Language of document : ECLI:EU:T:2011:733

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

13 décembre 2011(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale Schinken King – Marque nationale verbale antérieure King – Marques nationale et communautaire verbales antérieures Curry King – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b, du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b, du règlement (CE) n° 207/2009] – Obligation de motivation – Article 73 du règlement n° 40/94 [devenu article 75 du règlement n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑61/09,

Meica Ammerländische Fleischwarenfabrik Fritz Meinen GmbH & Co. KG, établie à Edewecht (Allemagne), représentée par Me S. Russlies, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. A. Führer et G. Schneider, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Bösinger Fleischwaren GmbH, établie à Bösingen (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 11 décembre 2008 (affaire R 1049/2007-1), relative à une procédure d’opposition entre Meica Ammerländische Fleischwarenfabrik Fritz Meinen GmbH & Co. KG et Bösinger Fleischwaren GmbH,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, J. Schwarcz et A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 février 2009,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 16 juin 2009,

à la suite de l’audience du 7 septembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 22 mars 2004, Bösinger Fleischwaren GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p.1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Schinken King.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Viandes et charcuteries, également de volaille et de gibier, conserves de viandes et de charcuteries, gelées de viande, produits à base de bouillon de viande, extraits de viande, viandes non périssables ; plats préparés et semi-préparés essentiellement à base de viande et/ou de produits à base de viande ; jambons de sanglier, de chevreuil et de cerf ; pâtes à tartiner, au moins partiellement à base de viande, de charcuterie ou de jambon, pâtés de viandes et de charcuteries ; salades de charcuteries et de viandes ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 8/2005, du 21 février 2005.

5        Le 20 mai 2005, la requérante, Meica Ammerländische Fleischwarenfabrik Fritz Meinen GmbH & Co. KG, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque allemande verbale Curry King, enregistrée le 25 février 1999 sous le numéro 39902969, pour les produits relevant des classes 29 et 30 et correspondant à la description suivante : « Viandes et charcuterie, conserves de viandes et de charcuteries ; gelées de viande, extraits de viande ; plats ou en-cas préparés, prêts à la cuisson ou à la consommation, composés principalement de viande et/ou de charcuterie et/ou de légumes et/ou de champignons et/ou de fruits à coque et/ou de pommes de terre et/ou de choucroute et/ou de fruits préparés, conserves de légumes et de champignons ; sauces à salade ; tous les produits susmentionnés avec curry ou prévus pour une préparation avec curry ; pain, pâtisserie ; sel, moutarde, épices, sauces (à l’exception de sauces à salade) ; pâtisseries fourrées de viande, de charcuterie et/ou de légumes ; tous les produits susmentionnés avec curry ou prévus pour une préparation avec curry » ;

–        la marque allemande verbale King, enregistrée le 15 mars 2004 sous le numéro 30404434 pour les produits relevant des classes 29 et 30 et correspondant à la description suivante : « Viandes et charcuteries, volaille et gibier, également sous forme prête à la consommation, conservée, marinée et congelée ; extraits de viande ; gelées ; conserves alimentaires, en-cas, également pour le four à micro-ondes, composés principalement de viande et de charcuterie ; plats préparés prêts à la cuisson, à être grillés et à la consommation, également pour le four à micro-ondes, composés principalement de viande et de charcuterie, de volaille et de gibier ; charcuteries en croûte ; hot-dogs » ;

–        la marque communautaire verbale Curry King, enregistrée le 25 mai 2004 sous le numéro 2885077 pour les produits relevant des classes 29 et 30 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Salades de viandes et charcuteries, conserves de viandes et de charcuteries, gelées de viande, extraits de viande ; plats ou en-cas prêts à la cuisson ou à la consommation, composés principalement de viande et/ou de charcuterie et/ou de légumes et/ou de champignons et/ou de fruits à coque et/ou de pommes de terre et/ou de choucroute et/ou de fruits préparés ; conserves de légumes et de champignons ; tous les produits susmentionnés avec curry ou prévus pour une préparation avec curry » ;

–        classe 30 : « Pain, pâtisserie ; sel, moutarde, épices ; sauces, sauces à salade ; viandes, charcuteries et/ou pâtisseries fourrées de légumes ; tous les produits susmentionnés avec curry ou prévus pour une préparation avec curry ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009].

8        Le 19 juin 2007, la division d’opposition a rejeté l’opposition, notamment au motif que, s’agissant de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, étant donné les différences entre les signes en conflit sur les plans visuel et phonétique, leur comparaison en partie impossible sur le plan conceptuel et compte tenu du caractère distinctif faible des marques antérieures, un risque de confusion pouvait être exclu en Allemagne et sur le territoire de l’Union européenne. Elle a ajouté que cette appréciation était également valable s’agissant des produits identiques visés par les marques en conflit.

9        Le 6 juillet 2007, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition. Dans ce cadre, la requérante s’est prévalue de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

10      Par décision du 11 décembre 2008 (ci après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a confirmé, en substance, notamment s’agissant de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, les motifs de la décision de la division d’opposition et a rejeté le recours.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      Il convient de relever, à titre liminaire, que la requérante a déclaré, dans ses écritures, ne plus invoquer le motif de refus tiré de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, respectivement, premièrement, de l’appréciation erronée du caractère distinctif des marques antérieures, deuxièmement, de l’appréciation erronée de la similitude entre les signes et, partant, du risque de confusion et, troisièmement, du défaut de motivation de la décision de la chambre de recours en ce qui concerne la similitude des signes. Le Tribunal considère qu’il convient d’examiner, tout d’abord, le troisième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré du défaut de motivation de la décision de la chambre de recours en ce qui concerne la similitude des signes

15      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé l’exigence de motivation prévue à l’article 73, première phrase, du règlement n° 40/94 (devenu article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009) en adhérant aux conclusions de la division d’opposition concernant la similitude entre les signes, sans exposer ses propres motifs et en ne se saisissant pas des griefs de la requérante réfutant les motifs de la décision de la division d’opposition.

16      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

17      En premier lieu, en vertu de l’article 73, première phrase, du règlement nº 40/94, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Selon la jurisprudence, cette obligation a la même portée que celle consacrée par l’article 253 CE et son objectif est de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge communautaire d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 43, et la jurisprudence citée].

18      Il ressort de la même jurisprudence que la question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Mozart, précité, point 44, et la jurisprudence citée).

19      Par ailleurs, il convient de relever que, lorsque la chambre de recours entérine la décision de l’instance inférieure de l’OHMI dans son intégralité, cette décision ainsi que sa motivation font partie du contexte dans lequel la décision de la chambre de recours a été adoptée, contexte qui est connu des parties et qui permet au juge d’exercer pleinement son contrôle de légalité quant au bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours (voir arrêt Mozart, précité, point 47, et la jurisprudence citée).

20      Il y a lieu de relever également que, plus généralement, une décision peut être considérée comme suffisamment motivée lorsqu’elle renvoie expressément à un autre document, transmis au requérant (voir arrêt Mozart, précité, point 48, et la jurisprudence citée).

21      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le bien-fondé du présent moyen.

22      Il convient de constater, à titre liminaire, qu’il ressort clairement du point 17 de la décision attaquée, ainsi que de son point 25 concernant, plus particulièrement, la similitude des signes, que la chambre de recours a fait siens les motifs de la décision de la division d’opposition, lesquels font ainsi partie intégrante de la motivation de la décision attaquée. Compte tenu de la jurisprudence évoquée aux points 19 et 20 ci-dessus, ce renvoi aux motifs de la décision de la division d’opposition antérieurement transmise et parfaitement connue de la requérante n’a rien d’irrégulier, et ce d’autant plus qu’un résumé suffisamment détaillé de la décision de la division d’opposition figure au point 7 de la décision attaquée. Par conséquent et contrairement à ce que fait valoir la requérante, ce renvoi n’est pas, à lui seul, suffisant pour établir l’existence d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée. Il convient donc d’examiner le caractère suffisant de la motivation de la décision attaquée en tenant également compte des motifs de la décision de la division d’opposition auxquels il est renvoyé.

23      Il ressort de la lecture combinée de ces deux décisions que, à l’issue de la comparaison des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, la chambre de recours a considéré qu’ils présentaient des éléments identiques et des différences sur les plans visuel et phonétique, une comparaison sur le plan conceptuel étant en partie impossible. La chambre de recours a conclu que les signes en conflit étaient en partie dissemblables et présentaient en partie une certaine similitude. Cette motivation est, dès lors, suffisante pour atteindre le double objectif de l’obligation de motivation spécifié dans la jurisprudence (voir point 17 ci-dessus).

24      En second lieu, s’agissant de l’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre de recours aurait dû se saisir de ses griefs réfutant les motifs de la décision de la division d’opposition concernant la similitude entre les signes en conflit, il convient de la rejeter.

25      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ne saurait être exigé, d’une manière générale, des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir arrêt Mozart, précité, point 55, et la jurisprudence citée).

26      En l’espèce, la chambre de recours, en faisant siens les motifs de la division d’opposition et en reproduisant un résumé suffisamment détaillé de ceux-ci au point 7 de la décision attaquée, a clairement exposé la motivation qu’elle retenait quant à la comparaison des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel ainsi que la conclusion qu’elle retenait quant à la similitude des signes en conflit (voir points 22 et 23 ci-dessus). Il convient de considérer qu’elle a, dès lors, implicitement rejeté les arguments de la requérante à cet égard.

27      Il ressort de tout ce qui précède que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la décision attaquée est motivée à suffisance de droit. Partant, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’appréciation erronée de la similitude entre les signes et, partant, du risque de confusion

28      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en procédant à une appréciation erronée de la similitude entre les signes et, partant, du risque de confusion.

29      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

30      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009], il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

31      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

32      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union européenne, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 n’existe que dans une partie de l’Union européenne [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T-103/03, Rec. p. II‑5409, point 76, et la jurisprudence citée].

33      Il convient de relever, à titre liminaire, qu’il ressort du dossier de procédure devant la chambre de recours, déposé auprès du Tribunal, et de la décision de la division d’opposition que l’opposition n’était dirigée que contre les produits relevant de la classe 29. La chambre de recours a d’ailleurs confirmé les motifs de la décision de la division d’opposition dans lesquels étaient comparés les produits visés par la marque demandée relevant de la classe 29 et les produits visés par les marques antérieures Curry King. En réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, la requérante et l’OHMI ont confirmé que l’opposition n’était pas dirigée contre les produits visés par la marque demandée et relevant de la classe 30, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience. C’est à tort, dès lors, que la chambre de recours a indiqué, au point 4, que l’opposition était dirigée contre tous les produits visés par la marque demandée.

34      Par ailleurs, il y a lieu de relever que la chambre de recours n’a pas distingué, dans son appréciation, selon que l’opposition était fondée sur l’une ou l’autre des marques antérieures. Toutefois, la requérante, d’une part, ayant bâti son argumentation dans ce deuxième moyen sur l’opposition en ce qu’elle était fondée sur la marque antérieure Curry King, sans distinguer entre les marques allemande et communautaire, et, d’autre part, ayant indiqué que les consommateurs allemands pouvaient être pris en considération en tant que public géographique pertinent, il y a lieu d’examiner, tout d’abord, la décision attaquée en ce qu’elle porte sur l’opposition fondée sur la marque allemande antérieure Curry King.

 Sur le public pertinent

35      Dans la mesure où la marque antérieure Curry King est une marque allemande, le territoire au regard duquel le risque de confusion doit être apprécié est celui de l’Allemagne.

36      La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion en n’opérant aucune constatation quant au degré d’attention du consommateur moyen lors de l’achat de viandes et de charcuteries en cause en l’espèce, alors que pour les produits en cause, destinés aux besoins quotidiens, il serait moindre, ce qui augmenterait le risque de confusion.

37      Selon l’OHMI, le niveau d’attention du consommateur lors de l’achat des produits de consommation courante en cause en l’espèce n’est ni faible ni élevé, mais moyen.

38      À cet égard, comme la requérante le fait valoir à juste titre, force est de constater que ni la chambre de recours ni la division d’opposition n’ont défini un degré particulier d’attention du public pertinent.

39      Il est de jurisprudence constante que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

40      En l’espèce, compte tenu de la nature des produits concernés, à savoir des produits alimentaires de consommation courante, il y a lieu de considérer que le public pertinent se compose de consommateurs moyens normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés, de sorte que l’attention du public pertinent ne saurait être considérée comme étant inférieure à celle dont le public ferait preuve, de manière générale, en matière d’achats de produits de consommation courante.

 Sur la comparaison des produits

41      En l’espèce, la chambre de recours a précisé, au point 21 de la décision attaquée, que l’identité ou la grande similitude des produits visés par les marques en conflit n’étaient pas contestées. Il convient de confirmer cette constatation, laquelle n’est pas remise en cause par les parties devant le Tribunal.

 Sur la comparaison des signes

42      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

43      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, à l’issue de la comparaison des signes en conflit, qu’ils présentaient des éléments identiques et des différences sur les plans visuel et phonétique, une comparaison sur le plan conceptuel étant en partie impossible, et elle a conclu que les signes en conflit étaient en partie dissemblables et présentaient en partie une certaine similitude (voir point 23 ci-dessus). Il ressort, en outre, de la lecture combinée de la décision de la division d’opposition et de la décision attaquée que l’ensemble des éléments composant les marques en conflit ont été pris en considération lors de la comparaison des signes.

44      La requérante soutient que, dans le cadre de la comparaison des signes, la chambre de recours aurait dû déterminer les éléments distinctifs et dominants des marques en conflit Schinken King et Curry King et conclure que l’élément « king » constituait l’élément dominant, identique, des marques en conflit. En outre, il résulterait un degré très élevé de similitude entre les signes en conflit du fait de l’identité de leur structure, la première place dans ces signes étant occupée par l’élément principal déterminant un goût.

45      L’OHMI prétend que la chambre de recours a admis à juste titre l’inexistence d’un rapport de force entre les caractères distinctifs des différents éléments constitutifs des marques antérieures Curry King et a envisagé un caractère distinctif pareillement faible des deux éléments. Par conséquent, la structure identique des marques Curry King et Schinken King ne permettrait pas de conclure à un degré supérieur de similitude des signes en conflit.

46      Premièrement, s’agissant de la marque demandée et de la marque allemande antérieure Curry King, il convient de considérer que, contrairement aux affirmations de la requérante, il y a lieu de prendre en considération l’ensemble des éléments composant les signes en conflit.

47      Certes, les termes « schinken » et « curry », dont le sens peut être compris par des consommateurs allemands, peuvent être considérés comme descriptifs par rapport aux produits visés par les marques en cause, ce qui n’est pas le cas du mot « king », comme le fait valoir à juste titre la requérante. Cependant, au vu de la place en début de signe des éléments « curry » et « schinken », respectivement dans la marque allemande antérieure Curry King et dans la marque demandée, et au vu de la longueur de ces éléments par rapport aux marques prises dans leur ensemble, lesdits éléments ne peuvent être négligés au point que l’élément « king » puisse être considéré comme dominant dans la marque allemande antérieure Curry King et dans la marque demandée. Dès lors, il y a lieu de considérer qu’aucun des éléments verbaux de la marque allemande antérieure Curry King et de la marque demandée ne saurait être considéré comme étant dominant ou négligeable. C’est donc l’impression d’ensemble produite par ces deux signes qui doit être prise en compte.

48      Deuxièmement, s’agissant de la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel, la chambre de recours a estimé à juste titre que la marque allemande antérieure Curry King et la marque demandée présentent des différences liées à la présence des éléments « curry » et « schinken », placés de surcroît au début des signes en conflit, et donc vus en premier lieu, avant l’élément « king ». En revanche, l’appréciation de la division d’opposition, entérinée par la chambre de recours, selon laquelle la marque demandée est composée de deux mots de langues différentes n’est pas déterminante afin de conclure à une différence entre les signes en conflit, le mot « curry » étant entré dans le vocabulaire allemand et parfaitement connu par le consommateur allemand, ce que l’OHMI a confirmé lors de l’audience. Par ailleurs, la chambre de recours a relevé à juste titre que le mot « king », commun aux deux marques en conflit, confère un élément d’identité entre celles-ci. En outre, ainsi que le fait valoir à bon droit la requérante, la structure des signes en conflit leur confère une certaine similitude visuelle, dans la mesure où ils sont tous les deux composés de deux éléments, celui situé en première place indiquant une saveur et celui situé en seconde place étant identique. De surcroît, il peut être relevé que, étant donné que les marques en conflit sont des marques verbales, elles sont écrites d’une façon non stylisée aux fins de leur appréciation visuelle. Dans ces conditions, même si, comme la chambre de recours l’a relevé, les signes en conflit présentent des différences, il convient de considérer qu’il existe une certaine similitude visuelle entre eux.

49      Sur le plan phonétique, la chambre de recours a estimé à juste titre que la marque allemande antérieure Curry King et la marque demandée présentent des différences liées à la présence des éléments « curry » et « schinken », placés de surcroît en première place des signes en conflit et prononcés en premier lieu, avant l’élément « king ». En revanche, le mot « king », commun aux deux marques, confère, comme la chambre de recours l’a relevé à bon droit, un élément d’identité entre les marques en conflit, auquel s’ajoute une similitude liée au nombre égal de syllabes desdites marques. Partant, les différences entre les signes en conflit ne sont pas suffisantes pour constater qu’ils ne sont pas similaires sur le plan phonétique.

50      Sur le plan conceptuel, il convient de rappeler que l’élément « curry » est entré dans le vocabulaire allemand et parfaitement connu par le consommateur allemand, ce que l’OHMI a confirmé lors de l’audience, et désigne une préparation d’épices indienne. Quant à l’élément « schinken », il s’agit d’un mot allemand désignant une partie comestible d’un animal. Même s’il est vrai que les premiers éléments de chacune des marques en cause, à savoir « curry » et « schinken », sont conceptuellement différents, il n’en reste pas moins qu’ils renvoient tous les deux au secteur de l’alimentation et qu’ils ne sont pas antinomiques. S’agissant du terme « king », présent dans les marques en cause, qu’il soit compris par le public allemand dans le sens de « l’individu le plus considéré au sein d’un groupe », ainsi que la chambre de recours l’a estimé (point 7 de la décision attaquée), ou comme référence à un monarque, comme la requérante l’a soutenu lors de l’audience, le public pertinent le comprendra de la même manière au regard des signes en conflit. Dans ce contexte, contrairement à l’appréciation de la chambre de recours, entérinant celle de la division d’opposition à cet égard, il convient de retenir l’existence d’une certaine similitude sur le plan conceptuel entre la marque allemande antérieure Curry King et la marque demandée.

51      Il ressort des considérations qui précèdent que la marque allemande antérieure Curry King présente une similitude d’ensemble moyenne avec la marque demandée. À cet égard, bien que les signes en conflit aient été comparés sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a tiré aucune conclusion quant au degré de similitude desdits signes d’un point de vue global. Toutefois, il convient de considérer que, la chambre de recours ayant procédé à l’appréciation globale du risque de confusion et ayant conclu à l’inexistence d’un tel risque du fait du caractère distinctif faible des marques antérieures, et non pas en raison d’une absence de similitude des signes en conflit, la chambre de recours a considéré implicitement que les marques en conflit présentaient une certaine similitude, ce dont l’OHMI a convenu lors de l’audience. Par conséquent, il convient d’examiner si son appréciation globale du risque de confusion en l’espèce est entachée d’une erreur, comme le soutient la requérante.

 Sur le risque de confusion

52      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt VENADO avec cadre e.a., précité, point 74].

53      Par ailleurs, la reconnaissance d’un caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas de constater l’existence d’un risque de confusion. En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213, point 70, et la jurisprudence citée].

54      En l’espèce, la chambre de recours a conclu, au point 26 de la décision attaquée, lu en combinaison avec les points 7, 17 et 22 de ladite décision, que, dans le cadre d’une appréciation globale, un risque de confusion était exclu, dans la mesure où, même si certains produits en cause étaient identiques, les marques antérieures présentaient un caractère distinctif faible.

55      La requérante fait valoir que la chambre de recours a conclu à tort à l’absence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, en se méprenant sur le degré de similitude des signes requis. Les marques en conflit seraient en l’espèce si similaires qu’elles constitueraient des variantes susceptibles d’être confondues. Au vu de l’identité ou de la similitude élevée des produits en l’espèce, destinés à des besoins quotidiens, l’identité de l’élément dominant « king » aboutirait, quand bien même il aurait un faible caractère distinctif, à ce que le public considère que les produits en cause désignés par les marques Schinken King et Curry King sont des variantes gustatives de produits ayant la même origine commerciale.

56      L’OHMI approuve la chambre de recours en ce qu’elle a considéré que, les deux éléments constitutifs des marques antérieures étant dans une même mesure faiblement distinctifs, lesdites marques constituent, dans leur ensemble, des signes intrinsèquement peu distinctifs. Par conséquent, selon l’OHMI, le public concerné n’associera pas à la requérante des produits désignés par des signes contenant notamment l’élément « king », véhiculant un contenu essentiellement laudatif, et se tournera vers les autres éléments du signe.

57      Tout d’abord, il convient de constater, que, même si la chambre de recours a considéré, au point 18 de la décision attaquée, que le risque de confusion devait être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, elle n’a fait aucune référence au public pertinent dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, comme la requérante le soutient à juste titre.

58      Ensuite, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours a considéré à bon droit, au point 21 de la décision attaquée, que les produits en cause sont identiques ou très similaires. Dès lors, à supposer même que la chambre de recours n’ait retenu qu’une similitude faible des signes en cause, et non moyenne comme le Tribunal l’a conclu (voir point 51 ci-dessus), ainsi qu’un degré d’attention moyen du public pertinent, comme le soutient l’OHMI, elle aurait dû néanmoins conclure, conformément à la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, à l’existence d’un risque de confusion entre la marque allemande antérieure Curry King et la marque demandée Schinken King. Il convient de rappeler, en effet, que, comme la requérante le fait valoir, selon une jurisprudence constante, citée au point 31 ci-dessus, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. En l’espèce, il est concevable que le public pertinent considère les produits désignés par les marques en conflit comme appartenant, éventuellement, à des gammes de produits distinctes, mais provenant, toutefois, de la même entreprise ou d’une entreprise avec laquelle l’entreprise titulaire de la marque allemande antérieure Curry King aurait un lien économique.

59      Cette conclusion ne peut pas être remise en cause par l’appréciation de la chambre de recours, au point 26 de la décision attaquée, lu en combinaison avec les points 7, 17 et 22 de ladite décision, selon laquelle le caractère distinctif intrinsèque des marques antérieures, et notamment de la marque Curry King, est faible. En effet, conformément à la jurisprudence rappelée au point 53 ci-dessus, à supposer même que la marque antérieure Curry King puisse être considérée comme faiblement distinctive, le degré de similitude entre les produits désignés par les marques en conflit, en l’espèce, ainsi que le degré de similitude entre lesdites marques, considérés cumulativement, s’avèrent suffisamment élevés pour pouvoir conclure à l’existence d’un risque de confusion.

60      Enfin, il convient de constater que la chambre de recours a suivi le même raisonnement afin d’apprécier le risque de confusion s’agissant de l’opposition en ce qu’elle était fondée sur la marque allemande antérieure King et sur la marque communautaire antérieure Curry King. À cet égard, elle n’a pas défini des degrés de similitude des produits en cause différents selon les marques antérieures concernées. En outre, elle n’a pas retenu une similitude moindre des signes en conflit en ce qui concerne la comparaison de la marque allemande antérieure King et de la marque communautaire antérieure Curry King avec la marque demandée. Elle a, au contraire, retenu une certaine similitude sur le plan conceptuel s’agissant de la comparaison de la marque allemande antérieure King et de la marque demandée. La chambre de recours a, dès lors, également commis une erreur en excluant tout risque de confusion s’agissant de l’opposition en ce qu’elle était fondée sur la marque allemande antérieure King et sur la marque communautaire antérieure Curry King.

61      Il y a lieu d’ajouter qu’une solution comme celle retenue par la chambre de recours aurait pour effet de neutraliser le facteur tiré de la similitude des marques au profit de celui fondé sur le caractère distinctif de la marque antérieure, auquel serait accordée une importance excessive. Il en résulterait que, dès lors que la marque antérieure n’est dotée que d’un faible caractère distinctif, un risque de confusion n’existerait qu’en cas de reproduction complète de celle-ci par la marque dont l’enregistrement est demandé, et ce quel que soit le degré de similitude des signes en cause. Un tel résultat ne serait toutefois pas conforme à la nature même de l’appréciation globale que les autorités compétentes sont chargées d’entreprendre en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b, du règlement n° 40/94 (arrêt de la Cour du 15 mars 2007, T.I.M.E. ART/ OHMI, C‑171/06 P, non publié au Recueil, point 41). Il découle de ce qui précède, en outre, que, s’agissant de l’opposition en ce qu’elle était fondée sur la marque antérieure allemande King, la chambre de recours devait, à plus forte raison, conclure à l’existence d’un risque de confusion.

62      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à tort que la chambre de recours a conclu dans la décision attaquée à l’absence d’un risque de confusion entre les marques en conflit au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et que, partant, le deuxième moyen est fondé.

63      Il s’ensuit que la décision attaquée a été adoptée en violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et doit donc être annulée, sans qu’il y ait lieu d’examiner le premier moyen d’annulation soulevé par la requérante.

 Sur les dépens

64      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, l’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter les dépens exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 11 décembre 2008 (affaire R 1049/2007‑1) est annulée.

2)      L’OHMI est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par Meica Ammerländische Fleischwarenfabrik Fritz Meinen GmbH & Co. KG.

Forwood

Schwarcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.