6 supra (EU:T:2013:431). En effet, le Conseil soutient que les parties sont identiques. Il en serait de même concernant l’objet du litige, puisque, dans les deux cas, le recours porte sur la validité de certains actes du Conseil en matière de gel des fonds. Enfin, le Conseil considère que la condition tenant à l’identité de cause est également remplie en raison, d’une part, du fait que les moyens présentés par le requérant dans les deux recours sont les mêmes et que le Tribunal a répondu à l’ensemble de ces moyens dans l’arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra (EU:T:2013:431), et, d’autre part, du fait que la motivation de la décision attaquée est strictement identique à celle retenue dans la décision d’exécution 2011/302 et la décision 2012/739.

21      Il convient de rappeler que la Cour a reconnu l’importance que revêt, tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux, le principe d’autorité de la chose définitivement jugée. En effet, afin de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause (voir arrêts du 30 septembre 2003, Köbler, C‑224/01, Rec, EU:C:2003:513, point 38 et jurisprudence citée, et du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑66/01, Rec, EU:T:2010:255, point 196 et jurisprudence citée).

22      Selon une jurisprudence constante, l’autorité de la chose jugée s’attachant à un arrêt est susceptible de faire obstacle à la recevabilité d’un recours si celui ayant donné lieu à l’arrêt en cause a opposé les mêmes parties, a porté sur le même objet et a été fondé sur les mêmes causes, étant précisé que ces conditions ont nécessairement un caractère cumulatif (voir arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, point 21 supra, EU:T:2010:255, point 197 et jurisprudence citée).

23      En l’espèce, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les conditions tenant à l’identité des parties et de la cause du litige, il convient de relever, en ce qui concerne la condition relative à l’objet du litige, ainsi qu’il ressort de l’article 31 de la décision 2012/739 et de l’article 34 de la décision attaquée, que la décision attaquée ainsi que la décision 2012/739 avaient une durée de validité limitée à une année. Il s’ensuit que si le Conseil, lorsqu’il a maintenu le nom du requérant sur les listes en cause par l’adoption de la décision attaquée, a justifié ce maintien par les mêmes motifs que ceux qui avaient été retenus à son égard dans les actes examinés au fond dans l’arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra (EU:T:2013:431), un tel maintien est néanmoins la conséquence d’un nouvel examen par le Conseil de la situation du requérant (voir, en ce sens, ordonnance du 22 décembre 2014, Al Assad/Conseil, T‑407/13, EU:T:2014:1119, point 83 et jurisprudence citée).

24      Il ressort de ce qui précède que, le critère d’identité d’objet faisant défaut, l’autorité de chose jugée s’attachant à l’arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra (EU:T:2013:431), ne s’oppose pas à la recevabilité du présent recours.

 Sur le point de départ du délai de recours

25      Dans l’exception d’irrecevabilité, le Conseil soutient, tout d’abord, que la requête, déposée au greffe le 20 août 2013 a été introduite tardivement. En effet, le Conseil fait valoir qu’il a procédé à une notification individuelle de la décision attaquée en adressant celle-ci au conseil du requérant le 3 juin 2013, sa réception étant intervenue le 6 juin 2013. Le Conseil considère qu’il a valablement rempli son obligation en matière de notification de la décision attaquée, dès lors que cette dernière a été notifiée au conseil du requérant. La date du 6 juin 2013 constituerait alors le dies a quo du délai de recours en application de l’article 263 TFUE.

26      Dans le mémoire en défense, le Conseil prend toutefois acte de la solution dégagée dans l’arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil (T‑307/12 et T‑408/13, Rec, EU:T:2014:926, points 53 à 79), selon laquelle la notification de la décision attaquée à l’avocat du requérant ne constitue pas un mode de notification valable de ladite décision. Néanmoins, le Conseil invoque deux arguments afin de remettre en cause cette solution. Tout d’abord, il soutient qu’il existe un accord entre lui et les avocats du requérant, au motif que ces derniers ont échangé directement avec lui concernant le litige en cause. Ensuite, le Conseil attire l’attention du Tribunal sur le fait qu’il a procédé ainsi eu égard aux évènements en Syrie, notamment en raison du fait que la continuité des services de la poste syrienne n’a plus été assurée pendant un certain temps.

27      Premièrement, en ce qui concerne l’argument relatif à l’allégation de l’existence d’un accord entre les parties, il convient de rappeler que l’article 263, sixième alinéa, TFUE se réfère à la « notification [de l’acte] au requérant » et non à la notification de l’acte au représentant de celui-ci.

28      Il s’ensuit que, lorsqu’un acte doit faire l’objet d’une notification afin que le délai de recours commence à courir, celui-ci doit en principe être adressé à son destinataire et non aux avocats qui représentent ledit destinataire. En effet, selon la jurisprudence, la notification au représentant d’un requérant ne vaut notification au destinataire que lorsqu’une telle forme de notification est expressément prévue par une règlementation ou par un accord entre les parties (voir arrêt Mayaleh/Conseil, point 25 supra, EU:T:2014:926, point 74 et jurisprudence citée).

29      En l’espèce, il convient de constater que les dispositions figurant à l’article 30, paragraphe 2, de la décision attaquée ne prévoient pas une telle forme de notification dès lors qu’aucune référence explicite n’est faite quant à la possibilité de notifier ladite décision aux représentants de la personne dont le nom est inscrit sur les listes en cause.

30      En outre, s’il est exact que le Conseil et l’un des avocats du requérant ont échangé un certain nombre de courriers relatifs à la procédure administrative concernant la décision attaquée, il y a lieu de constater que ces échanges sont tous postérieurs à l’adoption et à la notification de la décision attaquée. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier que les parties aient procédé antérieurement à des échanges dans un cadre autre que celui de l’instance ayant donné lieu à l’arrêt Maklhouf/Conseil, point 6 supra (EU:T:2013:431). Ces échanges, dans un cadre purement juridictionnel, ne sauraient permettre de considérer qu’un accord a été conclu entre les parties concernant la possibilité de communiquer au requérant les actes le concernant en les adressant à son conseil (voir, par analogie, arrêt Mayaleh/Conseil, point 25 supra, EU:T:2014:926, point 77).

31      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument selon lequel la notification à l’avocat du requérant serait valable en raison de l’état des réseaux postaux et de télécommunication en Syrie, il y a lieu de constater que, si le Conseil invoque l’état des services postaux syriens, il se borne à affirmer que certains courriers de notification lui sont revenus, mais sans préciser pendant quelle période lesdits services ont été interrompus.

32      En outre, il convient de rappeler que le délai pour l’introduction d’un recours en annulation contre un acte imposant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité commence à courir uniquement à partir de la date de la communication de cet acte à l’intéressé (arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, Rec, EU:T:2013:397, point 57). Il y a également lieu de rappeler que le Conseil n’est pas libre de choisir arbitrairement le mode de communication de ses actes aux personnes intéressées, mais qu’une communication indirecte de la décision dont l’annulation est demandée par la publication d’un avis au Journal officiel est admise dans les seuls cas où il est impossible pour le Conseil de procéder à une notification individuelle (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2015, Akhras/Conseil, T‑579/11, sous pourvoi, EU:T:2015:97, point 83 et jurisprudence citée). Or, ainsi qu’il ressort du point 31 ci-dessus, le Conseil n’a pas apporté la preuve de cette impossibilité. À cet égard, la décision attaquée n’a pas été communiquée individuellement au requérant, alors même que le Conseil connaissait son adresse. Dans ces circonstances, le délai pour introduire un recours en annulation devant le Tribunal n’a pas commencé à courir, de sorte que la demande du requérant du 20 août 2013 ne saurait être considérée comme tardive (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, précité, EU:T:2013:397, point 59).

33      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le requérant est recevable à demander l’annulation de la décision attaqué et d’examiner le recours au fond.

 Sur le fond

34      Au soutien du recours, le requérant invoque en substance quatre moyens, tirés, le premier, de la violation des droits de la défense ainsi que du droit à un procès équitable et à une protection juridictionnelle effective, le deuxième, de la violation de l’obligation de motivation, le troisième, d’une erreur d’appréciation et, le quatrième, d’une violation du principe de proportionnalité, du droit de propriété et du droit au respect de la vie privée.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense, ainsi que du droit à un recours équitable et à une protection juridictionnelle effective

35      Le requérant soutient que le Conseil a violé ses droits de la défense et son droit à un procès équitable inscrits aux articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’hommes et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950 (CEDH) et à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Selon lui, les « sanctions » en cause ont été infligées, premièrement, sans qu’il ait été préalablement entendu et, deuxièmement, sans qu’il n’ait eu l’occasion de se défendre, en raison de l’absence de communication des éléments sur la base desquels ces mesures ont été prises.

36      En outre, le requérant fait valoir que l’atteinte à ses droits de la défense et notamment à son droit à être entendu constitue une irrégularité qui n’est pas susceptible d’être régularisée au stade de la procédure devant le Tribunal.

37      Enfin, le requérant soutient que, du fait de l’absence dans la décision attaquée de l’indication des motifs spécifiques et concrets qui justifient celle-ci, il n’a pas été en mis en mesure d’introduire un recours effectif devant le Tribunal.

38      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

39      En l’espèce, il convient de rappeler que le droit fondamental au respect des droits de la défense, au cours d’une procédure précédant l’adoption d’une mesure restrictive est expressément consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 31 et jurisprudence citée).

40      Il y a également lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 CEDH, ce principe ayant par ailleurs été réaffirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 32 et jurisprudence citée).

41      En outre, selon une jurisprudence également constante, l’efficacité du contrôle juridictionnel, qui doit pouvoir porter notamment sur la légalité des motifs sur lesquels s’est fondée une autorité de l’Union pour inscrire le nom d’une personne ou d’une entité sur les listes des destinataires des mesures restrictives adoptées par ladite autorité, implique que cette dernière est tenue de communiquer ces motifs à la personne ou à l’entité concernée, dans la mesure du possible, soit au moment où l’inscription est décidée, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’elle l’a été afin de permettre à ces destinataires l’exercice, dans les délais, de leur droit de recours (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 33 et jurisprudence citée).

42      Le respect de cette obligation de communiquer lesdits motifs est en effet nécessaire tant pour permettre aux destinataires des mesures restrictives de défendre leurs droits dans les meilleurs conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de l’acte de l’Union en cause qui lui incombe en vertu du traité (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 34 et jurisprudence citée).

43      Or, conformément aux exigences posées par la jurisprudence, les règles prévues à l’article 30, paragraphes 2 et 3, de la décision attaquée prévoient en substance que le Conseil doit communiquer sa décision à la personne ou à l’entité concernée, y compris les motifs de l’inscription ou du maintien de son nom sur les listes en cause, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations. Si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme concerné.

44      En premier lieu, s’agissant de l’argument tiré d’une violation du droit à être entendu préalablement à l’adoption de la décision attaquée, il convient de constater que, par ladite décision, le nom du requérant a été maintenu sur la liste comportant les noms des personnes faisant l’objet des mesures restrictives en cause. Partant, le Conseil était en principe tenu d’entendre au préalable le requérant, dès lors que la nécessité que les mesures restrictives bénéficient d’un effet de surprise pour être efficaces n’a été admise par la jurisprudence qu’à l’égard des actes comportant la première inscription du nom d’une personne sur les listes en cause (voir, en ce sens, arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 42 et jurisprudence citée).

45      Toutefois, il ressort de la jurisprudence que le droit d’être entendu préalablement à l’adoption d’actes maintenant des mesures restrictives à l’égard des personnes déjà visées par celles-ci présuppose que le Conseil ait retenu de nouveaux éléments à l’encontre de ces personnes (voir, en ce sens, arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 43 et jurisprudence citée).

46      En l’espèce, il y a lieu de relever que, à l’égard du requérant, la motivation contenue à l’annexe I de la décision attaquée est la même que celle contenue dans la décision d’exécution 2011/302 et que le Conseil n’a donc retenu aucun élément nouveau lorsque le nom du requérant a été maintenu sur la liste en cause (voir, par analogie, arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 44). Dès lors, aucune violation du droit du requérant à être entendu préalablement ne saurait être constatée.

47      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument tiré d’une violation des droits de la défense et du droit d’accès au dossier, il convient tout d’abord de rappeler que le droit du requérant à la communication des éléments à charge, conformément au droit fondamental au respect des droits de la défense, rappelé au point 39 ci-dessus, implique notamment le droit d’accès au dossier. Lorsque des informations suffisamment précises permettant au requérant de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour ce dernier de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande du requérant que le Conseil est tenu de lui donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec, EU:T:2009:401, point 97).

48      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le requérant a demandé, au Conseil, par plusieurs lettres des 6 juin, 18 juillet et 21 août 2013, de lui transmettre les éléments de preuve justifiant le maintien de l’inscription de son nom sur les listes de personnes et entités visées par les mesures restrictives en cause. Le Conseil a répondu à cette demande par lettre du 15 novembre 2013, soit après l’introduction du présent recours.

49      Toutefois, il y a lieu de rappeler que la communication tardive d’un document sur lequel le Conseil s’est fondé pour maintenir les mesures restrictives visant le requérant ne constitue une violation des droits de la défense justifiant l’annulation de la décision attaquée que s’il est établi que les mesures restrictives n’auraient pas pu être maintenues à bon droit si les documents communiqués tardivement devaient être écartés comme élément à charge [voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2013, Persia International Bank/Conseil, T‑493/10, Rec (Extraits), EU:T:2013:398, point 85]. Partant, même à supposer que le Conseil ait communiqué tardivement au requérant certains éléments contenus dans son dossier, cette circonstance ne saurait justifier l’annulation de la décision attaquée que s’il était par ailleurs établi que l’adoption ou le maintien des mesures restrictives visant le requérant ne pouvait pas être justifiée au regard des éléments communiqués à ce dernier en temps utiles, à savoir, au regard des motifs figurants dans la décision attaquée.

50      Or, force est de constater que ni la réponse du Conseil, ni les documents communiqués au requérant, en annexe de cette réponse, ne renferment d’éléments supplémentaires par rapport à la décision attaquée. Dès lors, le fait que le Conseil a tardivement communiqué les éléments de son dossier ne saurait, en tant que tel, aboutir à l’annulation de la décision attaquée.

51      En troisième lieu, concernant la violation de la garantie afférente au droit à une protection juridictionnelle effective, il suffit de constater que la notification de la décision attaquée prévoyait explicitement la possibilité pour les personnes concernées de demander un réexamen par le Conseil de l’inscription de leur nom sur les listes en cause et d’introduire un recours en annulation devant le Tribunal. Dans la mesure où un tel recours a pu être introduit dans les conditions prévues à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE et à l’article 263, quatrième et sixième alinéas, TFUE, la saisine par le requérant du Tribunal permet de démontrer, en l’espèce, que ce dernier disposait bien d’un recours juridictionnel effectif.

52      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit, au sens de l’article 126 du règlement de procédure.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

53      Premièrement, le requérant fait valoir que, en vertu de l’article 296 TFUE, le Conseil est soumis à une obligation générale de motivation des actes qui constitue un corolaire du principe de respect des droits de la défense. À ce titre, la motivation devrait alors faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte en cause.

54      Plus précisément, le requérant soutient que la motivation retenue dans la décision attaquée est vague et générale, puisqu’elle n’indique pas les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil a considéré dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que le requérant devait faire l’objet des mesures restrictives en cause.

55      Selon le requérant, sa seule qualité professionnelle et ses relations ne seraient pas de nature à motiver suffisamment la décision du Conseil. En outre, le requérant fait valoir que les liens familiaux sont insuffisants pour justifier l’inscription de son nom sur les listes en cause dès lors que le Conseil n’a pas démontré que le requérant avait participé de manière directe à la répression en Syrie.

56      Deuxièmement, le requérant ajoute que les motifs figurant à l’annexe I de la décision attaquée ne lui permettent pas de connaître de manière détaillée la nature et la cause de l’accusation portée contre lui et qu’il est donc dans l’impossibilité de se défendre.

57      En outre, le requérant considère que, même dans l’hypothèse où la publication détaillée des griefs ne peut se faire en raison de considérations impérieuses d’intérêt général touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États-membres, il est toutefois nécessaire que la motivation soit spécifique et concrète et portée à sa connaissance.

58      À ce titre, le requérant affirme qu’aucune considération de ce type ne permet de justifier une telle limitation de la publication des motifs et que par ailleurs aucune motivation supplémentaire ne lui a été communiquée.

59      Troisièmement, le requérant souligne que le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important qu’elle constitue l’unique garantie pour le requérant dès lors que ce dernier ne peut pas être entendu au préalable.

60      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

61      Il y a lieu tout d’abord de rappeler, que l’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité d’un tel acte (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 60 et jurisprudence citée).

62      Selon une jurisprudence également constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaitre de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 61 et jurisprudence citée).

63      Cependant, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 64 et jurisprudence citée).

64      Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 65 et jurisprudence citée).

65      En l’espèce, le Conseil fonde l’inscription du nom du requérant sur les deux motifs mentionnés initialement à l’annexe I de la décision d’exécution 2011/302 et repris à l’annexe I de la décision attaquée à savoir : « Frère de Rami Makhlouf et officier de la direction des renseignements généraux ; impliqué dans la répression contre la population civile ».

66      Aux points 71 et 72 de l’arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra (EU:T:2013:431), le Tribunal a constaté que la motivation retenue par le Conseil était suffisamment précise et concrète pour permettre, d’une part, au requérant de comprendre les actes qui lui étaient reprochés et de contester soit la réalité de ces actes soit leur pertinente et, d’autre part, au Tribunal d’exercer son contrôle.

67      Cette même motivation ayant été retenue par le Conseil dans la décision attaquée et le requérant n’ayant présenté aucun argument nouveau à cet égard, il y a donc lieu de constater que, pour les mêmes raisons, ladite décision est motivée à suffisance de droit.

68      Il ressort de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondée au sens de l’article 126 du règlement de procédure.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

69      Le requérant fait valoir que le Conseil a commis une erreur d’appréciation en retenant, comme motif d’inscription de son nom sur les listes en cause, sa qualité d’officier de la direction des renseignements généraux. Or, le requérant soutient qu’il n’a jamais fait partie de ladite direction.

70      En outre, le requérant soutient en substance que la présomption tirée de son lien de parenté ne peut être considérée comme admissible en droit.

71      Enfin, le requérant ajoute qu’aucune enquête ou poursuite n’a été exercée à son encontre alors même que cet élément procédural est déterminant pour pouvoir prononcer des mesures restrictives à son encontre.

72      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

73      Premièrement, concernant l’argument du requérant selon lequel le Conseil était tenu d’ouvrir une enquête ou des poursuites à son encontre avant d’inscrire son nom à l’annexe I de la décision attaquée, il convient de constater que le requérant se fonde sur l’arrêt du 9 septembre 2010, Al-Aqsa/Conseil (T‑348/07, Rec, EU:T:2010:373) qui, d’une part, a été annulé par l’arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa (C‑539/10 P et C‑550/10 P, Rec, EU:C:2012:711), et qui, d’autre part, avait trait à des mesures restrictives adoptées en vertu de la position commune 2001/931/PESC du Conseil, du 27 décembre 2001, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO L 344, p. 93). Ladite position commune établit des conditions différentes de celles contenues dans la décision attaquée pour qu’une personne puisse être visée par des mesures restrictives.

74      En effet, l’article 1er, paragraphe 4 de la position commune 2001/931 prévoit que la liste des personnes visées par les mesures que comporte ladite décision est établie sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrer qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, groupes et entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte, basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse d’une condamnation pour de tels faits.

75      Or, force est de constater, que, en l’espèce, la décision attaquée ne comporte aucune disposition similaire à celle citée au point ci-dessus. Il y a donc lieu de rejeter le premier argument.

76      Deuxièmement, il ressort de la jurisprudence que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux exige notamment que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur les listes de personnes visées par des mesures restrictives, le juge de l’Union s’assure que cette décision repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, Rec, EU:C:2013:518, point 119).

77      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe que les informations ou les éléments produits par l’autorité en question étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée. Si ces éléments ne permettent pas de constater le bien-fondé d’un motif, le juge de l’Union écarte ce dernier en tant que support de la décision d’inscription ou de maintien de l’inscription en cause (arrêt Commission e.a./Kadi, point 76 supra, EU:C:2013:518, points 121 à 123).

78      En l’espèce, concernant le motif d’inscription du nom du requérant à l’annexe I de la décision attaquée relatif au fait que celui-ci est membre de la direction des renseignements généraux, il y a lieu de constater que, au point 84 de l’arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra (EU:T:2013:431), le Tribunal a conclu que le Conseil n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que le requérant était lié au régime en raison de sa qualité d’officier dans l’armée syrienne.

79      Or, en l’espèce, le requérant a fourni exactement les mêmes annexes, les mêmes documents et les mêmes éléments de preuve que ceux qu’il avait fournis dans le cadre de l’instance ayant conduit à l’arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra (EU:T:2013:431). Dès lors, force est de constater que le requérant n’a apporté aucun nouvel élément de preuve permettant de considérer que le Conseil avait conclu à tort qu’il était membre des services de renseignement.

80      Par ailleurs, selon la jurisprudence, il suffit qu’un seul motif d’inscription soit valable pour soutenir les actes en cause (voir, en ce sens, arrêt Commission e.a./Kadi, point 76 supra, EU:C:2013:518, point 119). Dès lors, il n’y a pas lieu d’examiner l’argument du requérant selon lequel le Conseil ne saurait se fonder sur les liens familiaux pour justifier l’inscription du nom de ce dernier sur les listes en cause.

81      Partant, il ressort de ce qui précède que le troisième moyen est manifestement non fondé, au sens de l’article 126 du règlement de procédure.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité, du droit de propriété et du droit au respect de la vie privée

82      En substance, le requérant soutient que le Conseil a violé plusieurs de ses droits fondamentaux, parmi lesquels le droit de propriété et le droit à la vie privée, de même que le principe fondamental de proportionnalité.

83      Premièrement, concernant l’atteinte au principe de proportionnalité, le requérant soutient que les mesures restrictives adoptées à son égard ne sont pas proportionnées aux objectifs poursuivis par le Conseil, consistant à condamner la répression violente exercée contre la population civile syrienne. Ces mesures ne seraient pas davantage conformes au principe fondamental de proportionnalité dès lors que le lien entre le requérant et le régime politique syrien n’est pas suffisamment établi.

84      Deuxièmement, le requérant considère que les mesures restrictives prises à son égard, et notamment le gel de ses fonds, constituent une ingérence dans l’exercice de son droit de propriété et une atteinte disproportionnée à son droit fondamental de disposer librement de ses biens, garanti par l’article 17 de la charte des droits fondamentaux et par l’article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH. En outre, selon le requérant, une telle mesure l’empêcherait de jouir paisiblement de ses biens et de toute réelle liberté économique.

85      Troisièmement, le requérant considère que la décision de gel de fonds dont il fait l’objet est contraire au droit à la vie privée consacré à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux et à l’article 8 CEDH. En effet, une telle mesure l’empêcherait d’assurer à sa famille un niveau de vie comparable à celui dont elle disposait avant l’application de la décision attaquée. Le requérant fait également valoir que cette décision de gel de fonds porte atteinte à sa liberté d’aller et venir et, en cela, porte une atteinte radicale au respect de sa vie privée.

86      Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

87      Il convient tout d’abord de rappeler que le droit de propriété fait partie des principes généraux du droit de l’Union et se trouve consacré par l’article 17 de la charte des droits fondamentaux. En ce qui concerne le droit au respect de la vie privée, l’article 7 de la charte des droits fondamentaux reconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 96 et jurisprudence citée).

88      Or, selon une jurisprudence constante, ces droits fondamentaux ne jouissent pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ces droits, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même de ces droits (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 97 et jurisprudence citée).

89      En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 98 et jurisprudence citée).

90      En l’espèce, le gel de fonds et de ressources économiques imposé par la décision attaquée constitue une mesure conservatoire qui n’est pas censée priver les personnes concernées de leur propriété ou du droit au respect de leur vie privée. Toutefois, les mesures restrictives en cause entraînent incontestablement une restriction de l’usage du droit de propriété et affectent la vie privée du requérant (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 99 et jurisprudence citée).

91      En ce qui concerne le caractère adéquat des mesures en cause au regard d’un objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale que la protection des populations civiles, il apparaît que le gel de fonds, d’avoirs financiers et d’autres ressources économiques ainsi que l’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union concernant les personnes identifiées comme étant impliquées dans le soutien du régime syrien ne saurait, en tant que tel, passer pour inadéquat (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 100 et jurisprudence citée).

92      En ce qui concerne le caractère nécessaire des mesures en cause, il convient de constater que des mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable ou une obligation de justification a posteriori de l’usage des fonds versés, ne permettent pas aussi efficacement d’atteindre l’objectif poursuivi, à savoir l’exercice d’une pression sur les soutiens du régime syrien persécutant des populations civiles, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 101 et jurisprudence citée).

93      De plus, il convient de constater que l’article 28, paragraphes 3 à 11, de la décision attaquée prévoit la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques (voir, par analogie, arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 102 et jurisprudence citée).

94      Concernant le traitement médical évoqué par le requérant, conformément à l’article 27, paragraphe 6, de la décision attaquée, l’autorité compétente d’un État membre peut autoriser l’entrée sur son territoire et l’utilisation des fonds gelés à des fins médicales et humanitaires (voir, par analogie, arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 104 et jurisprudence citée).

95      Enfin, le maintien du nom du requérant dans l’annexe I de la décision attaquée ne saurait être qualifié de disproportionné en raison d’un prétendu caractère potentiellement illimité. En effet, ce maintien fait l’objet d’un réexamen périodique en vue d’assurer que les personnes et entités ne répondant plus aux critères pour figurer dans la liste en cause en soient radiés (voir, par analogie, arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 105 et jurisprudence citée).

96      Il en résulte que, étant donné l’importance primordiale de la protection des populations civiles en Syrie et les dérogations envisagées par la décision attaquée, les restrictions au droit de propriété et au respect de la vie privée du requérant causées par la décision attaquée ne sont pas disproportionnées (voir, par analogie, arrêt Makhlouf/Conseil, point 6 supra, EU:T:2013:431, point 106 et jurisprudence citée).

97      Dès lors, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme manifestement non fondé au sens de l’article 126 du règlement de procédure.

98      Partant, eu égard à ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit, au sens de l’article 126 du règlement de procédure.

 Sur les dépens

99      En vertu de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

2)      M. Eyad Makhlouf est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 1er septembre 2015.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. van der Woude


* Langue de procédure : le français.